Jusqu’à l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016, les règles relatives aux clauses abusives étaient énoncées à l’ancien article L. 132-1 du Code de la consommation, devenu, depuis l’entrée en vigueur de la réforme des obligations, l’article L. 212-1 du même Code.
On en déduisait que cette règle n’était applicable qu’aux seules relations entre professionnels et consommateurs. Le bénéfice de ce dispositif ne pouvait, en conséquence, être invoqué que par un consommateur ou un non-professionnel, notions dont les définitions ont fait l’objet, tant en jurisprudence qu’en doctrine, d’âpres discussions.
Désormais, ce cantonnement de la lutte contre les clauses abusives aux seuls contrats conclus par des consommateurs est révolu. L’ordonnance du 10 février 2016 a inséré dans le Code civil un nouvel article 1171 qui prévoit que « dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. »
Bien que ce texte ne reprenne pas expressément le terme « clause abusive », c’est bien de cela dont il s’agit. Le rapport remis au Président de la République en vue de l’adoption de la réforme des obligations indique que « le Gouvernement est autorisé, selon les termes de l’habilitation, à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi pour [notamment] simplifier les règles applicables aux conditions de validité du contrat, […] en consacrant en particulier […] la notion de clause abusive et en introduisant des dispositions permettant de sanctionner le comportement d’une partie qui abuse de la situation de faiblesse de l’autre »
Qui plus est, il ressort de l’article 1171 du Code civil que cette disposition reprend à l’identique la définition de la clause abusive, telle que posée à l’article L. 212-1 du Code de la consommation.
L’introduction dans le Code civil de règles qui sanctionnent les clauses abusives interroge principalement sur quatre points :
- Quel est le champ d’application de l’article 1171 ?
- Comment articuler le droit commun des clauses abusives avec les règles spéciales énoncées dans le Code de la consommation et dans le Code de commerce
- Que doit-on entendre par la notion de « déséquilibre significatif » ?
- Quelle sanction en cas de constatation d’une clause créant un déséquilibre significatif ?
1. Le champ d’application du droit commun des clauses abusives
Bien que le dispositif relatif aux clauses abusives fasse désormais partie intégrante du droit commun des contrats depuis l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016, le législateur n’en a pas moins restreint son champ d’application aux seuls contrats d’adhésion.
Par contrat d’adhésion il faut entendre, conformément à l’article 1110, al. 2 du Code civil, « celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties ».
Pourquoi cette restriction du domaine d’application du nouvel article 1171 du Code civil ?
Sans doute parce que si ce texte avait été applicable à tous les contrats, cela serait revenu à vider en grande partie de sa substance la règle posée à l’article 1168 qui prévoit que « dans les contrats synallagmatiques, le défaut d’équivalence des prestations n’est pas une cause de nullité du contrat »
Parce que la lésion n’est, par principe, pas sanctionnée en droit français, il est difficilement envisageable d’admettre, par souci de cohérence, que la clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties puisse être réputée non-écrite.
Afin de ne pas céder à la schizophrénie, le législateur n’avait donc d’autre choix que de restreindre le domaine d’application du droit commun des clauses abusives.
Quant à l’opportunité d’un cantonnement de ce dispositif aux seuls contrats d’adhésion, elle se justifie tout autant.
Le contrat d’adhésion empreinte au contrat de consommation de nombreux traits, ne serait-ce que parce que l’une des parties se trouve, a priori, en position de faiblesse par rapport à l’autre.
En raison de l’impossibilité de négocier de gré à gré les clauses du contrat d’adhésion, le rapport de force qui se noue entre les contractants, dès la formation de l’acte, apparaît déséquilibré.
D’où la volonté du législateur de protéger la partie faible au contrat d’un déséquilibre trop important en faisant peser sur la partie forte la menace d’une sanction en cas de stipulation d’une clause abusive.
2. L’articulation du droit commun des clauses abusives avec les règles spéciales
Pris individuellement, le champ d’application de chacune des dispositions consacrées à la sanction du déséquilibre significatif créée par une stipulation contractuelle ne soulève manifestement pas difficulté quant à sa délimitation :
- L’article L. 212-1 du Code de la consommation régit les rapports entre professionnels et consommateurs ou non-professionnels
- L’article L. 442-6, 2° du Code de commerce régit les rapports entre commerçants
- L’article 1171 du Code civil régit les rapports des parties à un contrat d’adhésion
La complication survient lorsque l’on envisage l’articulation de ces trois dispositions. La superposition de leurs champs d’applications respectifs révèle, en effet, que non seulement ils se recoupent en certains points, mais encore qu’il est des zones qu’ils ne couvrent pas.
Il en résulte plusieurs combinaisons possibles :
==>Aucune des règles relatives aux clauses abusives n’est applicable
Pour que cette situation se rencontre, cela suppose cumulativement :
- D’abord, que l’acte conclu entre les parties ne soit pas un contrat d’adhésion (art. 1171 C. civ.)
- Ensuite, qu’aucune des parties au contrat n’ait la qualité
- soit de consommateur (art. L. 212-1 C. conso)
- soit de non-professionnel (art. L. 212-1 C. conso)
- Enfin, que les contractants ne soient pas des partenaires commerciaux (art. L. 442-6, 2° C. com).
Si ces trois conditions sont remplies, la partie faible au contrat sera privée de la possibilité de solliciter l’anéantissement de la clause à l’origine du déséquilibre, fusse-t-il « significatif ».
Quand bien même, par cette clause, il serait porté atteinte à l’équivalence des prestations, le principe d’indifférence de la lésion s’imposera au juge.
Reste la possibilité pour la victime d’un déséquilibre contractuel d’établir :
- Soit l’absence de contrepartie (art. 1169 C. civ.)
- Soit l’atteinte à une obligation essentielle (art. 1170 C. civ.)
- Soit une erreur sur la valeur provoquée par un dol (art. 1139 C. civ)
En dehors, de ces trois fondements juridiques, il n’est aucun autre moyen de rétablir l’équivalence des prestations.
Ainsi, cette situation non couverte par les différents dispositifs relatifs aux clauses abusives constitue-t-elle le terrain d’élection privilégié de la lésion (art. 1168 C. civ.)
==>Plusieurs règles relatives aux clauses abusives sont d’application concurrente
Les deux combinaisons qui nous intéressent correspondent à l’hypothèse où le droit commun des clauses abusives est en concurrence, soit avec l’article L. 212-1 du Code de la consommation, soit avec l’article L. 442-6, 2° du Code de commerce.
- Droit commun des clauses abusives et droit de la consommation
- Cette situation se rencontre dans l’hypothèse où
- D’une part, l’acte conclu entre les parties est un contrat d’adhésion
- D’autre part, l’un des contractants est
- Soit un consommateur
- Soit un non-professionnel
- Afin de régler le conflit de normes qui oppose le droit commun des clauses abusives et le droit de la consommation, c’est vers l’article 1105, al. 3 du Code civil qu’il convient de se tourner.
- Cette disposition prévoit que « les règles générales s’appliquent sous réserve de ces règles particulières »
- En application de cette règle, qui, manifestement, ne fait que reprendre l’adage specialia generalibus derogant, le droit de la consommation doit primer sur le droit commun.
- Il s’agit là d’une solution favorable pour le consommateur pour deux raisons :
- Première raison, le droit commun des clauses abusives ne comporte aucune liste de clauses réputées ou présumées abusives, ce qui n’est pas sans compliquer la tâche du consommateur auquel il appartiendra d’établir le caractère abusif d’une clause.
- Seconde raison, l’article 1171 du Code civil ne prévoit pas la possibilité pour les consommateurs de se regrouper en association en vue d’engager une action collective. L’action ne peut être qu’individuelle, ce qui est susceptible d’avoir un effet dissuasif quant à l’introduction d’une action en justice.
- Droit commun des clauses abusives et droit de la concurrence
- Les articles 1171 du Code civil et 442-6, 2° du Code de commerce entrent en concurrence lorsque :
- D’une part, l’acte conclu entre les parties est un contrat d’adhésion.
- D’autre part, s’il s’avère que les contractants sont des partenaires commerciaux, ce qui suppose l’existence d’une relation commerciale établie.
- Lorsque cette situation se rencontre, si, en première intention, conformément à la règle specialia generalibus derogant, on pourrait être tenté de faire primer le droit de la concurrence sur le droit commun des clauses abusives, un examen plus approfondi de ces deux corpus normatifs force à l’interrogation.
- Il ressort de leur comparaison que le champ d’application de l’article 442-6 du Code de commerce est plus vaste que celui de l’article 1171 du Code civil.
- La raison en est que, à la différence du droit commun des clauses abusives, la règle relative au déséquilibre significatif édictée dans le Code de commerce ne distingue pas selon que l’on est en présence ou non d’un contrat d’adhésion.
- Elle s’applique à n’importe quel contrat, à la condition, certes, que les parties soient des partenaires commerciaux.
- Cette condition est toutefois bien moins restrictive que celle qui consiste à limiter l’application du dispositif protecteur aux seuls contrats d’adhésion.
- Est-ce à dire que dans l’hypothèse où les articles 1171 et 442-6 du Code de commerce – à supposer que les applications de ces deux règles ne soient pas exclusives l’une de l’autre – les parties au contrat jouiraient d’un droit d’option ?
- La question se pose, ne serait-ce que parce qu’il y a derrière un véritable enjeu : celui de la sanction de la clause abusive.
- S’il ne fait aucun doute, en droit commun, qu’une clause jugée abusive encourt la nullité, tel n’est pas le cas en droit de la concurrence, la seule sanction prévue explicitement par le Code de commerce étant l’allocation de dommages et intérêts.
- La partie à un contrat commercial victime d’un déséquilibre significatif, pourrait dès lors avoir intérêt à opter pour le droit commun des clauses abusives, plutôt que d’engager une action sur le fondement de l’article 442-6 du Code de commerce.
- Voilà une question que la Cour de cassation sera sans doute conduite à trancher.
- Pour l’heure, le débat est ouvert.
3. La notion de déséquilibre significatif
L’article 1171 du Code civil prévoit que pour être abusive une clause doit créer « un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».
Cette association de la clause abusive au déséquilibre significatif est directement inspirée de l’article L. 212-1 du Code de la consommation, lequel est, lui-même, une transposition fidèle de la directive no 93/13/CEE du 5 avril 1993.
Pour mémoire, l’article 3 de ce texte communautaire dispose que « une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat. »
4. De l’abus de dépendance économique au déséquilibre significatif
Antérieurement à l’adoption de la loi de transposition du 1er février 1995, la clause abusive ne se définissait pas au moyen de la notion de déséquilibre significatif.
Pour apprécier le caractère abusif d’une clause, il était recouru à trois critères cumulatifs :
- Premier critère : la clause devait avoir été imposée unilatéralement par le professionnel au consommateur, sans possibilité pour ce dernier de négocier.
- Deuxième critère : l’existence d’un rapport de dépendance économique entre les parties au contrat devait être établie
- Troisième critère : la clause devait procurer au professionnel un avantage excessif au regard de la prestation fournie
Si, la réforme intervenue en 1995 a, sans aucun doute, simplifié les choses, elle ne les a pas fondamentalement bouleversées fondamentalement.
Sous l’empire du droit ancien, il était certes, nécessaire d’établir l’existence d’un abus de puissance économique.
Cependant, dans un arrêt du 6 janvier 1994 la Cour de cassation avait estimé que cet abus était présumé, dès lors qu’était établie l’existence d’un avantage manifestement excessif à la faveur du professionnel (Cass. 1ère civ. 6 janv. 1994, n°91-22.117).
Sur le plan strictement probatoire, l’instauration de cette présomption conduisait à une solution juridique finalement pas très éloignée de celle qui consiste à exiger l’établissement du seul déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties pour qualifier une clause d’abusive.
Cass. 1ère civ. 6 janv. 1994 Sur le moyen unique, pris en ses deux branches : Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que M. X…, agent immobilier qui gérait les biens des dames Paris et Martin, a, au vu d’un accord de principe donné par celles-ci par lettres des 16 septembre et 9 octobre 1987, proposé à la vente un immeuble leur appartenant au prix de 60 000 francs ; que le 24 octobre 1987 il a signé en leur nom, avec les époux A…, acquéreurs, un compromis de vente ; que le jour même ces derniers ont versé une somme de 6 000 francs, qui a été consignée auprès de M. Y…, notaire, chargé de dresser l’acte authentique au plus tard le 30 avril 1988 ; que les dames Paris et Martin ont refusé de réitérer la vente en invoquant la nullité du compromis, l’agent immobilier n’ayant pas reçu de leur part un pouvoir conforme aux dispositions de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 ; que, se prévalant de l’existence d’un mandat apparent, les époux A… les ont assignées ainsi que M. X… afin de voir déclarer la vente parfaite entre les parties à la date du 24 octobre 1987 ; que l’arrêt attaqué (Riom, 21 juin 1990) a accueilli leur demande ; Attendu que Mme Z… fait grief à l’arrêt d’avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, d’une part, que dans un domaine où le mandat écrit est obligatoire, comme c’est le cas pour les agents immobiliers, la théorie du mandat apparent n’est pas applicable ; qu’il s’ensuit que l’acquéreur qui traite avec un agent immobilier ne peut pas, en cas de défaut de pouvoir de celui-ci, se prévaloir du mandat apparent à l’égard du propriétaire du bien qui n’a pas donné mandat ; qu’en faisant application de l’apparence en l’espèce, la cour d’appel a violé les articles 6 de la loi du 2 janvier 1970, 1985, 1988 et 1998 du Code civil ; alors, d’autre part, que le simple fait, pour l’acquéreur d’un bien immobilier, de traiter avec un agent immobilier connu et inscrit comme tel, ne constitue pas une circonstance suffisante pour le dispenser de vérifier les limites exactes des pouvoirs de cet intermédiaire professionnel, et n’est pas de nature à rendre légitime son erreur sur l’existence du mandat de vendre que lui aurait donné le propriétaire d’un bien particulier, dès lors que le mandat écrit est obligatoire en pareille matière et qu’il appartient à l’acquéreur de s’assurer de l’existence d’un tel mandat ; que, derechef, la cour d’appel a violé les textes précités ; Mais attendu qu’après avoir relevé que les époux A… étaient entrés en relation avec M. X…, agent immobilier, en répondant à l’annonce de mise en vente du bien que celui-ci avait fait paraître dans un journal local, la cour d’appel a constaté que M. X… avait signé le compromis de vente en qualité de mandataire, terme mentionné dans la dernière page du document ; qu’elle a aussi retenu qu’il n’est pas d’usage qu’en pareilles circonstances des acquéreurs tels que M. A…, chaudronnier, et son épouse, sans profession, exigent de la part d’un agent immobilier connu, dont le numéro de la carte professionnelle figurait de surcroît dans le compromis, la présentation du mandat l’autorisant à vendre l’immeuble pour le compte de son propriétaire ; que de ces constatations et énonciations, la cour d’appel a pu déduire la croyance légitime des époux A… aux pouvoirs du prétendu mandataire ; d’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses critiques ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi. |
5. L’appréciation du déséquilibre significatif
Que doit-on entendre par déséquilibre significatif ?
Il s’agit, en somme, d’une atteinte à l’équivalence des prestations, soit à l’équilibre contractuel. Peut-on en déduire que le déséquilibre significatif s’apparente à une lésion ?
L’alinéa 2 de l’article 1171 du Code civil l’exclut formellement en précisant que « l’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation ».
Si l’on se reporte toutefois à l’alinéa 3 de l’article L. 212-1 du Code de la consommation, le principe posé à l’article 1171, al. 2 devrait être assorti d’une limite : pour ne pas être anéanti, la clause doit être rédigée de façon claire et compréhensible.
Dans le cas contraire, elle sera réputée non-écrite.
En tout état de cause, l’existence d’un déséquilibre significatif peut résulter principalement de deux hypothèses :
- Soit la victime du déséquilibre significatif s’est vue imposer des obligations extrêmement rigoureuses
- Soit le bénéficiaire du déséquilibre significatif a considérablement limité, voire exclu sa responsabilité
Comment apprécier l’existence d’un déséquilibre significatif ?
Contrairement au droit de la consommation, le droit commun des contrats, n’édicte aucune liste (noire ou grise) de clauses réputées abusives.
Aussi, c’est au seul juge que reviendra la tâche de déterminer si une clause est ou non génératrice d’un déséquilibre significatif.
Pour ce faire, à défaut d’indications à l’article 1171 du Code civil quant à la démarche à suivre pour apprécier le caractère abusif d’une clause, il devra se tourner vers la disposition dont ce texte est directement issu : l’article L. 212-1 du Code de la consommation.
==>Le cadre général d’appréciation du déséquilibre significatif
Il ressort de l’article L. 212-1 du Code de la consommation, pris en son alinéa 2, que « sans préjudice des règles d’interprétation prévues aux articles 1188, 1189, 1191 et 1192 du code civil, le caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat. Il s’apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque les deux contrats sont juridiquement liés dans leur conclusion ou leur exécution. ».
Deux enseignements majeurs peuvent être tirés de ce texte :
- Appréciation du déséquilibre significatif en considération des circonstances qui ont entouré la conclusion du contrat
- Il ressort de l’article L. 212-1 du Code de la consommation que pour apprécier le caractère abusif d’une clause, le juge devra :
- d’une part, se placer au moment de la formation de l’acte, soit lors de l’échange dès consentement
- d’autre part, se référer à toutes les circonstances qui ont entouré la conclusion du contrat
- Cela signifie que le juge est invité à s’intéresser aux éléments qui ont été déterminants du consentement du consommateur.
- Quelles sont les circonstances qui l’ont conduit à contracter.
- La question qui, au fond, se pose est de savoir s’il a ou non conclu l’acte en connaissance de cause ?
- A-t-il été bien informé des conditions générales dont était assorti le contrat ?
- C’est à lui qu’il reviendra de prouver les circonstances de conclusion du contrat.
- Appréciation du déséquilibre significatif en considération de l’économie générale du contrat
- L’article L. 212-1 du Code de la consommation prévoit que le caractère abusif d’une clause s’apprécie au regard de « toutes les clauses du contrat » ainsi que « celles contenues dans un autre contrat lorsque les deux contrats sont juridiquement liés dans leur conclusion ou leur exécution »
- Cela signifie que le juge ne pourra pas exercer le contrôle d’une clause sans se préoccuper de son environnement contractuel.
- Cette règle s’explique par le fait que, prise individuellement, une clause peut ne présenter aucun caractère abusif, l’avantage consentie au créancier ne paraissant pas manifestement excessif.
- Le déséquilibre contractuel peut toutefois être dévoilé au grand jour lorsque, lue à la lumière de l’ensemble du contrat, il apparaît que ladite clause n’est assortie d’aucune contrepartie.
- D’où l’exigence posée par le législateur de regarder le contrat pris dans sa globalité pour apprécier le caractère ou non abusif d’une clause.
- Le déséquilibre significatif susceptible d’être créé par une clause doit, en d’autres termes, être apprécié en considération de l’équilibre général des prestations, soit de l’économie du contrat.
==>Les critères d’appréciation du déséquilibre significatif
Ni l’article 1171 du Code civil, ni l’article L. 212-1 du Code de la consommation ne définisse le déséquilibre significatif.
Est-ce à dire que son appréciation est laissée au pouvoir discrétionnaire du juge ?
Bien qu’une appréciation au cas par cas semble inévitable, cette situation n’est pas sans constituer une source d’insécurité juridique pour les opérateurs.
C’est la raison pour laquelle la jurisprudence a posé plusieurs critères d’appréciation du déséquilibre significatif à l’attention des juges qui sont invités à recourir à la méthode du faisceau d’indices.
Parmi ces critères, il y a notamment :
- L’existence d’un avantage manifestement excessif à la faveur de la partie forte au contrat
- L’octroi d’un avantage non assorti d’une contrepartie
- L’absence de réciprocité des droits et obligations des parties
- L’octroi à la partie forte du contrat d’un pouvoir unilatéral
Dans une décision particulièrement remarquée du 16 janvier 2014, la Cour de justice de l’Union européenne a, par ailleurs, précisé que « l’existence d’un «déséquilibre significatif» ne requiert pas nécessairement que les coûts mis à la charge du consommateur par une clause contractuelle aient à l’égard de celui-ci une incidence économique significative au regard du montant de l’opération en cause, mais peut résulter du seul fait d’une atteinte suffisamment grave à la situation juridique dans laquelle ce consommateur, en tant que partie au contrat, est placé en vertu des dispositions nationales applicables, que ce soit sous la forme d’une restriction au contenu des droits que, selon ces dispositions, il tire de ce contrat ou d’une entrave à l’exercice de ceux-ci ou encore de la mise à sa charge d’une obligation supplémentaire, non prévue par les règles nationales » (CJUE, 16 janv. 2014, aff. C-226/12).
Dans un arrêt du 14 mars 2013, les juges luxembourgeois ont encore estimé que :
- D’une part, « la notion de «déséquilibre significatif», au détriment du consommateur, doit être appréciée à travers une analyse des règles nationales applicables en l’absence d’accord entre les parties, afin d’évaluer si, et, le cas échéant, dans quelle mesure, le contrat place le consommateur dans une situation juridique moins favorable par rapport à celle prévue par le droit national en vigueur ».
- D’autre part, « afin de savoir si le déséquilibre est créé «en dépit de l’exigence de bonne foi», il importe de vérifier si le professionnel, en traitant de façon loyale et équitable avec le consommateur, pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ce dernier accepte la clause concernée à la suite d’une négociation individuelle » (CJUE, 14 mars 2014, aff. C?415/11).
Au total, il convient d’observer que les critères dégagés par la jurisprudence pour apprécier l’existence d’un déséquilibre significatif ne sont absolument pas exhaustifs.
Qui plus est, le caractère abusif d’une clause peut être déduit d’un élément autre que l’existence d’un déséquilibre significatif.
Il en va notamment ainsi lorsque la clause litigieuse a été rédigée en des termes ambigus, de telle sorte qu’elle induit en erreur le consommateur sur l’étendue de ses droits et obligations.
Dans un arrêt du 19 juin 2011, la Cour de cassation a de la sorte approuvé une Cour d’appel qui, après avoir relevé que « la clause litigieuse, était rédigée en des termes susceptibles de laisser croire au consommateur qu’elle autorisait seulement la négociation du prix de la prestation, a exactement considéré qu’en affranchissant dans ces conditions le prestataire de service des conséquences de toute responsabilité moyennant le versement d’une somme modique, la clause litigieuse, qui avait pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, était abusive et devait être réputée non écrite selon la recommandation n° 82-04 de la Commission des clauses abusives » (Cass. 1ère civ. 19 juin 2001, n°99-13.395).
Cass. 1ère civ. 19 juin 2001 Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches : Attendu que la société Press labo service, à laquelle Mme X… avait confié des pellicules en vue de leur développement et de leur tirage, n’a pas été en mesure de les restituer à celle-ci ; que cette dernière a recherché la responsabilité de sa cocontractante qui lui a opposé la clause limitant sa garantie, en pareil cas, à la remise d’une pellicule vierge et à son tirage gratuit, ou à leur contre-valeur, faute d’avoir déclaré que les travaux avaient une importance exceptionnelle ” afin de faciliter une négociation de gré à gré ” ; que le jugement attaqué (tribunal d’instance de Grenoble, 29 octobre 1998), considérant cette clause comme abusive, partant non écrite, a condamné la société Press labo service à indemnisation ; Attendu que le jugement, qui relève que la clause litigieuse, était rédigée en des termes susceptibles de laisser croire au consommateur qu’elle autorisait seulement la négociation du prix de la prestation, a exactement considéré qu’en affranchissant dans ces conditions le prestataire de service des conséquences de toute responsabilité moyennant le versement d’une somme modique, la clause litigieuse, qui avait pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, était abusive et devait être réputée non écrite selon la recommandation n° 82-04 de la Commission des clauses abusives ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi. |
6. La sanction de la clause créant un déséquilibre significatif
L’article 1171 du Code civil prévoit que « la clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite ».
Le législateur a repris la sanction prévue par le Code de la consommation en matière de clause abusive,
Le réputé non-écrit a, notamment, pour conséquence de supprimer individuellement la clause abusive de l’acte, sans anéantir, pour autant, le contrat, pris dans sa globalité.
Quid dans l’hypothèse où la clause réputée non-écrite porte sur une obligation essentielle ? L’anéantissement de la clause abusive doit-il s’étendre à tout le contrat ?
Le nouvel article 1184, al. 2 du Code civil exclut cette possibilité. Il dispose que « le contrat est maintenu lorsque la loi répute la clause non écrite, ou lorsque les fins de la règle méconnue exigent son maintien. »
Ainsi, le contrat ne sera pas anéanti, quand bien même une clause portant sur une obligation essentielle serait réputée non-écrite.
S’agissant de la titularité de l’action, il peut être observé que, contrairement au droit de la consommation, le droit commun des clauses abusives n’ouvre à la victime qu’une action individuelle.
Les associations n’ont pas la possibilité de saisir le juge aux fins d’anéantir une clause abusive sur le fondement de l’article 1171 du Code civil.
La seule action qui leur est ouverte est celle prévue à l’article L. 621-2 du Code de la consommation aux termes duquel :
« Les associations de consommateurs mentionnées à l’article L. 621-1 et agissant dans les conditions précisées à cet article peuvent demander à la juridiction civile, statuant sur l’action civile ou à la juridiction répressive, statuant sur l’action civile, d’ordonner au défendeur ou au prévenu, le cas échéant sous astreinte, toute mesure destinée à faire cesser des agissements illicites ou à supprimer une clause illicite dans le contrat ou le type de contrat proposé aux consommateurs ou dans tout contrat en cours d’exécution.
Elles peuvent également demander, selon le cas, à la juridiction civile ou à la juridiction répressive de déclarer que cette clause est réputée non écrite dans tous les contrats identiques en cours d’exécution conclus par le défendeur ou le prévenu avec des consommateurs et de lui ordonner d’en informer à ses frais les consommateurs concernés par tous moyens appropriés »