Si, en application de l’article 1359 du Code civil, la production d’un écrit n’est exigée comme mode de preuve que pour les seuls actes juridiques, tous les actes juridiques ne sont pas visés par cette exigence.
1. Les actes juridiques visés par l’exigence de preuve par écrit
Pour être soumis à l’exigence de preuve par écrit, l’acte dont la preuve doit être rapportée doit répondre à deux conditions cumulatives :
- D’une part, il doit endosser la qualification d’acte juridique
- D’autre part, il doit porter sur une somme ou une valeur excédant un montant fixé par décret
a. La qualification d’acte juridique
i. Les éléments de la qualification d’acte juridique
Les actes juridiques sont définis à l’article 1100-1 du Code civil comme « des manifestations de volonté destinées à produire des effets de droit. »
Il ressort de cette définition que les actes juridiques sont la conjonction de deux éléments : une manifestation de volonté et la production d’effets de droit voulus :
- Des manifestations de volonté
- L’acte juridique suppose l’extériorisation d’une intention en vue de générer des conséquences juridiques.
- L’acte juridique repose donc sur la manifestation de volonté de son auteur, lequel recherche la production d’effets de droit
- Exemple : un contrat, une démission, une déclaration de naissance, l’acceptation d’une succession etc.
- Comme souligné par Gérard Cornu dans l’avant-projet de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription, « fondamentalement, tous les actes juridiques se caractérisent, comme actes volontaires, par la direction que prend la volonté (car les faits juridiques peuvent aussi être volontaires). »
- Reste que dans l’acte juridique, « la volonté est toujours tendue vers l’effet de droit consciemment perçu et recherché par son auteur (ce que traduisent les mots-clé « destinés », « en vue »). »
- À cet égard, l’acte juridique peut résulter de l’expression d’une pluralité de volontés ou d’une volonté unique.
- Dans le premier cas l’acte sera conventionnel, tandis que dans le second cas il sera unilatéral.
- L’article 1100-1 du Code civil précise en ce sens que les actes juridiques peuvent être « conventionnels ou unilatéraux ».
- Les actes juridiques conventionnels
- Les actes juridiques conventionnels forment la catégorie des contrats.
- Par contrat, il faut entendre, selon l’article 1101 du Code civil, « un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destinées à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations. »
- L’un des éléments essentiels qui caractérise le contrat est d’être le produit d’un accord d’au moins deux volontés.
- Quand bien même le contrat ne crée d’obligations qu’à la charge d’une seule partie, ce qui pourrait inciter à le classer dans la catégorie des actes unilatéraux, il requiert toujours la rencontre de plusieurs volontés.
- Aussi, on qualifie d’unilatéral un contrat, non pas parce qu’il est le produit d’une manifestation unilatérale de volonté, mais parce que, en pareil cas, une seule partie s’oblige sans qu’il y ait d’engagement réciproque de l’autre partie.
- L’article 1106 du Code civil pose en ce sens que :
- Le contrat est synallagmatique lorsque les contractants s’obligent réciproquement les uns envers les autres.
- Il est unilatéral lorsqu’une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres sans qu’il y ait d’engagement réciproque de celles-ci.
- Les actes juridiques unilatéraux
- Contrairement à l’acte juridique conventionnel, l’acte juridique unilatéral n’est défini par aucune disposition du Code civil.
- L’avant-projet de réforme du droit des obligations avait pourtant proposé de le définir comme « un acte accompli par une seule ou plusieurs personnes unies dans la considération d’un même intérêt en vue de produire des effets de droit dans les cas admis par la loi ou par l’usage. »
- Il ressort de cette définition que l’acte unilatéral se distingue de l’acte conventionnel en deux points :
- En premier lieu, il n’est pas le produit d’une rencontre de plusieurs volontés, mais la manifestation d’une volonté unique.
- En second lieu, l’acte unilatéral est établi « dans la considération d’un même intérêt », alors que l’acte conventionnel est porteur d’une pluralité d’intérêts divergents ou opposés.
- Les actes juridiques conventionnels
- La production d’effets de droit voulus
- Une manifestation de volonté ne suffit pas à créer un acte juridique, il faut encore que cette volonté soit exprimée en vue de produire des effets de droit.
- Autrement dit, il faut que le ou les auteurs de l’acte aient intentionnellement recherché des conséquences juridiques.
- Lorsque, par exemple, deux personnes décident de conclure un contrat, les obligations stipulées dans cet acte conventionnel sont toujours voulues.
- La volonté de produire des effets de droit est également présente lorsqu’un salarié décide de démissionner de ses fonctions ou lorsqu’un héritier accepte une succession.
- C’est là une différence fondamentale avec les faits juridiques dont les conséquences juridiques ne sont jamais voulues.
- À cet égard, selon que l’acte juridique est conventionnel ou unilatéral, les effets produits sont différents.
- Effectivement, ce qui fondamentalement distingue l’acte juridique unilatéral de l’acte juridique conventionnel, c’est qu’il n’est jamais générateur d’obligations.
- Il ne produit que quatre sortes d’effets de droit :
- Un effet déclaratif : la reconnaissance de paternité
- Un effet translatif : le testament
- Un effet abdicatif : la renonciation, la démission
- Un effet extinctif : la résiliation
- Il peut être relevé le cas particulier de l’engagement unilatéral de volonté :
- À la différence de l’acte juridique unilatéral, l’engagement unilatéral de volonté est générateur d’obligations
- À la différence du contrat unilatéral, la validité de l’engagement unilatéral de volonté n’est pas subordonnée à l’acceptation du créancier de l’obligation
- Compte tenu des caractéristiques de l’engagement unilatéral de volonté, la question s’est posée de savoir s’il pouvait être classé parmi les actes juridiques.
- Le rapport au Président de la République dont est assortie l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 a répondu positivement à cette question en indiquant que « en précisant que l’acte juridique peut être conventionnel ou unilatéral, [cela] inclut l’engagement unilatéral de volonté, catégorie d’acte unilatéral créant, par la seule volonté de son auteur, une obligation à la charge de celui-ci ».
ii. La mise en œuvre de la qualification d’acte juridique
Bien que les actes juridiques bénéficient depuis l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 d’une définition, l’exigence de la preuve par écrit soulève un certain nombre de difficultés qui tiennent, tantôt à la nature de l’acte en cause, tantôt à la qualification même d’acte juridique.
==>Les difficultés qui tiennent à la nature de l’acte
S’il ne fait aucun doute que les actes juridiques conventionnels sont tous soumis à l’exigence de preuve par écrit, le doute est permis s’agissant des actes juridiques unilatéraux.
En effet, l’article 1359 du Code civil relève d’un chapitre dédié à l’admissibilité des modes de preuve, lequel chapitre relève d’un titre consacré à la preuve des obligations.
La question qui immédiatement se pose est alors de savoir si seuls les actes juridiques créateurs d’obligations sont soumis à l’exigence de preuve par écrit.
Dans l’affirmative, cela signifierait que les actes juridiques unilatéraux ne seraient pas soumis à cette exigence et, par voie de conséquence, pourraient être prouvés par tout moyen.
Il est, en effet, de principe que les actes juridiques unilatéraux ne sont pas créateurs d’obligations. Comme vu précédemment, ils ne produisent que quatre sortes d’effets (déclaratif, translatif, abdicatif et extinctif).
Par ailleurs, certaines décisions rendues sous l’empire du droit antérieur ont pu semer le trouble en admettant que l’exigence de preuve par écrit puisse être écartée s’agissant d’établir l’existence d’engagements unilatéraux (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 10 oct. 1995, n°93-20.300 ; Cass. 1ère civ. 23 mai 2006, n°04-19.099).
Cette jurisprudence suggérait ainsi que tous les actes juridiques ne devaient pas nécessairement être prouvés par écrit.
Si le débat était ouvert sous l’empire du droit antérieur, les auteurs s’accordent aujourd’hui à dire qu’il n’a plus lieu d’être au regard de la nouvelle formulation des textes.
L’article 1359 du Code civil, bien qu’appartenant à un chapitre traitant de la preuve des obligations, prévoit que l’exigence de preuve par écrit s’applique à « l’acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant un montant fixé par décret ».
Le texte n’opère aucune distinction, il vise, par principe, tous les actes juridiques quelle que soit leur nature, pourvu qu’ils portent sur un montant supérieur à 1500 euros.
Sont donc soumis à l’exigence de preuve par écrit, tant le contrat, que l’engagement unilatéral de volonté ou encore l’acte produisant un effet extinctif (résiliation) ou déclaratif (partage).
Quid des contrats réels ? des quasi-contrats ?
==>Les difficultés qui tiennent à la qualification d’acte
Il est certaines opérations dont la qualification interroge en raison de la difficulté rencontrée à déterminer si elles relèvent de la catégorie des actes juridiques ou des faits juridiques.
- Le paiement
- Bien que le paiement soit une opération courante, sa nature a été particulièrement discutée en doctrine.
- La question s’est, en effet, posée de savoir s’il s’agissait d’un acte juridique ou d’un fait juridique.
- La qualification du paiement comporte deux enjeux :
- Premier enjeu : le mode de preuve
- Si le paiement s’apparente à en un acte juridique, alors la preuve est soumise à l’exigence de la production d’un écrit (art. 1359 C. civ.)
- Si le paiement s’apparente à un fait juridique, alors la preuve est libre ; elle peut donc être rapportée par tout moyen (art. 1358 C. civ.)
- Second enjeu : la capacité juridique
- Si le paiement s’apparente à un acte juridique, sa validité est subordonnée à la capacité juridique du solvens et de l’accipiens
- Si le paiement s’apparente à un fait juridique, il est indifférent que le solvens ou l’accipiens soient capables : il produira ses effets y compris lorsqu’il aura été réalisé par un incapable
- Premier enjeu : le mode de preuve
- Dans le cadre du débat qui a opposé les auteurs sur la nature du paiement, deux thèses ont émergé :
- La thèse de l’acte juridique
- Selon cette thèse, le paiement s’analyserait en une convention conclue entre le solvens (celui qui paye) et l’accipiens (celui qui est payé) aux fins d’éteindre l’obligation originaire.
- Bien que séduisante, cette thèse ne permet pas de rendre compte de l’hypothèse – fréquente – où le paiement est effectué par un tiers.
- Elle ne permet pas non plus d’expliquer le cas où le débiteur peut contraindre le créancier à accepter le paiement par voie de mise en demeure (art. 1345-3 C. civ.).
- La thèse du fait juridique
- Selon cette thèse, le paiement tirerait ses effets de la loi et non de la volonté du débiteur.
- Si donc le paiement produit, tantôt un effet extinctif, tantôt un effet subrogatoire, ce n’est pas parce que les parties intéressées à l’opération l’ont voulu, mais parce que la loi le prévoit.
- La thèse de l’acte juridique
- Entre ces deux thèses, la Cour de cassation a opté pour la seconde.
- Dans un arrêt du 6 juillet 2004, elle a jugé en ce sen que « la preuve du paiement, qui est un fait, peut être rapportée par tous moyens » (Cass. 1ère civ. 6 juill. 2004, 01-14.618).
- Par suite, à l’occasion de la réforme du droit des contrats opérée par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, le législateur a validé cette approche en insérant un article 1342-8 dans le Code civil qui dispose que « le paiement se prouve par tout moyen. »
- Est-ce à dire que le débat est clos et que le paiement doit, désormais, être regardé comme un fait juridique ? Le texte ne le précise pas.
- Si l’on se focalise sur les modalités de preuve du paiement, une réponse positive s’impose. Dans la mesure où la preuve est libre, le paiement s’apparenterait à un fait juridique.
- Si, en revanche, on se tourne vers ses conditions de validité, il y a lieu d’être plus nuancé.
- L’article 1342-2 du Code civil exige en effet que celui qui reçoit le paiement dispose de sa pleine capacité juridique. À défaut, le paiement n’est pas valable, sauf à ce que le créancier incapable en ait tiré profit.
- La compensation
- La compensation est définie à l’article 1347 du Code civil comme « l’extinction simultanée d’obligations réciproques entre deux personnes ».
- Bien que son régime ait été réformé par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, les nouveaux textes ne disent rien sur sa nature.
- À cet égard, elle est souvent présentée comme consistant en un double paiement.
- Compte tenu de ce que le paiement se prouve désormais par tout moyen, faut-il en déduire qu’il en va de même pour la compensation ?
- Les auteurs suggèrent de distinguer selon que la compensation est légale ou conventionnelle.
- Lorsqu’elle procède d’un accord entre les parties, dans les conditions de l’article 1348-2 du Code civil, il est certain qu’elle est soumise à l’exigence de la preuve par écrit à l’instar de n’importe quel contrat, à tout le moins lorsque les créances réciproques en jeu portent sur un montant supérieur à 1500 euros.
- Lorsque, en revanche, la compensation est d’origine légale, le doute est permis.
- Dans cette hypothèse, elle s’opère de plein droit par l’effet de la loi.
- Pour cette raison, elle s’apparenterait à un fait juridique, faute d’avoir été voulue par les parties.
- La volonté de ces dernières n’est toutefois pas étrangère à l’opération.
- En effet, pour que la compensation légale produise ses effets, encore faut-il qu’elle ait été invoquée par la personne qui s’en prévaut.
- L’article 1347, al. 2e du Code civil prévoit en ce sens que la compensation « s’opère, sous réserve d’être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies ».
- Cette exigence était-elle suffisante pour conférer à la compensation légale la qualification d’acte juridique ?
- Nous ne le pensons pas. Reste que la jurisprudence ne s’est pas encore prononcée sur cette question.
b. Le montant de l’acte juridique
==>Principe
L’article 1359, al. 1er du Code civil n’impose la preuve par écrit que pour les seuls actes juridiques « portant sur une somme ou une valeur excédant un montant fixé par décret ».
Il convient alors de se reporter au décret n°80-533 du 15 juillet 1980, modifié à plusieurs reprises, afin de déterminer le seuil au-delà duquel la preuve par écrit est exigée.
Tandis que le texte originel avait fixé ce seuil à 5000 francs, il a été porté à 800 euros par le décret n° 2001-476 du 30 mars 2001 consécutivement au passage du franc à l’euro.
Considérant que ce montant était trop faible, compte tenu de l’inflation, il a été relevé, peu de temps après, par le décret n° 2004-836 du 20 août 2004, à 1500 euros.
Aussi, le texte réglementaire prévoit désormais que « la somme ou la valeur visée à l’article 1359 du Code civil est fixée à 1 500 euros. »
La fixation de ce seuil procède de la volonté du législateur d’exclure du domaine de l’exigence de la preuve par écrit les actes de la vie courante. Cette exclusion avait déjà été prévue par l’ordonnance de Moulins qui avait fixé le seuil à « cinquante francs ».
Les actes juridiques de la vie courante peuvent ainsi se prouver par tout moyen. Ils ne requièrent pas la préconstitution d’un écrit.
La règle est heureuse ; elle favorise la fluidité des échanges économiques. Il serait inenvisageable, sinon inutile de contraindre les agents à régulariser un écrit pour les actes portant sur des sommes modiques qu’ils accomplissent au quotidien, parfois plusieurs fois par jour (achats de produits alimentaires, de vêtements ou encore de loisirs).
L’exigence d’établissement d’un écrit se justifie en revanche lorsque l’acte juridique porte sur une somme importante, soit inférieure à 1500 euros. Dans cette hypothèse, les parties seront plus portées à saisir le juge en cas de litige.
Or la meilleure solution pour prévenir un procès c’est, comme affirmé par Bentham, de se préconstituer une preuve afin d’être en mesure « d’établir de manière incontestable le droit qui est attaqué »[9].
==>Mise en œuvre
La fixation d’un seuil au-delà duquel la production d’un écrit est exigée aux fins de prouver un acte juridique ne permet pas de mettre en œuvre la règle.
En effet, pour déterminer la nature de la preuve à rapporter en présence d’un acte juridique encore faut-il définir les modalités de calcul du seuil visé par le législateur.
En cas de litige, doit-on prendre en compte le montant de la créance dont se prévaut le demandeur ou celui initialement stipulé dans l’acte ? Par ailleurs, faut-il inclure les intérêts et autres accessoires de la créance litigieuse ou s’en tenir au principal ? Quid, en outre, du moment de l’évaluation du montant de créance ?
Sous l’empire du droit antérieur, le Code civil prévoyait un certain nombre de règles de calcul du seuil.
L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit de la preuve n’a conservé que celles énoncées aux troisième et quatrième alinéas des articles 1343 et 1344 du Code civil en modifiant leur formulation pour plus de clarté et de rigueur.
- Première règle
- L’article 1359, al. 3e du Code civil prévoit que « celui dont la créance excède le seuil mentionné au premier alinéa ne peut pas être dispensé de la preuve par écrit en restreignant sa demande. ».
- Il s’infère de cette disposition que les parties ne peuvent pas contourner l’exigence de production d’un écrit en ajustant le montant de leur demande de telle sorte que celui-ci serait inférieur au seuil réglementaire.
- Il se déduit de cette règle que pour déterminer si ce seuil est dépassé il y a lieu de prendre en considération, non pas le montant de la demande du plaideur, mais le montant de la créance stipulé dans l’acte initial.
- Autrement dit, il convient de se placer au moment de la formation de l’acte pour évaluer le montant de la créance litigieuse.
- La raison en est que c’est à ce moment précis du processus contractuel qu’il y a lieu pour les parties de décider si la préconstitution d’un écrit est ou non nécessaire.
- À cet égard, la Cour de cassation avait statué en ce sens dans un arrêt du 17 novembre 2011.
- Dans cette décision elle avait, en effet, jugé que pour déterminer si l’objet du contrat avait une valeur inférieure ou supérieure au seuil réglementaire de 1500 euros il convenait de se positionner « au jour de la naissance de l’obligation » (Cass. 1ère civ. 17 nov. 2011, n°10-25.343).
- Pratiquement cela signifie que, en cas d’action en responsabilité contractuelle engagée par une partie contre l’autre, il y aura lieu de tenir compte, non pas du montant des dommages et intérêts réclamés, mais du montant de l’obligation principale stipulée au contrat au jour de sa formation.
- De la même façon, l’application de la règle énoncée à l’article 1359, al. 3e du Code civil conduit à ne pas tenir compte des intérêts éventuellement produits par la créance et/ou des pénalités attachées pour déterminer si celle-ci excède le seuil réglementaire.
- Dans la mesure où, au jour de la naissance de l’obligation, elle n’a, par hypothèse, pas pu produire d’intérêts, ni être assortie de pénalités, seul le principal de la créance doit être pris en compte dans son évaluation.
- Seconde règle
- L’article 1359, al. 4e du Code civil prévoit que celui dont la demande, même inférieure au seuil réglementaire, porte sur le solde ou sur une partie d’une créance supérieure à ce montant ne peut pas être dispensé de la preuve par écrit en restreignant sa demande.
- Ainsi, il importe peu que le solde restant dû de la créance soit inférieur au seuil réglementaire.
- Afin de déterminer si ce seuil est atteint, il y a lieu de tenir compte de la créance initiale prise dans sa globalité.
- Cette règle a été instituée par le législateur afin d’empêcher que, par le jeu d’un fractionnement de la créance litigieuse, une partie puisse se soustraire à l’exigence d’écrit.
==>Exceptions
Par dérogation à l’exigence de production d’un écrit pour la preuve des actes dont le montant est supérieur à 1500 euros, il est un certain nombre de dispositions légales qui imposent la preuve littérale quel que soit le montant de l’acte litigieux.
Au nombre de ces dispositions, on compte celles relatives notamment à :
- La transaction
- L’article 2044, al. 2e du Code civil prévoit que « ce contrat doit être rédigé par écrit. »
- Le contrat d’assurance
- L’article L. 112-3 du Code des assurances prévoit que « le contrat d’assurance et les informations transmises par l’assureur au souscripteur mentionnées dans le présent code sont rédigés par écrit, en français, en caractère apparents. »
- Dans un arrêt du 2 mars 2004, la Cour de cassation a déduit de cette disposition que « la preuve de la conclusion du contrat d’assurance ne peut résulter que d’un écrit émanant de la partie à laquelle on l’oppose » (Cass. 1ère civ. 2 mars 2004, n°00-19.871).
- Le contrat de représentation, d’édition et de production audiovisuelle
- L’article L. 131-2 du Code de la propriété intellectuelle prévoit que ce type de contrat doit nécessairement être constaté par écrit.
- Cession de parts sociales
- L’article L. 221-14 du Code de commerce prévoit que, pour les sociétés en nom collectif « la cession des parts sociales doit être constatée par écrit ».
- Il en va de même pour les sociétés à responsabilité limitée (art. L. 223-17 C. com.)
Pour tous ces contrats, le montant de leur objet est indifférent. Leur preuve ne peut être rapportée qu’au moyen d’un écrit.
2. Les actes juridiques non visés par l’exigence de preuve par écrit
Nonobstant la formulation générale de la règle énoncée à l’article 1359, al. 1er du Code civil, il est un certain nombre de cas où la production d’un écrit n’est pas exigée pour établir un acte juridique, de telle sorte que la preuve peut être rapportée par tout moyen :
- Les actes juridiques dont le montant est inférieur au seuil réglementaire
- Dans la mesure où la production d’un écrit est exigée pour les seuls actes dont le montant est supérieur à 1500 euros, cela signifie, a contrario, que les actes dont le montant est inférieur à ce seuil ne sont pas soumis à l’exigence de preuve littérale.
- Aussi, pour ces actes la preuve est libre ; elle peut donc être rapportée par tout moyen.
- Les actes de commerce
- L’article L. 110-3 du Code de commerce prévoit que « à l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu’il n’en soit autrement disposé par la loi »
- Il ressort de cette disposition que la preuve des actes de commerce ne requiert pas la production d’un écrit, quand bien même l’acte porterait sur un montant supérieur au seuil réglementaire visé par l’article 1359, al. 1er du Code civil.
- Pour que la preuve soit libre encore faut-il que deux conditions cumulatives soit remplies :
- Première condition
- L’acte litigieux doit présenter un caractère commercial.
- Pour mémoire, il existe trois sortes d’actes de commerce :
- Les actes de commerce par nature, soit ceux portant sur les opérations visées aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du Code de commerce et qui, pour présenter un caractère commercial, doivent nécessairement être accomplis de façon répétée et à des fins spéculatives
- Les actes de commerce par la forme, soit ceux dont la commercialité ne dépend ni de la qualité de la personne qui les accomplis, ni de leur finalité ou de leur répétition
- Les actes de commerce par accessoire, soit ceux, quelle que soit leur nature, dont l’accomplissement se rattache à une opération commerciale principale
- Seconde condition
- Pour que le plaideur auquel il appartient de prouver un acte de commerce ne soit pas soumis à l’exigence d’écrit, le défendeur doit endosser la qualité de commerçant.
- En effet, si l’article L. 110-3 du Code de commerce prévoit que les actes de commerce peuvent être prouvés par tous moyens, le texte précise que la règle ne joue que pour les seuls actes accomplis « à l’égard des commerçants ».
- Aussi, dans l’hypothèse où le défendeur n’endosserait pas la qualité de commerçant, la preuve de l’acte de commerce requerra la production d’un écrit, à tout le moins pour le demandeur.
- On parlera alors d’acte de mixte.
- Un acte est dit mixte, lorsqu’il présente un caractère commercial à l’égard d’une partie et un caractère civil à l’égard de l’autre partie.
- Dans cette hypothèse, le régime probatoire applicable est asymétrique :
- S’agissant de la partie non commerçante, il est admis de longue date qu’elle puisse rapporter la preuve de l’acte par tous moyens (Cass. 1ère civ. 8 févr. 2000, n°98-10.107 ; Cass. 1ère civ. 23 sept. 2020, n°19-11.443).
- S’agissant de la partie commerçante, elle sera soumise en revanche à l’exigence de la preuve littérale, quand bien même il s’agit de rapporter la preuve d’un acte de commerce (Cass. 1ère civ. 2 mai 2001, n°98-23.080).
- Première condition
- Les actes relevant de la compétence du juge prud’homal
- En matière prud’homale, il est de jurisprudence constante que la preuve est, par principe, libre (Cass. soc. 27 mars 2001, n°98-44.666)
- La raison en est l’impossibilité morale résultant du rapport de subordination existant entre l’employeur et le salarié.
- C’est pourquoi, il est admis que les faits allégués soient établis par tous moyens.
- À cet égard, régulièrement la Cour de cassation rappelle qu’en matière prud’homale, « les juges du fond apprécient souverainement la portée et la valeur probante des éléments qui leur sont soumis » (Cass. soc. 10 juin 1965 ; Cass. soc. 13 févr. 2013, n°11-26.098).
- Les actes dont se prévalent les tiers
- Principe
- En application du principe de l’effet relatif des conventions, le contrat ne produit d’effets qu’entre les parties (art. 1199 C. civ.).
- Est-ce à dire que les tiers ne pourraient pas s’en prévaloir ? Dans l’affirmative, comment prouver l’acte juridique qu’un tiers souhaiterait opposer aux parties ?
- Pour le déterminer, il convient de se reporter à l’article 1200 du Code civil.
- Cette disposition prévoit que les tiers peuvent se prévaloir de la situation juridique créée par le contrat « notamment pour apporter la preuve d’un fait ».
- Ainsi, est-il admis qu’un tiers puisse opposer à des contractants l’existence ou le contenu de l’acte qu’ils ont conclu.
- En pareille hypothèse, il est de jurisprudence constante que la preuve est libre.
- La raison en est que pour les tiers, le contrat conclu entre les parties constitue un fait juridique.
- Pour cette raison, la preuve de l’acte par le tiers peut être rapportée par tous moyens.
- Dans un arrêt du 25 novembre 1970, la Cour de cassation a jugé en ce sens, au visa de l’ancien article 1341 du Code civil, que « les règles édictées par ce texte, relativement à la preuve des actes juridiques, ne concernent que les parties auxdits actes, et qu’il est permis aux tiers d’établir leur existence par tous moyens de preuve » (Cass. 1ère civ. 25 nov. 1970, n°69-10.893).
- Dans un arrêt du 30 juin 1980, la Chambre commerciale a encore affirmé que « la défense de prouver par témoins ou par présomptions contre et outre le contenu à l’acte ne concerne que les parties contractantes et qu’il est permis au tiers de contester par ces modes de preuves la sincérité des énonciations contenues dans les écrits qu’on leur oppose » (Cass. com. 30 juin 1980, n°79-10.623).
- La Première chambre civile a rappelé plus récemment cette règle dans un arrêt du 3 juin 2015.
- Aux termes de cette décision, elle a décidé, s’agissant d’un contrat de mandat, que « le banquier dépositaire, qui se borne à exécuter les ordres de paiement que lui transmet le mandataire du déposant, peut rapporter la preuve par tous moyens du contrat de mandat auquel il n’est pas partie » (Cass. 1ère civ. 3 juin 2015, n°14-20.518).
- À l’inverse, lorsqu’une partie à l’acte souhaite, en application de l’article 1200 du Code civil, opposer à un tiers « la situation judiciaire créée par le contrat », la Cour de cassation juge que s’il « est permis aux tiers de contester par tous modes de preuve la sincérité des énonciations contenues dans les écrits qu’on leur oppose » ; en revanche « il appartient aux parties à un acte d’en rapporter la preuve contre les tiers dans les termes du droit commun » (Cass. 3e civ. 15 mai 1974, n°73-12.073).
- Autrement dit, y compris lorsqu’ils cherchent à opposer l’acte juridique qu’ils ont conclu à un tiers, les contractants sont soumis à l’exigence de preuve par écrit.
- Domaine
- Seuls les tiers à l’acte ne sont pas soumis à l’existence de production d’un écrit s’agissant de la preuve de son existence et de son contenu.
- Encore faut-il que l’on s’entende sur la notion de tiers.
- Une première approche conduit à exclure de la qualification de tiers toutes les personnes qui ne sont pas partie à l’acte, soit qui n’y ont pas adhéré.
- Cette approche est toutefois trop restrictive
- Il est, en effet, certaines personnes qui, si au moment de la conclusion de l’acte, endossaient la qualité de tiers, peuvent, après coup, endosser la qualité de partie.
- Tel est le cas du cessionnaire qui se substitue à l’une des parties initiales.
- Il en va de même des ayants-cause universels ou à titre universels, soit des héritiers des parties, lesquels ont vocation à « continuer » la personne du défunt : la mort saisit le vif.
- Par exception, la Cour de cassation a jugé dans un arrêt du 18 avril 1989 que « les héritiers réservataires sont admis à faire la preuve d’une donation déguisée de nature à porter atteinte à leur réserve par tous moyens et même à l’aide de présomptions » (Cass. 1ère civ. 18 avr. 1989, n°87-10.388).
- Principe
- Art. 54 de l’ordonnance de Moulins adoptée en février 1566 : « pour obvier à la multiplication de faicts que l’on a veu cy-deuant estre mis en avant en jugement, subjects à preuve de tesmoings, et reproche d’iceux dont adviennent plusieurs inconveniens et involutions de procez : avons ordonné et ordonnons que d’oresnavant de toute choses excédant la somme ou valeur de cent livres pour une fois payer, seront passez contracts pardevant notaires et tesmoings par lesquels contracts seulement sera faicte et receue toute preuve esdictes matieres sans recevoir aucune preuve par tesmoings outre le contenu au contract ne sur ce qui seroit allégué avoir esté dit ou convenu avant iceluy lors et depuis. En quoy n’entendons exclurre les preuves des conventions particulieres et autres qui seraient faictes par les parties soubs leurs seings, seaux et escriptures privées. » ?
- G. Lardeux, Preuve : mode de preuve, Dalloz, Rép. de Droit Civil. n°15. ?
- F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Droit civil – Les obligations, éd. Dalloz, 2019, n°1834, p. 1910 ?
- G. Chantepie et M. Latina, Le nouveau droit des obligations, éd. Dalloz, 2018, n°1182, p. 1054. ?
- R.-J. Pothier, Traité des obligations, Dalloz, rééd. 2011, n°754, p.371 ?
- L. Leveneur, note ss. Civ. 3e, 18 nov. 1997, CCC 1998. comm. 21, p. 9 ?
- D. Veaux, J.-Cl. Civil., art. 1315 et 1316, fasc. 10, p. 18, n° 59. ?
- F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Droit civil – Les obligations, éd. Dalloz, 2019, n°1836, p. 1911 ?
- J. bentham, Traité des preuves judiciaires, éd. Bossange, 1823, t. 1, p. 249 ?
- G. Chantepie et M. Latina, Le nouveau droit des obligations, éd. Dalloz, 2018, n°1148, p. 1030. ?
- G. Chantepie et M. Latina, Le nouveau droit des obligations, éd. Dalloz, 2018, n°1146, p. 1029. ?
- G. Lardeux, Preuve : mode de preuve, Dalloz, Rép. de Droit Civil. n°64-65 ?
- J. Ghestin et G. Goubeaux, Droit civil – Introduction générale, éd. LGDJ, 1977, n°606, p.577 ?
- H. Roland et L. Boyer, Introduction au droit, éd. Litec, 2002, n°1792, p. 616 ?
J. Ghestin et G. Goubeaux, Droit civil – Introduction générale, éd. LGDJ, 1977, n°604-1, p.573 ?
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