La liberté des conventions matrimoniales: régime

Au cours de leur mariage les époux sont soumis au droit des régimes matrimoniaux s’agissant des rapports pécuniaires qu’ils entretiennent entre eux.

Ce droit des régimes matrimoniaux fait l’objet d’un traitement dans deux parties bien distinctes du Code civil, puisque envisagé, d’abord dans un chapitre consacré aux devoirs et aux droits respectifs des époux (art. 212 à 226 C. civ.), puis dans un titre dédié spécifiquement au contrat de mariage et aux régimes matrimoniaux (art. 1384 à 1581 C. civ.).

==> Régime primaire impératif et régime matrimonial

Cet éclatement du droit des régimes matrimoniaux à deux endroits du Code civil, révèle que les époux sont soumis à deux corps de règles bien distinctes :

  • Premier corps de règles : le régime primaire impératif
    • Les époux sont d’abord soumis à ce que l’on appelle un régime primaire impératif, également qualifié de statut matrimonial de base ou statut fondamental, qui se compose de règles d’ordre public applicables à tous les couples mariés.
    • Il s’agit, en quelque sorte, d’un socle normatif de base qui réunit les principes fondamentaux régissant la situation patrimoniale du couple marié.
  • Second corps de règles : le régime matrimonial
    • Au régime primaire impératif qui constitue « le statut fondamental des gens mariés»[1], se superpose un régime matrimonial dont la fonction est :
      • D’une part, de déterminer la composition des patrimoines des époux
      • D’autre part, de préciser les pouvoirs dont les époux sont titulaires sur chaque masse de biens
    • Le régime matrimonial se distingue du régime primaire impératif en ce que son contenu est susceptible de différer d’un couple à l’autre.

Ainsi, tandis que le régime matrimonial applicable au couple marié dépend du choix qu’ils auront fait, tantôt au moment de la conclusion du mariage, tantôt au cours de leur union, le régime primaire impératif s’impose à eux, sans qu’ils disposent de la faculté de se soustraire ou d’écarter les règles qui le composent en raison de leur caractère d’ordre public.

Cette dualité entre règles impératives et règles supplétives qui façonnent le statut matrimonial des époux n’est autre qu’une manifestation de la nature hybride du mariage qui mêle le contrat à l’institution.

==> Origines et fondements de la liberté des conventions matrimoniales

S’agissant spécifiquement de la dimension contractuelle du mariage, elle s’exprime notamment dans la détermination du régime matrimonial applicable aux époux.

Car en effet, c’est la liberté qui préside au choix du régime matrimonial. L’article 1387 du Code civil prévoit en ce sens que « la loi ne régit l’association conjugale, quant aux biens, qu’à défaut de conventions spéciales que les époux peuvent faire comme ils le jugent à propos ».

Cette disposition instaure donc un principe de liberté des conventions matrimoniales, en ce sens que les époux sont autorisés à régler leurs rapports pécuniaires par voie de contrat de mariage.

Cette liberté dont jouit le couple marié n’est nullement un acquis de la Révolution. Elle prend directement racine dans l’Ancien régime. En droit canonique, la règle observée est que la conclusion du mariage ne peut procéder que d’un échange des consentements.

Et parce que les enjeux d’une union conjugale diffèrent d’un couple à l’autre et que les époux peuvent être soumis à des lois et coutumes différentes selon leur région d’appartenance, il a très tôt été admis qu’ils puissent établir une convention pour organiser l’union des biens.

En 1804, les rédacteurs du Code civil n’ont fait que consacrer la liberté des conventions matrimoniales qui, par suite, a été confirmée par la loi n°65-570 du 13 juillet 1965 portant réforme des régimes matrimoniaux, puis par la loi n°85-1372 du 23 décembre 1985 relative à l’égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et des parents dans la gestion des biens des enfants mineurs

Cette liberté dont jouit le couple marié de choisir et d’aménager son régime matrimonial est pour le moins étendue dans le temps puisqu’elle peut être exercée, tant au moment de la formation du mariage, qu’au cours de l’union conjugale.

Nous nous focaliserons ici sur la liberté des conventions matrimoniales.

Si, l’article 1387 du Code civil prévoit, en substance, que les époux sont libres de choisir leur régime matrimonial, il précise que cette liberté peut être exercée pourvu que les conventions spéciales qu’ils établissent « ne soient pas contraires aux bonnes mœurs ni aux dispositions qui suivent. »

Le principe de liberté des conventions matrimoniales n’est, ainsi, pas absolu. Il est assorti de limites qui tiennent à l’ordre public matrimonial qui rappelle que le mariage comporte également une dimension institutionnelle.

I) Le principe de liberté des conventions matrimoniales

Lors de la formation du mariage, il appartient aux époux de choisir le régime matrimonial qu’ils souhaitent se voir appliquer.

Cette liberté de choix dont ils jouissent est double :

  • D’une part, ils peuvent choisir un régime matrimonial parmi ceux proposés par la loi
  • D’autre part, ils disposent de la faculté d’aménager le régime matrimonial pour lequel ils ont opté

A) Le choix du régime matrimonial

L’article 1387 du Code civil confère donc aux époux la liberté de choisir le régime matrimonial qui leur sied, lequel a vocation à régler leurs rapports pécuniaires.

Ce régime peut avoir pour source, tout aussi bien la loi, que la volonté des parties.

1. Le choix d’un régime matrimonial proposé par la loi

Il est admis que les époux puissent, tout autant opter pour un régime matrimonial prévu par le Code civil, que pour un régime régi par une loi étrangère.

a. Le choix d’un régime matrimonial prévu par le Code civil

==> Régime légal et régimes conventionnels

Afin de leur faciliter la tâche, le Code civil met à leur disposition un certain nombre de régimes prédéterminés qu’ils peuvent adopter « clé en main ».

L’article 1393, al. 1er du Code civil prévoit en ce sens que « les époux peuvent déclarer, de manière générale, qu’ils entendent se marier sous l’un des régimes prévus au présent code. »

Pratiquement, le choix qui s’offre au couple marié consiste à opter soit pour le régime légal, soit pour un régime conventionnel :

  • Le choix du régime légal
    • L’application du régime légal, qualifié de communauté réduite aux acquêts, procède, à la vérité, moins d’un choix que d’une absence de choix.
    • À l’analyse, il s’agit d’un régime supplétif qui a vocation à s’appliquer au couple marié lorsqu’il n’a pas opté pour un régime conventionnel.
    • L’article 1393, al. 2e du Code civil prévoit, en effet, que « à défaut de stipulations spéciales qui dérogent au régime de communauté ou le modifient, les règles établies dans la première partie du chapitre II formeront le droit commun de la France. »
    • En l’absence de choix des époux, il y a donc lieu de faire application au couple marié du régime de la communauté réduite aux acquêts, envisagé aux articles 1400 à 1491 du Code civil.
    • Ce régime a été institué par la loi du 13 juillet 1965 qui l’a substitué à l’ancien régime légal de communauté de meubles et d’acquêts, lequel est désormais relégué au rang de régime conventionnel.
    • À cet égard, le régime légal se classe parmi les régimes communautaires dans la mesure où il crée une masse commune de biens qui ont vocation à être partagés au jour de la dissolution du mariage.
  • Le choix d’un régime conventionnel
    • Les époux peuvent décider d’opter pour un régime matrimonial relevant de la catégorie des régimes conventionnels au nombre desquels figurent :
      • Le régime de la communauté de meubles et d’acquêts ( 1498 à 1501 C. civ.)
      • Le régime de la communauté universelle ( 1526 C. civ.)
      • Le régime de la séparation de biens ( 1536 à 1543 C. civ.)
      • Le régime de la participation aux acquêts ( 1569 à 1581 C. civ.)
    • À l’examen, la « conventionnalité » de ces régimes demeure somme toute relative dans la mesure où ils sont proposés par le législateur.
    • Les époux peuvent néanmoins, en application du principe de « liberté des conventions matrimoniales», les aménager à leur guise afin d’établir un contrat de mariage « sur-mesure ».

==> La nature du régime légal

Ce qu’il a donc lieu de retenir des règles de détermination du régime matrimonial applicable aux époux c’est que, en l’absence de choix exprimé, par eux, ils sont réputés avoir opté pour le régime légal.

De cette application, par défaut, d’un régime matrimonial spécifié par la loi, faute pour les époux d’avoir établi un contrat de mariage, une controverse est née, à partir du XVIe siècle, quant à la nature du régime légal.

La question s’est posée de savoir s’il pouvait être assimilé à un régime conventionnel.

La doctrine traditionnelle a très largement opiné en ce sens en défendant l’idée que si les époux n’avaient pas opté pour un régime matrimonial spécifique, c’est parce qu’ils avaient voulu opter pour le régime légal.

Aussi, fallait-il voir dans ce non-choix, la conclusion d’un contrat tacite, ce qui donc justifierait que l’on appréhende le régime légal comme relevant de la même catégorie que les régimes conventionnels.

L’enjeu du débat résidait dans l’application de la loi dans l’espace et dans le temps.

  • S’agissant de l’enjeu tenant à l’application de la loi dans l’espace
    • Si l’on considère que le régime légal présente une nature conventionnelle, alors pour trancher un conflit de lois entre deux pays, il y a lieu d’opter pour la loi d’autonomie, soit de se référer à la volonté des parties.
    • Faute de volonté expressément exprimée, il appartient au juge de rechercher des indices permettant de sonder les intentions implicites du couple.
    • S’il n’y parvient pas, la seule option qui lui reste est de se référer à un critère de rattachement objectif, tel que la loi de l’État avec lequel les époux entretiennent le lien plus étroit, ce qui, le plus souvent est déterminé par leur lieu de la première résidence matrimoniale.
    • Ce raisonnement emprunté à la résolution des conflits de lois dans l’espace en matière contractuelle, a été adopté par la jurisprudence dans de nombreux arrêts (V. notamment req. 4 juin 1935).
    • C’est ce qui a conduit les auteurs classiques, en particulier, Dumoulin, à soutenir que le régime légal devait bien être appréhendé comme un contrat et non comme un simple effet de la loi.
  • S’agissant de l’enjeu tenant à l’application de la loi dans le temps
    • Si l’on considère que le régime légal s’apparente à un régime conventionnel, cette position conduit à écarter l’application immédiate de la loi nouvelle à la situation matrimoniale des époux qui se sont mariés sous l’empire du droit antérieur.
    • À l’instar de n’importe quelle situation contractuelle, il y a lieu, en effet, de faire application du principe de survie de la loi ancienne afin de résoudre le conflit de lois dans le temps.

Aujourd’hui, la thèse contractualiste semble avoir été abandonnée. Ainsi que s’accordent à le dire les auteurs, le régime légal serait moins le produit d’un contrat que de l’effet de la loi.

Plusieurs arguments sont avancés au soutien de cette thèse :

  • Premier argument
    • S’agissant de la résolution des conflits de lois dans le temps, la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985 a posé le principe d’application immédiate de la loi nouvelle.
    • Il en résulte que cette dernière a vocation à s’appliquer indifféremment à tous les couples mariés, peu importe que leur union ait été célébrée avant ou après l’adoption du nouveau texte.
    • Le principe a, certes, été assorti d’un certain nombre d’aménagements, notamment afin de préserver l’étendue du gage des créanciers antérieurs, la survie de la loi ancienne demeure toutefois reléguée au rang d’exception.
  • Deuxième argument
    • L’un des arguments décisifs permettant de dénier au régime légal une nature contractuelle consiste à convoquer l’article 1394, al. 3e du Code civil qui prévoit que « si l’acte de mariage mentionne qu’il n’a pas été fait de contrat, les époux seront, à l’égard des tiers, réputés mariés sous le régime de droit commun, à moins que, dans les actes passés avec ces tiers, ils n’aient déclaré avoir fait un contrat de mariage. »
    • Autrement dit, en l’absence de publicité du contrat de mariage, les époux sont réputés, à l’égard des tiers, avoir opté pour le régime légal.
    • De la même manière, en cas d’annulation du contrat de mariage, la jurisprudence décide que c’est le régime légal qui a vocation à s’appliquer.
    • Lorsque donc le régime légal s’applique consécutivement, soit à un défaut de publicité de leur contrat de mariage, soit à son annulation, on ne saurait raisonnablement soutenir qu’il procède d’un accord des volontés des parties puisque, par hypothèse, il s’impose à eux par l’effet de la loi.
    • Pour cette seule raison, la nature contractuelle du régime légal est pour le moins discutable, sinon difficilement conciliable avec la fonction que lui confère la loi.
  • Troisième argument
    • L’adoption de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 entrée en vigueur le 1er septembre 1992 a marqué un recul de la loi d’autonomie s’agissant de la résolution des conflits de loi en matière de régimes matrimoniaux.
    • Si, la volonté des époux joue toujours un rôle déterminant quant à la détermination de la loi applicable à leur régime matrimonial, elle se heurte désormais à des limites instituées par la Convention de La Haye.
    • Ainsi, ne peuvent opter que pour un régime soumis à la loi :
      • Soit d’un État dont l’un des époux possède la nationalité
      • Soit de l’État sur le territoire duquel la résidence habituelle de l’un des époux est située
      • Soit de l’État sur le territoire duquel les époux envisagent, après leur mariage, d’élire domicile
    • Faute de choix formulé par les époux, c’est la loi de l’État sur le territoire duquel leur résidence habituelle sera située après leur mariage

b. Le choix d’un régime matrimonial régi par une loi étrangère

Les époux ne sont nullement obligés d’opter pour l’un des régimes matrimoniaux prévus par le Code civil.

La liberté des conventions matrimoniales leur confère la faculté de choisir un régime soumis à une loi étrangère.

Depuis l’entrée en vigueur de la Convention de La Haye, ce choix est néanmoins encadré.

Désormais, il y a lieu de distinguer selon que la situation des époux présente ou non un élément d’extranéité lorsqu’ils se marient.

Par élément d’extranéité, il faut entendre un élément de contact entre deux ou plusieurs systèmes juridiques nationaux, situation qui a pour effet d’engendrer un conflit de lois dans l’espace.

Pour déterminer la loi applicable à la situation juridique qui comporte un élément d’extranéité, il conviendra alors de mettre en œuvre les règles du droit international privé et plus précisément celles que l’on appelle les règles de conflits de lois.

i. La situation des époux présente un élément d’extranéité

Lorsque la situation des époux présente un élément d’extranéité lorsqu’ils se marient, il convient de distinguer selon que le choix de leur régime matrimonial est intervenu avant ou après le 1er septembre 1992, date d’entrée en vigueur de la Convention de La Haye.

==> Le choix du régime matrimonial est intervenu avant l’entrée en vigueur de la Convention de La Haye

Dans cette hypothèse, pour déterminer la loi applicable au régime matrimonial des époux, le conflit de lois résultant de l’élément d’extranéité affectant leur situation devait être tranché par la loi de l’autonomie.

Autrement dit, en application des règles du droit international privé, il fallait se référer à la volonté des époux et donc faire application de la loi sous l’autorité de laquelle ils avaient entendu se placer afin de régler leurs rapports pécuniaires.

À cet égard, ces derniers étaient libres de désigner, tout autant la loi d’un État avec lequel entretenait un lien particulier (nationalité, résidence etc.), que la loi d’un État avec lequel ils n’avaient aucun lien.

Faute de désignation, expresse ou tacite, par les époux d’une loi applicable à leur régime matrimonial, il appartenait au juge de résoudre le conflit de lois en se référant à un critère de rattachement objectif, tel que la première résidence habituelle des époux après la célébration de leur mariage (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 5 nov. 1996).

C’est, en effet, avec l’état sur le territoire duquel ils ont élu domicile qu’ils sont censés entretenir les liens les plus étroits. Il s’agissait là, à tout le moins, d’une présomption simple qui pouvait être combattue par la preuve contraire.

==> Le choix du régime matrimonial est intervenu après l’entrée en vigueur de la Convention de La Haye

Dans cette hypothèse, c’est donc vers la Convention de La Haye qui a vocation à s’appliquer.

Cette convention internationale, adoptée le 14 mars 1978, puis entrée en vigueur le 1er septembre 1992, est venue encadrer, sinon restreindre la liberté octroyée aux époux de soumettre leur régime matrimonial à l’application d’une loi étrangère.

Le système mis en place afin de trancher les conflits de lois repose sur deux critères de rattachement. Tandis que le premier, dit subjectif, s’applique lorsque les époux ont désigné expressément ou tacitement la loi applicable, le second critère, dit objectif, a vocation à jouer en l’absence de choix formulé par eux.

Deux situations doivent donc être distinguées :

  • Les époux ont exprimé un choix
    • Dans cette hypothèse, la Convention de La Haye prévoit qu’il y a lieu de faire application de la loi de l’autonomie.
    • C’est donc la loi désignée par les époux qui est applicable, à la condition néanmoins que cette désignation réponde aux exigences posées par la convention.
    • En effet, la Convention de La Haye a restreint le choix des époux qui ne disposent désormais que de trois options.
    • L’article 3 du texte prévoit en ce sens que les époux ne peuvent désigner que l’une des lois suivantes :
      • La loi d’un État dont l’un des époux a la nationalité au moment de cette désignation ;
      • La loi de l’État sur le territoire duquel l’un des époux a sa résidence habituelle au moment de cette désignation ;
      • La loi du premier État sur le territoire duquel l’un des époux établira une nouvelle résidence habituelle après le mariage.
    • La Convention de La Haye a, manifestement, opéré une rupture avec le droit antérieur qui ne limitait pas le choix des époux et les autorisait notamment à désigner la loi d’un État avec lequel ils n’entretenaient aucun lien.
  • Les époux n’ont exprimé aucun choix
    • Lorsque les époux n’ont exprimé aucun choix quant à la désignation de la loi applicable à leur régime matrimonial, la Convention de La Haye prévoit qu’il y a lieu, pour trancher le conflit de lois, de se référer à un critère de rattachement objectif
    • Ce critère de rattachement, énoncé à l’article 4 du texte, s’articule autour d’un principe, et d’exceptions.
      • Principe
        • La convention prévoit que si les époux n’ont pas, avant le mariage, désigné la loi applicable à leur régime matrimonial, celui-ci est soumis à la loi interne de l’État sur le territoire duquel ils établissent leur première résidence habituelle après le mariage.
      • Exception
        • Faute de résidence habituelle et si les époux ont une nationalité commune, la loi applicable sera celle de l’État dont ils sont ressortissants.
      • Exception à l’exception
        • À défaut de résidence habituelle des époux sur le territoire du même État et à défaut de nationalité commune, l’article 4 de la Convention de La Haye prévoit que leur régime matrimonial est soumis à la loi interne de l’État avec lequel, compte tenu de toutes les circonstances, il présente les liens les plus étroits.

Au bilan, la liberté des époux de soumettre leur régime matrimonial à une loi étrangère a été considérablement réduite par la Convention de La Haye.

De l’avis unanime des auteurs, cette évolution du droit n’est pas sans avoir affecté la dimension contractuelle du droit des régimes matrimoniaux, à tout le moins lorsque la situation des époux présente un élément d’extranéité.

ii. La situation des époux ne présente pas d’élément d’extranéité

Lorsque la situation des époux ne présente aucun élément d’extranéité, ils sont libres de soumettre leur régime matrimonial à n’importe quelle loi étrangère, pourvu qu’elle ne soit pas contraire à l’ordre public, ni aux bonnes mœurs.

La question qui alors se pose est de savoir comment les époux doivent-ils formaliser la désignation d’une loi étrangère.

Peuvent-ils se limiter, pour exprimer leur choix, en renvoyant vers la loi étrangère ou doivent-ils reproduire, de façon détaillée, ses dispositions dans la convention matrimoniale qu’il y a lieu, en tout état de cause, d’établir ?

La doctrine est partagée sur cette question, en raison d’une divergence d’interprétation de l’article 1393, al. 1er du Code civil.

Cette disposition prévoit que « les époux peuvent déclarer, de manière générale, qu’ils entendent se marier sous l’un des régimes prévus au présent code. »

Deux approches sont envisageables :

  • L’approche restrictive
    • Cette première approche consiste à dire que la possibilité pour les époux de « déclarer de manière générale», soit par le jeu d’un renvoi dans leur contrat de mariage, qu’ils entendent opter pour l’un des régimes matrimoniaux prévus par la loi serait circonscrite aux seuls régimes envisagés par le Code civil.
    • L’article 1393, al. 1er vise, en effet, les « régimes prévus au présent code ».
    • Aussi, dès lors qu’il s’agirait d’opter pour un régime matrimonial régi par une loi étrangère, une « déclaration générale» serait insuffisante.
    • Il appartiendrait donc aux époux de reproduire les dispositions de la loi étrangère à laquelle ils entendent soumettre leur régime matrimonial
  • L’approche extensive
    • Cette seconde approche consiste à soutenir que la lettre de l’article 1393, al. 1er ne serait pas déterminante car, ce qui importe, c’est la volonté des parties.
    • Or dès lors que cette volonté est clairement exprimée et dénuée de toute ambiguïté, rien n’interdirait aux époux de soumettre leur régime matrimonial à une loi étrangère par le jeu d’un simple renvoi, comme c’est l’usage de le faire en matière contractuelle pour d’autres points de droit.

Quelle approche retenir ? L’article 1393, al. 1er du Code civil doit-il faire l’objet d’une interprétative restrictive ou extensive ?

À l’analyse, les deux approches sont séduisantes, car reposant sur de solides arguments.

Dans le doute, et faute de décision rendue aujourd’hui pour départager les auteurs, l’approche restrictive nous apparaît la plus prudente.

Aussi, doit-il, selon nous, être recommandé aux époux qui entendent opter pour un régime matrimonial régi par une loi étrangère de reproduire les règles dont il se compose dans leur contrat de mariage.

2. Le choix d’un régime matrimonial façonné par la volonté des parties

La liberté des conventions matrimoniales dont jouissent les époux les autorise à opter pour un régime matrimonial qui n’est prévu, ni par le Code civil, ni par une loi étrangère.

Autrement dit, il est admis qu’ils puissent laisser libre cours à leur imagination, sous réserve que le régime matrimonial qu’ils entendent confectionner ne soit pas contraire à l’ordre public matrimonial et aux bonnes mœurs.

Aussi, rien n’interdit le couple marié d’opter pour un régime matrimonial qui a disparu car réglementé par une ancienne coutume qui a été abolie lors de l’entrée en vigueur du Code civil.

On peut notamment penser au régime dotal qui était pratiqué dans les pays de droit écrit et plus particulièrement dans le midi.

Ce régime était assis sur l’apport par l’épouse d’une dot composée de tous les biens qu’elle possédait avant la célébration du mariage et de tous ceux qu’elle acquerrait dans l’avenir.

Si, pendant le mariage, il était admis, quoique discuté par la doctrine, que les biens composant la dot étaient la propriété du mari – auquel il était néanmoins fait interdiction d’aliéner les immeubles apportés – cette dot avait vocation à être restituée à l’épouse lors de la dissolution du mariage.

Dans les pays de droit coutumier, on peut citer le régime normand qui présentait la particularité d’instituer une séparation de biens, de sorte qu’il n’existait pas de masse commune.

Ce régime prévoyait également l’obligation pour l’épouse de constituer une dot. Cette obligation était assortie d’une interdiction absolue, et pour le mari, et pour l’épouse, d’aliéner les biens dotaux.

Il conférait, également, à l’épouse un droit à douaire, soit à un usufruit sur une portion des biens de son mari, en cas de décès de celui-ci.

Lors de l’entrée en vigueur du Code civil, la question s’est posée de savoir si la reprise par les époux d’un ancien régime matrimonial ne se heurtait pas à la règle posée à l’article 1390 pris dans sa rédaction initiale.

Cette disposition prévoyait, en effet, que « les époux ne peuvent plus stipuler d’une manière générale que leur association sera réglée par l’une des coutumes, lois ou statuts locaux qui régissaient ci-devant les diverses parties du territoire français, et qui sont abrogés par le présent Code. »

Fallait-il interpréter ce texte comme interdisant aux époux d’opter pour un régime matrimonial qui avait cours sous l’empire du droit antérieur ?

La doctrine a majoritairement opiné dans le sens d’une absence d’interdiction posée par l’article 1390 auquel les auteurs prêtaient une portée moins normative, que symbolique.

Cette disposition avait été insérée dans le Code civil par ses rédacteurs aux fins de signifier que le droit applicable sur le territoire français était désormais unifié et qu’il n’y avait plus lieu de distinguer selon que l’on se trouva en Normandie ou dans le Sud de la France.

Aussi, rien n’interdit les époux de faire leur l’un des régimes matrimoniaux qui étaient pratiqués dans les pays de droit écrit ou de droit coutumier, dès lors que deux conditions cumulatives sont réunies :

  • En premier lieu, le régime choisi ne doit comporter aucune disposition contraire à l’ordre public matrimonial et aux bonnes mœurs ( 1387 C. civ.).
  • En second lieu, le régime choisi, faute d’être l’un de ceux prévus par le Code civil, doit être détaillé par les époux dans leur contrat de mariage ( 1393 C. civ.).

À l’analyse, il n’apparaît pas envisageable, aujourd’hui, pour un couple marié d’opter pour un régime matrimonial pratiqué sous l’ancien régime, bien que, sur le principe, ils en aient le droit.

Qu’il s’agisse du régime dotal, du régime normand ou encore du régime sans communauté, la doctrine s’accorde à dire qu’un certain nombre de dispositions sur la base desquelles sont bâtis ces régimes sont purement et simplement incompatibles avec les règles qui composent le régime primaire impératif.

On songe notamment au principe d’inaliénabilité des biens dotaux ou encore à l’interdiction faite à l’épouse de disposer de ses biens propres.

B) L’aménagement du régime matrimonial

En vertu de la liberté des conventions matrimoniales dont ils jouissent, les époux ne sont pas seulement libres de choisir le régime matrimonial qui leur sied, peu importe qu’il soit ou non prévu par le Code civil ou par une loi étrangère, ils disposent également de la faculté d’aménager le régime pour lequel ils optent.

Pour ce faire, ils peuvent :

  • Soit combiner des régimes matrimoniaux préexistants entre eux
  • Soit aménager les règles d’un régime préexistant

1. S’agissant de la combinaison de régimes préexistants

Le principe de liberté des conventions matrimoniales autorise les époux à bâtir un régime matrimonial qui leur serait propre par la combinaison de plusieurs régimes proposés par la loi.

Ainsi que le suggèrent des auteurs, il pourrait ainsi être envisagé de combiner un régime communautaire avec le régime de participation aux acquêts en faisant du second « une participation en nature au lieu de la participation en valeur qu’a prévue le législateur »[2].

La difficulté de l’exercice consistera à ne pas combiner des dispositions qui présentent une incompatibilité en conférant, par exemple, aux époux des pouvoirs contradictoires sur une catégorie de biens.

2. S’agissant de l’aménagement des règles d’un régime préexistant

L’aménagement des règles d’un régime préexistant est de loin la situation la plus courante.

Il s’agira, en substance, pour les époux de modifier le régime matrimonial pour lequel ils ont opté selon des modalités diverses.

Il pourra s’agir d’aménager, tantôt la répartition des biens, tantôt la répartition des pouvoirs, sous réserve de ne pas contrevenir à l’ordre public matrimonial.

2.1 S’agissant de l’aménagement des régimes communautaires

Il convient de distinguer les aménagements expressément proposés par la loi et ceux forgés par la pratique.

a. Les aménagements proposés par la loi

Pour les régimes communautaires, certains aménagements sont expressément proposés par la loi elle-même.

L’article 1497 du Code civil prévoit en ce sens que les époux peuvent, dans leur contrat de mariage, modifier la communauté légale par toute espèce de conventions non contraires aux articles 1387, 1388 et 1389.

Ils peuvent, notamment, convenir :

  • Que la communauté comprendra les meubles et les acquêts ;
  • Qu’il sera dérogé aux règles concernant l’administration ;
  • Que l’un des époux aura la faculté de prélever certains biens moyennant indemnité ;
  • Que l’un des époux aura un préciput ;
  • Que les époux auront des parts inégales ;
  • Qu’il y aura entre eux communauté universelle.

Il ressort de cette liste d’aménagements proposés que les époux peuvent modifier :

==> La composition de la communauté

L’article 1497 du Code civil propose ici de modifier la composition de la communauté selon deux modalités différentes :

  • La communauté de meubles et d’acquêts
    • Cet aménagement n’est autre qu’une reprise de l’ancien régime légal en vigueur sous l’empire de la loi du 13 juillet 1965.
    • En substance, lorsque les époux optent pour la communauté de meubles et d’acquêts, l’actif de la communauté est augmenté par rapport au régime légal.
    • En effet, il comprend, outre les biens qui relèvent de la masse commune sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, les biens meubles qui seraient qualifiés de propres sous ce régime.
    • Sont donc inclus dans la masse commune, lorsque les époux sont soumis au régime de communauté de meubles et d’acquêts, tous les biens meubles dont les époux avaient la propriété ou la possession au jour du mariage ou qui leur sont échus depuis par succession ou libéralité, à moins que le donateur ou testateur n’ait stipulé le contraire.
  • La communauté universelle
    • La communauté universelle, qualifié de « régime de l’amour» par le doyen Cornu présente cette particularité de réaliser une fusion entre les patrimoines des époux pour ne former qu’une seule masse de biens.
    • En effet, la communauté comprend les biens tant meubles qu’immeubles, présents et à venir des époux.
    • Par exception et sauf stipulation contraire, les biens que l’article 1404 déclare propres par leur nature ne tombent point dans cette communauté.
    • Sont donc exclus de la masse commune
      • D’une part, les vêtements et linges à l’usage personnel de l’un des époux, les actions en réparation d’un dommage corporel ou moral, les créances et pensions incessibles, et, plus généralement, tous les biens qui ont un caractère personnel et tous les droits exclusivement attachés à la personne.
      • D’autre part, les instruments de travail nécessaires à la profession de l’un des époux, à moins qu’ils ne soient l’accessoire d’un fonds de commerce ou d’une exploitation faisant partie de la communauté.
    • En dehors de ces biens visés par l’article 1404 du Code civil, tous les biens acquis par les époux avant et pendant le mariage ont vocation à alimenter la masse commune.

==> L’administration des biens

Cet aménagement consiste à stipuler une clause d’administration conjointe ou de « main commune » visée à l’article 1503 du Code civil.

Cette disposition prévoit que « les époux peuvent convenir qu’ils administreront conjointement la communauté. »

Lorsqu’elle est stipulée, cette clause a pour effet de subordonner l’accomplissement d’actes sur les biens communs à l’accord des deux époux.

L’alinéa 2 de l’article 1503 du Code civil prévoit en ce sens que « en ce cas les actes d’administration et de disposition des biens communs sont faits sous la signature conjointe des deux époux et ils emportent de plein droit solidarité des obligations. »

Sont ainsi visés, tant les actes d’administration que de disposition.

L’objectif recherché ici est de sécuriser le patrimoine commun du couple qui ne peut être modifié que lorsque les deux époux ont exprimé leur consentement.

Les seuls actes susceptibles d’être accomplis par un époux seul sur un bien qui relève de la masse commune sont les actes conservatoires, soit deux qui visent à préserver la substance de la chose.

==> La répartition des biens

L’aménagement du partage de la communauté est envisagé par l’article 1497 du Code civil selon quatre modalités différentes qui visent à modifier les règles relatives, soit à la composition de la communauté, soit au partage de la communauté.

  • La modification des règles relatives à la composition de la communauté
    • Cet aménagement des règles relatives à la composition de la communauté peut se traduire par la stipulation de deux types de clauses :
      • La clause de prélèvement moyennant indemnité
        • Cette clause autorise le conjoint survivant à choisir, avant tout partage, les biens qu’il souhaite conserver dans son patrimoine personnel.
        • La règle est énoncée à l’article 1511 du Code civil qui prévoit que « les époux peuvent stipuler que le survivant d’eux ou l’un d’eux s’il survit, ou même l’un d’eux dans tous les cas de dissolution de la communauté, aura la faculté de prélever certains biens communs, à charge d’en tenir compte à la communauté d’après la valeur qu’ils auront au jour du partage, s’il n’en a été autrement convenu.»
        • En cas de prélèvement de biens dont la valeur excéderait la part qui lui revient, il appartiendra au conjoint survivant de reverser une soulte (la différence) aux ayants droit de l’époux décédé.
        • À cet égard, en application de l’article 1512, le contrat de mariage peut fixer des bases d’évaluation et des modalités de paiement de la soulte éventuelle.
        • À défaut d’accord entre les parties, la valeur des biens sera fixée par le tribunal judiciaire.
        • L’article 1514 précise, par ailleurs, que Les époux peuvent convenir que l’indemnité due par l’auteur du prélèvement s’imputera subsidiairement sur ses droits dans la succession de l’époux prédécédé.
      • La clause de préciput
        • Cette clause autorise le conjoint survivant à prélever sur la masse commune, avant tout partage, un ou plusieurs biens sans qu’aucune contrepartie ne soit due, quand bien même la valeur de ces biens excéderait la part à laquelle il aurait eu normalement droit.
        • L’article 1515 du Code civil prévoit en ce sens que « il peut être convenu, dans le contrat de mariage, que le survivant des époux, ou l’un d’eux s’il survit, sera autorisé à prélever sur la communauté, avant tout partage, soit une certaine somme, soit certains biens en nature, soit une certaine quantité d’une espèce déterminée de biens. »
        • L’article 1516 prévient que « le préciput n’est point regardé comme une donation, soit quant au fond, soit quant à la forme, mais comme une convention de mariage et entre associés.»
        • Reste que la clause de préciput ne saurait conduire à amputer la part revenant aux héritiers réservataires issus d’un autre lit qui seraient alors fondés à exercer une action en retranchement.
  • La modification des règles relatives au partage de la communauté
    • Cet aménagement vise à déroger au principe d’égalité dans le partage de la masse commune.
      • La stipulation de parts inégales
        • Cette clause, envisagée à l’article 1520 du Code civil, vise à octroyer au conjoint survivant une part de la masse commune plus importante que celle qui lui est réservée par défaut par la loi, soit la moitié.
        • L’établissement de la clé de répartition est à la discrétion des époux dont la liberté ne se heurte à aucune limite.
        • Il leur est donc possible de prévoir que la totalité des biens communs serait attribuée au conjoint survivant.
        • Ils peuvent encore stipuler que le conjoint survivant conserverait une catégorie spécifique de biens (immeubles, titres sociaux, droits d’auteur, etc.).
        • Le corollaire de clause est que les ayants droit de l’époux décédé n’ont vocation à supporter le passif commun qu’à concurrence de la part reçue.
        • L’article 1521 énonce en ce sens que « lorsqu’il a été stipulé que l’époux ou ses héritiers n’auront qu’une certaine part dans la communauté, comme le tiers ou le quart, l’époux ainsi réduit ou ses héritiers ne supportent les dettes de la communauté que proportionnellement à la part qu’ils prennent dans l’actif. »
        • La corrélation entre l’actif et le passif ainsi instituée est d’ordre public, l’alinéa 2 du texte précisant que « la convention est nulle si elle oblige l’époux ainsi réduit ou ses héritiers à supporter une plus forte part, ou si elle les dispense de supporter une part dans les dettes égale à celle qu’ils prennent dans l’actif.»
      • La clause d’attribution intégrale
        • Cette clause consiste à attribuer au conjoint survivant la totalité des biens qui relèvent de la masse commune.
        • L’article 1524 prévoit en ce sens que « l’attribution de la communauté entière ne peut être convenue que pour le cas de survie, soit au profit d’un époux désigné, soit au profit de celui qui survivra quel qu’il soit. L’époux qui retient ainsi la totalité de la communauté est obligé d’en acquitter toutes les dettes. »
        • L’attribution intégrale peut porter, tout autant sur la pleine propriété des biens communs, que sur leur usufruit ainsi que le suggère l’alinéa 2 du texte.
        • En tout état de cause, si, la clause d’attribution intégrale est opposable aux héritiers réservataires communs qui n’hériteront donc qu’au décès de leur second parent, elle peut, néanmoins, être contestée par les enfants nés d’un autre lit qui, en cas d’atteinte à leur réserve héréditaire, disposeront d’une action en retranchement.
      • La clause alsacienne
        • Cette stipulation, qui a pour origine la pratique des notaires d’alsace, s’adresse à des époux qui ont opté pour un régime de communauté universelle ou qui ont assorti leur régime matrimonial d’une clause d’attribution intégrale.
        • En substance, elle consiste à prévoir une modalité alternative de partage des biens en cas de dissolution du mariage pour une cause autre que le décès, soit en cas de divorce.
        • Si cet événement se réalise, les époux conviennent que :
          • D’une part, chacun d’eux reprendra, avant le partage, tous les biens non constitutifs d’acquêts tombés en communauté, ce qui revient à reconstituer leurs patrimoines personnels respectifs s’ils avaient été mariés sous le régime légal.
          • D’autre part, que le partage de la communauté s’opérera selon le principe d’égalité que l’on applique sous le régime légal.
        • Lors de son introduction en droit français, la clause alsacienne n’est pas sans avoir été remise en cause quant à sa validité.
        • Parce qu’elle instaure une modalité de liquidation alternative de la communauté en cas de dissolution du mariage pour cause de divorce, d’aucuns y ont vu une atteinte une atteinte au principe d’immutabilité des conventions matrimoniales qui interdit aux époux de modifier leur régime matrimonial au cours du mariage, sauf à observer les règles qui encadrent le changement de régime.
        • Il a fallu attendre l’adoption de la loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités pour que la clause alsacienne soit finalement consacrée par le législateur.
        • Le nouvel article 265 du Code civil prévoit en ce sens, en son alinéa 3, que « si le contrat de mariage le prévoit, les époux pourront toujours reprendre les biens qu’ils auront apportés à la communauté. »
        • C’est là le principe de la clause alsacienne qui vise à permettre aux époux de reprendre leurs apports de biens propres à la communauté en cas de divorce.

b. Les aménagements forgés par la pratique

Aux côtés des aménagements conventionnels proposés par la loi, la pratique a forgé un certain nombre de clauses qui intéressent la composition de la communauté, la répartition du passif, le partage de la masse commune ou encore l’administration des biens.

==> La composition de la communauté

La pratique a envisagé l’aménagement de la composition de la masse commune en bâtissant des clauses qui, tantôt étendent son périmètre, tantôt le restreignent.

  • Les clauses extensives de la masse commune
    • Les clauses qui visent à étendre le périmètre de la masse commune consistent à faire entrer dans la communauté des biens qui seraient qualifiés de propres si le régime matrimonial pour lequel les époux ont opté produisait ses effets.
    • Tous les régimes communautaires sont susceptibles de faire l’objet de cet aménagement, y compris le régime de la communauté universelle.
    • L’article 1526 du Code civil autorise, en effet, les époux mariés pour ce régime à écarter l’exclusion des biens propres par nature.
    • Ainsi, les époux peuvent convenir que l’extension emportera intégration de tous les biens propres présents et à venir dans la masse commune.
    • Ils peuvent également stipuler qu’elle ne portera que sur une catégorie de biens un particulier, tels que les immeubles ou encore les titres sociaux et financiers qu’ils détiennent.
    • À cet égard, il peut être observé que selon qu’il sera procédé à une extension de la communauté à titre universel ou à titre particulier, cette extension s’accompagnera, selon le cas, d’une modification ou non de la répartition du passif.
      • S’agissant de l’extension de la communauté à titre universel
        • Il s’agit ici d’apporter à la communauté les patrimoines propres des époux.
        • Cet apport emportera transfert corrélatif de la charge des passifs qui y sont attachés.
        • La raison en est que, selon la définition consacrée, un patrimoine consiste en une corrélation entre un actif et passif.
        • Aussi, lorsque c’est un patrimoine qui est apporté à la communauté, le transfert de propriété de l’actif s’accompagne nécessairement d’un transfert du passif.
      • S’agissant de l’extension de la communauté à titre particulier
        • Il s’agit ici d’apporter à la communauté, non pas un patrimoine, mais un ou plusieurs biens isolés qui, tout au plus, sont unis par une même finalité économique.
        • Aussi, cet apport est sans incidence sur le passif propre des époux dont la charge n’est pas transférée à la communauté.
        • Seul l’actif de cette dernière s’en trouve augmenté, y compris dans l’hypothèse où les biens apportés forment une universalité de fait, tel un fonds de commerce ou encore un cheptel d’animaux.
    • Afin de contrebalancer la portée d’une clause visant à étendre la masse commune, il peut être vivement conseillé aux époux, notamment lorsqu’ils sont jeunes, de stipuler une clause alsacienne ou encore d’assortir l’apport de biens propre d’une contrepartie, telle qu’un droit à récompense qui pourrait être calculée selon les règles de l’article 1469 du Code civil.
  • Les clauses restrictives de la masse commune
    • Les époux peuvent tout autant stipuler des clauses extensives de la masse commune, que des clauses visant à en réduire le périmètre.
    • Cet aménagement conventionnel consiste, en somme, pour les époux à soustraire à la communauté un ou plusieurs biens qu’ils entendent conserver dans le giron de la sphère des biens propres.
    • Cette réduction de la masse commune peut s’opérer à titre universel ou à titre particulier.
      • S’agissant de la réduction de la masse commune à titre universel
        • Dans cette hypothèse, il s’agira de stipuler une clause qui ferait tomber dans la masse commune, soit tous les biens présents (au jour du mariage), soit tous les biens à venir (les acquêts).
        • Cette réduction de la masse commune aura une incidence sur le périmètre du passif commun qui s’en trouvera corrélativement diminué.
      • S’agissant de la réduction de la masse commune à titre universel
        • Dans cette hypothèse, la restriction de la masse commune consistera à exclure de son périmètre un ou plusieurs biens.
        • Il pourrait ainsi s’agir de stipuler que le fonds de commerce exploité par un époux lui appartiendra en propre ou encore que tous les immeubles présents ou à venir n’entreront pas en communauté.
        • Cette modalité de réduction de la masse commune sera sans incidence sur la répartition du passif, puisque portant, non pas sur un patrimoine pris en tant qu’universalité de droit, mais sur un ou plusieurs biens qui, tout au plus, constituent une universalité de fait.
    • Autre modalité de réduction de la masse commune, les époux peuvent stipuler ce que l’on appelle des clauses d’apport.
    • Ces clauses consistent à prévoir que les époux apporteront à la communauté un ou plusieurs biens déterminés à concurrence d’un certain montant.
    • Au-delà de ce montant, les biens, qui sous le régime pour lequel ils ont opté devraient endosser la qualification de bien commun, sont affectés à la sphère des biens propres.
    • Cet aménagement a ainsi pour effet de réduire indirectement le périmètre de la masse commune.

==> La répartition du passif

À l’instar de la composition de la communauté, la répartition du passif est susceptible de faire l’objet d’aménagements par les époux.

  • Les clauses extensives du passif commun
    • Ces clauses visent à mutualiser une ou plusieurs dettes personnelles des époux en faisant supporter leur poids à la communauté.
    • Si aucun texte n’interdit aux époux de prévoir un tel aménagement, il ne saurait, en aucune manière, préjudicier aux droits des créanciers.
    • C’est la raison pour laquelle le transfert à la communauté d’une dette personnelle d’un époux sera sans incidence sur le périmètre de leur droit de gage.
    • Aussi la dette ainsi transférée sera toujours exécutoire sur les biens propres de l’époux qui l’avait initialement contractée.
  • Les clauses restrictives du passif commun
    • Ces clauses consistent donc à réduire le périmètre du passif commun en excluant une ou plusieurs dettes de son périmètre.
    • La dette alors exclue sera supportée, à titre personnel, par l’époux qui l’a contractée.
    • La pratique a forgé deux types de clauses qui conduisent à ce résultat :
      • La clause de séparation de dettes
        • Cette clause, anciennement envisagée à l’article 1510 du Code civil, consiste à exclure du passif commun deux catégories de dettes :
          • Les dettes présentes, soit celles contractées antérieurement au mariage
          • Les dettes futures, soit celles qui grèvent les successions et libéralités susceptibles d’être perçues par un époux
        • Si la stipulation de cette clause est admise, elle ne saurait porter atteinte aux droits des créanciers.
        • L’article 1501 du Code civil dispose en ce sens que « la répartition du passif antérieur au mariage ou grevant les successions et libéralités ne peut préjudicier aux créanciers. »
        • Le texte ajoute que ces derniers « conservent, dans tous les cas, le droit de saisir les biens qui formaient auparavant leur gage. Ils peuvent même poursuivre leur paiement sur l’ensemble de la communauté lorsque le mobilier de leur débiteur a été confondu dans le patrimoine commun et ne peut plus être identifié selon les règles de l’article 1402.»
        • Aussi, une dette contractée par la communauté demeurera toujours exécutoire sur les biens communs, nonobstant la stipulation d’une clause de séparation de dettes.
      • La clause d’apport franc et quitte
        • Cette stipulation, anciennement visée par l’article 1513 du Code civil, n’est autre que le pendant de la clause d’apport.
        • Elle consiste, en effet, pour un époux ou les deux à mentionner dans le contrat de mariage toutes les dettes contractées antérieurement avant la célébration.
        • Il en résulte que sont écartées du passif commun toutes les dettes qui ne sont pas énoncées dans la convention matrimoniale.
        • Ces dettes ont vocation à être supportées, à titre personnel, par l’époux qui les a contractées, quand bien même elles devraient relever du passif commun sous le régime pour lequel les époux ont opté.
        • La stipulation d’une telle clause ne saurait, néanmoins, préjudicier aux droits des créanciers qui, en application de l’article 1501 du Code civil, « conservent, dans tous les cas, le droit de saisir les biens qui formaient auparavant leur gage».

==> La liquidation de la communauté

Parce que la liquidation de la communauté intéresse exclusivement les intérêts privés des époux, la loi leur confère une grande liberté quant à aménager leur régime matrimonial sur ce point.

À cet égard, les aménagements conventionnels portant sur la liquidation concernent principalement les récompenses et les créances entre époux.

  • S’agissant de l’aménagement des règles relatives aux récompenses
    • Pour mémoire, une récompense est une dette qui pèse, lors de la liquidation de la communauté, sur l’un des patrimoines propres des époux envers la communauté et inversement.
    • Le dispositif des récompenses, envisagé aux articles 1468 et suivants du Code civil, vise à opérer une reconstitution des masses de biens qui, au cours du mariage, ont nécessairement subi des mouvements de valeurs.
    • Ces mouvements de valeur sont inhérents à la vie du ménage dont le fonctionnement est susceptible de donner lieu, par exemple, à l’acquisition d’un bien commun financée par un époux au moyen de ses deniers propres, à la prise en charge par la communauté d’une dette personnelle d’un époux, ou encore à la valorisation d’un bien commun par l’affectation de ressources propres.
    • C’est pour rétablir l’équilibre entre la masse commune et les masses propres, que le législateur a institué le système des récompenses dont la mise en jeu ne se conçoit qu’en présence d’une masse commune, ce qui exclut les régimes séparatistes du champ de ce dispositif.
    • Pour les époux qui ont opté pour un régime communautaire, bien que concernés par le système des récompenses, ils disposent de la faculté de l’aménager.
    • Ils jouissent, en la matière, d’une liberté des plus étendues, puisque les dispositions qui règlent le droit à récompense ne sont pas d’ordre public.
    • Aussi, sont-ils autorisés à aménager :
      • D’une part, le principe même du droit à récompense qui peut être soit totalement écarté, soit envisagé pour seulement un ou plusieurs biens.
      • D’autre part, les modalités d’évaluation de la créance de récompense qui, faute de stipulations contraires, sont régies par l’article 1469 du Code civil (V. en ce sens 1ère civ. 28 juin 1983).
      • Enfin, les modalités de règlement des récompenses, ce qui pourra se traduire par une modification de l’ordre des prélèvements quant aux biens ou encore par la renonciation des époux à tout prélèvement subsidiaire sur les biens propres de l’autre.
  • S’agissant de l’aménagement des règles relatives aux créances entre époux
    • Les créances entre époux n’interviennent qu’en présence de mouvements de valeurs entre les deux masses de biens propres des époux.
    • À la différence des récompenses qui ne peuvent être réclamées qu’au jour de la dissolution du mariage, l’exigibilité des créances entre époux peut intervenir au cours de l’union matrimoniale.
    • S’agissant de leur évaluation, l’article 1479, al. 2e du Code civil prévoit que « sauf convention contraire des parties, elles sont évaluées selon les règles de l’article 1469, troisième alinéa, dans les cas prévus par celui-ci ; les intérêts courent alors du jour de la liquidation. »
    • Ainsi, les époux sont expressément autorisés à prévoir une modalité d’évaluation des créances qu’ils détiennent l’un contre l’autre différente de celle proposé par la loi.
    • Ils peuvent notamment stipuler qu’il ne sera procédé à aucune réévaluation de la créance au jour de son exigibilité ou encore prévoir que l’évaluation se fera selon les règles énoncées aux deux premiers alinéas de l’article 1469 écartées, par défaut, par l’article 1479 du Code civil.

==> L’administration des biens

En dehors de la stipulation d’une clause d’administration conjointe, la marge de manœuvre des époux quant à aménager l’administration des biens est limitée en raison de l’édiction dans ce domaine de nombreuses règles d’ordre public.

  • Les clauses interdites
    • Les clauses contrevenant aux règles impératives qui relèvent du régime primaire
      • Le régime primaire présente cette particularité d’être exclusivement composé de règles d’ordre public, soit de dispositions auxquelles les époux ne peuvent pas déroger.
      • Aussi, ressort-il de ce corpus normatif qu’un aménagement conventionnel est exclu pour tout ce qui intéresse l’administration d’un certain nombre de biens.
      • S’agissant, tout d’abord, des biens propres, ces derniers ne peuvent relever que de la gestion exclusive de chaque époux.
      • L’article 225 du Code civil prévoit en ce sens que « chacun des époux administre, oblige et aliène seul ses biens personnels».
      • Est ainsi prohibée ce que l’on appelait jadis la clause d’unité d’administration qui était envisagée aux anciens articles 1505 à 1510 du Code civil abrogés par la loi du 13 juillet 1965.
      • Il n’est donc désormais plus possible de prévoir que la gestion des biens propres d’un époux (historiquement l’épouse) serait confiée au conjoint.
      • S’agissant de l’administration des biens communs, l’article 223 fait obstacle à tout aménagement du monopole conféré aux époux quant à la perception et à la disposition de leurs gains et salaires.
      • Il en va de même des présomptions de pouvoirs instituées aux articles 221 et 222 du Code civil qui confèrent aux époux une autonomie bancaire et mobilière.
      • Il peut encore être relevé que le logement familial et les meubles qui le garnissent ne peuvent, en application de l’article 215, al. 3e du Code civil être soustraits à la cogestion des époux.
      • Le même sort est réservé au bail d’habitation ( 1751 C. civ.) et au bail d’exploitation sur lequel est assise une entreprise agricole (art. L. 411-68 du Code rural).
    • Les clauses contrevenant au principe général de respect de l’ordre public et des bonnes mœurs
      • L’article 1497 du Code civil pose un principe général aux termes duquel il est fait interdiction aux époux de modifier « la communauté légale par toute espèce de conventions non contraires aux articles 1387, 1388 et 1389»
      • Il ressort de cette disposition que les époux ne peuvent, par voie de convention matrimoniale :
        • D’une part, contrevenir aux bonnes mœurs ( 1387 C. civ.).
        • D’autre part, déroger ni aux devoirs ni aux droits qui résultent pour eux du mariage, ni aux règles de l’autorité parentale, de l’administration légale et de la tutelle ( 1388 C. civ.).
        • Enfin, faire aucune convention ou renonciation dont l’objet serait de changer l’ordre légal des successions ( 1389 C. civ.)
      • Dans le prolongement du principe général posé à l’article 1497 du Code civil la question s’est posée en doctrine si les époux ne pouvaient pas déroger au principe d’égalité qui s’infère de l’esprit général de la loi du 23 décembre 1985[3].
      • Si les règles du régime primaire l’interdisent expressément s’agissant de l’administration des biens propres, le doute est permis pour la gestion des biens communs.
      • En faveur de l’admission d’une clause qui instituerait une inégalité entre époux s’agissant de l’administration des biens communs, d’aucuns avancent qu’elle existe déjà pour la gestion des gains et salaires et des biens affectés à l’activité professionnelle d’un époux puisque soumis au principe de gestion exclusive.
      • Pourquoi dès lors ne pas admettre que les époux puissent étendre cette inégalité de gestion à d’autres biens par voie de convention matrimoniale ?
      • Aucun texte ne semble l’interdire.
      • À l’analyse, cela revient à s’interroger sur le caractère impératif des règles de cogestion énoncées aux articles 1422, 1424 et 1425 du Code civil.
      • Pour la doctrine majoritaire, ces dispositions, qui relèvent du régime légal, ne sont pas d’ordre public, de sorte que rien n’interdit d’étendre le domaine de la cogestion au-delà de leur périmètre naturel.
  • Les clauses autorisées
    • Parce que l’ordre public matrimonial est particulièrement présent s’agissant des règles qui intéressent l’administration des biens, la marge de manœuvre des époux quant à aménager leur régime matrimonial est pour le moins restreinte.
    • Aussi, les seuls aménagements qu’ils sont autorisés à faire en la matière ne peuvent porter que sur l’administration des biens communs, à l’exclusion des gains et salaires et des biens affectés à l’exploitation de l’activité séparée du conjoint.
    • Lorsque ces conditions sont réunies, les époux ne disposent que de deux options :
      • Étendre le domaine de la cogestion, ce qui pourrait les conduire à ramener dans son périmètre un plusieurs biens ou certains actes soumis, par défaut, à la gestion concurrente.
      • Restreindre le domaine de la cogestion, ce qui pourrait consister à soumettre un certain nombre de biens à une gestion exclusive ou à l’inverse concurrente.

2.2 S’agissant de l’aménagement des régimes séparatistes

À la différence des régimes communautaires, les régimes séparatistes se prêtent moins à des aménagements conventionnels dans la mesure où ils ne peuvent porter que sur la composition des patrimoines et la liquidation du régime.

Au surplus, la loi ne propose aucun aménagement type, comme elle le fait pour les régimes communautaires.

a. Les aménagements portant sur le régime de la séparation de biens

==> Clauses relatives à la composition des patrimoines

En régime de séparation de biens la principale difficulté soulevée par la composition des patrimoines réside dans la détermination de la propriété de tel ou tel bien.

Pour résoudre cette difficulté, les époux avaient pris l’habitude d’insérer systématiquement dans leur contrat de mariage une clause de style visant à instituer une présomption d’indivision en cas de doute qui surviendrait sur la propriété d’un bien.

Aujourd’hui, cette clause est devenue inutile. Elle a été intégrée à l’article 1538 du Code civil qui prévoit désormais que « les biens sur lesquels aucun des époux ne peut justifier d’une propriété exclusive sont réputés leur appartenir indivisément, à chacun pour moitié. »

Reste que, en cas de litige, cette issue sera, la plupart du temps, envisagée par les époux comme un dernier recours. Ces derniers chercheront toujours à prouver que le bien disputé leur appartient de manière exclusive.

Afin de faciliter cette preuve, ils disposent de la faculté d’aménager, en amont, leur régime matrimonial.

L’objectif recherché par les époux sera donc de prévenir toute difficulté de reconstitution des masses lors de la liquidation de leur régime matrimonial.

Pour ce faire, il est d’usage d’instituer conventionnellement des présomptions de propriété qui consistent à stipuler que telle catégorie de biens est réputée à partir à tel époux.

À cet égard, l’article 1538, al. 2e du Code civil prévoit que « les présomptions de propriété énoncées au contrat de mariage ont effet à l’égard des tiers aussi bien que dans les rapports entre époux, s’il n’en a été autrement convenu ».

Il résulte de cette disposition que les clauses instituant une présomption de propriété sont opposables erga omnes, ce qui implique que les époux sont fondés à s’en prévaloir à l’égard des tiers.

La question qui alors se pose est de savoir s’il s’agit là de règles de propriété, ce qui aurait pour conséquence de conférer un caractère irréfragable aux présomptions de propriété ou si elles poursuivent une finalité seulement probatoire, de sorte qu’elles pourraient souffrir de la preuve contraire.

Pour le déterminer, il convient de se reporter à l’alinéa 3 de l’article 1538 qui prévoit que « la preuve contraire sera de droit, et elle se fera par tous les moyens propres à établir que les biens n’appartiennent pas à l’époux que la présomption désigne, ou même, s’ils lui appartiennent, qu’il les a acquis par une libéralité de l’autre époux. »

Aussi, est-il fait interdiction aux époux de conférer un caractère irréfragable aux présomptions de propriété stipulées dans leur contrat de mariage. Ces présomptions doivent pouvoir être renversées, par tous moyens, par les tiers, ce qui fait d’elles des règles, non pas de propriété, mais de preuve.

==> Clauses relatives à la liquidation du régime

S’agissant de l’aménagement des règles relatives à la liquidation du régime, la pratique a forgé des clauses qui intéressent en particulier, le partage des biens indivis et le sort des créances entre époux.

  • Les clauses de partage inégal
    • Les époux qui optent pour le régime de la séparation de biens disposent de la faculté d’aménager le sort des biens indivis.
    • Il leur est, en effet, loisible de stipuler une clause, dite de partage inégale, qui consiste à prévoir une clé de répartition différente de celle qui résulte de la quote-part qu’il détienne sur tel ou tel bien.
    • Pour exemple, si les époux sont propriétaires indivis pour moitié d’un immeuble, ils peuvent stipuler que le conjoint survivant se verra attribuer au jour de la dissolution du régime une quote-part qui représente les trois-quarts de l’indivision voire l’intégralité de la propriété du bien.
    • Cette clause de partage inégale peut également être envisagée s’agissant de la répartition du passif attaché au patrimoine des époux séparés de biens.
  • Les clauses réglant les créances entre époux
    • Pour mémoire, les créances entre époux interviennent en présence de mouvements de valeurs entre les deux masses de biens propres des époux.
    • Aussi, cette situation est susceptible de se présenter, tant sous un régime de communauté, que sous un régime de séparation de biens.
    • S’agissant du régime des créances entre époux, l’article 1542 renvoie aux règles énoncées à l’article 1479 du Code civil lequel relève du régime légal.
    • Cette disposition prévoit, en son alinéa 2e, que « sauf convention contraire des parties, [les créances entre époux] sont évaluées selon les règles de l’article 1469, troisième alinéa, dans les cas prévus par celui-ci ; les intérêts courent alors du jour de la liquidation. »
    • Ainsi, les époux sont expressément autorisés à prévoir une modalité d’évaluation des créances qu’ils détiennent l’un contre l’autre différente de celle proposé par la loi.
    • Ils peuvent notamment stipuler qu’il ne sera procédé à aucune réévaluation de la créance au jour de son exigibilité ou encore prévoir que l’évaluation se fera selon les règles énoncées aux deux premiers alinéas de l’article 1469 écartées, par défaut, par l’article 1479 du Code civil.
  • Les clauses d’attribution au conjoint survivant de biens personnels de l’époux prédécédé
    • Sous l’empire du droit antérieur à la loi du 13 juillet 1965, la pratique avait forgé une clause, dite commerciale, visant à attribuer au conjoint survivant un ou plusieurs biens prélevés sur le patrimoine personnel du prédécédé moyennant une indemnité.
    • Tout d’abord, il peut être observé que cette clause se distingue de la clause de prélèvement moyennant indemnité que l’on retrouve dans les régimes communautaires, en ce qu’elle porte sur l’attribution, lors de la dissolution du mariage, non pas d’un bien commun, mais d’un bien propre.
    • À l’origine cette clause avait été pensée en vue de protéger le conjoint survivant du propriétaire d’un fonds de commerce et plus généralement de l’exploitant d’une entreprise en stipulant que la propriété de cette entreprise lui serait attribuée en priorité.
    • Cet époux pourrait ainsi conserver toutes les utilités de l’exploitation dont la fonction première est de lui assurer des revenus de subsistance.
    • Dans un premier temps, les juridictions y ont vu un pacte sur succession future prohibée (V. en ce sens civ. 11 janv. 1933), alors même que la clause de prélèvement d’un bien commun moyennant indemnité a toujours été admise par la jurisprudence.
    • Dans un second temps, le législateur a, lors de l’adoption de la loi du 13 juillet 1965, finalement consacré la validité des clauses commerciales.
    • L’article 1390 du Code civil prévoit en ce sens que les époux peuvent « stipuler qu’à la dissolution du mariage par la mort de l’un d’eux, le survivant a la faculté d’acquérir ou, le cas échéant, de se faire attribuer dans le partage certains biens personnels du prédécédé, à charge d’en tenir compte à la succession, d’après la valeur qu’ils ont au jour où cette faculté sera exercée. »
    • Ainsi, peut-il désormais être insérée dans le contrat de mariage une clause consistant à attribuer au conjoint survivant un ou plusieurs biens appartenant en propre à l’époux prédécédé, moyennant l’octroi d’une indemnité réglée à la succession.
    • Lorsque cette clause porte sur l’attribution d’un fonds de commerce ou d’une exploitation assise sur un bail, il était d’usage, sous l’empire du droit antérieur, qu’elle soit doublée d’une stipulation qui prévoyait que le conjoint survivant disposait de la faculté de se faire attribuer ce bail.
    • L’objectif recherché était de lui permettre de poursuivre l’activité de son époux. En l’absence de titularité du bail et face au refus des héritiers de lui consentir, le risque était, en effet qu’il se retrouve dans l’incapacité d’exploiter l’entreprise qui lui a été transmise.
    • Refusée dans un premier temps par la jurisprudence, la validité de cette clause a, dans un second temps, été admise par la Cour de cassation dans un arrêt du 29 avril 1985.
    • La première chambre civile a jugé dans cette décision que « la licéité de la faculté d’attribution en propriété implique celle de la clause du contrat de mariage prévoyant l’octroi d’un bail sur les biens propres de l’époux prédécédé» ( 1ère civ. 29 avr. 1985, n°83-16803).
    • Profitant de la réforme des successions et des libéralités opérée par la loi du 23 juin 2006, le législateur a consacré la clause d’attribution du bail à l’article 1390 du Code civil.
    • Le second alinéa de ce texte prévoit que « la stipulation peut prévoir que l’époux survivant qui exerce cette faculté peut exiger des héritiers que lui soit consenti un bail portant sur l’immeuble dans lequel l’entreprise attribuée ou acquise est exploitée».
    • S’agissant du régime de la clause d’attribution au conjoint survivant d’un bien personnel de l’époux prédécédé, il est susceptible de faire l’objet d’aménagements par les époux.
    • Ces aménagements peuvent consister à attribuer n’importe quelle sorte de bien ou démembrement de propriété pourvu, d’une part, qu’ils relèvent du patrimoine personnel de l’époux prédécédé et, d’autre part, qu’ils soient expressément visés dans le contrat de mariage.
    • L’article 1391 du Code civil dispose en ce sens que « le contrat de mariage doit déterminer les biens sur lesquels portera la faculté stipulée au profit du survivant».
    • Ils peuvent encore porter sur la personne du bénéficiaire de la clause qui peut être un époux déterminé. La seule exigence, c’est que la clause soit stipulée à la faveur d’un époux survivant.
    • Les époux sont, par ailleurs, autorisés à aménager les modalités d’évaluation de l’indemnité due en contrepartie de l’attribution du bien (V. en ce sens 1ère civ. 24 juin 1969).
    • En l’absence de stipulation contraire, l’article 1390 du Code civil prévoit que, par défaut, l’indemnité se calcule d’après la valeur des biens attribués qu’ils ont au jour où le conjoint survivant exerce le droit que lui confère la clause.
    • L’aménagement réalisé par les époux peut, en outre, conformément à l’article 1391 du Code civil, consister à fixer les bases des modalités de paiement de l’indemnité.
    • Il leur est notamment permis de prévoir un paiement échelonné ou différé dans le temps.
    • La seule limite à laquelle est susceptible de se heurter l’aménagement qui porterait sur les modalités d’évaluation et de paiement de l’indemnité n’est autre que l’action en réduction dont sont titulaires les héritiers réservataires s’il y a avantage matrimonial indirect.
    • Cette action pourra être mise en œuvre lorsque, après l’exercice par le conjoint survivant de son droit de prélèvement, il ne restera pas suffisamment de biens dans le patrimoine personnel de l’époux décédé pour remplir les héritiers réservataires de leurs droits.

==> Clauses relatives à la gestion des biens

Lorsque les époux sont mariés sous le régime de la séparation de biens, ils ne disposent d’aucune marge de manœuvre quant à aménager la gestion de leurs biens.

La raison en est que le régime primaire le leur interdit à double titre :

D’une part, l’article 225 du Code civil prévoit que « chacun des époux administre, oblige et aliène seul ses biens personnels ».

Est ainsi prohibée ce que l’on appelait jadis la clause d’unité d’administration qui était envisagée aux anciens articles 1505 à 1510 du Code civil abrogés par la loi du 13 juillet 1965.

Il n’est donc désormais plus possible de prévoir que la gestion des biens propres d’un époux (historiquement l’épouse) serait confiée au conjoint.

D’autre part, l’article 218 du Code civil prévoit que, si « un époux peut donner mandat à l’autre de le représenter dans l’exercice des pouvoirs que le régime matrimonial lui attribue », il précise in fine que, « dans tous les cas, ce mandat doit pouvoir être librement révoqué ».

Interdiction est donc faite aux époux de stipuler une clause de représentation mutuelle qui consisterait à se donner irrévocablement mandat quant à la gestion de leurs biens respectifs.

Une telle clause serait nulle, dans la mesure où les mandats entre époux doivent toujours pouvoirs être révoqués.

b. Les aménagements portant sur le régime de la participation aux acquêts

Pour mémoire, la particularité du régime de la participation aux acquêts est qu’il présente une nature hybride, en ce sens qu’il présente une nature séparatiste ou communautaire selon que l’on se place pendant la durée du mariage ou au jour de sa dissolution.

Lorsque les époux optent pour ce régime matrimonial, ils jouissent d’une relativement grande liberté quant à aménager leur régime.

L’article 1581 du Code civil prévoit en ce sens que « en stipulant la participation aux acquêts, les époux peuvent adopter toutes clauses non contraires aux articles 1387, 1388 et 1389. »

Les aménagements conventionnels susceptibles d’être réalisés par les époux qui ont stipulé une clause de participation aux acquêts intéressent, comme pour la séparation de biens, la composition des patrimoines et la liquidation du régime.

==> Clauses relatives à la composition des patrimoines

  • Clauses instituant des présomptions de propriété
    • En application de l’article 1569 du Code civil, quand les époux ont déclaré se marier sous le régime de la participation aux acquêts, chacun d’eux conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels, sans distinguer entre ceux qui lui appartenaient au jour du mariage ou lui sont advenus depuis par succession ou libéralité et ceux qu’il a acquis pendant le mariage à titre onéreux.
    • Aussi, pendant la durée du mariage, ce régime fonctionne comme si les époux étaient mariés sous le régime de la séparation de biens.
    • Aucune masse commune de biens n’est donc créée : tous les biens acquis par les époux avant ou pendant le mariage, à titre gratuit ou onéreux, leur appartiennent en propre, soit à titre exclusif.
    • Comme pour le régime de la séparation de biens, l’adoption du régime de la participation aux acquêts est susceptible de donner lieu à des difficultés qui tiennent à la preuve des biens acquis par les époux au cours de leur union.
    • Afin de prévenir toute difficulté de reconstitution des masses lors de la liquidation de leur régime matrimonial, ils disposent alors de la faculté d’aménager, en amont leur régime.
    • Pour ce faire, il est d’usage d’instituer conventionnellement des présomptions de propriété qui consistent à stipuler que telle catégorie de biens est réputée à partir à tel époux.
    • À cet égard, il peut être observé que les clauses instituant une présomption de propriété sont opposables erga omnes, ce qui implique que les époux sont fondés à s’en prévaloir à l’égard des tiers.
  • Clauses aménageant la composition des patrimoines initiaux et finaux
    • Parce que le régime de la participation aux acquêts consiste à fonctionner selon la modalité de la séparation de biens au cours du mariage, et puis de donner lieu à la constitution d’une masse commune au moment de sa liquidation, la consistance du patrimoine des époux doit être envisagée à ces deux stades de l’union matrimoniale.
    • Cette consistance du patrimoine originaire et du patrimoine final est réglée aux articles 1570 et 1572 du Code civil.
      • S’agissant du patrimoine originaire, il comprend « les biens qui appartenaient à l’époux au jour du mariage et ceux qu’il a acquis depuis par succession ou libéralité, ainsi que tous les biens qui, dans le régime de la communauté légale, forment des propres par nature sans donner lieu à récompense. Il n’est pas tenu compte des fruits de ces biens, ni de ceux de ces biens qui auraient eu le caractère de fruits ou dont l’époux a disposé par donation entre vifs pendant le mariage» ( 1570, al. 1er C. civ.)
      • S’agissant du patrimoine final, il comprend « tous les biens qui appartiennent à l’époux au jour où le régime matrimonial est dissous, y compris, le cas échéant, ceux dont il aurait disposé à cause de mort et sans en exclure les sommes dont il peut être créancier envers son conjoint» ( 1572, al. 1er C. civ.)
    • Cette composition des patrimoines originaires et finaux des époux n’est pas figée.
    • Les époux disposent de la faculté d’ajouter et de retrancher un ou plusieurs biens de l’un ou l’autre de ces patrimoines.
    • L’enjeu est d’accroître ou de réduire le quantum de la créance de participation qui sera calculée au jour de la liquidation du régime.
    • Pour mémoire, l’article 1569 du Code civil prévoit que, à la dissolution du régime, chacun des époux a le droit de participer pour moitié en valeur aux acquêts nets constatés dans le patrimoine de l’autre, et mesurés par la double estimation du patrimoine originaire et du patrimoine final.
    • Autrement dit, l’époux dont le patrimoine s’est enrichi pendant le mariage devra en valeur à l’autre une créance de participation.
    • Cette créance est déterminée en comparant le patrimoine originaire et le patrimoine final.
    • Son montant dépendra donc de la différence entre ces deux patrimoines. Plus elle sera grande et plus la créance de participation sera élevée.
    • Si donc les époux souhaitent renforcer l’aspect participatif de leur régime, il leur faudra réduire la consistance des patrimoines originaires en excluant plusieurs biens voire la totalité de leur périmètre.
    • À l’inverse, les époux peuvent souhaiter limiter l’aspect participatif de leur régime.
    • Dans cette hypothèse, il leur faudra réduire les patrimoines finaux en leur retranchant un certain nombre de biens.

==> Clauses relatives à la liquidation du régime

L’article 1581 du Code civil envisage plusieurs aménagements susceptibles d’être réalisés par les époux quant à la liquidation du régime de participation aux acquêts.

Ces aménagements intéressent la créance de participation dont l’encadrement est assuré par des règles supplétives.

  • Les clauses relatives au partage de la créance de participation
    • L’article 1581, al. 2e du Code civil prévoit que les époux « peuvent notamment convenir d’une clause de partage inégal, ou stipuler que le survivant d’eux ou l’un d’eux s’il survit, aura droit à la totalité des acquêts nets faits par l’autre.»
    • Il ressort de cette disposition que les époux disposent de deux options s’ils souhaitent aménager le partage de la créance de participation.
      • La clause de partage inégale
        • Cette clause, qui n’est pas sans faire écho à la stipulation de parts inégales proposée par l’article 1520 du Code civil aux époux qui optent pour un régime communautaire, vise à octroyer au conjoint survivant une part des acquêts plus importante que celle qui lui est réservée par défaut par la loi, soit la moitié.
        • L’établissement de la clé de répartition est à la discrétion des époux dont la liberté ne se heurte à aucune limite.
        • Il leur est donc possible de prévoir que la totalité des acquêts serait attribuée au conjoint survivant.
        • Ils peuvent encore stipuler que le conjoint survivant conserverait une catégorie spécifique de biens (immeubles, titres sociaux, droits d’auteur, etc.).
        • Il peut être observé que, si l’article 1520 n’envisage l’application de la clause de partage inégale qu’en cas de dissolution du mariage pour cause de décès, rien n’interdit les époux de prévoir une autre cause de dissolution.
        • S’agissant du montant de la créance de participation dont le partage a été aménagé par les époux, il sera calculé en appliquant les proportions définies dans le contrat de mariage à l’excédent net des acquêts réalisés par l’époux qui s’est le plus enrichi au cours du mariage.
        • Une partie de la doctrine suggère que ce calcul pourrait être réalisé en fusionnant les deux masses d’acquêts réalisés par les époux et d’appliquer à cette masse les proportions définies dans le contrat de mariage.
        • Afin de prévenir toute difficulté d’interprétation de l’article 1581, al. 2e du Code civil, il est souhaitable que les époux précisent dans leur contrat de mariage la modalité de calcul qu’ils entendent retenir.
      • La clause d’attribution intégrale des acquêts
        • Cette clause consiste à attribuer au conjoint survivant la totalité des biens qui relèvent de la masse formée par les acquêts.
        • Elle n’est autre qu’une application au régime de la participation aux acquêts de la clause d’attribution intégrale proposé par l’article 1524 du Code civil aux époux qui ont opté pour un régime communautaire.
        • À la différence de la clause de partage inégale, la clause d’attribution intégrale ne peut être stipulée que pour le cas de survie (V. en ce sens 1581, al. 2e in fine).
        • Il est néanmoins possible de prévoir qu’elle jouera pour un époux déterminé ou au profit de celui qui survivra.
        • S’agissant, enfin, du calcul de la créance de participation attribuée au conjoint survivant, comme pour la clause de partage inégale, les époux disposent de deux options
          • Soit, ils adoptent le mode de calcul proposé par l’article 1581, auquel cas l’attribution au conjoint survivant portera sur « la totalité des acquêts nets faits par l’autre époux ».
          • Soit, ils adoptent le mode de calcul qui consiste à attribuer le seul excédent des acquêts nets réalisés par l’autre époux par rapport à ceux réalisés par le bénéficiaire de la clause.
        • Faute de stipulation dans le contrat de mariage, est le premier mode de calcul qui s’appliquera.
  • Les clauses relatives au règlement de la créance de participation
    • La stipulation d’un règlement en nature
      • L’article 1581, al. 3e du Code civil prévoit qu’il peut « être convenu entre les époux que celui d’entre eux qui, lors de la liquidation du régime, aura envers l’autre une créance de participation, pourra exiger la dation en paiement de certains biens de son conjoint, s’il établit qu’il a un intérêt essentiel à se les faire attribuer. »
      • Les époux sont ainsi autorisés à aménager les modalités de règlement de la créance de participation. Plus précisément, ils peuvent convenir que le règlement de cette créance pourra se faire par voie de « dation en paiement», ce qui consistera à attribuer au bénéficiaire un ou plusieurs biens qu’il y aura lieu de déterminer dans le contrat de mariage, au lieu d’une somme d’argent.
      • À cet égard, il peut être observé que le texte subordonne la mise en œuvre de la clause à l’établissement par son bénéficiaire de l’existence d’un intérêt à se les faire attribuer.
      • Faute d’être en mesure de rapporter la preuve de cet intérêt, le règlement de la créance de participation en nature pourra lui être contesté.
      • Afin de prévenir toute situation conflictuelle liée à la caractérisation d’un « intérêt essentiel», les époux peuvent déroger à la règle posée à l’article 1581, al. 3e en prévoyant que la demande d’exécution en nature formulée par l’époux créancier est de droit.
      • Ils peuvent encore stipuler que l’exécution en nature de la créance de participation présentera un caractère obligatoire sans possibilité pour le bénéficiaire de la clause de réclamer son paiement en argent.
      • Par ailleurs, la liberté matrimoniale dont jouissent les époux les autorise à désigner un tiers comme bénéficiaire de la clause qui aura donc vocation à percevoir la créance de participation.
      • Ils sont également libres de limiter les causes de dissolution susceptible de donner lieu à l’application de la clause, en prévoyant, par exemple, qu’elle ne pourra jouer qu’en cas de décès d’un époux.
    • Règlement en nature et opération de partage
      • Lorsque les époux prévoient que le règlement de la créance de participation se fera en nature, la doctrine s’est interrogée sur la nature de ce mode de règlement et plus précisément s’il ne fallait pas y voir une opération de partage.
      • La question se pose notamment lorsque le règlement en nature intervient dans le cadre de l’une des hypothèses visées à l’article 1576 du Code civil.
      • Pour mémoire, cette disposition pose, en son alinéa 1er, le principe du paiement en argent de la créance de participation.
      • Le cas échéant il offre la possibilité au débiteur qui rencontre des difficultés graves à s’en acquitter entièrement dès la clôture de la liquidation, de saisir le juge aux fins d’obtenir un délai de paiement qui ne peut pas excéder cinq ans.
      • Par exception, l’article 1576, al. 2e autorise, en dehors de toute clause matrimoniale spécifique, le règlement en nature de la créance de participation :
        • Soit lorsque les époux ont tous deux exprimé leur consentement
        • Soit en vertu d’une décision du juge
        • Soit si l’époux débiteur justifie de difficultés graves qui l’empêchent de s’acquitter en argent
      • Le troisième alinéa de l’article 1576 prévoit que lorsque l’une de ces situations se présente, le règlement en nature « est considéré comme une opération de partage lorsque les biens attribués n’étaient pas compris dans le patrimoine originaire ou lorsque l’époux attributaire vient à la succession de l’autre.»
      • La question qui alors se pose est de savoir si lorsque les époux stipulent dans leur contrat de mariage une clause de règlement en nature de la créance de participation et que les conditions de l’article 1576 du Code civil sont remplies, le règlement s’analyse en une opération de partage.
      • À l’examen, la doctrine est divisée sur cette problématique. Quant à la jurisprudence, elle ne s’est pas encore prononcée.
  • Les clauses d’attribution au conjoint survivant de biens personnels de l’époux prédécédé
    • Sous l’empire du droit antérieur à la loi du 13 juillet 1965, la pratique avait forgé une clause, dite commerciale, visant à attribuer au conjoint survivant un ou plusieurs biens prélevés sur le patrimoine personnel du prédécédé moyennant une indemnité.
    • Tout d’abord, il peut être observé que cette clause se distingue de la clause de prélèvement moyennant indemnité que l’on retrouve dans les régimes communautaires, en ce qu’elle porte sur l’attribution, lors de la dissolution du mariage, non pas d’un bien commun, mais d’un bien propre.
    • À l’origine cette clause avait été pensée en vue de protéger le conjoint survivant du propriétaire d’un fonds de commerce et plus généralement de l’exploitant d’une entreprise en stipulant que la propriété de cette entreprise lui serait attribuée en priorité.
    • Cet époux pourrait ainsi conserver toutes les utilités de l’exploitation dont la fonction première est de lui assurer des revenus de subsistance.
    • Dans un premier temps, les juridictions y ont vu un pacte sur succession future prohibée (V. en ce sens civ. 11 janv. 1933), alors même que la clause de prélèvement d’un bien commun moyennant indemnité a toujours été admise par la jurisprudence.
    • Dans un second temps, le législateur a, lors de l’adoption de la loi du 13 juillet 1965, finalement consacré la validité des clauses commerciales.
    • L’article 1390 du Code civil prévoit en ce sens que les époux peuvent « stipuler qu’à la dissolution du mariage par la mort de l’un d’eux, le survivant a la faculté d’acquérir ou, le cas échéant, de se faire attribuer dans le partage certains biens personnels du prédécédé, à charge d’en tenir compte à la succession, d’après la valeur qu’ils ont au jour où cette faculté sera exercée. »
    • Ainsi, peut-il désormais être insérée dans le contrat de mariage une clause consistant à attribuer au conjoint survivant un ou plusieurs biens appartenant en propre à l’époux prédécédé, moyennant l’octroi d’une indemnité réglée à la succession.
    • Lorsque cette clause porte sur l’attribution d’un fonds de commerce ou d’une exploitation assise sur un bail, il était d’usage, sous l’empire du droit antérieur, qu’elle soit doublée d’une stipulation qui prévoyait que le conjoint survivant disposait de la faculté de se faire attribuer ce bail.
    • L’objectif recherché était de lui permettre de poursuivre l’activité de son époux. En l’absence de titularité du bail et face au refus des héritiers de lui consentir, le risque était, en effet qu’il se retrouve dans l’incapacité d’exploiter l’entreprise qui lui a été transmise.
    • Refusée dans un premier temps par la jurisprudence, la validité de cette clause a, dans un second temps, été admise par la Cour de cassation dans un arrêt du 29 avril 1985.
    • La première chambre civile a jugé dans cette décision que « la licéité de la faculté d’attribution en propriété implique celle de la clause du contrat de mariage prévoyant l’octroi d’un bail sur les biens propres de l’époux prédécédé» ( 1ère civ. 29 avr. 1985, n°83-16803).
    • Profitant de la réforme des successions et des libéralités opérée par la loi du 23 juin 2006, le législateur a consacré la clause d’attribution du bal à l’article 1390 du Code civil.
    • Le second alinéa de ce texte prévoit que « la stipulation peut prévoir que l’époux survivant qui exerce cette faculté peut exiger des héritiers que lui soit consenti un bail portant sur l’immeuble dans lequel l’entreprise attribuée ou acquise est exploitée».
    • S’agissant du régime de la clause d’attribution au conjoint survivant d’un bien personnel de l’époux prédécédé, il est susceptible de faire l’objet d’aménagements par les époux.
    • Ces aménagements peuvent consister à attribuer n’importe quelle sorte de bien ou démembrement de propriété pourvu, d’une part, qu’ils relèvent du patrimoine personnel de l’époux prédécédé et, d’autre part, qu’ils soient expressément visés dans le contrat de mariage.
    • L’article 1391 du Code civil dispose en ce sens que « le contrat de mariage doit déterminer les biens sur lesquels portera la faculté stipulée au profit du survivant».
    • Ils peuvent encore porter sur la personne du bénéficiaire de la clause qui peut être un époux déterminé. La seule exigence, c’est que la clause soit stipulée à la faveur d’un époux survivant.
    • Les époux sont, par ailleurs, autorisés à aménager les modalités d’évaluation de l’indemnité due en contrepartie de l’attribution du bien (V. en ce sens 1ère civ. 24 juin 1969).
    • En l’absence de stipulation contraire, l’article 1390 du Code civil prévoit que, par défaut, l’indemnité se calcule d’après la valeur des biens attribués qu’ils ont au jour où le conjoint survivant exerce le droit que lui confère la clause.
    • L’aménagement réalisé par les époux peut, en outre, conformément à l’article 1391 du Code civil, consister à fixer les bases des modalités de paiement de l’indemnité.
    • Il leur est notamment permis de prévoir un paiement échelonné ou différé dans le temps.
    • La seule limite à laquelle est susceptible de se heurter l’aménagement qui porterait sur les modalités d’évaluation et de paiement de l’indemnité n’est autre que l’action en réduction dont sont titulaires les héritiers réservataires s’il y a avantage matrimonial indirect.
    • Cette action pourra être mise en œuvre lorsque, après l’exercice par le conjoint survivant de son droit de prélèvement, il ne restera pas suffisamment de biens dans le patrimoine personnel de l’époux décédé pour remplir les héritiers réservataires de leurs droits.

II) Les limites à la liberté des conventions matrimoniales

La liberté dont jouissent les époux de choisir et d’aménager leur régime matrimonial n’est pas sans limite.

Ces limites résultent de l’existence d’un ordre public matrimonial composé de règles éparses qui, pour certaines concernent tous les régimes matrimoniaux, pour d’autres s’appliquent à des régimes spécifiques.

Nous nous focaliserons ici sur les limites communes à tous les régimes matrimoniaux, celles spécifiques à certains régimes ayant, pour la plupart, été évoquées précédemment.

A) Principe général de respect de l’ordre public et des bonnes mœurs

L’article 1387 du Code civil pose le principe général aux termes duquel il est fait interdiction aux époux de conclure une convention matrimoniale qui serait contraire aux bonnes mœurs et porterait atteinte à l’ordre public matrimonial.

Il s’agit là d’une reprise :

  • D’une part, de l’article 6 du Code civil qui dispose que « on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs. »
  • D’autre part, de l’article 1128 qui prévoit que la validité du contrat suppose « un contenu licite »
  • Enfin, de l’article 1162 qui énonce que « le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni par ses stipulations, ni par son but»

La question qui immédiatement se pose est de savoir ce que l’on droit entendre par les notions d’ordre public et de bonnes mœurs.

==> S’agissant de l’ordre public

L’ordre public fait partie de ces notions qui échappent à l’emprise de toute définition.

Il s’agit là d’un concept dont les contours sont flous et le contenu difficile à déterminer.

Après avoir listé près d’une vingtaine de définitions, Philippe Malaurie dira de l’ordre public que, en définitive, « c’est le bon fonctionnement des institutions indispensables à la collectivité »[4].

Quant au Code civil, lui non plus ne donne aucune définition de l’ordre public.

Pour Jean Carbonnier « l’idée générale est celle d’une suprématie de la collectivité sur l’individu. L’ordre public exprime le vouloir-vivre de la nation que menaceraient certaines initiatives individuelles en forme de contrats »[5].

Cet auteur ajoute que, finalement, l’ordre public n’est autre qu’un rappel à l’ordre adressé par l’État « aux contractants s’ils veulent toucher à des règles qu’il regarde comme essentielles ».

Pour déterminer si une règle présente un caractère d’ordre public, il y a donc lieu de se reporter aux intérêts qu’elle protège.

À cet égard, comme le fait observer Philippe Malinvaud « l’ordre public est la marque de certaines règles légales ou réglementaires qui tirent leur suprématie de leur objet : la défense d’un intérêt général devant lequel doivent s’incliner les intérêts particuliers et les contrats qui les expriment »[6].

Ainsi, l’ordre public vise-t-il toujours à protéger des intérêts qui, s’ils sont de natures diverses et variées, ont tous pour point commun de se situer au sommet de la hiérarchie des valeurs.

À l’analyse, en droit des régimes matrimoniaux, les règles d’ordre public sont toutes celles qui visent à protéger notamment l’indépendance des époux, l’égalité dans les rapports conjugaux, le statut personnel des époux, les prérogatives dont ils sont titulaires en qualité de parents ou encore les droits de leurs héritiers réservataires.

==> S’agissant des bonnes mœurs

À l’instar de la notion d’ordre public, les textes se réfèrent très régulièrement à la notion de bonnes mœurs sans autre précision.

Bien qu’il s’agisse là d’une notion rebelle à toute définition classiquement, les bonnes mœurs sont définies comme « une morale coutumière »[7], soit comme un ensemble de règles qui visent à assurer la protection de l’ordre social.

Comme le relèvent François Ost et Michel van de Kerchove, il ressort de la jurisprudence que ce sont « la morale, les goûts et les modes de vie de l’élite culturelle dominants qui servent d’étalon aux bonnes mœurs »[8].

D’aucuns considèrent, en outre, que les bonnes mœurs sont une composante de l’ordre public, d’où la sanction de nullité que les conventions qui y porteraient atteinte encourent.

Reste qu’il s’agit là d’une espèce juridique en voie de disparition.

Si, en effet, pendant longtemps la licéité d’un contrat était appréciée en considération de sa conformité aux bonnes mœurs, le nouvel article 1162 du Code civil issus de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations prévoit seulement désormais que les conventions ne peuvent déroger à l’ordre public sans se référer aux bonnes mœurs, alors même que cette notion figure toujours à l’article 6 du Code civil.

Est-ce là le signe de la volonté du législateur de chasser progressivement la notion de bonnes mœurs du Code civil ?

On est légitimement en droit de le penser, à plus forte raison lorsque l’on se tourne vers la jurisprudence.

Depuis quelques années on assiste manifestement à un abandon de l’exigence de conformité des conventions aux bonnes mœurs.

Aujourd’hui, la notion de bonnes mœurs est surtout comprise au sens de morale sexuelle.

Or l’observation de cette morale n’a pas résisté au double mouvement de libéralisation des mœurs et de sacralisation du droit à la vie privée.

Deux arrêts illustrent parfaitement ce mouvement de disparition de la notion de bonnes mœurs :

  • Premier arrêt
    • Dans un arrêt du 29 octobre 2004 la Cour de cassation a jugé que « n’est pas nulle comme ayant une cause contraire aux bonnes mœurs la libéralité consentie à l’occasion d’une relation adultère» ( ass. plen. 29 oct. 2004, n°03-11238).
    • Ainsi pour l’assemblée plénière, quand bien même le legs avait été consenti à la concubine d’un époux dans le cadre d’une relation adultère, la libéralité en l’espèce ne portait pas atteinte aux bonnes mœurs.
    • À la suite de cette décision, les auteurs se sont immédiatement demandé ce qu’il restait de la notion de « bonnes mœurs ».
    • À la vérité, la solution retenue par la Cour de cassation ne peut se comprendre que si l’on admet qu’elle abandonne ici l’exigence de conformité du contrat aux bonnes mœurs.
    • Les arrêts qu’elle rendra postérieurement à cette décision ne feront d’ailleurs que confirmer cette interprétation.
  • Second arrêt
    • Dans un arrêt du 4 novembre 2011, la Cour de cassation a considéré que « le contrat proposé par un professionnel, relatif à l’offre de rencontres en vue de la réalisation d’un mariage ou d’une union stable, qui ne se confond pas avec une telle réalisation, n’est pas nul, comme ayant une cause contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs, du fait qu’il est conclu par une personne mariée» ( 1ère civ. 4 nov. 2011, n°10-20114).
    • Une fois encore, la solution dégagée par la Cour de cassation interroge sur le maintien de l’exigence de conformité des contrats aux bonnes mœurs.
    • Si un homme encore marié peut contracter librement avec une société de courtage matrimonial, dorénavant plus aucune convention ne semble pouvoir être regardée comme contraire aux bonnes mœurs.

Au bilan, il apparaît que la jurisprudence est de plus en plus réticente à annuler une convention sur le fondement de la contrariété aux bonnes mœurs.

Aussi, peut-on en déduire que ce qui détermine aujourd’hui la licéité d’une convention matrimoniale, c’est moins sa conformité aux bonnes mœurs que sa conformité à l’ordre public.

B) Les atteintes portées aux droits et devoirs qui résultent du mariage

L’article 1388 du Code civil prévoit que « les époux ne peuvent déroger ni aux devoirs ni aux droits qui résultent pour eux du mariage ».

Il ressort de cette disposition qu’il est fait interdiction aux époux de stipuler une clause, dans leur contrat de mariage, qui porterait atteinte aux devoirs et droits respectifs des époux visés aux articles 212 à 226 du Code civil.

À l’examen, ces règles ne sont autres que celles qui forment ce que l’on appelle le régime primaire impératif.

1. Les atteintes aux droits et devoirs qui relèvent du régime primaire

Le régime primaire impératif se compose de l’ensemble des règles formant le statut patrimonial de base irréductible du couple marié.

Par irréductible, il faut comprendre qu’il s’agit d’une base normative commune qui constitue le minimum d’association que doit faire naître l’union matrimoniale.

Ce corpus normatif est donc envisagé aux articles 212 à 226 du Code civil dans un Chapitre VI consacré aux devoirs et aux droits respectifs des époux. Ce chapitre relève d’un Titre V, intitulé « Du mariage » qui appartient au Livre 1er du Code civil dont l’objet est l’appréhension « Des personnes ».

La singularité du régime primaire tient à ses caractères qui font donc de lui le « statut fondamental des gens mariés »[9], soit un statut qui non seulement s’applique à tous les couples mariés, mais encore qui ne profite qu’à eux seuls, à l’exclusion donc des concubins et des partenaires.

Surtout, il présente cette particularité d’être exclusivement composé de règles d’ordre public, soit de dispositions auxquelles les époux ne peuvent pas déroger.

L’article 226 du Code civil prévoit en ce sens que « les dispositions du présent chapitre, en tous les points où elles ne réservent pas l’application des conventions matrimoniales, sont applicables, par le seul effet du mariage, quel que soit le régime matrimonial des époux. »

Ainsi, le régime primaire impératif prime sur les règles du régime matrimonial choisi par les époux.

Il s’agit là, en quelque sorte, d’un renversement du principe aux termes duquel les lois spéciales sont censées déroger aux lois générales (specialia generalibus derogant).

Cette inversion du principe se justifie par la nature même du mariage qui implique « un minimum d’association et d’interdépendance entre les époux »[10].

Autre conséquence de la primauté du régime primaire sur les régimes matrimoniaux, le principe de liberté des conventions matrimoniales est, par hypothèse, relatif.

Cette relativité du principe tient à l’impossibilité pour les époux d’aménager conventionnellement le régime matrimonial pour lequel ils ont opté en stipulant des clauses qui seraient contraires aux règles qui relèvent du régime primaire.

Ainsi, la liberté matrimoniale dont jouissent les époux, aussi étendue soit-elle, se heurtera toujours à ce corpus normatif auquel il ne saurait être porté atteinte par quelque stipulation que ce soit.

2. Les atteintes aux droits et devoirs qui intéressent les rapports personnels et pécuniaires des époux

Les droits et devoirs des époux qui relèvent du régime primaire impératif intéressent, tant les rapports personnels entre époux, que les rapports pécuniaires qu’ils entretiennent entre eux.

==> S’agissant des droits et devoirs qui intéressent les rapports personnels entre époux

Dans le cadre des rapports personnels qu’ils entretiennent entre eux, le mariage produit deux effets à l’égard des époux auxquels il ne peut être dérogé par convention contraire :

  • Premier effet : la création de devoirs mutuels
    • Le mariage fait naître des devoirs mutuels qui pèsent sur les époux.
    • Ces devoirs sont énoncés aux articles 212, 213 et 215 du Code civil.
    • Au nombre de ces devoirs figurent :
      • Le devoir de respect ( 212 C. civ.)
      • Le devoir de fidélité ( 212 C. civ.)
      • Le devoir d’assistance ( 212 C. civ.)
      • Le devoir de communauté de vie ( 215 C. civ.)
    • Parce que ces devoirs conjugaux touchent au socle irréductible de l’institution qu’est le mariage, les époux ne peuvent, ni s’y soustraire, ni les renforcer.
    • Toute clause contraire stipulée dans le contrat de mariage serait réputée nulle.
    • Il en irait ainsi d’une clause qui autorise les époux à vivre séparément ou encore à entretenir des relations adultères.
  • Second effet : la création de fonctions conjointes
    • Le mariage ne crée pas seulement des devoirs à l’égard des époux, il leur confère également des fonctions qu’ils exercent conjointement.
    • Ces fonctions conjointes énoncées aux articles 213 et 215 du Code civil ne peuvent faire l’objet d’aucun aménagement conventionnel
    • Au nombre de ces fonctions on compte :
      • La direction de la famille ( 213 C. civ.)
      • Le choix du logement familial ( 215, al. 2e C. civ.)
    • Ainsi, ne pourrait-il pas être stipulé dans une convention matrimoniale que c’est le mari qui assure la direction de la famille et choisit seul la résidence familiale.

==> S’agissant des droits et devoirs qui intéressent les rapports pécuniaires entre époux

Dans le cadre des rapports pécuniaires qu’ils entretiennent entre eux, le mariage produit des effets qui tiennent, d’une part, à l’interdépendance des époux, d’autre part, à leur indépendance et enfin, aux situations de crise qu’ils sont susceptibles de traverser.

Les époux ne peuvent aménager ces effets par clauses contraires stipulées dans leur contrat de mariage.

  • Les effets relatifs à l’interdépendance des époux
    • Parce que les époux sont assujettis à une communauté de vie, cette obligation implique qu’ils coopèrent pour l’accomplissement d’un certain nombre d’actes qui intéressent le fonctionnement matériel du ménage.
    • Ces actes concernent :
      • La contribution aux charges du mariage ( 214 C. civ.)
      • La protection du logement familial ( 215, al. 3e C. civ.)
    • La seule marge de manœuvre dont disposent les époux s’agissant des effets du mariage qui intéressent leur interdépendance concerne l’aménagement de la contribution aux charges du mariage.
    • En effet, l’article 214 du Code civil prévoit que si les époux doivent contribuer aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives, c’est sous réserve qu’ils n’aient pas aménagé leur obligation de contribution au moyen d’une convention matrimoniale.
    • La Jurisprudence a précisé que cet aménagement pouvait également procéder d’un accord conclu entre les époux en dehors de tout contrat de mariage
    • Dans un arrêt du 3 février 1987, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « l’engagement librement pris par un époux et accepté par l’autre, en dehors du contrat de mariage, pour déterminer la contribution aux charges du ménage, est valable et qu’en conséquence, son exécution peut être demandée en justice, sous réserve de la possibilité pour chacun des époux d’en faire modifier le montant à tout moment en considération de la situation des parties» ( 1ère civ. 3 févr. 1987, n°84-14.612).
    • Il s’infère donc de l’article 214 du Code civil que les époux sont libres de prévoir une clé de répartition des charges du mariage différente de celle prévue par défaut.
    • La question qui alors se pose est de savoir de quelle latitude disposent les époux pour aménager leur contribution aux charges du mariage, étant précisé qu’il s’agit là d’une règle qui relève du régime primaire.
    • En raison de son caractère d’ordre public, elle ne peut, dans ces conditions, pas être totalement privée d’effet.
    • Reste que la jurisprudence admet, lorsque la clause ne revient pas à exonérer un époux de son obligation, de nombreuses variétés d’aménagement de la contribution.
    • Les époux peuvent donc affecter la prise en charge de certaines dépenses à l’un d’eux ou encore prévoir que le montant de la contribution correspondra à une somme fixe versée chaque mois ou à une fraction de leurs revenus.
    • Il est encore admis qu’un époux puisse être réputé exécuter son obligation en raison des tâches domestiques qu’il accomplit au profit du ménage ou de sa collaboration à l’activité professionnelle de son conjoint.
    • Pour ce qui est de la protection du logement familiale, la règle posée à l’article 215, al. 3e du Code civil est insusceptible de faire l’objet d’un aménagement.
    • Pour mémoire, cette disposition prévoit que « les époux ne peuvent l’un sans l’autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni. »
    • Il ne pourrait donc pas être stipulé qu’un époux est investi du pouvoir de disposer seul du logement de famille.
  • Les effets relatifs à l’indépendance des époux
    • Pendant longtemps la femme mariée a été placée sous la tutelle de son mari.
    • Puis à compter du début de XXe siècle, le législateur a cherché à instaurer une égalité dans les rapports conjugaux, ce qui s’est traduit par la consécration de règles octroyant aux époux une autonomie dans un certain nombre de domaines.
    • Désormais les époux jouissent de :
      • L’autonomie ménagère
      • L’autonomie mobilière
      • L’autonomie professionnelle
      • L’autonomie bancaire
      • L’autonomie patrimoniale
    • Les périmètres de ces sphères d’autonomie sont irréductibles tant et si bien qu’ils ne peuvent pas être modifiés par voie de convention matrimoniale.
    • Un contrat de mariage ne pourrait donc pas confier l’administration des biens propres de la femme mariée à son mari, ni exiger qu’elle sollicite son accord pour exercer une activité professionnelle séparée.
  • Les effets relatifs aux situations de crise
    • Le couple est susceptible de rencontrer des difficultés qui peuvent aller du simple désaccord à l’impossibilité pour un époux d’exprimer sa volonté.
    • Afin de permettre au couple de surmonter ces difficultés, le législateur a mis en place plusieurs dispositifs énoncés aux articles 217, 219 et 220-1 du Code civil qui, là encore, ne peuvent faire l’objet d’aucun aménagement conventionnel.
    • Parmi ces dispositifs qui visent à régler les situations de crise traversées par le couple on compte :
      • L’autorisation judiciaire ( 217 C. civ.)
      • La représentation judiciaire ( 219 C. civ.)
      • La sauvegarde judiciaire ( 220-1 C. civ.)

C) Les atteintes portées aux règles régissant l’autorité parentale, l’administration légale et la tutelle

L’article 1388 du Code civil prévoit que « les époux ne peuvent déroger ni aux devoirs ni aux droits qui résultent pour eux du mariage, ni aux règles de l’autorité parentale, de l’administration légale et de la tutelle. »

Il ressort de cette disposition qu’il est fait interdiction aux époux d’aménager ce qui intéresse le fonctionnement de la famille et plus spécifiquement les pouvoirs dont sont investis les époux quant à, d’une part exercer l’autorité parentale et, d’autre part, assurer l’administration des biens de leurs enfants.

Il ne leur est ainsi pas permis de stipuler dans leur contrat de mariage que l’autorité parentale serait réservée à l’un d’eux ou encore prévoir que les comptes bancaires de l’enfant seraient administrés par le seul marri.

Les règles qui régissent l’autorité parentale et l’administration légale sont, pour la plupart, d’ordre public. Il ne peut donc pas y être dérogé par convention contraire.

Tout au plus, il leur est possible d’aménager certaines modalités d’exercice de l’autorité parentale ou encore les modalités de contribution aux frais liés à l’entretien et l’éducation des enfants.

D) Les atteintes portées au principe de prohibition des pactes sur succession future

==> Principe

L’article 1389 du Code civil prévoit que « sans préjudice des libéralités qui pourront avoir lieu selon les formes et dans les cas déterminés par le présent code, les époux ne peuvent faire aucune convention ou renonciation dont l’objet serait de changer l’ordre légal des successions. »

Cette disposition n’est autre qu’une reprise de la règle, énoncée à l’article 722 du Code civil, qui pose le principe de prohibition des pactes sur succession future.

Par pacte sur succession future il faut entendre, selon ce texte, « les conventions qui ont pour objet de créer des droits ou de renoncer à des droits sur tout ou partie d’une succession non encore ouverte ou d’un bien en dépendant ».

Dans un arrêt Crémieux rendu en date du 11 janvier 1933, la Cour de cassation a, quant à elle, défini le pacte sur succession future comme « toute stipulation ayant pour objet d’attribuer un droit privatif sur tout ou partie d’une succession non ouverte » (Cass. civ. 11 janv. 1933).

La règle posée à l’article 722 du Code civil prohibe, en somme, toute convention qui viserait à régler totalement ou partiellement le sort des biens d’une personne avant qu’elle ne soit décédée.

Il est indifférent que cette dernière ait consenti au pacte a précisé la Cour de cassation dans l’arrêt Crémieux : ce qui est recherché ici c’est la préservation de la liberté testamentaire.

Si l’on admettait la validité des pactes sur succession future, il en résulterait une atteinte à cette liberté de tester jusqu’à sa mort, en raison du caractère irrévocable des conventions une fois conclues.

Pour revenir sur sa dernière volonté, l’auteur du pacte serait en effet contraint d’obtenir le consentement du bénéficiaire. Or il s’agirait là d’une atteinte excessive à l’une des dernières libertés individuelles susceptibles d’être exercée par une personne en passe de passer de la vie au trépas.

Pour cette raison, la prohibition des pactes sur succession future est « formelle et d’ordre public et ne comporte d’autres dérogations que celles qui sont limitativement déterminées par la loi » (Cass. civ. 11 janv. 1933).

C’est ce qui est rappelé à l’article 1389 du Code civil qui ne fait donc qu’énoncée à titre particulier, pour les régimes matrimoniaux, une règle qui présente une portée générale.

Les époux ne peuvent donc, par principe, par y déroger par convention contraire, sous peine de voir la clause stipulée annulée.

==> Exceptions

Bien que réaffirmée par le législateur à l’occasion de l’adoption de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, cette prohibition a été assortie de nombreuses exceptions à telle enseigne que d’aucuns se demandent si elles n’auraient pas pris le pas sur le principe.

Au nombre de ces exceptions, on compte notamment celle énoncée à l’article 1390 du Code civil qui prévoit la validité des clauses dites commerciales.

An application de cette disposition les époux sont-ils autorisés, en effet, à stipuler :

  • D’une part, une clause d’attribution au conjoint survivant de biens personnels de l’époux prédécédé
    • En substance, il s’agit d’une clause consistant à attribuer au conjoint survivant un ou plusieurs biens appartenant en propre à l’époux prédécédé, moyennant l’octroi d’une indemnité réglée à la succession.
    • L’article 1390, al. 1er du Code civil prévoit en ce sens que les époux peuvent « stipuler qu’à la dissolution du mariage par la mort de l’un d’eux, le survivant a la faculté d’acquérir ou, le cas échéant, de se faire attribuer dans le partage certains biens personnels du prédécédé, à charge d’en tenir compte à la succession, d’après la valeur qu’ils ont au jour où cette faculté sera exercée. »
  • D’autre part, une clause d’attribution au conjoint survivant du bail dont était titulaire l’époux prédécédé
    • Cette clause consiste à prévoir que l’époux survivant peut imposer aux héritiers que le droit au bail dont était titulaire l’époux prédécédé lui soit transmis.
    • L’article 1390, al. 2e du Code civil prévoit en ce sens que « la stipulation peut prévoir que l’époux survivant qui exerce cette faculté peut exiger des héritiers que lui soit consenti un bail portant sur l’immeuble dans lequel l’entreprise attribuée ou acquise est exploitée».

La clause dite commerciale, consacrée, dans un premier temps par la loi du 13 juillet 1965, puis dans un second temps, par la loi du 23 juin 2006 vient ainsi déroger au principe de prohibition des pactes sur succession future.

Il en va de même de la règle posée à l’article 1527, al. 3e du Code civil qui prévoit que, sous les régimes communautaires, les enfants qui ne seraient pas issus des deux époux « peuvent, dans les formes prévues aux articles 929 à 930-1, renoncer à demander la réduction de l’avantage matrimonial excessif avant le décès de l’époux survivant ».

On peut encore évoquer comme exception au principe de prohibition des pactes sur succession future, la règle qui autorise les héritiers présomptifs à renoncer à l’action en réduction dont ils sont titulaires.

L’article 929, al. 1er prévoit en ce sens que « tout héritier réservataire présomptif peut renoncer à exercer une action en réduction dans une succession non ouverte. Cette renonciation doit être faite au profit d’une ou de plusieurs personnes déterminées. La renonciation n’engage le renonçant que du jour où elle a été acceptée par celui dont il a vocation à hériter. »

La multiplication de ces exceptions n’est pas sans révéler un affaiblissement de la prohibition des pactes sur succession future, ce qui a pour conséquence d’accroître la liberté matrimoniale des époux.

[1] F. Terré et Ph. Simler, Droit civil – Les régimes matrimoniaux, éd. Dalloz, 2011, coll. « précis », n°46, p.41.

[2] J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, éd. Armand Colin, 2001, n°159, p.149.

[3] V. en ce sens F. Terré et Ph. Simler, Droit civil – Les régimes matrimoniaux, éd. Dalloz, 2011, n°556, p. 444-445.

[4] Ph. Malaurie, L’ordre public et le contrat, th., 1953, p. 69, n°99.

[5] J. Carbonnier, Droit civil : les biens, les obligations, PUF, 2004, n°984, p. 2037.

[6] Ph. Malinvaud et D. Fenouillet, Droit des obligations, LexisNexis, 2012, n°267, p. 207-208.

[7] J. Carbonnier, op. cit., n°983, p. 2036.

[8] F. Ost et M. Van de Kerchove, « mœurs (bonnes) » Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, LGDJ et Story-Scientia, 1988, p. 251

[9] F. Terré et Ph. Simler, Droit civil – Les régimes matrimoniaux, éd. Dalloz, 2011, coll. « précis », n°46, p.41.

[10] J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, éd. Armand colin, 2001, n°58, p. 48.

Tableau récapitulatif de la réforme du droit des contrats après l’adoption de la loi du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance du 10 février 2016

ARTICLESANCIEN TEXTENOUVEAU TEXTEENTRÉE EN VIGUEUR
Article
1110
Le contrat de gré à gré1er octobre
2018
Le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont librement négociées entre les parties.Le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont négociables entre les parties.
La catégorie des contrats de gré à gré se caractérise par la faculté dont dispose une partie de proposer le contrat sans permettre à son cocontractant d'en discuter tout ou partie des stipulations, ce qui peut seul justifier le mécanisme de sanction des clauses abusives.

Dès lors, le critère distinctif pertinent entre le contrat de gré à gré et le contrat d’adhésion est celui de la négociabilité des stipulations contractuelles et non celui, trop ambigu, de leur libre négociation.

Ce critère présente l’avantage d’assurer une cohérence avec le dispositif instauré à l'article 1171 du Code civil.

Pour mémoire, cette disposition qui prohibe « tout déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat », soit plus communément les clauses abusives, n’est applicable qu’aux seuls contrats d’adhésion.

D’où l’enjeu de bien les distinguer des contrats de gré à gré qui, en principe, sont conçus comme leur symétrique.

Le législateur en a tiré la conséquence qu’il convenait de substituer l’assertion « librement négociées » par le terme « négociables », ce qui marque l’adoption d’un nouveau critère de distinction.
Le contrat d'adhésion
Le contrat d'adhésion est celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation , sont déterminées à l'avance par l'une des parties.Le contrat d'adhésion est celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables , déterminées à l'avance par l'une des parties.
Il a été relevé lors des débats parlementaires que le recours à la notion de conditions générales crée une incertitude, car celle-ci n'est pas définie, quand bien même elle est susceptible d’évoquer des notions connues dans certains droits particuliers.
Certes, l'article 1119 du code civil évoque lui aussi les conditions générales, mais dans une autre perspective :

- Soit dans le cadre d'une distinction entre conditions générales et conditions particulières

- Soit dans le cadre d'une incompatibilité entre les conditions générales de chaque partie

Toutefois, cet article ne permet guère d'éclairer la définition du contrat d'adhésion sur la base du critère des conditions générales.

Aussi, le législateur a-t-il finalement décidé de substituer la notion de « conditions générales », par la formule « ensemble de clauses non négociables ».

La notion d’ensemble de clauses non négociables laisse au juge une latitude suffisante pour apprécier la nature du contrat soumis à son examen, sans créer pour autant de trop grandes incertitudes, à la différence du recours à la notion de conditions générales.
Article
1112
Les négociations précontractuelles1er octobre
2016
L'initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi.

En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser la perte des avantages attendus du contrat non conclu.
L'initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi.

En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu, ni la perte de chance d'obtenir ces avantages. L'initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi.

En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu, ni la perte de chance d'obtenir ces avantages.
Consécration d'un arrêt rendu en date du 5 novembre 2008, aux termes duquel la Cour de cassation avait estimé que en cas de décès du destinataire le bénéfice de l'offre se transmettait pas à ses héritiers (Cass. 1ère civ., 5 nov. 2008, n° 07-16.505).

Il existe désormais un parallélisme entre le décès de l'offrant et celui du bénéficiaire de l'offre: en cas de décès de l'un des deux, l'offre devient caduque
Article
1117
La caducité de l'offre1er octobre
2018
L'offre est caduque à l'expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, à l'issue d'un délai raisonnable.

Elle l'est également en cas d'incapacité ou de décès de son auteur.
L'offre est caduque à l'expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, à l'issue d'un délai raisonnable.

Elle l'est également en cas d'incapacité ou de décès de son auteur, ou de décès de son destinataire.
Consécration d'un arrêt rendu en date du 5 novembre 2008, aux termes duquel la Cour de cassation avait estimé que en cas de décès du destinataire le bénéfice de l'offre se transmettait pas à ses héritiers (Cass. 1ère civ., 5 nov. 2008, n° 07-16.505).

Il existe désormais un parallélisme entre le décès de l'offrant et celui du bénéficiaire de l'offre: en cas de décès de l'un des deux, l'offre devient caduque.
Article
1137
La définition du dol1er octobre
2018
Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.
Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.
Le législateur est ici venu mettre un terme à une contradiction entre deux dispositions:

- Tandis que l’alinéa 2 de l’article 1112-1 du Code civil témoigne de la volonté du législateur de consacrer la solution retenue dans l’arrêt Baldus en excluant l’obligation d’information sur l’estimation de la valeur de la prestation

- Dans le même temps, la combinaison des articles 1137, al. 2 et 1139 du Code civil anéantit cette même solution en suggérant que le manquement à l’obligation d’information sur l’estimation de la valeur de la prestation serait constitutif d’une réticence dolosive.

Pour résoudre cette contradiction, le législateur a décidé d’ajouter un 3e alinéa à l’article 1117 du Code civil qui désormais précise que « ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation ».

La jurisprudence BALDUS est ainsi définitivement consacrée (Cass. 1ère civ. 3 mai 2000, 98-11381)
Article
1143
L'abus de dépendance1er octobre
2018
Il y a également violence lorsqu'une partie, abusant de l'état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant, obtient de lui un engagement qu'il n'aurait pas souscrit en l'absence d'une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif.Il y a également violence lorsqu'une partie, abusant de l'état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard, obtient de lui un engagement qu'il n'aurait pas souscrit en l'absence d'une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif.
L'article 1143 du code civil a pour objet de sanctionner l'exploitation abusive des situations de dépendance, et constitue en ce sens l'une des principales innovations au sein de la classification des vices du consentement.

La lettre de cette disposition ne permet pas néanmoins de protéger, au sens strict, une personne considérée comme faible ou vulnérable, mais bien une partie à un contrat qui se trouverait dans une situation de dépendance, c’est-à-dire une personne en position de sujétion par rapport à une autre.

Aussi, afin de répondre aux inquiétudes exprimées sur la portée de cette nouvelle acception du vice de violence, tout en restant fidèle à l’esprit originel du texte, le législateur a décidé d’indiquer explicitement que l’état de dépendance de l’une des parties au contrat s’entend bien à l’égard de son cocontractant, c’est-à-dire dans le cadre expressément défini du contrat entre les deux parties.

La doctrine a pu faire valoir en ce sens que, en l’absence de précision, l’état de dépendance pourrait aussi être constitué à l’égard d’un tiers, et pas seulement à l’égard du cocontractant qui en abuse.

Afin d’écarter cette possibilité et de le limiter le champ de l’abus de dépendance aux seules hypothèses de dépendance de l'une des parties à l'égard de l'autre il a été choisi d’ajouter la précision « à son égard ».
Article
1145
La capacité des personnes morales1er octobre
2018
Toute personne physique peut contracter sauf en cas d'incapacité prévue par la loi.

La capacité des personnes morales est limitée aux actes utiles à la réalisation de leur objet tel que défini par leurs statuts et aux actes qui leur sont accessoires, dans le respect des règles applicables à chacune d'entre elles.
Toute personne physique peut contracter sauf en cas d'incapacité prévue par la loi.

La capacité des personnes morales est limitée par les règles applicables à chacune d'entre elles.
La capacité des personnes morales doit leur permettre d'accomplir, par l'intermédiaire de leurs organes, l'objet social pour la réalisation duquel elles ont été constituées.

La disposition de l'article 1145 relative à la capacité des personnes morales n'a pas vocation, selon le législateur, à ajouter au droit, mais seulement à affirmer de manière générale le principe de capacité des personnes morales.

Néanmoins, sa rédaction - qui suscite des interprétations très divergentes - ne manquera pas de faire naître un contentieux nouveau et inutile sur la base du critère d'utilité de l'acte pour la réalisation de l'objet de la personne morale, sans compter l'interrogation sur la sanction à appliquer.

Aussi, a-t-il é été jugé que la rédaction retenue par l’ordonnance du 10 février 016 était trop restrictive par rapport à l'état du droit, précisé par la jurisprudence, en particulier pour le droit des sociétés.

Afin de résoudre cette difficulté, il a dès lors été décidé d’adopter une autre rédaction se bornant à affirmer le principe du caractère limité de la capacité des personnes morales, tout en indiquant que cette limite est fixée par les règles propres applicables à chaque personne morale.
Article
1161
Le conflit d'intérêts1er octobre
2018
Un représentant ne peut agir pour le compte des deux parties au contrat ni contracter pour son propre compte avec le représenté.

En ces cas, l'acte accompli est nul à moins que la loi ne l'autorise ou que le représenté ne l'ait autorisé ou ratifié.
En matière de représentation des personnes physiques, un représentant ne peut agir pour le compte de plusieurs parties au contrat en opposition d'intérêts ni contracter pour son propre compte avec le représenté.

En ces cas, l'acte accompli est nul à moins que la loi ne l'autorise ou que le représenté ne l'ait autorisé ou ratifié.
Pour éviter tout risque de remise en cause des dispositions du droit des sociétés concernant les conventions conclues par une société avec ou par l’intermédiaire de ses dirigeants, qui en sont les représentants légaux, en raison des règles issues de l’ordonnance pour la prévention des conflits d’intérêts en matière de représentation dans la conclusion d’un contrat, il a été décidé de restreindre le champ de ces dispositions à la représentation des personnes physiques, pour lesquelles ce dispositif de protection a d’abord été conçu, tout en y apportant des améliorations, concernant notamment la possibilité pour plusieurs parties d’avoir le même représentant.
Article
1165
L'abus dans la fixation du prix1er octobre
2016
Dans les contrats de prestation de service, à défaut d'accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d'en motiver le montant en cas de contestation. En cas d'abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d'une demande en dommages et intérêts.Dans les contrats de prestation de service, à défaut d'accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d'en motiver le montant en cas de contestation.

En cas d'abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d'une demande tendant à obtenir des dommages et intérêts et, le cas échéant, la résolution du contrat.
En cas d’abus dans la fixation du prix, l’ordonnance du 10 février 2016 a prévu pour seule sanction l’allocation de dommages et intérêts,

Ainsi, le juge ne pas, comme l’y autorisait la jurisprudence antérieure, réduire le prix de la prestation, ni même prononcer la résiliation du contrat comme en matière de contrat-cadre.

L’article 1164 du Code civil prévoit, en effet, que pour cette catégorie de contrat, l’abus dans la fixation du prix est susceptible d’être sanctionné par la résolution du contrat.

Aux fins d’harmoniser les sanctions prévues en cas d’abus dans la fixation du prix, le législateur a décidé de prévoir la possibilité pour le juge de prononcer la résolution du contrat, et pas seulement d’octroyer des dommages et intérêts, par analogie avec le régime applicable aux contrats cadres en pareil cas, pour les contrats de prestation de services.

Une telle sanction peut s’avérer fort utile en certaines hypothèses, en particulier pour les contrats à exécution successive.
Article
1171
Les clauses abusives1er octobre
2018
Dans un contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.

L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation.
Dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.

L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation.
L'article 1171 du code civil a pour vocation de sanctionner les clauses abusives dans les contrats d'adhésion qui ne relèveraient pas déjà de ces deux dispositifs existants.

Cette disposition ne s'applique, en effet, qu'à un champ assez limité de contrats d'adhésion ne relevant :

- Ni des relations commerciales : les relations entre un producteur, commerçant, industriel ou artisan et un « partenaire commercial »

- Ni du code de la consommation : les relations entre un professionnel et un consommateur.

Aussi, seraient principalement concernés les contrats entre particuliers ne relevant pas déjà d'un droit spécial ainsi que les contrats conclus par les professions libérales, dont l'activité ne relève pas du champ commercial.

Seraient également concernés les baux commerciaux, lorsque des bailleurs institutionnels imposent des contrats-types sans en permettre la négociation.

Une incohérence a néanmoins été pointé dans le dispositif instauré par l’article 1171 du Code civil.

Celui-ci ne vise pas seulement les clauses des contrats d'adhésion qui ont été imposées sans pouvoir être négociées, mais concerne toutes les clauses, c'est-à-dire même celles qui ont pu être effectivement négociées.

Or la logique du dispositif, dès lors qu'il est limité aux contrats d'adhésion, est de permettre de contester devant le juge, en raison de l'existence d'un déséquilibre significatif, les clauses qui n'ont pas pu être discutées, à l'initiative de la partie à qui elles ont été imposées.

En conséquence, par cohérence avec l'analyse développée à propos de la définition du contrat d'adhésion, à l'article 1110 du code civil, il a été décidé de limiter la sanction des clauses abusives aux clauses non négociables unilatéralement déterminées par l'une des parties, dans les contrats d'adhésion.
Article
1195
La révision pour imprévision1er octobre
2018
Insertion d'un article 211-40-1 dans le Code monétaire et financier qui dispose:

L'article 1195 du code civil n'est pas applicable aux obligations qui résultent d'opérations sur les titres et les contrats financiers mentionnés aux I à III de l'article L. 211-1 du présent code.
Si le droit des titres et contrats financiers intègre naturellement un aléa dans le contrat, pouvant donc laisser supposer que le régime de l'imprévision est écarté d'office dans la mesure où les parties acceptent d'en assumer le risque, il n'en reste pas moins que le régime de l'imprévision est apparu particulièrement mal adapté au secteur financier, très sensible au changement et volatile par nature, les changements de circonstances imprévisibles n'étant pas rares.

D’où l’exclusion de cette catégorie de contrats du champ d’application de l’article 1195 du Code civil.
Article
1216-3
Le sort des sûretés dans la cession de contrat1er octobre
2016
Si le cédant n'est pas libéré par le cédé, les sûretés qui ont pu être consenties subsistent. Dans le cas contraire, les sûretés consenties par des tiers ne subsistent qu'avec leur accord.

Si le cédant est libéré, ses codébiteurs solidaires restent tenus déduction faite de sa part dans la dette.
Si le cédant n'est pas libéré par le cédé, les sûretés qui ont pu être consenties subsistent. Dans le cas contraire, les sûretés consenties par le cédant ou par des tiers ne subsistent qu'avec leur accord.

Si le cédant est libéré, ses codébiteurs solidaires restent tenus déduction faite de sa part dans la dette.
Fort opportunément, il a dès lors été décidé de modifier l’article 1216-3 du code civil pour calquer le sort des sûretés consenties par le cédant sur le sort des sûretés consenties par des tiers.

En cas de cession de contrat, et dans l’hypothèse où le cédant serait libéré par le cédé, les sûretés qu’il aurait consenties ne peuvent désormais subsister qu’avec son accord.

Cette précision permet d’éviter des interprétations jurisprudentielles divergentes ou des débats doctrinaux sans fin.
Article
1217
Les sanctions de l'inexécution du contrat1er octobre
2016
La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :

- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;

- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;

- solliciter une réduction du prix ;

- provoquer la résolution du contrat ;

- demander réparation des conséquences de l'inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.
La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :

- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;

- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;

- obtenir une réduction du prix ;

- provoquer la résolution du contrat ;

- demander réparation des conséquences de l'inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.
Le terme « solliciter » a été substitué par le terme « obtenir », par souci de cohérence avec la modification dont a fait l’objet l’article 1223 du Code civil.
Article
1221
L'exécution en nature1er octobre
2016
Le créancier d'une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l'exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s'il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier.Le créancier d'une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l'exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s'il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier.
L'exigence d'une « disproportion manifeste » entre le coût pour le débiteur et l'intérêt pour le créancier est certes plus précise et moins critiquée que la formule qui avait été retenue initialement dans le projet d'ordonnance, selon laquelle l'exécution en nature devait être écartée si son coût était « manifestement déraisonnable », cette appréciation ne prenant en considération que la situation du débiteur.

Cependant, la nouvelle rédaction soulevait encore de nombreuses inquiétudes.

La principale crainte exprimée est celle de voir dans cette disposition une incitation pour le débiteur à exécuter son obligation de manière imparfaite toutes les fois où le gain attendu de cette inexécution sera supérieur aux dommages et intérêts qu'il pourrait être amené à verser, c'est-à-dire permettre au débiteur de mauvaise foi de profiter de sa « faute lucrative ».

Sans aller jusqu'à évoquer de véritables gains pour le débiteur, n'est-il pas à craindre qu'un constructeur ne pouvant honorer tous les contrats qu'il a en cours choisisse de privilégier l'exécution parfaite de certains contrats au détriment d'autres contrats, n'encourant plus l'exécution forcée en nature, le cas échéant très coûteuse, mais seulement le versement de dommages et intérêts ?

Pour résoudre cette difficulté, et éviter ce genre de calculs du débiteur, il a été décidé de prévoir que, en cas de disproportion manifeste du coût pour le débiteur au regard de l'intérêt pour le créancier, il ne pourrait être fait échec à la demande d'exécution forcée en nature qu'au bénéfice du débiteur de bonne foi.
Article
1223
La réduction du prix1er octobre
2018
Le créancier peut, après mise en demeure, accepter une exécution imparfaite du contrat et solliciter une réduction proportionnelle du prix.

S'il n'a pas encore payé, le créancier notifie sa décision de réduire le prix dans les meilleurs délais.
En cas d'exécution imparfaite de la prestation, le créancier peut, après mise en demeure et s'il n'a pas encore payé tout ou partie de la prestation, notifier dans les meilleurs délais au débiteur sa décision d'en réduire de manière proportionnelle le prix. L'acceptation par le débiteur de la décision de réduction de prix du créancier doit être rédigée par écrit.

Si le créancier a déjà payé, à défaut d'accord entre les parties, il peut demander au juge la réduction de prix.
Comme relevé par l’un des rapporteurs au projet de loi, le terme qui prête à confusion est celui « d’acceptation », qui laisse supposer qu'une offre préalable d'exécution imparfaite a été faite par le débiteur au créancier.

Or, il y a fort à parier que, dans de nombreux cas, le débiteur mis en demeure de s'exécuter ne se risquera pas à faire une telle offre, qui constituerait un aveu de sa défaillance.

Dans l'esprit des rédacteurs de l'ordonnance, il semble que cette absence d'offre de la part du débiteur de l'obligation n'empêche pourtant pas le créancier d’« accepter » son exécution imparfaite et de mettre en œuvre le mécanisme de réduction proportionnelle du prix.

Le créancier est alors érigé en véritable juge de l'exécution du contrat.

Cette situation est sans grande conséquence dans l'hypothèse où le créancier de l'obligation imparfaitement exécutée a déjà acquitté le prix, puisqu'il ne pourra que solliciter la réduction du prix auprès du débiteur et saisir le juge en cas de refus de celui-ci d'obtempérer.

Il en va tout autrement si le créancier de l'obligation, qui estime que son exécution est imparfaite, n'a pas encore acquitté l'intégralité du prix.

Dans cette hypothèse, le deuxième alinéa de l'article 1223 l'autorise à notifier au débiteur « sa décision de réduire le prix dans les meilleurs délais ».

Le débiteur se voit alors imposer cette réduction, à charge pour lui de saisir le juge pour la contester.

L'effet de la décision unilatérale est alors très fort puisque toute latitude est laissée au créancier pour apprécier l'ampleur de l'inexécution et le montant de la réduction demandée.

Cette deuxième hypothèse semble provoquer certaines inquiétudes, notamment de la part des professions exerçant une activité de conseil, telle que la profession d'avocat, qui craignent des abus.

En effet, un client pourrait accepter la convention d'honoraires de son avocat puis, par la suite, s'estimer insatisfait de l'exécution du contrat et décider de réduire les honoraires dus, estimant que la prestation ne valait pas le prix fixé.

En donnant ce pouvoir unilatéral au créancier, les rédacteurs de l'ordonnance se sont écartés complètement de ce qu'est le contrat : la chose des parties.

Au total, le législateur, en a tiré la conséquence qu’il convenait de supprimer le terme « accepter », qui prêtait à confusion, car il laissait supposer qu’une offre préalable d’exécution imparfaite devrait être formulée par le débiteur pour que le créancier puisse mettre en œuvre le mécanisme de réduction du prix.
Article
1304-4
La renonciation aux effets de la condition suspensive1er octobre
2016
Une partie est libre de renoncer à la condition stipulée dans son intérêt exclusif, tant que celle-ci n'est pas accomplie.Une partie est libre de renoncer à la condition stipulée dans son intérêt exclusif, tant que celle-ci n'est pas accomplie ou n'a pas défailli.
La lecture du rapport au Président de la République apporte quelques éclairages quant à l'objectif poursuivi par les rédacteurs de l'ordonnance.

Ceux-ci ont entendu prévoir qu'une renonciation unilatérale du bénéficiaire à la condition suspensive ne pouvait intervenir après la défaillance de celle-ci, choisissant ainsi l'anéantissement automatique du contrat afin d'éviter sa remise en cause bien après cette défaillance.

Ainsi, dans le cas d'une promesse de vente par exemple, le fait que l'acheteur n'ait pas obtenu de sa banque le prêt nécessaire à l'achat, alors que l'obtention du prêt constituait une condition suspensive de la réalisation de la vente, rendrait le contrat caduc.

Puisque seule la renonciation unilatérale du bénéficiaire de la condition défaillie serait prohibée, les parties pourraient toujours s'accorder pour décider de maintenir le contrat.

C'est cette solution qui semble ressortir des termes du rapport au Président de la République, selon lesquels, « bien sûr, la partie qui avait intérêt à la condition pourra toujours y renoncer après cette défaillance si elle obtient l'accord de son cocontractant ».

Par ailleurs, l'article 1304-4 du code civil n'étant pas d'ordre public, les parties pourraient décider d'en disposer autrement.

Pour autant, en l’état, la rédaction retenue pour l'article 1304-4 ne permettait pas d'atteindre l’objectif poursuivi, puisqu'il n'y est pas question d'interdire la renonciation du bénéficiaire à la condition suspensive défaillie mais bien la renonciation à la condition suspensive accomplie, ce qui est sans effet.

Pour permettre à cette disposition d'atteindre l'objectif qui lui avait été assigné par les rédacteurs de l'ordonnance, une nouvelle rédaction de l'article 1304-4 a été proposée, affirmant clairement l'impossibilité pour le bénéficiaire d'une condition suspensive d'y renoncer une fois que celle-ci est défaillie.
Article
1305-5
L'inopposabilité de la déchéance du terme aux coobligés et aux cautions du débiteur1er octobre
2016
La déchéance du terme encourue par un débiteur est inopposable à ses coobligés, même solidaires.La déchéance du terme encourue par un débiteur est inopposable à ses coobligés, même solidaires, et à ses cautions.
La loi de ratification a précisé le second effet de la déchéance du terme en modifiant l’article 1305-5 du code civil relatif à l'inopposabilité de la déchéance du terme aux coobligés. pour ajouter que cette disposition est également applicable aux cautions.

En effet, la déchéance ayant par nature un caractère de sanction personnelle, elle ne doit pas produire d'effet sur les coobligés du débiteur déchu, sauf texte spécial dérogeant à cette règle.
La jurisprudence sur ce point est constante, qu'il s'agisse d'une caution, même solidaire, ou de codébiteurs solidaires.

Il ressort de la lecture du rapport au Président de la République que le texte entendait viser tant les codébiteurs que les cautions.

Or, stricto sensu, le terme « coobligés » fait référence aux codébiteurs seulement.

C'est la raison pour laquelle, l'article 1305-5 a été complété pour viser expressément les cautions du débiteur déchu.
Article
1327
La cession de dette1er octobre
2018
Un débiteur peut, avec l'accord du créancier, céder sa dette.Un débiteur peut, avec l'accord du créancier, céder sa dette.

La cession doit être constatée par écrit, à peine de nullité.
Une dette n'étant que l'envers d'une créance, par cohérence, il est apparu que l'exigence d'un écrit devait également être prévue pour la cession de dette, d'autant que le Conseil d'État a imposé la même condition pour la cession de contrat.

Aussi, a-t-il été décidé d’exiger pour la cession de dette l’établissement d’un écrit à peine de nullité.
Article
1327-1
La cession de dette1er octobre
2016
Le créancier, s'il a par avance donné son accord à la cession ou n'y est pas intervenu, ne peut se la voir opposer ou s'en prévaloir que du jour où elle lui a été notifiée ou dès qu'il en a pris acte.Le créancier, s'il a par avance donné son accord à la cession et n'y est pas intervenu, ne peut se la voir opposer ou s'en prévaloir que du jour où elle lui a été notifiée ou dès qu'il en a pris acte.
L'article 1327-1 comporte une maladresse de rédaction unanimement signalée par la doctrine.

Dans le cadre de la cession de dette, le texte exige en effet une notification au créancier ou une prise d'acte par ce dernier « s'il a par avance donné son accord à la cession ou n'y est pas intervenu ».

Il est apparu nécessaire de remplacer le mot « ou » par le mot « et ».

En effet, si l'accord du créancier à la cession a été donné par avance, par exemple dans une clause de cessibilité dans l'acte générateur de l'obligation, et qu'il n'est pas ensuite intervenu à l'acte de cession, il paraît opportun que l'opposabilité de la cession à son égard soit retardée au jour où il en a effectivement connaissance, c'est-à-dire au jour où elle lui est notifiée ou lorsqu'il en prend acte.
Article
1328-1
Le sort des sûretés dans la cession de dette1er octobre
2016
Lorsque le débiteur originaire n'est pas déchargé par le créancier, les sûretés subsistent. Dans le cas contraire, les sûretés consenties par des tiers ne subsistent qu'avec leur accord.

Si le cédant est déchargé, ses codébiteurs solidaires restent tenus déduction faite de sa part dans la dette.
Lorsque le débiteur originaire n'est pas déchargé par le créancier, les sûretés subsistent. Dans le cas contraire, les sûretés consenties par le débiteur originaire ou par des tiers ne subsistent qu'avec leur accord.

Si le cédant est déchargé, ses codébiteurs solidaires restent tenus déduction faite de sa part dans la dette.
Le législateur est venu préciser, à l’article 1328-1 du code civil, qu’en cas de cession de dette, les sûretés accordées par le débiteur originaire déchargé par le créancier subissent le même sort que celles consenties par des tiers : elles ne subsistent qu’avec son accord.

Il transpose ainsi à la cession de dette la solution retenue pour la cession de contrat.

Le législateur a ainsi a modifié l’article 1328-1 du code civil pour calquer le sort des sûretés consenties par le débiteur originaire sur le sort des sûretés consenties par des tiers.

En cas de cession de dette, et dans l’hypothèse où le débiteur originaire serait déchargé par le créancier, les sûretés qu’il aurait consenties ne subsisteront qu’avec son accord.
Article
1343-3
Le paiement d'une obligation de somme d'argent en devises1er octobre
2018
Le paiement, en France, d'une obligation de somme d'argent s'effectue en euros. Toutefois, le paiement peut avoir lieu en une autre devise si l'obligation ainsi libellée procède d'un contrat international ou d'un jugement étranger.Le paiement, en France, d'une obligation de somme d'argent s'effectue en euros.

Toutefois, le paiement peut avoir lieu en une autre monnaie si l'obligation ainsi libellée procède d'une opération à caractère international ou d'un jugement étranger. Les parties peuvent convenir que le paiement aura lieu en devise s'il intervient entre professionnels, lorsque l'usage d'une monnaie étrangère est communément admis pour l'opération concernée.
Dans une décision rendue en 1989 à propos d'un contrat de prêt, la Cour de cassation s'était référée à la notion plus souple d'« opération de commerce international » (Cass. 1ère civ. Cour, 11 octobre 1989, n° 87-16.341).

Cette notion permettait aux parties de déterminer la monnaie de compte ou de paiement de leurs obligations même si le paiement devait être réalisé sur le sol français, dès lors qu'il pouvait être qualifié d'opération de commerce international.

Dès lors, il a été décidé de remplacer le critère de « contrat international » par celui, plus large, d’«opération à caractère international ».

Le législateur est allé encore plus loin en prévoyant la possibilité d’utiliser une monnaie étrangère en tant que monnaie de compte pour tout contrat, dès lors que le débiteur de l’obligation conserverait la faculté de se libérer en euros.
Article
1347-6
Les effets de la compensation à l'égard des tiers1er octobre
2016
La caution peut opposer au créancier la compensation intervenue entre ce dernier et le débiteur principal.

Le codébiteur solidaire peut se prévaloir de la compensation intervenue entre le créancier et l'un de ses coobligés pour faire déduire la part divise de celui-ci du total de la dette.
La caution peut opposer la compensation de ce que le créancier doit au débiteur principal.

Le codébiteur solidaire peut se prévaloir de la compensation de ce que le créancier doit à l'un de ses coobligés pour faire déduire la part divise de celui-ci du total de la dette.
Si, fondamentalement le législateur n’a pas entendu modifier le sens de l’article 1347-6 du Code civil, il a néanmoins souhaité lever toute ambiguïté concernant :

- La possibilité pour la caution d'opposer au créancier la compensation intervenue entre le créancier et le débiteur

- La possibilité pour le codébiteur solidaire de se prévaloir de la compensation intervenue entre le créancier et l'un de ses coobligés

S'agissant de la première hypothèse, comme l'ont relevé plusieurs auteurs, l'utilisation dans cet article du terme « intervenue » pourrait laisser penser que, si la compensation n'a pas été invoquée par le débiteur ou le créancier, la caution ne saurait s'en prévaloir.

Telle n'est pourtant pas la volonté des rédacteurs de l'ordonnance, qui ont entendu maintenir la solution retenue par le droit positif selon laquelle la caution peut invoquer la compensation dès lors que ses conditions sont réunies, alors même qu'elle n'a pas encore été déclenchée par le débiteur.

Une interprétation contraire reviendrait à vider le texte de tout intérêt.

Or, une telle interprétation est favorisée, selon la doctrine, par le fait que l'article 1347, qui définit la compensation, prévoit désormais qu'elle doit être invoquée et qu'elle n'est donc pas automatique.

La problématique est la même pour le codébiteur, qui doit pouvoir se prévaloir de la compensation, dès lors que ses conditions sont remplies, alors même qu'elle n'aurait pas été invoquée par le créancier ou l'un de ses coobligés.

Pour mettre fin à toute controverse, il a été décidé de supprimer le terme « intervenue ».
Article
1352-4
Les restitutions1er octobre
2016
Les restitutions dues à un mineur non émancipé ou à un majeur protégé sont réduites à proportion du profit qu'il a retiré de l'acte annulé.Les restitutions dues par un mineur non émancipé ou par un majeur protégé sont réduites à hauteur du profit qu'il a retiré de l'acte annulé.
L’article 1352-4 du Code civil, relatif aux restitutions, vise à prévoir que, lorsqu'elles sont dues par un mineur ou un majeur protégé, elles doivent être réduites à proportion du profit retiré par ces personnes de l'acte annulé.

La loi atténue ainsi les effets habituels de la nullité en faveur des personnes protégées, en prenant en considération l'avantage économique qu'elles ont, en définitive, conservé.

Ce texte se veut une reprise à droit constant de l'ancien article 1312.

Toutefois, son interprétation est sujette à controverse en doctrine.

Pour lever toute ambiguïté, il a donc été décidé de remplacer la formulation « réduites à proportion du profit » par l'expression « à hauteur du profit ».

Par ailleurs, les mots « à un mineur » et « à un majeur » doivent être remplacés par les mots « par un mineur » et « par un majeur protégé ».

État des lieux de la réforme du droit des contrats après l’adoption de la loi du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance du 10 février 2016

I) Procédure législative

La loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 a été adoptée en vue de ratifier l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

Cette ordonnance avait été prise sur le fondement de l’habilitation accordée par l’article 8 de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures

Article 8 de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015
Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour modifier la structure et le contenu du livre III du code civil, afin de moderniser, de simplifier, d'améliorer la lisibilité, de renforcer l'accessibilité du droit commun des contrats, du régime des obligations et du droit de la preuve, de garantir la sécurité juridique et l'efficacité de la norme et, à cette fin :

1° Affirmer les principes généraux du droit des contrats tels que la bonne foi et la liberté contractuelle ; énumérer et définir les principales catégories de contrats ; préciser les règles relatives au processus de conclusion du contrat, y compris conclu par voie électronique, afin de clarifier les dispositions applicables en matière de négociation, d'offre et d'acceptation de contrat, notamment s'agissant de sa date et du lieu de sa formation, de promesse de contrat et de pacte de préférence ;

2° Simplifier les règles applicables aux conditions de validité du contrat, qui comprennent celles relatives au consentement, à la capacité, à la représentation et au contenu du contrat, en consacrant en particulier le devoir d'information et la notion de clause abusive et en introduisant des dispositions permettant de sanctionner le comportement d'une partie qui abuse de la situation de faiblesse de l'autre ;

3° Affirmer le principe du consensualisme et présenter ses exceptions, en indiquant les principales règles applicables à la forme du contrat ;

4° Clarifier les règles relatives à la nullité et à la caducité, qui sanctionnent les conditions de validité et de forme du contrat ;

5° Clarifier les dispositions relatives à l'interprétation du contrat et spécifier celles qui sont propres aux contrats d'adhésion ;

6° Préciser les règles relatives aux effets du contrat entre les parties et à l'égard des tiers, en consacrant la possibilité pour celles-ci d'adapter leur contrat en cas de changement imprévisible de circonstances ;

7° Clarifier les règles relatives à la durée du contrat ;

8° Regrouper les règles applicables à l'inexécution du contrat et introduire la possibilité d'une résolution unilatérale par notification ;

9° Moderniser les règles applicables à la gestion d'affaires et au paiement de l'indu et consacrer la notion d'enrichissement sans cause ;

10° Introduire un régime général des obligations et clarifier et moderniser ses règles ; préciser en particulier celles relatives aux différentes modalités de l'obligation, en distinguant les obligations conditionnelles, à terme, cumulatives, alternatives, facultatives, solidaires et à prestation indivisible ; adapter les règles du paiement et expliciter les règles applicables aux autres formes d'extinction de l'obligation résultant de la remise de dette, de la compensation et de la confusion ;

11° Regrouper l'ensemble des opérations destinées à modifier le rapport d'obligation ; consacrer, dans les principales actions ouvertes au créancier, les actions directes en paiement prévues par la loi ; moderniser les règles relatives à la cession de créance, à la novation et à la délégation ; consacrer la cession de dette et la cession de contrat ; préciser les règles applicables aux restitutions, notamment en cas d'anéantissement du contrat ;

12° Clarifier et simplifier l'ensemble des règles applicables à la preuve des obligations ; en conséquence, énoncer d'abord celles relatives à la charge de la preuve, aux présomptions légales, à l'autorité de chose jugée, aux conventions sur la preuve et à l'admission de la preuve ; préciser, ensuite, les conditions d'admissibilité des modes de preuve des faits et des actes juridiques ; détailler, enfin, les régimes applicables aux différents modes de preuve ;

13° Aménager et modifier toutes dispositions de nature législative permettant d'assurer la mise en oeuvre et de tirer les conséquences des modifications apportées en application des 1° à 12°.


En première lecture de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015, d’aucuns avaient estimé qu'une réforme d'une telle ampleur de notre droit civil était trop fondamentale pour être conduite par ordonnance et devait être examinée par le Parlement.

Saisi de ce seul grief, le Conseil constitutionnel ne contesta pas qu'il pût être procédé à la réforme du droit des contrats par ordonnance, dès lors que l'habilitation ne méconnaissait pas les exigences qui résultaient de l'article 38 de la Constitution.

Le délai d'habilitation était fixé à douze mois, de sorte que l'ordonnance fut délibérée en conseil des ministres et signée par le Président de la République le 10 février 2016, puis publiée au Journal officiel le lendemain.

II) Application de la loi dans le temps

A) Application dans le temps de l’ordonnance

==> Texte

L’article 9 de l’ordonnance du 10 février 2016 est rédigé en ces termes :

« Les dispositions de la présente ordonnance entreront en vigueur le 1er octobre 2016.

Les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne.

Toutefois, les dispositions des troisième et quatrième alinéas de l’article 1123 et celles des articles 1158 et 1183 sont applicables dès l’entrée en vigueur de la présente ordonnance.

Lorsqu’une instance a été introduite avant l’entrée en vigueur de la présente ordonnance, l’action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s’applique également en appel et en cassation. »

==> Interprétation

Pour mémoire, l’article 2 du Code civil dispose que « la loi ne dispose que pour l’avenir, elle n’a point d’effet rétroactif. »

Lors de l’adoption de la réforme des obligations le législateur a néanmoins souhaité déroger à cette règle en prévoyant des dispositions transitoires qui sont énoncées à l’article 9 de l’ordonnance.

En substance, cette disposition énonce trois règles dont l’articulation est la suivante :

  • Principe
    • L’alinéa 1er prévoit que l’ordonnance ne pourra commencer à être appliquée qu’à compter du 1er octobre 2016.
    • L’alinéa 2e rappelle, en complément, le principe de survie de la loi ancienne en matière contractuelle
    • Il en résulte que les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 demeurent régis par la loi qui était en vigueur au moment de leur conclusion, y compris pour leurs effets postérieurs au 1er octobre 2016.
    • Bien que la jurisprudence considère que de manière constante que la loi nouvelle s’applique immédiatement aux effets légaux des contrats conclus avant son entrée en vigueur ( ch. mixte, 13 mars 1981, n° 80-12.125), l’alinéa 2 de l’article 9 de l’ordonnance semble exclure expressément cette exception
    • En effet, l’ordonnance ne s’appliquera pas aux contrats conclus avant le 1er octobre sans que l’on ait à distinguer entre leurs effets contractuels et leurs effets légaux.
    • Cette solution est confirmée
  • Exceptions
    • L’alinéa 3 de l’article 9 de l’ordonnance pose deux catégories d’exceptions au principe de survie de la loi ancienne.
      • Les actions interrogatoires
        • Par exception à l’alinéa 2 de l’ordonnance, les actions interrogatoires prévues par le texte sont d’application immédiate
        • Il s’agit des actions interrogatoires introduites :
          • En matière de pactes de préférence (art. 1123, al. 3 et 4)
          • En matière de représentation (art. 1158)
          • En matière de nullités (art. 1183)
      • Les instances en cours
        • L’alinéa 4 précise que l’ordonnance ne s’applique pas aux instances en cours et aux instances introduites avant le 1er octobre 2016.
        • En dehors des deux hypothèses précitées, l’ordonnance ne prévoit aucune autre exception au principe de survie de la loi ancienne.

II) Application dans le temps de la loi de ratification

L’article 16 de la loi du 20 avril 2018 dispose que « la présente loi entre en vigueur le 1er octobre 2018. »

Il ressort néanmoins de cette disposition qu’une distinction doit être opérée entre :

  • Les règles qui ont fait l’objet d’une modification substantielle
  • Les règles dont la modification possède un caractère interprétatif

Tandis que dans le premier cas, les modifications apportées par la loi du 20 novembre 2018 n’entrent en vigueur qu’à compter du 1er octobre 2018, dans le second cas, elles sont d’application immédiate, soit peuvent s’appliquer à tous les contrats conclus postérieurement au 1er octobre 2016, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016

==> Les dispositions qui ont fait l’objet d’une modification substantielle

L’article 16 de la loi du 20 avril 2018 énonce une liste d’articles qui sont applicables aux actes juridiques conclus ou établis à compter de son entrée en vigueur, soit à partir du 1er octobre 2018.

Au nombre de ces articles figurent :

  • Article 1110: Les contrats de gré à gré et d’adhésion
  • Article 1117: La caducité de l’offre
  • Article 1137: La définition du dol
  • Article 1145: La capacité des personnes morales
  • Article 1161: Le conflit d’intérêts
  • Article 1171: Les clauses abusives
  • Article 1223: La réduction du prix
  • Article 1327: La cession de dette
  • Article 1343-3: Le paiement d’une obligation de somme d’argent en devises
  • Article L. 211-40-1 CMF: la révision pour imprévision

==> Les dispositions dont la modification possède seulement un caractère interprétatif

L’article 16 de la loi du 20 avril 2018 a modifié un certain nombre de dispositions sans pour autant toucher au fond des règles.

À cet égard, il s’agit de modifications qui possèdent un caractère interprétatif, ce qui a pour conséquence d’autoriser leur application immédiate aux contrats en cours, par exception au principe de survie de la loi ancienne.

Au nombre des articles ainsi modifiés figurent :

  • Article 1112: Les négociations précontractuelles
  • Article 1143: L’abus de dépendance
  • Article 1165: L’abus dans la fixation du prix
  • Article 1216-3: Le sort des sûretés dans la cession de contrat
  • Article 1217: Les sanctions de l’inexécution du contrat
  • Article 1221: L’exécution en nature
  • Article 1304-4: La renonciation aux effets de la condition suspensive
  • Article 1305-5: L’inopposabilité de la déchéance du terme aux coobligés et aux cautions du débiteur
  • Article 1327-1: La cession de dette
  • Article 1328-1: Le sort des sûretés dans la cession de dette
  • Article 1347-6: Les effets de la compensation à l’égard des tiers
  • Article 1352-4: Les restitutions

III) Contenu de la loi

ARTICLE 1110

(Définition des contrats d’adhésion et de gré à gré)

Il ressort de la nouvelle rédaction de l’article 1110 du Code civil que le législateur a entendu simplifier la définition proposée du contrat d’adhésion mais aussi celle du contrat de gré à gré prévue par le premier alinéa de l’article 1110 du code civil.

La définition du contrat de gré à gré

==> Ancien texte

« Le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont librement négociées entre les parties. »

==> Nouveau texte

« Le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont négociables entre les parties. »

==> Analyse

Comme relevé par l’un des rapporteurs du projet de loi, définir le contrat de gré à gré comme celui dont les stipulations sont librement négociées peut avoir deux sens :

  • Un contrat dont les stipulations ont toutes été effectivement et librement négociées
  • Un contrat dont les stipulations n’ont pas toutes été négociées mais auraient toutes pu l’être.

Le législateur a souhaité lever cette ambiguïté, car s’il peut arriver que toutes les clauses d’un contrat n’aient pas été effectivement négociées et qu’une partie ait adhéré à des clauses proposées par l’autre partie sans les négocier, cela ne signifie pas pour autant que l’on est en présence d’un contrat d’adhésion.

Cette catégorie de contrat se caractérise, en effet, par la faculté dont dispose une partie de proposer le contrat sans permettre à son cocontractant d’en discuter tout ou partie des stipulations, ce qui peut seul justifier le mécanisme de sanction des clauses abusives.

Dès lors, le critère distinctif pertinent entre le contrat de gré à gré et le contrat d’adhésion est celui de la négociabilité des stipulations contractuelles et non celui, trop ambigu, de leur libre négociation.

Ce critère présente l’avantage d’assurer une cohérence avec le dispositif instauré à l’article 1171 du Code civil.

Pour mémoire, cette disposition qui prohibe « tout déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat », soit plus communément les clauses abusives, n’est applicable qu’aux seuls contrats d’adhésion.

D’où l’enjeu de bien les distinguer des contrats de gré à gré qui, en principe, sont conçus comme leur symétrique.

Le législateur en a tiré la conséquence qu’il convenait de substituer l’assertion « librement négociées » par le terme « négociables », ce qui marque l’adoption d’un nouveau critère de distinction.

La définition du contrat d’adhésion

==> Ancien texte

« Le contrat d’adhésion est celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties. »

==> Nouveau texte

« Le contrat d’adhésion est celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l’avance par l’une des parties. »

==> Analyse

Le texte a ici fait l’objet de deux modifications :

  • La substitution de « soustraites à la négociation» par « non négociables »
    • La notion de clauses soustraites à la négociation a été jugée ambiguë par le législateur
    • Elle peut, en effet, inclure des clauses qui auraient pu être négociées mais qui ne l’ont pas été effectivement
    • Le rapporteur de l’Assemblée nationale a estimé que la définition du contrat d’adhésion « élargissait considérablement le champ des contrats susceptibles d’être qualifiés de contrats d’adhésion », dès lors qu’une seule clause non négociable, même très accessoire, pouvait emporter la qualification de contrat d’adhésion et faire basculer le contrat dans le dispositif de sanction des clauses abusives.
    • Aussi, a-t-il évoqué les « craintes des milieux d’affaires (…), certains considérant que les pactes d’actionnaires pourraient être assimilés à des contrats d’adhésion, d’autres estimant que des contrats internationaux comportant des clauses d’arbitrage non négociables, par exemple, pourraient également relever de cette définition, les soumettant en conséquence au dispositif de lutte contre les clauses abusives»
    • Il a donc été décidé de clarifier la notion de contrat d’adhésion en précisant qu’il ne peut comporter que des clauses « non négociables»
  • La substitution de « conditions générales» par « ensemble de clauses »
    • Il a été relevé lors des débats parlementaires que le recours à la notion de conditions générales crée une incertitude, car celle-ci n’est pas définie, quand bien même elle est susceptible d’évoquer des notions connues dans certains droits particuliers.
    • Certes, l’article 1119 du code civil évoque lui aussi les conditions générales, mais dans une autre perspective :
      • Soit dans le cadre d’une distinction entre conditions générales et conditions particulières
      • Soit dans le cadre d’une incompatibilité entre les conditions générales de chaque partie
    • Toutefois, cet article ne permet guère d’éclairer la définition du contrat d’adhésion sur la base du critère des conditions générales.
    • Il a alors été envisagé de substituer à la notion de conditions générales celle de stipulations essentielles
    • Cette substitution a toutefois été vivement critiquée
    • En effet, des clauses abusives peuvent se trouver dans des stipulations qui ne sont pas jugées comme essentielles à la formation du contrat.
    • Si la nature de la prestation, le prix, la référence à un indice, la durée ou encore les limitations ou exonérations de responsabilité sont sans doute des stipulations essentielles, qu’en est-il d’une clause, dans des contrats susceptibles d’être résiliés, prévoyant une durée de préavis excessivement longue pour résilier ou subordonnant la résiliation au versement d’une forte indemnité ?
    • Dès lors que des clauses peuvent être abusives sans figurer dans des conditions générales ou relever des stipulations essentielles du contrat, la jurisprudence pourrait interpréter extensivement de telles notions imprécises pour pouvoir leur faire application de l’article 1171.
    • Aussi, le législateur a-t-il finalement décidé de substituer la notion de « conditions générales», par la formule « ensemble de clauses non négociables ».
    • La notion d’ensemble de clauses non négociables laisse au juge une latitude suffisante pour apprécier la nature du contrat soumis à son examen, sans créer pour autant de trop grandes incertitudes, à la différence du recours à la notion de conditions générales.
    • Selon la lettre du droit, il restera une catégorie interstitielle de contrats, comportant quelques clauses éparses non négociables voire une seule.
    • N’étant pas des contrats d’adhésion, ils devront être considérés comme des contrats de gré à gré, dès lors que le contrat d’adhésion se définit par rapport au contrat de gré à gré, nonobstant la présence de quelques clauses accessoires non négociables, sauf à ce que celles-ci soient essentielles à la conclusion du contrat.
    • Ceci revient à dire que le contrat de gré à gré est en réalité celui dont au moins l’essentiel des stipulations – et non les stipulations essentielles, formule retenue dans l’avant-projet d’ordonnance et qui donc a été écartée– est négociable.
    • Une telle interprétation est conforme aux finalités qui ont été recherchées par l’introduction de la notion de contrat d’adhésion dans le code civil : le contrat d’adhésion est essentiellement imposé par l’une des parties à l’autre, même si certaines stipulations peuvent être négociables, de sorte qu’il peut receler des clauses abusives, tandis que le contrat de gré à gré est celui qui peut faire globalement l’objet d’une véritable négociation, même si quelques stipulations peuvent être considérées comme non négociables par l’une des parties.
    • Au bilan, l’exigence d’un « ensemble de clauses» non négociables – et non quelques clauses isolées – permet de resserrer la définition du contrat d’adhésion.

Au bilan, le contrat d’adhésion est défini à partir de deux critères :

  • La non négociabilité de ses clauses
  • La prédétermination unilatérale par une partie

ARTICLE 1112

(Le préjudice réparable en cas de rupture abusive des pourparlers)

==> Ancien texte

« L’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi.

 En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser la perte des avantages attendus du contrat non conclu. »

==> Nouveau texte

« L’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi.

 En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu, ni la perte de chance d’obtenir ces avantages. »

==> Analyse

L’article 1112 traite du contentieux des négociations précontractuelles et vise à définir le régime de la sanction en cas de faute de l’une des parties commise à l’occasion de ces pourparlers.

La responsabilité de l’auteur de la faute peut en effet être engagée, sous réserve d’une réparation du préjudice expressément restreinte par l’article.

Lors de l’élaboration du projet de loi de ratification, la question de l’étendue du préjudice réparable a suscité des interrogations : exclut-il seulement les avantages attendus du contrat ou également le préjudice distinct de la perte de chance de conclure le contrat ?

Pour mémoire, le rapport au Président de la République indique l’intention de consacrer la jurisprudence dite « Manoukian », qui conduit à exclure du préjudice réparable non seulement les gains que permettaient d’espérer la conclusion du contrat, mais également la perte de chance de réaliser des gains.

Dans cet arrêt, la chambre commerciale avait, en effet, jugé que « les circonstances constitutives d’une faute commise dans l’exercice du droit de rupture unilatérale des pourparlers précontractuels ne sont pas la cause du préjudice consistant dans la perte d’une chance de réaliser les gains que permettait d’espérer la conclusion du contrat » (Cass. com. 26 nov. 2003)

Cass. com. 26 nov. 2003
Arrêt Manoukian
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 octobre 1999), que la société Alain Manoukian a engagé avec les consorts X... et Y... (les consorts X...),, actionnaires de la société Stuck, des négociations en vue de la cession des actions composant le capital de cette société ; que les pourparlers entrepris au printemps de l'année 1997 ont, à l'issue de plusieurs rencontres et de divers échanges de courriers, conduit à l'établissement, le 24 septembre 1997, d'un projet d'accord stipulant notamment plusieurs conditions suspensives qui devaient être réalisées avant le 10 octobre de la même année, date ultérieurement reportée au 31 octobre ; qu'après de nouvelles discussions, la société Alain Manoukian a, le 16 octobre 1997, accepté les demandes de modification formulées par les cédants et proposé de reporter la date limite de réalisation des conditions au 15 novembre 1997 ; que les consorts X... n'ayant formulé aucune observation, un nouveau projet de cession leur a été adressé le 13 novembre 1997 ; que le 24 novembre, la société Alain Manoukian a appris que les consorts X... avaient, le 10 novembre, consenti à la société Les complices une promesse de cession des actions de la société Stuck ; que la société Alain Manoukian a demandé que les consorts X... et la société Les complices soient condamnés à réparer le préjudice résultant de la rupture fautive des pourparlers ;

Sur le moyen unique du pourvoi formé par les consorts X..., pris en ses deux branches :

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de les avoir condamnés à payer à la société Alain Manoukian la somme de 400 000 francs à titre de dommages-intérêts alors, selon le moyen :

1 / que la liberté contractuelle implique celle de rompre les pourparlers, liberté qui n'est limitée que par l'abus du droit de rompre qui est une faute caractérisée par le fait de tromper la confiance du partenaire ; que la cour d'appel, qui n'a relevé aucun élément à la charge du cédant de nature à caractériser un tel comportement, contraire à la bonne foi contractuelle, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ;

2 / que celui qui prend l'initiative de pourparlers en établissant une proposition d'achat de la totalité des actions d'une société, soumise à plusieurs conditions suspensives affectées d'un délai de réalisation, et qui ne manifeste aucune diligence pour la réalisation de ces conditions, ne saurait imputer à faute la rupture par son partenaire des pourparlers, après l'expiration de ce délai, de sorte que la cour d'appel, en statuant comme elle l'a fait, a violé les articles 1382 et 1383 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'après avoir relevé, d'un côté, que les parties étaient parvenues à un projet d'accord aplanissant la plupart des difficultés et que la société Alain Manoukian était en droit de penser que les consorts X... étaient toujours disposés à lui céder leurs actions et, d'un autre côté, que les actionnaires de la société Stuck avaient, à la même époque, conduit des négociations parallèles avec la société Les complices et conclu avec cette dernière un accord dont ils n'avaient informé la société Alain Manoukian que quatorze jours après la signature de celui-ci, tout en continuant à lui laisser croire que seule l'absence de l'expert-comptable de la société retardait la signature du protocole, la cour d'appel a retenu que les consorts X... avaient ainsi rompu unilatéralement et avec mauvaise foi des pourparlers qu'ils n'avaient jamais paru abandonner et que la société Alain Manoukian poursuivait normalement ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Et attendu, d'autre part, que la cour d'appel ayant relevé, par un motif non critiqué, que les parties avaient, d'un commun accord, prorogé la date de réalisation des conditions suspensives, le moyen pris de la circonstance que la rupture des pourparlers aurait été postérieure à cette date est inopérant ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Sur le premier moyen du pourvoi formé par la société Alain Manoukian :

Attendu que la société Alain Manoukian fait grief à l'arrêt d'avoir limité à 400 000 francs la condamnation à dommages-intérêts prononcée à l'encontre des consorts X... alors, selon le moyen, que celui qui rompt brutalement des pourparlers relatifs à la cession des actions d'une société exploitant un fonds de commerce doit indemniser la victime de cette rupture de la perte de la chance qu'avait cette dernière d'obtenir les gains espérés tirés de l'exploitation dudit fonds de commerce en cas de conclusion du contrat ; qu'il importe peu que les parties ne soient parvenues à aucun accord ferme et définitif ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les consorts X... avaient engagé leur responsabilité délictuelle envers la société Alain Manoukian en rompant unilatéralement, brutalement et avec mauvaise foi les pourparlers qui avaient eu lieu entre eux au sujet de la cession des actions de la société Stuck exploitant un fonds de commerce dans le centre commercial Belle Epine ; qu'en estimant néanmoins que le préjudice subi par la société Alain Manoukian ne pouvait correspondre, du seul fait de l'absence d'accord ferme et définitif, à la perte de la chance qu'avait cette société d'obtenir les gains qu'elle pouvait espérer tirer de l'exploitation du fonds de commerce et en limitant la réparation du préjudice subi par la société Alain Manoukian aux frais occasionnés par la négociation et aux études préalables qu'elle avait engagées, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que les circonstances constitutives d'une faute commise dans l'exercice du droit de rupture unilatérale des pourparlers précontractuels ne sont pas la cause du préjudice consistant dans la perte d'une chance de réaliser les gains que permettait d'espérer la conclusion du contrat ;

Attendu que la cour d'appel a décidé à bon droit qu'en l'absence d'accord ferme et définitif, le préjudice subi par la société Alain Manoukian n'incluait que les frais occasionnés par la négociation et les études préalables auxquelles elle avait fait procéder et non les gains qu'elle pouvait, en cas de conclusion du contrat, espérer tirer de l'exploitation du fonds de commerce ni même la perte d'une chance d'obtenir ces gains ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen du même pourvoi :

Attendu que la société Alain Manoukian fait encore grief à l'arrêt d'avoir mis hors de cause la société Les Complices alors, selon le moyen, que le seul fait pour l'acquéreur de garantir par avance le vendeur de toute indemnité en cas de rupture des pourparlers auxquels ce dernier aurait pu se livrer avec un tiers antérieurement constitue une faute dont l'acquéreur doit réparation envers la victime de la rupture des pourparlers dès lors qu'une telle garantie constitue pour le vendeur, et pour le profit de l'acquéreur, une incitation à rompre brutalement des pourparlers, fussent-ils sur le point d'aboutir, sans risque pour lui ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'aux termes de la convention de cession liant les consorts X... à la société Les complices, celle-ci s'était engagée à garantir les vendeurs de toute indemnité que ceux-ci seraient éventuellement amenés à verser à un tiers pour rupture abusive des pourparlers ; qu'en considérant néanmoins que la société Les complices, dont les juges du fond ont constaté qu'elle avait profité des manoeuvres déloyales commises par les consorts X... à l'encontre de la société Alain Manoukian, n'avait commis aucune faute envers la société Alain Manoukian, victime de la rupture brutale des pourparlers qu'elle avait engagés avec les consorts X..., peu important qu'il n'ait pas été démontré que la société Les complices avait eu connaissance de l'état d'avancement de ces pourparlers, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que le simple fait de contracter, même en connaissance de cause, avec une personne ayant engagé des pourparlers avec un tiers ne constitue pas, en lui-même et sauf s'il est dicté par l'intention de nuire ou s'accompagne de manoeuvres frauduleuses, une faute de nature à engager la responsabilité de son auteur ;

Attendu qu'ayant relevé que la clause de garantie insérée dans la promesse de cession ne suffisait pas à établir que la société Les Complices avait usé de procédés déloyaux pour obtenir la cession des actions composant le capital de la société Stuck, ni même qu'elle avait une connaissance exacte de l'état d'avancement des négociations poursuivies entre la société Alain Manoukian et les cédants et du manque de loyauté de ceux-ci à l'égard de celle-là, la cour d'appel a exactement décidé que cette société n'avait pas engagé sa responsabilité à l'égard de la société Alain Manoukian, peu important qu'elle ait en définitive profité des manoeuvres déloyales des consorts X... ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Par cet arrêt, la haute juridiction considère ainsi que, désormais, le gain manqué par la victime d’une rupture abusive des pourparlers n’est plus un préjudice réparable.

La faute commise par l’auteur de la rupture ne pourra donc pas conduire à indemniser le profit que la victime entendait retirer de la conclusion du contrat.

Si rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 semblait consacrer cette jurisprudence, l’article 1112 ne faisait pourtant mention expresse que de « la perte des avantages attendus du contrat », sans évoquer le préjudice de perte de chance.

Aussi, la rédaction de l’article pouvait faire naître une incertitude et laisser penser que la perte de chance était admise en tant que préjudice réparable, contrairement avec ce qu’indique le rapport au Président de la République.

Afin de clarifier l’étendue du préjudice réparable, et de sécuriser le dispositif en se conformant à l’intention des rédacteurs de l’ordonnance révélée par le rapport au Président de la République, le législateur a préféré expressément exclure la perte de chance des préjudices réparables en cas de faute lors des pourparlers.

À l’inverse, la rédaction du texte permet bien la réparation du préjudice résultant des opportunités perdues de conclure un contrat avec un tiers, confortant une solution déjà admise par la jurisprudence (Cass. 3ème civ., 28 juin 2006, n° 04-20.040).

ARTICLE 1117

(La caducité de l’offre en cas de décès du destinataire)

==> Ancien texte

« L’offre est caduque à l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, à l’issue d’un délai raisonnable.

 Elle l’est également en cas d’incapacité ou de décès de son auteur. »

==> Nouveau texte

« L’offre est caduque à l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, à l’issue d’un délai raisonnable.

 Elle l’est également en cas d’incapacité ou de décès de son auteur, ou de décès de son destinataire. »

==> Analyse

En matière d’offre, l’article 1117 du Code civil prévoit que l’offre devient caduque dans trois hypothèses :

  • Soit à l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, à l’issue d’un délai raisonnable
  • Soit en cas d’incapacité de l’auteur de l’offre
  • Soit en cas de décès du pollicitant

À la lecture de cette disposition, des sénateurs ont fait part de leur étonnement de ne pas voir réglée la situation de la caducité de l’offre en cas de décès du destinataire.

À cet égard, la Cour de cassation a pu considérer que dans cette hypothèse, l’offre devenait caduque et plus précisément qu’elle ne se transmettait pas aux héritiers du destinataire (Cass. 1ère civ., 5 nov. 2008, n° 07-16.505).

Cass. 1ère civ., 5 nov. 2008
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches, ci-après annexé :

Attendu que la commune de Lege Cap Ferret (la commune) a donné à bail à Jacques X... un terrain sur lequel celui-ci a édifié une construction ; que, par lettre du 30 juin 1988, la commune lui a proposé l'acquisition de ce terrain ; qu'il est décédé le 22 novembre 1988 sans avoir répondu à cette proposition et en laissant pour lui succéder MM. Jean-Jacques et René X... et Mme Françoise X..., ses trois enfants ; que, par acte notarié du 29 décembre 1988, M. René X... s'est porté acquéreur de l'immeuble moyennant le prix de 100 464 francs qu'il a revendu le 12 juillet 2002 au prix de 213 428,62 euros ; que le partage successoral, intervenu le 27 décembre 1991 ne faisait pas mention de cet immeuble ; que M. Jean-Jacques X... a assigné son frère, René, aux fins de dire qu'il avait commis un recel successoral ;

Attendu que M. Jean-Jacques X... fait grief à l'arrêt attaqué (Bordeaux, 11 décembre 2006) d'avoir rejeté comme étant non fondée sa demande tendant à voir reconnaître à la charge de M. René X... un recel successoral ;

Attendu, d'une part, qu'après avoir relevé que la lettre du 30 juin 1988 constituait seulement une offre de vente s'analysant en une obligation non point de donner mais de faire et à laquelle Jacques X... n'avait pas donné suite avant son décès, c'est à bon droit que la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, a, par motifs propres et adoptés, retenu qu'aucune créance mobilière ni aucun droit susceptible, comme dans l'hypothèse d'une promesse unilatérale de vente, d'être transférée à ses ayants droits, n'étaient entrés dans son patrimoine, de sorte que l'élément matériel du délit de recel n'était pas établi ; d'autre part, que M. René X... n'ayant pas distingué devant les juges d'appel la construction et la propriété du sol, le grief énoncé à la troisième branche manque en fait ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Selon certains auteurs, la solution devrait être radicalement inverse en présence d’un contrat conclu intuitu personae.

Le législateur a néanmoins jugé une clarification nécessaire, le silence de la loi sur ce point lui semblant source d’incertitude et d’insécurité juridique.

Il a donc été décidé de modifier l’article 1117 du code civil afin d’affirmer clairement la caducité de l’offre en cas de décès du destinataire.

Désormais, l’offre devient alors caduque dans quatre cas :

  • Soit à l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, à l’issue d’un délai raisonnable
  • Soit en cas d’incapacité de l’auteur de l’offre
  • Soit en cas de décès du pollicitant
  • Soit en cas de décès du destinataire

ARTICLE 1137

(L’absence de dol en cas de non-révélation au cocontractant de la valeur de la prestation)

==> Ancien texte

« Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges.

 Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie. »

==> Nouveau texte

« Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges.

 Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.

 Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation. »

==> Analyse

La lecture de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations révèle que les différentes formes de dol découvertes progressivement par la jurisprudence ont, globalement, toutes été consacrées par le législateur.

L’article 1137 alinéa 1, du Code civil prévoit en ce sens que « le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges ».

L’alinéa 2 ajoute que « constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie »

Ainsi, le dol est susceptible de se manifester sous trois formes différentes :

  • Des manœuvres
  • Un mensonge
  • Un silence

Si, les deux premières formes de dol ne soulèvent guère de difficultés, il n’en va pas de même pour la réticence dolosive qui, si elle est consacrée par le législateur, n’en suscite pas moins des interrogations quant à la teneur de son élément matériel.

Pour rappel, il ressort de la jurisprudence que le silence constitue une cause de nullité du contrat :

  • Soit parce qu’une obligation d’information pesait sur celui qui s’est tu
  • Soit parce que ce dernier a manqué à son obligation de bonne foi

Ainsi les juridictions ont-elles assimilé la réticence dolosive à la violation de deux obligations distinctes, encore que, depuis les arrêts Vilgrain (Cass. com., 27 févr. 1996) et Baldus (Cass. 1ère civ. 3 mai 2000) les obligations de bonne foi et d’information ne semblent pas devoir être placées sur le même plan.

Cass. 1ère civ. 3 mai 2000
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1116 du Code civil ;

Attendu qu'en 1986, Mme Y... a vendu aux enchères publiques cinquante photographies de X... au prix de 1 000 francs chacune ; qu'en 1989, elle a retrouvé l'acquéreur, M. Z..., et lui a vendu successivement trente-cinq photographies, puis cinquante autres photographies de X..., au même prix qu'elle avait fixé ; que l'information pénale du chef d'escroquerie, ouverte sur la plainte avec constitution de partie civile de Mme Y..., qui avait appris que M. X... était un photographe de très grande notoriété, a été close par une ordonnance de non-lieu ; que Mme Y... a alors assigné son acheteur en nullité des ventes pour dol ;

Attendu que pour condamner M. Z... à payer à Mme Y... la somme de 1 915 000 francs représentant la restitution en valeur des photographies vendues lors des ventes de gré à gré de 1989, après déduction du prix de vente de 85 000 francs encaissé par Mme Y..., l'arrêt attaqué, après avoir relevé qu'avant de conclure avec Mme Y... les ventes de 1989, M. Z... avait déjà vendu des photographies de X... qu'il avait achetées aux enchères publiques à des prix sans rapport avec leur prix d'achat, retient qu'il savait donc qu'en achetant de nouvelles photographies au prix de 1 000 francs l'unité, il contractait à un prix dérisoire par rapport à la valeur des clichés sur le marché de l'art, manquant ainsi à l'obligation de contracter de bonne foi qui pèse sur tout contractant et que, par sa réticence à lui faire connaître la valeur exacte des photographies, M. Z... a incité Mme Y... à conclure une vente qu'elle n'aurait pas envisagée dans ces conditions ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'aucune obligation d'information ne pesait sur l'acheteur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 décembre 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens.

La première ne serait autre que le fondement de la seconde, de sorte que l’élément matériel de la réticence dolosive résiderait, en réalité, dans la seule violation de l’obligation d’information.

Est-ce cette solution qui a été retenue par l’ordonnance du 10 février 2016 lors de la réforme des obligations ?

Pour mémoire, une obligation générale d’information a été consacrée par le législateur à l’article 1112-1 du Code civil, de sorte que cette obligation dispose d’un fondement textuel qui lui est propre.

Aussi, est-elle désormais totalement déconnectée des autres fondements juridiques auxquels elle était traditionnellement rattachée.

Il en résulte qu’il n’y a plus lieu de s’interroger sur l’opportunité de reconnaître une obligation d’information lors de la formation du contrat ou à l’occasion de son exécution.

Elle ne peut donc plus être regardée comme une obligation d’appoint de la théorie des vices du consentement.

Dorénavant, l’obligation d’information s’impose en toutes circonstances : elle est érigée en principe cardinal du droit des contrats.

Immédiatement, la question alors se pose de savoir si cette obligation d’information dont il est question en matière de dol est la même que l’obligation générale d’information édictée à l’article 1112-1 du Code civil.

S’il eût été légitime de le penser, il apparaît, à l’examen de l’article 1137, al. 2, relatif à la réticence dolosive, que les deux obligations d’information ne se confondent pas :

  • S’agissant de l’obligation d’information fondée sur l’article 1112-1, al. 2 (principe général)
    • Cette disposition prévoit que l’obligation générale d’information ne peut jamais porter sur l’estimation de la valeur de la prestation
  • S’agissant de l’obligation d’information fondée sur l’article 1137, al. 2 (réticence dolosive)
    • D’une part, cette disposition prévoit que l’obligation d’information porte sur tout élément dont l’un des contractants « sait le caractère déterminant pour l’autre partie», sans autre précision.
    • On peut en déduire que, en matière de réticence dolosive, l’obligation d’information porte également sur l’estimation de la valeur de la prestation.
    • En effet, le prix constituera toujours un élément déterminant du consentement des parties.
    • D’autre part, l’article 1139 précise que « l’erreur qui résulte d’un dol […] est une cause de nullité alors même qu’elle porterait sur la valeur de la prestation ou sur un simple motif du contrat».
    • Une lecture littérale de cette disposition conduit ainsi à admettre que lorsque la dissimulation – intentionnelle – par une partie d’une information a eu pour conséquence d’induire son cocontractant en erreur quant à l’estimation du prix de la prestation, le dol est, en tout état de cause, caractérisé.
    • Enfin, comme l’observe Mustapha MEKKI, « le rapport remis au président de la République confirme que la réticence dolosive n’est pas conditionnée à l’établissement préalable d’une obligation d’information».
    • Il en résulte, poursuit cet auteur, que la réticence dolosive serait désormais fondée, plus largement, sur les obligations de bonne foi et de loyauté.
    • Aussi, ces obligations commanderaient-elles à chaque partie d’informer l’autre sur les éléments essentiels de leurs prestations respectives.
    • Or incontestablement le prix est un élément déterminant de leur consentement !
    • L’obligation d’information sur l’estimation de la valeur de la prestation pèserait donc bien sur les contractants

Au total, l’articulation de l’obligation générale d’information avec la réticence dolosive conduit à une situation totalement absurde :

  • Tandis que l’alinéa 2 de l’article 1112-1 du Code civil témoigne de la volonté du législateur de consacrer la solution retenue dans l’arrêt Baldus en excluant l’obligation d’information sur l’estimation de la valeur de la prestation
  • Dans le même temps, la combinaison des articles 1137, al. 2 et 1139 du Code civil anéantit cette même solution en suggérant que le manquement à l’obligation d’information sur l’estimation de la valeur de la prestation serait constitutif d’une réticence dolosive.

Pour résoudre cette contradiction, le législateur a décidé d’ajouter un 3e alinéa à l’article 1117 du Code civil qui désormais précise que « ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation ».

La jurisprudence Baldus est ainsi définitivement consacrée !

ARTICLE 1143

(Le champ d’application de l’abus de l’état de dépendance)

==> Ancien texte

« Il y a également violence lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif. »

==> Nouveau texte

« Il y a également violence lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif. »

==> Analyse

L’article 1143 du code civil a pour objet de sanctionner l’exploitation abusive des situations de dépendance, et constitue en ce sens l’une des principales innovations au sein de la classification des vices du consentement.

Selon le rapport au Président de la République, cette disposition a pour objet d’« assimiler à la violence l’abus de la dépendance dans laquelle se trouve [un] cocontractant », s’inscrivant dans le cadre de la jurisprudence de la Cour de cassation qui a reconnu, à ce titre, que la contrainte économique pouvait être sanctionnée sur le fondement du vice de violence (Cass. 1ère civ. 30 mai 2000, n° 98-15.242)

Dans une jurisprudence ultérieure de 2002, la Cour de cassation a établi une liste de critères permettant de qualifier plus précisément la notion de violence économique : « seule l’exploitation abusive d’une situation de dépendance économique, faite pour tirer profit de la crainte d’un mal menaçant directement les intérêts légitimes de la personne, peut vicier de violence son consentement » (Cass. 1ère civ., 3 avril 2002, n° 00-12.932)

Pourtant, comme l’indique très clairement le rapport au Président de la République, il ne s’agit pas d’une consécration à droit constant de la jurisprudence relative à l’état de dépendance économique, mais plutôt de son extension, car « le texte est en réalité plus large » en visant « toutes les hypothèses de dépendance (…), ce qui permet une protection des personnes vulnérables et non pas seulement des entreprises dans leurs rapports entre elles ».

La violence de l’article 1143 ne peut ainsi être constituée que s’il y a réunion de plusieurs critères cumulatifs :

  • L’existence d’un état de dépendance
  • L’abus de cet état de dépendance par l’une des parties
  • Le fait d’obtenir de l’autre partie un engagement qu’elle n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte
  • Le fait d’en tirer un avantage manifestement excessif.

L’incertitude sur la portée de cette disposition, en raison de l’absence de définition claire de l’état de dépendance et des interrogations sur son articulation tant avec le régime de protection des incapables prévu par le code civil qu’avec les dispositions existantes au sein d’autres branches du droit ou au sein des droits spéciaux des contrats, est apparue être source de complexité et d’insécurité juridique.

Aussi a-t-il été jugé que ce régime, dont l’objectif est la protection de la partie la plus faible au contrat, était susceptible d’avoir des effets contre-productifs en décourageant des cocontractants présumés forts de contracter avec des parties présumées faibles, par crainte de voir leur contrat annulé sur le fondement de l’abus de l’état de dépendance.

Dans un premier temps, il a dès lors été décidé de restreindre l’application de l’abus de l’état de dépendance au champ économique, en se référant à une formulation bien connue et établie par la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. 1ère civ., 30 mai 2000, n° 98-15.242), soit en visant expressément « l’abus de dépendance économique ».

Finalement, la commission des lois de l’Assemblée nationale a, préféré supprimer la mention du champ économique introduite par le Sénat, au motif qu’elle aurait restreint la protection apportée aux cocontractants les plus faibles.

Dans un second temps, il a été rappelé que la lettre de l’article 1143 du code civil ne permet pas de protéger, au sens strict, une personne considérée comme faible ou vulnérable, mais bien une partie à un contrat qui se trouverait dans une situation de dépendance, c’est-à-dire une personne en position de sujétion par rapport à une autre.

Aussi, afin de répondre aux inquiétudes exprimées sur la portée de cette nouvelle acception du vice de violence, tout en restant fidèle à l’esprit originel du texte, le législateur a décidé d’indiquer explicitement que l’état de dépendance de l’une des parties au contrat s’entend bien à l’égard de son cocontractant, c’est-à-dire dans le cadre expressément défini du contrat entre les deux parties.

La doctrine a pu faire valoir en ce sens que, en l’absence de précision, l’état de dépendance pourrait aussi être constitué à l’égard d’un tiers, et pas seulement à l’égard du cocontractant qui en abuse.

Afin d’écarter cette possibilité et de le limiter le champ de l’abus de dépendance aux seules hypothèses de dépendance de l’une des parties à l’égard de l’autre il a été choisi d’ajouter la précision « à son égard ».

ARTICLE 1145

(La capacité des personnes morales)

==> Ancien texte

« Toute personne physique peut contracter sauf en cas d’incapacité prévue par la loi.

 La capacité des personnes morales est limitée aux actes utiles à la réalisation de leur objet tel que défini par leurs statuts et aux actes qui leur sont accessoires, dans le respect des règles applicables à chacune d’entre elles. »

==> Nouveau texte

« Toute personne physique peut contracter sauf en cas d’incapacité prévue par la loi.

 La capacité des personnes morales est limitée par les règles applicables à chacune d’entre elles. »

==> Analyse

À l’instar des personnes physiques, les personnes morales doivent, pour accomplir des actes juridiques, jouir de la capacité juridique.

Si pour les personnes physiques, leur capacité de jouissance et d’exercice est, en principe, générale, pour les personnes morales elle est limitée en vertu du principe de spécialité.

Aux termes de ce principe, la capacité des personnes morales est limitée à la poursuite de leur objet social.

C’est ce que traduit l’article 1145 du Code civil qui, lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016, a été adopté « afin de répondre aux demandes des milieux économiques », lesquels souhaitaient disposer dans le code d’une disposition de principe.

Toutefois, il a été fait observer que la formulation retenue était particulièrement restrictive et ne correspondait pas aux notions communément admises en matière de capacité des personnes morales.

L’article 1145 énonce que la capacité des personnes morales est limitée « aux actes utiles à la réalisation de leur objet tel que défini par leurs statuts et aux actes qui leur sont accessoires, dans le respect des règles applicables à chacune d’entre elles ».

Les notions d’actes utiles ou accessoires ne sont, néanmoins, pas connues du droit des sociétés ou du droit des associations.

À cet égard, les articles 2, 5 et 6 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association traitent de la capacité juridique des associations sans recourir au critère d’utilité.

De même, en droit des sociétés, même si le code de commerce ne comporte pas de disposition expresse sur la capacité, celle-ci est rattachée à la notion d’objet social : la société est engagée par les actes de ses dirigeants, lesquels doivent agir dans la limite de l’objet social.

La capacité des personnes morales doit leur permettre d’accomplir, par l’intermédiaire de leurs organes, l’objet social pour la réalisation duquel elles ont été constituées.

La disposition de l’article 1145 relative à la capacité des personnes morales n’a pas vocation, selon le législateur, à ajouter au droit, mais seulement à affirmer de manière générale le principe de capacité des personnes morales.

Néanmoins, sa rédaction – qui suscite des interprétations très divergentes – ne manquera pas de faire naître un contentieux nouveau et inutile sur la base du critère d’utilité de l’acte pour la réalisation de l’objet de la personne morale, sans compter l’interrogation sur la sanction à appliquer.

Aussi, a-t-il é été jugé que la rédaction retenue par l’ordonnance du 10 février 016 était trop restrictive par rapport à l’état du droit, précisé par la jurisprudence, en particulier pour le droit des sociétés.

Afin de résoudre cette difficulté, il a dès lors été décidé d’adopter une autre rédaction se bornant à affirmer le principe du caractère limité de la capacité des personnes morales, tout en indiquant que cette limite est fixée par les règles propres applicables à chaque personne morale.

ARTICLE 1161

(Le champ d’application de la prohibition du conflit d’intérêts)

==> Ancien texte

« Un représentant ne peut agir pour le compte des deux parties au contrat ni contracter pour son propre compte avec le représenté.

 En ces cas, l’acte accompli est nul à moins que la loi ne l’autorise ou que le représenté ne l’ait autorisé ou ratifié. »

==> Nouveau texte

« En matière de représentation des personnes physiques, un représentant ne peut agir pour le compte de plusieurs parties au contrat en opposition d’intérêts ni contracter pour son propre compte avec le représenté.

 En ces cas, l’acte accompli est nul à moins que la loi ne l’autorise ou que le représenté ne l’ait autorisé ou ratifié. »

==> Analyse

Le principe posé par cette disposition fait indéniablement partie des grandes nouveautés de l’ordonnance du 10 février 2016.

Pour la première fois, l’interdiction du conflit d’intérêts est instituée en principe général.

Certains textes avaient déjà posé cette interdiction, telle que notamment le décret n°2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d’avocat.

La commission Sauvé avait, dans cette perspective, effectué une tentative de définition du conflit d’intérêts dans le domaine public

Il y était défini comme le « conflit entre la mission publique et les intérêts privés d’un agent public, dans lequel l’agent public possède à titre privé des intérêts qui pourraient influencer indûment la façon dont il s’acquitte de ses obligations et de ses responsabilités ».

La prohibition du conflit d’intérêts procède de l’idée que lorsqu’une même personne est chargée de représenter ou défendre des intérêts objectivement contradictoires, l’indépendance et l’impartialité que requiert sa mission s’en trouvent atteinte.

Il en résulte alors un préjudice potentiel pour le représenté dont les intérêts ne seront pas aussi bien portés que si son représentant n’avait pas été en situation de conflits d’intérêts.

Aussi, afin d’éviter cette situation, le législateur préfère-t-il poser un principe d’interdiction générale du conflit d’intérêts.

C’est ce qu’il a fait à l’article 1161 du Code civil.

L’introduction de cette disposition, bien que saluée sur le principe, n’est pas sans avoir nourri de fortes inquiétudes quant à son articulation avec le droit des sociétés.

Il est, en effet, usuel que les dirigeants d’une société, qui en assurent la représentation, concluent des conventions avec la société elle-même, ou que des sociétés d’un même groupe concluent entre elles des conventions par l’intermédiaire de dirigeants qui peuvent souvent être les mêmes.

En d’autres termes, dans la vie des sociétés, il est courant qu’un même représentant agisse pour le compte de deux sociétés parties au contrat ou qu’il contracte pour son propre compte avec la société qu’il représente.

Or ces deux cas de figure seraient désormais prohibés par l’article 1161, sauf autorisation ou ratification, ce qui représenterait une procédure lourde, a fortiori pour les conventions qui sont passées aujourd’hui sans formalisme particulier.

Surtout, il existe, en droit des sociétés, un régime des conventions dites réglementées, au sein de certaines formes de sociétés commerciales.

Ce dispositif normatif encadre les conventions conclues entre la société et certaines personnes, dont ses dirigeants, par une procédure d’autorisation particulière.

Ce régime tend à prévenir les risques de conflits d’intérêts et la conclusion d’actes au détriment de l’intérêt de la société par ses dirigeants et ses principaux actionnaires.

Ainsi, dans les sociétés anonymes, toute convention conclue entre la société, y compris par personne interposée, avec un de ses dirigeants, un de ses administrateurs ou un de ses actionnaires disposant de plus de 10 % des droits de vote ou avec la société qui la contrôle doit préalablement faire l’objet d’une autorisation par le conseil d’administration de la société.

Cette autorisation doit être motivée « en justifiant de l’intérêt de la convention pour la société, notamment en précisant les conditions financières qui y sont attachées ».

En outre, ces conventions sont soumises à l’approbation de l’assemblée générale des actionnaires et contrôlées par les commissaires aux comptes de la société, qui doivent aussi en faire rapport à l’assemblée générale.

Les conventions dont l’exécution se poursuit sont réexaminées chaque année par le conseil.

Enfin, les conventions peuvent être annulées en cas de fraude ou, lorsqu’elles ont été conclues sans autorisation du conseil, si elles ont eu des « conséquences dommageables pour la société ».

Le régime des conventions réglementées est donc particulièrement précis et encadré.

Il a dès lors été fait valoir que l’article 1161 du code civil ne pouvait pas, à l’évidence, s’appliquer au champ des conventions réglementées, en vertu de l’article 1105 du même code, en raison de l’incompatibilité entre les deux corps de règles.

Pour éviter tout risque de remise en cause des dispositions du droit des sociétés concernant les conventions conclues par une société avec ou par l’intermédiaire de ses dirigeants, qui en sont les représentants légaux, en raison des règles issues de l’ordonnance pour la prévention des conflits d’intérêts en matière de représentation dans la conclusion d’un contrat, il a été décidé de restreindre le champ de ces dispositions à la représentation des personnes physiques, pour lesquelles ce dispositif de protection a d’abord été conçu, tout en y apportant des améliorations, concernant notamment la possibilité pour plusieurs parties d’avoir le même représentant.

ARTICLE 1165

(La sanction en cas d’abus dans la fixation du prix)

==> Ancien texte

« Dans les contrats de prestation de service, à défaut d’accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d’en motiver le montant en cas de contestation. En cas d’abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d’une demande en dommages et intérêts. »

==> Nouveau texte

« Dans les contrats de prestation de service, à défaut d’accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d’en motiver le montant en cas de contestation.

 En cas d’abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d’une demande tendant à obtenir des dommages et intérêts et, le cas échéant, la résolution du contrat. »

==> Analyse

Comme en matière de contrat-cadre, les contrats de prestation de service ne sont pas soumis au principe de détermination du prix, à la condition toutefois qu’aucun accord ne soit intervenu entre les parties avant l’exécution de la convention.

Il s’agit là, ni plus ni moins, d’une consécration de la jurisprudence selon laquelle, dans les contrats d’entreprise, la détermination du prix n’est pas une condition de validité de l’acte.

Dans un arrêt du 15 juin 1973 la Cour de cassation a estimé en ce sens que « un accord préalable sur le montant exact de la rémunération n’est pas un élément essentiel d’un contrat de cette nature » (Cass. 1er civ. 15 juin 1973).

En cas d’abus dans la fixation du prix, l’ordonnance du 10 février 2016 a prévu pour seule sanction l’allocation de dommages et intérêts,

Ainsi, le juge ne pas, comme l’y autorisait la jurisprudence antérieure, réduire le prix de la prestation, ni même prononcer la résiliation du contrat comme en matière de contrat-cadre.

L’article 1164 du Code civil prévoit, en effet, que pour cette catégorie de contrat, l’abus dans la fixation du prix est susceptible d’être sanctionné par la résolution du contrat.

Aux fins d’harmoniser les sanctions prévues en cas d’abus dans la fixation du prix, le législateur a décidé de prévoir la possibilité pour le juge de prononcer la résolution du contrat, et pas seulement d’octroyer des dommages et intérêts, par analogie avec le régime applicable aux contrats cadres en pareil cas, pour les contrats de prestation de services.

Une telle sanction peut s’avérer fort utile en certaines hypothèses, en particulier pour les contrats à exécution successive.

ARTICLE 1171

(La limitation du dispositif des clauses abusives aux seules clauses non négociables)

==> Ancien texte

« Dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.

 L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation. »

==> Nouveau texte

« Dans un contrat d’adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.

 L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation. »

==> Analyse

Jusqu’à l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016, les règles relatives aux clauses abusives étaient énoncées à l’ancien article L. 132-1 du Code de la consommation, devenu, depuis l’entrée en vigueur de la réforme des obligations, l’article L. 212-1 du même Code.

On en déduisait que cette règle n’était applicable qu’aux seules relations entre professionnels et consommateurs. Le bénéfice de ce dispositif ne pouvait, en conséquence, être invoqué que par un consommateur ou un non-professionnel, notions dont les définitions ont fait l’objet, tant en jurisprudence qu’en doctrine, d’âpres discussions.

Désormais, ce cantonnement de la lutte contre les clauses abusives aux seuls contrats conclus par des consommateurs est révolu. L’ordonnance du 10 février 2016 a inséré dans le Code civil un nouvel article 1171 qui prévoit que « dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. »

Bien que ce texte ne reprenne pas expressément le terme « clause abusive », c’est bien de cela dont il s’agit.

Le rapport remis au Président de la République en vue de l’adoption de la réforme des obligations indique que « le Gouvernement est autorisé, selon les termes de l’habilitation, à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi pour [notamment] simplifier les règles applicables aux conditions de validité du contrat, […] en consacrant en particulier […] la notion de clause abusive et en introduisant des dispositions permettant de sanctionner le comportement d’une partie qui abuse de la situation de faiblesse de l’autre ».

Qui plus est, il ressort de l’article 1171 du Code civil que cette disposition reprend à l’identique la définition de la clause abusive, telle que posée à l’article L. 212-1 du Code de la consommation.

Lors de l’élaboration du texte de loi de ratification, il a toutefois été mise en lumière une incertitude quant à l’articulation entre le droit commun de l’article 1171 du code civil et les droits spéciaux du code de la consommation et, surtout, du code de commerce, que l’article 1105 du code civil, par sa formulation générale selon laquelle « les règles particulières à certains contrats sont établies dans les dispositions propres à chacun d’eux » et « les règles générales s’appliquent sous réserve de ces règles particulières », ne permet pas d’élucider.

Certains auteurs se sont, en effet, interrogés sur la possibilité de cumul de l’article 1171, prévoyant la nullité de la clause abusive, et de l’article L. 442-6, dont le texte ne prévoit que la réparation du préjudice, pour contester une même clause, dès lors que les sanctions sont cumulables.

De façon à expliciter l’intention du législateur lors de la ratification de l’ordonnance et à assurer la cohérence du droit, il a été précisé que l’article 1171 du code civil ne pouvait pas s’appliquer dans les champs déjà couverts par l’article L. 442-6 du code de commerce et par l’article L. 212-1 du code de la consommation, lesquels permettent déjà de sanctionner les clauses abusives dans les contrats entre professionnels et dans les contrats de consommation.

L’article 1171 du code civil a pour vocation de sanctionner les clauses abusives dans les contrats d’adhésion qui ne relèveraient pas déjà de ces deux dispositifs existants.

Cette disposition ne s’applique, en effet, qu’à un champ assez limité de contrats d’adhésion ne relevant :

  • Ni des relations commerciales : les relations entre un producteur, commerçant, industriel ou artisan et un « partenaire commercial»
  • Ni du code de la consommation : les relations entre un professionnel et un consommateur.

Aussi, seraient principalement concernés les contrats entre particuliers ne relevant pas déjà d’un droit spécial ainsi que les contrats conclus par les professions libérales, dont l’activité ne relève pas du champ commercial.

Seraient également concernés les baux commerciaux, lorsque des bailleurs institutionnels imposent des contrats-types sans en permettre la négociation.

Une incohérence a néanmoins été pointée dans le dispositif instauré par l’article 1171 du Code civil.

Celui-ci ne vise pas seulement les clauses des contrats d’adhésion qui ont été imposées sans pouvoir être négociées, mais concerne toutes les clauses, c’est-à-dire même celles qui ont pu être effectivement négociées.

Or la logique du dispositif, dès lors qu’il est limité aux contrats d’adhésion, est de permettre de contester devant le juge, en raison de l’existence d’un déséquilibre significatif, les clauses qui n’ont pas pu être discutées, à l’initiative de la partie à qui elles ont été imposées.

En conséquence, par cohérence avec l’analyse développée à propos de la définition du contrat d’adhésion, à l’article 1110 du code civil, il a été décidé de limiter la sanction des clauses abusives aux clauses non négociables unilatéralement déterminées par l’une des parties, dans les contrats d’adhésion.

ARTICLE L. 211-40-1 CMF

(Restriction du champ d’application du principe de révision pour imprévision)

==> Nouveau texte

« L’article 1195 du code civil n’est pas applicable aux obligations qui résultent d’opérations sur les titres et les contrats financiers mentionnés aux I à III de l’article L. 211-1 du présent code. »

==> Analyse

En réaction au vif débat suscité par la théorie de l’imprévision qui, depuis plus d’un siècle, a tant agité la doctrine, le législateur a profité de la réforme des obligations pour clarifier les choses et calmer les esprits. L’occasion était trop belle !

Ainsi, l’ordonnance du 10 février 2016 a introduit un article 1195 dans le Code civil aux termes duquel :

« Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.

 En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation. À défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe ».

Il ressort de cette disposition que :

  • D’une part, la possibilité pour le juge de réviser le contrat au cours de son exécution en cas de changement des circonstances n’est pas sans conditions.
  • D’autre part, en raison de l’atteinte portée à la force obligatoire du contrat, le législateur a entendu encadrer strictement le processus de révision du contrat.

L’article 1195 constitue quant à lui l’une des innovations importantes de l’ordonnance, puisqu’il introduit l’imprévision dans le droit des contrats français, notion bien connue en jurisprudence administrative.

La France était l’un des derniers pays d’Europe à ne pas reconnaître la théorie de l’imprévision comme cause modératrice de la force obligatoire du contrat.

Cette consécration, inspirée du droit comparé comme des projets d’harmonisation européens, permet de lutter contre les déséquilibres contractuels majeurs qui surviennent en cours d’exécution, conformément à l’objectif de justice contractuelle poursuivi par l’ordonnance.

L’alinéa 1er pose les conditions de ce nouveau dispositif : l’imprévision est subordonnée à un changement de circonstances « imprévisible », qui doit rendre l’exécution « excessivement onéreuse » pour une partie, et celle-ci ne doit pas avoir accepté de prendre en charge ce risque.

Comme l’implique la rédaction retenue, ce texte revêt un caractère supplétif, et les parties peuvent parfaitement convenir à l’avance de l’écarter pour choisir de supporter les conséquences de la survenance de telles circonstances qui viendraient bouleverser l’économie du contrat.

L’une des principales innovations de la loi de ratification a été d’introduire au sein du code monétaire et financier un nouvel article L. 211-40-1 destiné à exclure du régime de l’imprévision les opérations sur titres et contrats financiers.

Les contrats visés par l’exclusion sont :

  • Les titres financiers et les contrats financiers.
  • Les titres de capital émis par les sociétés par actions ;
  • Les titres de créance ;
  • Les parts ou actions d’organismes de placement collectif.
  • Les contrats à terme

Si le droit des titres et contrats financiers intègre naturellement un aléa dans le contrat, pouvant donc laisser supposer que le régime de l’imprévision est écarté d’office dans la mesure où les parties acceptent d’en assumer le risque, il n’en reste pas moins que le régime de l’imprévision est apparu particulièrement mal adapté au secteur financier, très sensible au changement et volatile par nature, les changements de circonstances imprévisibles n’étant pas rares.

D’où l’exclusion de cette catégorie de contrats du champ d’application de l’article 1195 du Code civil.

ARTICLE 1216-3

(Le sort des sûretés dans le cadre d’une cession de contrat)

==> Ancien texte

« Si le cédant n’est pas libéré par le cédé, les sûretés qui ont pu être consenties subsistent. Dans le cas contraire, les sûretés consenties par des tiers ne subsistent qu’avec leur accord.

 Si le cédant est libéré, ses codébiteurs solidaires restent tenus déduction faite de sa part dans la dette. »

==> Nouveau texte

« Si le cédant n’est pas libéré par le cédé, les sûretés qui ont pu être consenties subsistent. Dans le cas contraire, les sûretés consenties par le cédant ou par des tiers ne subsistent qu’avec leur accord.

 Si le cédant est libéré, ses codébiteurs solidaires restent tenus déduction faite de sa part dans la dette. »

==> Analyse

L’article 1216 du code civil prévoit que, en matière de cession de contrat, un cocontractant, le futur cédé, peut donner par avance son accord à la cession du contrat.

Le législateur est venu préciser le sort des sûretés consenties par le cédant, dans le cadre d’une telle cession, en particulier dans l’hypothèse où le cédant a été libéré de ses obligations par le cédé.

Dans un premier temps, il avait été envisagé de préciser que les sûretés accordées par le cédant lui-même, lorsqu’il était libéré, s’éteignaient automatiquement.

Une telle solution revenait cependant à prévoir un sort différent pour les sûretés consenties par le cédant et celles consenties par des tiers.

En effet, lorsque les sûretés sont consenties par des tiers, l’article 1216-3 du code civil prévoyant que si le cédant est libéré par le cédé, ces sûretés peuvent subsister avec l’accord de ceux qui les ont consenties.

Fort opportunément, il a dès lors été décidé de modifier l’article 1216-3 du code civil pour calquer le sort des sûretés consenties par le cédant sur le sort des sûretés consenties par des tiers.

En cas de cession de contrat, et dans l’hypothèse où le cédant serait libéré par le cédé, les sûretés qu’il aurait consenties ne peuvent désormais subsister qu’avec son accord.

Cette précision permet d’éviter des interprétations jurisprudentielles divergentes ou des débats doctrinaux sans fin.

ARTICLE 1217

(La sanction relative à la réduction du prix)

==> Ancien texte

« La partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut:

  • refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;
  • poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;
  • solliciter une réduction du prix ;
  • provoquer la résolution du contrat ;
  • demander réparation des conséquences de l’inexécution.

 Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter. »

==> Nouveau texte

« La partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut:

  • refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;
  • poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;
  • obtenir une réduction du prix ;
  • provoquer la résolution du contrat ;
  • demander réparation des conséquences de l’inexécution.

 Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter. »

==> Analyse

Le terme « solliciter » a été substitué par le terme « obtenir », par souci de cohérence avec la modification dont a fait l’objet l’article 1223 du Code civil.

ARTICLE 1221

(Les conditions de mise en œuvre de l’exécution en nature)

==> Ancien texte

« Le créancier d’une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l’exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s’il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier. »

==> Nouveau texte

« Le créancier d’une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l’exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s’il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier. »

==> Analyse

L’article 1221 pose tout d’abord le principe selon lequel le créancier d’une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l’exécution en nature.

Comme souligné par le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance du 10 février 2016, ce texte rompt avec la lettre de l’actuel article 1142 du code civil, dont la Cour de cassation avait déjà retenu une interprétation contraire au texte et qui était également contredit par la procédure d’injonction de faire prévue par les articles 1425-1 à 1425-9 du code de procédure civile.

En application de l’article 1221, au titre de l’exécution forcée en nature, le créancier a la faculté d’obtenir du débiteur une prestation conforme à celle qui était convenue dans le contrat.

Le texte prévoit deux situations dans lesquelles le créancier ne peut poursuivre l’exécution en nature de l’obligation.

  • Première situation
    • Consacrant une jurisprudence constante de la Cour de cassation, le texte retient une première exception résultant de l’impossibilité d’exécuter.
    • L’existence de cette impossibilité est laissée à l’appréciation du juge.
    • Sous l’empire de l’ancien droit, celui-ci avait considéré que cette impossibilité pouvait par exemple être matérielle, en cas de destruction du bien notamment, juridique, à la suite de la cession du bien qui ne peut plus être de ce fait revendiqué, ou morale, si elle portait atteinte aux libertés individuelles du débiteur, cette dernière impossibilité étant appréciée très strictement.
  • Seconde situation
    • L’article 1221 propose également une nouvelle exception inspirée des projets européens d’harmonisation du droit des contrats : l’exécution en nature ne peut non plus être poursuivie s’il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier.
    • Cette nouvelle exception vise à éviter certaines décisions jurisprudentielles très contestées
    • Spécialement, elle découle de la volonté des rédacteurs de l’ordonnance de mettre fin à certaines solutions retenues par la jurisprudence qui consistaient à prononcer l’exécution forcée en nature, au nom du principe de la force obligatoire du contrat et des dispositions relatives à l’obligation de faire, dès lors qu’elle était possible, sans considération de son coût pour le débiteur.
    • Le juge avait ainsi ordonné la démolition d’une maison du fait d’un niveau de construction inférieur de quelques centimètres aux stipulations contractuelles ( 3ème civ., 11 mai 2005, n° 03-21.136)
    • De même, la Cour de cassation avait censuré un arrêt qui refusait la démolition et la reconstruction d’un ouvrage en raison du préjudice limité subi par le créancier comparé au montant exorbitant des travaux envisagés pour le débiteur (, 3ème civ., 16 juin 2015, n° 14-14.612).

Dans son principe, cette seconde exception, n’est en réalité qu’une simple déclinaison de la théorie de l’abus de droit.

La règle demeure celle de l’exécution forcée de son engagement par le débiteur à la demande du créancier.

En revanche, commettrait un abus de droit le créancier qui exigerait cette exécution alors que l’intérêt qu’elle lui procurerait serait disproportionné au regard du coût qu’elle représenterait pour le débiteur et que des dommages et intérêts pourraient lui fournir une compensation adéquate à un prix inférieur pour le débiteur.

La Cour de cassation semble avoir elle-même ouvert la voie en censurant un arrêt qui avait ordonné la démolition d’un ouvrage au motif que la cour d’appel n’avait pas recherché si cette démolition « constituait une sanction disproportionnée à la gravité des désordres et des non-conformités qui l’affectaient » (Cass., 3ème civ., 15 octobre 2015, n° 14-23.612).

En inscrivant cette exception dans la loi, les rédacteurs de l’ordonnance ont entendu mettre fin à ces hésitations de la jurisprudence, tout en limitant au maximum le jeu de cette exception qui constitue une atteinte à la force obligatoire du contrat.

La rédaction retenue pour l’article 1221 soulève cependant plusieurs interrogations de la part de la doctrine et des praticiens du droit.

L’exigence d’une « disproportion manifeste » entre le coût pour le débiteur et l’intérêt pour le créancier est certes plus précise et moins critiquée que la formule qui avait été retenue initialement dans le projet d’ordonnance, selon laquelle l’exécution en nature devait être écartée si son coût était « manifestement déraisonnable », cette appréciation ne prenant en considération que la situation du débiteur.

Cependant, la nouvelle rédaction soulevait encore de nombreuses inquiétudes.

La principale crainte exprimée est celle de voir dans cette disposition une incitation pour le débiteur à exécuter son obligation de manière imparfaite toutes les fois où le gain attendu de cette inexécution sera supérieur aux dommages et intérêts qu’il pourrait être amené à verser, c’est-à-dire permettre au débiteur de mauvaise foi de profiter de sa « faute lucrative ».

Sans aller jusqu’à évoquer de véritables gains pour le débiteur, n’est-il pas à craindre qu’un constructeur ne pouvant honorer tous les contrats qu’il a en cours choisisse de privilégier l’exécution parfaite de certains contrats au détriment d’autres contrats, n’encourant plus l’exécution forcée en nature, le cas échéant très coûteuse, mais seulement le versement de dommages et intérêts ?

Pour résoudre cette difficulté, et éviter ce genre de calculs du débiteur, il a été décidé de prévoir que, en cas de disproportion manifeste du coût pour le débiteur au regard de l’intérêt pour le créancier, il ne pourrait être fait échec à la demande d’exécution forcée en nature qu’au bénéfice du débiteur de bonne foi.

ARTICLE 1223

(Le régime juridique de la réduction du prix)

==> Ancien texte

« Le créancier peut, après mise en demeure, accepter une exécution imparfaite du contrat et solliciter une réduction proportionnelle du prix.

 S’il n’a pas encore payé, le créancier notifie sa décision de réduire le prix dans les meilleurs délais. »

==> Nouveau texte

« En cas d’exécution imparfaite de la prestation, le créancier peut, après mise en demeure et s’il n’a pas encore payé tout ou partie de la prestation, notifier dans les meilleurs délais au débiteur sa décision d’en réduire de manière proportionnelle le prix. L’acceptation par le débiteur de la décision de réduction de prix du créancier doit être rédigée par écrit.

 Si le créancier a déjà payé, à défaut d’accord entre les parties, il peut demander au juge la réduction de prix. »

==> Analyse

L’article 1223 du Code civil a été envisagé par l’ordonnance du 10 février 2016 aux fins de généraliser une sanction connue du code civil, la réduction du prix, inspirée des projets d’harmonisation européens.

Si le code civil ne prévoit pas de façon générale la possibilité pour le créancier d’accepter une exécution non conforme du débiteur, en contrepartie d’une réduction proportionnelle du prix, cette faculté existe en droit positif à titre spécial, par exemple :

  • En matière de garantie des vices cachés par l’action estimatoire de l’article 1644
  • En matière de vente immobilière en cas de contenance erronée ou de mesure erronée de plus d’un vingtième (articles 1617 et 1619).

À la différence de ces textes spéciaux toutefois, l’article 1223 offre la possibilité au créancier d’une obligation imparfaitement exécutée d’accepter cette réduction sans devoir saisir le juge en diminution du prix.

Plusieurs conditions doivent alors être remplies :

  • Le créancier doit préalablement avoir mis en demeure le débiteur d’exécuter parfaitement son obligation.
  • Le créancier doit ensuite notifier à son débiteur, dans les meilleurs délais, sa décision de réduire le prix, s’il n’a pas encore payé.
  • Si le créancier a déjà payé le prix, il demandera au débiteur le remboursement à hauteur de la réduction de prix opposée.

Lors de l’élaboration de la loi de ratification, on s’est interrogé sur l’intérêt de ce dispositif qui, au fond, autorise les parties… à renégocier leur contrat, ce qu’elles peuvent naturellement faire sans texte.

  • Le créancier de l’obligation imparfaitement exécutée mettrait en demeure le débiteur de respecter le contrat conclu.
  • Celui-ci, se trouvant dans l’impossibilité d’exécuter le contrat, offrirait au créancier d’exécuter imparfaitement son obligation et le créancier de l’obligation pourrait en contrepartie solliciter une réduction proportionnelle du prix.

Comme relevé par l’un des rapporteurs au projet de loi, le terme qui prête à confusion est celui « d’acceptation », qui laisse supposer qu’une offre préalable d’exécution imparfaite a été faite par le débiteur au créancier.

Or, il y a fort à parier que, dans de nombreux cas, le débiteur mis en demeure de s’exécuter ne se risquera pas à faire une telle offre, qui constituerait un aveu de sa défaillance.

Dans l’esprit des rédacteurs de l’ordonnance, il semble que cette absence d’offre de la part du débiteur de l’obligation n’empêche pourtant pas le créancier d’« accepter » son exécution imparfaite et de mettre en œuvre le mécanisme de réduction proportionnelle du prix.

Le créancier est alors érigé en véritable juge de l’exécution du contrat.

Cette situation est sans grande conséquence dans l’hypothèse où le créancier de l’obligation imparfaitement exécutée a déjà acquitté le prix, puisqu’il ne pourra que solliciter la réduction du prix auprès du débiteur et saisir le juge en cas de refus de celui-ci d’obtempérer.

Il en va tout autrement si le créancier de l’obligation, qui estime que son exécution est imparfaite, n’a pas encore acquitté l’intégralité du prix.

Dans cette hypothèse, le deuxième alinéa de l’article 1223 l’autorise à notifier au débiteur « sa décision de réduire le prix dans les meilleurs délais ».

Le débiteur se voit alors imposer cette réduction, à charge pour lui de saisir le juge pour la contester.

L’effet de la décision unilatérale est alors très fort puisque toute latitude est laissée au créancier pour apprécier l’ampleur de l’inexécution et le montant de la réduction demandée.

Cette deuxième hypothèse semble provoquer certaines inquiétudes, notamment de la part des professions exerçant une activité de conseil, telle que la profession d’avocat, qui craignent des abus.

En effet, un client pourrait accepter la convention d’honoraires de son avocat puis, par la suite, s’estimer insatisfait de l’exécution du contrat et décider de réduire les honoraires dus, estimant que la prestation ne valait pas le prix fixé.

En donnant ce pouvoir unilatéral au créancier, les rédacteurs de l’ordonnance se sont écartés complètement de ce qu’est le contrat : la chose des parties.

Au total, le législateur, en a tiré la conséquence qu’il convenait de supprimer le terme « accepter », qui prêtait à confusion, car il laissait supposer qu’une offre préalable d’exécution imparfaite devrait être formulée par le débiteur pour que le créancier puisse mettre en œuvre le mécanisme de réduction du prix.

Il a, en outre, été décidé qu’il n’y avait pas lieu, comme le fait l’article 1223, de créer une différence si sensible dans le pouvoir du créancier selon qu’il a payé ou non le prix.

Lorsque le créancier a déjà payé le prix, il ne peut que « solliciter » une réduction auprès du débiteur, alors que s’il n’a pas totalement payé, il peut « décider » unilatéralement cette réduction.

Il en est résulté la suppression du terme « solliciter » qui s’appliquait à l’hypothèse dans laquelle la réduction du prix intervenait alors que le créancier de l’obligation imparfaitement exécutée s’était déjà acquitté du prix, bien conscient des limites de cette solution, puisque cette décision unilatérale du créancier serait sans effet si le débiteur refusait de rembourser les sommes déjà versées.

Par cohérence, le législateur a également modifié l’article 1217 du code civil, qui énumère les différentes sanctions encourues en cas d’inexécution du contrat, pour remplacer, concernant le mécanisme de la réduction du prix, le mot « solliciter » par le mot « décider ».

Il en a, par ailleurs, profité pour détailler la formulation de l’article 1223.

Ainsi, dans l’hypothèse où le créancier de la prestation imparfaitement exécutée n’aurait pas encore payé tout ou partie du prix, il notifiera au débiteur sa décision unilatérale de réduire le prix proportionnellement à l’inexécution constatée, dans les meilleurs délais.

Le débiteur de la prestation pourra alors accepter cette décision par écrit, ce qui mettra définitivement fin à toute contestation ultérieure du prix.

Si le débiteur n’acceptait pas la réduction de prix, il pourra toujours saisir le juge pour contester la décision du créancier.

En revanche, dans l’hypothèse où le créancier de la prestation aurait déjà payé l’intégralité du prix, il ne pourra que demander au juge d’ordonner au débiteur un remboursement des sommes versées proportionnel à l’inexécution constatée.

En tout état de cause, cet article n’étant pas d’ordre public, les parties pourront toujours convenir d’écarter l’application de ce mécanisme à leur contrat.

L’inexécution d’une obligation ou son exécution imparfaite se résoudra alors par l’allocation éventuelle de dommages et intérêts sur décision du juge.

ARTICLE 1304-4

(La renonciation aux effets de la condition suspensive défaillie)

==> Ancien texte

« Une partie est libre de renoncer à la condition stipulée dans son intérêt exclusif, tant que celle-ci n’est pas accomplie. »

==> Nouveau texte

« Une partie est libre de renoncer à la condition stipulée dans son intérêt exclusif, tant que celle-ci n’est pas accomplie ou n’a pas défailli. »

==> Analyse

L’article 1304-4 du Code civil issue de l’ordonnance du 10 février 2016 prévoit qu’« une partie est libre de renoncer à la condition stipulée dans son intérêt exclusif, tant que celle-ci n’est pas accomplie. »

Il en résulte, a contrario, précise le rapport au Président de la République « qu’une renonciation ne peut intervenir après la défaillance de la condition suspensive ».

Le législateur a entendu ici mettre fin à une controverse jurisprudentielle et doctrinale née de la question de savoir si les parties pouvaient sauver le contrat de la caducité en cas de défaillance de la condition.

La position de la Cour de cassation sur cette question était pour le moins ambivalente dans la mesure où d’un côté elle considérait que, une fois la condition défaillie, les parties ne pouvaient plus revenir en arrière, sauf à conclure un nouveau contrat (Cass. com. 6 févr. 1996).

D’un autre côté, la haute juridiction a posé la règle selon laquelle pour que la caducité du contrat puisse être, encore fallait-il que les parties s’en prévalent, ce qui revenait alors à leur conférer la faculté de sauver le contrat en ne se prévalant pas (Cass. 3e civ. 31 mars 2005).

La question s’est alors posée de savoir si, lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016, le législateur avait mis un terme à cette position schizophrénique de la Cour de cassation.

La lecture du rapport au Président de la République apporte quelques éclairages quant à l’objectif poursuivi par les rédacteurs de l’ordonnance.

Ceux-ci ont entendu prévoir qu’une renonciation unilatérale du bénéficiaire à la condition suspensive ne pouvait intervenir après la défaillance de celle-ci, choisissant ainsi l’anéantissement automatique du contrat afin d’éviter sa remise en cause bien après cette défaillance.

Ainsi, dans le cas d’une promesse de vente par exemple, le fait que l’acheteur n’ait pas obtenu de sa banque le prêt nécessaire à l’achat, alors que l’obtention du prêt constituait une condition suspensive de la réalisation de la vente, rendrait le contrat caduc.

Puisque seule la renonciation unilatérale du bénéficiaire de la condition défaillie serait prohibée, les parties pourraient toujours s’accorder pour décider de maintenir le contrat.

C’est cette solution qui semble ressortir des termes du rapport au Président de la République, selon lesquels, « bien sûr, la partie qui avait intérêt à la condition pourra toujours y renoncer après cette défaillance si elle obtient l’accord de son cocontractant ».

Par ailleurs, l’article 1304-4 du code civil n’étant pas d’ordre public, les parties pourraient décider d’en disposer autrement.

Pour autant, en l’état, la rédaction retenue pour l’article 1304-4 ne permettait pas d’atteindre l’objectif poursuivi, puisqu’il n’y est pas question d’interdire la renonciation du bénéficiaire à la condition suspensive défaillie mais bien la renonciation à la condition suspensive accomplie, ce qui est sans effet.

Pour permettre à cette disposition d’atteindre l’objectif qui lui avait été assigné par les rédacteurs de l’ordonnance, une nouvelle rédaction de l’article 1304-4 a été proposée, affirmant clairement l’impossibilité pour le bénéficiaire d’une condition suspensive d’y renoncer une fois que celle-ci est défaillie.

ARTICLE 1305-5

(L’inopposabilité de la déchéance du terme aux coobligés et aux cautions du débiteur)

==> Ancien texte

« La déchéance du terme encourue par un débiteur est inopposable à ses coobligés, même solidaires. »

==> Nouveau texte

« La déchéance du terme encourue par un débiteur est inopposable à ses coobligés, même solidaires, et à ses cautions. »

==> Analyse

La déchéance du terme produit deux effets principaux :

  • Premier effet
    • L’obligation à terme devient exigible, de sorte que le créancier peut réclamer au débiteur son exécution immédiate
    • En matière de contrat de prêt le capital emprunté restant dû ainsi que les intérêts et pénalités devront donc intégralement être acquittés par le débiteur
    • Pour l’y contraindre, le créancier pourra engager à son encontre des poursuites judiciaires
  • Second effet
    • La déchéance du terme encourue par un débiteur est inopposable à ses coobligés, même solidaires ( 1305-5 C. civ.)
    • Cela signifie que la déchéance du terme produit un effet personnel
    • Le créancier devra, en conséquence, attendre la survenance de l’échéance pour actionner les coobligés en paiement
    • Cette règle se justifie par la nature de la déchéance du terme qui n’est autre qu’une sanction
    • Dans la mesure où elle vise à sanctionner le débiteur fautif, elle ne saurait toucher des personnes qui n’ont commis aucune faute.

La loi de ratification a précisé le second effet de la déchéance du terme en modifiant l’article 1305-5 du code civil relatif à l’inopposabilité de la déchéance du terme aux coobligés. pour ajouter que cette disposition est également applicable aux cautions.

En effet, la déchéance ayant par nature un caractère de sanction personnelle, elle ne doit pas produire d’effet sur les coobligés du débiteur déchu, sauf texte spécial dérogeant à cette règle.

La jurisprudence sur ce point est constante, qu’il s’agisse d’une caution, même solidaire, ou de codébiteurs solidaires.

Il ressort de la lecture du rapport au Président de la République que le texte entendait viser tant les codébiteurs que les cautions.

Or, stricto sensu, le terme « coobligés » fait référence aux codébiteurs seulement.

C’est la raison pour laquelle, l’article 1305-5 a été complété pour viser expressément les cautions du débiteur déchu.

ARTICLE 1327

(L’exigence d’un écrit pour la cession de dette)

==> Ancien texte

« Un débiteur peut, avec l’accord du créancier, céder sa dette. »

==> Nouveau texte

« Un débiteur peut, avec l’accord du créancier, céder sa dette.

 La cession doit être constatée par écrit, à peine de nullité. »

==> Analyse

Initialement, l’ordonnance du 10 février 2016 exigeait un écrit à peine de nullité pour la seule cession de créance,

Cette formalité était justifiée par la disparition de la signification par voie d’huissier, imposée par l’ancien article 1690 du code civil qui, par sa lourdeur, dissuadait les contractants d’utiliser ce mécanisme.

Par la suite, l’exigence d’un écrit à peine de nullité a été ajoutée pour la cession de contrat, à l’article 1322, par souci de parallélisme avec la procédure retenue pour la cession de créance.

En revanche, l’article 1327 du code civil relatif à la cession de dette n’a, quant à lui, pas fait l’objet de modification lors de l’examen au Conseil d’État.

Aucun écrit n’est exigé. Le contrat est donc resté consensuel. Cette divergence ne résulte pas d’un choix délibéré.

Certains auteurs ont déploré cette exigence d’un écrit pour les cessions de contrat et les cessions de dette, estimant que ce formalisme était exagéré et risquait de freiner les opérations commerciales.

Pour autant, dans la mesure où des mécanismes comparables à la cession de créance prévoient déjà un écrit à peine de nullité, comme en matière de nantissement de créance ou de cession de créance entre professionnels, et en raison de la nécessité de maintenir tout de même des modalités d’opposabilité de la cession, à la suite de la suppression de la signification par voie d’huissier, il est apparu justifié de maintenir ce formalisme minimum.

Une dette n’étant que l’envers d’une créance, par cohérence, il est apparu que l’exigence d’un écrit devait également être prévue pour la cession de dette, d’autant que le Conseil d’État a imposé la même condition pour la cession de contrat.

Pour l’ensemble de ces raisons, il a donc été décidé d’exiger pour la cession de dette l’établissement d’un écrit à peine de nullité.

ARTICLE 1327-1

(Rectification d’erreur de rédaction)

==> Ancien texte

« Le créancier, s’il a par avance donné son accord à la cession ou n’y est pas intervenu, ne peut se la voir opposer ou s’en prévaloir que du jour où elle lui a été notifiée ou dès qu’il en a pris acte. »

==> Nouveau texte

« Le créancier, s’il a par avance donné son accord à la cession et n’y est pas intervenu, ne peut se la voir opposer ou s’en prévaloir que du jour où elle lui a été notifiée ou dès qu’il en a pris acte. »

==> Analyse

L’article 1327-1 comporte une maladresse de rédaction unanimement signalée par la doctrine.

Dans le cadre de la cession de dette, le texte exige en effet une notification au créancier ou une prise d’acte par ce dernier « s’il a par avance donné son accord à la cession ou n’y est pas intervenu ».

Il est apparu nécessaire de remplacer le mot « ou » par le mot « et ».

En effet, si l’accord du créancier à la cession a été donné par avance, par exemple dans une clause de cessibilité dans l’acte générateur de l’obligation, et qu’il n’est pas ensuite intervenu à l’acte de cession, il paraît opportun que l’opposabilité de la cession à son égard soit retardée au jour où il en a effectivement connaissance, c’est-à-dire au jour où elle lui est notifiée ou lorsqu’il en prend acte.

ARTICLE 1328-1

(Le sort des sûretés en cas de cession de dette)

==> Ancien texte

« Lorsque le débiteur originaire n’est pas déchargé par le créancier, les sûretés subsistent. Dans le cas contraire, les sûretés consenties par des tiers ne subsistent qu’avec leur accord.

 Si le cédant est déchargé, ses codébiteurs solidaires restent tenus déduction faite de sa part dans la dette. »

==> Nouveau texte

« Lorsque le débiteur originaire n’est pas déchargé par le créancier, les sûretés subsistent. Dans le cas contraire, les sûretés consenties par le débiteur originaire ou par des tiers ne subsistent qu’avec leur accord.

 Si le cédant est déchargé, ses codébiteurs solidaires restent tenus déduction faite de sa part dans la dette. »

==> Analyse

Le législateur est venu préciser, à l’article 1328-1 du code civil, qu’en cas de cession de dette, les sûretés accordées par le débiteur originaire déchargé par le créancier subissent le même sort que celles consenties par des tiers : elles ne subsistent qu’avec son accord.

Il transpose ainsi à la cession de dette la solution retenue pour la cession de contrat.

Le législateur a ainsi a modifié l’article 1328-1 du code civil pour calquer le sort des sûretés consenties par le débiteur originaire sur le sort des sûretés consenties par des tiers.

En cas de cession de dette, et dans l’hypothèse où le débiteur originaire serait déchargé par le créancier, les sûretés qu’il aurait consenties ne subsisteront qu’avec son accord.

ARTICLE 1343-3

(Le paiement d’une obligation de somme d’argent en devises)

==> Ancien texte

« Le paiement, en France, d’une obligation de somme d’argent s’effectue en euros. Toutefois, le paiement peut avoir lieu en une autre devise si l’obligation ainsi libellée procède d’un contrat international ou d’un jugement étranger. »

==> Nouveau texte

« Le paiement, en France, d’une obligation de somme d’argent s’effectue en euros.

 Toutefois, le paiement peut avoir lieu en une autre monnaie si l’obligation ainsi libellée procède d’une opération à caractère international ou d’un jugement étranger. Les parties peuvent convenir que le paiement aura lieu en devise s’il intervient entre professionnels, lorsque l’usage d’une monnaie étrangère est communément admis pour l’opération concernée. »

==> Analyse

En modifiant les termes de l’article 1343-3 du Code civil, le législateur est venu préciser les cas dans lesquels le paiement d’une obligation de somme d’argent peut se faire en monnaie étrangère.

Dans sa rédaction issue de l’ordonnance, l’article 1343-3 du code civil limite la possibilité de payer, en France, une obligation de somme d’argent en devises aux obligations procédant d’un contrat international ou d’un jugement étranger.

À la lecture de cette disposition, des craintes exprimées par les milieux économiques de voir la liberté de paiement en monnaie étrangère réduite par rapport à l’état de la jurisprudence antérieure à l’ordonnance.

Dans une décision rendue en 1989 à propos d’un contrat de prêt, la Cour de cassation s’était référée à la notion plus souple d’« opération de commerce international » (Cass. 1ère civ. Cour, 11 octobre 1989, n° 87-16.341).

Cette notion permettait aux parties de déterminer la monnaie de compte ou de paiement de leurs obligations même si le paiement devait être réalisé sur le sol français, dès lors qu’il pouvait être qualifié d’opération de commerce international.

Dès lors, il a été décidé de remplacer le critère de « contrat international » par celui, plus large, d’«opération à caractère international ».

Le législateur est allé encore plus loin en prévoyant la possibilité d’utiliser une monnaie étrangère en tant que monnaie de compte pour tout contrat, dès lors que le débiteur de l’obligation conserverait la faculté de se libérer en euros.

ARTICLE 1347-6

(Les effets de la compensation à l’égard des tiers)

==> Ancien texte

« La caution peut opposer au créancier la compensation intervenue entre ce dernier et le débiteur principal.

 Le codébiteur solidaire peut se prévaloir de la compensation intervenue entre le créancier et l’un de ses coobligés pour faire déduire la part divise de celui-ci du total de la dette. »

==> Nouveau texte

« La caution peut opposer la compensation de ce que le créancier doit au débiteur principal.

 Le codébiteur solidaire peut se prévaloir de la compensation de ce que le créancier doit à l’un de ses coobligés pour faire déduire la part divise de celui-ci du total de la dette. »

==> Analyse

L’article 1347-6 rappelle l’opposabilité par la caution au créancier de l’exception de compensation intervenue entre ce dernier et le débiteur principal, conformément au caractère accessoire de la caution par rapport à la dette principale

S’agissant du codébiteur solidaire, s’il ne peut opposer la compensation intervenue au profit d’un de ses coobligés, il peut se prévaloir de la diminution de la dette totale qui en résulte, comme le prévoit l’article 1315.

Si, fondamentalement le législateur n’a pas entendu modifier le sens de l’article 1347-6 du Code civil, il a néanmoins souhaité lever toute ambiguïté concernant :

  • La possibilité pour la caution d’opposer au créancier la compensation intervenue entre le créancier et le débiteur
  • La possibilité pour le codébiteur solidaire de se prévaloir de la compensation intervenue entre le créancier et l’un de ses coobligés

S’agissant de la première hypothèse, comme l’ont relevé plusieurs auteurs, l’utilisation dans cet article du terme « intervenue » pourrait laisser penser que, si la compensation n’a pas été invoquée par le débiteur ou le créancier, la caution ne saurait s’en prévaloir.

Telle n’est pourtant pas la volonté des rédacteurs de l’ordonnance, qui ont entendu maintenir la solution retenue par le droit positif selon laquelle la caution peut invoquer la compensation dès lors que ses conditions sont réunies, alors même qu’elle n’a pas encore été déclenchée par le débiteur.

Une interprétation contraire reviendrait à vider le texte de tout intérêt.

Or, une telle interprétation est favorisée, selon la doctrine, par le fait que l’article 1347, qui définit la compensation, prévoit désormais qu’elle doit être invoquée et qu’elle n’est donc pas automatique.

La problématique est la même pour le codébiteur, qui doit pouvoir se prévaloir de la compensation, dès lors que ses conditions sont remplies, alors même qu’elle n’aurait pas été invoquée par le créancier ou l’un de ses coobligés.

Pour mettre fin à toute controverse, il a été décidé de supprimer le terme « intervenue ».

ARTICLE 1352-4

(Rectification d’erreur de rédaction)

==> Ancien texte

« Les restitutions dues à un mineur non émancipé ou à un majeur protégé sont réduites à proportion du profit qu’il a retiré de l’acte annulé. »

==> Nouveau texte

« Les restitutions dues par un mineur non émancipé ou par un majeur protégé sont réduites à hauteur du profit qu’il a retiré de l’acte annulé. »

==> Analyse

L’article 1352-4 du Code civil, relatif aux restitutions, vise à prévoir que, lorsqu’elles sont dues par un mineur ou un majeur protégé, elles doivent être réduites à proportion du profit retiré par ces personnes de l’acte annulé.

La loi atténue ainsi les effets habituels de la nullité en faveur des personnes protégées, en prenant en considération l’avantage économique qu’elles ont, en définitive, conservé.

Ce texte se veut une reprise à droit constant de l’ancien article 1312.

Toutefois, son interprétation est sujette à controverse en doctrine.

Pour lever toute ambiguïté, il a donc été décidé de remplacer la formulation « réduites à proportion du profit » par l’expression « à hauteur du profit ».

Par ailleurs, les mots « à un mineur » et « à un majeur » doivent être remplacés par les mots « par un mineur » et « par un majeur protégé ».