TEXTES APPLICABLES

  • Articles 1405 à 1424 du Code de procédure civile
  • Décret n° 81-500 du 12 mai 1981
  • Loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011
  • Décret n° 2016-285 du 9 mars 2016
  • Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019
  • Décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019

Finalité de la procédure. La procédure d’injonction de payer a été instaurée par le législateur en vue d’offrir au créancier d’une obligation contractuelle le moyen d’obtenir rapidement, efficacement, et, à moindre frais, le règlement d’une facture impayée.

En somme, il s’agit de permettre au créancier de vaincre l’inertie du débiteur qui se soustrait à l’exécution spontanée de ses obligations.

À l’examen, la procédure d’injonction de payer se caractérise par la mise à l’écart du contradictoire entre la requête et la signification de l’ordonnance ou l’opposition.

Elle a pour objectif de concilier les droits du créancier au recouvrement de sa créance et ceux du débiteur qui n’a connaissance de cette volonté de recouvrement qu’au moment de la signification de l’ordonnance et qui ne peut donc faire valoir ses droits qu’après avoir reçu l’injonction.

Il peut être observé que le dépôt d’une requête en injonction de payer n’interrompt pas le délai de prescription de la créance. Il est donc nécessaire de veiller à cette prescription, car si le créancier est susceptible de se heurter à court à terme à une forclusion de son action, il sera préférable d’assigner le débiteur en paiement.

I) Les avantages de la procédure d’injonction de payer

Pour obtenir le règlement d’une facture impayée deux options s’offrent au créancier :

  • Le recouvrement amiable
    • Soit gestion du recouvrement en interne
      • Avantages
        • Frais réduits à la portion congrue
        • Liberté d’action
        • S’effectue en dehors du cadre judiciaire
      • Inconvénients
        • Long: le succès de la négociation dépend du bon vouloir du débiteur
        • Inefficace: le créancier ne dispose d’aucun moyen de contrainte
    • Soit externalisation du recouvrement
      • Avantages
        • Recouvrement effectué par un professionnel du recouvrement
        • S’effectue en dehors du cadre judiciaire
      • Inconvénients
        • Onéreux, surtout en cas d’insolvabilité du débiteur
        • Long: le succès de la négociation dépend du bon vouloir du débiteur
        • Inefficace: le prestataire ne dispose d’aucun moyen de contrainte
  • Le recouvrement judiciaire
    • Soit assigner le débiteur en paiement (action en justice de droit commun)
      • Avantage:
        • Efficace: obtention d’un titre exécutoire
      • Inconvénients :
        • Long: délais de procédure, respect du contradictoire, expertises
        • Onéreux: coûts liés à un procès
    • Soit engager une procédure d’injonction de payer (procédure d’exception)
      • Avantages :
        • Rapide : procédure simplifiée
        • Efficace : obtention d’un titre exécutoire
        • Peu onéreux : limitée aux frais de rédaction et de signification d’actes
      • Inconvénients
        • Les mêmes que ceux de l’action de justice au fond en cas d’opposition du débiteur

En résumé :

Schéma 2

II) Les conditions de mise en œuvre de la procédure

Les conditions de mise en œuvre de la procédure d’injonction de payer sont édictées à l’article 1405 du Code de procédure civile qui prévoit que :

«  Le recouvrement d’une créance peut être demandé suivant la procédure d’injonction de payer lorsque :

1° La créance a une cause contractuelle ou résulte d’une obligation de caractère statutaire et s’élève à un montant déterminé ; en matière contractuelle, la détermination est faite en vertu des stipulations du contrat y compris, le cas échéant, la clause pénale ;

2° L’engagement résulte de l’acceptation ou du tirage d’une lettre de change, de la souscription d’un billet à ordre, de l’endossement ou de l’aval de l’un ou l’autre de ces titres ou de l’acceptation de la cession de créances conformément à la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises. »

Il ressort de cette disposition que la procédure d’injonction de payer ne peut être mise en œuvre que dans trois cas bien distincts :

  • La créance résultant d’une obligation contractuelle
  • La créance résultant d’une obligation statutaire
  • La créance résultant de la souscription d’un instrument de crédit

A) La créance résultant d’une obligation contractuelle

  • Notion
    • Par créance contractuelle, il faut entendre toutes celles qui sont nées de la conclusion d’un contrat conformément à l’article 1101 du Code civil (contrat de vente, de bail, d’entreprise, de dépôt, de prêt, d’assurance, de caution etc.)
  • Exclusion
    • Les créances nées d’un quasi-contrat
      • Enrichissement injustifié
      • Répétition de l’indu
      • Gestion d’affaire
      • Engagement unilatéral
    • Les créances nées d’un délit ou d’un quasi-délit
      • Action en réparation d’un préjudice extracontractuel ( com., 17 mars 1958 : JCP G 1958)
  • Caractères
    • Certaine: fondée et justifiée dans son principe
    • Liquide: déterminée quant à son montant (au regard des seules stipulations contractuelles)
    • Exigible: le délai de paiement est échu

B) La créance résultant d’une obligation statutaire

  • Notion
    • Il s’agit des créances dues au titre d’un statut légal dont l’adhésion est le plus souvent exigée dans le cadre de l’exercice d’une activité professionnelle (caisse de retraite, sécurité sociale)
  • Caractères
    • Certaine
    • Liquide
    • Exigible

C) La créance résultant de la souscription d’un instrument de crédit

  • Notion
    • L’article 1405 du Code de procédure civile vise expressément les créances qui résultent de la souscription de trois instruments de crédit différents et de certains actes y afférents :
      • La lettre de change
        • L’aval
        • L’endossement
      • Le billet à ordre
        • L’aval
        • L’endossement
      • L’acceptation d’une cession Dailly
  • Exclusion
    • La créance qui résulte de l’émission d’un chèque n’est pas éligible à la procédure d’injonction de payer
      • Le chèque peut faire l’objet d’un recouvrement simplifié
      • L’huissier de justice a compétence, en matière de chèque impayé, pour émettre un titre exécutoire
  • Condition
    • La créance dont se prévaut le demandeur doit résulter d’un titre et d’un engagement valables, conformément aux exigences de fond et de forme posées par le Code de commerce

III) Le déroulement de la procédure d’injonction de payer

La procédure d’injonction de payer se décompose en 6 étapes qu’il conviendra d’examiner successivement:

  • Dépôt de la requête auprès de la juridiction compétente
  • Décision du juge
  • Signification de l’ordonnance
  • Délai d’un mois durant lequel le débiteur peut former opposition
  • Apposition de la formule exécutoire
  • Signification de l’ordonnance exécutoire

Il conviendra, par ailleurs, de s’intéresser à l’opposition en cas de contestation de la procédure par le débiteur

A) Le dépôt de la requête

1. L’auteur de la requête

L’article 1407 du Code de procédure civile prévoit que « la demande est formée par requête remise ou adressée, selon le cas, au greffe par le créancier ou par tout mandataire »

Il ressort de cette disposition deux choses :

  • Le créancier peut rédiger et déposer seul la requête d’injonction de payer
    • Quel que soit le montant de la demande, la représentation n’est donc pas obligatoire devant le Tribunal judiciaire et le Tribunal de commerce, à tout le moins au stade de la requête.
    • En cas d’opposition formulée contre l’ordonnance, ce sont les règles de droit commun qui s’appliqueront.
  • Le créancier peut solliciter les services d’un mandataire
    • Aucune limitation quant aux personnes susceptibles d’endosser la qualité de mandataire
      • Avocats
      • Huissiers
      • Notaire
      • Société de recouvrement
    • La preuve d’un mandat de représentation n’est pas exigée par la Cour de cassation ( 2e civ., 27 juin 2002, n° 98-17.028)

2. La rédaction de la requête

La requête doit comporter un certain nombre de mentions obligatoires et être assortie de documents justificatifs.

a) Les mentions obligatoires

Il ressort de l’article 1407 du code de procédure que la requête d’injonction de payer doit comporter deux sortes de mentions

  • Les mentions énoncées à l’article 1407
  • Les mentions exigées aux articles 54 et 57

==> Les mentions énoncées à l’article 1407 du CPC

  • L’indication précise du montant de la somme réclamée
  • Le décompte des différents éléments de la créance, soit le détail
    • du principal
    • des intérêts légaux ou conventionnels
    • de la clause pénale
    • des frais de recouvrement antérieurs
    • des frais de dépôt de la requête si TC compétent
  • Le fondement de la créance, soit sa cause :
    • Créance née d’une obligation contractuelle
    • Créance née d’une obligation statutaire
    • Créance née de l’émission d’un effet de commerce

==> Les mentions énoncées aux articles 54 et 57 du CPC

  • Les mentions de l’article 54 du CPC
    • Lorsqu’elle est formée par voie électronique, la demande comporte également, à peine de nullité, les adresse électronique et numéro de téléphone mobile du demandeur lorsqu’il consent à la dématérialisation ou de son avocat.
    • Elle peut comporter l’adresse électronique et le numéro de téléphone du défendeur.
    • À peine de nullité, la demande initiale mentionne :
      • L’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;
      • L’objet de la demande ;
      • Pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs ;
      • Pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l’organe qui les représente légalement ;
      • Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier ;
      • Lorsqu’elle doit être précédée d’une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les diligences entreprises en vue d’une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d’une telle tentative ;
      • L’indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire.
  • Les mentions de l’article 57 du CPC
    • Elle contient, outre les mentions énoncées à l’article 54, également à peine de nullité :
      • Lorsqu’elle est formée par une seule partie, l’indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée ou s’il s’agit d’une personne morale, de sa dénomination et de son siège social
      • Dans tous les cas, l’indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée.
    • Elle est datée et signée.

b) Les documents justificatifs

L’article 1407 in fine prévoit que la requête «  est accompagnée des documents justificatifs »

La Cour de cassation estime que cette exigence signifie qu’il incombe au créancier « de prouver la réalité et l’étendue de sa créance » (Cass. 2e civ., 23 oct. 1991, n° 90-15.529)

Ainsi, les documents produits par le créancier doivent justifier le bien-fondé de sa demande.

c) La présentation de la requête

  • La requête doit être adressée au greffe de la juridiction compétente
  • La requête doit être présentée en double exemplaire, conformément à l’article 494
  • La requête doit comporter l’indication précise des pièces invoquées

3. La juridiction compétente

a) La compétence d’attribution

La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice est venue réformer la procédure d’injonction de payer.

Cette réforme devrait entrer en vigueur à compter du 1er janvier 2021 et au plus tard le 1er avril 2021.

i) Avant le 1er janvier 2021

Conformément à l’article 1406 du Code de procédure civile, la demande est portée, selon le cas, devant le juge des contentieux de la protection ou devant le président du tribunal judiciaire ou du tribunal de commerce, dans la limite de la compétence d’attribution de ces juridictions :

  • Le Président du tribunal judiciaire (créance civile)
  • Le Juge des contentieux de la protection (créances portant sur des matières relevant de sa compétence)
  • Le Président du tribunal de commerce (créance commerciale)

ii) Après le 1er janvier 2021

La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice est donc venue réformer la procédure d’injonction de payer.

L’objectif recherché est de renforcer l’efficacité et la rapidité du traitement des requêtes en injonction de payer. Selon l’étude d’impact, cette réforme vise également à faire des économies d’échelle.

À cette fin, deux mesures ont été prises par le législateur :

  1. Centraliser au niveau national le traitement des requêtes en injonction de payer et des oppositions
  2. Dématérialiser la procédure d’injonction de payer

==> Sur la centralisation du contentieux

La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a confié à une juridiction nationale le traitement des injonctions de payer.

  • Spécialisation d’une juridiction au niveau national
    • La création d’une juridiction ad hoc ayant été écartée, il s’agira de spécialiser une juridiction existante dans le traitement de ces requêtes mais également des oppositions fondées sur les demandes limitées aux délais de paiement, sur lesquelles il pourrait être statué sans audience, et de maintenir le traitement des oppositions devant les juridictions territorialement et matériellement compétentes à raison des règles de procédure civile de droit commun.
  • Compétence de la juridiction nationale
    • La juridiction spécialisée qui sera désignée interviendra à deux stades de la procédure d’injonction de payer
      • Au stade du dépôt de la requête
        • Principe
          • L’article L. 211-17 du COJ prévoit que, un tribunal judiciaire spécialement désigné, connaît :
            • 1° Des demandes d’injonction de payer ordinaires
            • 2° Des demandes formées en application du règlement (CE) n° 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 instituant une procédure européenne d’injonction de payer.
          • La juridiction nationale spécialisée sera désignée par décret
        • Exception
          • Par exception, les demandes relevant de la compétence d’attribution des tribunaux de commerce ne sont pas traitées par la juridiction nationale spécialisée
      • Au stade de l’opposition
        • L’article L. 211-18 du COJ prévoit que les oppositions sont formées devant le tribunal judiciaire spécialement désigné.
        • Ainsi, la centralisation de la procédure d’injonction de payer intéresse, tant le dépôt de la requête ,que l’opposition formée contre l’ordonnance d’injonction de payer.
        • Son intervention se limite néanmoins à l’enregistrement de l’opposition.
        • L’article L. 211-18 précise, en effet, que les oppositions aux ordonnances portant injonction de payer sont transmises par le greffe du tribunal judiciaire spécialement désigné aux tribunaux judiciaires territorialement compétents.

==> Sur la dématérialisation de la procédure

  • Principe
    • L’article L. 211-18 du COJ prévoit que les demandes d’injonction de payer sont formées par voie dématérialisée devant le tribunal judiciaire spécialement désigné mentionné à l’article L. 211-17.
  • Exception
    • Le principe de dépôt des requêtes par voie dématérialisée est assorti de deux exceptions :
      • Les demandes formées par les personnes physiques n’agissant pas à titre professionnel et non représentées par un mandataire
      • Les demandes formées au titre de la procédure d’injonction de payer européenne (IPE)
    • Pour ces deux sortes de demandes, elles pourront être adressées au greffe de la juridiction spécialisée sur support papier.

b) La compétence territoriale

  • Principe
    • Le lieu de résidence du débiteur ( 1406, al. 2 CPC)
    • Il s’agit d’une règle d’ordre public ( 1406, al.3) :
      • toute clause contraire est réputée non écrite ( 1406, al.3)
      • le juge doit relever d’office son incompétence ( 847-5 CPC)
    • Lorsqu’il s’agit d’une personne morale la théorie des gares principales est applicable ( V. en ce sens 2e civ., 27 mai 1988, n° 86-19.606)
  • Exception
    • En matière de créance née d’une charge de copropriété la juridiction compétente est celle du lieu de la situation de l’immeuble ( 60 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967)

4. Frais de dépôt de la requête

  • Principe
    • Le dépôt d’une requête d’injonction de payer n’est conditionné par le paiement d’aucun frais
  • Exception
    • L’article 1425 du Code de procédure civile prévoit que « devant le tribunal de commerce, les frais de la procédure sont avancés par le demandeur et consignés au greffe au plus tard dans les quinze jours de la demande, faute de quoi celle-ci sera caduque.»
      • Frais de dépôt exigés devant le Tribunal de commerce
      • Frais doivent être consignés au greffe du TC au plus tard dans les 15 jours qui suivent le dépôt de la requête, faute de quoi la requête est caduque

B) La décision du juge

Trois sortes de décisions peuvent être rendues par le juge compétent pour connaître de la requête en injonction de payer :

  • Le juge peut accéder totalement à la requête d’injonction de payer
  • Le juge peut accéder partiellement à la requête d’injonction de payer
  • Le juge peut rejeter la requête d’injonction de payer

1. Admission totale ou partielle de la requête

  • Principe
    • S’il accède totalement ou partiellement à la requête du créancier, le magistrat rend une ordonnance portant injonction de payer
  • Contenu de l’ordonnance
    • Il n’est pas nécessaire pour le magistrat de motiver son ordonnance
    • À ce stade, la procédure demeure gracieuse
  • Mentions de l’ordonnance
    • Les noms du magistrat et du greffier
    • Leurs signatures

2. Rejet de la requête

  • Principe
    • Le juge peut rejeter la requête sans avoir à motiver sa décision
  • Voies de recours
    • Le rejet de l’ordonnance n’ouvre aucune voie de recours au créancier
    • Le créancier n’a d’autre choix que d’engager une action sur le terrain du droit commun
  • Restitution de la requête
    • La requête déposée par le créancier lui est restituée avec tous les documents dont elle était assortie

C) La signification de l’ordonnance

  • Principe
    • L’ordonnance d’injonction de payer doit être signifiée au débiteur ( 1411 CPC)
  • Délai de signification
    • La signification de l’ordonnance doit intervenir dans les 6 mois, sous peine de caducité ( 1411 CPC)
  • Modalités de la signification
    • La signification doit être effectuée par un huissier de justice
    • L’ordonnance doit être signifiée avec la requête
  • Mentions de l’acte de signification
    • Les mentions prévues à l’article 648 CPC
      • La date
      • Si le requérant est une personne physique ses noms, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance
      • Si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement.
      • Les noms, prénoms, demeure et signature de l’huissier de justice ;
      • Les noms et domicile du destinataire
      • S’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social.
    • Les mentions prévues à l’article 1413 CPC
      • À peine de nullité, l’acte de signification de l’ordonnance portant injonction de payer contient, outre les mentions prescrites pour les actes d’huissier de justice :
        • La sommation d’avoir :
          • soit à payer au créancier le montant de la somme fixée par l’ordonnance ainsi que les intérêts et frais de greffe dont le montant est précisé
          • soit, si le débiteur a à faire valoir des moyens de défense, à former opposition, celle-ci ayant pour effet de saisir le tribunal de la demande initiale du créancier et de l’ensemble du litige.
        • L’indication des modalités, délais et formes pour former opposition (art. 1415 CPC)
        • L’avertissement du débiteur qu’il peut prendre connaissance au greffe des documents produits par le créancier et qu’à défaut d’opposition dans le délai indiqué il ne pourra plus exercer aucun recours et pourra être contraint par toutes voies de droit de payer les sommes réclamées.
  • Effets de la signification
    • Information du débiteur de l’existence d’une procédure en injonction engagée contre lui par le créancier
    • La signification de l’ordonnance d’injonction de payer s’apparente à une véritable citation en justice
      • Il appartient au débiteur de former opposition afin d’engager une procédure contradictoire
      • S’il ne le fait pas, il reconnaît le bien-fondé de la requête
    • La signification marque le point de départ de deux délais :
      • Le délai de recours ouvert au débiteur pour former opposition
      • Le délai à partir duquel la demande d’apposition de la formule exécutoire peut être faite
    • La signification, en raison de son assimilation à une demande en justice, a pour effet d’interrompre la prescription de la créance
      • L’ordonnance non signifiée ne produit aucun effet interruptif

D) La demande d’apposition de la formule exécutoire

  • Auteur de la demande
    • Ce peut être le créancier ou son mandataire
  • Délai
    • La demande d’apposition de la formule exécutoire doit être formulée dans le délai d’un mois suivant l’expiration du délai d’opposition ou le désistement du débiteur.
      • À défaut, l’ordonnance est frappée de caducité
    • Le créancier peut anticiper le délai d’un mois en adressant une demande immédiatement après la réception de l’ordonnance ( 2e civ., 23 janv. 1991, n° 89-18.747)
  • Forme de la demande
    • La demande tendant à l’apposition de la formule exécutoire est formée au secrétariat-greffe ou au greffe, soit par requête, soit par lettre simple ( 1423 CPC)
      • Ainsi, la demande s’adresse au greffier et non au juge
    • Le créancier doit joindre à sa demande l’acte de signification

E) L’apposition de la formule exécutoire

  • Conditions d’apposition de la formule exécutoire
    • L’ordonnance d’injonction de payer doit avoir été signifiée dans les six mois
      • Le greffier n’est pas juge de la validité de la signification.
      • Il doit simplement vérifier qu’elle a été faite
    • La demande d’apposition de la formule exécutoire doit avoir été effectuée selon les formes requises et en temps utile
    • Le greffier n’est soumis à aucun délai pour apposer la formule exécutoire
  • Effets de l’apposition de la formule exécutoire
    • En vertu de l’article 1422 CPC, « l’ordonnance produit tous les effets d’un jugement contradictoire».
      • Elle a donc autorité de la chose jugée
      • Elle n’est pas susceptible d’appel même si elle accorde des délais de paiement.
  • Voies de recours
    • L’opposition est possible si elle est formée dans les délais requis
    • À défaut, en application de l’article 1422, al. 2e in fine du CPC l’ordonnance assortie de la formule exécutoire « n’est pas susceptible d’appel même si elle accorde des délais de paiement»
    • Le pourvoi en cassation est néanmoins possible à condition que l’opposition ne soit plus recevable
      • Le pourvoi ne peut être dirigé que contre les conditions d’apposition de la formule exécutoire
      • Le pourvoir doit être formé dans un délai de deux mois à compter de la signification de l’ordonnance exécutoire

F) La signification de l’ordonnance exécutoire

  • Principe
    • L’ordonnance d’injonction de payer revêtue de la formule exécutoire doit être signifiée avant toute exécution forcée
    • La signification pourra être assortie d’un commandement de payer
  • Forme de la signification
    • L’acte de signification doit indiquer au débiteur
      • La possibilité de former opposition dans un délai d’un mois à compter du premier acte d’exécution, dans l’hypothèse où l’ordonnance d’injonction de payer n’a pas été signifiée à personne
      • La possibilité pour le débiteur en cas de forclusion du délai d’opposition de se pourvoir en cassation (deux mois à compter de la signification de l’ordonnance exécutoire)
      • Les mentions de l’article 680 CPC relatives aux recours abusifs
        • « L’acte de notification d’un jugement à une partie doit indiquer de manière très apparente le délai d’opposition, d’appel ou de pourvoi en cassation dans le cas où l’une de ces voies de recours est ouverte, ainsi que les modalités selon lesquelles le recours peut être exercé ; il indique, en outre, que l’auteur d’un recours abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile et au paiement d’une indemnité à l’autre partie»

G) L’opposition

1. Les modalités de l’opposition

  • Compétence
    • Avant le 1er janvier 2021
      • L’opposition est portée, selon le cas, devant la juridiction dont le juge ou le président a rendu l’ordonnance portant injonction de payer ( 1415 CPC)
      • le tribunal connaît, dans les limites de sa compétence d’attribution, de la demande initiale et de toutes les demandes incidentes et défenses au fond ( 1417 CPC)
    • Après le 1er janvier 2021
      • L’article L. 211-18 du COJ prévoit que les oppositions sont formées devant le tribunal judiciaire spécialement désigné.
      • Ainsi, la centralisation au niveau national de la procédure d’injonction de payer intéresse, tant le dépôt de la requête ,que l’opposition formée contre l’ordonnance d’injonction de payer.
      • Son intervention se limite néanmoins à l’enregistrement de l’opposition.
      • L’article L. 211-18 précise, en effet, que les oppositions aux ordonnances portant injonction de payer sont transmises par le greffe du tribunal judiciaire spécialement désigné aux tribunaux judiciaires territorialement compétents.
  • Délai de l’opposition
    • Quantum du délai
      • Un mois
    • Point de départ
      • Si l’ordonnance d’injonction de payer a été signifiée à personne le délai court à compter de ladite signification
      • Si l’ordonnance d’injonction de payer n’a pas été signifiée à personne l’opposition est recevable
        • jusqu’à l’expiration du délai d’un mois suivant le premier acte signifié à personne
        • ou, à défaut, suivant la première mesure d’exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou partie les biens du débiteur.
          • La mesure d’exécution doit avoir été fructueuse, sauf si PV de carence signifié à personne au débiteur
          • À défaut, le délai ne court pas
  • Sanction
    • Le non-respect du délai pour former opposition constitue une fin de non-recevoir que le magistrat doit relever d’office
  • Forme de l’opposition
    • L’opposition est formée au greffe, soit par déclaration contre récépissé, soit par lettre recommandée ( 1415 CPC)
    • L’opposition peut être formée par le débiteur ou par un mandataire
    • L’opposition n’a pas à être motivée

2. Les effets de l’opposition

L’opposition a pour effet de transformer une procédure sur requête, donc unilatérale, en procédure contradictoire de droit commun

Il en résulte plusieurs conséquences :

  • L’opposition fait obstacle à l’apposition de la formule exécutoire
  • Suspension de la force exécutoire de l’ordonnance d’injonction de payer si revêtue de la formule exécutoire
  • Suspension des mesures d’exécution déjà engagées jusqu’à ce qu’une décision au fond soit rendue
    • Dans l’hypothèse où une saisie-attribution a déjà été diligentée, l’opposition n’entraîne pas la mainlevée de la saisie.
    • Les fonds saisis demeurent indisponibles pendant toute la durée de la procédure (, avis, 8 mars 1996, n° 96-20.003)
  • Le créancier doit consigner, sous 15 jours, les frais d’opposition dans l’hypothèse où le litige relève de la compétence des juridictions commerciales
    • Le défaut de consignation est sanctionné par la caducité de la demande formée initialement
  • Admission des demandes incidentes (additionnelles ou reconventionnelles), en raison du caractère contradictoire de la nouvelle procédure

H) L’instance de droit commun

Dans l’hypothèse où la partie contre laquelle l’ordonnance d’injonction de payer est rendue forme opposition, la procédure devient contradictoire et est assujettie aux règles de droit commun.

Plusieurs phases doivent alors être distinguées :

==> La convocation des parties

  • La convocation du débiteur
    • Le rôle du greffe
      • La bascule entre la procédure d’injonction de payer et la procédure ordinaire au fond est assurée par le greffe du Tribunal saisi.
      • C’est à lui qu’il revient de convoquer les parties.
      • L’article 1418 du CPC prévoit en ce sens que devant le tribunal judiciaire dans les matières visées à l’article 817, le juge des contentieux de la protection et le tribunal de commerce, le greffier convoque les parties à l’audience par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
    • Les destinataires de la convocation
      • La convocation est adressée à toutes les parties, même à celles qui n’ont pas formé opposition.
      • La précision est ici d’importance : ce n’est pas seulement le débiteur qui a formé opposition qui est convoqué, ce sont tous ceux contre lesquels l’ordonnance d’injonction de payer a été rendue.
      • L’objectif est ici de rendre contradictoire la procédure pour tous
    • Le contenu de la convocation
      • La convocation contient :
        • Sa date ;
        • L’indication de la juridiction devant laquelle l’opposition est portée ;
        • L’indication de la date de l’audience à laquelle les parties sont convoquées ;
        • Les conditions dans lesquelles les parties peuvent se faire assister ou représenter.
        • La convocation adressée au défendeur précise en outre que, faute de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire.
      • Ces mentions sont prescrites à peine de nullité.
  • La notification de l’opposition au créancier
    • L’article 1418 du CPC prévoit que le greffe adresse au créancier, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, une copie de la déclaration d’opposition.
    • Cette notification est régulièrement faite à l’adresse indiquée par le créancier lors du dépôt de la requête en injonction de payer.
    • En cas de retour au greffe de l’avis de réception non signé, la date de notification est, à l’égard du destinataire, celle de la présentation et la notification est réputée faite à domicile ou à résidence.

==> La constitution d’avocat

La constitution d’avocat par les parties s’opère en deux temps :

  • Premier temps : la constitution d’avocat par le créancier
    • L’article 1418 du CPC prévoit qu’il doit constituer avocat dans un délai de quinze jours à compter de la notification.
  • Second temps : la constitution d’avocat par le débiteur
    • Dès qu’il est constitué, l’avocat du créancier en informe le débiteur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, lui indiquant qu’il est tenu de constituer avocat dans un délai de quinze jours.

Une copie des actes de constitution est remise au greffe.

==> Le déroulement de l’instance

  • Règles applicables
    • L’article 1418 du CPC rappelle que devant le tribunal judiciaire dans les autres matières, l’affaire est instruite et jugée selon la procédure écrite ordinaire
    • Ainsi, c’est le droit commun qui s’applique à la procédure d’injonction de payer prise dans sa phase contradictoire.
  • Sur la charge de la preuve
    • Bien que l’instance sur opposition soit provoquée par le débiteur contre lequel l’ordonnance d’injonction de payer a été rendue, c’est le créancier qui est réputé être en demande.
    • Dans ces conditions, c’est sur lui que pèse la charge de la preuve.
    • Cette règle est régulièrement rappelée par la Cour de cassation qui considère « qu’il appartient au créancier, défendeur à l’opposition, mais demandeur à l’injonction de payer, de prouver la réalité et l’étendue de sa créance» ( 2e civ. 11 mai 2006, n°05-10280).
  • Sur le défaut de comparution
    • L’article 1419 du CPC prévoit que le défaut de comparution des parties est sanctionné par l’extinction de l’instance.
    • Le CPC distingue alors deux hypothèses, s’agissant de la caractérisation du défaut de comparution
      • Première hypothèse
        • Devant le tribunal judiciaire dans les matières visées à l’article 817 (lorsque dispense des parties de constituer avocat), le juge des contentieux de la protection et le tribunal de commerce, la juridiction constate l’extinction de l’instance si aucune des parties ne comparaît.
      • Seconde hypothèse
        • Devant le tribunal judiciaire, lorsque la constitution d’avocat est obligatoire, le président constate l’extinction de l’instance si le créancier ne constitue pas avocat dans le délai prévu à l’article 1418 (15 jours)
    • En tout état de cause, l’article 1419 du CPC prévoit que l’extinction de l’instance rend non avenue l’ordonnance portant injonction de payer.

==> Le jugement sur opposition

L’article 1420 du CPC prévoit que le jugement du tribunal se substitue à l’ordonnance portant injonction de payer.

Il en résulte que le jugement n’a pas vocation à confirmer ou infirmer l’ordonnance.

Aussi, dans l’hypothèse où l’opposition serait déclarée irrecevable, le jugement n’emportera pas survie des effets de l’ordonnance (V. en ce sens 2e civ. 12 mars 2013, n°12-15513).

Dans un arrêt rendu en date du 12 mai 2016, la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que l’ordonnance est anéantie dès l’accomplissement de l’acte d’opposition ( 1ère civ. 12 mai 2016, n°15-12392).

Aussi, les seuls effets qui ont vocation à régler la situation des parties sont ceux produits par le jugement.

À l’examen, le Tribunal qui statue sur l’opposition dispose de deux options :

  • Soit il déboute le créancier de sa demande
  • Soit il condamne le débiteur au paiement de la somme réclamée

Dans ce second cas, le titre exécutoire qui fondera les poursuites du créancier contre le débiteur sera donc le jugement et non l’ordonnance à laquelle il s’est substitué.

Il ne sera dès lors plus nécessaire pour le créancier de réclamer l’apposition de la formule exécutoire sur l’ordonnance.

Le jugement rendu sur opposition est indépendant de l’ordonnance : il produit ses propres effets.

==> Voies de recours

Dans la mesure où le jugement rendu sur opposition se substitue à l’ordonnance d’injonction de payer il est susceptible de faire l’objet de voies de recours dans les conditions du droit commun.

L’article 1421 du CPC dispose en ce sens que le tribunal statue à charge d’appel lorsque le montant de la demande excède le taux de sa compétence en dernier ressort.

Cela signifie que la voie de l’appel ne sera ouverte que dans l’hypothèse où la demande initiale ou une demande incidente excède le taux du dernier ressort de la juridiction saisie.

A l’inverse, lorsqu’aucune demande n’excède le taux du dernier ressort, le jugement sera insusceptible d’appel.

Schéma 3

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