La déchéance du terme

La déchéance du terme est une sanction qui consiste à priver le débiteur du bénéfice du terme, soit de la suspension de l’exigibilité de l’obligation.

Il s’ensuit que l’obligation devient immédiatement exigible, ce qui offre la possibilité, pour le créancier, d’engager des poursuites.

La déchéance du terme peut être légale ou conventionnelle.

I) La déchéance du terme conventionnelle

Dans cette hypothèse, la déchéance du terme ne soulève aucune difficulté particulière.

L’obligation devient immédiatement exigible dès lors que la cause de déchéance du terme prévue par les parties se réalise.

Lorsque la déchéance du terme est conventionnelle, elle devra expressément être prévue par les parties.

II) La déchéance du terme légale

A) Les causes de déchéance du terme

Lorsque la déchéance du terme est d’origine légale, elle est susceptible d’intervenir dans plusieurs cas, étant précisé que le législateur a récemment abandonné l’une des causes de déchéance antérieurement retenue.

==> Les causes maintenues de déchéance du terme

  • La diminution des sûretés
    • L’article 1305-4 du Code civil dispose que « le débiteur ne peut réclamer le bénéfice du terme s’il ne fournit pas les sûretés promises au créancier ou s’il diminue celles qui garantissent l’obligation. »
    • Deux causes de déchéance du terme sont envisagées par cette disposition
      • L’absence de fourniture des sûretés promises au créancier
      • La diminution des sûretés promises au créancier
    • Pour que l’une de ces deux causes de déchéance soit caractérisée, cela suppose la réunion de trois conditions cumulatives
      • La constitution d’une sûreté
        • Le texte exige qu’une sûreté ait été constituée au profit du créancier
        • Aucune distinction n’est faite entre les sûretés personnelles et les sûretés réelles, de sorte que les deux peuvent être envisagées.
      • La constitution d’une sûreté spéciale
        • Il ressort de l’article 1305-4 que la sûreté doit avoir été promise au créancier
        • Par promise, il faut entendre que la sûreté a une origine contractuelle
        • On peut en déduire que la déchéance du terme ne saurait être fondée sur le droit de gage général
        • Une sûreté spéciale doit avoir contractuellement été constituée à la faveur du créancier.
      • L’absence de constitution de la sûreté ou sa diminution
        • Peu importe que le débiteur n’ait pas constitué la sûreté promise ou l’ait seulement diminuée, dans les deux cas, cette conduite constitue une cause de déchéance du terme
        • Le législateur ne distingue pas non plus selon que la source de la diminution de la sûreté est légale ou conventionnelle
      • Un fait imputable au débiteur
        • Pour que l’absence de fourniture de la sûreté promise ou la diminution de la sûreté constituent des causes de nullité, encore faut-il que ces situations puissent être imputées au débiteur
        • La question qui immédiatement se pose est alors de savoir si le fait du débiteur doit être fautif ou non pour entraîner la déchéance du terme
        • Dans le droit antérieur les tribunaux exigeaient une faute.
        • L’article 1305-4 est quant à lui silencieux sur ce point ce que l’on peut regretter.
  • La défaillance de l’emprunteur
    • L’article 312-39 du Code de la consommation prévoit que « en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. »
    • Ainsi, le non-paiement de l’échéance d’un prêt constitue une cause légale de déchéance du terme.
    • La Cour de cassation est toutefois venue préciser dans un arrêt du 15 juin 2015 que « si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle»
    • Autrement dit, pour se prévaloir de la déchéance du terme, le prêteur était tenu d’adresser à l’emprunteur une mise en demeure de régulariser l’échéance impayée.
    • Aussi, c’est seulement si l’emprunteur ne défère pas à cette mise en demeure que la déchéance du terme est acquise.
    • Elle devra être notifiée au débiteur par l’envoi d’un nouveau courrier.

Cass. 1ère civ. 3 juin 2015
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 1134, 1147 et 1184 du code civil ;

Attendu que, si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Laser Cofinoga a consenti, le 23 juillet 2009, à M. X..., un prêt personnel remboursable par mensualités ; que celui-ci ayant cessé ses paiements à partir du mois de juin 2010, la société s'est prévalue de la déchéance du terme par lettre recommandée avec avis de réception du 16 janvier 2011, puis l'a assigné en remboursement ;

Attendu que, pour accueillir la demande, l'arrêt énonce qu'il ne résulte pas des stipulations contractuelles que le prêteur soit tenu de mettre en demeure l'emprunteur préalablement au constat de la déchéance du terme ;

Qu'en statuant ainsi, en l'absence de stipulation expresse dispensant le créancier de mise en demeure, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 février 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

  • La liquidation judiciaire
    • En cas de liquidation judiciaire, l’article L. 643-1 du Code de commerce prévoit que « le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire rend exigibles les créances non échues. »
    • Ainsi, pour faciliter l’opération de liquidation d’une entreprise, ce texte prévoit qu’elle constitue une cause de déchéance du terme

==> Les causes abandonnées de déchéance du terme

  • Les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire
    • Antérieurement à la réforme des procédures collectives, le jugement d’ouverture avait notamment pour effet de rendre exigible les dettes non échues
    • Désormais, l’article L. 622-29 du Code de commerce prévoit que « le jugement d’ouverture ne rend pas exigibles les créances non échues à la date de son prononcé. Toute clause contraire est réputée non écrite. »
    • L’instauration de cette règle se justifie par le triple objectif poursuivi par les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire :
      • la sauvegarde de l’entreprise
      • le maintien de l’activité et de l’emploi
      • l’apurement du passif
  • La faillite
    • Avant l’adoption de la loi du 25 janvier 1985, l’ancien article 1188 du Code civil visait comme cause de déchéance du terme la faillite du débiteur.
    • Cette disposition prévoyait que « le débiteur ne peut plus réclamer le bénéfice du terme lorsqu’il a fait faillite […].»
    • Ainsi, en 1985 le législateur a-t-il abandonné cette cause de déchéance du terme.

B) Les effets de la déchéance du terme

La déchéance du terme produit deux effets principaux :

  • Premier effet
    • L’obligation à terme devient exigible, de sorte que le créancier peut réclamer au débiteur son exécution immédiate
      • En matière de contrat de prêt le capital emprunté restant dû ainsi que les intérêts et pénalités devront donc intégralement être acquittés par le débiteur
      • Pour l’y contraindre, le créancier pourra engager à son encontre des poursuites judiciaires
  • Second effet
    • La déchéance du terme encourue par un débiteur est inopposable à ses coobligés, même solidaires, et à ses cautions ( 1305-5 C. civ.)
      • Cela signifie que la déchéance du terme produit un effet personnel
      • Le créancier devra, en conséquence, attendre la survenance de l’échéance pour actionner les coobligés en paiement
      • Cette règle se justifie par la nature de la déchéance du terme qui n’est autre qu’une sanction
      • Dans la mesure où elle vise à sanctionner le débiteur fautif, elle ne saurait toucher des personnes qui n’ont commis aucune faute.
      • La loi de ratification a précisé le second effet de la déchéance du terme en modifiant l’article 1305-5 du code civil relatif à l’inopposabilité de la déchéance du terme aux coobligés. pour ajouter que cette disposition est également applicable aux cautions.
      • En effet, la déchéance ayant par nature un caractère de sanction personnelle, elle ne doit pas produire d’effet sur les coobligés du débiteur déchu, sauf texte spécial dérogeant à cette règle.
      • La jurisprudence sur ce point est constante, qu’il s’agisse d’une caution, même solidaire, ou de codébiteurs solidaires.
      • Il ressort de la lecture du rapport au Président de la République que le texte entendait viser tant les codébiteurs que les cautions.
      • Or, stricto sensu, le terme « coobligés » fait référence aux codébiteurs seulement.
      • C’est la raison pour laquelle, l’article 1305-5 a été complété pour viser expressément les cautions du débiteur déchu.

Les délais de grâce: régime juridique

?Intérêt de la distinction entre les termes conventionnels, judiciaires et légaux

La distinction entre ces trois sortes de termes présente un triple intérêt :

  • Tout d’abord, tandis que les termes conventionnels et légaux s’imposent au juge, le délai judiciaire (de grâce) relève de son pouvoir souverain d’appréciation
  • Ensuite, tandis que seul le débiteur peut bénéficier du terme judiciaire, les termes légaux et conventionnels peuvent également profiter au créancier
  • Enfin, tandis que les termes légaux et judiciaires doivent être exprès, le terme conventionnel peut être tacite

I) Notion

Le délai de grâce se définit classiquement comme « le délai supplémentaire raisonnable que le juge peut, par un adoucissement de la rigueur du terme, accorder au débiteur pour s’exécuter, compte tenu de sa situation économique et de sa position personnelle »[1].

Plus précisément, le délai de grâce consenti par le juge à contractant fait obstacle à l’engagement de poursuites judiciaires contre lui.

Contrairement à une idée reçue, le délai de grâce n’affecte nullement l’exigibilité de la dette, dans la mesure où il n’empêche pas la production d’intérêts moratoires, ni la compensation.

II) Historique

Initialement, le pouvoir conféré au juge d’octroyer au débiteur un délai de grâce était pour le moins restreint puisqu’il ne pouvait en user qu’avec une extrême parcimonie.

Puis les lois du 25 mars et du 22 août 1936 ont étendu le pouvoir du juge tout en précisant que le délai de grâce ne pouvait pas dépasser un an.

Le législateur est intervenu une nouvelle fois avec la loi du 9 juillet 1991 pour porter ce délai à deux ans. Il en a profité par là même pour diversifier les modalités de mise en œuvre du délai de grâce (échelonnement de la dette ou suspension pure et simple).

Lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016, ce dernier n’a pas jugé nécessaire de revenir sur cette dernière réforme.

Le rapport au Président de la République indique en ce sens que conservées « sont conservées, mais rassemblées en un seul article, les dispositions existantes du code civil sur le report ou l’échelonnement du paiement des dettes par décision judiciaire (article 1343-5). »

Aussi, les conditions d’octroi d’un délai de grâce demeurent les mêmes.

III) Domaine d’application des délais de grâces

?Principe

Il ressort de l’article 1343-5 du Code civil qu’un délai de grâce peut être consenti par le juge au débiteur pour toute dette de droit privé.

Il importe peu que la dette soit de nature contractuelle ou délictuelle.

La cause de la dette est, par ailleurs, indifférente

L’alinéa 5 de l’article 1343-5 précise que « toute stipulation contraire est réputée non écrite. »

Il s’agit donc là d’une disposition d’ordre public.

?Exceptions

Dans certains cas, le législateur a pu estimer que les intérêts du débiteur ne devaient pas primer sur ceux du créancier.

Aussi, a-t-il interdit au juge, en pareilles hypothèses, d’octroyer des délais de grâces au débiteur.

Il en va ainsi pour plusieurs sortes de dettes dont notamment :

  • Les dettes d’aliments (art. 1343-5, al. 6 C. com.)
  • En matière d’effets de commerce (art. L. 511-81 et L. 512-3 C. com.)
  • Les créances de salaires (Cass. soc. 18 nov. 1992)
  • Les cotisations sociales (Cass. soc. 16 avr. 1992)
  • La prestation compensatoire (Cass. 2e civ. 10 avr. 2014)

IV) Textes

?Droit commun

Le droit commun des délais de grâce a pour siège de corpus de règles qu’il convient de distinguer :

  • L’article 1343-5 du Code civil pour les conditions et les modalités d’octroi d’un délai de grâce
  • Les articles 510 à 513 du Code de procédure civile pour la procédure d’octroi d’un délai de grâce

?Textes spéciaux

Plusieurs textes spéciaux ont été édictés par le législateur en vue de conférer au juge la faculté d’octroyer au débiteur des délais de grâces dans des circonstances particulières

Tel est le cas par exemple en matière :

  • De vente d’immeuble (art. 1655 C. civ.)
  • De prêt immobilier (art. L. 314-20 C. conso)
  • D’occupation de lieux habités ou de locaux à usage professionnel (art. L. 412-3 C. constr.)

V) Conditions d’octroi du délai de grâce

L’octroi au débiteur d’un délai de grâce n’est pas automatique.

C’est au juge qu’il revient d’apprécier l’opportunité de consentir ou de refuser au débiteur une telle faveur eu égard

Pour ce faire, il doit satisfaire un certain nombre de conditions posées par la loi :

  • Une dette monétaire
    • Pour être éligible à l’octroi d’un délai de grâce, la dette dont fait état le débiteur doit être de nature monétaire.
    • L’article 1343-5 du Code vise « le paiement des sommes dues »
    • Ainsi, ne peut-il s’agit d’une obligation de faire ou de ne pas faire.
  • La situation du débiteur
    • Pour solliciter le bénéfice d’un délai de grâce, le débiteur doit justifier
      • D’une part, d’une situation obérée, soit qu’il rencontre des difficultés qui objectivement ne lui permettent pas de satisfaire à son obligation de paiement
      • D’autre part, que les difficultés rencontrées résultent de circonstances indépendantes de sa volonté
      • Enfin, qu’il est de bonne foi, ce qui signifie qu’il a mis en œuvre tous les moyens dont ils disposent pour remplir son obligation.
  • Les besoins du créancier
    • La question qui se posera ici au juge est de savoir si, en octroyant un délai de grâce au débiteur, cette faveur est susceptible de compromettre la situation financière du créancier.
    • Aussi, les besoins du créancier détermineront la mesure dans laquelle le juge suspendra ou échelonnera le paiement de la dette
    • Si les besoins du créancier sont importants, celui-ci étant lui-même obligé vis-à-vis d’autres créanciers, le juge sera moins facilement enclin à octroyer à son débiteur des délais de paiement.
    • Il en ira tout autrement dans le cas contraire.

VI) Modalités d’octroi du délai de grâce

L’octroi d’un délai de grâce au débiteur par le juge peut s’opérer selon des modalités, les unes principales, les autres accessoires

?Les modalités principales

  • Le report de l’échéance
    • En application de l’article 1343-5 du Code civil, le juge peut suspendre le paiement de la dette pendant un délai maximum de deux ans
    • Cette mesure n’a toutefois pas pour effet de suspendre l’exigibilité de la dette.
    • Elle fait seulement obstacle à l’engagement de poursuites judiciaires par le créancier.
  • L’échelonnement de la dette
    • Le juge peut, s’il l’estime nécessaire, plutôt que de suspendre le paiement de la dette, seulement l’échelonner, là encore dans la limite de deux années.

?Les modalités accessoires

Deux modalités accessoires peuvent être prises en complément des modalités principales d’octroi d’un délai de grâce :

  • Réduction des intérêts et ordre d’imputation des paiements
    • Le juge peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.
  • Les mesures visant à faciliter ou garantir le paiement
    • Le juge peut subordonner les mesures prises à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette

VII) La procédure d’octroi du délai de grâce

?L’exigence d’une décision de justice

Aux termes de l’article 510 du Code de procédure civile, le délai de grâce ne peut être accordé que par la décision dont il est destiné à différer l’exécution.

Par décision, il faut entendre :

  • Les jugements de première instance
  • Les arrêts d’appel
  • Les accords de conciliation ou de médiations homologués par le juge
  • Les sentences arbitrales
  • Les actes notariés revêtus de la formule exécutoire
  • Les titres exécutoires délivrés par les huissiers de justice en cas de non-paiement d’un chèque
  • Les titres exécutoires délivrés par les personnes morales de droit public

?Le pouvoir souverain d’appréciation du juge

La faculté conférée au juge d’octroyer des délais de grâce relève de son pouvoir souverain d’appréciation.

Dans un arrêt du 24 octobre 2006, la Cour de cassation a considéré en ce sens qu’« en refusant d’accorder un délai de paiement au débiteur, la cour d’appel n’a fait qu’exercer le pouvoir discrétionnaire qu’elle tient de l’article 1244-1 du code civil, sans avoir à motiver sa décision » (Cass. 1ère civ. 24 oct. 2006, n°04-16.706).

Cass. 1ère civ. 24 oct. 2006

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu les articles 9 du code civil et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Attendu que dans son numéro daté du 7 juin 2001, l’hebdomadaire l’Express a publié, au sein d’un dossier intitulé “Lille. Les réseaux qui comptent”, un article titré “Francs-maçons, le ménage s’impose” ; que, relatant la mise en examen pour faux en écriture publique, favoritisme et prise illégale d’intérêts de M. Michel X…, maire de Ronchin (Nord), le journal fait état de l’appartenance de l’intéressé et de huit membres nominativement désignés du conseil municipal à la franc-maçonnerie ;

Attendu que pour condamner la société Groupe Express-Expansion, éditrice, et M. Denis Y…, directeur de la publication, à dommages-intérêts envers les personnes ainsi mentionnées, l’arrêt retient que l’appartenance à la franc-maçonnerie relève de la vie privée, que l’article n’apporte aucune révélation sur le lien entre l’activité des plaignants et leur affiliation divulguée, ni sur la solidarité ayant pu en résulter dans la commission invoquée des faits délictueux, et que la mention litigieuse avait donc été purement gratuite, sans nécessité au regard ni de la teneur générale des développements, ni de la mise en examen intervenue, ni du devoir d’informer le public ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait observé que le contexte général de la publication était la mise au jour, légitime dans une société démocratique, de réseaux d’influence, et que l’appartenance à la franc-maçonnerie suppose un engagement, de sorte que la révélation litigieuse, qui s’inscrivait dans le contexte d’une actualité judiciaire, était justifiée par l’information du public sur un débat d’intérêt général, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et par suite a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 10 juin 2004, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

?La motivation de la décision

Il ressort des articles 1343-5 du Code civil et 510 du Code de procédure civile que lorsque le juge octroie au débiteur un délai de grâce il doit spécialement motiver sa décision

?Juridiction compétence

La juridiction compétente pour statuer en matière de délai de grâce sera différente selon

  • Le montant du litige
    • Pour les litiges qui relèvent de matières civiles, c’est le Tribunal judiciaire qui sera compétent.
    • Le juge des contentieux de la protection sera notamment amené à connaître des actions relatives au crédit à la consommation et des mesures de traitement des situations de surendettement des particuliers.
  • La nature du litige
    • Le Tribunal de commerce sera compétent pour connaître des délais de grâce en matière commerciale.
    • Le Tribunal d’instance sera compétent pour connaître les litiges en matière de crédit à la consommation ou de saisie des rémunérations
    • Le juge de l’exécution sera compétent pour connaître les demandes de délai de grâce formulées dans le cadre de l’exécution d’une décision de justice.

?Point de départ du délai de grâce

Aux termes de l’article 511 du Code de procédure civile

  • Lorsque la décision est contradictoire, le délai court à compter du jour de son prononcé
  • Lorsque la décision n’est pas contradictoire, le délai court à compter du jour de sa notification

VIII) Effets

?Les effets à l’égard du débiteur

L’octroi d’un délai de grâce a pour effet principal d’empêcher l’engagement de poursuites judiciaires et non d’affecter le terme de l’obligation, en ce que son exigibilité serait suspendue, soit pour partie en cas d’échelonnement de la dette, soit totalement en cas de report de l’échéance à une date ultérieure

L’article 1347-3 du Code civil prévoit encore que le délai de grâce ne fait pas obstacle à la compensation, de sorte que la dette qui pèse sur la tête du débiteur peut être éteinte en cas de compensation avec une créance dont il serait titulaire contre son créancier.

?Les effets à l’égard du créancier

En application de l’article 1343-5, al. 4 du Code civil

  • D’une part, la décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier.
  • D’autre part, Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.

L’article 513 du Code de procédure tempère néanmoins cette règle en disposant que le délai de grâce ne fait pas obstacle aux mesures conservatoires.

Cette faculté offerte au créancier lui permet de se garantir contre une éventuelle défaillance de paiement à l’issue du délai de grâce.

  1. G. Cornu, Vocabulaire juridiqur ?

Cautionnement et cause de l’engagement de la caution (Cass. com. 17 mai 2017)

Par un arrêt du 17 mai 2017, la Cour de cassation rappelle que, en matière de cautionnement, la cause de l’engagement de la caution réside dans l’existence d’une dette à garantir.

  • Faits
    • Une personne physique s’est rendue, dans une certaine limite, caution personnelle et solidaire des engagements d’une société à la faveur d’une banque
    • Par jugement du 3 juillet 2009, ladite société fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire, laquelle sera convertie, par la suite, en liquidation judiciaire
    • Après avoir déclaré sa créance, le créancier met en demeure la caution de satisfaire à son engagement.
  • Demande
    • En réaction au refus de la caution de s’exécuter, la banque l’a assigné en paiement
    • Au soutien de sa défense, la caution argue que son engagement était sans cause, dans la mesure où, au jour où le cautionnement a été souscrit, la société garantie était insolvable.
  • Procédure
    • Par un arrêt du 12 janvier 2015, la Cour d’appel de Bordeaux a fait droit à la demande de la banque
    • Les juges du fond estiment
      • d’une part, qu’il n’est pas interdit de se porter caution d’un débiteur dont l’insolvabilité est avérée
      • d’autre part, que le fait d’écarter l’erreur prétendue de la caution sur la situation financière de la cautionnée, dès lors que l’existence de la dette principale est constante, équivaut à éliminer l’absence de cause
    • La Cour d’appel relève enfin que la caution était parfaitement avisée de ce que le débiteur principal avait fait l’objet d’un jugement de liquidation au moment où il a souscrit son engagement de caution
    • Son engagement n’était donc nullement dépourvu de cause
  • Solution
    • la chambre commerciale casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel
    • La Cour de cassation estime, en particulier au visa de l’article 1131 du Code civil – pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 (sic !) – que les motifs énoncés par la Cour d’appel au soutien de sa décision sont « impropres à caractériser, en l’absence d’un avantage consenti par le créancier, la cause de l’engagement souscrit par M. X… après le prononcé de la liquidation judiciaire du débiteur principal en garantie d’une dette antérieure à l’ouverture de la procédure collective»
    • La haute juridiction considère, autrement dit, que la motivation des juges du fond est ici totalement inopérante, d’où le défaut de base légale…
    • Afin de déterminer si l’engagement de la caution était causé, il leur appartenait de s’intéresser, non pas à la situation du débiteur principal, soit à son insolvabilité, mais à l’existence d’une dette à garantir.
    • Pour la chambre commerciale, la cause de l’engagement de la caution ne réside donc pas dans le rapport caution-débiteur principal, mais dans le rapport caution créancier.
    • Cette solution vient assurément confirmer une jurisprudence désormais ancienne qui tendait à considérer que « dès lors que la dette que l’engagement de la caution a pour objet de garantir existe.», l’engagement de la caution est parfaitement causé (V. en ce sens 1re civ., 30 mai 1978).
    • Il s’agit là d’une approche purement objective de la cause dans le contrat de cautionnement.
    • On ne se préoccupe pas des motifs qui ont conduit la caution à s’engager, mais uniquement de l’existence d’une dette à garantir.

Cass. com. 17 mai 2017
Sur le moyen unique :

Vu les articles 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, et 2289 du même code ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le 16 mai 2008, M. X… s’est rendu, dans une certaine limite, caution personnelle et solidaire des engagements de la société Alain Barrière au profit de la société Banque populaire Centre Atlantique, devenue Banque populaire Aquitaine Centre Atlantique (la banque) ; que le 3 juillet 2009, la société Alain Barrière a été mise en redressement judiciaire, lequel a été converti le 21 juillet suivant en liquidation judiciaire ; que la banque a déclaré sa créance, puis mis la caution en demeure de payer ; que le 12 décembre 2009, M. X… s’est, dans une certaine limite, rendu caution solidaire au profit de la banque ; qu’assigné en paiement, M. X… a demandé que soit prononcée, pour absence de cause, la nullité de son engagement du 12 décembre 2009 ; que le fonds commun de titrisation « Hugo créance 3 », représenté par la société de gestion GTI Asset management, est venu aux droits de la banque en vertu d’une cession de créances ;

Attendu que pour rejeter la demande de M. X… et le condamner à payer à la banque la somme de 100 000 euros, correspondant au montant de son engagement de caution au titre du compte courant n° 1182947082 et des cessions de créances professionnelles impayées, l’arrêt énonce qu’il n’est pas interdit de se porter caution d’un débiteur dont l’insolvabilité est avérée et que le fait d’écarter l’erreur prétendue de la caution sur la situation financière de la cautionnée, dès lors que l’existence de la dette principale est constante, équivaut à éliminer l’absence de cause, puis retient qu’il doit en être déduit que, M. X… étant parfaitement avisé de ce que sa société avait fait l’objet d’un jugement de liquidation au moment où il a souscrit son engagement de caution, celui-ci n’était pas dépourvu de cause ;

Qu’en se déterminant par ces motifs, impropres à caractériser, en l’absence d’un avantage consenti par le créancier, la cause de l’engagement souscrit par M. X… après le prononcé de la liquidation judiciaire du débiteur principal en garantie d’une dette antérieure à l’ouverture de la procédure collective, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;



PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il dit que l’acte de cautionnement du 12 décembre 2009, postérieur à la liquidation judiciaire de la Société Alain Barrière, engageait M. Alain X… pour la somme de 100 000 euros, déboute ce dernier de ses contestations, fins et conclusions, le condamne, en sa qualité de caution de la Société Alain Barrière, à payer à la Banque populaire Aquitaine Centre Atlantique la somme de 100 000 euros, correspondant au montant de son engagement de caution au titre du compte courant n° 1182947082 et des cessions de créances professionnelles impayées et en ce qu’il statue sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens, l’arrêt rendu le 12 janvier 2015, entre les parties, par la cour d’appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Agen ;