Procédure orale devant le Tribunal judiciaire: la procédure sans audience

Bien que l’audience soit le moment qui permet d’humaniser et de conférer un caractère solennel à la procédure, de nombreux dossiers sont déposés sans être plaidés.

Cette pratique des dépôts de dossier par les avocats a, dans un premier temps, été officialisée par le décret n°2005-1678 du 28 décembre 2005 afin de limiter la durée des audiences.

Puis la réforme opérée par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a généralisé la procédure sans audience devant le Tribunal judiciaire.

Cette innovation est issue de la proposition 17 formulée dans le rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile.

Ce rapport, issu d’un groupe de travail dirigé par Frédéric Agostini, Présidente du Tribunal de grande instance de Melun et par Nicolas Molfessis, Professeur de droit, comportait 30 propositions « pour une justice civile de première instance modernisée ».

Au nombre de ces propositions figurait celle appelant à « Permettre au juge de statuer sans

audience, dès lors que les parties en seront d’accord». Cette proposition vise à fluidifier le circuit procédural et à permettre de libérer des dates d’audience.

Désormais le principe est donc que les parties peuvent à tout moment de la procédure demander à ce que la procédure se déroule, devant le Tribunal judiciaire, sans audience. Ce principe est toutefois assorti d’une exception.

?Principe

L’article L. 212-5-1 du Code de l’organisation judiciaire dispose que « devant le tribunal judiciaire, la procédure peut, à l’initiative des parties lorsqu’elles en sont expressément d’accord, se dérouler sans audience. En ce cas, elle est exclusivement écrite. »

L’article 828 du CPC précise que, en procédure orale, la mise en œuvre de cette procédure sans audience peut intervenir « à tout moment de la procédure ».

Pour que la procédure se déroule sans audience encore faut-il que les deux parties soient d’accord, étant précisé que l’exercice de cette faculté est irréversible.

C’est la raison pour laquelle, il pourrait être imprudent pour le demandeur de l’exercer au stade de l’introduction de l’instance.

Reste que si les parties en expriment la volonté, elles devront, à défaut de plaider leur cause à l’oral devant le Juge, formuler leurs prétentions et leurs moyens par écrit.

C’est donc là, une dérogation au principe de l’oralité qui préside à la procédure orale.

?Formalisme

Sur la forme, l’article 829 du CPC prévoit que lorsqu’elle est formulée en cours d’instance, la déclaration par laquelle chacune des parties consent au déroulement de la procédure sans audience est remise ou adressée au greffe et comporte à peine de nullité :

  • Pour les personnes physiques : l’indication des nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;
  • Pour les personnes morales : l’indication de leur forme, leur dénomination, leur siège social et de l’organe qui les représente légalement ;

Cette déclaration doit être écrite, datée et signée de la main de son auteur. Celui-ci doit lui annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature.

?Exception

Le dernier alinéa de l’article 828 du CPC assortit la faculté pour les parties de demander que la procédure se déroule sans audience d’une limite.

Il prévoit, en effet, que « le tribunal peut décider de tenir une audience s’il estime qu’il n’est pas possible de rendre une décision au regard des preuves écrites ou si l’une des parties en fait la demande. »

Ainsi, quelle que soit la procédure, la formation de jugement, dans le cadre de son délibéré,

peut toujours décider, au regard des pièces ou si une partie lui demande, que la tenue d’une audience s’impose, en ordonnant une réouverture des débats sur le fondement de l’article 444 du code de procédure civile.

Le jugement rendu à l’issue de la procédure sans audience est contradictoire.

Les chambres de proximité, chambres détachées du Tribunal judiciaire: statut et compétences

La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a opéré une réorganisation des juridictions relevant de l’ordre judiciaire, laquelle s’est notamment traduite par la fusion des Tribunaux de grande instance et des Tribunaux d’instance.

De cette fusion est né le Tribunal judiciaire, dont la création répond à la nécessité de simplifier l’organisation de la première instance pour le justiciable qui ne connaîtra désormais plus qu’une seule juridiction, avec une seule procédure de saisine.

La disparition des tribunaux d’instance, comme juridictions autonomes, ne s’est toutefois pas accompagnée d’une suppression des sites qui ne se situaient pas dans la même ville que le Tribunal de grande instance. Le maillage des lieux de justice est conservé.

En effet, les tribunaux d’instance deviennent des chambres détachées du Tribunal judiciaire, l’objectif recherché par le législateur étant d’assurer une justice de proximité pour les contentieux du quotidien.

I) Articulation entre le Tribunal judiciaire et les chambres de proximité

L’article L. 212-8 du Code de l’organisation judiciaire prévoit que « le tribunal judiciaire peut comprendre, en dehors de son siège, des chambres de proximité dénommées “tribunaux de proximité”, dont le siège et le ressort ainsi que les compétences matérielles sont fixées par décret ».

Il ressort de cette disposition que deux situations sont susceptibles de se rencontrer :

==> Première situation : le Tribunal de grande instance et le Tribunal d’instance étaient situés dans la même ville

En pareil cas, la fusion du Tribunal de grande et du Tribunal d’instance ne donne pas lieu à la création d’une chambre de proximité.

La seule « juridiction » créée est le Tribunal judiciaire qui est investi de toutes les compétences autrefois dévolues aux TGI et au TI.

==> Seconde situation : le Tribunal de grande instance et le Tribunal d’instance étaient situés dans des villes différentes

Dans cette hypothèse, tandis que le Tribunal de grande instance devient le Tribunal judiciaire, le Tribunal d’instance devient une chambre de proximité dénommée encore « Tribunal de proximité ».

Ainsi le Tribunal d’instance ne disparaît pas vraiment, il se transforme seulement en une sorte de « sous-juridiction » du Tribunal judiciaire ; c’est une chambre détachée.

II) La compétence des chambres de proximité

A) La compétence territoriale

Des chambres de proximités sont donc créées dans les villes qui accueillaient seulement des Tribunaux d’instance.

Le siège et le ressort de ces chambres de proximité ont été fixés par le décret n° 2019-914 du 30 août 2019 qui insère, en annexe du Code de l’organisation judiciaire, un tableau IV accessible à partir du lien suivant :

Compétence territoriale

B) La compétence matérielle

Les compétences matérielles des chambres de proximité peuvent avoir deux sources :

  • La loi
  • La décision du chef de juridiction
  1. Les compétences dévolues par la loi aux chambres de proximité

À l’examen, il apparaît que les compétences dévolues par la loi aux chambres de proximité relèvent de deux corpus distincts :

==> Les compétences dévolues spécifiquement aux chambres de proximité

À l’instar de la compétence territoriale, la compétence matérielle des chambres de proximité a été fixée, en application de l’article L. 212-8 du Code de l’organisation judiciaire, par le décret n° 2019-914 du 30 août 2019 selon les tableaux IV-II et IV-III qui figurent en annexe du Code :

Tableau IV-II

Compétences communes à toutes les chambres de proximité

Tableau IV-III

Compétences spécifiques à certaines chambres de proximité

Les compétences ainsi définies sont propres aux chambres de proximité. Elles correspondent à la première partie du socle de compétences anciennement attribuées aux tribunaux d’instance.

La seconde partie se retrouve dans les compétences qui ont été attribuées par le législateur au juge des contentieux de la protection dont la fonction a été créée par la loi n°2019-221 du 23 mars 2019 relative au renforcement de l’organisation des juridictions

==> Les compétences dévolues au Juge des contentieux de la protection

Le juge de contentieux de la protection a été créé afin de connaître des contentieux relevant des problématiques liées à la vulnérabilité économique et sociale et touchant à un ordre public de protection.

À cet égard, l’article L. 213-4-1 du COJ prévoit que « au sein du tribunal judiciaire, un ou plusieurs juges exercent les fonctions de juge des contentieux de la protection ».

Si la juridiction de rattachement du Juge des contentieux de la protection est donc le Tribunal judiciaire, il a également vocation à siéger au sein des chambres de proximité.

L’article R. 213-9-6 dispose en ce sens que « les juges des contentieux de la protection exercent leurs compétences dans le ressort des tribunaux judiciaires ou, le cas échéant, des chambres de proximité dont ils relèvent. »

La compétence des chambres de proximité est donc étendue aux attributions du Juge des contentieux de la protection qui connaît :

  • De la sauvegarde de justice, de la curatelle, de la tutelle des majeurs et de la mesure d’accompagnement judiciaire ;
  • Des actions relatives à l’exercice du mandat de protection future ;
  • Des demandes formées par un époux, lorsque son conjoint est hors d’état de manifester sa volonté, aux fins d’être autorisé à passer seul un acte pour lequel le concours ou le consentement de ce dernier serait nécessaire, ou aux fins d’être habilité à le représenter
  • De la constatation de la présomption d’absence ;
  • Des demandes de désignation d’une personne habilitée et des actions relatives à l’habilitation familiale prévue à la section 6 du chapitre II du titre XI du livre Ier du code civil.
  • Des actions tendant à l’expulsion des personnes qui occupent aux fins d’habitation des immeubles bâtis sans droit ni titre.
  • Des actions dont un contrat de louage d’immeubles à usage d’habitation ou un contrat portant sur l’occupation d’un logement est l’objet, la cause ou l’occasion ainsi que des actions relatives à l’application de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement.
  • Des actions relatives aux crédits à la consommation
  • Des actions relatives à l’inscription et à la radiation sur le fichier national recensant les informations sur les incidents de paiement caractérisés liés aux crédits accordés aux personnes physiques pour des besoins non professionnels
  • Des mesures de traitement des situations de surendettement des particuliers et de la procédure de rétablissement personnel.

Au bilan, le socle de compétence des juridictions de proximité correspond très sensiblement au périmètre d’attribution des anciens Tribunaux d’instance.

2. Les compétences confiées par le chef de juridiction

Pour optimiser le traitement des contentieux et s’adapter au mieux à la situation de chaque ressort, les chefs de cour peuvent, dans les villes où il n’existait qu’un tribunal d’instance, lui confier d’autres contentieux.

L’article L. 212-8 du COJ dispose en ce sens que les chambres de proximité « peuvent se voir attribuer, dans les limites de leur ressort, des compétences matérielles supplémentaires, par une décision conjointe du premier président de la cour d’appel et du procureur général près cette cour, après avis des chefs de juridiction et consultation du conseil de juridiction concernés. »

L’ajout de compétences peut porter sur toute matière civile ou pénale relevant de la compétence du Tribunal judiciaire.

La mesure ainsi envisagée vise à renforcer, lorsqu’elle est jugée pertinente localement, la proximité de la justice du quotidien.