Attribution préférentielle: modalités de mise en oeuvre

L’attribution préférentielle constitue une modalité particulière du partage, permettant à un indivisaire de se voir attribuer, à titre exclusif, un bien indivis moyennant, le cas échéant, le versement d’une soulte. Ce mécanisme, conçu pour préserver l’unité de certains éléments patrimoniaux et garantir une répartition cohérente des biens, repose sur des critères strictement encadrés par le droit positif.

Toutefois, son exercice ne relève pas d’une simple faculté discrétionnaire. Il s’inscrit dans un cadre procédural rigoureux, où la compétence juridictionnelle, les formes de la demande et les conditions de recevabilité obéissent à des principes spécifiques. En particulier, la nature du bien concerné et la qualité du demandeur influencent tant la recevabilité de la prétention que son issue contentieuse.

A) L’exercice de la demande d’attribution préférentielle

1. Modalités de présentation de la demande

a. Compétence

L’attribution préférentielle, en tant que modalité d’allotissement d’un bien indivis, relève en principe du juge du partage. Toutefois, cette règle générale connaît une exception en matière de liquidation du régime matrimonial. En effet, lorsque l’attribution préférentielle porte sur un bien commun ou indivis entre époux après dissolution du mariage, la compétence juridictionnelle est spécifique et a donné lieu à un contentieux récurrent, notamment sur la question de savoir si elle relève du juge du divorce ou du juge chargé du partage définitif.

La Cour de cassation a clairement établi que, dans le cadre de la dissolution du régime matrimonial, la demande d’attribution préférentielle relève de la compétence exclusive du juge aux affaires familiales (JAF). Cette orientation jurisprudentielle repose sur la logique selon laquelle la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux ou ex-époux sont indissociables du contentieux du divorce. Plusieurs arrêts ont consacré cette approche (V. par ex. Cass. 2e, 22 mars 2005, n° 03-20.728).

Avant la réforme de 2004, l’article 264-1 du Code civil imposait déjà au juge du divorce de se prononcer sur les conséquences patrimoniales du divorce, y compris l’attribution préférentielle. La loi du 26 mai 2004 a clarifié ce point en intégrant ces prérogatives dans l’article 267 du Code civil, qui dispose que le juge du divorce est compétent pour trancher toute contestation relative à la liquidation et au partage des intérêts patrimoniaux des époux.

Depuis l’entrée en vigueur de la réforme, le 1er janvier 2005, c’est donc toujours le juge du divorce qui statue sur l’attribution préférentielle lorsqu’elle concerne un bien dépendant du patrimoine des époux. Cette compétence a d’ailleurs été confirmée par des décisions ultérieures, notamment en matière de liquidation de régimes matrimoniaux complexes ou en présence d’une indivision postérieure au divorce (Cass. 1ère civ., 30 janv. 2019, n°18-14.150).

L’enjeu principal réside dans le fait que la demande d’attribution préférentielle peut être formulée dès la phase du divorce. Dans un arrêt du 28 juin 2005, la Cour de cassation a ainsi jugé que le juge du divorce, saisi d’une demande d’attribution préférentielle, ne saurait en différer l’examen au motif que des éléments relatifs à la valeur des biens ou à un projet de partage feraient défaut (Cass. 1ère civ., 28 juin 2005, n°04-13.663). En l’espèce, la cour d’appel de Lyon avait rejeté la demande d’attribution préférentielle du domicile conjugal présentée par le mari, considérant qu’il était prématuré de statuer en l’absence de telles données et que la question pourrait être abordée plus tard, lors de la liquidation de la communauté.

La Cour de cassation a censuré ce raisonnement, en rappelant que, conformément à l’article 264-1 du Code civil alors applicable, le juge qui prononce le divorce doit, à cette occasion, ordonner la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux et, le cas échéant, statuer sur les demandes d’attribution préférentielle. Dès lors, en subordonnant l’examen de cette demande à une étape ultérieure du processus liquidatif, la cour d’appel a méconnu cette obligation légale et violé le texte susvisé.

Par cette décision, la Haute juridiction réaffirme que le juge aux affaires familiales, lorsqu’il est saisi dans le cadre du divorce, doit trancher sans attendre les questions relatives à l’attribution préférentielle, sans pouvoir se retrancher derrière l’absence d’évaluation du bien ou l’inexistence d’un projet de partage. 

La compétence du JAF en matière de liquidation ne se limite pas au cadre du mariage dissous. Il peut également statuer sur les opérations de partage des partenaires de PACS ou des concubins, en vertu de l’article L. 213-3 du Code de l’organisation judiciaire. Ainsi, le partage des intérêts patrimoniaux des couples, qu’ils soient mariés ou non, relève de cette juridiction lorsqu’une indivision est en cause.

b. Forme de la demande

Aucune disposition ne vient encadrer de manière impérative la forme de la demande d’attribution préférentielle. Celle-ci peut être formulée dans un écrit soigneusement rédigé ou simplement résulter d’une manifestation de volonté au cours d’une instance. Cette liberté procédurale s’explique par la finalité même de l’attribution préférentielle, laquelle constitue un mécanisme d’allotissement permettant d’assurer une répartition harmonieuse des biens indivis.

Toutefois, bien que non soumise à des règles de forme, la demande d’attribution préférentielle gagnera à être exprimée par acte écrit afin de garantir la clarté de son objet et de ses implications. A cet égard, elle peut être sollicitée aussi bien dans un partage amiable que dans un partage judiciaire, chacun de ces contextes impliquant des modalités spécifiques.

Dans le cadre d’un partage amiable, la demande est le plus souvent formalisée dans la convention conclue entre les copartageants. L’article 838 du Code civil prévoit d’ailleurs la possibilité d’un partage partiel, autorisant ainsi un accord limité à un bien ou à plusieurs biens faisant l’objet d’une attribution préférentielle, sans pour autant affecter l’intégralité de la masse successorale. Cette souplesse permet aux indivisaires d’organiser librement la répartition des biens et d’éviter ainsi les aléas d’un partage contentieux.

Dans le cadre d’un partage judiciaire, la demande peut être introduite dès l’assignation en partage ou être formulée postérieurement, au fil de l’instance. Elle peut également être portée devant le notaire commis pour conduire les opérations de liquidation, dès lors que le jugement ayant ordonné le partage ne s’y oppose pas expressément. La jurisprudence est venue consacrer cette latitude, admettant que la demande d’attribution préférentielle demeure recevable tant que le partage n’a pas été définitivement arrêté et homologué.

c. Moment de la demande

L’attribution préférentielle constitue un mode d’allotissement qui permet à un indivisaire d’obtenir l’attribution d’un bien indivis en contrepartie d’une indemnité compensatrice versée aux autres coindivisaires. En raison de sa nature, elle bénéficie d’une grande souplesse quant au moment où elle peut être sollicitée. Toutefois, cette liberté trouve des limites, notamment lorsque l’autorité de la chose jugée vient faire obstacle à une demande tardive.

==>Principe

Aucun délai légal n’est fixé pour introduire une demande d’attribution préférentielle. Dès l’ouverture de l’indivision, l’indivisaire qui souhaite bénéficier de cette prérogative peut en faire la demande sans être contraint par une forclusion. Cette souplesse découle de la nature même de l’attribution préférentielle, qui constitue un mode d’allotissement et non une remise en cause du partage lui-même.

Dans un arrêt du 8 mars 1983, la Cour de cassation a ainsi affirmé que l’attribution préférentielle, en tant que « procédé d’allotissement qui met fin à l’indivision, peut être demandée tant que le partage n’a pas été ordonné, selon une autre modalité incompatible, par une décision judiciaire devenue irrévocable » (Cass. 1ère civ., 8 mars 1983, n°82-10.721).

La jurisprudence admet ainsi, de manière constante, que la demande d’attribution préférentielle peut être introduite à divers stades de la procédure, tant que le partage n’a pas conféré à un bien une attribution définitive et exclusive (Cass. 1re civ., 5 nov. 1952).

  • Dès l’ouverture de l’indivision
    • L’attribution préférentielle, en tant que procédé d’allotissement permettant à un indivisaire d’obtenir la propriété exclusive d’un bien moyennant indemnisation de ses co-indivisaires, peut être sollicitée dès l’instant où l’indivision prend naissance. 
    • Aucun délai impératif ne vient restreindre son exercice, et l’indivisaire peut en formuler la demande sans attendre l’ouverture d’une procédure de partage. 
    • L’indivision se constitue dès l’instant où plusieurs personnes deviennent propriétaires d’un même bien sans que leurs quotes-parts respectives ne soient matériellement individualisées. 
    • Cette situation peut découler d’une succession, d’une dissolution de communauté conjugale, d’un achat en indivision ou encore d’un démembrement de propriété. 
    • Dès que l’indivision existe, l’indivisaire remplissant les conditions légales peut exprimer son intention d’obtenir l’attribution préférentielle d’un bien déterminé. 
    • Ce droit ne nécessite aucun formalisme particulier et peut être exercé avant même que ne soit engagée une instance en partage. 
    • Cette absence de contrainte a été confirmée par la jurisprudence, qui reconnaît que la demande peut être présentée tant qu’un partage consommé n’a pas opéré des attributions définitives de propriété (Cass. 1re civ., 5 nov. 1952).
    • L’indivisaire peut faire connaître son souhait d’obtenir l’attribution préférentielle sans attendre l’engagement d’une procédure de partage.
    • Dans le cadre d’un partage amiable, cette demande peut être exprimée lors des discussions entre indivisaires et intégrée à la convention de partage. 
    • Il est également possible de l’inclure dès l’assignation en partage lorsqu’une procédure judiciaire est engagée. 
    • En tout état de cause, tant qu’aucun partage définitif n’a été arrêté, l’indivisaire conserve la faculté de demander l’attribution préférentielle du bien convoité.
  • Avant le jugement ordonnant le partage
    • L’attribution préférentielle peut être sollicitée indépendamment de toute instance en partage. 
    • L’indivisaire désireux d’obtenir la propriété exclusive d’un bien indivis n’a pas l’obligation d’attendre qu’une demande en partage soit introduite pour faire valoir son droit. Il peut ainsi agir de manière autonome en sollicitant directement l’attribution préférentielle devant le juge compétent. 
    • Cette possibilité s’explique par la nature même de l’attribution préférentielle, qui ne s’oppose pas au principe du partage mais en constitue une modalité particulière de réalisation. 
    • Dès lors, elle peut être demandée avant que ne soit engagée une procédure de partage, sans que son exercice ne dépende de la volonté des autres indivisaires.
    • Lorsque l’indivisaire souhaite initier une procédure de partage, il peut également formuler sa demande d’attribution préférentielle dans l’assignation. 
    • Cette voie permet d’éviter toute contestation ultérieure et de garantir une prise en compte immédiate de sa demande lors des opérations de liquidation. 
    • La jurisprudence a admis cette possibilité en affirmant que l’attribution préférentielle pouvait être sollicitée dès la saisine du juge compétent (Cass. 1ère , 19 déc. 1977, n°74-14.297). 
    • Peu importe, à cet égard, que d’autres indivisaires formulent également des demandes concurrentes : l’attribution préférentielle, en tant que procédé d’allotissement, doit être examinée en fonction des conditions légales et des intérêts en présence, sans être conditionnée par l’absence d’opposition des co-indivisaires.
  • Après le jugement ordonnant le partage
    • Le jugement ordonnant le partage n’a pas pour effet d’éteindre la possibilité pour un indivisaire de solliciter l’attribution préférentielle. 
    • En effet, l’attribution préférentielle n’est pas une contestation du partage lui-même, mais une modalité d’allotissement qui vise à permettre la sortie de l’indivision dans des conditions favorisant la conservation de certains biens par des indivisaires ayant un intérêt particulier à les obtenir.
    • Dès lors, une fois le partage ordonné judiciairement, l’indivisaire conserve la faculté de présenter une demande d’attribution préférentielle au cours des opérations de liquidation-partage, tant que le partage n’a pas atteint un caractère définitif. Cette demande peut être introduite devant le notaire commis pour procéder aux opérations de répartition des biens.
    • La jurisprudence reconnaît d’ailleurs expressément cette possibilité, considérant que l’attribution préférentielle n’est qu’un mode particulier d’allotissement qui ne saurait être écarté tant que l’état liquidatif n’a pas été homologué (Cass. 1ère civ., 8 mars 1983, n°82-10.721).
    • Ainsi, tant que les opérations de partage ne sont pas clôturées par une décision définitive ou un accord irrévocable entre les parties, la demande demeure recevable.
    • Par ailleurs, la Cour de cassation a eu l’occasion de censurer des décisions ayant rejeté une demande d’attribution préférentielle au seul motif que le partage avait été ordonné. Elle a rappelé que la demande d’attribution ne saurait être écartée dès lors qu’aucune décision irrévocable n’a fixé de manière définitive la répartition des biens entre les copartageants (V. par ex. Cass. civ. 1ère, 9 janv. 2008, n°06-20.167). 
    • Dès lors, un indivisaire peut encore solliciter une telle attribution devant le notaire ou devant le juge du partage tant que la liquidation n’est pas homologuée, sauf disposition expresse contraire contenue dans la décision ordonnant le partage.
    • Enfin, il convient de souligner que la seule passivité d’un héritier ou d’un indivisaire ne saurait être assimilée à une renonciation tacite au bénéfice de l’attribution préférentielle, sauf s’il ressort de manière claire et non équivoque de son comportement une intention manifeste de ne pas exercer ce droit.
    • Cette souplesse procédurale, qui trouve son fondement dans la volonté du législateur de préserver les intérêts des copartageants, explique pourquoi l’attribution préférentielle demeure ouverte tant que le partage n’a pas été définitivement arrêté.
  • En cause d’appel
    • L’attribution préférentielle peut être sollicitée pour la première fois en cause d’appel, dès lors qu’elle se rattache aux bases mêmes de la liquidation et qu’elle constitue une modalité de répartition des biens indivis. 
    • La Cour de cassation admet ainsi que cette demande revêt le caractère d’une défense au fond, ce qui la rend recevable même en seconde instance, tant que le partage n’a pas été ordonné selon une modalité incompatible par une décision judiciaire devenue irrévocable (Cass. 1ère civ. 1re, 10 mars 1971, n°69-12.132).
    • Ce principe repose sur la nature même de l’attribution préférentielle, qui constitue un procédé d’allotissement permettant d’assurer une répartition cohérente et équitable des biens indivis.
    • La Cour de cassation a ainsi affirmé que l’attribution préférentielle peut être demandée tant que le partage n’a pas été définitivement consommé et que l’affectation des biens reste juridiquement réversible (Cass. 1ère civ., 30 avr. 2014, n° 13-12.346).
    • Cette faculté s’étend notamment aux hypothèses de divorce, dans lesquelles l’un des époux peut former une demande d’attribution préférentielle en appel tant que le jugement de divorce n’a pas acquis force de chose jugée. 
    • Cette solution repose sur une analyse pragmatique de la situation des parties et vise à éviter que la dissolution du lien matrimonial ne fasse obstacle à un partage équitable des biens indivis. 
    • La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a ainsi jugé qu’une telle demande pouvait être présentée pour la première fois en appel, l’attribution préférentielle étant un accessoire de la demande en divorce (Cass. 2e civ., 5 juin 2003, n° 01-13.510).
    • De manière générale, la jurisprudence se montre indulgente à l’égard des demandes tardives d’attribution préférentielle, dès lors qu’elles tendent à éviter une licitation et qu’elles permettent une meilleure adéquation entre les intérêts des indivisaires et la structure du partage.
    • Ainsi, une cour d’appel a admis qu’une demande d’attribution préférentielle puisse être présentée en seconde instance, même si elle retardait le règlement du partage, considérant que celui-ci restait préférable à une vente judiciaire des biens indivis (CA Reims, 7 sept. 2006, n° 04/02427).

==>Limites

Si l’attribution préférentielle peut être sollicitée tant que le partage n’a pas acquis un caractère définitif, elle ne saurait, en revanche, remettre en cause une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée ni modifier un partage amiable dûment conclu entre les indivisaires. 

  • Les décisions ayant acquis l’autorité de la chose jugée
    • L’attribution préférentielle, en tant que modalité du partage, ne peut être exercée si une décision juridictionnelle irrévocable a définitivement fixé la répartition des biens indivis. 
    • La Cour de cassation a, en ce sens, jugé qu’une licitation ordonnée par une décision ayant acquis force de chose jugée exclut toute possibilité ultérieure pour un indivisaire de revendiquer le bien à titre d’attribution préférentielle (Cass. 1ère civ., 19 nov. 1968). 
    • La logique sous-jacente repose sur le principe selon lequel une décision de justice définitive ne peut être remise en question que dans les cas strictement encadrés par la loi, notamment par l’exercice des voies de recours extraordinaires.
    • De la même manière, lorsque l’attribution préférentielle a été définitivement accordée à un indivisaire, elle devient intangible. 
    • La contestation ultérieure de l’état liquidatif établi sur cette base est irrecevable, sauf erreur manifeste ou fraude, qui demeurent des hypothèses exceptionnelles. 
    • Cette solution repose sur l’exigence d’irrévocabilité des décisions de justice : une fois que le droit de propriété d’un bien a été attribué à un indivisaire par une décision définitive, il ne peut être remis en cause, sauf accord de toutes les parties concernées ou révocation du jugement dans le cadre des voies de rétractation prévues par le Code de procédure civile.
    • Plus largement, dans un arrêt du 9 mars 1971 la Cour de cassation a affirmé avec force le principe selon lequel une demande d’attribution préférentielle ne peut être accueillie lorsqu’une décision irrévocable a ordonné une licitation du bien indivis (Cass. 1ère civ., 9 mars 1971, n°70-10.072).
    • En l’espèce, une héritière sollicitait l’attribution préférentielle d’un appartement après le décès du de cujus, alors même qu’un jugement antérieur, rendu le 6 avril 1967, avait ordonné la licitation de ce bien dans le cadre des opérations de liquidation et de partage de la succession.
    • Soutenant que cette décision n’avait qu’un caractère interlocutoire et ne constituait pas un jugement définitif, la demanderesse estimait qu’elle demeurait recevable à solliciter l’attribution préférentielle du bien.
    • Toutefois, la Cour d’appel de Paris avait rejeté cette demande en considérant que la licitation d’un bien, une fois ordonnée par une décision juridictionnelle devenue irrévocable, constituait une modalité de partage incompatible avec une attribution préférentielle ultérieure.
    • Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation valide cette analyse et confirme la solution retenue par les juges du fond. 
    • Elle affirme que « la licitation constitue une modalité de partage incompatible avec l’attribution préférentielle ; que dès lors que la licitation d’un immeuble a été ordonnée par une précédente décision devenue irrévocable, un tribunal ne peut, sans méconnaître l’autorité de la chose jugée, prononcer l’attribution préférentielle du même bien indivis. »
    • Par cette décision, la Haute juridiction consacre une règle cardinale en matière de partage: une fois que le juge a statué de manière définitive sur la répartition d’un bien selon une modalité spécifique — en l’occurrence la licitation —, toute demande ultérieure d’attribution préférentielle est nécessairement irrecevable, sous peine de porter atteinte à l’autorité de la chose jugée.
  • Les conventions de partage amiable
    • Le partage amiable constitue une alternative à l’intervention du juge dans la répartition des biens indivis.
    • Lorsqu’il est adopté par les copartageants, il s’impose à eux et devient irrévocable dès sa formalisation, sous réserve des règles propres aux contrats.
    • En conséquence, une convention de partage amiable qui règle expressément le sort d’un bien susceptible d’attribution préférentielle ne peut être remise en cause de manière unilatérale par l’un des indivisaires.
    • Cette limitation trouve son fondement dans le respect du principe de force obligatoire des conventions, consacré par l’article 1103 du Code civil, selon lequel les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
    • Par conséquent, un indivisaire ayant accepté un partage amiable ne peut ultérieurement solliciter une attribution préférentielle sur un bien qui aurait été attribué à un autre copartageant, sauf à obtenir l’accord unanime des parties pour modifier la répartition initialement convenue.
    • En ce sens, la Cour de cassation a confirmé que la destination d’un bien convenue dans un partage amiable ne pouvait être unilatéralement modifiée par l’un des copartageants, que ce soit pour revendiquer une attribution préférentielle ou pour renoncer à celle précédemment accordée (Cass. 1ère civ., 10 mars 1969).
    • Il en résulte que, sauf vices affectant la convention (erreur, dol, violence), le partage amiable demeure intangible et bloque toute demande ultérieure d’attribution préférentielle qui viendrait perturber la répartition des biens opérée par l’accord des parties.

2. La faculté de renoncer à l’attribution préférentielle

Si l’attribution préférentielle constitue un droit offert à certains indivisaires pour préserver la cohésion patrimoniale et éviter la dispersion des biens dans le cadre d’un partage, elle ne revêt aucun caractère impératif. Son bénéficiaire peut ainsi y renoncer, sous réserve que ni une décision judiciaire irrévocable, ni une convention ne l’en empêchent. Toutefois, cette faculté n’est pas sans limites et demeure soumise à des conditions strictes.

==>Les conditions d’exercice de la faculté de renonciation

Le principe est clair: la renonciation à l’attribution préférentielle est admise, sauf obstacle tenant à une décision de justice passée en force de chose jugée ou à une stipulation contractuelle. Toutefois, fidèle à la règle selon laquelle les renonciations ne se présument pas, la jurisprudence a adopté une approche particulièrement restrictive quant aux circonstances pouvant révéler une volonté non équivoque d’y renoncer.

La Cour de cassation exige que la renonciation soit manifeste et sans équivoque, et ne saurait admettre qu’elle résulte d’un simple comportement passif ou d’une omission dans la procédure. Ainsi, la participation à un partage provisionnel, la demande d’une licitation ou encore la sollicitation d’une expertise pour déterminer la possibilité d’un partage en nature ne suffisent pas à caractériser une renonciation tacite (Cass. civ., 5 avr. 1952).

Dans une affaire où un héritier, après avoir sollicité une expertise sur la possibilité d’un partage en nature, avait ultérieurement demandé l’attribution préférentielle d’un bien, la Cour de cassation a censuré l’arrêt d’appel qui avait conclu à une renonciation implicite, estimant qu’une telle démarche ne traduisait pas nécessairement une volonté de renoncer à son droit (Cass. 1re civ., 6 mars 1961).

De manière plus générale, la jurisprudence admet que l’indivisaire conserve la faculté de solliciter l’attribution préférentielle tant qu’aucun partage définitif n’a été réalisé. Ainsi, même si un accord prévoyant une attribution avait été conclu entre héritiers, la Cour de cassation considère que cette entente ne saurait suffire à démontrer une renonciation définitive, dès lors que l’accord n’a pas été exécuté et que l’indivisaire continue d’agir en vue d’obtenir l’attribution (Cass. 1re civ., 5 juill. 1977, n° 75-13.762).

Toutefois, en application de l’article 753, alinéa 3 du Code de procédure civile, la renonciation peut être déduite du fait qu’une partie ne réitère pas sa demande d’attribution préférentielle dans ses conclusions récapitulatives. Ainsi, une cour d’appel a pu juger qu’une demande non reprise dans ces écritures ne pouvait être reformulée en appel (CA Reims, 28 avr. 2005, n° 04/00334).

==>Le moment d’exercice de la faculté de renonciation

Initialement, la jurisprudence considérait que la renonciation était recevable tant que l’attribution préférentielle n’avait pas été reconnue par une décision passée en force de chose jugée. Ainsi, un indivisaire ayant obtenu l’attribution en première instance pouvait encore y renoncer en cause d’appel (Cass. 1re civ., 17 juin 1970,n°68-13.762). À l’inverse, une renonciation postérieure à un jugement irrévocable n’était pas admise (Cass. 1re civ., 10 mars 1969).

Toutefois, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en admettant que l’indivisaire pouvait renoncer à l’attribution préférentielle tant que le partage définitif n’était pas intervenu. L’argument avancé repose sur le fait que le jugement accordant l’attribution ne transfère pas immédiatement la propriété du bien, sauf s’il est intégré dans un état liquidatif homologué (Cass. 1re civ., 11 juin 1996, n°94-16.608). Ce raisonnement, dicté par des considérations pratiques, permet aux indivisaires de se délier lorsque des circonstances nouvelles (problèmes financiers, évolution du marché immobilier, changement de situation personnelle) rendent l’attribution inopportune. Cette solution a été confirmée par plusieurs décisions ultérieures (Cass. 1re civ., 23 oct. 2013, n° 12-18.170).

Cependant, la doctrine a exprimé des critiques à l’encontre de cette flexibilité, estimant qu’elle favorisait des stratégies opportunistes et contribuait à retarder la finalisation des partages. Pour pallier cet inconvénient, la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 a introduit une restriction au droit de renonciation. Désormais, l’article 834 du Code civil dispose que le bénéficiaire d’une attribution préférentielle ne peut y renoncer qu’à la condition que la valeur du bien ait augmenté de plus du quart entre la date de l’attribution et celle du partage définitif, indépendamment de son fait personnel. Cette règle vise à éviter que les indivisaires ne fassent usage de l’attribution préférentielle comme d’un simple droit d’option, qu’ils pourraient exercer ou abandonner en fonction de l’évolution du marché immobilier.

Néanmoins, un tempérament subsiste. La Cour de cassation a jugé que si la décision octroyant l’attribution n’avait pas encore acquis force de chose jugée, la renonciation demeurait possible en dehors des conditions strictes posées par l’article 834 (Cass. 1re civ., 29 mai 2019, n°18-18.823). En d’autres termes, un appel suspend l’irrévocabilité de l’attribution, permettant ainsi au bénéficiaire de se délier librement tant que l’arrêt définitif n’est pas intervenu.

==>Exclusion conventionnelle de la faculté de renonciation

Il convient de rappeler que l’attribution préférentielle n’étant pas d’ordre public, elle peut être écartée par convention. Ainsi, un indivisaire peut être contractuellement privé de ce droit par une stipulation testamentaire du de cujus, une clause du contrat de mariage ou une disposition statutaire régissant une société dans laquelle le bien est détenu en indivision. Par ailleurs, une convention de partage amiable entre les indivisaires peut également faire obstacle à toute revendication ultérieure d’attribution préférentielle, à moins que l’ensemble des parties ne consente à une modification de l’accord initial.

Cependant, les clauses insérées dans une convention d’indivision doivent respecter les limites posées par le Code civil. L’article 1873-13 énonce notamment que les stipulations prévoyant qu’un indivisaire survivant pourra se voir attribuer la quote-part du défunt ne peuvent préjudicier aux règles d’attribution préférentielle fixées par les articles 831 et suivants du Code civil.

B) Le traitement par le juge des demandes d’attribution préférentielle

1. La décision du juge en présence d’une demande unique d’attribution préférentielle

L’attribution préférentielle constitue une modalité particulière du partage, permettant à un indivisaire de se voir attribuer certains biens sous réserve du respect des conditions légales. Selon qu’elle est de droit ou facultative, l’étendue du pouvoir du juge varie considérablement : tandis que dans le premier cas, il se borne à vérifier l’application stricte des textes, dans le second, il dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation, guidé par l’équilibre du partage et la prise en compte des intérêts en présence.

a. L’attribution préférentielle de droit

Dans certaines hypothèses limitativement énumérées par la loi, l’attribution préférentielle s’impose au juge dès lors que les conditions légales sont réunies. Dans ces cas, il ne dispose d’aucune latitude d’appréciation et ne peut refuser l’attribution au motif qu’elle ne serait pas opportune ou qu’elle porterait atteinte à un équilibre patrimonial souhaitable. Son rôle se borne alors à vérifier que le demandeur satisfait aux critères légaux, à défaut de quoi sa décision pourrait être censurée par la Cour de cassation (Cass. 1re civ., 7 nov. 2012, n° 11-16.164).

Trois grandes catégories d’attribution préférentielle de droit sont aujourd’hui reconnues par le Code civil :

  • L’attribution préférentielle des exploitations agricoles de petite et moyenne taille
    • L’article 832 du Code civil prévoit l’attribution préférentielle de droit au profit de l’indivisaire participant activement à l’exploitation. 
    • Ce dispositif vise à garantir la pérennité de ces exploitations en empêchant leur morcellement lors du partage.
    • La participation effective à l’exploitation constitue un critère déterminant, dont l’appréciation peut donner lieu à contestation.
    • La Cour de cassation a ainsi censuré une décision qui avait refusé l’attribution à un indivisaire remplissant pourtant les conditions légales (Cass. 1re civ., 20 oct. 2010, n° 09-67.029).
  • L’attribution préférentielle en vue de la constitution d’un groupement foncier agricole
    • L’article 832-1 du Code civil prévoit l’attribution préférentielle en faveur d’un ou plusieurs indivisaires souhaitant conserver les biens indivis sous la forme d’un groupement foncier agricole. 
    • Cette disposition, introduite pour encourager la transmission du patrimoine agricole et favoriser la continuité des exploitations familiales, permet une gestion collective du bien tout en évitant la dispersion des actifs.
    • Le juge doit alors s’assurer que le projet de groupement foncier répond bien aux critères légaux, notamment en ce qui concerne les intentions déclarées des indivisaires et leur engagement effectif dans cette démarche.
  • L’attribution préférentielle du local d’habitation du défunt, des meubles le garnissant et du véhicule
    • L’article 831-2, alinéa 1er, du Code civil accorde de plein droit au conjoint survivant l’attribution du logement du défunt, des meubles qui le garnissent et du véhicule de celui-ci. 
    • Ce dispositif vise à protéger le cadre de vie du conjoint survivant, en lui permettant de conserver un bien dont il avait l’usage avant le décès.
    • Depuis la loi du 23 juin 2006, cette attribution est également ouverte au partenaire pacsé survivant, à condition que le défunt l’ait expressément prévu dans son testament (C. civ., art. 515-6, al. 2).
    • Le juge doit ainsi vérifier l’existence de cette disposition testamentaire avant de prononcer l’attribution.

Si le juge ne peut refuser l’attribution préférentielle pour des raisons tenant à l’opportunité, son rôle reste essentiel dans la vérification des conditions légales. Il doit notamment s’assurer :

  • Que le demandeur remplit les conditions de qualité requises (statut d’indivisaire, lien avec le défunt ou avec l’exploitation agricole) ;
  • Que les conditions matérielles de l’attribution sont satisfaites, notamment la participation effective à l’exploitation en cas d’attribution d’une entreprise agricole ou la résidence principale dans un logement (Cass. 1re civ., 26 sept. 2012, n° 11-16.246).

L’attribution préférentielle ne peut être accordée que si ces conditions sont réunies. À défaut, le juge doit motiver son refus de manière précise, faute de quoi sa décision encourt la cassation. Ainsi, une cour d’appel qui rejette une demande sans examiner si le demandeur a effectivement exploité le bien agricole excède ses pouvoirs et commet une erreur de droit (Cass. 1re civ., 26 sept. 2012, n° 11-16.246).

Si l’attribution préférentielle de droit s’impose lorsque les conditions légales sont remplies, elle peut néanmoins donner lieu à des contestations de la part des autres indivisaires, qui peuvent remettre en cause :

  • La qualité du demandeur : certains coïndivisaires peuvent soutenir que celui-ci ne remplit pas les conditions requises pour bénéficier de l’attribution ;
  • La satisfaction des critères matériels : notamment, la contestation peut porter sur l’absence de résidence effective dans le logement concerné, ou encore sur le fait que l’exploitation agricole ne serait pas réellement gérée par l’indivisaire demandeur.

Dans ces hypothèses, le juge doit apprécier les éléments de preuve fournis par les parties, tout en respectant le principe du contradictoire. Toute décision accordant ou refusant l’attribution doit être motivée par des éléments objectifs et vérifiables.

L’exigence de rigueur procédurale s’applique également en cas de pluralité de demandes concurrentes. Lorsqu’il existe plusieurs demandeurs répondant aux conditions légales, le juge ne peut pas refuser l’attribution au motif que les biens devraient être partagés autrement, mais doit déterminer lequel des demandeurs est le plus apte à en bénéficier (Cass. 1re civ., 20 oct. 2010, n° 09-67.029).

En tout état de cause, toute décision doit être clairement motivée. Une motivation insuffisante expose la décision à la cassation, notamment lorsque :

b. L’attribution préférentielle facultative

À l’inverse de l’attribution préférentielle de droit, qui s’impose au juge dès lors que les conditions légales sont réunies, l’attribution facultative repose sur une évaluation discrétionnaire du magistrat. Celui-ci doit se prononcer en tenant compte des intérêts en présence, de l’équilibre du partage et des conséquences patrimoniales de sa décision.

Dans ce cadre, le simple fait que le demandeur remplisse les conditions légales ne suffit pas à emporter nécessairement la décision en sa faveur. Le juge peut refuser l’attribution si celle-ci compromet un équilibre patrimonial essentiel, si elle est de nature à léser les autres indivisaires, ou si elle ne sert pas l’objectif fondamental du partage (Cass. 1re civ., 13 févr. 2019, n° 18-14.580).

Parmi les biens pouvant faire l’objet d’une attribution préférentielle facultative figurent notamment les entreprises, les locaux d’habitation ou professionnels, le mobilier qui les garnit ainsi que certains droits au bail. Dans chacun de ces cas, le juge dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation, bien que celui-ci soit encadré par des principes directeurs, garantis par la jurisprudence.

==>Les critères essentiels d’appréciation du juge

Lorsque le juge est saisi d’une demande d’attribution préférentielle facultative, son appréciation est essentiellement guidée par trois critères:

  • L’aptitude du demandeur à gérer le bien attribué
    • L’attribution préférentielle suppose que l’indivisaire demandeur soit en mesure d’assurer la gestion, l’entretien ou l’exploitation du bien concerné. 
    • À défaut, l’attribution peut être refusée pour éviter qu’un bien ne se retrouve entre les mains d’un indivisaire incapable d’en assurer la conservation ou la valorisation.
    • Ainsi, la Cour de cassation a validé le rejet d’une attribution portant sur un fonds de commerce, au motif que le demandeur, en raison de son âge avancé et de son état de santé, n’était plus en mesure d’assurer une gestion efficace du fonds (Cass. 1re civ., 27 oct. 1971, n°70-10.125).
    • De même, l’attribution d’un château a pu être refusée lorsqu’il a été démontré que le demandeur n’avait aucun projet d’entretien ou d’exploitation viable et qu’il poursuivait l’unique objectif de revendre le bien en réalisant une plus-value (TGI Paris, 13 nov. 1970).
    • Ce critère est particulièrement déterminant lorsque le bien objet de l’attribution revêt une valeur patrimoniale ou économique significative.
    • Il appartient alors au juge de s’assurer que le demandeur est en mesure d’assumer la charge effective du bien avant d’accorder l’attribution.
  • La solvabilité du demandeur et la capacité à régler la soulte
    • L’un des motifs les plus fréquents de rejet d’une attribution préférentielle repose sur l’incapacité du demandeur à s’acquitter de la soulte due aux autres indivisaires.
    • L’attribution préférentielle ne saurait avoir pour effet de léser les autres indivisaires en leur imposant un déséquilibre financier excessif ou un retard dans l’exécution du partage.
    • La jurisprudence a ainsi validé de nombreux refus fondés sur la situation financière du demandeur, notamment lorsque son impécuniosité était susceptible de porter atteinte aux droits des coïndivisaires (Cass. 1re civ., 21 sept. 2005, n° 02-20.287).
    • Toutefois, un rejet sur ce fondement suppose un examen minutieux des ressources du demandeur. 
    • En effet, la Cour de cassation a sanctionné plusieurs décisions ayant refusé une attribution sans rechercher si le demandeur pouvait compenser l’impossibilité de régler immédiatement la soulte par d’autres moyens financiers (Cass. 1re civ., 10 mai 2007, n° 06-10.034).
    • L’appréciation du juge doit ainsi être équilibrée et ne pas se limiter à un simple constat d’insolvabilité : il lui appartient d’examiner si des solutions de financement existent et si elles sont de nature à garantir le respect des droits des coïndivisaires.
  • L’incidence de l’attribution sur les autres indivisaires
    • L’attribution préférentielle ne doit pas aboutir à un déséquilibre excessif du partage.
    • En particulier, lorsque le bien concerné représente la majeure partie de l’actif indivis, la licitation peut apparaître plus appropriée afin d’assurer une répartition plus équitable entre les indivisaires (Cass. 1re civ., 2 juin 1970).
    • Dans le cadre des partages successoraux ou consécutifs à un divorce, les intérêts familiaux entrent également en ligne de compte.
    • Par exemple, l’attribution préférentielle d’un logement est fréquemment accordée au conjoint ayant la garde des enfants, afin d’assurer leur stabilité résidentielle. 
    • Toutefois, cette attribution ne saurait être automatique et ne doit pas léser les droits de l’autre époux (Cass. 1re civ., 26 juin 2013, n° 12-11.818).
    • De même, lorsqu’un bien indivis présente une importance stratégique pour plusieurs indivisaires, le juge doit trancher en prenant en compte les conséquences économiques et patrimoniales de son attribution.
    • Il doit donc rechercher la solution la plus équilibrée pour éviter toute atteinte disproportionnée aux intérêts des autres parties.

==>Le contrôle exercé par la Cour de cassation

Bien que le juge dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation en matière d’attribution préférentielle facultative, il demeure astreint à une obligation de motivation rigoureuse.

En effet, toute décision prononçant ou refusant une attribution doit être expressément motivée, faute de quoi elle encourt le risque d’une censure par la Cour de cassation.

Ainsi, un refus fondé sur l’absence d’une estimation récente du bien a été censuré, la Haute juridiction ayant considéré que ce critère était sans incidence sur le principe même de l’attribution (Cass. 1re civ., 16 mars 2016, n° 15-14.822).

De même, un refus motivé par le montant supposé excessif de la soulte doit faire l’objet d’une analyse détaillée des capacités financières du demandeur. À défaut, la décision sera cassée pour défaut de base légale (Cass. 1re civ., 11 avr. 1995, n° 93-14.461).

Enfin, le respect du principe du contradictoire est impératif. Toute décision rejetant une demande d’attribution pour absence de justification financière sans avoir permis au demandeur de s’expliquer est annulée pour violation de l’article 16 du Code de procédure civile (Cass. 1re civ., 28 janv. 2009, n° 07-22.006).

2. La décision du juge en présence de demandes concurrentes d’attribution préférentielle

Lorsqu’un bien indivis fait l’objet de plusieurs demandes d’attribution préférentielle, le juge ne peut se contenter d’une appréciation binaire consistant à accorder ou refuser la demande. Contrairement à l’hypothèse d’une demande unique, où il lui appartient de vérifier la réunion des conditions légales et d’évaluer l’opportunité de l’attribution, la présence de demandes concurrentes l’oblige à procéder à un choix parmi les postulants.

Ce choix ne saurait être laissé à une libre appréciation du magistrat sans cadre défini: l’article 832-3 du Code civil impose un raisonnement en trois temps.

  • En premier lieu, le juge doit se laisser guider par les critères légaux, qui constituent le fondement même du droit à l’attribution préférentielle et limitent son pouvoir discrétionnaire.
  • En deuxième lieu, lorsque plusieurs postulants remplissent les conditions légales, il doit examiner les intérêts en présence, afin de privilégier la solution la plus conforme aux impératifs du partage et de la préservation du bien.
  • En dernier lieu, en cas d’impossibilité de départager les prétendants, il peut opter pour des solutions intermédiaires, telles que l’attribution conjointe ou la licitation du bien.

a. L’examen des critères légaux

L’article 832-3 du Code civil impose au juge, en présence de demandes concurrentes d’attribution préférentielle, de tenir compte de l’aptitude des postulants à gérer le bien en cause et à s’y maintenir. Ce critère général s’applique à l’ensemble des attributions préférentielles, qu’elles portent sur des exploitations agricoles, des fonds de commerce, des locaux professionnels ou d’habitation.

Toutefois, lorsque l’attribution préférentielle porte sur une entreprise, qu’elle soit agricole, commerciale, artisanale ou libérale, le texte précise que le tribunal doit accorder une attention particulière à la durée de la participation personnelle du postulant à l’activité concernée. Cette exigence vise à garantir que l’attributaire désigné soit en mesure d’assurer la continuité et la viabilité de l’entreprise, évitant ainsi des décisions qui compromettraient son exploitation future.

==>L’aptitude générale à gérer les biens en cause et à s’y maintenir

L’attribution préférentielle d’un bien indivis repose sur une exigence essentielle : le postulant doit être en mesure d’assurer une gestion pérenne et efficace du bien concerné. Cette aptitude, qui conditionne le succès de la demande, s’évalue au regard de plusieurs éléments, notamment l’expérience antérieure du demandeur et sa capacité effective à maintenir l’exploitation du bien attribué.

  • L’expérience passée comme présomption d’aptitude à la gestion
    • L’un des principes directeurs en matière d’attribution préférentielle repose sur l’idée qu’un indivisaire ayant fait preuve d’une implication active et constante dans l’exploitation du bien indivis présente les meilleures garanties pour en assurer la pérennité. 
    • Il s’agit d’un critère objectif, destiné à favoriser la continuité de l’exploitation et à éviter toute rupture brutale susceptible de nuire à la valorisation du bien.
    • Dans son appréciation, le juge accorde une importance décisive à l’historique de gestion du postulant, recherchant ainsi celui dont l’engagement passé atteste d’une capacité éprouvée à poursuivre l’exploitation avec sérieux et compétence. 
    • La jurisprudence a d’ailleurs consacré ce critère en relevant que la participation prolongée et constante à la gestion d’un bien indivis constitue un élément discriminant lorsqu’il existe plusieurs demandes concurrentes.
    • Ainsi, en matière agricole, lorsqu’une exploitation était revendiquée par plusieurs indivisaires, la préférence a été donnée à celui dont l’implication était la plus ancienne et continue, la cour ayant estimé qu’il présentait les meilleures garanties de gestion et de préservation de l’intégrité de l’exploitation (CA Pau, 28 févr. 2005, n° 03/02292). 
    • Ce raisonnement repose sur une logique de stabilité et de préservation de l’unité économique du bien, qui justifie l’exclusion des postulants dont l’investissement a été plus intermittent ou secondaire.
    • Un raisonnement similaire prévaut en matière commerciale : lorsqu’un fonds de commerce exploité en indivision fait l’objet de demandes concurrentes, la jurisprudence privilégie le postulant ayant démontré une gestion rigoureuse et continue de l’activité. 
    • En effet, la constance dans l’exploitation d’un commerce constitue un indicateur fort de la capacité du demandeur à assurer la viabilité de l’entreprise.
    • Toutefois, cette présomption d’aptitude à la gestion n’est pas irréfragable. 
    • Elle peut être écartée si des éléments objectifs viennent infirmer la capacité du demandeur à assurer une gestion efficace et pérenne.
    • L’expérience passée doit donc être mise en balance avec l’aptitude actuelle du postulant à poursuivre l’exploitation du bien.
    • C’est précisément ce qu’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt récent portant sur l’attribution préférentielle d’une exploitation agricole.
    • Dans cette affaire, plusieurs indivisaires revendiquaient des parcelles agricoles.
    • La Cour d’appel avait attribué ces parcelles à l’un des demandeurs en raison de la continuité de son activité d’agriculteur, tandis que l’autre postulant ne justifiait plus de l’exercice effectif de cette activité. 
    • En validant cette décision, la Cour de cassation a consacré le principe selon lequel la simple implication passée ne suffit pas à justifier une attribution préférentielle si le demandeur n’est plus en mesure d’assurer l’exploitation du bien (Cass.. 1re civ., 28 janv. 2015, n° 13-20.701).
    • Ce raisonnement s’applique à d’autres types de biens indivis, notamment en matière commerciale : lorsqu’un commerce est revendiqué par plusieurs indivisaires, le juge ne se limite pas à constater l’ancienneté de l’investissement du demandeur, mais vérifie également sa capacité à poursuivre l’exploitation de manière efficace.
    • Ainsi, une absence d’activité récente, un état de santé dégradé ou une situation financière instable peuvent conduire à écarter un postulant, même s’il a longtemps participé à l’exploitation du bien.
  • La proximité avec le bien comme facteur déterminant
    • Au-delà de l’engagement passé, la localisation du postulant par rapport au bien objet de l’attribution constitue un critère d’appréciation particulièrement pertinent.
    • Une gestion efficace suppose en effet une présence physique et une implication constante, de sorte qu’un indivisaire résidant sur place et assurant un suivi régulier du bien indivis offrira de meilleures garanties qu’un coïndivisaire vivant à distance et dans l’incapacité d’assurer un contrôle direct et immédiat.
    • Cette exigence de proximité géographique revêt une importance particulière en matière agricole, où la continuité de l’exploitation repose sur une présence effective du gestionnaire.
    • La jurisprudence illustre cette approche en reconnaissant l’avantage de l’indivisaire qui, par son maintien sur le domaine, garantit la gestion stable et la valorisation durable du bien.
    • Ainsi, dans un arrêt du 25 février 1997, la Cour de cassation a validé l’attribution préférentielle d’une exploitation agricole au bénéfice du demandeur demeuré sur place, qui avait poursuivi l’exploitation d’une partie du domaine familial après le décès de sa mère (Cass. 1re civ, 25 févr. 1997, n° 94-19.068).
    • À l’inverse, sa sœur, qui avait quitté la propriété plusieurs années auparavant pour s’installer à Paris, a vu sa demande rejetée.
    • Si cette dernière avait bien participé à l’exploitation avant son départ, son éloignement prolongé et la cessation de toute activité sur le domaine ont conduit les juges du fond à considérer qu’elle ne remplissait plus les conditions d’une gestion effective et continue du bien.
    • La Cour de cassation a validé cette appréciation souveraine des juges du fond, qui avaient estimé que le maintien sur place du frère et son exploitation continue d’une partie des terres indivises constituaient des éléments déterminants en faveur de son attribution préférentielle.
    • Ce principe trouve également à s’appliquer aux locaux commerciaux et aux biens à usage d’habitation.
    • Lorsqu’un indivisaire occupe déjà le bien ou y exerce une activité professionnelle, il bénéficie d’un avantage manifeste sur un coïndivisaire ne résidant pas sur place, son maintien dans les lieux garantissant une transition plus fluide et une gestion optimisée du bien.
    • Dans cette logique, la jurisprudence a précisé que l’occupation passée d’un bien ne suffit pas à justifier son attribution préférentielle si l’intéressé ne présente plus les garanties d’un maintien effectif et utile du bien dans l’avenir.
    • Ainsi, dans un arrêt du 13 février 1967, la Cour de cassation a validé la décision des juges du fond refusant l’attribution préférentielle d’un immeuble à un médecin qui y avait exercé son activité, mais qui ne l’occupait plus au moment du litige (Cass. 1re civ, 13 févr. 1967).
    • Les juges avaient estimé que la demande du médecin ne pouvait prospérer dès lors qu’elle ne s’inscrivait pas dans une logique d’exploitation durable, mais relevait davantage d’une volonté de conserver un bien à titre patrimonial.
    • La Haute juridiction a confirmé cette approche en rappelant que l’attribution préférentielle doit être appréciée en fonction des intérêts en présence et de l’usage effectif du bien.
    • Ces décisions s’inscrivent dans une tendance jurisprudentielle constante : l’attribution préférentielle ne repose pas sur un simple droit à la conservation du bien, mais sur une exigence d’exploitation effective et pérenne.

==>L’importance de la durée de la participation personnelle à l’activité en cas d’attribution préférentielle d’une entreprise

L’attribution préférentielle d’une entreprise obéit à des impératifs spécifiques, distincts de ceux applicables aux biens immobiliers à usage d’habitation ou aux exploitations purement foncières. L’article 832-3 du Code civil impose au juge de tenir compte, en particulier, de la durée de la participation personnelle du postulant à l’activité. Ce critère, introduit par la loi du 10 juillet 1982, vise à garantir que l’attribution bénéficie à celui qui a fait preuve d’un engagement constant et significatif dans la gestion du bien, offrant ainsi les meilleures garanties de viabilité et de continuité économique.

En effet, l’une des finalités de l’attribution préférentielle d’une entreprise est d’assurer la pérennité de l’activité en privilégiant celui dont l’investissement dans la gestion de l’exploitation a été le plus ancien et le plus constant. L’ancienneté de la participation constitue, en ce sens, un indice objectif de compétence et de capacité à poursuivre l’exploitation sans discontinuité. Cette exigence se vérifie tout particulièrement dans le domaine agricole, où la stabilité de l’exploitation constitue un impératif économique et social.

À cet égard, la jurisprudence souligne que le juge doit privilégier le demandeur dont l’implication dans la gestion de l’exploitation a été continue et significative, et qui apparaît le plus à même d’en assurer le maintien et le développement. Ainsi, dans une affaire où plusieurs indivisaires revendiquaient l’attribution d’une exploitation agricole, la cour d’appel a privilégié celui dont l’engagement était le plus long et le plus constant, estimant qu’il présentait les meilleures garanties de gestion à long terme (CA Pau, 28 févr. 2005, n° 03/02292).

De la même manière, ce raisonnement s’applique en matière commerciale, où la longévité et la régularité de l’implication dans l’activité d’un fonds de commerce ou d’une entreprise artisanale constituent un critère déterminant. L’article 832-3 du Code civil prévoit expressément que, lorsqu’une entreprise fait l’objet d’une demande d’attribution préférentielle, le juge doit tenir compte en particulier de la durée de la participation personnelle du postulant à l’exploitation.

Faute de jurisprudence récente et explicite en matière de fonds de commerce, les principes dégagés en matière agricole ou artisanale restent transposables : le postulant justifiant d’un engagement durable et effectif dans l’exploitation bénéficiera d’un avantage décisif sur un coïndivisaire dont l’implication a été plus intermittente ou récente. Ce critère permet ainsi d’éviter toute rupture brutale de l’exploitation, qui pourrait compromettre sa viabilité.

Toutefois, l’appréciation du juge ne saurait se limiter à une lecture mécanique des critères légaux. L’ancienneté et la continuité dans la participation ne suffisent pas, à elles seules, à justifier une attribution préférentielle. 

Le juge doit également procéder à une évaluation plus large, prenant en compte la capacité réelle du postulant à assurer la pérennité de l’exploitation. Ainsi, même si un indivisaire justifie d’un engagement prolongé dans l’entreprise, des éléments tels que sa situation financière, son état de santé ou l’absence d’un projet crédible de poursuite de l’activité peuvent légitimement justifier un refus d’attribution (Cass. 1re civ., 21 mai 1997, n° 95-15.132).

L’ancienneté de la participation à l’exploitation d’une entreprise prend tout son relief dans les conflits successoraux, où plusieurs héritiers peuvent se disputer l’attribution d’une même activité.  Dans ce contexte, le juge privilégiera naturellement le candidat dont l’engagement s’inscrit dans la durée et qui a démontré, par une implication constante et effective, sa capacité à assurer la pérennité de l’exploitation. Ainsi, lorsqu’une entreprise familiale fait l’objet de revendications concurrentes, la priorité est généralement accordée à celui qui a le plus contribué à son développement, offrant ainsi les meilleures garanties d’exploitation future.

À l’inverse, un coïndivisaire dont l’implication s’est révélée plus récente, sporadique ou limitée peut voir sa demande écartée, même s’il satisfait en apparence aux critères légaux. 

b. L’appréciation des intérêts en présence

Lorsqu’une pluralité de postulants satisfait aux critères légaux définis par l’article 832-3 du Code civil, le juge ne peut se limiter à une application purement formelle du texte. Il lui appartient d’adopter une approche plus large en mettant en balance les intérêts patrimoniaux, économiques et familiaux liés à l’attribution préférentielle. Cette analyse suppose de concilier les droits de chaque indivisaire avec l’objectif de préservation du bien indivis et de stabilité successorale.

==>La préservation de l’équilibre patrimonial

Dans le cadre d’un partage, le juge doit veiller à ce que l’attribution préférentielle ne provoque pas un déséquilibre excessif au détriment des autres indivisaires. À ce titre, la capacité financière du demandeur à indemniser ses coïndivisaires par le versement d’une soulte est un facteur déterminant.

Ainsi, l’attribution peut être refusée à un postulant dont la situation financière ne permettrait pas de compenser équitablement les autres copartageants. Ce principe a été rappelé dans un arrêt où la Cour de cassation a validé la décision des juges du fond ayant refusé une attribution préférentielle en raison de l’incapacité du demandeur à payer la soulte nécessaire (Cass. 1ère civ. 1re, 10 mai 2007, n° 06-10.034).

Dès lors, le postulant à l’attribution préférentielle ne doit pas seulement établir son aptitude à gérer le bien, mais également démontrer qu’il est en mesure d’indemniser équitablement les autres indivisaires, afin que l’attribution ne crée pas un déséquilibre au sein du partage successoral.

==>La continuité de l’exploitation et la protection du bien

Lorsque l’attribution préférentielle porte sur une exploitation agricole ou une entreprise, le juge privilégiera le demandeur offrant les meilleures garanties de pérennité de l’activité. Ce critère répond à un impératif économique : éviter que l’exploitation ne soit interrompue ou dégradée par une gestion hasardeuse ou par l’absence d’exploitation effective.

Ainsi, la Cour de cassation a été amenée à censurer une décision d’attribution préférentielle d’une exploitation agricole au bénéfice de deux frères, au détriment de leurs coïndivisaires, en raison d’une insuffisante prise en compte des intérêts en présence (Cass. 1ère civ., 20 janv. 2004, n° 00-14.252). 

En l’espèce, après le décès de leur mère, plusieurs indivisaires revendiquaient l’attribution d’un domaine agricole familial. La cour d’appel avait accordé l’attribution préférentielle à deux frères, en se fondant sur leur implication dans l’exploitation, notamment celle de l’un d’eux qui en exerçait la direction depuis plusieurs années.

Toutefois, la Cour de cassation a censuré cette décision au motif que la cour d’appel avait omis de procéder à une comparaison approfondie des intérêts en présence. En effet, les autres coïndivisaires soutenaient que la gestion des bénéficiaires de l’attribution préférentielle était contestable et qu’elle avait porté atteinte aux intérêts patrimoniaux de l’indivision. Or, l’article 832, alinéa 11, du Code civil impose au juge de statuer sur la demande d’attribution préférentielle en tenant compte de l’ensemble des intérêts en présence. En se bornant à constater l’implication des bénéficiaires dans l’exploitation, sans examiner les griefs des autres coïndivisaires, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.

Cet arrêt illustre ainsi une exigence fondamentale : l’implication passée d’un demandeur ne suffit pas, à elle seule, à justifier l’attribution préférentielle. Le juge doit impérativement mettre en balance les intérêts économiques et patrimoniaux de l’ensemble des parties concernées. L’attribution préférentielle ne peut être accordée qu’à la condition qu’elle ne lèse pas de manière disproportionnée les droits des autres indivisaires, notamment lorsque des contestations sur la gestion du bien sont soulevées.

c. Les solutions intermédiaires : pallier l’impossibilité de départager les postulants

Dans certaines hypothèses, aucun des postulants ne se distingue de manière évidente au regard des critères légaux et jurisprudentiels. Le juge dispose alors d’une latitude pour aménager une solution équilibrée, conciliant les intérêts de l’ensemble des indivisaires et préservant la stabilité patrimoniale. Deux solutions alternatives peuvent être envisagées : l’attribution conjointe, qui permet un partage de la gestion entre plusieurs bénéficiaires, et la licitation, qui impose la vente du bien afin d’éviter des conflits irréconciliables.

==>L’attribution conjointe

Lorsque plusieurs demandeurs satisfont aux critères de l’attribution préférentielle et qu’aucun ne se distingue nettement par son aptitude à gérer le bien et à s’y maintenir, le juge peut envisager une répartition partielle du bien litigieux entre plusieurs postulants. Cette solution, bien que moins fréquente, permet d’éviter un déséquilibre trop marqué dans le partage successoral tout en préservant la continuité économique de l’exploitation concernée.

La Cour de cassation a validé cette approche dans une affaire où plusieurs héritiers revendiquaient l’attribution préférentielle de parcelles viticoles issues de la succession de leur père (Cass. 1re civ., 22 févr. 2000, n° 98-10.153). En l’espèce, deux des enfants avaient participé à la mise en valeur des terres litigieuses et chacun exploitait déjà des parcelles en propre. La cour d’appel avait estimé qu’ils étaient également aptes à poursuivre l’exploitation et que l’attribution d’une part significative du domaine à l’un des postulants, sans prise en compte des intérêts de l’autre, aurait entraîné un déséquilibre injustifié.

Dans son arrêt, la Cour de cassation a confirmé la décision des juges du fond, qui avaient attribué à chacun une portion des terres, en considérant que cette solution permettait d’assurer un partage équitable tout en préservant l’intégrité économique de l’exploitation. Elle a relevé que cette décision n’était pas motivée par une simple considération d’équité, mais reposait bien sur les critères posés par l’article 832-1 du Code civil, qui impose au juge de désigner l’attributaire en fonction des intérêts en présence et de l’aptitude des différents postulants à gérer l’exploitation et à s’y maintenir.

Toutefois, l’attribution conjointe suppose plusieurs conditions :

  • Une compatibilité de gestion entre les co-attributaires, afin d’éviter des conflits susceptibles de nuire à l’exploitation du bien ;
  • Une division matériellement possible du bien sans compromettre son intégrité économique ;
  • Un équilibre entre les intérêts successoraux, garantissant que la solution retenue ne lèse aucun héritier de manière disproportionnée.

Ainsi, cette solution ne peut être retenue que lorsque la nature du bien indivis permet une gestion distincte entre plusieurs indivisaires et que ces derniers disposent des compétences nécessaires pour en assurer l’exploitation de manière autonome.

Toutefois, le juge doit rester vigilant quant aux risques de conflits futurs entre co-attributaires. En effet, une exploitation en indivision peut rapidement devenir source de tensions, notamment en cas de désaccord sur la gestion des biens attribués conjointement. Dès lors, l’attribution conjointe ne constitue pas une solution systématique, mais une alternative à envisager lorsque les circonstances le permettent et que les indivisaires sont en mesure d’assurer une gestion sereine et efficace du bien partagé.

==>La licitation

L’attribution préférentielle d’un bien indivis repose sur l’idée qu’un indivisaire peut en assurer la gestion de manière autonome et efficace tout en indemnisant équitablement les autres coïndivisaires. Toutefois, lorsque cette répartition s’avère impossible ou qu’aucun des postulants ne présente de garanties suffisantes pour assurer la continuité de l’exploitation, le juge peut être amené à ordonner la licitation du bien.

La licitation consiste en la vente du bien indivis, soit de manière amiable, soit aux enchères publiques, afin de répartir le produit entre les indivisaires selon leurs droits respectifs. Cette solution est généralement considérée comme un dernier recours, intervenant lorsque :

  • L’attribution préférentielle à un indivisaire ne permet pas d’indemniser équitablement les autres héritiers par le paiement d’une soulte, notamment en raison d’un déséquilibre patrimonial trop important ;
  • Le maintien en indivision risque d’engendrer des conflits de gestion insolubles, notamment lorsque les coïndivisaires sont en désaccord sur la gestion du bien ;
  • Le bien concerné ne peut être matériellement partagé et son exploitation conjointe est impraticable, comme c’est le cas d’un fonds de commerce détenu par d’anciens époux après leur divorce.

La Cour de cassation a validé cette approche dans une affaire où des époux divorcés revendiquaient chacun l’attribution préférentielle d’un fonds de commerce commun (Cass. 1re civ., 22 avr. 1981, n° 79-16.342). Dans cette affaire, les tensions entre les ex-époux rendaient toute gestion commune impossible et l’attribution à l’un d’eux aurait nécessité le versement d’une soulte d’un montant trop élevé. La cour d’appel avait donc décidé d’ordonner la licitation du fonds de commerce, estimant que cette solution permettrait de garantir une répartition équitable des valeurs patrimoniales et d’éviter un conflit prolongé entre les parties.

La Cour de cassation a validé cette analyse en considérant que la licitation faisait apparaître “dans l’intérêt des deux parties, la valeur réelle et non théorique du fonds de commerce“, permettant ainsi à chacun des ex-époux de faire valoir ses droits dans des conditions financières objectives. Elle a également précisé que cette décision relevait de l’appréciation souveraine des juges du fond, qui avaient examiné les intérêts en présence avant de statuer.

Dans une perspective plus large, la licitation peut apparaître comme un instrument essentiel de préservation de l’équilibre patrimonial. Elle permet d’éviter qu’un indivisaire ne s’arroge une position dominante au détriment des autres, en assurant une répartition équitable de la valeur patrimoniale du bien.

Toutefois, cette solution ne saurait être ordonnée qu’en dernier ressort. Le juge doit, avant d’y recourir, explorer toutes les alternatives susceptibles de concilier les intérêts en présence, telles que l’attribution conjointe ou la mise en place de mécanismes compensatoires, à l’instar d’un échelonnement du paiement de la soulte. Ce n’est que lorsque toute tentative d’attribution préférentielle risquerait de rompre l’équilibre financier entre les indivisaires ou de conduire à une impasse dans la gestion du bien que la licitation s’impose avec nécessité.

Opérations de partage: l’attribution des lots par tirage au sort

Dans le cadre du partage judiciaire, l’allotissement des copartageants repose, en principe, sur le tirage au sort. Ce mécanisme, consacré par l’article 1363 du Code de procédure civile, incarne l’idéal d’impartialité et d’équité dans la répartition des biens indivis. Lorsque les indivisaires ne parviennent pas à s’accorder sur l’attribution des lots, le recours au sort s’impose comme la solution la plus juste, car il écarte toute possibilité de favoritisme ou d’influence subjective. En laissant le hasard déterminer l’attribution, la procédure garantit une neutralité absolue, préservant ainsi l’égalité des droits entre les parties. 

§1: Le tirage au sort comme modalité d’attribution des lots

I) Principe

Le tirage au sort constitue le mode d’attribution des lots de principe dans le cadre d’un partage judiciaire. Consacré par l’article 1363 du Code de procédure civile, il vise à garantir l’impartialité et l’égalité entre les copartageants, en évitant que les attributions ne fassent l’objet de contestations liées à des considérations subjectives.

L’opération de tirage au sort intervient après que les biens indivis ont été évalués et regroupés en lots de valeurs égales ou compensées par des soultes (art. 826 C. civ.). Il convient de rappeler que cette procédure ne porte que sur l’attribution des lots, et non sur leur composition, laquelle relève d’une étape distincte préalable. 

Dans un arrêt du 11 mars 1986, la Cour de cassation a jugé en ce sens que le tirage au sort ne peut être utilisé pour résoudre des désaccords relatifs à la composition des lots, mais uniquement pour leur attribution, conformément aux dispositions des articles 834 du Code civil et 12, alinéa 1er, du Code de procédure civile (Cass. 1ère civ., 11 mars 1986, n°84-16.596).

En l’espèce, deux indivisaires possédaient en indivision un jardin d’une superficie de 220 mètres carrés. Afin de mettre fin à cette indivision, un expert judiciaire avait proposé deux solutions de partage, consistant en deux tracés différents d’une ligne séparative entre les parcelles. Les parties ne s’étant pas accordées sur l’un des tracés, la Cour d’appel avait ordonné un tirage au sort pour déterminer laquelle des deux propositions serait retenue.

La Haute juridiction a censuré cette décision, estimant qu’il incombait aux juges du fond, dès lors que le différend portait sur la composition des lots, de se prononcer en usant de leur pouvoir souverain d’appréciation. En optant pour un tirage au sort, ces derniers ont abdiqué la mission essentielle qui leur revient : apprécier, au regard des intérêts en présence, les avantages et inconvénients des tracés proposés par l’expert. La Cour de cassation a rappelé avec fermeté que le tirage au sort ne saurait être employé pour décider de la composition des lots, la loi réservant cette procédure à leur seule attribution. 

Aussi, ressort-il de cette décision une distinction essentielle entre la composition des lots, qui relève exclusivement du pouvoir souverain du juge ou de l’accord des parties, et leur attribution, laquelle peut, en vertu des dispositions légales, être effectuée par tirage au sort. Ce dernier, conçu comme une modalité impartiale, est strictement réservé à la répartition des lots déjà constitués, excluant tout recours à celui-ci au stade de la composition des lots. 

II) Tempéraments

Bien que le tirage au sort constitue le principe, cette modalité d’attribution des lots n’est pas sans limites. Le recours à ce procédé peut être écarté dans certaines hypothèses spécifiques, justifiées par la nature des biens, les circonstances particulières de l’affaire ou la volonté des parties.

==>La nature des biens partagés

Le tirage au sort est particulièrement pertinent lorsqu’il s’agit de répartir des biens corporels indivis en plusieurs lots de valeurs équivalentes. Cependant, lorsque la masse à partager se compose de biens aisément divisibles, tels que des sommes d’argent ou des créances, le recours à ce mécanisme devient inutile, voire superflu.

En effet, les sommes d’argent, en raison de leur nature fongible, peuvent être réparties en parts égales ou proportionnelles sans qu’il soit nécessaire d’en constituer des lots préalablement. Dans un arrêt rendu le 9 janvier 1996, la Cour de cassation a ainsi validé un partage portant uniquement sur des fonds indivis, effectué par simple répartition sans recours au tirage au sort (Cass. 1ère civ., 9 janv. 1996, n° 93-20.720). Il en est de même pour des créances, dont la valeur peut être attribuée proportionnellement aux droits des copartageants, dans le respect des règles de la liquidation.

==>L’inadéquation du tirage au sort

Le tirage au sort, bien que visant à garantir l’impartialité, peut être écarté dans certaines situations où son application stricte produirait des résultats inappropriés ou contraires à l’intérêt des parties. Dans un tel cas, il appartient au juge d’intervenir et de procéder lui-même à l’attribution des lots aux fins de préserver une répartition équitable et conforme aux droits des indivisaires. 

C’est ce qui a été décidé par la Cour de cassation dans un arrêt de la première chambre civile rendu le 28 novembre 2007 (Cass. 1ère civ., 28 nov. 2007, n° 06-18.490).

Dans cette affaire, une parcelle indivise cadastrée était située devant les propriétés respectives de deux branches familiales. Le tribunal avait ordonné le partage de la parcelle en deux lots de valeur égale, mais avait attribué chaque lot de façon à ce qu’il soit contigu à la propriété appartenant à la branche familiale concernée. Cette décision visait à éviter une attribution aléatoire qui aurait pu attribuer à chaque branche une parcelle située devant la propriété de l’autre, créant ainsi une situation potentiellement conflictuelle.

La Cour d’appel avait justifié cette dérogation au principe du tirage au sort en estimant que son application stricte risquait de produire des conséquences incohérentes et contraires à l’intérêt des indivisaires.

Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation a validé cette solution en affirmant que « la règle du tirage au sort prescrite par l’article 834 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, doit être écartée lorsque l’application qui en est demandée est constitutive d’un abus de droit ». La Haute juridiction a ainsi considéré qu’un tirage au sort, dans les circonstances de l’espèce, aurait conduit à « la dévolution, à chacune des deux branches, du lot situé devant la propriété de l’autre », donnant lieu à une situation inadéquate et, surtout source de conflits. 

En validant la décision de la Cour d’appel, la Cour de cassation a ainsi rappelé que le recours au tirage au sort, bien que consacré par la loi, n’est pas absolu. Lorsqu’il est susceptible de produire des effets manifestement inéquitables ou contraires à l’intérêt des parties, les juges du fond doivent faire usage de leur pouvoir d’appréciation pour garantir une répartition équitable et adaptée aux circonstances de l’espèce.

Ce tempérament au principe du tirage est susceptible de s’appliquer à d’autres situations où cette modalité d’attribution peut conduire à un résultat inapproprié. 

Supposons qu’un terrain agricole indivis doive être partagé entre deux indivisaires, chacun exploitant une partie distincte du terrain depuis plusieurs années. Si le tirage au sort attribuait à l’un des indivisaires la parcelle habituellement cultivée par l’autre, cela pourrait compromettre les investissements réalisés sur le terrain ou la viabilité de l’exploitation. Dans ce cas, le juge pourrait décider d’écarter le tirage au sort pour attribuer les parcelles en fonction de leur usage préexistant.

De la même manière, imaginons que deux maisons, situées sur des lots adjacents, soient liées par une servitude de passage. Si le tirage au sort attribue à l’un des indivisaires le lot comportant la maison principale, tandis que l’autre reçoit un lot ne permettant pas un accès aisé à la voie publique, cette répartition pourrait créer une situation déséquilibrée ou source de litiges. Le juge pourrait ici intervenir pour répartir les lots de manière à préserver l’accès et l’usage équilibré des biens.

Enfin, dans une indivision successorale, si un bien indivis, tel qu’une résidence familiale ou un objet à forte valeur sentimentale, est l’objet de préférences marquées de la part d’un héritier, un tirage au sort risquerait de susciter des tensions inutiles. Un juge pourrait privilégier une attribution spécifique, compensée par une soulte, pour éviter des conflits familiaux prolongés.

==>Les accords amiables entre les parties

Même dans le cadre d’un partage judiciaire, les copartageants conservent la faculté de s’accorder sur une répartition amiable des lots, conformément aux articles 835 et 842 du Code civil, ainsi qu’à l’article 1372 du Code de procédure civile. Cette faculté, qui reflète le primat de l’autonomie des volontés, permet d’éviter le recours au tirage au sort dès lors que les parties parviennent à un consensus respectant leurs droits respectifs.

Pour être valable, l’accord amiable doit toutefois respecter plusieurs conditions :

  • D’une part, tous les copartageants doivent tous consentir à la répartition des lots telle qu’elle est proposée. 
  • D’autre part, l’accord doit respecter les droits de chaque indivisaire, en garantissant notamment une égalité de valeur entre les lots attribué.
  • Enfin, l’accord doit être formalisé par écrit. Lorsqu’il concerne des biens soumis à publicité foncière, l’article 835 du Code civil impose qu’un acte authentique soit établi par un notaire. 

L’accord amiable présente plusieurs avantages, notamment sa souplesse. Il permet aux parties de tenir compte de leurs préférences personnelles et de la nature spécifique des biens indivis. Ce mécanisme est particulièrement utile lorsque les biens en indivision possèdent une valeur d’usage particulière pour l’un des copartageants, comme une résidence principale ou un bien familial d’importance symbolique. De plus, il permet de prévenir des conflits et d’éviter une procédure contentieuse, souvent coûteuse et émotionnellement éprouvante.

Dans un arrêt rendu le 15 mai 2008, la Cour de cassation a jugé en ce sens qu’un indivisaire n’ayant pas contesté les attributions proposées dans le cadre d’un projet de partage, mais uniquement les évaluations des biens, ne pouvait exiger le recours au tirage au sort (Cass. 1ère civ., 15 mai 2008, n° 07-16.226).

En l’espèce, les biens issus de la succession comprenaient des liquidités et deux immeubles situés à Lyon. Ces biens avaient été répartis par le notaire chargé du partage : les liquidités avaient été attribuées intégralement entre les copartageants, tandis que les immeubles avaient fait l’objet d’une répartition distincte, l’un étant attribué en totalité à une indivisaire, et l’autre étant partagé entre plusieurs indivisaires en nue-propriété et en usufruit. L’une des indivisaires avait alors contesté le projet de partage, non pas sur le principe des attributions, mais sur les évaluations des biens immobiliers, estimant que leur valeur, non réévaluée depuis le rapport d’expertise, n’était plus représentative au jour du partage. Elle soutenait en conséquence que les lots auraient dû être tirés au sort.

La Cour de cassation a rejeté cette argumentation, considérant que « l’attribution des lots proposée, dès lors qu’elle n’a pas été contestée dans son principe, dispense de procéder à un tirage au sort ». Selon la Haute juridiction, le litige portant uniquement sur les évaluations, et non sur le principe même des attributions, le tirage au sort des lots n’était pas requis. 

Cet arrêt illustre que le recours au tirage au sort, bien qu’il soit la règle de principe en matière de partage judiciaire, devient superflu dès lors que les copartageants ne contestent pas les attributions proposées. 

Cependant, l’accord amiable reste rare dans la pratique, en raison des fréquentes dissensions entre indivisaires. Lorsque l’unanimité fait défaut, le partage amiable devient impossible, et le recours au tirage au sort s’impose. De plus, dans certaines situations, notamment lorsque l’un des copartageants est, soit frappé d’une incapacité, soit présumé absent, le tirage au sort redevient obligatoire aux fins de préservation des intérêts de tous. Il est toutefois possible, dans ces hypothèses, de soumettre uniquement le lot de l’incapable au tirage au sort, les autres copartageants s’accordant sur la répartition du reste des biens.

Enfin, il convient de noter qu’en présence de désaccords sérieux, les parties peuvent également recourir à une transaction pour résoudre leurs différends. Encadrée par les articles 2044 et suivants du Code civil, la transaction permet de trouver un compromis tout en respectant les droits des parties protégées. Par exemple, une transaction homologuée par le conseil de famille ou le juge des tutelles peut permettre d’éviter le recours au tirage au sort dans les situations complexes impliquant des incapables.

Ainsi, bien qu’elle repose sur une unanimité souvent difficile à obtenir, la conclusion d’un accord amiable constitue une solution efficace et adaptée pour organiser un partage équitable, tout en évitant les aléas et les rigueurs d’un tirage au sort.

§2: La procédure d’attribution des lots par tirage au sort

I) La procédure simplifiée

La procédure simplifiée, régie par les articles 1359 à 1363 du Code de procédure civile, s’applique dans les situations où le partage des biens ne présente aucune complexité particulière. Elle est réservée aux hypothèses où la masse successorale est clairement définie, exempte de biens complexes, et où les indivisaires ne sont pas en désaccord sur les modalités de répartition.

Dans ce cadre, le tribunal judiciaire joue un rôle central. Il se charge de la constitution des lots et de leur évaluation, sans qu’il soit nécessaire de recourir à l’intervention d’un notaire. Lorsque le tirage au sort est requis, il est supervisé par le président du tribunal judiciaire ou son délégué, garantissant ainsi la transparence et l’équité des opérations. 

Tous les indivisaires sont convoqués afin d’assister aux opérations, leur présence étant essentielle pour la régularité de la procédure. Toutefois, si l’un d’eux fait défaut, le président du tribunal peut désigner un représentant chargé de préserver ses droits, en vertu des dispositions de l’article 1363 du Code de procédure civile.

Une fois le tirage au sort réalisé, le tribunal dresse un procès-verbal constatant les résultats des opérations. Ce document revêt une importance capitale, car il officialise l’attribution des lots et sert de fondement à l’acte de partage. Le jugement qui en résulte tient lieu d’acte de partage, scellant ainsi la répartition des biens de manière rapide et sécurisée.

Bien que cette procédure offre une simplicité procédurale et une certaine célérité, elle demeure peu utilisée en pratique. Cela s’explique par la préférence des parties pour des solutions amiables ou pour des partages supervisés par un notaire, jugés plus adaptés à la gestion de situations patrimoniales souvent complexes. En outre, la procédure simplifiée se limite aux cas où les biens à partager ne requièrent ni expertise particulière ni négociations, ce qui restreint son champ d’application.

II) La procédure sous supervision d’un notaire

Dans les hypothèses où les indivisaires s’accordent sur la composition des lots mais ne parviennent pas à s’entendre sur leur attribution, l’article 1363 du Code de procédure civile institue le recours à un tirage au sort, placé sous la supervision d’un notaire.

Le tribunal judiciaire intervient en amont pour désigner le notaire commis, chargé de superviser les opérations. Si la situation le requiert, le tribunal peut également ordonner une expertise préalable afin de procéder à l’évaluation des biens indivis, garantissant ainsi une répartition conforme aux droits de chaque copartageant. Une fois cette étape achevée, les lots constitués sont transmis au notaire, qui prend en charge l’organisation et la réalisation du tirage au sort.

Le tirage au sort est effectué lors d’une séance formelle convoquée par le notaire, en présence de tous les copartageants ou de leurs représentants. Le notaire veille au strict respect des principes de transparence et d’équité tout au long de l’opération. Le procédé peut revêtir différentes formes, qu’il s’agisse d’un tirage manuel, par exemple via des bulletins, ou d’un recours à des moyens électroniques modernes, pourvu que ces derniers garantissent une impartialité absolue et la sécurité juridique requise.

Une fois les lots attribués, le notaire dresse un procès-verbal constatant les résultats du tirage au sort. Celui-ci est alors intégré à l’acte authentique de partage que le notaire établit ensuite. Cet acte, qui met fin à l’indivision, est soumis aux formalités de publicité foncière si les biens attribués le requièrent, conformément aux exigences de l’article 835 du Code civil.

Bien que le notaire joue un rôle déterminant dans la phase finale de cette procédure, son intervention se limite à la supervision du tirage au sort et à la formalisation du partage. Il ne participe pas, sauf mission spécifique confiée par le tribunal ou les parties, à l’évaluation des biens ni à la constitution des lots.

III) La procédure longue sous supervision d’un juge commis

La procédure longue, régie par les articles 1364 à 1376 du Code de procédure civile, constitue le cadre procédural applicable lorsque les opérations de partage sont marquées par une certaine complexité ou par des désaccords persistants entre les indivisaires. Cette procédure donne lieu à la désignation d’un juge commis chargé de superviser les opérations de partage dont la réalisation est confiée à un notaire. 

En effet, le notaire liquidateur, désigné par le tribunal, est chargé des principales opérations techniques et préparatoires. Sa mission inclut l’évaluation des biens indivis, la liquidation des comptes entre les indivisaires et la constitution des lots en tenant compte des droits de chacun. Il établit ensuite un projet d’état liquidatif, qui détaille la composition et la valeur des lots. 

Une fois le projet finalisé, le notaire le transmet au juge commis, accompagné d’un éventuel procès-verbal de difficultés si des désaccords subsistent. Le juge commis, en tant que garant du bon déroulement de la procédure, a la faculté de tenter une conciliation entre les parties. En cas d’échec, il peut soumettre les points litigieux au tribunal judiciaire, qui tranchera définitivement.

En application de l’article 1375 du CPC, le tirage au sort, lorsqu’une attribution aléatoire des lots s’impose, est ordonné par le tribunal dans le jugement d’homologation. Cette opération, essentielle pour garantir l’impartialité de la répartition des lots peut être réalisée selon deux modalités :

  • Par le notaire liquidateur : si les différends entre les indivisaires ont été résolus ou s’ils n’entravent pas la régularité des opérations, le notaire procède au tirage au sort en présence des indivisaires ou de leurs représentants.
  • Par le juge commis ou son délégué : lorsque les désaccords persistent ou que la situation nécessite une intervention judiciaire, le tirage au sort est réalisé sous l’autorité directe du juge commis. Ce dernier supervise l’attribution des lots pour garantir la transparence et le respect des droits de chaque indivisaire.

Dans tous les cas, la présence des indivisaires ou de leurs représentants est requise pour garantir la régularité et la validité des opérations de tirage au sort, conformément aux dispositions des articles 1376 et 1363 du Code de procédure civile.

Lorsque le tirage au sort des lots est ordonné, l’article 1376 prévoit que, si un copartageant fait défaut, le juge commis dispose des pouvoirs conférés au président du tribunal judiciaire par l’article 1363, alinéa 2. En application de ce dernier texte, le président du tribunal judiciaire, ou son délégué, peut désigner un représentant pour l’indivisaire défaillant. Cette désignation peut intervenir d’office, si le tirage au sort a lieu devant le président lui-même, ou sur la base du procès-verbal transmis par le notaire en cas de carence.

Cette mesure vise à éviter que l’absence injustifiée d’un indivisaire ne paralyse le déroulement des opérations de partage. Le représentant désigné agit alors au nom et pour le compte du copartageant défaillant, garantissant ainsi que les droits de ce dernier soient respectés tout au long de la procédure. Par ailleurs, le représentant s’assure que les opérations se déroulent conformément aux principes d’impartialité et de transparence qui gouvernent le tirage au sort des lots.

En tout état de cause, à l’issue du tirage au sort, un procès-verbal est établi, consignant les résultats et les modalités de l’attribution. Ce document, validé par le tribunal, sert de fondement à l’acte authentique de partage que le notaire formalise. Si des biens immobiliers sont concernés, cet acte est soumis aux formalités de publicité foncière, en vertu de l’article 835 du Code civil. Ces formalités marquent l’extinction de l’indivision et assurent l’opposabilité du partage aux tiers.

Les alternatives au partage en nature: la division des biens comme moindre mal

Lorsque le recours à la soulte ne permet pas de rétablir l’équilibre entre les lots ou qu’il s’avère matériellement impossible d’attribuer certains biens indivis à un copartageant sans porter atteinte à l’égalité en valeur, la division matérielle des biens peut constituer une solution envisageable. Bien qu’elle soit loin d’être idéale, cette alternative peut apparaître comme le « moindre mal » dans des situations où le maintien de l’intégrité des biens indivis n’est ni économiquement justifiable ni juridiquement tenable.

Le morcellement des biens, tout en restant une opération délicate, peut alors se justifier dès lors qu’il permet d’éviter des solutions plus radicales, telles que la vente aux enchères. Toutefois, cette division doit être conduite avec prudence et discernement, afin de ne pas compromettre la valeur des actifs partagés ni les intérêts des copartageants.

==>La division acceptable des biens

La division matérielle des biens peut s’envisager dès lors que le morcellement n’entraîne pas une dépréciation excessive de leur valeur ou une perte d’utilité économique. Cette solution, bien que moins élégante que le partage en nature ou le recours à la soulte, peut se révéler appropriée dans certaines hypothèses concrètes.

Prenons l’exemple d’un terrain agricole de grande superficie, exploitable sous forme de plusieurs parcelles distinctes. Si chacune de ces parcelles présente une viabilité économique propre — c’est-à-dire qu’elle peut être exploitée de manière autonome sans perte significative de rendement — il est alors envisageable de les attribuer à différents copartageants. Une telle division permet d’éviter la vente forcée du terrain tout en respectant les droits de chacun.

De même, la répartition d’un portefeuille d’actions peut être envisagée lorsque chaque lot conserve une diversification adéquate. Dans cette hypothèse, la fragmentation du portefeuille ne porte pas atteinte à sa valeur intrinsèque ni à la capacité de chaque héritier de profiter d’un rendement équilibré. Il s’agit d’une solution pragmatique qui permet d’éviter le recours à des soultes trop importantes ou à une vente du portefeuille, qui pourrait être défavorable aux copartageants dans un contexte de marché défavorable.

En revanche, certains biens ne se prêtent pas à une division matérielle sans entraîner une perte significative de leur valeur ou de leur fonctionnalité. Il en va ainsi, par exemple, d’un immeuble d’habitation dont la division en plusieurs lots entraînerait des coûts de mise aux normes disproportionnés ou une dévalorisation globale du bien. Dans une telle situation, la division des biens ne saurait être retenue comme solution adéquate, et d’autres alternatives devront être envisagées.

==>Le rôle du juge dans l’appréciation du morcellement des biens

La division matérielle des biens indivis ne peut être réalisée sans un contrôle rigoureux du juge du partage, lequel joue un rôle central dans l’évaluation de l’opportunité d’un tel morcellement. Ce dernier doit s’assurer que la fragmentation des biens ne porte pas atteinte aux droits des copartageants ni à la valeur économique des actifs partagés.

Le pouvoir d’appréciation du juge en la matière est d’autant plus important que l’article 830 du Code civil invite à éviter la division des unités économiques ou des ensembles de biens dont le fractionnement entraînerait une dépréciation. Il revient donc au juge d’évaluer, au cas par cas, si la division matérielle envisagée est pertinente ou si elle risque de compromettre la viabilité économique des biens.

La Cour de cassation a rappelé, dans un arrêt du 22 janvier 1985, que la division des biens devait être préférée à la licitation dès lors qu’elle permettait de préserver une partie de leur valeur économique (Cass. 1ère civ., 22 janvier 1985, n°83-12.994). Cet arrêt illustre parfaitement le rôle du juge dans la recherche d’un équilibre entre le respect des droits des copartageants et la préservation des actifs partagés.

En l’espèce, la Première chambre civile a censuré une décision de licitation prononcée par une cour d’appel, au motif que la division matérielle des biens, bien qu’imparfaite, aurait permis de constituer des lots équilibrés tout en évitant une vente aux enchères préjudiciable. La Haute juridiction a ainsi réaffirmé que la licitation devait être envisagée en dernier recours, lorsqu’aucune autre solution ne permet de garantir un partage équitable.

Le contrôle exercé par le juge sur le morcellement des biens répond à une logique de pragmatisme. Il s’agit d’éviter des solutions excessives ou disproportionnées, tout en veillant à ce que les droits des copartageants soient respectés. Le juge doit également s’assurer que la division des biens ne crée pas de nouvelles sources de contentieux, en prenant soin d’apprécier l’impact économique du morcellement sur les lots constitués.

Prenons l’exemple d’une exploitation viticole composée de plusieurs parcelles. Si la division de ces parcelles permet de constituer des lots cohérents, chacun conservant une capacité de production autonome, le juge pourra valider la répartition proposée. En revanche, si la division implique la fragmentation de l’unité de production — par exemple, en séparant les parcelles des installations de vinification — le juge pourrait refuser le morcellement au motif qu’il compromet la viabilité économique de l’exploitation.

==>L’appréciation du caractère inopportun du morcellement

Le caractère inopportun d’une division matérielle des biens s’apprécie au regard de plusieurs critères : la dépréciation potentielle du bien, les coûts engendrés par la division, et l’impact sur l’utilité économique du bien attribué. À cet égard, le juge dispose d’une grande liberté d’appréciation, mais doit motiver sa décision par des éléments concrets et pertinents.

L’article 830 du Code civil invite à éviter la division des ensembles de biens lorsque celle-ci entraîne une dépréciation notable. Il en résulte que la division doit être écartée si elle engendre une perte de valeur significative ou des frais disproportionnés. Le juge doit ainsi rechercher un juste équilibre entre les droits des copartageants et la préservation des actifs partagés.

En somme, la division matérielle des biens constitue une solution de compromis, qui ne peut être retenue que si elle permet de préserver une part significative de la valeur économique des actifs partagés. Elle doit être envisagée avec précaution, sous le contrôle vigilant du juge, afin de garantir que le partage demeure équitable et respecte les droits de chacun des copartageants.

Opérations de partage: les alternatives au partage en nature

Le partage des biens indivis doit répondre à une double exigence d’équité et de préservation économique. Si la priorité est donnée au partage en nature, il arrive que les circonstances rendent cette solution difficilement praticable. Le Code civil prévoit alors des mécanismes alternatifs permettant d’assurer une répartition juste entre les copartageants, tout en tenant compte des contraintes matérielles et économiques.

La démarche à suivre pour constituer les lots repose ainsi sur une logique progressive : il convient d’abord de rechercher si l’égalité entre les copartageants peut être atteinte par un partage en nature. En cas de difficulté, plusieurs alternatives s’offrent au juge ou aux parties, allant de l’ajustement par le biais de soultes jusqu’à la licitation des biens.

Nous nous focaliserons ici sur le cas où le partage en nature s’avère impossible ou préjudiciable. Dans cette hypothèse, trois solutions alternatives peuvent être envisagées : le recours à la soulte, la division des biens comme moindre mal, ou la licitation.

A) Première alternative : le recours à la soulte pour rétablir l’égalité en valeur

Lorsque les biens à partager présentent des disparités de valeur, l’égalité parfaite en nature devient une entreprise délicate, parfois même impossible à réaliser sans porter atteinte à l’intégrité des biens attribués. Afin de remédier à cette difficulté, le législateur a prévu un mécanisme correctif indispensable : la soulte.

Consacrée au quatrième alinéa de l’article 826 du Code civil, la soulte permet de compenser les écarts de valeur entre les lots attribués aux copartageants, tout en préservant la substance des biens indivis. Loin d’être une mesure accessoire, elle s’impose comme un véritable « levier d’équité » dans la recherche d’un partage équilibré, évitant ainsi de recourir à des solutions plus radicales, telles que la division matérielle des biens ou leur licitation.

Le principe d’égalité en valeur, énoncé par le Code civil, impose que chaque héritier reçoive un lot correspondant à ses droits dans l’indivision. Cependant, la nature des biens — immeubles, fonds de commerce, titres financiers ou encore objets d’art — ne permet pas toujours d’assurer une répartition parfaitement proportionnée. C’est précisément pour combler ces écarts que la soulte intervient, en permettant d’ajuster la valeur des lots par le versement d’une compensation financière.

La soulte offre ainsi une solution pragmatique et souple, conciliant les exigences d’égalité avec la préservation des unités économiques. Toutefois, son recours est strictement encadré par le législateur, afin de garantir qu’elle demeure proportionnée à l’écart réel entre les lots et qu’elle ne porte atteinte ni aux droits ni aux intérêts des copartageants.

==>Définition et nature de la soulte

La soulte est une somme d’argent destinée à compenser une inégalité de valeur entre les lots attribués aux copartageants dans le cadre d’un partage. Cette inégalité peut résulter de la nature des biens indivis, qui ne se prêtent pas toujours à une division en parts de valeur identique. Dès lors, la soulte permet de rétablir l’équilibre en valeur entre les lots, conformément au principe énoncé à l’article 826 du Code civil, selon lequel « l’égalité dans le partage est une égalité en valeur ».

  • Une créance indissociable du partage
    • La soulte ne peut voir le jour qu’au moment du partage.
    • Contrairement aux dettes qui précèdent le partage, la soulte naît exclusivement lors de l’opération de répartition des biens indivis. 
    • Michel Grimaldi insiste sur ce point en précisant que « la soulte ne peut naître que du partage lui-même, puisque c’est à cette date seulement que les biens sont évalués et que peut être alors constatée et mesurée l’inégalité qu’elle a pour objet de compenser ».
    • Cette nature spécifique de la soulte emporte plusieurs conséquences :
      • Première conséquence
        • La soulte ne peut être prévue à titre provisionnel avant le partage. 
        • Il est impossible d’anticiper son montant ou d’en exiger le paiement avant la réalisation effective du partage. 
        • Cette impossibilité découle du fait que l’inégalité qu’elle vise à compenser ne peut être constatée qu’une fois les biens indivis évalués et les lots constitués.
      • Seconde conséquence
        • La soulte est une créance liquidée au moment du partage.
        • Elle devient exigible dès que le partage est devenu définitif, sauf si les parties conviennent d’un délai de paiement. 
        • En cas d’accord, le paiement peut être différé, notamment pour tenir compte des contraintes financières du débiteur de la soulte.
  • Une créance distincte des dettes antérieures au partage
    • La soulte doit être clairement distinguée des dettes préexistantes à l’opération de partage.
    • Alors que les dettes antérieures concernent les rapports juridiques établis avant la dissolution de l’indivision, la soulte est exclusivement liée à la répartition des biens.
    • Comme le précise Philippe Malaurie, « la soulte constitue une dette nouvelle, née du partage, et non la prolongation d’une obligation antérieure. Sa finalité est d’assurer une stricte égalité en valeur entre les copartageants ».
    • À titre d’exemple, imaginons une masse successorale composée d’un bien immobilier unique d’une valeur de 500 000 euros, attribué à un seul héritier en raison de son caractère indivisible. 
    • Si cet héritier possède des droits successoraux limités à 300 000 euros, il devra verser une soulte de 200 000 euros aux autres copartageants afin de rétablir l’égalité en valeur.

==>Conditions de la soulte

La constitution d’une soulte répond à une finalité précise : rétablir l’égalité en valeur entre les copartageants lorsque la répartition en nature des biens indivis ne permet pas de respecter les droits de chacun. Ce mécanisme, loin d’être automatique, n’intervient que sous certaines conditions encadrées par le Code civil, notamment par l’article 826, alinéa 4, qui dispose que « si la consistance de la masse ne permet pas de former des lots d’égale valeur, leur inégalité se compense par une soulte ».

Cette règle traduit une volonté du législateur d’assurer une répartition juste et équitable entre les héritiers, tout en tenant compte des contraintes pratiques liées à la nature des biens indivis. Toutefois, la constitution d’une soulte ne doit pas être envisagée comme une solution systématique, mais plutôt comme un correctif exceptionnel destiné à garantir l’équilibre des opérations de partage.

En pratique, la soulte est principalement justifiée lorsque les biens indivis sont des actifs indivisibles ou difficiles à fractionner en lots de valeur équivalente. Cette situation se rencontre fréquemment dans les successions comprenant des biens immobiliers, des œuvres d’art, des entreprises familiales ou des terrains agricoles.

Prenons l’exemple d’un bien immobilier unique, tel qu’une maison d’une valeur de 400 000 euros. Si les héritiers sont trois, avec des droits successoraux différents — le père ayant droit à 1/4 de la masse et les deux frères à 3/8 chacun —, la répartition en nature se révélera complexe, voire impossible. La maison ne pouvant être divisée matériellement en plusieurs lots, le bien sera attribué à un seul copartageant, et une soulte sera versée aux autres pour compenser l’inégalité de valeur entre les lots.

Cet exemple illustre le caractère correctif de la soulte. Il est essentiel de rappeler que celle-ci n’intervient qu’en dernier recours, lorsqu’il est impossible de constituer des lots d’égale valeur en nature. Comme le souligne le professeur Philippe Malaurie, « le principe fondamental reste le partage en nature des biens indivis, la soulte n’étant qu’un mécanisme subsidiaire destiné à corriger les déséquilibres qui peuvent apparaître lors de la composition des lots ».

La soulte ne saurait être perçue comme une solution légale systématique. Son adoption suppose la démonstration d’une inégalité de valeur entre les lots attribués, laquelle ne peut être corrigée autrement que par le versement d’une compensation monétaire.

Le professeur Alain Sériaux insiste sur le caractère exceptionnel de ce mécanisme : « le partage en nature des biens entre tous les copartageants reste de principe. Les cas où une soulte est nécessaire doivent demeurer exceptionnels, afin de préserver l’intégrité des biens partagés et d’éviter leur morcellement excessif ».

Cette observation trouve une résonance particulière dans le contexte des successions comportant des biens patrimoniaux spécifiques. Par exemple, l’attribution préférentielle d’une entreprise familiale ou d’un fonds de commerce à l’un des héritiers peut nécessiter le versement d’une soulte aux autres copartageants. Toutefois, cette solution doit être encadrée pour éviter les effets pervers d’une « pulvérisation » du patrimoine, qui pourrait nuire à sa valeur économique globale.

L’article 826 du Code civil précise à cet égard que la soulte n’intervient que lorsque « la consistance de la masse ne permet pas de former des lots d’égale valeur ». Le législateur n’a donc pas entendu encourager une approche systématique du mécanisme, mais a plutôt cherché à en limiter l’usage aux situations où le partage en nature se révèle matériellement impossible ou économiquement inefficace.

L’objectif ultime de la constitution de soultes est d’assurer une stricte égalité en valeur entre les copartageants. Cependant, il convient de rappeler que cette égalité ne signifie pas nécessairement une répartition en nature parfaite. Comme le rappelle régulièrement la Cour de cassation, l’égalité dans le partage est une égalité en valeur et non en nature » (Cass. 1ère civ., 15 sept. 2021, n°19-24.014).

Le législateur a introduit ce principe pour concilier les exigences du droit de l’indivision avec les contraintes économiques et pratiques inhérentes au partage des biens indivis. L’objectif est de garantir une équité entre les copartageants, tout en évitant des situations de blocage ou des morcellements excessifs des biens partagés.

À titre d’exemple, une succession comprenant plusieurs biens de nature différente — un appartement, une collection d’œuvres d’art, et un portefeuille d’actions — pourrait conduire à une répartition inégale en valeur si l’un des héritiers reçoit le bien immobilier, tandis que les autres se voient attribuer des biens moins facilement monétisables. Dans ce cas, la soulte viendra compenser cet écart de valeur, afin que chaque copartageant reçoive un lot correspondant à ses droits dans l’indivision.

Bien que la soulte soit un outil précieux pour rétablir l’égalité en valeur, le principe prépondérant demeure le partage en nature. Le législateur et la jurisprudence veillent à préserver autant que possible l’intégrité des biens partagés, afin d’éviter leur dispersion ou leur liquidation forcée.

Comme le rappelle le professeur Catala, « le partage en nature des biens est la règle, car il permet de préserver la substance des patrimoines familiaux, tout en respectant les volontés des défunts et les intérêts des héritiers ».

Cependant, dans certaines situations, l’attribution préférentielle de certains biens à un héritier peut justifier le recours à une soulte. Par exemple, un héritier qui exploite déjà une exploitation agricole ou dirige une entreprise familiale peut se voir attribuer ce bien en priorité, afin d’assurer la continuité de son activité. Dans ce cas, le paiement d’une soulte aux autres héritiers permettra de compenser l’écart de valeur entre les lots, tout en respectant l’intérêt général de la famille.

==>Paiement de la soulte

Le paiement de la soulte constitue une étape essentielle des opérations de partage. Il intervient généralement au moment même de la répartition des biens indivis afin de rétablir l’égalité en valeur entre les lots attribués aux copartageants. 

Toutefois, la rigueur de ce principe connaît plusieurs aménagements, permettant d’adapter les modalités de paiement aux spécificités de la situation patrimoniale ou aux capacités financières du débiteur de la soulte. 

Ces aménagements visent à concilier les impératifs d’équité successorale avec les réalités économiques des héritiers.

  • Le paiement immédiat de la soulte
    • En principe, la soulte doit être payée au moment de la réalisation du partage, sous la supervision du notaire chargé d’instrumenter l’acte de partage. 
    • Ce paiement immédiat garantit une exécution complète et définitive des opérations de répartition, évitant ainsi toute contestation ultérieure.
    • Le paiement peut être effectué en numéraire, par le versement d’une somme d’argent équivalente à la différence de valeur entre les lots, ou sous la forme d’une compensation entre les lots. 
    • Cette dernière modalité de paiement peut être envisagée lorsque le débiteur de la soulte dispose d’un actif liquide ou d’un droit à percevoir une somme d’argent dans le cadre du partage. 
    • Par exemple, si un copartageant reçoit un bien immobilier excédant la valeur de ses droits dans l’indivision, il peut compenser cet excédent en renonçant à une créance incluse dans la masse partageable.
    • Cependant, il convient d’attirer l’attention sur les risques juridiques liés à un paiement effectué hors comptabilité notariale. 
    • Si le créancier de la soulte délivre une quittance indiquant que la somme a été réglée sans que le notaire en ait la preuve formelle, les règles strictes de la preuve par écrit s’imposeront en cas de litige. 
    • La Cour de cassation a ainsi rappelé que « l’allégation d’un aveu extrajudiciaire purement verbal est inutile toutes les fois qu’il s’agit d’une demande dont la preuve testimoniale ne serait point admissible » (Cass. 1ère civ., 9 mai 2019, n°18-10.885). Par cette décision, la Haute juridiction réaffirme le caractère probant de la quittance délivrée hors comptabilité notariale, tout en soulignant que seule une preuve écrite peut en contredire le contenu.
    • L’affaire soumise aux juges portait sur une donation-partage aux termes de laquelle l’une des héritières avait reçu un lot assorti d’une soulte à verser à ses cohéritiers. 
    • Ces derniers avaient initialement délivré une quittance reconnaissant avoir perçu les sommes dues hors comptabilité notariale, avant de se rétracter en alléguant que le paiement n’avait jamais été effectué.
    • Ils invoquaient à l’appui de leur demande un aveu extrajudiciaire verbal de leur sœur, reconnaissant le non-paiement des soultes. 
    • La Cour de cassation a censuré cette argumentation, jugeant qu’un tel aveu ne pouvait suffire à remettre en cause la quittance initiale, faute d’être corroboré par une preuve écrite conforme aux exigences légales.
    • Cette solution met en lumière l’importance d’une traçabilité rigoureuse des paiements dans le cadre des opérations de partage, en particulier lorsqu’une soulte est due.
    • Le paiement d’une soulte, bien qu’effectué hors comptabilité notariale, doit être constaté par des documents écrits. 
    • En pratique, il est fortement recommandé de formaliser le paiement dans l’acte de partage lui-même ou, à tout le moins, de conserver des preuves écrites telles qu’un reçu signé par le créancier ou une attestation de paiement délivrée par le notaire. Cette précaution permet d’éviter toute difficulté probatoire ultérieure et de prévenir les contestations portant sur la réalité du paiement.
    • En l’absence de preuve écrite, les créanciers d’une soulte s’exposent à des difficultés probatoires considérables, rendant toute revendication ultérieure particulièrement hasardeuse. 
    • La quittance initiale conserve alors toute sa valeur libératoire et protège efficacement le débiteur de la soulte contre les risques de remise en cause du partage.
    • L’arrêt du 9 mai 2019 incite ainsi les praticiens à une vigilance accrue lors de la formalisation des paiements intervenant dans le cadre d’un partage. 
    • À défaut d’une traçabilité suffisante, les créanciers pourraient se retrouver dans une situation irréversible, privés de tout recours en l’absence de preuve écrite admissible.
  • Le paiement différé de la soulte
    • Le législateur a prévu la possibilité d’aménager les modalités de paiement de la soulte, notamment en autorisant son paiement différé, afin de répondre aux réalités économiques des copartageants. 
    • Cette possibilité permet d’éviter une situation où le débiteur de la soulte, bien que propriétaire d’un lot de valeur, ne dispose pas immédiatement des liquidités nécessaires pour régler la somme due.
    • Cette faculté est particulièrement utile dans le cadre des donations-partages avec réserve d’usufruit, où un copartageant se voit attribuer un bien en nue-propriété, tandis que l’usufruit est conservé par le donateur jusqu’à son décès. 
    • Dans une telle configuration, il apparaît équitable que le paiement de la soulte soit différé jusqu’à la consolidation des droits de propriété complète, c’est-à-dire au décès de l’usufruitier.
    • L’article 828 du Code civil encadre cette faculté en permettant de prévoir un délai de paiement de la soulte, lequel peut être stipulé dans l’acte de partage avec l’accord de toutes les parties concernées.
    • À cet égard, un auteur souligne que « lorsque le débiteur de la soulte se trouve privé de la jouissance de son lot, parce qu’alloti en nue-propriété, il apparaît équitable de stipuler la soulte payable à terme, soit, en pratique, au décès du donateur ».
    • Imaginons une donation-partage effectuée par un parent au profit de ses trois enfants. L’actif indivis comprend une maison d’une valeur de 600 000 euros, attribuée à l’aîné en nue-propriété, tandis que le parent conserve l’usufruit jusqu’à son décès. Les deux autres enfants reçoivent des biens mobiliers d’une valeur totale de 400 000 euros. Afin de rétablir l’égalité en valeur entre les lots, l’aîné doit verser une soulte de 100 000 euros à ses frères et sœurs.
    • Toutefois, comme l’aîné ne dispose pas immédiatement des liquidités nécessaires, il est convenu que le paiement de la soulte interviendra au décès du parent usufruitier. 
    • Cette solution permet d’éviter une vente forcée du bien immobilier pour régler la soulte et garantit que le débiteur de la soulte pourra en disposer pleinement une fois son droit de propriété consolidé.
    • Cette possibilité d’aménagement du paiement de la soulte de façon différée a été rappelé à plusieurs reprise par la jurisprudence.
    • Par exemple, la Cour de cassation a jugé que la stipulation d’un délai de paiement n’affecte pas la nature juridique de la soulte, qui reste une créance née du partage, mais en adapte simplement l’exigibilité (Cass. 1ère civ., 30 nov. 1982, n°81-15.519).
      • Ella a ainsi cassé une décision d’appel qui avait annulé une donation-partage au motif qu’un des copartageants avait été alloté sous forme d’une soulte payable six mois après le décès du donateur.
      • Dans cette affaire, la Cour d’appel de Grenoble avait considéré qu’une soulte différée, non immédiatement exigible et non productive d’intérêts, ne pouvait être qualifiée de « bien présent », condition requise par l’article 1076 du Code civil pour les donations-partages. 
      • Cette analyse avait conduit les juges du fond à conclure que l’allotissement sous forme de soulte différée ne répondait pas aux exigences légales.
      • La Cour de cassation a censuré cette interprétation, rappelant que la soulte, même différée dans son paiement, constitue une créance certaine au bénéfice du copartageant auquel elle est attribuée. 
      • Elle a précisé que le fait de reporter l’exigibilité de la soulte à une date postérieure au partage – en l’espèce, six mois après le décès du donateur – n’affecte pas sa nature juridique de créance née du partage, mais constitue une simple adaptation des modalités de paiement. 
      • La Première chambre civile a également rappelé que la soulte pouvait, le cas échéant, être révisée en fonction des variations économiques, en application des dispositions des articles 833-1 et 1075-2 du Code civil.
      • Cette solution met en lumière la distinction qu’il y a lieu de faire entre la naissance de la créance, qui intervient au moment du partage, et son exigibilité, qui peut être différée par accord entre les parties ou en raison de circonstances particulières, notamment dans le cadre des donations-partages avec réserve d’usufruit. 
      • Comme l’a souligné le professeur Michel Grimaldi, « la soulte ne peut naître que du partage lui-même, mais son paiement peut être adapté aux circonstances, afin de garantir à chaque copartageant une répartition équilibrée des biens, tout en tenant compte des contraintes financières de chacun ».
      • Dans cette perspective, il est recommandé que les délais de paiement des soultes soient formalisés dans l’acte de partage afin de prévenir tout risque de contentieux ultérieur. 
      • La stipulation d’une attestation de paiement délivrée par le notaire ou la conservation d’une quittance signée par le créancier constitue une garantie supplémentaire pour le débiteur de la soulte. 
      • Cette formalisation est d’autant plus nécessaire que les paiements différés peuvent faire l’objet d’une révision en cas de variation significative de la valeur des biens indivis, comme le prévoit l’article 828 du Code civil.
      • L’arrêt du 30 novembre 1982 illustre ainsi la souplesse offerte par le législateur en matière de paiement des soultes, permettant de concilier les exigences d’une répartition équitable et les réalités économiques des copartageants.

==>Révision de la soulte

Le paiement différé d’une soulte n’est pas sans risque. Entre le moment du partage et celui du règlement effectif, des fluctuations économiques peuvent significativement affecter la valeur des biens attribués. Pour garantir une répartition équitable malgré ces variations, le législateur a prévu, à l’article 828 du Code civil, la possibilité de réviser le montant des soultes lorsque celles-ci sont payables à terme.

Cette révision vise à ajuster le montant de la soulte en fonction des évolutions du marché, qu’il s’agisse d’une hausse ou d’une baisse de la valeur des biens composant le lot du débiteur de la soulte. Ce mécanisme assure ainsi une forme de pérennité de l’équilibre économique du partage, en évitant que l’un des copartageants ne bénéficie, à terme, d’un avantage ou ne subisse un préjudice injustifié en raison des circonstances économiques.

La révision d’une soulte payable à terme n’est toutefois pas automatique. Elle n’est envisageable que si deux conditions cumulatives sont réunies :

  • Une variation de valeur de plus du quart
    • L’article 828 du Code civil exige que la valeur des biens attribués au débiteur de la soulte augmente ou diminue de plus de 25 % entre le jour du partage et celui du paiement effectif. 
    • Une variation moindre ne justifierait pas un réajustement, le législateur ayant institué ce seuil afin d’éviter des révisions systématiques.
  • Une variation imputable aux circonstances économiques
    • Seules les fluctuations de valeur résultant de facteurs économiques extérieurs sont prises en compte pour la révision de la soulte.
    • Les variations dues à l’activité personnelle du débiteur, telles que des travaux d’amélioration réalisés sur le bien ou une gestion particulièrement fructueuse d’un actif, ne peuvent être retenues.
    • Comme le souligne Pierre Catala, « seules les variations de valeur dues aux circonstances économiques peuvent justifier une révision de la soulte. Les variations résultant de l’activité personnelle du débiteur ne doivent pas être prises en compte ».
    • Cette exigence permet de préserver la logique du partage : les copartageants doivent bénéficier des évolutions économiques générales, mais ne peuvent réclamer une révision fondée sur des choix ou des actions individuelles du débiteur.

Lorsque les conditions de révision sont réunies, le montant de la soulte doit être ajusté proportionnellement à la variation de valeur du bien. Ce mécanisme s’applique aussi bien en cas d’augmentation que de diminution de la valeur des biens attribués.

Prenons un exemple concret pour illustrer ce mécanisme. Imaginons qu’un bien immobilier soit attribué à un copartageant pour une valeur de 400 000 euros, avec une soulte de 50 000 euros à verser dans les cinq ans. Si, à l’échéance, la valeur de ce bien a augmenté à 550 000 euros en raison de l’évolution du marché immobilier, le montant de la soulte devra être ajusté à la hausse afin de rétablir l’équilibre entre les copartageants. 

À l’inverse, si la valeur du bien diminue de manière significative pendant cette période, la soulte devra être révisée à la baisse, sauf clause contraire insérée dans l’acte de partage. Ce mécanisme vise à préserver l’équité successorale en tenant compte des évolutions économiques postérieures au partage.

Cette faculté de révision, introduite par la réforme de 2006, trouve son fondement dans des dispositions antérieures, notamment les anciens articles 833-1 et 1075-2 du Code civil. La très grande proximité des régimes anciens et actuels a conduit la jurisprudence à conserver la pertinence de ses décisions rendues sous l’empire du droit ancien. Ainsi, la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 19 février 1980, que les dispositions prévoyant la révision de la soulte s’appliquent lorsque celle-ci est stipulée payable à terme. Dans cette affaire, une soulte devait être versée six mois après le décès des ascendants donateurs. La Cour a souligné que la révision permet de protéger le créancier de la soulte contre les risques économiques liés au report de son paiement (Cass. 1ère civ., 19 févr. 1980, n°78-14.927).

La jurisprudence a également précisé le domaine de la soulte révisable. Dans un arrêt du 30 novembre 1982, la Cour de cassation a validé une soulte attribuée à un donataire copartagé, sous la forme d’une créance certaine dont l’exigibilité était reportée à la date du décès du disposant. La Haute juridiction a rappelé que la nature juridique de la soulte reste inchangée, même si son paiement est différé. L’arrêt précise que la révision est possible dans ce cas, afin d’ajuster le montant de la soulte aux fluctuations économiques intervenues avant le paiement effectif (Cass. 1ère civ., 30 nov. 1982, n°81-15.519).

Plus récemment, dans un arrêt du 14 mai 2014, la Haute juridiction a étendu le domaine de la révision aux prix de licitation. Lorsqu’un bien indivis est attribué à un copartageant à l’issue d’une vente par licitation, le prix convenu est assimilé à une soulte. Si la valeur du bien évolue de plus du quart entre le moment de la licitation et le paiement du prix, celui-ci doit être ajusté en application des dispositions de l’article 828 du Code civil (Cass. 1ère civ., 14 mai 2014, n°13-10.830).

Cette jurisprudence démontre que le mécanisme de révision des soultes dépasse le cadre des simples partages successoraux pour s’étendre à d’autres situations patrimoniales, comme les donations-partages avec réserve d’usufruit ou les licitations. 

Toutefois, le champ d’application de la révision reste strictement encadré. Seules les fluctuations économiques intervenues avant l’échéance contractuelle peuvent justifier une révision. À cet égard, la Cour de cassation a rappelé, dans un arrêt du 30 mars 2004, que la révision de la soulte payable à terme ne peut être envisagée que si la variation de la valeur des biens attribués au débiteur dépasse le quart entre la date du partage et celle de l’échéance prévue pour le paiement de la soulte (Cass. 1re civ., 30 mars 2004, n°01-14.542).

Dans cette affaire, un copartageant avait reçu plusieurs lots de copropriété moyennant le versement d’une soulte payable entre février et août 1988. N’ayant procédé qu’à un paiement partiel en 1990, le créancier a sollicité une revalorisation de la soulte sur le fondement de l’ancien article 833-1 du Code civil. La cour d’appel a accueilli cette demande, en considérant que la variation de la valeur devait être appréciée sur toute la période écoulée jusqu’à l’introduction de la demande judiciaire. Cette analyse a été censurée par la Cour de cassation, qui a précisé que la révision ne pouvait prendre en compte que les fluctuations survenues avant l’échéance contractuelle.

Cette solution illustre la nécessité de respecter les termes de l’accord initial conclu entre les copartageants, tout en tenant compte des évolutions économiques survenues avant le paiement de la soulte. La distinction entre la naissance de la créance, qui intervient au moment du partage, et son exigibilité différée permet d’assurer une sécurité juridique accrue aux opérations de partage.

Enfin, la révision des soultes s’applique également aux libéralités-partages. L’article 1075-4 du Code civil prévoit que les dispositions de l’article 828 sont applicables aux soultes mises à la charge des donataires, « nonobstant toute convention contraire ». Cette règle prohibe toute clause excluant la révision de la soulte dans les donations-partages. Toutefois, la Cour de cassation a précisé que cette interdiction s’applique uniquement aux clauses stipulées dans les actes de donation-partage. Une convention conclue entre les donataires après la mort des ascendants donateurs reste valable, même si elle déroge au principe de révision (Cass. 1re civ., 19 janv. 1982, n°81-10.608).

Ce mécanisme de révision n’est pas sans rappeler les dispositions encadrant le paiement différé des soultes. Lorsque le paiement d’une soulte est reporté à une date ultérieure, il est essentiel que les parties prévoient dans l’acte de partage les conditions de ce paiement et, le cas échéant, les modalités d’ajustement du montant de la soulte. Par exemple, dans le cadre d’une donation-partage avec réserve d’usufruit, un copartageant peut recevoir un bien en nue-propriété tandis que le donateur conserve l’usufruit jusqu’à son décès. Dans une telle situation, il est fréquent de reporter le paiement de la soulte au décès de l’usufruitier. Cette solution permet de préserver les intérêts du débiteur de la soulte en évitant une vente forcée du bien pour régler immédiatement la somme due.

B) Deuxième alternative : la division des biens comme moindre mal

Lorsque le recours à la soulte ne permet pas de rétablir l’équilibre entre les lots ou qu’il s’avère matériellement impossible d’attribuer certains biens indivis à un copartageant sans porter atteinte à l’égalité en valeur, la division matérielle des biens peut constituer une solution envisageable. Bien qu’elle soit loin d’être idéale, cette alternative peut apparaître comme le « moindre mal » dans des situations où le maintien de l’intégrité des biens indivis n’est ni économiquement justifiable ni juridiquement tenable.

Le morcellement des biens, tout en restant une opération délicate, peut alors se justifier dès lors qu’il permet d’éviter des solutions plus radicales, telles que la vente aux enchères. Toutefois, cette division doit être conduite avec prudence et discernement, afin de ne pas compromettre la valeur des actifs partagés ni les intérêts des copartageants.

==>La division acceptable des biens

La division matérielle des biens peut s’envisager dès lors que le morcellement n’entraîne pas une dépréciation excessive de leur valeur ou une perte d’utilité économique. Cette solution, bien que moins élégante que le partage en nature ou le recours à la soulte, peut se révéler appropriée dans certaines hypothèses concrètes.

Prenons l’exemple d’un terrain agricole de grande superficie, exploitable sous forme de plusieurs parcelles distinctes. Si chacune de ces parcelles présente une viabilité économique propre — c’est-à-dire qu’elle peut être exploitée de manière autonome sans perte significative de rendement — il est alors envisageable de les attribuer à différents copartageants. Une telle division permet d’éviter la vente forcée du terrain tout en respectant les droits de chacun.

De même, la répartition d’un portefeuille d’actions peut être envisagée lorsque chaque lot conserve une diversification adéquate. Dans cette hypothèse, la fragmentation du portefeuille ne porte pas atteinte à sa valeur intrinsèque ni à la capacité de chaque héritier de profiter d’un rendement équilibré. Il s’agit d’une solution pragmatique qui permet d’éviter le recours à des soultes trop importantes ou à une vente du portefeuille, qui pourrait être défavorable aux copartageants dans un contexte de marché défavorable.

En revanche, certains biens ne se prêtent pas à une division matérielle sans entraîner une perte significative de leur valeur ou de leur fonctionnalité. Il en va ainsi, par exemple, d’un immeuble d’habitation dont la division en plusieurs lots entraînerait des coûts de mise aux normes disproportionnés ou une dévalorisation globale du bien. Dans une telle situation, la division des biens ne saurait être retenue comme solution adéquate, et d’autres alternatives devront être envisagées.

==>Le rôle du juge dans l’appréciation du morcellement des biens

La division matérielle des biens indivis ne peut être réalisée sans un contrôle rigoureux du juge du partage, lequel joue un rôle central dans l’évaluation de l’opportunité d’un tel morcellement. Ce dernier doit s’assurer que la fragmentation des biens ne porte pas atteinte aux droits des copartageants ni à la valeur économique des actifs partagés.

Le pouvoir d’appréciation du juge en la matière est d’autant plus important que l’article 830 du Code civil invite à éviter la division des unités économiques ou des ensembles de biens dont le fractionnement entraînerait une dépréciation. Il revient donc au juge d’évaluer, au cas par cas, si la division matérielle envisagée est pertinente ou si elle risque de compromettre la viabilité économique des biens.

La Cour de cassation a rappelé, dans un arrêt du 22 janvier 1985, que la division des biens devait être préférée à la licitation dès lors qu’elle permettait de préserver une partie de leur valeur économique (Cass. 1ère civ., 22 janvier 1985, n°83-12.994). Cet arrêt illustre parfaitement le rôle du juge dans la recherche d’un équilibre entre le respect des droits des copartageants et la préservation des actifs partagés.

En l’espèce, la Première chambre civile a censuré une décision de licitation prononcée par une cour d’appel, au motif que la division matérielle des biens, bien qu’imparfaite, aurait permis de constituer des lots équilibrés tout en évitant une vente aux enchères préjudiciable. La Haute juridiction a ainsi réaffirmé que la licitation devait être envisagée en dernier recours, lorsqu’aucune autre solution ne permet de garantir un partage équitable.

Le contrôle exercé par le juge sur le morcellement des biens répond à une logique de pragmatisme. Il s’agit d’éviter des solutions excessives ou disproportionnées, tout en veillant à ce que les droits des copartageants soient respectés. Le juge doit également s’assurer que la division des biens ne crée pas de nouvelles sources de contentieux, en prenant soin d’apprécier l’impact économique du morcellement sur les lots constitués.

Prenons l’exemple d’une exploitation viticole composée de plusieurs parcelles. Si la division de ces parcelles permet de constituer des lots cohérents, chacun conservant une capacité de production autonome, le juge pourra valider la répartition proposée. En revanche, si la division implique la fragmentation de l’unité de production — par exemple, en séparant les parcelles des installations de vinification — le juge pourrait refuser le morcellement au motif qu’il compromet la viabilité économique de l’exploitation.

==>L’appréciation du caractère inopportun du morcellement

Le caractère inopportun d’une division matérielle des biens s’apprécie au regard de plusieurs critères : la dépréciation potentielle du bien, les coûts engendrés par la division, et l’impact sur l’utilité économique du bien attribué. À cet égard, le juge dispose d’une grande liberté d’appréciation, mais doit motiver sa décision par des éléments concrets et pertinents.

L’article 830 du Code civil invite à éviter la division des ensembles de biens lorsque celle-ci entraîne une dépréciation notable. Il en résulte que la division doit être écartée si elle engendre une perte de valeur significative ou des frais disproportionnés. Le juge doit ainsi rechercher un juste équilibre entre les droits des copartageants et la préservation des actifs partagés.

En somme, la division matérielle des biens constitue une solution de compromis, qui ne peut être retenue que si elle permet de préserver une part significative de la valeur économique des actifs partagés. Elle doit être envisagée avec précaution, sous le contrôle vigilant du juge, afin de garantir que le partage demeure équitable et respecte les droits de chacun des copartageants.

C) Troisième alternative : la vente ou la licitation des biens comme dernier recours

Lorsque les opérations de partage achoppent sur des difficultés insurmontables — qu’il s’agisse de l’impossibilité de constituer des lots équilibrés en nature ou de l’incapacité d’un indivisaire à verser une soulte suffisante —, le législateur ouvre la voie au mécanisme de la licitation. Ce procédé, prévu à l’article 827 du Code civil, permet de mettre un terme à l’indivision par la vente d’un bien indivis et la répartition du produit de cette vente entre les copartageants, selon leurs droits respectifs.

La licitation, qui se définit comme l’opération mettant fin à la coexistence de plusieurs droits sur un même bien, peut être amiable ou judiciaire, suivant généralement la nature du partage. Elle constitue un mécanisme visant à désamorcer les situations de blocage en permettant de convertir les droits indivis en numéraire. Toutefois, elle n’est pas nécessairement synonyme de vente publique aux enchères. Le processus peut varier selon qu’un accord entre les indivisaires est trouvé ou qu’une intervention judiciaire s’avère nécessaire.

La licitation amiable s’opère lorsque les indivisaires parviennent à un accord sur les modalités de la vente. Elle peut se faire soit de gré à gré, c’est-à-dire par une cession directe à un tiers acquéreur sans appel au public ni adjudication, soit par adjudication amiable, si les indivisaires décident de soumettre le bien aux enchères dans un cadre qu’ils définissent eux-mêmes. Cette voie, moins contraignante, offre une plus grande souplesse en permettant aux indivisaires de maîtriser les conditions de la cession.

La licitation judiciaire, quant à elle, intervient lorsqu’aucun consensus n’est possible entre les indivisaires. Elle est alors ordonnée par le juge, et la vente s’effectue par adjudication publique, suivant les formes prévues pour la saisie immobilière lorsqu’il s’agit de biens immobiliers, ou pour la saisie-vente lorsqu’il s’agit de biens mobiliers (CPC, art. 1377, al. 2). Ce cadre rigoureux garantit la transparence et la protection des droits de tous les indivisaires.

Le recours à la licitation répond à une double finalité : mettre fin aux situations de blocage en dissolvant une indivision conflictuelle, tout en assurant une répartition équitable du produit de la vente entre les indivisaires. Toutefois, ce mécanisme présente des risques économiques non négligeables, notamment celui d’une adjudication à un prix inférieur à la valeur réelle du bien, ce qui pourrait entraîner une perte patrimoniale pour les copartageants. Par ailleurs, la licitation conduit souvent à la dissolution d’unités économiques (par exemple, un domaine agricole ou un fonds de commerce), compromettant ainsi la pérennité d’un patrimoine indivis.

C’est pourquoi la jurisprudence insiste sur le caractère subsidiaire de la licitation. Elle doit être envisagée en dernier recours, uniquement lorsque toutes les autres alternatives ont échoué — qu’il s’agisse du partage en nature, du recours à une soulte ou d’une division matérielle des biens. Le juge, dans le cadre de son pouvoir souverain d’appréciation, doit s’assurer que la licitation n’entraîne pas une dévalorisation excessive du patrimoine ni une atteinte disproportionnée aux intérêts des indivisaires.

==>Notion

La licitation, issue du verbe latin liceri signifiant « mettre à prix », désigne une procédure par laquelle un bien indivis est vendu aux enchères afin de répartir équitablement le produit de cette vente entre les indivisaires. Bien qu’elle apparaisse comme une solution exceptionnelle, elle constitue un outil précieux pour remédier aux situations de blocage, lorsque le partage en nature s’avère impossible ou inopportun.

La doctrine a progressivement affiné les contours de la notion de licitation, en identifiant plusieurs acceptions qui correspondent à des situations spécifiques dans lesquelles ce mécanisme peut être mobilisé. Gérard Cornu, dans son dictionnaire juridique, distingue trois formes principales de licitation. Bien que répondant à des hypothèses distinctes — qu’il s’agisse de démêler une situation de propriété complexe ou d’organiser le partage entre cohéritiers —, elles partagent une même finalité : prévenir la pérennisation d’une indivision conflictuelle ou économiquement stérile, tout en assurant la meilleure valorisation du bien cédé et une répartition équitable du produit entre les indivisaires.

Quoi qu’il en soit, la notion de licitation revêt ainsi une double dimension :

  • D’une part, elle permet aux indivisaires d’échapper au maintien forcé dans une indivision susceptible de compromettre leurs intérêts. 
  • D’autre part, elle organise l’aliénation du bien indivis de manière à garantir une valorisation optimale, tout en assurant le respect des droits de chaque indivisaire.

Comme le soulignait Pothier en son temps « la licitation n’est pas une simple vente ; elle est un acte de partage, destiné à mettre fin aux contestations entre indivisaires par une adjudication qui, en faisant émerger un acquéreur, offre à chacun sa part en valeur ».

Ainsi, la licitation ne se réduit pas à une opération de cession forcée, mais s’inscrit dans une logique d’apaisement des conflits successoraux et de préservation des intérêts patrimoniaux, en conjuguant efficacité économique et sécurité juridique.

==>La licitation comme alternative au partage en nature

Le principe du partage en nature irrigue l’ensemble du droit des successions et de l’indivision. Il repose sur l’idée que chaque indivisaire a vocation à recevoir un lot composé de biens physiques, pour une valeur correspondant à ses droits dans l’indivision. Ce postulat, issu d’une tradition civiliste séculaire, trouve son ancrage dans l’article 815 du Code civil, qui consacre la liberté de demander le partage comme un droit imprescriptible. Ce principe est toutefois tempéré par une réalité économique et pratique : certains biens, en raison de leur nature ou de leur consistance, ne peuvent être commodément divisés. C’est dans ces circonstances que le mécanisme de la licitation intervient, en tant qu’alternative au partage en nature.

Ce mécanisme, qui consiste en la mise aux enchères d’un bien indivis afin d’en répartir le produit entre les indivisaires, répond à une logique pratique visant à éviter la pérennisation d’une indivision stérile ou conflictuelle. Il ne saurait toutefois être admis que de manière restrictive. Le partage en nature demeure la règle. Cette prééminence a été réaffirmée par la réforme des successions opérée par la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, qui a modifié les articles 825 à 832 du Code civil. L’article 826, alinéa 2, dispose désormais que « chaque copartageant reçoit des biens pour une valeur égale à celle de ses droits dans l’indivision ». Cette disposition vise à éviter le recours systématique à la licitation, en privilégiant une répartition des biens existants selon leur valeur, plutôt qu’une mise en vente systématique des biens indivis.

A cet égard, la doctrine reconnaît que cette réforme a renforcé la primauté du partage en nature en instaurant une égalité en valeur, plutôt qu’en nature. Comme l’a souligné Claude Brenner « en substituant une exigence d’équité en valeur à l’égalité parfaite en nature, le législateur a voulu limiter le recours à la licitation, souvent source de conflits et de dévalorisation des biens ». Cette nouvelle approche permet d’éviter que des biens indivis, pourtant partageables en théorie, ne soient vendus aux enchères faute de pouvoir être répartis de manière parfaitement égale.

Cette volonté de limiter le recours à la licitation témoigne d’une approche pragmatique du législateur, soucieux de concilier les impératifs économiques et patrimoniaux inhérents aux opérations de partage. La priorité donnée au partage en nature traduit une exigence de préservation du droit de propriété individuel, tout en évitant que la pérennisation d’une indivision ne devienne un obstacle à la gestion efficace des biens communs. Cependant, malgré les efforts déployés pour favoriser une répartition des biens selon leur valeur, certaines situations rendent inévitable la mise en œuvre d’une licitation.

En effet, lorsque le partage en nature se heurte à des impossibilités matérielles ou juridiques, ou lorsqu’il compromet l’équité due à chaque copartageant, la licitation s’impose comme une solution nécessaire, bien que strictement encadré. Ce mécanisme, envisagé à titre subsidiaire, permet de convertir la valeur des biens en numéraire, garantissant ainsi une répartition juste et équilibrée du produit de leur cession. Toutefois, son caractère exceptionnel appelle une application prudente et raisonnée, afin d’éviter toute atteinte disproportionnée au droit de propriété des indivisaires.

La licitation trouve son fondement dans l’article 1377 du Code de procédure civile, qui prévoit que le tribunal peut ordonner la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être aisément partagés ou attribués. Cette disposition traduit l’exigence d’un contrôle juridictionnel rigoureux : le juge ne saurait autoriser une telle mesure qu’après avoir constaté que toutes les alternatives de partage en nature ont été envisagées et se sont révélées impraticables. Il lui incombe de vérifier que l’attribution en pleine propriété à l’un des indivisaires n’est pas envisageable ou que le partage matériel du bien compromettrait l’équité patrimoniale. Ce n’est qu’à défaut de solutions raisonnables que la mise aux enchères peut être ordonnée.

Cependant, le caractère dérogatoire de cette mesure ne saurait être éludé. En effet, la licitation implique une conversion forcée de droits réels en une valeur monétaire, altérant ainsi la nature même du droit de propriété. Cette transformation, qui peut être perçue comme une dénaturation du patrimoine indivis, soulève des interrogations quant au respect des prérogatives fondamentales des indivisaires. La doctrine souligne, à cet égard, que la licitation « doit demeurer une exception à la règle du partage en nature, interprétée de manière restrictive ».

Cette approche restrictive s’explique également par les effets particulièrement lourds de la licitation, laquelle emporte, de facto, une forme d’expropriation privée. Les indivisaires opposés à la vente se trouvent contraints de céder leurs droits sur le bien commun, en contrepartie du produit de la vente. Une telle aliénation, imposée par voie judiciaire, nécessite donc un encadrement strict pour éviter toute atteinte arbitraire aux droits des copartageants. Comme le rappelle Gérard Cornu, « le partage en nature est le mode naturel de répartition des biens indivis ; la vente par licitation, bien qu’utilitaire dans certaines circonstances, doit être envisagée avec la plus grande prudence ».

En définitive, la licitation apparaît comme une réponse pragmatique aux situations de blocage, permettant de sortir d’une indivision stérile tout en assurant une répartition équitable du produit de la vente. Toutefois, elle ne saurait être admise comme une solution de facilité. Son caractère exceptionnel impose que le juge veille à ce que toutes les tentatives de partage en nature aient été épuisées avant d’envisager une telle mesure. Il lui incombe ainsi de préserver un équilibre délicat entre, d’une part, le respect du droit de propriété individuel et, d’autre part, l’impératif d’une gestion économique optimale des biens indivis. 

==>Nature juridique de la licitation

La licitation se distingue des autres formes de vente en ce qu’elle est intrinsèquement liée au régime de l’indivision et aux opérations de partage. Si elle emprunte certaines caractéristiques formelles à la vente judiciaire aux enchères, elle ne saurait être confondue avec une cession ordinaire, car son objet principal reste la dissolution d’une indivision devenue inextricable. Sa nature juridique oscille donc entre vente et partage, une qualification qui dépend principalement de l’identité de l’adjudicataire.

Lorsque le bien indivis est adjugé à un tiers, la licitation produit les effets d’une vente classique. Le bien sort définitivement du patrimoine indivis pour rejoindre celui du nouvel acquéreur, mettant ainsi fin aux relations juridiques des indivisaires avec le bien cédé. Dans ce cas, les indivisaires perçoivent le produit de la vente en proportion de leurs droits respectifs, mais perdent toute prétention sur le bien lui-même. Cette situation, bien que juridiquement fondée, s’apparente parfois à une forme d’expropriation privée. En effet, les indivisaires opposés à la vente se voient contraints de céder leurs droits en contrepartie du prix obtenu lors de l’adjudication, une mesure qui ne peut être justifiée que par l’impossibilité matérielle ou juridique de procéder à un partage en nature.

À l’inverse, lorsque l’adjudicataire est un indivisaire, la licitation est assimilée à une opération de partage, produisant un effet déclaratif. Conformément à l’article 883 du Code civil, chaque indivisaire est réputé avoir été propriétaire exclusif du bien qui lui est attribué depuis l’ouverture de l’indivision. Cette fiction juridique vise à garantir une continuité dans la titularité du bien, tout en évitant les effets d’une vente purement translatrice de propriété. En d’autres termes, la licitation-partage ne modifie pas substantiellement les droits des indivisaires, mais les réorganise autour d’une attribution individuelle.

Cette dualité entre vente et partage illustre le caractère hybride de la licitation, qui oscille entre ces deux régimes en fonction des circonstances de l’adjudication. Cette ambivalence a d’ailleurs suscité des interrogations en jurisprudence quant à sa nature exacte. Toutefois, la Cour de cassation est venue apporter des éclaircissements précieux dans un arrêt du 25 novembre 1971. La Haute juridiction a jugé que le droit de demander la licitation découle directement du droit de provoquer le partage, consacré par l’article 815 du Code civil. En censurant une cour d’appel qui avait refusé de prononcer la licitation d’un bien indivis sous prétexte qu’une indivision existait déjà entre les parties, la Première chambre civile a rappelé que nul ne peut être contraint de demeurer dans une indivision, affirmant ainsi que la licitation constitue une modalité particulière de sortie de cette situation (Cass. 1ère civ., 25 nov. 1971, n° 70-13.278).

Cette position a été confortée par un second arrêt rendu le 5 janvier 1977, aux termes duquel la Cour de cassation a précisé que la licitation, lorsqu’elle bénéficie à un indivisaire, doit être assimilée à un partage avec effet déclaratif. En revanche, si l’adjudication profite à un tiers, elle conserve les caractéristiques d’une vente, entraînant un transfert définitif de propriété. En l’espèce, la Haute juridiction avait été saisie d’une demande de licitation portant sur un domaine agricole, que la cour d’appel avait refusé d’ordonner en se fondant sur des dispositions testamentaires supposées contraires. La Cour de cassation a censuré cette décision, rappelant que l’article 815 du Code civil consacre le droit absolu de provoquer le partage, nonobstant toute clause prohibitive. Elle a ainsi réaffirmé que la licitation constitue un outil juridique permettant de surmonter les blocages patrimoniaux, à condition de respecter les exigences légales encadrant son recours (Cass. 1re civ., 5 janv. 1977, n° 75-15.199).

Cette approche jurisprudentielle témoigne de la reconnaissance d’un équilibre délicat entre le droit de propriété individuel et la nécessité de mettre fin à une indivision économiquement stérile. La doctrine abonde dans ce sens : Gérard Cornu a souligné que « la licitation, bien qu’utilitaire dans certaines circonstances, demeure une mesure d’exception, assimilée au partage lorsqu’elle intervient entre indivisaires ». De même, Baudry-Lacantinerie et Saignat insistent sur le fait que « la licitation doit être interprétée comme une modalité de sortie de l’indivision, et non comme une simple vente judiciaire ».

En définitive, la licitation se présente comme un mécanisme pragmatique visant à dénouer les situations d’indivision conflictuelle ou inextricable. Toutefois, son recours doit être strictement encadré pour éviter qu’elle ne se transforme en un outil de dépossession injustifiée. Le juge, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, doit veiller à ce que la licitation ne devienne pas une solution de facilité, mais reste fidèle à sa finalité première : faciliter le partage des biens indivis lorsque le partage en nature se révèle impossible ou inéquitable.

==>Textes applicables

Le recours à la licitation obéit à un cadre juridique rigoureux, à la croisée des règles de fond posées par le Code civil et des exigences procédurales prévues par le Code de procédure civile. Cette double source normative traduit la volonté du législateur de circonscrire ce mécanisme à des hypothèses strictement encadrées, afin de préserver les droits des indivisaires tout en favorisant une gestion économique efficace des biens indivis.

Dans le Code civil, les dispositions relatives à la licitation se trouvent au sein du chapitre VII intitulé « De la licitation », intégré au titre VI relatif à la vente. Les articles 1686 à 1688 définissent les principales hypothèses dans lesquelles ce mécanisme peut être mobilisé.

L’article 1686 consacre ainsi le principe selon lequel la licitation ne peut être envisagée que lorsqu’un bien indivis « ne peut être commodément partagé en nature ». Ce texte reflète une philosophie jurisprudentielle constante : la vente par licitation doit demeurer une solution d’exception, réservée aux cas où le partage matériel des biens se heurte à des obstacles insurmontables. Cette impossibilité peut être d’ordre matériel — lorsque la division physique du bien porterait atteinte à sa valeur ou à son utilité — ou juridique, en raison de la configuration des droits concurrents des indivisaires.

L’article 1687 ajoute que, « sauf accord entre les indivisaires », la vente doit être effectuée aux enchères publiques. Cette exigence vise à garantir la transparence et l’objectivité du processus, en assurant que le bien sera cédé au plus offrant. La publicité des enchères permet d’éviter toute suspicion de dévalorisation artificielle du patrimoine indivis, tout en protégeant les intérêts de chacun des copartageants.

Quant à l’article 1688, il renvoie aux dispositions du Code de procédure civile, qui précise les formalités applicables à la licitation. Ce renvoi témoigne de la volonté du législateur d’assurer une articulation cohérente entre les règles de fond régissant la licitation et les exigences procédurales encadrant son exécution devant les juridictions.

Au titre des opérations de partage, la licitation est régie par le chapitre VIII « Du partage » du titre Ier relatif aux successions, dans le livre III du Code civil, consacré aux différentes manières d’acquérir la propriété. Cette réglementation s’inscrit dans la logique d’une alternative au partage en nature, lorsqu’une répartition matérielle des biens hérités s’avère impossible ou inopportune.

L’article 817 dispose ainsi que la licitation peut porter sur l’usufruit, la nue-propriété, ou la pleine propriété d’un bien indivis. Cette précision témoigne de la volonté du législateur de permettre une adaptation des modalités de partage à la nature particulière des droits en jeu. L’article 818 vient compléter cette disposition en précisant que, dans le cadre des successions, les héritiers peuvent demander la licitation lorsque les biens indivis ne peuvent être commodément répartis en nature.

Par ailleurs, l’article 883 prévoit que la licitation opérée au bénéfice d’un indivisaire produit un effet déclaratif, propre aux opérations de partage. Cette fiction juridique permet de considérer que chaque indivisaire est réputé propriétaire exclusif du bien qui lui est attribué depuis l’ouverture de l’indivision, assurant ainsi une continuité dans la titularité des droits, tout en évitant les effets d’une simple vente translatrice de propriété.

Sur le plan procédural, les articles 1377 et 1378 du Code de procédure civile viennent renforcer cette approche restrictive. L’article 1377 dispose que « le tribunal ordonne, dans les conditions qu’il détermine, la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués ». Cette disposition confère au juge un rôle central dans l’appréciation des conditions de la licitation. Il lui incombe de vérifier que toutes les solutions alternatives ont été explorées avant d’autoriser une telle vente. En particulier, le juge doit s’assurer que le bien indivis ne peut être attribué préférentiellement à l’un des indivisaires ou partagé sous une autre forme, notamment par voie de compensation financière.

L’article 1378 précise les modalités pratiques de la vente par adjudication, en imposant le respect des règles applicables aux ventes judiciaires. Ces exigences procédurales visent à garantir que la licitation s’opère dans un cadre rigoureux et impartial, en évitant tout risque d’arbitraire ou de favoritisme.

Ces textes traduisent une préoccupation constante du législateur : faire de la licitation un mécanisme strictement subsidiaire, destiné à surmonter les blocages patrimoniaux Car en effet, la licitation ne saurait être perçue comme une solution de facilité ; elle doit demeurer une exception au principe fondamental du partage en nature.

1. Domaine de la licitation

La licitation est une modalité spécifique du partage permettant de vendre aux enchères un bien indivis lorsque celui-ci ne peut être commodément partagé ou attribué à l’un des indivisaires. Si cette procédure permet de surmonter les difficultés liées à l’indivision, elle ne peut être systématiquement envisagée. Elle répond à un cadre juridique précis, alternant situations dans lesquelles elle peut être ordonnée et cas où elle est expressément exclue. Nous développerons cette analyse selon deux axes : les situations d’intervention de la licitation, puis les hypothèses dans lesquelles elle est prohibée.

1.1 Les situations dans lesquelles la licitation est admise

La licitation trouve principalement à s’appliquer dans les cas d’indivision, qu’il s’agisse d’une indivision en pleine propriété, d’une indivision en usufruit ou d’une indivision en nue-propriété. Cette modalité de partage peut être sollicitée tant dans le cadre d’une indivision successorale que d’une indivision résultant d’un régime matrimonial ou d’un démembrement de propriété.

a. L’indivision en pleine propriété

La situation la plus classique donnant lieu à une licitation est celle d’une indivision en pleine propriété. Ce mécanisme s’applique aux biens indivis, indépendamment de leur origine, qu’elle soit légale, conventionnelle ou successorale. Il s’agit d’une démarche subsidiaire destinée à pallier l’impossibilité de procéder à un partage en nature, tout en préservant l’égalité entre les indivisaires.

L’ancien article 827 du Code civil prévoyait que la licitation pouvait être ordonnée pour des immeubles qui ne pouvaient être commodément partagés ou attribués. Bien que ce texte ait été abrogé par la loi du 23 juin 2006, la licitation de la pleine propriété indivise est unanimement admise. A cet égard, le champ d’application de la licitation ne se limite pas aux immeubles. L’article 1686 du Code civil, en évoquant les “choses communes à plusieurs”, englobe également les biens meubles. Cette interprétation est confirmée par la jurisprudence, qui admet que certains contrats indivis (par exemple les baux) puissent également être licités. Ainsi, la licitation répond à une logique d’unité en ce qu’elle permet de mettre fin à une situation d’indivision, même lorsqu’elle porte sur des objets divers.

L’article 815-5-1 du Code civil, issu de la réforme de 2006, envisage la licitation comme ne pouvant porter, en première intention, que sur les biens indivis pris isolément ; d’où l’emploi du singulier dans la formulation, le texte visant explicitement « le bien indivis » et non « les biens indivis ». Cette précision commande de limiter chaque demande de licitation à un seul bien, en respectant ainsi l’esprit du partage en nature, principe cardinal du régime de l’indivision. Toutefois, cette limitation n’exclut pas la possibilité d’engager plusieurs procédures, pourvu que chaque requête s’appuie sur des motifs légitimes et dûment justifiés, tels que la dégradation progressive du bien ou le risque avéré d’une diminution substantielle de sa valeur. Une telle exigence illustre l’équilibre recherché entre la préservation des droits des indivisaires et la nécessité de sauvegarder la valeur patrimoniale des biens en indivision.

Enfin, la licitation dans le cadre de l’indivision en pleine propriété ne saurait être confondue avec d’autres situations juridiques. Lorsqu’un bien est grevé d’usufruit, il n’y a pas lieu de liciter la pleine propriété, faute d’indivision entre l’usufruitier et le nu-propriétaire. En effet, comme le rappellent l’indivision suppose la coexistence de droits de même nature sur un bien commun. Cette analyse est corroborée par une jurisprudence ancienne mais constante, qui insiste sur l’impossibilité d’un partage entre deux titulaires de droits de nature différentes (Cass. 1re civ., 29 mars 1989, n°87-12.187).

b. L’indivision en usufruit

Il est admis que l’usufruit d’un bien puisse faire l’objet d’une indivision. Est-ce à dire que ce droit particulier, par nature temporaire et portant sur l’usage et les fruits d’un bien, se prête aisément au partage ? En réalité, le droit civil impose des solutions adaptées pour répondre aux spécificités de cette indivision.

En principe, le partage porte directement sur l’usufruit, qui peut être cantonné sur un ou plusieurs biens déterminés. Cette modalité permet à chaque usufruitier de disposer d’un droit exclusif sur des biens spécifiques, évitant ainsi la complexité d’une gestion collective. Toutefois, lorsque le cantonnement s’avère impossible, soit en raison de la nature du bien soit en raison de l’impossibilité de parvenir à un accord entre les usufruitiers, le recours à la licitation devient une alternative envisageable.

La Cour de cassation a expressément consacré cette possibilité dans un arrêt du 25 juin 1974, où elle a reconnu que la licitation de l’usufruit pouvait être ordonnée lorsque ce dernier ne pouvait faire l’objet d’un partage en nature (Cass. 1ère civ. 25 juin 1974, n°72-12.451). 

Dans cette affaire, les héritiers des époux décédés avaient procédé au partage de leurs successions, attribuant à trois copartageants un quart en usufruit sur une propriété, tandis qu’un quatrième bénéficiait des trois quarts en nue-propriété et d’un quart en pleine propriété. La propriété en question, exploitée en carrière, faisait l’objet d’un différend persistant entre les usufruitiers et les héritiers du nu-propriétaire, empêchant toute mise en valeur effective de l’usufruit.

Les juges du fond avaient relevé que cette mésentente prolongée avait conduit à la cessation de l’exploitation de la carrière pendant plusieurs années. La Cour d’appel, constatant que la jouissance ne pouvait être répartie de manière équitable entre les copartageants et qu’aucun accord amiable ne semblait envisageable, avait ordonné la licitation de l’usufruit. Cette mesure, selon l’arrêt attaqué, constituait « le seul moyen d’obtenir, sans nuire à la valeur foncière du bien, la reprise de l’exploitation ou le désintéressement des cohéritiers ».

La Haute juridiction a confirmé cette décision en jugeant qu’il existe une indivision entre l’usufruitier et le nu-propriétaire quant à la jouissance d’un bien lorsque le droit d’usufruit porte sur une quote-part indivise. Elle a rappelé qu’en cas d’impossibilité de partage en nature de cette jouissance, il peut être procédé à une vente par licitation, non pas du bien lui-même, mais de la jouissance de l’usufruit. Ce mécanisme permet de préserver les intérêts patrimoniaux des parties tout en évitant l’inaction susceptible de dégrader la valeur économique du bien.

Cependant, il convient de rappeler que la licitation de l’usufruit demeure une solution d’exception. Elle ne saurait être ordonnée qu’en dernier recours, lorsque toutes les autres voies de partage ont échoué. Cette exception s’inscrit dans une logique de préservation des droits de chaque usufruitier, tout en assurant une équité dans la répartition patrimoniale. Ainsi, l’approche adoptée par le législateur et par la jurisprudence garantit un équilibre subtil entre les impératifs de gestion collective et les intérêts individuels des parties.

c. L’indivision en nue-propriété

De manière similaire à l’usufruit, l’indivision peut porter sur la nue-propriété d’un bien. Le principe consacré par l’article 818 du Code civil, qui renvoie à l’article 817, privilégie le partage de la nue-propriété par cantonnement. Cette solution consiste à attribuer la nue-propriété sur un ou plusieurs biens spécifiques, et elle est historiquement reconnue comme la méthode de référence pour éviter une liquidation globale de l’indivision.

La licitation de la nue-propriété ne peut être envisagée que dans l’hypothèse où le cantonnement s’avère impossible. Ce principe est expressément consacré par la jurisprudence, qui insiste sur la subsidiarité de cette mesure (Cass. 1re civ., 14 mai 1996, n° 94-15.028). En l’espèce, la Cour de cassation a précisé qu’en cas de désaccord persistant entre les nus-propriétaires sur le partage en nature, et lorsque ce dernier est impossible, le juge peut ordonner la licitation limitée à la nue-propriété, tout en veillant à ne pas porter atteinte aux droits des autres indivisaires, notamment les usufruitiers.

A cet égard, lorsque la licitation de la nue-propriété seule est impossible pour mettre fin à une indivision, l’article 818 du Code civil prévoit que la licitation de la pleine propriété peut être ordonnée, mais cette mesure exceptionnelle est soumise à des conditions strictes, notamment le consentement de l’usufruitier, comme l’exige l’article 815-5, alinéa 2, du Code civil.

Historiquement, la jurisprudence faisait une distinction selon que l’usufruit portait sur un bien déterminé ou sur une quote-part successorale. Dans le premier cas, la licitation demandée par un nu-propriétaire ne pouvait porter que sur la nue-propriété du bien. Dans le second, la licitation pouvait s’étendre à la pleine propriété des biens successoraux pour fixer l’assiette de l’usufruit (Cass. req., 9 avr. 1877). Cette distinction, bien que logique à l’époque, soulevait des incertitudes pratiques, notamment en matière d’opposabilité des droits de l’usufruitier.

La loi n° 76-1286 du 31 décembre 1976 a constitué une avancée majeure dans la préservation des droits de l’usufruitier. Elle a inséré, à l’article 815-5 du Code civil, une disposition qui énonçait que « le juge ne peut toutefois, sinon aux fins de partage, autoriser la vente de la pleine propriété d’un bien grevé d’usufruit, contre la volonté de l’usufruitier ». Par cette règle, le législateur a entendu limiter de manière explicite les atteintes potentielles aux droits d’usage et de jouissance de l’usufruitier, en faisant de son consentement une condition impérative pour toute licitation de la pleine propriété.

L’apport de cette loi réside dans l’équilibre qu’elle établit entre les prérogatives des indivisaires et la nécessaire protection des intérêts de l’usufruitier. Désormais, l’usufruitier bénéficie d’un droit d’opposition effectif, sauf dans le cadre spécifique d’un partage, rendant ainsi impossible toute décision judiciaire imposant la vente globale du bien sans son accord.

Ce principe a été strictement appliqué par la jurisprudence. Dans un arrêt remarqué du 11 mai 1982, la Cour de cassation a annulé une décision ayant ordonné la licitation de la pleine propriété en méconnaissance de cette exigence légale (Cass. 1re civ., 11 mai 1982, n°81-13.055). La Haute juridiction a alors rappelé que, même face à des difficultés d’indivision, le juge ne peut passer outre le consentement de l’usufruitier, envisagé comme un véritable garde-fou juridique.

Par suite la loi n° 87-498 du 6 juillet 1987 a opéré une réforme décisive en supprimant, dans l’article 815-5 du Code civil, la précision textuelle « sinon aux fins de partage ». Par cette modification, le législateur a étendu la protection accordée à l’usufruitier en rendant son consentement impératif dans tous les cas de licitation de la pleine propriété, sans exception. Cette réforme a marqué une avancée significative en consolidant la protection de l’usufruitier. Elle a ainsi fermé la porte à toute tentative des nus-propriétaires ou des indivisaires de contourner l’exigence de consentement sous le prétexte d’un partage judiciaire. Désormais, le droit d’usage et de jouissance de l’usufruitier ne peut être compromis sans son accord,

Dans le sillon de la loi di 6 juillet 1987, la Cour de cassation a, dans son arrêt du 13 octobre 1993, confirmé que la licitation de la pleine propriété ne peut être imposée sans le consentement de l’usufruitier (Cass. 1re civ., 13 oct. 1993, n° 91-20.707). En l’espèce, la Haute juridiction a censuré une décision ayant ordonné une licitation de la pleine propriété d’un bien indivis, au motif que l’ex-épouse usufruitière n’avait pas donné son accord. Un autre arrêt marquant, rendu le 14 mai 1996 a précisé qu’en cas d’impossibilité de partage en nature, le juge doit privilégier la licitation de la nue-propriété avant d’envisager la pleine propriété (Cass. 1ère civ., 14 mai 1996, n°94-15.028). 

1.2. Les situations dans lesquelles la licitation n’est pas admise

La licitation, bien qu’elle constitue l’un des moyens pour sortir de l’indivision, ne saurait être admise dans toutes les situations. Le législateur, soucieux de préserver certains équilibres juridiques et économiques, a posé des limites à son recours. Ces restrictions trouvent leur fondement dans des considérations variées, telles que la nécessité de maintenir l’affectation collective de certains biens, de protéger des intérêts spécifiques ou encore de respecter les conventions liant les indivisaires.

Qu’il s’agisse des copropriétés forcées, des hypothèses de maintien imposé dans l’indivision, des conventions d’indivision ou encore des cas d’attribution préférentielle, chacune de ces situations traduit une volonté d’encadrer le droit au partage afin de concilier les droits des indivisaires avec des impératifs supérieurs. 

a. Les copropriétés forcées

Les copropriétés forcées se distinguent par leur caractère inaliénable et insusceptible de partage ou de licitation, une interdiction clairement posée par l’article 6 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 régissant le statut de la copropriété des immeubles bâtis. Ce texte interdit toute demande de partage concernant les parties communes indispensables à l’usage collectif, telles que les chemins nécessaires à la desserte de plusieurs propriétés. Cette disposition vise à préserver la fonctionnalité et l’utilité commune de ces biens.

La règle exprimée par cette disposition dépasse cependant le cadre strict des immeubles bâtis pour s’étendre à toutes les copropriétés forcées et perpétuelles. La Cour d’appel de Paris a ainsi affirmé, dans un arrêt du 5 octobre 1964, que le partage ou la licitation d’un chemin nécessaire à la desserte de plusieurs propriétés était exclu, en raison de son caractère indispensable à l’usage collectif (CA Paris, 5 oct. 1964).

b. Les cas de maintien forcé dans l’indivision

Par ailleurs, la licitation est exclue dans plusieurs cas où la loi impose le maintien forcé dans l’indivision. Ces hypothèses, prévues aux articles 820 à 824 du Code civil, concernent notamment les biens dont l’indivision est ordonnée pour protéger les intérêts de certaines personnes, comme les mineurs ou les incapables. De manière similaire, l’article 1377 du Code de procédure civile dispose que la vente par adjudication ne peut être prononcée que si le bien ne peut être commodément partagé ou attribué. Avant de prononcer une telle vente, le juge est tenu de vérifier que le bien ne répond pas aux conditions d’un partage en nature et que ni l’attribution préférentielle ni d’autres solutions ne sont envisageables.

c. Les conventions d’indivision

L’article 815-1 du Code civil permet aux indivisaires de conclure une convention d’indivision. Lorsqu’une telle convention est à durée déterminée, la licitation ne peut être demandée pendant la durée de la convention, sauf en cas de justes motifs.

En revanche, si la convention est à durée indéterminée, le partage, y compris par licitation, peut être provoqué à tout moment, mais il ne doit pas l’être de mauvaise foi ou à contretemps (art. 1873-3 C. civ.).

d. L’attribution préférentielle

L’attribution préférentielle constitue un obstacle majeur à la licitation. Ce mécanisme, consacré par les articles 832 et suivants du Code civil, offre à un indivisaire la possibilité de se voir attribuer un bien indivis en priorité, moyennant le versement d’une compensation équitable à ses coindivisaires. Par essence, lorsque cette demande est valablement formulée, la licitation devient inenvisageable, sauf à ce que l’attribution soit rejetée ou manifestement injustifiée.

Historiquement, la place centrale occupée par l’attribution préférentielle dans le cadre des opérations de partage a été explicitée dès l’adoption du décret-loi du 17 juin 1938, introduisant dans le Code civil une disposition spécifique à cet effet. L’ancien article 827 du Code civil, aujourd’hui remplacé par l’article 1377, réservait la licitation aux biens « qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués ». En vertu de ce principe, le juge, avant de prononcer une licitation, doit s’assurer que le bien concerné ne peut être intégré dans un partage en nature et qu’aucun indivisaire ne sollicite ou ne pourrait valablement solliciter son attribution préférentielle. Cette double vérification, autrefois essentielle pour garantir une stricte égalité dans la composition des lots, conserve son importance à l’heure où prévaut le principe de l’égalité en valeur des lots.

La jurisprudence a, à maintes reprises, rappelé la prééminence de l’attribution préférentielle sur la licitation. Dès 1947, la Cour de cassation a précisé que l’attribution préférentielle pouvait être sollicitée jusqu’à l’achèvement du partage (Cass. civ., 14 janv. 1947). Toutefois, lorsque la licitation a été ordonnée par une décision ayant acquis l’autorité de la chose jugée, l’attribution préférentielle ne saurait plus prospérer, la licitation devenant alors irrévocable. Dans un arrêt du 9 mars 1971, la Première chambre civile a jugé en ce sens que « la licitation constitue une modalité de partage incompatible avec l’attribution préférentielle. des lors que la licitation d’un immeuble a été ordonnée par une précédente décision devenue irrévocable, un tribunal ne peut sans méconnaitre l’autorité de la chose jugée, prononcer l’attribution préférentielle du même bien indivis » (Cass. 1ère civ. 9 mars 1971, 70-10.072)

Dans sa mise en œuvre, l’attribution préférentielle impose au juge une analyse minutieuse des prétentions en concurrence. Lorsqu’un indivisaire sollicite l’attribution préférentielle d’un bien pendant que d’autres réclament sa licitation, la juridiction saisie doit prioritairement examiner la demande d’attribution, sauf à constater qu’elle contredit les intérêts légitimes des coindivisaires ou qu’elle est matériellement irréalisable. À cet égard, la jurisprudence a notamment rejeté des demandes d’attribution lorsque l’indivisaire demandeur était dans l’incapacité de s’acquitter des soultes nécessaires (Cass. 1re civ., 17 mars 1987, n°85-17.241). 

En outre, l’attribution préférentielle revêt une importance particulière lorsque le maintien de l’usage d’un bien indivis répond à des besoins essentiels. Ainsi, la jurisprudence a privilégié l’attribution du logement familial à l’époux ayant la garde des enfants, au détriment d’une demande concurrente de licitation émanant de l’autre conjoint (TGI Chaumont, 10 juin 1963). Toutefois, cette priorité n’est pas absolue. Des juridictions ont pu refuser une attribution préférentielle lorsque les motifs invoqués ne justifiaient pas un tel choix, comme dans le cas d’un château réclamé pour des raisons purement sentimentales, conduisant à la licitation du bien (TGI Paris, 13 nov. 1970).

Cependant, l’attribution préférentielle n’est pas une prérogative absolue. Elle peut être écartée si l’équilibre des intérêts commande une licitation, notamment lorsque le maintien de l’indivision est matériellement ou économiquement insoutenable. Cette approche pragmatique permet de concilier les droits individuels des indivisaires avec les impératifs collectifs, assurant ainsi le respect des principes d’équité et de justice. 

2. Les conditions de la licitation

2.1. L’impossibilité d’un partage en nature

a. Le contenu de l’exigence

Dans le cadre d’un partage, la licitation n’intervient qu’à titre subsidiaire, lorsqu’un partage en nature des biens indivis s’avère impossible. À cet égard, l’article 1377 du Code de procédure civile précise que : « le tribunal ordonne, dans les conditions qu’il détermine, la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués ». 

Cette règle fait directement écho au principe posé à l’article 1686 du Code civil, relevant du droit commun de la vente, qui dispose que la licitation peut être ordonnée « si une chose commune à plusieurs ne peut être partagée commodément et sans perte ».

Il s’infère de ces deux dispositions que l’impossibilité de partage en nature peut résulter, soit de l’incommodité de la division du biens indivis, soit du risque de perte en cas de division. 

==>L’incommodité de la division du bien indivis

L’incommodité matérielle de la division d’un bien indivis s’entend de l’impossibilité pratique de le fractionner tout en préservant son intégrité physique, son utilité et les conditions normales de jouissance. Ce critère repose sur les attributs essentiels du bien, qu’il s’agisse de sa configuration, de son usage envisagé ou de sa destination économique. L’analyse de cette incommodité exige une attention particulière aux caractéristiques propres au bien, telles que son état, sa structure ou sa finalité, afin de déterminer si une division pourrait être réalisée sans altérer sa nature ni compromettre sa vocation première.

En premier lieu, certains biens, en raison de leur structure physique ou de leur fonction, ne peuvent être aisément divisés sans altérer leur valeur ou leur utilité. Par exemple, la division d’un terrain peut exiger des aménagements onéreux, tels que l’installation de clôtures ou la modification des réseaux hydrauliques pour garantir une autonomie d’usage des parcelles nouvellement constituées. Une jurisprudence ancienne mais éclairante illustre ce point : la fragmentation d’un bien foncier a été jugée inappropriée en raison des frais disproportionnés qu’elle impliquait et de son impact négatif sur l’exploitation rationnelle des parcelles (CA Dijon, 15 avril 1907). Cet exemple met en lumière l’importance d’une analyse circonstanciée de la faisabilité matérielle du partage.

De même, la division d’une exploitation agricole ou d’un immeuble à vocation spécifique peut entraîner une désorganisation structurelle qui compromettrait sa finalité première. Ainsi, le morcellement d’une ferme en plusieurs unités indépendantes peut nécessiter des investissements supplémentaires pour réorganiser les infrastructures communes, telles que les systèmes d’irrigation ou les espaces de stockage, réduisant ainsi l’efficacité globale de l’exploitation. Cette incommodité matérielle s’observe également dans le cas d’immeubles complexes ou de bâtiments historiques, dont le fractionnement risquerait de porter atteinte à leur vocation patrimoniale ou culturelle, voire de rendre leur entretien structurellement irréalisable.

En second lieu, l’incommodité matérielle ne se limite pas à l’existence d’obstacles purement physiques, mais couvre également les effets sur les conditions normales de jouissance. Un partage matériellement possible peut néanmoins être jugé incommode si la division altère de manière significative les modalités d’exploitation ou d’utilisation des lots. Par exemple, la création de nouvelles parcelles ou d’espaces indépendants peut, dans certains cas, générer une répartition déséquilibrée des ressources essentielles à leur exploitation, ou nécessiter des servitudes complexes, telles que des droits de passage ou des aménagements communs. Ces contraintes, susceptibles de compliquer la jouissance individuelle des lots, justifient le recours à une licitation plutôt qu’à un partage en nature.

Enfin, l’incommodité matérielle doit également être évaluée en tenant compte de la préservation de l’intégrité des unités économiques ou des ensembles de biens indivis. L’article 830 du Code civil, qui énonce l’objectif de limiter le fractionnement des exploitations agricoles ou des ensembles économiques, reflète cette préoccupation. Lorsqu’une division compromet l’exploitation optimale d’un bien indivis ou engendre une dépréciation du bien, la licitation peut s’imposer comme la solution la plus rationnelle. La jurisprudence a ainsi affirmé que la division en plusieurs lots, même matériellement envisageable, peut être écartée si elle entraîne des effets excessivement complexes ou onéreux pour les indivisaires (CA Montpellier, 8 juin 1954).

==>Le risque de perte en cas de division du bien indivis

Au-delà des obstacles matériels, l’incommodité d’un partage peut également résider dans ses répercussions économiques, lesquelles peuvent compromettre de manière significative les intérêts des indivisaires. L’article 1686 du Code civil institue ainsi le principe selon lequel le partage en nature doit être écarté lorsque la division entraîne une perte de valeur du bien, préjudiciable à l’ensemble des indivisaires.

Dans un arrêt rendu le 13 octobre 1998, la Cour de cassation a, par exemple, estimé que l’incommodité d’un partage pouvait justifier une licitation lorsqu’un morcellement, bien que matériellement possible, engendrait une dépréciation économique significative et préjudiciable pour les indivisaires Dans cette affaire, le litige portait sur une demeure historique dépendant d’une succession. L’un des indivisaires demandait un partage en nature accompagné d’une attribution préférentielle d’une partie de l’immeuble, tandis que les autres plaidaient en faveur de la licitation. La Cour d’appel, dont l’analyse a été validée par la Cour de cassation, a constaté que la valeur totale de l’immeuble pris dans son ensemble, estimée à 7 950 000 francs, dépassait significativement la somme des valeurs des lots envisagés dans le cadre d’un partage en nature, laquelle n’atteignait que 6 200 000 francs. Une telle dépréciation économique, jugée inacceptable pour l’ensemble des indivisaires, rendait économiquement inopportune une division pourtant réalisable matériellement.

Cet arrêt met en lumière l’une des caractéristiques de l’incommodité économique : la préservation de la valeur globale du bien indivis. Une division matérielle, bien que techniquement envisageable, peut entraîner une perte de valeur si les lots ainsi constitués s’avèrent individuellement moins valorisables que le bien pris dans sa globalité. Cette approche vise à protéger les intérêts collectifs des indivisaires, en évitant qu’un partage en nature ne devienne source d’injustice économique.

Par ailleurs, l’incommodité économique ne se limite pas à la perte de valeur globale. Elle inclut également les effets sur l’équité entre les indivisaires, notamment lorsque la fragmentation d’un bien rend nécessaire la constitution de soultes disproportionnées ou difficilement applicables. Ces situations, susceptibles de générer des déséquilibres majeurs, justifient souvent le recours à la licitation pour assurer une répartition équitable des bénéfices issus de la vente.

Conscient de ces enjeux, le législateur a introduit des mécanismes visant à atténuer les effets économiques défavorables d’un partage, notamment à travers le principe de l’égalité en valeur consacré par l’article 826 du Code civil. Ce principe permet d’ajuster les écarts entre les lots au moyen de soultes, favorisant ainsi une répartition équilibrée. Toutefois, lorsque la division d’un bien indivis conduit à une dépréciation significative ou compromet les intérêts économiques des indivisaires, ces outils ne suffisent pas toujours à garantir une solution satisfaisante. Dans ces circonstances, la licitation s’impose comme une alternative incontournable, préservant à la fois la valeur intrinsèque du bien et l’équité entre les indivisaires.

b. Appréciation de l’exigence

==>Une appréciation d’ensemble

L’impossibilité de procéder à un partage en nature d’un bien indivis repose sur des considérations tant matérielles qu’économiques, lesquelles doivent être appréciées au regard de critères précis. Cette impossibilité n’est cependant pas absolue et s’évalue à l’aune de la nature, de la configuration et de la finalité du bien, mais également en tenant compte de l’ensemble des biens composant l’indivision. Une analyse globale de la situation patrimoniale s’impose, permettant de déterminer si un partage en nature peut être envisagé sans compromettre l’équité entre les indivisaires ou l’intégrité économique des lots.

A cet égard, l’un des principes devant guider l’appréciation du juge réside dans l’exigence de considérer l’ensemble des biens indivis comme un tout cohérent, plutôt que de les examiner isolément. Une telle approche, déjà consacrée par la jurisprudence avant la réforme de 2006, reflète l’exigence de maintenir le partage en nature comme principe directeur, même face à des difficultés apparentes. Ainsi, l’indivisibilité d’un bien spécifique, tel qu’un immeuble unique, ne saurait en elle-même constituer un obstacle insurmontable au partage si d’autres éléments de la masse permettent de constituer des lots équivalents en valeur (Cass. 1ère civ.12 janv. 1972, n°71-11.435). 

À titre d’exemple, un immeuble matériellement indivisible peut être attribué en totalité à un indivisaire, à condition que des biens meubles ou des compensations monétaires viennent rétablir l’équilibre des droits entre les copartageants (Cass. 1ère civ., 21 janv. 1958). Cette flexibilité, inhérente au principe d’équité, permet de concilier l’impossibilité matérielle d’un découpage physique avec les exigences d’une répartition équitable.

En outre, lorsque l’ensemble des biens ne peut être aisément réparti, la licitation ne doit intervenir que dans les limites strictement nécessaires. Les juges sont alors appelés à circonscrire la licitation aux seuls biens dont le partage en nature est impraticable ou manifestement préjudiciable. Cette approche reflète le souci de préserver autant que possible le principe du partage en nature, tout en évitant des solutions qui porteraient atteinte à l’équilibre des intérêts en présence (Cass. 1ère civ., 11 juill. 1983, n°82-11.815). Ainsi, si un immeuble indivis ne peut être partagé matériellement, mais que la masse comprend des biens meubles ou d’autres actifs, ces derniers doivent être mobilisés pour constituer des lots équilibrés, réduisant ainsi la nécessité de recourir à la licitation.

Pour éclairer leur décision, les juges peuvent recourir à une expertise destinée à examiner les conditions matérielles et économiques propres au partage. Bien que les conclusions de l’expert ne s’imposent pas aux juges, elles constituent un élément déterminant dans leur appréciation de la faisabilité d’un partage en nature (Cass. 1ère civ., 9 oct. 1967). Ce recours à l’expertise vise à identifier les contraintes objectives qui pourraient rendre une division matériellement irréalisable ou économiquement désavantageuse.

Ainsi, l’expert est-il souvent chargé d’évaluer les implications concrètes d’un partage en nature, en tenant compte de la configuration des biens indivis, de leur usage actuel et des adaptations nécessaires pour les rendre autonomes après la division. Par exemple, dans le cas d’un terrain agricole, il pourrait être démontré que sa division entraînerait des aménagements disproportionnés, tels que la construction de nouvelles clôtures, la mise en place de systèmes d’irrigation distincts ou la création de voies d’accès séparées. De tels travaux, s’ils engendrent des coûts excessifs ou compromettent l’utilisation optimale des biens, constituent des éléments justifiant l’incommodité matérielle et, par conséquent, l’impossibilité d’un partage équitable en nature.

Les juges, sur la base du rapport d’expertise, peuvent ainsi conclure que la licitation est nécessaire pour préserver les intérêts des parties, en évitant des solutions qui seraient coûteuses, complexes et potentiellement sources de litiges ultérieurs. L’expertise, en ce sens, dépasse une simple évaluation technique et s’inscrit dans une démarche visant à garantir une répartition équilibrée et réaliste des biens indivis.

==>Contrôle de la motivation

L’appréciation de l’impossibilité de procéder à un partage en nature relève du pouvoir souverain des juges du fond, lesquels doivent s’attacher à motiver leur décision avec précision. Cette exigence trouve sa justification dans la nature exceptionnelle de la licitation, qui ne peut être ordonnée qu’en dernier recours, dès lors que l’impossibilité de la répartition physique des biens est établie de manière circonstanciée et irréfutable. À ce titre, la seule affirmation d’une incertitude quant à la faisabilité du partage en nature, ou encore la mention de dissensions entre indivisaires, ne saurait suffire à légitimer une telle mesure. De même, un simple constat de la multiplicité des biens et de la diversité des droits des parties, sans qu’il ne soit démontré en quoi ces éléments empêchent concrètement un partage en nature, expose la décision à la censure (Cass. 1re civ., 31 janv. 1989, n°87-16.718). À l’inverse, une motivation s’appuyant sur des éléments factuels et techniques solides, tels qu’un rapport d’expertise concluant à la faisabilité du partage en nature et à sa conformité aux intérêts des parties, satisfait pleinement aux exigences jurisprudentielles (Cass. req. 31 oct. 1893).

Le rôle de la Cour de cassation se limite traditionnellement à un contrôle de la motivation, sans remise en cause de l’appréciation des faits réalisée par les juges du fond. Il incombe à ces derniers de démontrer précisément en quoi les biens indivis ne peuvent être commodément répartis. Dès lors, une décision ordonnant la licitation, qui se contenterait de relever l’incertitude d’un partage ou de mentionner sa faisabilité technique sans expliciter les obstacles concrets qui s’y opposent, ne saurait prospérer (Cass. 1ère civ., 12 mai 1987, n°85-18.160).

Si, par le passé, une certaine souplesse pouvait être observée, permettant aux juges du fond de motiver leurs décisions de manière parfois implicite, cette pratique tend à être remise en question dans le cadre d’une jurisprudence contemporaine plus exigeante. La réforme de 2006, consacrant le principe d’égalité en valeur des lots (art. 826 du Code civil), renforce cette exigence de motivation, dans un souci de transparence et de respect du caractère subsidiaire de la licitation. Ainsi, il ne suffit plus, comme autrefois, de faire allusion à l’indivisibilité supposée d’un bien pour justifier une vente forcée (Cass. 3e civ., 4 mai 2016, n°14-28.243).

La Cour de cassation, sans excéder son rôle, veille désormais à ce que les juges du fond ne cèdent pas à la facilité, en exigeant une démonstration complète et convaincante de l’impossibilité matérielle ou juridique du partage en nature. Cette évolution, bien qu’elle ne rompe pas totalement avec certaines tolérances antérieures, reflète une volonté affirmée de garantir la primauté du partage en nature tout en respectant l’équilibre des intérêts des indivisaires.

2.2. Mise en œuvre

L’impossibilité de partager un bien indivis peut avoir pour cause des contraintes juridiques, matérielles, économiques ou pratiques, chacune reflétant la complexité inhérente à la diversité des biens concernés et des situations d’indivision.

==>Les difficultés matérielles de partage

L’une des causes de l’impossibilité de procéder à un partage en nature réside dans les contraintes matérielles, intrinsèquement liées aux caractéristiques des biens indivis. La difficulté réside, le plus souvent, dans l’impossibilité technique ou pratique de diviser un bien sans compromettre son intégrité ou son utilité économique.

Certains biens, par leur nature même, se prêtent mal au fractionnement. Ainsi, un domaine agricole, comprenant des bâtiments, des dépendances et des terres formant un tout économique cohérent, ne saurait être morcelé sans que son exploitation n’en pâtisse gravement (Cass. 1ère civ., 29 mars 1960). De même, Une clinique médicale, dont le fonctionnement repose sur une organisation spatiale spécifique, constitue un exemple caractéristique de bien dont la division matérielle compromettrait irrémédiablement l’usage et l’exploitation (Cass. 1ère civ., 2 oct. 1979, n°78-11.385). 

Par ailleurs, même lorsque les biens paraissent à première vue partageables, certaines configurations rendent le partage matériellement inéquitable. Un exemple peut être trouvé dans la difficulté de répartir équitablement des parcelles de terrain de dimensions ou de valeurs très disparates. 

Outre la nature spécifique des biens, l’hétérogénéité de l’ensemble composant l’indivision peut elle-même constituer un frein au partage en nature. Lorsque les biens diffèrent significativement par leur localisation, leur état ou leur destination, il devient difficile, sinon impossible de constituer des lots de valeur équivalente. Cette disparité, combinée à l’impossibilité de parvenir à une évaluation consensuelle, peut légitimer une licitation comme ultime recours pour garantir l’équité entre les parties (Cass. 1ère civ., 14 févr. 1962).

Enfin, le nombre d’indivisaires et l’inégalité de leurs droits accentuent les difficultés matérielles du partage. Lorsque la division des biens suppose de composer un grand nombre de lots pour satisfaire des droits successoraux complexes et souvent très inégaux, le partage en nature devient un exercice presque insurmontable, tant sur le plan pratique que logistique (Cass. 1ère civ., 28 juin 1977, n°75-12.487). 

==>Les difficultés juridiques de partage

La loi peut imposer des restrictions au partage en nature lorsque la division physique d’un bien compromet son utilité, son exploitation, ou son intégrité économique. Ces barrières légales, parfois explicites, trouvent leur justification dans des impératifs d’intérêt général ou de préservation de l’efficacité économique des biens concernés.

A cet égard, certaines catégories de biens, en raison de leur nature intrinsèque, sont insusceptible de faire l’objet d’un partage en nature. Les mines, par exemple, furent historiquement considérées comme indivisibles, car leur exploitation exige une unité structurelle pour être rentable et conforme aux normes techniques en vigueur (Cass. req., 21 avr. 1857). Cette indivisibilité découle moins d’une contrainte matérielle que de l’exigence de préserver la finalité économique du bien, en évitant une division qui rendrait son exploitation inefficace ou impossible.

De manière similaire, un terrain constructible peut devenir juridiquement insusceptible de partage lorsque son morcellement compromet l’obtention d’un permis de construire ou sa viabilité. Cette impossibilité résulte de normes d’urbanisme qui conditionnent l’utilisation d’un terrain à une superficie minimale ou à des exigences d’aménagement spécifiques (CA Nancy, 18 janv. 1989).

Les biens soumis au régime de la copropriété illustrent également cette tension entre indivisibilité et partage. Dans un immeuble d’habitation indivis, les parties communes, par définition, ne peuvent être fractionnées sans remettre en cause la structure juridique et pratique de la copropriété. La jurisprudence a affirmé que l’unité des parties communes prime sur toute tentative de division en étages ou appartements, rendant le partage en nature juridiquement incompatible avec ce régime (Cass. 1ère civ., 19 janv. 1960). Ces principes visent à garantir l’usage collectif des parties communes et à préserver la cohérence fonctionnelle du bien immobilier.

Au-delà des dispositions légales, les indivisaires peuvent eux-mêmes convenir de règles encadrant les modalités de partage. En vertu de l’article 1103 du Code civil, un accord unanime entre les indivisaires, qu’il prévoie une licitation ou un partage en nature, s’impose avec la même force qu’un contrat. Une fois signé, cet engagement lie non seulement les parties, mais aussi le juge chargé de superviser l’exécution du partage.

Ainsi, un accord visant à exclure le partage en nature doit être respecté, sauf en cas de dispositions contraires à l’ordre public ou manifestement inéquitables (Cass. 1ère civ., 20 janv. 1982, n°80-16.909). Cette contractualisation des modalités de partage permet aux indivisaires de surmonter des situations conflictuelles ou de prévenir des litiges futurs en définissant des règles précises.

La volonté exprimée par le de cujus dans un testament peut également influer sur les modalités de partage. Par exemple, lorsqu’un legs particulier attribue un bien spécifique à un héritier, ce bien échappe au partage dès lors que la disposition respecte la limite de la quotité disponible. Ce type de disposition testamentaire peut être perçu comme une restriction à la divisibilité du bien, car il confère à un héritier un droit exclusif sur celui-ci.

Cependant, une clause testamentaire ne peut, à elle seule, empêcher une licitation si celle-ci est indispensable pour respecter les droits des autres héritiers. En cas d’impossibilité de partager équitablement un bien en nature, le juge peut être conduit à écarter une disposition testamentaire pour ordonner une vente et préserver l’équilibre patrimonial entre les cohéritiers (Cass. 1ère civ., 5 janv. 1977, n°75-15.199). 

==>Les difficultés économiques de partage

Au-delà des obstacles matériels et juridiques, des considérations économiques peuvent justifier l’impossibilité d’un partage en nature. Ainsi, certaines divisions matérielles peuvent entraîner une dépréciation substantielle des biens indivis. Un exemple classique est celui d’une exploitation agricole : son morcellement compromettrait la viabilité économique du domaine, rendant l’ensemble des parcelles moins attractif sur le marché (Cass. 1re civ., 16 oct. 1967). De manière similaire, la division d’un terrain de faible superficie peut aboutir à des lots inadaptés à une utilisation efficace, diminuant ainsi leur valeur intrinsèque (Cass. 1ère civ., 11 juin 1985, n°84-12.325). 

Une autre contrainte économique peut découler de l’incapacité à constituer des lots de valeur équivalente. Lorsque les biens indivis diffèrent considérablement par leur nature, leur localisation ou leur état, il devient impossible de composer des lots respectant l’équité entre les indivisaires sans recourir à des soultes disproportionnées. Par exemple, dans une affaire relative à un ensemble de biens immobiliers, la nécessité de prévoir des soultes trop élevées pour équilibrer les lots a conduit le juge à privilégier la licitation, considérée comme une solution plus adaptée pour garantir l’équité patrimoniale (Cass. 1re civ., 15 mai 1962).

La question des actions et parts sociales illustre parfaitement les enjeux économiques liés à la division en nature. Bien que ces biens soient techniquement divisibles, leur répartition peut entraîner une perte de contrôle ou de minorité de blocage au sein d’une société. Cela compromet non seulement la gestion de l’entreprise, mais réduit également la valeur des parts en raison de l’incertitude juridique et économique générée par une telle division. Dans une affaire emblématique, la répartition d’actions aurait menacé la stabilité de l’entreprise en remettant en cause les droits de contrôle. Le juge a alors ordonné une licitation pour préserver l’intégrité économique et les intérêts des parties (CA Paris, 2 juill. 2002).

Outre la dépréciation des biens, les coûts associés à la division peuvent également justifier une licitation. Par exemple, la division d’un immeuble en plusieurs appartements ou l’aménagement nécessaire pour rendre un bien partageable peut impliquer des dépenses considérables, rendant économiquement irrationnelle toute tentative de partage en nature (TGI Nice, 6 juill. 1962). Ces coûts peuvent inclure la création de nouvelles infrastructures, la gestion des servitudes ou encore les frais de mise aux normes, autant de facteurs susceptibles de miner la rentabilité des biens divisés.

==>Les difficultés personnelles

Enfin, les relations entre indivisaires peuvent elles-mêmes constituer un frein au partage en nature, en particulier lorsque des tensions ou des dissensions profondes altèrent toute perspective de gestion harmonieuse des biens communs. Ces conflits, qu’ils trouvent leur origine dans des différends familiaux, des ruptures conjugales ou des désaccords patrimoniaux, rendent souvent impraticable une répartition équitable des biens, tant sur le plan matériel qu’émotionnel.

Lorsqu’une indivision découle d’une séparation conjugale, par exemple, les relations tendues entre anciens partenaires peuvent transformer la cohabitation dans un bien indivis en un exercice insupportable. La gestion commune d’espaces partagés, comme une maison ou un appartement, devient rapidement source de conflits incessants, compromettant toute possibilité de coexistence pacifique. Ces situations, souvent aggravées par l’absence de dialogue ou par des griefs passés, justifient fréquemment une licitation, seule mesure apte à mettre un terme aux conflits prolongés (CA Metz, 11 mars 2010).

Les tensions ne se limitent pas aux relations conjugales. Au sein d’une famille élargie ou entre héritiers, les divergences d’intérêts ou de vision sur l’avenir des biens indivis peuvent provoquer un blocage total. L’un des indivisaires peut, par exemple, contester systématiquement les décisions relatives à l’exploitation ou à la répartition des biens, refusant de collaborer à leur entretien ou à leur valorisation. De tels comportements conflictuels paralysent l’indivision, rendant tout accord amiable illusoire et nécessitant une intervention judiciaire pour sortir de l’impasse.

Dans ces contextes, le juge joue un rôle déterminant. Chargé de garantir l’équité et de préserver la paix sociale, il est amené à ordonner une licitation lorsque les tensions rendent impossible le maintien de l’indivision ou la mise en œuvre d’un partage en nature. Une telle décision, bien que pragmatique, n’est pas dénuée de conséquences psychologiques pour les indivisaires. La vente forcée d’un bien, souvent chargé d’une forte valeur symbolique ou sentimentale, peut engendrer des sentiments de perte ou d’injustice. Il appartient donc au juge d’accompagner sa décision d’une motivation claire, exposant en quoi la licitation constitue la solution la plus adaptée pour protéger les intérêts de chacun.

3. Le régime de la licitation

3.1 Principes directeurs

==>Saisine

En vertu de l’article 840 du Code civil, la licitation judiciaire ne peut être envisagée qu’à l’occasion d’une instance en partage. À cet égard, dans le cadre de cette instance, la demande en partage est formulée à titre principal, tandis que la demande de licitation est nécessairement formulée à titre incident. 

En effet, la licitation, par sa nature subsidiaire, ne saurait être sollicitée qu’à titre incident, lorsqu’un partage en nature s’avère matériellement impraticable ou compromet l’équité entre les indivisaires. Ce dispositif met en lumière la primauté du partage en nature, qui demeure le fondement même du régime de l’indivision, tandis que la licitation, exception par essence, est rigoureusement encadrée pour éviter tout détournement de sa finalité.

Le Code de procédure civile organise ainsi une interdépendance entre les demandes en partage et en licitation, la seconde ne pouvant être introduite indépendamment de la première. Dans un arrêt du 15 juin 2017, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « la demande en licitation d’un bien indivis […] ne peut être formée qu’à l’occasion d’une instance en partage judiciaire » (Cass. 1ère civ., 15 juin 2017, n°16-16.031). Fondant sa décision sur les articles 840 et 1686 du Code civil, la Haute juridiction a rappelé que la licitation, en raison de son caractère subsidiaire, ne peut exister indépendamment d’une demande principale en partage.

En l’espèce, des héritiers avaient sollicité la licitation d’un immeuble dépendant d’une succession en raison de désaccords portant sur l’attribution et l’estimation des lots. Sans qu’aucune instance en partage judiciaire n’ait été introduite, la cour d’appel avait fait droit à cette demande. La Cour de cassation a censuré cette décision, estimant que la procédure de licitation ne peut être envisagée qu’à titre incident, dans le cadre plus large d’un partage judiciaire. Elle a ainsi annulé l’arrêt de la cour d’appel au motif que celle-ci avait ordonné la licitation en violation des exigences procédurales établies par les textes. Cet arrêt illustre avec clarté que la licitation ne constitue pas une voie autonome mais bien une exception procédurale, subordonnée à la démonstration préalable de l’impossibilité ou de l’inopportunité d’un partage en nature. 

À l’analyse, ce cadre procédural poursuit une double ambition. D’une part, il consacre la primauté du partage en nature, expression de l’idéal d’égalité patrimoniale entre les indivisaires, en veillant à ce que chaque solution retenue préserve, autant que faire se peut, l’intégrité des droits de chacun. D’autre part, il encadre strictement le recours à la licitation, n’autorisant cette mesure, par essence exceptionnelle, qu’en dernier ressort, lorsqu’un partage amiable se heurte à des obstacles matériels ou juridiques insurmontables.

Toutefois, cette subordination stricte n’est pas exempte de critiques. Certains auteurs ont estimé que l’impossibilité manifeste d’un partage en nature dès l’introduction de l’instance pourrait justifier une demande en licitation à titre principal, sans compromettre pour autant l’équilibre procédural. Cette position, bien que séduisante, entre en contradiction avec la volonté du législateur de privilégier une approche prudente et graduée, afin de prévenir tout usage abusif de la licitation.

==>Compétence juridictionnelle

En premier lieu, la licitation relève de la compétence exclusive du tribunal judiciaire. Cette règle s’applique de manière uniforme, quelles que soient les circonstances spécifiques entourant l’indivision. Ainsi, même lorsque l’un des indivisaires est soumis à une procédure collective, le tribunal judiciaire demeure compétent pour connaître des demandes de licitation et de partage (Cass. com., 28 nov. 2000, n° 98-10.145). Dans ce contexte particulier, le liquidateur, agissant non dans l’intérêt personnel du débiteur mais en qualité de représentant des créanciers, peut solliciter la licitation des biens indivis. Dans un arrêt du 28 novembre 2000, la Cour de cassation a confirmé que le liquidateur, habilité à défendre les droits des créanciers, est en mesure de provoquer une licitation dans le cadre des opérations de partage (Cass. com., 28 nov. 2000, n° 98-10.145).

En second lieu, la compétence territoriale de la juridiction qui a vocation à connaitre d’une procédure de licitation judiciaire obéit à des règles qui visent garantir à la fois proximité et efficacité dans le traitement des litiges. L’article 841 du Code civil confère ainsi compétence au tribunal judiciaire du lieu d’ouverture de la succession pour connaître des actions en partage, ainsi que des contestations qui peuvent en découler, notamment celles relatives à la licitation ou à la garantie des lots. Lorsque la licitation ne procédure pas du partage d’une indivision successorale, l’article 45 du Code de procédure civile désigne le tribunal du lieu de situation des biens indivis comme juridiction compétente.

Ce cadre territorial vise à concentrer les litiges devant une juridiction proche des biens concernés. En opérant ce choix, le législateur entend non seulement simplifier les démarches pour les parties, mais également tenir compte des spécificités matérielles et économiques propres aux biens indivis, contribuant ainsi à une gestion plus fluide et plus rapide des procédures.

Enfin, il convient de souligner que cette compétence juridictionnelle, tant d’attribution que territoriale, est d’ordre public. Dès lors, elle ne saurait être modifiée par la volonté des parties.

==>La fixation des conditions de la vente

En application de l’article 1377 du Code de procédure civile, le juge se voit confier la responsabilité de fixer les conditions particulières de la vente par adjudication dans le cadre d’une licitation, qu’il s’agisse de biens meubles ou immeubles. Ce pouvoir embrasse notamment la détermination de la mise à prix, paramètre essentiel pour garantir le bon déroulement de la procédure et prévenir toute sous-évaluation susceptible de léser les intérêts des indivisaires. Cette intervention du juge, gage d’une équité procédurale, est toutefois tempérée par la possibilité, offerte aux indivisaires capables et présents, de convenir unanimement des modalités de la licitation. Cet accord, lorsqu’il est atteint, lie le tribunal, reflétant ainsi l’importance accordée au consentement des parties dans le processus de partage.

Cette souplesse procédurale est néanmoins contrebalancée par la rigueur imposée au déroulement de la licitation. Ainsi, bien que la possibilité d’un sursis temporaire à la vente pour tenter une cession de gré à gré ait été évoquée lors des travaux préparatoires des réformes législatives, cette faculté n’a pas été retenue. Le législateur a manifestement craint qu’une telle mesure ne ralentisse inutilement les procédures, préférant privilégier une approche plus directe pour éviter des délais incompatibles avec les impératifs de gestion des indivisions.

Le cahier des charges, document structurant de la licitation, peut par ailleurs comporter des dispositions spécifiques destinées à encadrer l’attribution des biens adjugés. Parmi celles-ci figure la clause d’attribution, qui stipule que si la dernière enchère est portée par un indivisaire, celui-ci ne sera pas déclaré adjudicataire, mais se verra attribuer le bien au prix fixé par l’adjudication dans le cadre du partage à intervenir. Ce mécanisme, validé par la jurisprudence (Cass. 1ère, 7 oct. 1997, n°95-17.071), favorise une organisation rationnelle et équitable des opérations, tout en préservant les intérêts patrimoniaux des copartageants. En complément, des clauses de substitution peuvent permettre à un adjudicataire de céder son droit à un tiers désigné, offrant ainsi une flexibilité supplémentaire sans compromettre la transparence de la procédure.

==>La recherche de l’intérêt collectif

Il est de principe que toutes les décisions prises par le juge dans le cadre de la procédure de licitation doivent être guidées par la recherche de l’intérêt collectif des copartageants. Cette exigence se traduit par une double obligation pour la juridiction saisie : d’une part, le juge doit s’attacher à optimiser la valeur d’adjudication des biens indivis, gage d’une protection économique des droits des parties. D’autre part, il lui incombe de garantir une répartition équitable des fruits de la vente, en tenant compte des spécificités des biens et des situations individuelles des indivisaires.

L’optimisation de la valeur d’adjudication implique que le tribunal organise la procédure de manière à maximiser la concurrence entre les enchérisseurs. À cet égard, la rédaction du cahier des charges revêt une importance cruciale. Ce document doit non seulement préciser les caractéristiques du bien mis en vente, mais également faire état de toute information susceptible d’influencer les enchères, comme l’existence de droits locatifs ou de servitudes. Ainsi, a été consacré par la jurisprudence l’obligation de mentionner dans le cahier des charges les droits locatifs grevant un bien indivis. Dans un arrêt du 18 juin 1973, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que l’adjudicataire devait être informé des droits d’occupation existants, ces derniers influant directement sur la valeur vénale du bien et, par conséquent, sur les intérêts des indivisaires. 

Par ailleurs, la répartition équitable des fruits de la vente doit également guider les décisions prises par le juge. Celui-ci doit veiller à ce que les modalités de la licitation ne créent pas de déséquilibre injustifié entre les indivisaires. Par exemple, si un indivisaire est lui-même locataire d’un bien indivis, comme ce fut le cas dans l’affaire précitée, il ne saurait être tenu de payer la différence entre la valeur libre et la valeur occupée du bien dont il est adjudicataire. Une telle solution, validée par la Cour de cassation, reflète un souci d’équité : elle empêche qu’un indivisaire se retrouve pénalisé dans l’attribution d’un bien au détriment des autres parties.

Le rôle du tribunal ne se limite donc pas à la définition des conditions formelles de la vente. Il s’étend à une analyse fine et précise des circonstances particulières de chaque indivision, afin d’adopter les mesures les mieux adaptées à l’intérêt collectif des indivisaires. Ainsi, lorsque les biens indivis présentent des caractéristiques spécifiques – qu’il s’agisse d’un immeuble à usage mixte ou d’un terrain à forte valeur économique – le juge peut prévoir des dispositions particulières pour préserver leur rentabilité ou leur attractivité. Par exemple, en cas de licitation d’un fonds de commerce dépendant d’un immeuble indivis, il est d’usage que le cahier des charges impose à l’adjudicataire de l’immeuble de consentir un bail à l’adjudicataire du fonds, si ces deux lots ne sont pas attribués à une même personne. 

==>Les personnes admises à participer à la licitation

L’article 1378 du Code de procédure civile prévoit que « si tous les indivisaires sont capables et présents ou représentés, ils peuvent décider à l’unanimité que l’adjudication se déroulera entre eux. À défaut, les tiers à l’indivision y sont toujours admis. » Il ressort de cette disposition que les enchères, dans le cadre d’une licitation, peuvent être restreintes aux seuls indivisaires.

Plus précisément, la limitation des enchères aux copartageants est envisageable lorsque tous les indivisaires remplissent simultanément plusieurs conditions : ils doivent être juridiquement capables, présents ou représentés par des mandataires disposant d’un pouvoir exprès. De surcroît, cette restriction requiert leur consentement unanime, traduisant une volonté commune d’éviter l’intervention de tiers dans la procédure. Cette faculté permet de maintenir la licitation dans une sphère strictement interne à l’indivision, tout en favorisant une résolution rapide et consensuelle du partage.

Toutefois, dès lors que l’une de ces conditions fait défaut, la procédure impose l’ouverture des enchères à des tiers. Ce mécanisme vise à prévenir tout risque de collusion ou de manœuvres entre indivisaires pouvant entraîner une adjudication à un prix injustement bas. En admettant des tiers, le législateur entend préserver l’intégrité des enchères, s’assurant que celles-ci reflètent la valeur réelle du bien mis en vente.

Cette ouverture des enchères devient obligatoire lorsque l’un des indivisaires est mineur ou incapable. Conformément à l’article 1687 du Code civil, dans une telle hypothèse, les tiers doivent impérativement être admis à participer à la licitation. Ce principe a trouvé une application dans une affaire où un indivisaire incapable s’opposait à une adjudication exclusive entre indivisaires. Le tribunal, rappelant les termes de l’article 1687, avait exigé l’ouverture des enchères aux tiers pour garantir une adjudication équitable, reflétant la valeur véritable des biens mis en vente (TGI Nantes, 27 juin 1967).

A cet égard, il peut être souligné que l’admission des tiers contribue également à maximiser la valeur d’adjudication, au bénéfice de l’ensemble des indivisaires. En augmentant le nombre de participants potentiels, cette ouverture crée une véritable dynamique compétitive lors des enchères, limitant ainsi le risque d’un prix d’adjudication trop bas. 

3.2. Règles particulières

a. La licitation des meubles

Conformément à l’article 1377 du Code de procédure civile, la licitation des meubles s’effectue dans les formes définies par les articles R. 221-33 à R. 221-39 du Code des procédures civiles d’exécution. Ces dispositions empruntent, en matière mobilière, au régime de la vente forcée sur saisie-vente, lequel assure une publicité, une organisation et une transparence optimales des opérations. Toutefois, il convient de distinguer entre les meubles corporels, directement visés par ces textes, et les meubles incorporels, soumis à un régime spécifique.

i. La licitation des meubles corporels

==>Le lieu de la vente

En vertu de l’article R. 221-33 du Code des procédures civiles d’exécution, la détermination du lieu de la vente des meubles dans le cadre d’une licitation obéit à des critères mêlant pragmatisme et efficacité économique. La vente peut être organisée soit au lieu où se trouvent les biens, soit dans une salle des ventes ou tout autre espace public, en fonction de la situation géographique la plus adaptée à solliciter la concurrence tout en minimisant les coûts. 

La localisation des meubles constitue le premier critère à considérer. Organiser la vente sur place permet de limiter les frais de déplacement et de transport des biens, ce qui est particulièrement pertinent lorsque ceux-ci se situent dans une région densément peuplée ou facilement accessible aux enchérisseurs. Toutefois, lorsque le lieu de situation des meubles ne favorise pas une concurrence suffisante, le tribunal peut opter pour un lieu plus stratégique, tel qu’une salle des ventes située dans une zone urbaine ou à proximité d’un marché plus dynamique. Cette approche vise à maximiser le produit de la vente en attirant un nombre accru d’enchérisseurs potentiels.

Le tribunal, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, doit également tenir compte des règles encadrant la compétence territoriale des officiers ministériels chargés de la vente, conformément à l’article 3 de l’ordonnance du 26 juin 1816. Dans les communes où les commissaires-priseurs judiciaires exercent un monopole, leur intervention doit être respectée, sous peine d’irrégularité de la procédure. Ce cadre juridictionnel, bien que contraignant, garantit une cohérence dans l’organisation des ventes tout en respectant les prérogatives des professionnels habilités.

L’organisation de la vente, qu’elle soit réalisée sur place ou dans un lieu public, doit également répondre à une exigence de transparence. En choisissant des espaces accessibles et ouverts à tous les enchérisseurs, la procédure prévient tout risque de collusion ou de manipulation des enchères. Cette publicité garantit ainsi une valorisation optimale des biens tout en renforçant la confiance des parties dans le déroulement de la licitation. Le choix du lieu devient alors un élément central de la procédure, combinant efficacité économique et respect des intérêts des indivisaires.

==>L’information de la vente

  • L’information des copartageants
    • L’article R. 221-35 du CPC prévoit que les indivisaires soient informés par l’officier ministériel des lieu, jour et heure de la vente, au moins huit jours avant celle-ci. 
    • Cette notification, effectuée par lettre simple ou tout autre moyen approprié, garantit que les parties intéressées puissent assister à la vente et défendre leurs droits.
    • Il doit en être fait mention dans le certificat prévu à l’article R. 221-34 du CPCR
  • La publicité de la vente
    • L’article R. 221-34 exige que la vente soit précédée d’une publicité appropriée, réalisée au moins huit jours avant la date fixée pour l’adjudication. 
    • Cette publicité est effectuée par affiches indiquant les lieu, jour et heure de celle-ci et la nature des biens saisis.
    • Les affiches sont apposées à la mairie de la commune où demeure le débiteur saisi et au lieu de la vente. 
    • La publicité obligatoire est faite à l’expiration du délai prévu au dernier alinéa de l’article R. 221-31 et huit jours au moins avant la date fixée pour la vente.
    • La vente peut également être annoncée par voie de presse.
    • L’huissier de justice doit certifier l’accomplissement des formalités de publicité.

==>Les modalités d’adjudication

  • La vérification des biens avant adjudication
    • Avant l’adjudication, l’officier ministériel chargé de la vente procède à une vérification scrupuleuse de la consistance et de la nature des biens à réaliser, conformément aux exigences de l’article R. 221-36 du Code des procédures civiles d’exécution. 
    • Cette formalité consiste à examiner les biens afin de relever tout objet manquant ou dégradé, garantissant ainsi une transparence totale sur les biens soumis aux enchères. 
    • Ce contrôle donne lieu à l’établissement d’un acte, qui constitue une pièce essentielle de la procédure et permet d’assurer la régularité de la vente.
    • Par ailleurs, l’article R. 221-12 du même code confère à l’huissier de justice la faculté de photographier les objets, si cela s’avère nécessaire. 
    • Ces photographies, conservées par l’huissier, servent de preuve objective et fiable dans l’hypothèse où une contestation surviendrait ultérieurement. 
    • Bien que leur communication soit strictement encadrée et ne puisse avoir lieu qu’en cas de litige porté devant le juge, elles renforcent la crédibilité de l’inventaire des biens, en fournissant une documentation visuelle précise.
    • Cette procédure de vérification, bien qu’historiquement liée aux risques spécifiques des saisies, trouve également sa place dans le cadre de la licitation. 
    • Elle vise à prémunir les indivisaires contre tout doute ou litige relatif à l’état des biens mis en vente. 
    • En outre, elle participe de la protection des droits des copartageants en offrant une garantie supplémentaire sur la consistance des biens à liciter.
  • Les conditions de la vente
    • En application de l’article R. 221-37, la vente est faite par un officier ministériel habilité par son statut à procéder à des ventes aux enchères publiques de meubles corporels et, dans les cas prévus par la loi, par des courtiers de marchandises assermentés.
    • L’article R. 221-38 précise que l’adjudication est réalisée au plus offrant, après trois criées.
    • Le prix est payable comptant, et en cas de défaut de paiement par l’adjudicataire, l’objet est revendu sur réitération des enchères, dite “à la folle enchère”.
    • Cette règle vise à garantir la rapidité et l’efficacité des opérations tout en limitant les risques d’impayés.
  • L’établissement de l’acte de vente
    • L’article R. 221-39 prévoit qu’il doit être dressé acte de la vente. 
    • Cet acte contient la désignation des biens vendus, le montant de l’adjudication et l’énonciation déclarée des nom et prénoms des adjudicataires. 
    • Il y est annexé un extrait des inscriptions au registre mentionné à l’article R. 521-1 du code de commerce levé en application de l’article R.221-14-1.
    • Il est procédé, sur justification du paiement du prix, à la radiation des inscriptions de sûretés prises sur les biens vendus du chef du débiteur saisi.

ii. La licitation des meubles incorporels

Les biens incorporels, tels que les droits d’associé ou les valeurs mobilières, échappent au régime classique applicable aux meubles corporels, régi par les articles R. 221-33 à R. 221-39 du Code des procédures civiles d’exécution. En raison de leur nature immatérielle, la licitation de ces biens requiert un encadrement procédural spécifique, énoncé aux articles R. 233-3 à R. 233-9 du même code. Contrairement aux meubles corporels, dont la valeur repose sur leur consistance matérielle, les biens incorporels tirent leur valorisation de droits abstraits, impliquant des règles distinctes adaptées à leurs spécificités juridiques et économiques.

Cette différence de traitement se justifie par la complexité inhérente à ces actifs, qui nécessitent une évaluation préalable approfondie, des formalités de publicité appropriées et la prise en compte de mécanismes contractuels ou statutaires, tels que les droits d’agrément ou de préemption. Ces exigences garantissent la transparence des opérations, la protection des intérêts des parties et la préservation de la sécurité juridique.

Toutefois, le cadre procédural applicable à ces biens incorporels diffère selon que les valeurs mobilières concernées sont ou non admises à la négociation sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation.

==>Les valeurs mobilières admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation

La licitation des valeurs mobilières admises à la négociation sur des marchés réglementés ou des systèmes multilatéraux de négociation est régie par les articles R. 233-3 et R. 233-4 du Code des procédures civiles d’exécution. Ces dispositions établissent un cadre procédural visant à assurer à la fois la simplicité, la rapidité et la transparence des opérations, tout en respectant les droits des débiteurs et des créanciers.

En premier lieu, l’article R. 233-3 confère au débiteur la faculté, dans un délai d’un mois à compter de la signification de la saisie, de donner l’ordre de vendre les valeurs mobilières saisies. Ce délai offre une marge de manœuvre permettant au débiteur de conserver une certaine maîtrise sur la gestion de ses actifs, tout en répondant aux impératifs de la procédure. Il est précisé que « le produit de la vente est indisponible entre les mains de l’intermédiaire habilité pour être affecté spécialement au paiement du créancier ». Cette indisponibilité garantit que les créanciers bénéficient en priorité du produit de la vente, protégeant ainsi leurs droits. En cas de vente excédant les sommes nécessaires pour désintéresser les créanciers, « l’indisponibilité cesse pour le surplus des valeurs mobilières saisies », restituant ainsi le solde au débiteur.

En second lieu, l’article R. 233-4 précise que, jusqu’à la réalisation de la vente forcée, le débiteur conserve la possibilité d’indiquer au tiers saisi l’ordre dans lequel les valeurs mobilières doivent être vendues. Ce pouvoir de priorisation permet d’optimiser la cession des actifs en fonction des préférences ou des contraintes économiques du débiteur. À défaut d’instruction expresse, « aucune contestation n’est recevable sur leur choix », ce qui confère à l’intermédiaire habilité une liberté d’exécution nécessaire à l’efficacité de la procédure.

Le déroulement de la procédure s’articule autour des étapes suivantes :

  • Signification de la saisie au débiteur : cette étape marque le point de départ du délai d’un mois imparti au débiteur pour donner l’ordre de vente des valeurs mobilières saisies, conformément à l’article R. 233-3.
  • Instruction de la vente par le débiteur : le débiteur peut ordonner la vente des valeurs mobilières, en précisant si nécessaire l’ordre dans lequel elles doivent être cédées, en application des articles R. 233-3 et R. 233-4.
  • Vente des valeurs mobilières : l’intermédiaire habilité procède à la vente selon les instructions du débiteur ou, à défaut, selon sa propre appréciation. Les produits de la vente sont indisponibles jusqu’à ce que les créanciers soient désintéressés.
  • Affectation des fonds : le produit de la vente est affecté prioritairement au paiement des créanciers. En cas d’excédent, le surplus est restitué au débiteur, mettant fin à l’indisponibilité.

==>Les valeurs mobilières non admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation

La licitation des valeurs mobilières non admises aux négociations sur des marchés réglementés ou des systèmes multilatéraux de négociation est régie par les articles R. 233-5 à R. 233-9 du Code des procédures civiles d’exécution. 

  • Tentative de vente amiable préalable
    • Conformément à l’article R. 233-5, la procédure débute par une tentative de vente amiable des valeurs mobilières. 
    • Si cette vente ne peut être réalisée dans les conditions prévues aux articles R. 221-30 à R. 221-32, une adjudication judiciaire est alors ordonnée. 
    • Cette étape préalable reflète une volonté de privilégier les solutions consensuelles et de réduire les coûts et les délais associés à une vente judiciaire.
  • Élaboration d’un cahier des charges
    • Avant la mise en vente, un cahier des charges doit être établi en application de l’article R. 233-6. Ce document joue un rôle central dans la procédure, car il contient :
      • Les statuts de la société concernée, afin de permettre une évaluation précise des droits mis en vente.
      • Tout document nécessaire à l’appréciation de la consistance et de la valeur des droits, garantissant ainsi la transparence des informations fournies aux enchérisseurs potentiels. 
    • Il peut être observé que les conventions instituant un agrément ou créant un droit de préférence au profit des associés ne s’imposent à l’adjudicataire que si elles figurent expressément dans le cahier des charges. 
  • Notification du cahier des charges
    • L’article R. 233-7 impose la notification du cahier des charges à la société concernée, qui doit à son tour en informer les associés.
    • Simultanément, une sommation est notifiée aux créanciers opposants, leur permettant de consulter le cahier des charges et, le cas échéant, de formuler des observations sur son contenu. 
    • Ces observations doivent être faites dans un délai de deux mois suivant la notification initiale, après quoi elles ne sont plus recevables. 
    • Ce mécanisme garantit que tous les intéressés disposent d’une opportunité équitable de participer au processus.
  • Publicité de la vente
    • Une fois le cahier des charges validé, une publicité de la vente est organisée conformément à l’article R. 233-8. 
    • Cette publicité doit indiquer les jour, heure et lieu de l’adjudication et est réalisée par voie de presse, voire par affichage si nécessaire. 
    • Elle doit être effectuée dans un délai compris entre quinze jours et un mois avant la date fixée pour la vente. 
    • Par ailleurs, le débiteur, la société et les créanciers opposants doivent être informés de cette date par notification individuelle.
  • Mise en œuvre des mécanismes conventionnels spécifiques
    • Avant l’adjudication, les mécanismes légaux ou conventionnels d’agrément, de préemption ou de substitution sont mis en œuvre conformément à l’article R. 233-9. 
    • Ces mécanismes permettent aux associés ou aux créanciers d’exercer leurs droits conformément aux statuts de la société ou aux conventions en vigueur.
  • Adjudication
    • L’adjudication elle-même suit les principes généraux des ventes judiciaires. 
    • L’adjudicataire, une fois déclaré, devient titulaire des droits incorporels cédés, sous réserve des restrictions éventuelles mentionnées dans le cahier des charges. 
    • Cette étape clôt la procédure et permet d’affecter le produit de la vente au paiement des créanciers, dans le respect des priorités établies.

b. La licitation des immeubles

L’article 1377, alinéa 2 du Code de procédure civile prévoit que « la vente est faite, pour les immeubles, selon les règles prévues aux articles 1271 à 1281 ». Ainsi, la licitation des immeubles dans le cadre d’un partage judiciaire est encadrée par des règles qui établissent un régime spécifique hérité de la tradition juridique antérieure, notamment de l’article 972 de l’ancien Code de procédure civile. Ce dernier renvoyait aux articles 953 et suivants lesquels régissaient la vente des biens immobiliers appartenant à des mineurs, reflétant déjà une volonté de protéger les intérêts des parties les plus vulnérables.

Ces dispositions, désormais modernisées, s’appliquent à la vente judiciaire des immeubles indivis, qu’ils appartiennent à des mineurs, à des majeurs en tutelle ou à plusieurs indivisaires dans le cadre d’un partage. Elles traduisent une continuité dans la recherche d’un équilibre entre la nécessité de mettre fin à l’indivision et la garantie d’une procédure équitable et sécurisée pour toutes les parties. 

i. Détermination des modalités de la vente

Conformément à l’article 1272 du Code de procédure civile, la licitation des biens immobiliers peut être réalisée soit à l’audience des criées, sous la supervision d’un juge désigné, soit devant un notaire commis à cet effet par le tribunal. Ce choix de modalité incombe au tribunal, qui dispose d’un pouvoir discrétionnaire, lui permettant d’opter pour l’une ou l’autre de ces solutions en fonction des circonstances et des intérêts en présence. Ce pouvoir, largement reconnu par la jurisprudence (Cass. civ., 20 janv. 1880, DP 1880, 1, p. 161), dispense le juge de motiver sa décision quant à la désignation d’un notaire ou à la tenue des enchères au tribunal.

Toutefois, une limite s’impose à ce pouvoir discrétionnaire. Lorsque tous les indivisaires, capables et présents, s’accordent unanimement pour demander une vente devant notaire, le tribunal est tenu de respecter cette demande, y compris en ce qui concerne le choix du notaire. Cette prérogative des indivisaires s’inscrit dans une logique de respect de la volonté collective des parties et s’applique indépendamment de la complexité de la situation ou de la nature des biens concernés.

En l’absence d’accord entre les indivisaires, le tribunal conserve l’entière maîtrise des modalités de la vente. Il peut notamment désigner un ou plusieurs notaires pour superviser la licitation. Lorsqu’il commet deux notaires, sans leur attribuer de mission particulière, ces derniers doivent agir de manière concertée. Ils ne peuvent agir indépendamment l’un de l’autre, notamment pour des actes aussi fondamentaux que l’établissement du cahier des charges. Cette exigence vise à garantir une parfaite régularité des opérations.

L’absence d’un notaire dans un tel cadre ne saurait être régularisée par la seule présence de témoins. Toutefois, il a été jugé que le cahier des charges établi par un notaire unique, bien que deux notaires aient été initialement désignés, reste valable dès lors que l’autre partie et son notaire s’étaient volontairement abstenus de comparaître (CA Rennes, 10 juill. 1957).

Le tribunal conserve par ailleurs un pouvoir discrétionnaire concernant le remplacement des notaires désignés. Ainsi, en cas de décès ou d’empêchement d’un notaire, il peut nommer un autre notaire ou, s’il en a désigné plusieurs avec une hiérarchie entre eux, intervertir les rôles initialement définis (Cass. 1ère civ., 9 janv. 1979, n°76-10.880).

Le choix entre la licitation à la barre du tribunal et celle devant notaire repose souvent sur des considérations pratiques. La licitation judiciaire, en raison des garanties procédurales qu’elle offre, est généralement privilégiée lorsqu’il existe des indivisaires mineurs ou incapables. À l’inverse, la licitation devant notaire tend à être plus attractive pour les tiers enchérisseurs, notamment lorsque l’étude notariale est située à proximité du bien immobilier concerné. Ce cadre flexible permet ainsi d’adapter les modalités de la procédure à l’intérêt des indivisaires et aux spécificités de chaque dossier.

ii. Fixation des conditions de vente

Une fois la licitation des biens immobiliers ordonnée, le tribunal est chargé de fixer les conditions essentielles de la vente. Conformément à l’article 1273 du Code de procédure civile, cette prérogative intéresse principalement la détermination de la mise à prix de chaque bien concerné. Le tribunal peut également prévoir que, si aucune enchère n’atteint cette mise à prix initiale, la vente puisse s’effectuer sur une mise à prix inférieure, qu’il fixe lui-même. Ce mécanisme, souvent étagé, vise à garantir la réalisation effective de la vente tout en préservant au mieux les intérêts des indivisaires.

La mise à prix constitue un élément central de la procédure de licitation. Elle correspond au montant minimum à partir duquel les enchères peuvent débuter. Si les indivisaires, tous capables et présents, s’accordent à l’unanimité sur les conditions de la vente, ils peuvent convenir eux-mêmes de cette mise à prix et des modalités y afférentes. Cependant, en l’absence d’un tel accord, il revient au tribunal de trancher et de fixer les conditions de manière souveraine (art. 1377, al. 1er CPC).

Dans l’exercice de cette prérogative, le tribunal dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Il peut, par exemple, décider que la mise à prix initiale pourra être abaissée en cas d’absence d’enchères atteignant ce montant. Ce mécanisme progressif, par paliers successifs (par exemple, un quart ou une moitié en moins), est conçu pour assurer l’attractivité de la vente tout en veillant à ne pas sacrifier la valeur des biens (Cass. 1re civ., 23 juill. 1979, n°78-10.067).

Pour fixer une mise à prix réaliste et adaptée, le tribunal peut ordonner une estimation totale ou partielle des biens si leur consistance ou leur valeur le justifie (art. 1273, al. 2 CPC). Cette mesure est néanmoins facultative et relève de la seule appréciation du juge. Ainsi, le tribunal n’est pas tenu d’ordonner une expertise, même si elle est sollicitée, ni de se conformer aux conclusions du rapport d’un expert lorsqu’il en a désigné un (Cass. 1ère civ., 2 mars 1966). 

En tout état de cause, la fixation des conditions de vente par le tribunal doit reposer sur une analyse, au cas par cas, des circonstances. L’objectif est d’assurer une juste valorisation des biens indivis tout en facilitant leur réalisation lors de la vente. Cette démarche équilibrée tient compte des intérêts des indivisaires et de l’attractivité nécessaire pour susciter l’intérêt des enchérisseurs.

iii. L’établissement du cahier des charges

Le cahier des charges, pièce essentielle de la procédure de licitation, constitue le cadre juridique définissant les modalités de la vente et les engagements des parties. Prévu par l’article 1275 du Code de procédure civile, il doit être établi avec rigueur, car il devient la « loi des parties » une fois déposé. Ce document, obligatoire selon la jurisprudence (Cass. 3e civ., 27 févr. 2002, n°00-15.317), joue un rôle central en structurant les étapes de la vente, garantissant ainsi la transparence et l’équité de la procédure.

==>La rédaction du cahier des charges

Le rédacteur du cahier des charges est désigné en fonction de la modalité choisie pour la licitation :

  • Licitation à l’audience des criées : dans ce cas, l’avocat représentant le copartageant à l’origine de la procédure est chargé de la rédaction. Il lui revient de déposer le cahier des charges au greffe du tribunal, conformément aux règles procédurales applicables. Ce dépôt garantit l’accessibilité du document à toutes les parties intéressées, notamment les autres indivisaires.
  • Licitation devant notaire : lorsque la vente est confiée à un notaire commis par le tribunal, c’est à ce dernier que revient la responsabilité de rédiger le cahier des charges. Cette attribution est cohérente avec les missions du notaire en tant qu’officier public, garantissant la régularité et la sécurité juridique des opérations.

S’agissant du contenu du cahier des charges, il est déterminé par les parties lorsqu’elles parviennent à un accord unanime. À défaut d’un tel accord, il appartient au tribunal de fixer les conditions essentielles de la vente dans son jugement. Ce document doit obligatoirement comporter les éléments suivants :

  • Le jugement ayant ordonné la vente : cette mention permet d’identifier précisément la base légale et la décision judiciaire ayant autorisé la licitation.
  • La description détaillée des biens à vendre : le cahier des charges doit fournir une description précise et exhaustive des biens concernés, y compris leur nature, leur situation géographique et, le cas échéant, leur état locatif. Cette exigence vise à garantir que les enchérisseurs potentiels disposent de toutes les informations nécessaires pour évaluer les biens et formuler des offres éclairées.
  • La mise à prix et les conditions essentielles de la vente : le document doit préciser le montant de la mise à prix fixé par le tribunal ou convenu par les parties, ainsi que les modalités de l’adjudication. Ces conditions incluent notamment les délais de paiement et les éventuelles garanties exigées des enchérisseurs.
  • Vente d’un fonds de commerce : lorsque la vente porte sur un fonds de commerce, le cahier des charges spécifie la nature et la situation tant du fonds que des divers éléments qui le composent, ainsi que les obligations qui seront imposées à l’acquéreur, notamment quant aux marchandises qui garnissent le fonds.

==>La mie à disposition du cahier des charges

Une fois rédigé, le cahier des charges devient un élément essentiel de la procédure de licitation, car il formalise les conditions de vente et sert de référence pour toutes les parties impliquées. Sa mise à disposition est encadrée de manière à garantir une transparence totale et à permettre aux indivisaires, ainsi qu’à tout tiers intéressé, de participer efficacement à la procédure.

Le mode de dépôt ou de mise à disposition du cahier des charges dépend de la modalité de licitation choisie :

  • Dans le cadre d’une licitation à la barre : lorsque la vente a lieu à l’audience des criées, le cahier des charges est déposé au greffe du tribunal. Ce dépôt revêt une importance particulière, car il permet à toutes les parties concernées de prendre connaissance des termes de la vente avant que les enchères ne soient réalisées. Il garantit ainsi l’équité procédurale en offrant à chaque indivisaire une possibilité d’examen des conditions fixées.
  • Dans le cadre d’une licitation devant notaire : lorsque la vente est organisée par un notaire, le cahier des charges est tenu à disposition dans l’étude notariale. Cette modalité, plus flexible, permet une consultation directe par les indivisaires ou par les tiers intéressés, qui peuvent se rendre chez le notaire pour en prendre connaissance. Cela est particulièrement avantageux lorsque le notaire est situé à proximité des biens à vendre, facilitant ainsi l’accès à l’information pour les personnes concernées.

Dans les deux cas, l’objectif de cette mise à disposition est de garantir une information complète et accessible, tout en permettant aux parties de préparer leur éventuelle participation aux enchères ou d’émettre des observations sur le contenu du cahier des charges.

Historiquement, l’ancien article 973 du Code de procédure civile imposait une sommation formelle aux copartageants de prendre connaissance du cahier des charges dans un délai de huit jours suivant son dépôt. Cette disposition visait à instituer une procédure rigoureuse, offrant un cadre temporel précis pour s’assurer que chaque partie avait été informée des conditions de la vente et pouvait, en cas de désaccord, soulever des observations ou contestations.

En cas de difficulté ou de litige concernant le cahier des charges, les contestations étaient réglées à l’audience, permettant au tribunal d’intervenir pour trancher les désaccords. Cette procédure renforçait la sécurité juridique et offrait une voie directe de résolution des différends avant la tenue des enchères.

Cependant, cette exigence de sommation formelle n’a pas été reprise dans les textes actuels. Son absence a été critiquée, car elle laisse une zone d’incertitude quant à la manière dont les parties doivent être informées. En pratique, cette lacune impose désormais aux tribunaux une responsabilité accrue pour s’assurer que les indivisaires et les autres parties intéressées soient dûment informés et disposent d’une possibilité effective de consultation.

Bien que les textes actuels ne prévoient plus de sommation formelle, la nécessité d’informer les parties reste une exigence implicite. Les juridictions, en particulier dans le cadre des licitations à la barre, veillent à ce que les copartageants soient informés de la mise à disposition du cahier des charges et disposent d’un délai raisonnable pour en prendre connaissance.

Il est souvent palier à ce silence textuel par les pratiques notariales ou judiciaires. Les notaires, par exemple, adoptent des mesures pratiques pour garantir l’accessibilité du cahier des charges, notamment en informant directement les indivisaires ou en utilisant des moyens de communication modernes comme les courriers électroniques. De même, les greffes des tribunaux facilitent la consultation des documents déposés.

Le cahier des charges, en plus de constituer un cadre pour la vente, permet aux indivisaires et aux tiers intéressés d’exercer pleinement leurs droits. Sa consultation préalable est cruciale pour que les parties puissent :

  • Vérifier les conditions de la vente et la mise à prix fixée ;
  • Identifier les éventuelles erreurs ou omissions dans la description des biens ;
  • Proposer des rectifications ou formuler des observations avant l’enchère.

Les éventuels désaccords ou observations des parties peuvent être soumis au tribunal ou au notaire, selon la modalité de licitation choisie, avant la finalisation de la vente. Ainsi, le cahier des charges joue un rôle non seulement informatif, mais également participatif, en permettant aux parties de contribuer au bon déroulement de la procédure.

==>La force obligatoire du cahier des charges

Il est admis que le cahier des charges s’analyse comme une véritable offre de vente formulée aux conditions qu’il définit, son acceptation par l’adjudicataire entraînant la formation du contrat (art. 1103 C. civ.). Ce document, qui fixe les règles et conditions essentielles de la vente, tient ainsi lieu de « loi aux parties » et ne peut être modifié unilatéralement après son dépôt.

En effet, une fois déposé au greffe ou tenu à disposition dans l’étude notariale, le cahier des charges acquiert une force obligatoire. En conséquence, aucun copartageant ne peut le modifier de manière unilatérale. Cette règle a été consacrée par la jurisprudence, qui a affirmé que toute tentative de modification sans l’accord des autres parties est nulle et non avenue (Cass. 1re civ., 27 janv. 1998, n°95-15.296). 

Toutefois, avant qu’il ne devienne définitif, le cahier des charges n’est qu’un projet, soumis à l’approbation des indivisaires. Cette étape préliminaire permet aux parties de proposer des rectifications légitimes, lesquelles doivent être intégrées, sous réserve d’un consensus. En cas de désaccord persistant entre les indivisaires, ces rectifications peuvent être soumises à l’appréciation du tribunal, qui tranchera la question.

Le notaire ou l’avocat chargé de la rédaction du cahier des charges agit comme mandataire des parties. À ce titre, il doit prendre en considération la volonté collective des indivisaires et veiller à exprimer fidèlement leurs intérêts communs. Bien qu’il dispose d’une certaine autonomie dans la rédaction du document, il a l’obligation d’accueillir favorablement toute demande de modification justifiée par l’un des indivisaires et de consulter les autres parties sur ces propositions.

Ce rôle de mandataire implique également une responsabilité en cas d’omission ou d’erreur dans le cahier des charges. Si le rédacteur néglige de prendre en compte des observations légitimes ou ne respecte pas les exigences légales, les parties concernées peuvent solliciter une révision du document ou engager sa responsabilité.

La jurisprudence, notamment par un arrêt de la Cour de cassation du 25 octobre 1972, a rappelé qu’il est possible, même après qu’une décision irrévocable a ordonné une licitation, de demander la stipulation d’une clause dans le cahier des charges, sous réserve que cette demande ne porte pas sur un point ayant acquis l’autorité de la chose jugée (Cass. 1ère civ., 25 oct. 1972, n°71-11.018).

Dans cette affaire, la Cour d’appel avait rejeté une demande d’ajout d’une clause d’attribution préférentielle d’une villa au motif qu’un arrêt antérieur, devenu irrévocable, avait ordonné une licitation « pure et simple ». Toutefois, la Cour de cassation a censuré cette position en considérant que l’arrêt antérieur n’avait pas statué sur la question de l’attribution préférentielle et ne pouvait donc avoir autorité de chose jugée sur ce point. Elle a précisé que l’autorité de la chose jugée ne s’applique qu’aux éléments expressément tranchés par la décision initiale, laissant ainsi la possibilité d’adapter le cahier des charges à des éléments non réglés dans le jugement de licitation.

Cette souplesse dans l’élaboration ou la modification du cahier des charges est toutefois encadrée par des limites strictes. Une fois la licitation réalisée, les possibilités de modification deviennent considérablement réduites. Par exemple, une clause stipulée au profit d’un indivisaire mais non approuvée par les autres copartageants ne peut leur être imposée. Cette position a été clairement établie par la jurisprudence (Cass. Com., 4 févr. 1970, n° 68-11.811).

En outre, une « déclaration d’adjudicataire » déposée après l’adjudication, sans être reprise dans le cahier des charges, est considérée comme nulle. La Cour de cassation, dans un arrêt du 27 janvier 1998 a fermement rappelé que le cahier des charges fait la loi des parties (Cass. 1ère civ. 1re, 27 janv. 1998, n°95-15.296). En l’espèce, une déclaration déposée postérieurement à l’adjudication, par laquelle certains indivisaires tentaient de modifier les modalités de la vente pour prévoir une attribution à titre de partage et non de licitation, n’a pas été reconnue comme valable.

La Haute juridiction a souligné que le cahier des charges, qui fixe les conditions essentielles de la vente, est un document juridiquement contraignant. Une fois adopté, il constitue un cadre immuable qui ne peut être modifié que dans les formes prévues par la procédure. La « déclaration d’adjudicataire » en question, déposée après l’adjudication, n’ayant pas été reprise dans le cahier des charges avant cette dernière, n’avait donc aucune valeur juridique et ne pouvait être opposée ni aux autres indivisaires ni au nouvel adjudicataire.

En refusant de donner effet à cette déclaration tardive, la Cour de cassation a réaffirmé non seulement la force obligatoire du cahier des charges, mais également l’exigence de rigueur et de sécurité juridique qui préside à la procédure de licitation. En effet, permettre de telles modifications après coup compromettrait l’équité entre les parties et ouvrirait la voie à des contestations pouvant déstabiliser le processus de vente.

Ainsi, cette solution, protectrice des droits des parties, garantit que les termes de la vente restent inchangés après leur adoption, conformément au principe de force obligatoire des conventions (art. 1103 C. civ.). En l’absence de toute stipulation préalable dans le cahier des charges, une déclaration postérieure ne saurait avoir d’effet juridique, quel que soit son contenu ou les intentions des parties concernées.

==>Les clauses spécifiques du cahier des charges

Le cahier des charges peut comporter des clauses spécifiques destinées à encadrer la procédure et à clarifier les droits des parties. Parmi celles-ci, deux clauses méritent une attention particulière : la clause de substitution et la mention relative à l’état locatif des biens.

  • La clause de substitution
    • La clause de substitution permet à un indivisaire de se substituer à l’adjudicataire tiers dans un délai déterminé, sous réserve des conditions précisées dans le cahier des charges. 
    • Cette clause, parfaitement licite au regard de l’article 1102 du Code civil, s’analyse en un prolongement des droits de substitution déjà prévus par l’article 815-15 du Code civil. 
    • Tandis que ce dernier s’applique uniquement lorsque l’adjudication porte sur les droits indivis d’un indivisaire, la clause stipulée dans le cahier des charges peut élargir ce droit à l’ensemble des biens indivis.
    • La jurisprudence a confirmé la validité de cette clause, en précisant qu’elle doit figurer dans le cahier des charges pour produire ses effets. 
    • Ainsi, dans un arrêt du 17 mars 2010, il a été jugé par la Cour de cassation que « le cahier des charges faisant la loi des parties à l’adjudication », une clause de substitution figurant dans celui-ci est parfaitement valable (Cass. 1ère civ., 17 mars 2010, n°08-21.554). 
    • A cet égard, lorsque plusieurs indivisaires invoquent la clause, la substitution est accordée à celui qui en fait la demande en premier, conformément au principe prior tempore potior jure (Cass. 1ère civ., 7 oct. 1997, n°95-17.071).
    • Enfin, le cahier des charges peut exiger le dépôt préalable du prix d’adjudication par l’indivisaire souhaitant exercer la substitution (Cass. 2e civ., 6 oct. 1993, n°90-18.590). 
    • Cette condition vise à prévenir toute contestation ultérieure et à garantir la sécurité de la transaction.
  • La mention relative à l’état locatif des biens
    • Le cahier des charges doit également comporter une mention sur l’état locatif des biens, en application de l’article 1112-1 du Code civil. 
    • Cette obligation d’information permet à l’adjudicataire de connaître l’existence éventuelle de baux en cours, ceux-ci étant opposables, même s’ils ont été conclus par un seul des indivisaires (Cass. 1ère civ., 19 mars 1991, n°89-20.352).
    • La jurisprudence a fermement établi qu’un bail régulièrement consenti par un indivisaire engage l’adjudicataire, lequel devra le respecter (Cass. 1ère civ., 18 juin 1973, n° 72-11.239).
    • En revanche, si un doute persiste quant aux droits du locataire, notamment en cas de contentieux en cours, une mention explicative doit figurer dans le cahier des charges (Cass. 2e civ., 13 nov. 1959).
    • Par ailleurs, l’absence d’une telle mention dans le cahier des charges pourrait engager la responsabilité du rédacteur si elle entraîne un préjudice pour l’adjudicataire. 
    • Toutefois, cette responsabilité ne saurait être retenue si l’adjudicataire avait connaissance de l’existence du bail (Cass. 1ère civ., 26 nov. 1996, n°94-20.334).

iv. La publicité de la vente

La publicité de la vente est une étape importante de la procédure de licitation, car elle vise à garantir à la fois la transparence et une concurrence loyale entre les enchérisseurs potentiels. Elle est encadrée par l’article 1274 du Code de procédure civile, qui confère au tribunal la mission de déterminer les modalités de cette publicité en tenant compte de trois critères : la valeur, la nature et la situation des biens concernés.

==>Les critères d’appréciation du juge

Le tribunal exerce un pouvoir discrétionnaire pour adapter les modalités de publicité aux spécificités du bien à vendre. Ainsi, il doit tenir compte : 

  • De la valeur du bien : un bien immobilier de grande valeur peut nécessiter une publicité plus large, par exemple au niveau national, afin d’attirer des acquéreurs disposant des ressources nécessaires. À l’inverse, pour un bien de moindre valeur, une publicité locale peut suffire.
  • De la nature du bien : un immeuble résidentiel, un local commercial ou un terrain nu n’attireront pas le même type d’enchérisseurs. Le choix des supports publicitaires doit donc être adapté au public cible.
  • De la situation géographique des biens : les biens situés dans des zones rurales, moins fréquentées, peuvent nécessiter une publicité étendue pour compenser leur faible visibilité locale, tandis que les biens situés en centre-ville peuvent bénéficier d’une couverture plus ciblée.

==>Les formes de publicité

En pratique, la publicité prend des formes variées, définies en fonction des critères précités et des usages locaux. 

Elle inclut généralement :

  • Des annonces dans des journaux : les annonces légales publiées dans des journaux spécialisés ou locaux constituent une méthode classique de publicité. Ces annonces doivent préciser les informations essentielles, telles que la description du bien, la mise à prix, la date et le lieu de l’adjudication.
  • Des affiches : l’apposition d’affiches sur les lieux du bien est également une méthode fréquente, permettant d’informer les riverains et les passants.
  • D’autres moyens adaptés : le tribunal peut également prescrire l’utilisation de supports numériques, comme des annonces sur des sites spécialisés dans les ventes immobilières, ou encore des campagnes de diffusion via des agences immobilières.

==>Finalité de la publicité

La principale finalité de la publicité est de garantir une information large et accessible, afin d’attirer un maximum d’enchérisseurs potentiels. Cette mise en concurrence permet de maximiser le prix obtenu lors de la vente, ce qui est dans l’intérêt des indivisaires. En outre, la publicité renforce la transparence de la procédure, en minimisant les risques de contestation liés à un manque d’information.

==>Contrôle des mesures de publicité

Le tribunal joue un rôle central dans le contrôle de la publicité. Il peut, si nécessaire, exiger des preuves de la réalisation des mesures publicitaires prescrites, comme des attestations de publication ou des photographies des affiches apposées. 

En cas de manquement aux modalités fixées, la procédure de vente pourrait être annulée, mettant en jeu la responsabilité du rédacteur du cahier des charges ou des officiers publics impliqués.

v. L’information des indivisaires

L’article 1276 du Code de procédure civile institue une obligation d’informer les indivisaires de la vente d’un bien indivis au moins un mois avant la réalisation de cette dernière. 

Cette notification de la vente aux indivisaires conditionne la régularité de la procédure. Elle vise à garantir que chaque indivisaire, qu’il soit présent ou absent, puisse prendre connaissance de l’opération envisagée et exercer ses droits, notamment celui de contester ou d’intervenir dans la procédure. En effet, la vente d’un bien indivis affecte directement les droits patrimoniaux des indivisaires, qui détiennent chacun une quote-part dans l’indivision.

Le délai d’un mois prévu par l’article 1276 constitue un minimum légal, permettant à chaque indivisaire de disposer du temps nécessaire pour évaluer l’opération, solliciter des conseils juridiques ou formuler d’éventuelles observations. Ce délai doit être strictement respecté, sous peine de nullité de la procédure.

Le soin de notifier la vente aux indivisaires incombe au rédacteur du cahier des charges, généralement un notaire ou un avocat désigné dans le cadre de la procédure. Ce professionnel a une mission essentielle : veiller à ce que tous les indivisaires, sans exception, soient informés de manière claire et précise. Cette notification doit mentionner les éléments suivants :

  • La date et le lieu de la vente ;
  • Les modalités de cette dernière (vente amiable ou vente judiciaire) ;
  • Les informations relatives au bien vendu (descriptif, mise à prix, etc.) ;
  • Les droits dont disposent les indivisaires, notamment la possibilité d’en contester les conditions.

Le rédacteur du cahier des charges doit s’assurer que la notification soit effectuée par un moyen permettant d’en garantir la réception, par exemple par lettre recommandée avec accusé de réception ou par acte d’huissier. En cas de difficulté, notamment en cas d’indivisaires introuvables ou absents, le professionnel peut solliciter l’autorisation du juge afin de procéder à une notification par voie de publication ou par tout autre moyen adapté.

L’absence ou l’insuffisance de la notification peut entraîner de lourdes conséquences juridiques. En cas de non-respect de cette obligation, l’indivisaire lésé dispose d’un recours en annulation de la vente. La jurisprudence est constante sur ce point, estimant que toute atteinte aux droits procéduraux des indivisaires constitue une irrégularité substantielle.

En outre, l’absence de notification peut également engager la responsabilité civile du rédacteur du cahier des charges, si ce manquement cause un préjudice aux indivisaires. Par exemple, si la vente est annulée en raison de cette irrégularité, les frais supplémentaires engagés pourront être réclamés au professionnel défaillant.

Dans les situations où les indivisaires sont en conflit ou en cas de difficulté particulière dans la gestion de l’indivision, cette obligation d’information revêt une importance particulière. Elle permet d’éviter que certains indivisaires ne soient écartés des décisions importantes et garantit que la vente s’effectue dans des conditions transparentes et conformes aux règles légales.

vi. La procédure d’adjudication

L’adjudication d’un bien indivis, qu’elle soit réalisée à la barre du tribunal ou devant un notaire, constitue une étape cruciale du processus de vente. Régie par les articles 1277 et 1278 du Code de procédure civile ainsi que par les dispositions spécifiques du Code des procédures civiles d’exécution, cette phase requiert un respect rigoureux des règles de publicité et des formalités prescrites. Ces règles, empruntées à la saisie immobilière, visent à garantir la transparence et l’équité de la procédure tout en protégeant les intérêts des parties concernées.

==>Les règles générales d’adjudication

  • Les modalités d’adjudication
    • L’adjudication se tient selon les modalités fixées par le tribunal dans le cadre de la vente en indivision. Elle peut se dérouler dans deux contextes distincts :
      • À l’audience des criées : les enchères doivent être portées par le ministère d’un avocat, conformément à l’article R. 322-40 du Code des procédures civiles d’exécution. L’avocat, en sa qualité de mandataire de l’acheteur, ne peut être porteur que d’un seul mandat, ce qui garantit l’intégrité et l’indépendance de la procédure.
      • Devant un notaire : dans ce cas, les enchères peuvent être reçues directement par ce dernier, sans que le recours au ministère d’un avocat soit requis (CPC, art. 1278, al. 2). Ce mécanisme vise à simplifier la procédure tout en assurant la sécurité juridique grâce à l’intervention d’un officier public.
  • La capacité des enchérisseurs
    • L’article R. 322-39 du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE) établit des restrictions quant aux personnes pouvant participer aux enchères publiques lors d’une procédure d’adjudication. 
    • Ces restrictions visent à prévenir les conflits d’intérêts, à protéger l’intégrité de la procédure et à maintenir la confiance des parties impliquées et du public dans la transparence des opérations.
    • Au nombre des personnes frappées d’une encapacité de participer aux enchères figurent :
      • Le débiteur saisi
        • Le débiteur saisi est interdit de participer aux enchères, que ce soit directement ou par personne interposée. 
        • Cette interdiction s’applique essentiellement dans le cadre des ventes sur saisie immobilière mais peut être étendue par analogie aux ventes en licitation judiciaire lorsqu’un indivisaire demande la vente.
        • Cette incapacité vise à éviter que le débiteur, tenu de vendre ses biens pour apurer ses dettes ou régler une situation d’indivision, ne puisse racheter son propre bien pour échapper à l’obligation de paiement.
        • Une telle participation compromettrait la finalité de la procédure, qui est d’organiser une redistribution équitable du produit de la vente entre créanciers ou indivisaires.
      • Les auxiliaires de justice ayant participé à la procédure
        • Les auxiliaires de justice étant intervenu dans la procédure à un quelconque titre (avocats, notaires, huissiers, ou même mandataires judiciaires) sont également frappés d’une incapacité de participer aux enchères.
        • Cette interdiction s’explique par leur rôle central dans le bon déroulement de la procédure : ces professionnels doivent garantir l’impartialité et l’équilibre entre les parties.
        • Une participation de leur part serait perçue comme contraire à leur obligation de neutralité et pourrait engendrer des soupçons de conflit d’intérêts ou de favoritisme.
        • Exemple : un avocat qui a rédigé le cahier des charges ou représenté une des parties dans la procédure pourrait être accusé d’avoir utilisé ses connaissances privilégiées pour influencer ou manipuler le processus.
      • Les magistrats de la juridiction ayant ordonné la vente
        • Les magistrats ayant pris part à la juridiction où la vente a été ordonnée ou supervisée sont également exclus des enchères.
        • Cette incapacité découle directement des principes de séparation des pouvoirs et d’impartialité de la justice.
        • Permettre à un magistrat de participer aux enchères soulèverait des doutes sur la légitimité des décisions rendues, notamment en cas de fixation d’une mise à prix jugée favorable ou d’autres conditions de vente.
    • La participation d’une personne frappée d’incapacité peut entraîner des conséquences importantes :
        • Nullité de l’enchère et de l’adjudication : toute enchère portée par une personne incapable est frappée de nullité (articles R. 322-48 et R. 322-49 du CPCE).
        • Responsabilité disciplinaire ou pénale : Pour les auxiliaires de justice ou magistrats, une telle participation pourrait donner lieu à des poursuites disciplinaires pour manquement à leurs obligations professionnelles, voire à des sanctions pénales en cas de collusion ou d’abus de fonction.
  • La représentation des enchérisseurs
    • La représentation des enchérisseurs lors d’une adjudication diffère selon que la procédure se déroule devant le tribunal ou devant un notaire. 
      • Ministère obligatoire d’un avocat devant le tribunal
        • Lorsqu’une adjudication se déroule à la barre du tribunal, les enchères doivent obligatoirement être portées par le ministère d’un avocat inscrit au barreau du tribunal judiciaire compétent. Cette obligation poursuit plusieurs objectifs essentiels :
          • Garantir la sécurité juridique : l’avocat, en tant que professionnel du droit, maîtrise les règles de la procédure et peut éviter à son mandant des erreurs susceptibles d’entraîner la nullité des enchères ou des contestations.
          • Assurer la transparence et l’équité de la procédure : en n’autorisant qu’un avocat par enchérisseur, le législateur prévient tout conflit d’intérêts ou stratégie dilatoire. En effet, l’article R. 322-40 du CPCE stipule que l’avocat ne peut représenter qu’un seul client, ce qui garantit l’impartialité des enchères.
          • Encadrer les garanties financières : avant de porter une enchère, l’avocat doit se faire remettre par son client une caution bancaire ou un chèque de banque couvrant au moins 10 % de la mise à prix, conformément à l’article R. 322-41 du CPCE.
        • Cette garantie vise à éviter que des enchères soient portées par des personnes insolvables.
        • L’avocat agit en qualité de mandataire exclusif de l’enchérisseur.
        • A cet égard, il est responsable de vérifier que son mandant respecte les exigences de capacité (articles R. 322-39 et R. 322-41-1 du CPCE) et qu’il dispose des moyens financiers nécessaires.
        • À l’issue de l’audience, il déclare au greffier l’identité de son mandant et fournit les documents requis, notamment les attestations de capacité ou de garanties financières (article R. 322-46 du CPCE).
      • Dispense de représentation par avocat devant le notaire
        • En application de l’article 1278, alinéa 2, du Code de procédure civile, les enchères portées devant un notaire ne nécessitent pas le ministère d’un avocat. 
        • La raison en est que les enchères devant un notaire sont souvent moins formelles que celles organisées par un tribunal.
        • Par ailleurs, en tant qu’officier public, le notaire est lui-même garant de la sécurité juridique et peut remplir certaines fonctions qu’un avocat aurait assumées devant le tribunal.
        • En outre, lorsqu’une licitation judiciaire est organisée devant un notaire, les participants sont souvent limités aux indivisaires ou à des tiers connus, ce qui réduit le risque de contentieux.
        • Bien que le ministère d’avocat ne soit pas obligatoire, le notaire doit veiller à l’application des règles essentielles, notamment :
          • Le respect des dispositions prévues dans le cahier des charges.
          • Le respect des garanties financières prévues à l’article R. 322-41 du CPCE ;
          • L’application des règles d’incapacité posées par l’article R. 322-39 du CPCE, excluant notamment les magistrats et auxiliaires de justice impliqués dans la procédure.
        • Enfin, c’est au notaire, qu’il incombe de rédiger le procès-verbal d’adjudication, qui constitue la base du titre de propriété.

==>Déroulement de l’audience d’adjudication

L’audience d’adjudication est le moment décisif de la procédure, où les enchères sont portées publiquement afin de déterminer l’adjudicataire final du bien indivis. Elle est encadrée par des règles strictes prévues par le Code des procédures civiles d’exécution (CPCE), afin de garantir la transparence, l’équité et la sécurité juridique des opérations. L’audience se déroule en plusieurs phases :

  • Ouverture des enchères
    • Annonce des frais
      • conformément à l’article R. 322-42 du CPCE, le juge ouvre les enchères en commençant par annoncer publiquement les frais liés à la procédure, notamment :
        • Les frais de poursuite, engagés par le créancier poursuivant pour mener à bien la procédure.
        • Les frais de surenchère, si applicable, justifiés par le surenchérisseur éventuel.
      • Cette étape garantit que l’ensemble des participants soit informé des coûts qui s’ajouteront au prix d’adjudication.
      • Toute somme exigée au-delà des frais annoncés est réputée non écrite.
    • Rappel du montant de la mise à prix
      • Ensuite, le juge rappelle que les enchères partiront du montant de la mise à prix, tel que fixé dans le cahier des charges ou par une décision judiciaire (article R. 322-43 du CPCE).
      • La mise à prix est le montant minimal en dessous duquel aucune enchère ne peut être validée, sauf en cas de remise en vente à prix réduit (prévue par l’article R. 322-47 du CPCE).
      • Ce rappel par le juge vise à garantir que les enchères débutent sur une base claire et connue de tous les participants.
      • Cette étape marque l’ouverture officielle des enchères et donne le cadre dans lequel elles se dérouleront.
  • Port des enchères
    • Le port des enchères suit des règles strictes, destinées à garantir l’équité entre les participants et à permettre une progression ordonnée des offres.
      • Des enchères pures et simples (article R. 322-44 du CPCE)
        • Les enchères doivent être pures et simples, c’est-à-dire :
          • Sans condition ni réserve : Chaque enchère est définitive et engage immédiatement celui qui la porte.
          • Progression obligatoire : Chaque enchère doit couvrir l’enchère précédente, ce qui exclut les offres inférieures ou égales à la dernière enchère.
        • Ce principe assure une montée progressive des offres et empêche tout blocage ou stratégie dilatoire de la part des participants.
      • Temps limite pour les enchères (article R. 322-45 du CPCE)
        • Les enchères sont arrêtées dès lors qu’un délai de 90 secondes s’écoule sans qu’aucune nouvelle enchère ne soit portée.
        • Ce délai est mesuré par un système visuel ou sonore, qui signale au public chaque seconde écoulée.
        • Ce mécanisme évite les hésitations prolongées et favorise un déroulement fluide de l’audience.
        • Ce temps limite est particulièrement utile pour clôturer les enchères dans un cadre clair, en laissant une opportunité raisonnable aux participants de se manifester sans prolonger inutilement la procédure.
  • Constatation de l’adjudication
    • Une fois les enchères arrêtées, le juge constate immédiatement le montant de la dernière enchère et en tire les conséquences juridiques :
      • Si la dernière enchère atteint ou dépasse la mise à prix, l’adjudication est définitive. 
      • Dans le cas contraire, une adjudication provisoire peut être prononcée en attendant une éventuelle nouvelle audience, conformément à l’article 1277 du Code de procédure civile.
      • Le juge établit un procès-verbal d’adjudication, qui formalise le transfert du bien à l’enchérisseur déclaré adjudicataire.
      • Ce procès-verbal servira de base pour la délivrance du titre de propriété (article R. 322-59 du CPCE).

==>Conséquences de l’adjudication

L’adjudication, point culminant de la vente aux enchères, peut être qualifiée de définitive ou provisoire selon que l’enchère atteint ou non le montant de la mise à prix fixée. Chaque qualification, encadrée par les dispositions du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE) et du Code de procédure civile, emporte des conséquences juridiques et pratiques distinctes.

  • L’enchère atteint le montant de la mise à prix : l’adjudication définitive
    • L’adjudication est qualifiée de définitive dès lors que l’enchère couvre ou dépasse le montant fixé comme mise à prix dans le cahier des charges ou par décision judiciaire. 
    • Conformément à l’article R. 322-45 du CPCE, le juge constate immédiatement cette adjudication, ce qui engage irrévocablement l’enchérisseur déclaré adjudicataire.
    • L’adjudication définitive emporte des effets juridiques majeurs. 
    • Elle entraîne d’abord le transfert de propriété au bénéfice de l’adjudicataire, sous réserve du paiement intégral du prix d’adjudication et des frais taxés. 
    • Ce transfert de propriété est juridiquement certain et opposable aux tiers dès la prononciation du jugement d’adjudication. 
    • Ainsi, l’adjudication garantit aux créanciers ou indivisaires que le bien a été vendu à un prix conforme aux attentes, qu’il s’agisse de la mise à prix initiale ou des conditions du marché.
    • L’adjudicataire a également l’obligation de s’acquitter du prix et des frais dans les délais prescrits par la loi. 
    • En cas de défaillance, il s’expose à une réitération des enchères, assortie de sanctions financières, conformément à l’article R. 322-66 du CPCE. 
    • Ce mécanisme vise à protéger les intérêts des créanciers ou indivisaires en assurant que l’adjudication atteigne son objectif final.
  • L’enchère n’atteint pas le montant de la mise à prix : l’adjudication provisoire ou la remise en vente
    • Lorsque les enchères ne permettent pas de couvrir la mise à prix fixée dans le cahier des charges ou par décision judiciaire, la procédure prévoit deux issues distinctes : la remise en vente immédiate ou l’adjudication provisoire.
      • La remise en vente immédiate bien (article R. 322-47 du CPCE)
        • Si aucune enchère ne parvient à couvrir le montant de la mise à prix initiale, le juge peut prévoir, dès l’établissement du cahier des charges, une remise en vente immédiate du bien.
        • La remise en vente immédiate repose sur un mécanisme de réduction successive de la mise à prix. 
        • Le montant de la mise à prix peut être progressivement diminué par paliers, afin d’accroître les chances de susciter l’intérêt des enchérisseurs. 
        • Ce processus se poursuit jusqu’à ce qu’une enchère soit portée ou, à défaut, jusqu’au montant minimal prévu dans le cahier des charges.
        • Cette nouvelle mise en vente est organisée dans les mêmes conditions de publicité et de transparence que l’adjudication initiale. 
        • Les formalités légales de publicité doivent être respectées pour garantir que les nouvelles conditions de la vente soient portées à la connaissance de tous les participants potentiels, assurant ainsi l’équité de la procédure.
        • L’objectif principal de la remise en vente est d’éviter une situation de blocage qui pourrait compromettre la vente.
        • En procédant ainsi, le juge maximise les opportunités de trouver un acquéreur tout en préservant les intérêts économiques des indivisaires ou des créanciers concernés.
      • Adjudication provisoire (article 1277 du Code de procédure civile)
        • Si le cahier des charges ou la décision du juge n’autorise pas une remise en vente immédiate, une adjudication provisoire peut être prononcée au profit de l’enchérisseur ayant formulé l’offre la plus élevée, même si cette dernière reste inférieure au montant de la mise à prix.
        • Contrairement à l’adjudication définitive, l’adjudication provisoire n’emporte pas de transfert immédiat de propriété. 
        • Elle confère à l’adjudicataire un droit conditionnel, subordonné à une validation ultérieure par le tribunal. Cette situation permet de temporiser, tout en maintenant la procédure ouverte.
        • Le rôle du tribunal, tel que prévu à l’article 1277, alinéa 2, du Code de procédure civile, est central dans cette configuration.
        • Une fois saisi à la requête d’une partie intéressée, qu’il s’agisse d’un indivisaire ou d’un créancier, le tribunal dispose de deux options :
          • Valider l’adjudication provisoire : si les conditions sont jugées acceptables, l’adjudication provisoire devient définitive. La propriété est alors transférée à l’adjudicataire sous réserve du paiement du prix et des frais.
          • Ordonner une nouvelle vente : si le tribunal estime que l’adjudication provisoire ne permet pas de satisfaire les intérêts des parties, notamment en raison d’un prix insuffisant, il peut décider de procéder à une nouvelle adjudication. Cette nouvelle vente doit être organisée dans un délai minimum de 15 jours. Elle implique une nouvelle mise à prix, adaptée à la situation, ainsi que des formalités de publicité conformes aux exigences légales pour assurer une transparence optimale.

==>Jugement d’adjudication et titre de vente

  • La fonction du jugement d’adjudication
    • Le jugement d’adjudication constitue l’acte juridique par excellence constatant le transfert de propriété du bien vendu aux enchères. 
    • Cet acte, établi par le juge ayant supervisé la procédure, remplit une double fonction : il constate l’attribution du bien à l’adjudicataire et rend ce transfert de propriété opposable aux tiers.
    • En premier lieu, le jugement d’adjudication matérialise juridiquement l’attribution du bien à l’enchérisseur ayant remporté l’adjudication. Il ne s’agit pas seulement d’un constat formel, mais bien d’un acte fondateur conférant à l’adjudicataire la possibilité d’exercer pleinement ses droits sur le bien, sous réserve du paiement intégral du prix et des frais.
    • En second lieu, et conformément à l’article R. 322-59 du Code des procédures civiles d’exécution, le jugement d’adjudication ne se limite pas à constater l’achèvement de la procédure d’adjudication. Son établissement est également une condition préalable à l’inscription des droits de propriété de l’adjudicataire au registre foncier. En effet, l’inscription au registre foncier, qui garantit la publicité et l’opposabilité des droits de propriété, ne peut être réalisée sans ce jugement, lequel sert de fondement à l’ensemble des démarches postérieures.
  • Les mentions obligatoires du jugement
    • Le jugement d’adjudication doit comporter plusieurs mentions obligatoires, prévues à l’article R. 322-59 du Code des procédures civiles d’exécution.
      • Référence au cahier des charges
        • Le jugement doit mentionner le cahier des charges qui régit les conditions de la vente. 
        • Pour mémoire, ce document encadre les modalités de l’adjudication et les obligations de l’adjudicataire. 
        • En faisant référence à ce cahier, le jugement garantit que l’adjudication a respecté les conditions fixées.
      • Formalités de publicité accomplies
        • Le jugement doit préciser les actes de publicité réalisés ainsi que leurs dates. 
        • Ces formalités assurent que la procédure a été menée de manière transparente, permettant à tous les participants potentiels d’être informés de la vente. 
        • Une omission ou une irrégularité dans l’accomplissement de ces formalités pourrait affecter la validité de l’adjudication.
        • La mention des publicités dans le jugement offre ainsi une preuve que tous les participants potentiels ont pu être informés de manière adéquate, évitant ainsi toute contestation ultérieure sur ce fondement
  • Désignation du bien vendu
    • Une description précise de l’immeuble objet de l’adjudication est nécessaire. 
    • Cette désignation doit comporter les informations essentielles permettant d’identifier sans ambiguïté le bien concerné, telles que l’adresse, les références cadastrales, et, le cas échéant, ses caractéristiques spécifiques (surface, nature du bien, etc.). 
    • Cette exigence vise à écarter tout risque de confusion ou de litige concernant le bien transféré, garantissant ainsi que les droits de l’adjudicataire portent sur un objet clairement défini.
  • Identité de l’adjudicataire et montant de l’adjudication
    • Le jugement doit mentionner avec précision l’identité de l’adjudicataire, en indiquant ses nom et prénom, ou, dans le cas d’une personne morale, sa dénomination sociale et son numéro SIREN. 
    • Par ailleurs, le montant exact de l’enchère retenue ainsi que les frais taxés liés à la procédure doivent être expressément indiqués. 
    • Ces informations permettent non seulement d’identifier l’acquéreur de manière claire, mais aussi de calculer les montants à répartir entre les créanciers ou les indivisaires, garantissant ainsi la transparence financière de l’opération.
  • La délivrance du titre de vente
    • Une fois le jugement d’adjudication établi, celui-ci est revêtu de la formule exécutoire et remis à l’adjudicataire. 
    • Cette formalité, prévue à l’article R. 322-62 du Code des procédures civiles d’exécution, constitue l’aboutissement de la procédure d’adjudication. 
    • Elle confère à l’adjudicataire un titre de propriété officiel, permettant de faire valoir ses droits auprès des tiers.
    • En ce qui concerne la procédure de délivrance, le greffier ou le notaire ayant supervisé la vente remet à l’adjudicataire une expédition du jugement d’adjudication. 
    • Ce document constitue le titre de propriété du bien. 
    • Si la vente porte sur plusieurs lots adjugés à des acquéreurs différents, chaque adjudicataire reçoit une expédition distincte, accompagnée des quittances attestant du paiement des frais taxés. 
    • Le titre de vente ainsi délivré permet à l’adjudicataire de procéder à l’inscription de ses droits au registre foncier, officialisant ainsi son statut de propriétaire. 
    • Cette inscription est une étape essentielle, car elle assure la publicité et l’opposabilité des droits de propriété à l’égard des tiers. 
    • Elle confère également à l’adjudicataire une protection juridique renforcée en cas de litige ou de revendications ultérieures concernant le bien. 
  • Les effets du jugement
    • Le jugement d’adjudication emporte des effets juridiques immédiats tant pour l’adjudicataire que pour les tiers.
      • Le transfert de propriété
        • Le jugement d’adjudication formalise le transfert de propriété du bien adjugé au profit de l’adjudicataire dès sa prononciation. 
        • Toutefois, ce transfert reste conditionné au paiement intégral du prix d’adjudication ainsi que des frais taxés.
        • Tant que cette obligation n’a pas été exécutée, l’adjudicataire ne peut jouir pleinement de ses droits.
        • Une fois le paiement effectué, l’adjudicataire devient propriétaire du bien adjugé.
        • Il acquiert ainsi tous les droits attachés à la propriété, notamment ceux d’usage, de jouissance et d’aliénation. 
        • Il peut utiliser le bien comme bon lui semble, percevoir les fruits qu’il génère, ou encore le vendre, le donner ou le grever de droits réels.
        • Par ailleurs, ce transfert de propriété est opposable aux tiers. 
        • Cela signifie que les droits de l’adjudicataire ne peuvent être contestés par des tiers, sauf en cas de vices graves affectant la régularité de la procédure elle-même. 
      • L’effet déclaratif
        • Le jugement d’adjudication, dans le cadre d’une licitation, ne se limite pas à transférer la propriété du bien.
        • Il produit également un effet déclaratif, conférant à l’adjudicataire un titre qui purge les éventuels vices affectant les transmissions antérieures et stabilise la situation juridique du bien.
        • La raison en est que, en vertu de l’article 883 du Code civil, l’effet déclaratif attribue à l’adjudicataire une position rétroactive, le plaçant comme s’il avait toujours été seul propriétaire du bien depuis l’origine de l’indivision. 
        • Cet effet s’applique tant à l’égard des co-indivisaires qu’à l’égard du défunt dans les indivisions successorales.
        • L’effet déclaratif du jugement d’adjudication a une portée corrective et purgative. Il purge la chaîne de propriété en éteignant rétroactivement les droits ou actes des co-indivisaires sur le bien adjugé. 
        • Par exemple, un acte de disposition (vente, hypothèque ou bail) établi par un indivisaire non adjudicataire est anéanti rétroactivement, tandis que ceux établis par l’adjudicataire sont validés, consolidant ainsi ses droits.
        • Dans cette logique, la licitation-partage n’est pas considérée comme une mutation à titre onéreux mais comme un acte de partage. 
        • Elle échappe donc aux règles applicables aux ventes ordinaires, y compris aux actions en rescision pour lésion, sauf en cas de dispositions contraires inscrites dans le cahier des charges.
        • Cet effet déclaratif est particulièrement précieux lorsque le bien adjugé a été l’objet de litiges ou d’irrégularités dans les transmissions antérieures. 
        • Le jugement d’adjudication stabilise la situation juridique en consolidant les droits de l’adjudicataire, garantissant ainsi une propriété purgée de tous vices. 

==>La défaillance de l’adjudicataire et la réitération des enchères

Lorsqu’un adjudicataire ne s’acquitte pas du prix d’adjudication et des frais dans les délais impartis, le bien peut être remis en vente dans les conditions prévues par l’article R. 322-66 du CPCE.

  • Certificat de défaillance et organisation d’une nouvelle audience
    • La première étape en cas de défaillance de l’adjudicataire consiste en l’établissement d’un certificat de défaillance.
    • Ce document, dressé par le notaire ou le greffier, constate officiellement que l’adjudicataire n’a pas satisfait à ses obligations de paiement.
    • Conformément à l’article R. 322-67 du CPCE, le certificat est signifié à l’adjudicataire défaillant. Cette signification marque le point de départ d’un délai pendant lequel ce dernier peut, le cas échéant, régulariser sa situation.
    • Si aucune régularisation n’intervient, une nouvelle audience est fixée par le tribunal. 
    • Cette audience doit se tenir dans un délai compris entre deux et quatre mois suivant la signification du certificat de défaillance (article R. 322-69 du CPCE). 
    • Ce délai permet d’organiser les formalités de publicité nécessaires et de garantir une reprise transparente de la procédure.
  • Formalités de publicité et déroulement des nouvelles enchères
    • Pour garantir la transparence et l’égalité entre les participants, les formalités de publicité initiales doivent être intégralement renouvelées. Ces formalités sont effectuées selon les prescriptions de l’article R. 322-70 du CPCE.
    • La publicité doit inclure l’ensemble des informations prévues pour la vente initiale, auxquelles s’ajoute le montant de l’adjudication défaillante. Cette précision permet aux nouveaux enchérisseurs d’avoir une connaissance complète des conditions entourant la vente.
    • Le jour de l’audience, les enchères sont reprises dans les mêmes conditions que celles de la première vente, conformément à l’article R. 322-71 du CPCE.
    • Les règles relatives au déroulement des enchères, notamment la durée limite de 90 secondes entre deux enchères (article R. 322-45 du CPCE), s’appliquent également à cette nouvelle vente.
  • Conséquences pour l’adjudicataire défaillant
    • La défaillance de l’adjudicataire n’est pas sans conséquences pour ce dernier.
    • L’adjudicataire défaillant demeure redevable des frais liés à la première vente, même si le bien est remis en vente. 
    • En outre, il doit payer des intérêts au taux légal sur le montant de son enchère, calculés jusqu’à la date de la nouvelle vente (article R. 322-72 du CPCE). 
    • Si la nouvelle vente se conclut à un prix inférieur à celui de l’enchère initiale, l’adjudicataire défaillant peut être tenu de compenser la différence, afin de préserver les droits des créanciers ou des indivisaires.

==>La faculté de surenchère

La licitation, par essence, vise à obtenir le meilleur prix pour le bien mis en vente, afin de garantir une juste valorisation au bénéfice des parties concernées. Toutefois, il peut arriver que l’adjudication initiale ne reflète pas pleinement la valeur réelle du bien, soit en raison d’une concurrence insuffisante, soit du fait de circonstances particulières ayant limité les enchères. C’est pour répondre à de telles situations que la faculté de surenchère a été instituée.

Prévue par l’article 1279, alinéa 1er, du Code de procédure civile, ainsi que par les articles R. 322-50 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE), la surenchère offre la possibilité, dans un délai strictement encadré de 10 jours, de rouvrir la procédure en proposant une offre supérieure d’au moins 10 % au prix principal de l’adjudication initiale. Ce mécanisme garantit à la fois la transparence et l’équité, tout en assurant que le bien puisse être vendu à sa juste valeur.

  • Initiation de la procédure de surenchère
    • Délai de 10 jours
      • La surenchère ne peut être exercée que dans un délai de 10 jours suivant l’adjudication définitive, conformément à l’article 1279 du Code de procédure civile. 
      • Ce délai impératif commence à courir à compter du jour où l’adjudication a été prononcée.
    • Déclaration de la surenchère
      • La première étape de la procédure consiste en la déclaration de surenchère. 
      • Cette déclaration, réservée à toute personne souhaitant contester l’adjudication initiale, doit respecter des exigences formelles rigoureuses.
      • Conformément à l’article R. 322-51 du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE), la surenchère doit être formée par acte d’avocat, déposé au greffe du tribunal compétent. 
      • Cette formalité, essentielle pour garantir la solennité et la validité de la procédure, témoigne de l’engagement sérieux de la personne souhaitant exercer ce droit.
      • L’avocat, dans le cadre de la déclaration de surenchère, doit attester avoir reçu de son client une garantie financière. 
      • Celle-ci prend la forme d’une caution bancaire irrévocable ou d’un chèque de banque équivalant à 10 % du montant principal de l’adjudication initiale. 
      • L’obligation de fourniture d’une garantie financière vise à prévenir les surenchères abusives en exigeant du surenchérisseur la preuve de sa capacité à honorer son engagement.
  • Dénonciation de la surenchère
    • Une fois déposée, la surenchère doit être dénoncée aux parties intéressées dans un délai de trois jours ouvrables. 
    • Cette dénonciation s’effectue par acte d’huissier, conformément à l’article R. 322-52 du CPCE. 
    • Elle garantit que les parties concernées (notamment l’adjudicataire initial, le créancier poursuivant et, le cas échéant, les indivisaires) sont informées de la reprise des enchères.
    • Cette notification comprend une copie de l’attestation bancaire mentionnée ci-dessus, ce qui conforte la crédibilité de la démarche du surenchérisseur.
    • Le non-respect des délais et formalités entraîne l’irrecevabilité de la surenchère.
  • Organisation de la nouvelle audience
    • Une fois la surenchère valablement formée et dénoncée, le tribunal organise une nouvelle audience d’enchères. 
    • Cette étape, strictement réglementée par les articles R. 322-53 à R. 322-55 du CPCE, marque la reprise de la procédure d’adjudication dans un cadre renouvelé.
      • Fixation de la date
        • Le tribunal fixe une nouvelle audience dans un délai compris entre deux et quatre mois à compter de la déclaration de surenchère. 
        • Ce délai, prévu par l’article R. 322-53 du CPCE, permet de renouveler les formalités de publicité et de garantir une préparation adéquate des enchérisseurs potentiels.
      • Renouvellement des formalités de publicité
        • Les formalités de publicité initiales doivent être réitérées avant la nouvelle audience.
        • Selon l’article R. 322-54 du CPCE, ces formalités sont réalisées à la diligence du surenchérisseur ou, à défaut, du créancier poursuivant. 
        • Elles incluent la mention de la nouvelle mise à prix, correspondant au montant de l’adjudication initiale majoré d’au moins 10 %. 
        • Ce renouvellement vise à informer le public des nouvelles conditions et à attirer de potentiels enchérisseurs.
  • Déroulement de la nouvelle audience
    • La nouvelle audience d’enchères suit les mêmes règles que l’audience initiale, en respectant toutefois les spécificités liées à la surenchère.
      • Reprise des enchères
        • Conformément à l’article R. 322-55 du CPCE, les enchères reprennent sur la base de la nouvelle mise à prix fixée par la surenchère.
        • Les règles habituelles des enchères publiques, notamment celles relatives au temps imparti pour porter les enchères (article R. 322-45 du CPCE), s’appliquent.
      • Résultat de l’audience
        • Si aucune enchère ne dépasse la mise à prix actualisé, le surenchérisseur est déclaré adjudicataire. 
        • Ce mécanisme récompense son initiative tout en garantissant que le bien ne soit pas vendu à un prix inférieur à la surenchère initiale.
  • Limites de la surenchère
    • Afin de préserver la sécurité juridique et d’éviter des prolongations abusives, une seconde surenchère est expressément exclue.
    • L’article R. 322-55 du CPCE prévoit que l’adjudication issue de la nouvelle audience est définitive et ne peut plus être remise en cause par une nouvelle surenchère.
    • Cette limitation garantit la stabilité des droits acquis et marque la fin de la procédure, assurant ainsi que la vente atteigne son objectif ultime : obtenir une juste valorisation du bien dans des conditions de transparence et d’équité.

Opérations de partage: la recherche d’un partage en nature

Le partage des biens indivis doit répondre à une double exigence d’équité et de préservation économique. Si la priorité est donnée au partage en nature, il arrive que les circonstances rendent cette solution difficilement praticable. Le Code civil prévoit alors des mécanismes alternatifs permettant d’assurer une répartition juste entre les copartageants, tout en tenant compte des contraintes matérielles et économiques.

La démarche à suivre pour constituer les lots repose ainsi sur une logique progressive : il convient d’abord de rechercher si l’égalité entre les copartageants peut être atteinte par un partage en nature. En cas de difficulté, plusieurs alternatives s’offrent au juge ou aux parties, allant de l’ajustement par le biais de soultes jusqu’à la licitation des biens.

Nous nous focaliserons ici sur la première étape de constitution des lots: la recherche d’un partage en nature.

Le partage en nature constitue historiquement la règle de principe en matière de répartition des biens indivis. Bien que la réforme opérée par la loi du 23 juin 2006 ait consacré le principe d’égalité en valeur à l’article 826 du Code civil, le partage en nature demeure la voie prioritaire qu’il y a lieu d’emprunter lorsqu’il peut être réalisé sans compromettre l’intégrité économique des biens. L’attribution à chaque copartageant d’une part en nature des biens indivis permet de garantir le respect des droits patrimoniaux de chacun et d’assurer une répartition concrète des actifs à partager.

La finalité du partage en nature est d’attribuer à chaque héritier un lot composé de biens matériels équivalant à ses droits dans l’indivision. Concrètement, cette répartition implique que chaque lot soit constitué d’une proportion comparable de biens meubles, immeubles, créances ou autres actifs de même nature. Par exemple, il ne saurait être question d’attribuer exclusivement des liquidités à un héritier et des biens immobiliers à un autre, sauf à porter atteinte à l’équilibre du partage. L’objectif est d’éviter une rupture d’égalité entre les copartageants.

Ainsi, un partage en nature rigoureusement équilibré pourrait se traduire par une répartition homogène des biens selon leur nature : chaque lot comprenant, par exemple, une part de terrains agricoles, une part de biens mobiliers et une part de liquidités. Cette approche permet d’assurer que chaque copartageant soit alloté de manière équitable, tant en valeur qu’en substance, préservant ainsi ses droits patrimoniaux de manière tangible.

A l’analyse, le partage en nature présente deux atouts majeurs :

  • D’une part, il favorise la sécurité juridique des opérations de partage en réduisant les aléas liés à l’évaluation des biens. En effet, les biens immobiliers, les titres financiers ou les objets d’art peuvent être soumis à des fluctuations de valeur parfois difficiles à anticiper. En attribuant directement une part matérielle à chaque héritier, le risque de contestations ultérieures est considérablement atténué.
  • D’autre part, le partage en nature favorise l’équilibre économique des opérations. Il évite que certains copartageants soient exclusivement alloties en liquidités, tandis que d’autres se voient attribuer des biens difficiles à liquider ou susceptibles de perdre de la valeur. Cette méthode de répartition assure une forme d’équité durable, car elle préserve les droits de chacun de manière concrète et immédiate.

Prenons un exemple pratique pour illustrer cette logique. Imaginons une succession comprenant deux appartements identiques situés dans un même immeuble. Il apparaît naturel et équitable d’attribuer un appartement à chacun des deux copartageants, évitant ainsi de recourir à une soulte ou à une vente. Une telle répartition permet d’assurer une égalité instantanée entre les parties, tout en évitant les frais et les délais qu’implique une procédure de licitation.

Dans une situation similaire, lorsque la masse partageable comprend des terrains agricoles de même qualité ou des actions d’une même société, il est tout aussi pertinent d’allouer à chaque héritier une fraction équivalente de ces biens. Cette approche garantit que chaque copartageant bénéficie d’une part concrète du patrimoine transmis, sans dépendre d’une évaluation incertaine ou d’une compensation monétaire qui pourrait, à terme, s’avérer inadaptée.

Toutefois, le partage en nature, bien qu’idéal dans certaines configurations, trouve sa limite dès lors que la division matérielle des biens risque d’en compromettre la valeur ou l’utilité économique. Il en est ainsi des biens indivis dont le fractionnement entraînerait une dépréciation significative ou rendrait leur exploitation impossible.

L’article 830 du Code civil invite précisément à éviter la division des unités économiques et autres ensembles patrimoniaux dont le morcellement pourrait porter préjudice à leur viabilité. Ce texte traduit la volonté du législateur de préserver la cohérence économique des patrimoines partagés, notamment lorsqu’il s’agit de biens tels que des exploitations agricoles, des fonds de commerce ou des immeubles à usage locatif.

La jurisprudence, fidèle à cette exigence, rappelle que le juge du partage dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation pour déterminer si un morcellement est approprié ou s’il constitue une atteinte à l’intégrité économique du bien concerné. Ainsi, dans un arrêt du 11 mai 2016, la Cour de cassation a validé la décision d’une cour d’appel ayant refusé la division matérielle d’un immeuble composé de deux appartements (Cass. 1ère civ., 11 mai 2016, n°15-18.993). Les juges avaient relevé que les installations communes des deux logements (chauffage, canalisations d’eau, installations électriques) rendaient leur séparation techniquement complexe et économiquement inopportune, en raison des coûts élevés de mise aux normes nécessaires pour assurer leur indépendance.

Dans cette affaire, le partage en nature aurait nécessité des travaux coûteux qui auraient compromis la rentabilité des biens. La solution retenue a donc été d’attribuer l’ensemble de l’immeuble à un seul héritier, moyennant le versement d’une soulte aux autres copartageants, afin de rétablir l’équilibre en valeur.

Cette jurisprudence illustre parfaitement la nécessité de préserver l’intégrité des biens lorsque leur division entraînerait une dévalorisation. Le partage en nature, bien qu’idéal dans certaines hypothèses, ne saurait être réalisé au mépris des réalités économiques. Le juge doit donc, dans chaque situation, rechercher l’option la plus adaptée pour garantir l’équilibre entre les parties tout en préservant la valeur des actifs.

La question du morcellement se pose avec une acuité particulière lorsqu’il s’agit de biens à vocation économique, tels que les exploitations agricoles. Le législateur a d’ailleurs prévu un mécanisme spécifique d’attribution préférentielle pour ces biens, permettant à un héritier exploitant de se voir attribuer l’ensemble de l’exploitation, afin d’en assurer la pérennité.

Prenons l’exemple d’une exploitation agricole composée de plusieurs parcelles de terres cultivables et de bâtiments d’exploitation. La division matérielle de cet ensemble pourrait compromettre sa viabilité, en raison de la nécessité de maintenir une cohérence fonctionnelle entre les différentes parcelles et infrastructures. Dans une telle situation, le partage en nature serait inopportun, car il nuirait à la rentabilité économique de l’exploitation. Il serait donc préférable d’attribuer l’ensemble à un seul héritier, moyennant une compensation financière versée aux autres copartageants.

Cette solution permet non seulement de préserver l’intégrité de l’exploitation, mais également d’éviter les pertes économiques qui découleraient d’un morcellement. Elle illustre la nécessité d’adopter une approche pragmatique dans les opérations de partage, en tenant compte des spécificités des biens indivis et des intérêts économiques en jeu.

Opérations de partage: l’exigence de maintien des unités économiques et autres ensembles de biens

Le partage des biens indivis est régi par deux principes directeurs qui assurent, à la fois, l’équité dans la répartition des droits entre les copartageants et la pérennité économique des biens partagés : le principe d’égalité en valeur et le principe de maintien des unités économiques. Ces règles, consacrées par le Code civil et enrichies par la jurisprudence, traduisent une volonté constante du législateur de concilier justice distributive et réalisme économique.

Nous nous focaliserons ici sur le second principe directeur.

Ce second principe directeur qui guide les opérations de partage repose sur la préservation des unités économiques. Consacré par l’article 830 du Code civil, celui-ci dispose que « dans la formation et la composition des lots, on s’efforce d’éviter de diviser les unités économiques et autres ensembles de biens dont le fractionnement entraînerait la dépréciation ». En établissant cette règle, le législateur entend concilier l’objectif d’égalité en valeur avec la nécessité de préserver la cohérence économique du patrimoine indivis.

Contrairement à la simple logique arithmétique qui présiderait à une répartition strictement proportionnelle des biens, ce principe invite à considérer les biens comme des ensembles fonctionnels, dont l’utilité et la valeur dépendent de leur maintien en bloc. Cette exigence s’inscrit dans une dynamique visant à assurer la viabilité économique des biens transmis et à éviter qu’un partage mal conçu ne provoque une dépréciation préjudiciable.

==>La notion d’unité économique

La réforme opérée par la loi du 23 juin 2006 a introduit la notion d’unité économique dans une acception plus large que les textes antérieurs. Si, historiquement, le droit visait principalement les exploitations agricoles, la portée de cette notion a été étendue pour englober tout ensemble de biens indivis dont la division entraînerait une perte de valeur économique significative.

Ainsi, peuvent être considérés comme des unités économiques :

  • Les exploitations agricoles, artisanales ou commerciales, lorsqu’elles forment un outil de travail nécessitant une gestion unifiée ;
  • Les immeubles d’habitation ou à usage professionnel, notamment lorsqu’ils génèrent des revenus locatifs stables ou lorsqu’ils constituent un ensemble indivisible sur le plan technique ;
  • Les collections d’objets d’art ou d’antiquités, dont la valeur intrinsèque dépend de leur caractère complet et cohérent ;
  • Les portefeuilles de titres financiers, dont le fractionnement pourrait compromettre la gestion stratégique des investissements.

La doctrine a largement salué cette évolution. Comme l’ont souligné des auteurs « la préservation des unités économiques dans les partages successifs constitue une avancée majeure, permettant d’éviter les morcellements destructeurs et de garantir la pérennité des exploitations ou des ensembles patrimoniaux ».

Cette vision élargie traduit une volonté du législateur de dépasser la stricte logique successorale pour intégrer une approche plus pragmatique, tenant compte des impératifs économiques et patrimoniaux.

==>Mise en œuvre

L’application de l’article 830 du Code civil repose sur un impératif clair : éviter que le partage des biens indivis ne compromette leur utilité économique. Cette règle autorise le juge, ou les copartageants lorsqu’ils s’entendent, à privilégier l’attribution préférentielle d’un bien indivis à un seul héritier, à charge pour celui-ci de compenser les autres copartageants par une soulte.

Un exemple emblématique de l’application de ce principe peut être trouvé dans l’attribution préférentielle des exploitations agricoles, prévue par les articles 831 et suivants du Code civil. Lorsque l’un des héritiers exploite une terre agricole ou un fonds artisanal, il peut demander à recevoir ce bien dans son intégralité afin d’assurer la continuité de l’activité économique. Les autres héritiers sont alors compensés par une soulte correspondant à leurs droits dans l’indivision.

Ce mécanisme permet de préserver l’intégrité des exploitations, d’éviter leur morcellement, et de garantir leur pérennité économique. La jurisprudence a validé à plusieurs reprises cette approche. Ainsi, dans un arrêt rendu le 5 mai 1981, la Cour de cassation a affirmé que le principe du partage en nature devait impérativement s’articuler avec la préservation des unités économiques. En l’espèce, il s’agissait de liquider une communauté matrimoniale après un divorce. La cour d’appel avait attribué à l’un des anciens époux l’exploitation agricole commune, tout en décidant que la propriété immobilière adjacente, également indivise, devait être partagée en nature par tirage au sort, au mépris de l’attribution préférentielle déjà consentie.

La Haute juridiction a censuré cette décision en rappelant que le partage en nature ne saurait être réduit à une stricte égalité formelle entre les lots. Lorsque des biens indivis ont été attribués à titre préférentiel à un indivisaire, la composition des lots doit tenir compte de cette attribution et viser à rétablir une égalité en valeur entre les copartageants, même si cela implique de déroger à la règle du tirage au sort.

La Cour de cassation a jugé que, dans une telle hypothèse, il convient d’attribuer à l’autre indivisaire des biens de valeur équivalente, au besoin en dérogeant au principe traditionnel du partage par lots égaux tirés au sort. Elle a précisé que la division des biens en plusieurs lots risquerait de compromettre l’intégrité de l’exploitation attribuée et de nuire à sa viabilité économique (Cass. 1re civ., 5 mai 1981, n° 79-16.444).

Cette décision illustre l’importance de la préservation des unités économiques dans les opérations de partage. La Cour souligne que le juge du partage doit s’efforcer de maintenir l’intégrité des biens indivis et éviter des fractionnements susceptibles d’entraîner une dépréciation. Ce faisant, elle confirme que le principe d’égalité en valeur, désormais consacré par l’article 826 du Code civil, prime sur la stricte égalité en nature, surtout lorsqu’il s’agit de préserver la cohérence économique du patrimoine partagé.

Le principe s’applique également aux biens immobiliers indivis, notamment les immeubles d’habitation ou à usage professionnel. La division d’un immeuble, lorsqu’elle implique des coûts de mise aux normes disproportionnés ou compromet sa rentabilité locative, peut justifier son attribution à un seul indivisaire. Une fois encore, la compensation des autres héritiers intervient par le biais d’une soulte.

Par exemple, la Cour de cassation a validé la décision d’une cour d’appel ayant attribué un immeuble indivis à un héritier unique, après avoir constaté que sa division en plusieurs lots aurait nécessité des travaux onéreux et compromis la viabilité économique des deux appartements concernés (Cass. 1re civ., 11 mai 2016, n° 15-18.993).

==>Le contrôle du juge

Lorsque les indivisaires ne parviennent pas à un accord, le juge conserve un rôle central dans la préservation des unités économiques. Il lui appartient de vérifier que la division des biens n’entraîne pas une dépréciation significative et que les solutions proposées respectent l’équilibre patrimonial entre les copartageants.

La jurisprudence rappelle que le juge doit rechercher des solutions pragmatiques, en privilégiant les attributions préférentielles et en veillant à ce que les compensations financières soient proportionnées. Il s’agit d’éviter que le fractionnement des biens n’entraîne des pertes de valeur irrémédiables ou des difficultés de gestion pour les copartageants.

Aussi, le juge du partage doit-il se poser en garant de l’équilibre entre l’efficacité économique du partage et le respect des droits des indivisaires. La préservation des unités économiques, lorsqu’elle est possible, permet d’éviter des morcellements préjudiciables et de garantir la stabilité patrimoniale des biens transmis.

Au bilan, le maintien des unités économiques dans les partages dépasse la simple logique de répartition arithmétique des biens. Il s’agit d’un impératif visant à préserver la cohérence patrimoniale et la viabilité économique des ensembles transmis. En combinant l’égalité en valeur et la préservation des unités économiques, le législateur a introduit un équilibre subtil entre souplesse et protection des patrimoines.

Opérations de partage: le principe de l’égalité en valeur

Le partage des biens indivis est régi par deux principes directeurs qui assurent, à la fois, l’équité dans la répartition des droits entre les copartageants et la pérennité économique des biens partagés : le principe d’égalité en valeur et le principe de maintien des unités économiques. Ces règles, consacrées par le Code civil et enrichies par la jurisprudence, traduisent une volonté constante du législateur de concilier justice distributive et réalisme économique.

Nous nous focaliserons ici sur le premier principe directeur.

L’article 826 du Code civil consacre le principe d’une égalité en valeur, rompant avec l’exigence historique d’égalité en nature. Cette évolution, issue de la réforme de 2006, rend le partage plus souple et mieux adapté aux réalités économiques, en permettant aux copartageants de recevoir des biens différents pour une valeur équivalente à leurs droits dans l’indivision.

Cependant, cette souplesse offerte par le principe de l’égalité en valeur connaît des limites. Le partage en nature reste privilégié, la licitation n’étant qu’un dernier recours (art. 827 C. civ.,). De même, le recours aux soultes est encadré pour éviter les déséquilibres au détriment des minoritaires, le juge conservant un contrôle sur la proportionnalité des compensations (Cass. 1re civ., 13 mai 2015, n°14-11.116).

Ainsi, si l’égalité en valeur facilite la répartition des biens, elle ne peut se faire au mépris des exigences d’équité et de préservation des droits de chacun, car, comme le rappelle Alain Sériaux, « l’équilibre du partage demeure le fondement de toute opération successorale ».

I) Evolution

Le Code civil de 1804, dans la continuité des idéaux révolutionnaires, avait érigé l’égalité en nature en règle cardinale des partages. L’article 826 ancien prévoyait que chaque cohéritier pouvait exiger sa part en nature des biens meubles et immeubles composant la masse partageable. Cette exigence était renforcée par l’article 832 ancien, qui imposait que chaque lot contienne, autant que possible, une proportion équivalente de biens similaires en nature, qu’il s’agisse de terres, de créances ou de mobiliers.

Cette quête d’une égalité formelle répondait à un souci d’équité mais s’est rapidement révélée contre-productive dans la pratique. Les biens immobiliers, notamment les exploitations agricoles, étaient fréquemment morcelés afin de satisfaire cette exigence, au détriment de leur rentabilité économique. Comme le soulignaient les auteurs au XIXe siècle cette pratique entraînait des conséquences désastreuses : fragmentation des terres, baisse de la productivité agricole, exode rural et même déclin démographique.

Face à ces dérives, la jurisprudence a tenté d’assouplir le principe en admettant que l’inégalité des lots puisse être compensée par le versement de soultes monétaires. La Cour de cassation, dès 1840, affirmait ainsi que « l’inégalité des lots en nature peut être corrigée par un retour en argent » (Cass. 12 juin 1840). Cependant, ces ajustements restaient insuffisants pour corriger les rigidités inhérentes au système.

Le véritable tournant législatif est intervenu avec le décret-loi du 17 juin 1938, qui a introduit la notion d’attribution préférentielle. Ce mécanisme permettait à un copartageant de recevoir un bien entier, notamment une exploitation agricole ou un fonds de commerce, moyennant le versement d’une soulte aux autres indivisaires. Ce dispositif visait à éviter le morcellement des unités économiques, tout en respectant les droits de chacun.

L’introduction de l’attribution préférentielle marquait une rupture importante avec le principe d’égalité en nature. Désormais, la répartition des biens pouvait être envisagée sous un prisme économique, en privilégiant la préservation des biens indivis dans leur intégralité. La doctrine a largement salué cette réforme comme une avancée nécessaire. Ainsi, des auteurs ont estimé que cette évolution législative a permis d’« éviter les morcellements destructeurs, qui nuisaient à la pérennité des exploitations agricoles ».

Aussi, le décret-loi de 1938 a-t-il amorcé un glissement progressif vers une nouvelle conception du partage, davantage orientée vers une égalité en valeur que vers une stricte répartition physique des biens. Cette transition s’est poursuivie au fil des réformes ultérieures, jusqu’à la consécration définitive de l’égalité en valeur par la loi du 23 juin 2006. 

II) Consécration du principe

La réforme opérée par la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 a définitivement abandonné le principe d’égalité en nature au profit de celui d’égalité en valeur, désormais consacré à l’article 826 du Code civil. Ce bouleversement législatif, salué par la doctrine comme une réforme majeure du droit successoral, a profondément modifié les mécanismes de partage, en substituant une logique économique et pragmatique à une stricte égalité formelle.

Ainsi, Pierre Catala qualifiait cette réforme de « révolution des colonnes du temple du droit successoral », tant elle bouleverse les fondements mêmes des règles de partage, jusque-là ancrées dans le dogme de l’égalité en nature.

L’article 826 du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi de 2006, énonce que « chaque copartageant reçoit des biens pour une valeur égale à celle de ses droits dans l’indivision ». Cette disposition marque une rupture nette avec le système ancien, qui exigeait que chaque lot contienne des biens de nature équivalente. Désormais, la priorité est donnée à l’équité patrimoniale, plutôt qu’à une stricte correspondance entre la nature des biens attribués.

Comme l’explique Michel Grimaldi, cette évolution répond à une double nécessité : simplifier les opérations de partage tout en tenant compte de la réalité économique des patrimoines à répartir.

En substituant à l’égalité en nature une logique d’égalité en valeur, le législateur permet désormais de constituer des lots hétérogènes, intégrant des biens de nature différente, pourvu que leur valeur corresponde aux droits de chaque indivisaire. Ce choix pragmatique évite notamment le recours systématique à la licitation, qui était auparavant l’unique solution lorsque les biens indivis étaient difficiles à partager en nature.

A cet égard, l’article 826, alinéa 4, du Code civil prévoit désormais un dispositif essentiel pour garantir l’égalité en valeur : le versement de soultes. Cette compensation monétaire permet d’éviter le morcellement des biens indivis tout en assurant une répartition équitable entre les copartageants.

André Sériaux souligne que la soulte n’est pas une simple mesure compensatoire, mais un véritable instrument de préservation des unités économiques, permettant de concilier les intérêts des indivisaires avec les réalités économiques des patrimoines indivis.

Ainsi, lorsqu’un bien indivis, tel qu’un immeuble ou une exploitation agricole, est attribué à un seul copartageant, les autres indivisaires reçoivent une compensation financière correspondant à leur part dans le bien attribué. Ce mécanisme permet d’éviter les ventes forcées, souvent préjudiciables sur le plan économique, et préserve la stabilité des patrimoines familiaux.

La consécration du principe d’égalité en valeur par la réforme de 2006 a été rapidement confirmée par la jurisprudence, qui en a précisé les modalités d’application. Dans un arrêt du 11 mai 2016, la Cour de cassation a rappelé que la licitation — c’est-à-dire la vente forcée des biens indivis — devait rester une solution de dernier recours, exclusivement réservée aux hypothèses où le partage en nature est matériellement ou économiquement impossible (Cass. 1ère civ., 11 mai 2016, n°15-18.993).

Dans cette affaire, des difficultés étaient survenues lors du partage successoral entre deux copartageants, portant sur un immeuble composé de deux appartements. L’un des indivisaires sollicitait une répartition en nature, afin que chaque partie reçoive un appartement distinct. Toutefois, les juges du fond ont relevé que les deux logements étaient dépendants l’un de l’autre, les installations de chauffage, d’eau et d’électricité étant centralisées dans l’appartement du rez-de-chaussée. En outre, ils ont constaté que la mise aux normes des installations aurait engendré des frais considérables, rendant la division en nature impossible sans préjudice économique.

Confirmant cette analyse, la Cour de cassation a validé l’appréciation souveraine de la cour d’appel, estimant que le bien n’était pas commodément partageable en nature et que la licitation était justifiée. Elle a ainsi rejeté le recours formé par l’un des copartageants, soulignant que la vente forcée devait être motivée par l’impossibilité matérielle ou financière de constituer des lots équitables.

L’arrêt du 11 mai 2016 a été largement salué par la doctrine. Des auteurs ont souligné que cette décision permettait de préserver la stabilité économique des patrimoines partagés, en évitant des solutions de partage qui pourraient entraîner une dévalorisation des biens. La jurisprudence encourage ainsi les juges à privilégier les solutions pragmatiques qui assurent le maintien de l’intégrité des biens indivis, tout en respectant les droits des copartageants.

Cet arrêt s’inscrit dans une tendance jurisprudentielle visant à restreindre le recours à la licitation. En effet, bien que le principe d’égalité en valeur simplifie les opérations de partage, il ne doit pas conduire à démembrer des unités économiques ou à procéder à des ventes forcées lorsque des solutions alternatives sont envisageables. Comme l’a souligné Bernard Beignier, « le juge doit rechercher des modalités de partage qui préservent l’unité des biens et garantissent une répartition équitable, sans compromettre la viabilité économique des lots attribués ».

Enfin, il peut être observé que la consécration du principe d’égalité en valeur n’est pas sans avoir renforcé la liberté de disposer au moyen de libéralités. En effet, le législateur autorise désormais les testateurs à transmettre un bien entier à un successible, sans être contraints de composer des lots équivalents en nature. Cette évolution permet de respecter les intentions du défunt, tout en évitant les conflits successoraux.

Plus encore, la possibilité de léguer un bien entier, moyennant compensation en argent pour les autres héritiers, permet une gestion apaisée des partages successoraux, tout en garantissant la préservation des unités économiques.

Cette évolution est particulièrement utile dans le cadre des donations-partages, qui permettent d’anticiper les successions et d’éviter les contestations postérieures. En effet, la donation-partage avec soulte permet aux parents de répartir leur patrimoine de manière équitable, tout en évitant les litiges futurs.

Cependant, la souplesse introduite par le principe d’égalité en valeur ne saurait occulter les limites qui encadrent son application. Le législateur, comme la jurisprudence, a pris soin de fixer des garde-fous pour éviter les abus, notamment en préservant la vocation des copartageants à recevoir des biens en nature et en encrant le recours au système de la soulte.

III) Limites

Consacré par l’article 826 du Code civil, le principe d’égalité en valeur a insufflé aux opérations de partage une souplesse nouvelle, mieux adaptée aux réalités patrimoniales contemporaines. Toutefois, cette flexibilité ne saurait se déployer sans limites. Afin de prévenir toute dérive susceptible de porter atteinte aux droits des copartageants, des garde-fous demeurent indispensables. Ces derniers se manifestent à travers le maintien de la vocation au partage en nature, l’encadrement rigoureux des soultes pour garantir leur nécessité et leur juste proportion, ainsi que le contrôle juridictionnel des modalités de répartition.

==>La vocation au partage en nature

Si l’égalité en valeur a assoupli les règles du partage, elle ne doit pas faire oublier que le partage en nature reste le mode privilégié d’allotissement des biens indivis. Chaque indivisaire conserve le droit, en principe, de recevoir une part tangible des biens constituant la masse partageable (art. 826, al. 2 C. civ.,), ce qui évite que le partage ne se réduise à une simple répartition monétaire.

Cette vocation au partage en nature repose sur une logique patrimoniale et historique, visant à préserver l’intégrité des biens et à éviter leur dilution par la vente forcée. Toutefois, dans certaines situations, un partage en nature peut s’avérer matériellement ou économiquement impossible, rendant nécessaire le recours à la licitation, solution que le Code civil réserve aux cas où les biens ne peuvent être commodément divisés (art. 827 C. civ.).

La jurisprudence a rappelé que cette solution doit rester exceptionnelle. Dans un arrêt du 22 janvier 1985, la Cour de cassation a jugé que la licitation ne pouvait être ordonnée qu’en cas d’impossibilité manifeste de partage en nature, notamment lorsque le morcellement des biens aurait entraîné une perte de valeur significative (Cass. 1re civ., 22 janv. 1985, n°83-12.994). La doctrine partage cette approche en insistant sur le fait que la licitation doit être évitée dès lors qu’il existe des solutions permettant un allotissement équitable. Car en effet, la licitation n’est jamais neutre économiquement : elle tend à briser l’unité des biens et à réduire leur valeur globale, justifiant qu’elle soit strictement encadrée.

==>L’encadrement des soultes

Le versement de soultes est un mécanisme permettant de garantir l’égalité en valeur lorsque les lots attribués aux copartageants présentent des écarts de valeur. Ce système permet d’éviter le recours systématique à la vente des biens indivis, en assurant une compensation monétaire entre les copartageants.

Cependant, le recours aux soultes doit être encadré par des critères de nécessité et de proportionnalité, afin d’éviter qu’il ne porte atteinte aux droits des indivisaires minoritaires. Une soulte excessive pourrait en effet déséquilibrer les opérations de partage et créer une inégalité substantielle entre les copartageants.

La Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 13 mai 2015, a rappelé avec fermeté que le juge du partage conserve un pouvoir souverain d’appréciation quant au montant des soultes, afin d’éviter qu’une compensation financière excessive ne compromette l’équilibre entre les copartageants (Cass. 1re civ., 13 mai 2015, n° 14-11.116).

Dans cette affaire, des difficultés étaient survenues lors des opérations de partage successoral, notamment au sujet d’une villa constituant l’essentiel de la masse indivise. La cour d’appel avait ordonné la licitation de ce bien, au motif que les héritiers ne parvenaient pas à s’accorder sur un partage amiable. La Cour de cassation a censuré cette décision en rappelant que la licitation ne peut être ordonnée que si le bien indivis est incommode à partager en nature, conformément à l’article 827 du Code civil. En l’espèce, le partage en nature était techniquement envisageable, mais la cour d’appel n’avait pas suffisamment recherché si des solutions alternatives permettaient d’éviter la vente aux enchères.

Par ailleurs, la Cour a cassé la décision de la cour d’appel qui avait délégué au notaire liquidateur la fixation du montant des créances d’un copartageant. La Haute juridiction a rappelé que cette mission relève du pouvoir exclusif du juge, lequel doit s’assurer que les sommes versées à titre de soulte sont justifiées, nécessaires et proportionnées à l’écart réel entre les lots. Cette exigence garantit que les soultes ne créent pas un déséquilibre substantiel entre les indivisaires et évitent ainsi tout enrichissement injustifié d’un copartageant au détriment des autres.

==>Le contrôle juridictionnel des opérations de partage

Le juge du partage joue un rôle central dans le respect du principe d’égalité en valeur. Son intervention est particulièrement cruciale dans les partages judiciaires, lorsque les indivisaires ne parviennent pas à un accord amiable.

Le contrôle juridictionnel s’exerce tant sur la composition des lots que sur le montant des soultes. Le juge doit vérifier que les opérations de partage respectent les droits des copartageants et ne créent pas une inégalité manifeste. Il doit également veiller à ce que le partage proposé ne compromette pas la pérennité économique des biens attribués.

Par exemple, le juge peut refuser de valider un partage si la répartition des biens conduit à une dissolution excessive des unités économiques ou si les lots attribués ne correspondent pas aux besoins réels des copartageants.

Ainsi, le juge du partage est le garant ultime de l’équilibre entre les exigences économiques du partage et la protection des droits des indivisaires ».

La jurisprudence a également souligné que le juge devait s’assurer que les biens attribués à chaque copartageant respectent les impératifs de justice distributive, c’est-à-dire qu’ils soient équivalents en valeur tout en évitant la dévalorisation du patrimoine indivis.

En somme, le contrôle juridictionnel vise à éviter les abus dans les opérations de partage et à garantir que les règles posées par le principe d’égalité en valeur soient effectivement respectées. Il s’agit d’une garantie essentielle pour maintenir un équilibre entre les impératifs économiques des opérations de partage et la protection des droits des indivisaires, assurant ainsi la sécurité juridique et la pérennité économique des patrimoines partagés.

Partage de la masse partageable : la constitution des lots

Une fois la masse partageable déterminée à l’issue des opérations d’inventaire des biens, de prise en compte du passif de l’indivision et d’établissement des comptes entre indivisaires, il convient de procéder au partage proprement dit. Cette ultime étape met fin au régime de l’indivision et consacre le retour à la propriété individuelle. Toutefois, elle ne saurait s’improviser : le partage doit être conduit avec méthode, afin de garantir une répartition équitable et conforme aux droits de chacun.

Le partage repose sur deux opérations successives et indissociables :

  • La constitution des lots, qui consiste à regrouper les biens composant la masse partageable en unités cohérentes, tout en respectant les intérêts économiques et patrimoniaux des indivisaires ;
  • L’attribution des lots, qui vise à allouer ces ensembles de biens à chaque indivisaire, en tenant compte à la fois de leurs droits respectifs dans l’indivision et des éventuels déséquilibres financiers révélés lors de la reddition des comptes.

Ces opérations ne peuvent être accomplies sans le respect de principes directeurs, lesquels président à l’organisation et à la mise en œuvre du partage :

  • Le principe d’égalité en valeur, qui impose que chaque indivisaire reçoive une part équivalente à ses droits dans la masse partageable, calculée en fonction de la valeur des biens et des dettes inscrits au compte d’indivision ;
  • Le principe du maintien des unités économiques, qui vise à préserver la cohérence et la viabilité économique de certains biens indivis, notamment les exploitations agricoles, les entreprises ou les immeubles à usage locatif. Il s’agit d’éviter une division matérielle des biens qui en compromettrait la rentabilité ou la fonction économique.

Ces principes directeurs feront l’objet d’un développement spécifique, mais il convient d’ores et déjà de souligner qu’ils encadrent et orientent chaque étape du partage. Car le partage ne se limite pas à une simple division matérielle des biens : il suppose une prise en compte équilibrée des créances, des dettes et des intérêts de chaque indivisaire, afin de prévenir les contestations et de garantir une égalité réelle.

Nous nous focaliserons ici sur le mécanisme de constitution des lots.

La constitution des lots constitue la première étape du partage effectif de la masse partageable. Elle consiste à regrouper les biens indivis en ensembles cohérents, appelés « lots », qui seront ensuite attribués à chaque indivisaire en fonction de ses droits. Cette opération est essentielle, car elle conditionne la répartition finale des biens et vise à garantir un partage équitable et équilibré.

Loin d’être une simple division matérielle des biens, la constitution des lots doit répondre à des principes fondamentaux, parmi lesquels le respect de l’égalité en valeur et le maintien des unités économiques. Le législateur et la jurisprudence imposent ainsi des règles précises encadrant cette opération, tout en laissant une certaine marge de manœuvre afin d’adapter le partage aux réalités économiques et humaines de chaque indivision.

Le processus de constitution des lots présente plusieurs enjeux essentiels :

  • La détermination du nombre de lots, qui dépend directement du mode de partage retenu. Selon les cas, le partage peut être réalisé par tête, lorsque chaque indivisaire reçoit une part égale, ou par souche, lorsque la répartition tient compte de branches familiales distinctes. Par ailleurs, il convient d’envisager le cas où les indivisaires ne disposent pas de droits égaux, ce qui impose une répartition spécifique.
  • La composition des lots, qui suppose de regrouper les biens de manière cohérente et équitable. Cette opération doit respecter les intérêts économiques des indivisaires tout en prenant en compte la nature des biens composant la masse partageable. 

Le partage en nature demeure, en principe, privilégié par le législateur, conformément à l’article 826 du Code civil, qui impose de rechercher autant que possible une attribution de biens en nature correspondant à la valeur des droits de chaque indivisaire. Toutefois, lorsque cette répartition s’avère impossible ou déséquilibrée, des alternatives au partage en nature doivent être envisagées (soultes, division de biens ou licitation en dernier recours).

Section 1: Détermination du nombre de lots

La détermination du nombre de lots à composer se pose avec la même acuité, qu’il s’agisse d’un partage successoral ou d’un partage issu d’une autre situation d’indivision, telle que la dissolution d’une indivision post-communautaire, la répartition d’un bien acquis conjointement par des tiers, ou encore la liquidation d’une indivision conventionnelle.

Si les règles applicables trouvent leur socle dans les principes généraux du droit des successions, elles s’adaptent aux spécificités de chaque situation afin de garantir une répartition équilibrée des droits indivis. 

La détermination du nombre de lots obéit à deux principes importants : d’une part, le partage par tête ou par souche, visant à garantir une stricte égalité arithmétique entre les copartageants, et, d’autre part, le partage en présence de parts inégales, qui exige une réduction des droits au plus petit dénominateur commun afin de garantir l’équité dans l’attribution des lots.

§1: Le partage par tête ou par souche

==>Le partage par tête : une division à parts égales entre les indivisaires

Le partage par tête intervient lorsque chaque indivisaire est titulaire de droits égaux sur les biens indivis et accède à l’indivision de son propre chef, sans qu’il y ait lieu de recourir à la représentation. Ce mode de répartition, qui a pour fondement l’article 827 du Code civil, impose que le partage de la masse indivise s’effectue à parts égales entre les copartageants, chacun recevant un lot correspondant à sa part de droits indivis. La règle énoncée par l’article 827 signifie qu’il doit être constitué autant de lots que d’indivisaires, chaque lot devant refléter de manière identique la valeur d’une fraction de la masse partageable.

L’exigence d’égalité qui sous-tend le partage par tête trouve à s’appliquer dans toutes les formes d’indivision, qu’elle soit d’origine successorale, communautaire ou conventionnelle. Prenons l’exemple d’une indivision issue de l’acquisition commune d’un bien immobilier par trois coacquéreurs ayant financé à parts égales l’achat. Si ces indivisaires souhaitent procéder au partage du bien, trois lots de valeur équivalente devront être constitués afin que chacun reçoive une portion correspondant à sa quote-part initiale. Ce mécanisme, qui est d’une grande simplicité, garantit une répartition équitable, prévenant ainsi tout litige sur la répartition des biens.

Dans le cadre d’une succession, le même principe s’applique. Si un défunt laisse trois enfants comme héritiers, la masse successorale sera divisée en trois parts égales, chacun des enfants recevant un lot d’égale valeur. Cette approche assure une répartition équilibrée des biens entre les héritiers, conformément à l’idée selon laquelle chaque copartageant doit pouvoir jouir d’une part identique du patrimoine à partager. Comme l’affirment Aubry et Rau, « le partage par tête tend à maintenir l’équilibre initial entre les indivisaires, sans distinction autre que celle de leurs droits respectifs ».

Le partage par tête trouve également à s’appliquer dans des indivisions post-communautaires. Lorsqu’un couple marié sous le régime de la communauté se sépare et que le partage doit intervenir entre les deux ex-époux, la division en deux lots de valeur équivalente s’impose si les contributions aux biens communs ont été égales. Ce principe assure une continuité logique avec l’égalité patrimoniale ayant prévalu durant le mariage.

Toutefois, certaines particularités doivent être prises en compte dans des situations spécifiques. Si un indivisaire décède avant que le partage ne soit réalisé, ses droits indivis sont transmis à ses héritiers, mais un seul lot devra être constitué pour l’ensemble des successeurs venant à la même part. Cette unité du lot, qui vise à préserver l’homogénéité du partage, permet d’éviter une multiplication des lots inutiles et une complexité excessive des opérations. Planiol et Ripert rappellent à cet égard que « le lot doit être conçu comme une unité indivisible destinée à satisfaire les droits d’un même indivisaire, qu’il s’agisse d’une personne ou d’un groupe venant en représentation ».

Enfin, la question du partage par tête peut soulever des difficultés lorsque le partage est retardé en raison de circonstances particulières. Tel est le cas lorsqu’un enfant est seulement conçu au jour de l’ouverture de la succession. Conformément à l’article 725 du Code civil, cet enfant a vocation à recueillir la succession s’il naît viable. Dans une telle hypothèse, si le partage doit être organisé avant la naissance, il est raisonnable de constituer les lots en tenant compte de cette naissance probable. Un ajustement pourra alors intervenir ultérieurement pour corriger la répartition initiale en fonction du nombre d’enfants effectivement nés. Cette solution pragmatique permet d’anticiper les éventualités tout en garantissant une répartition conforme aux droits successoraux effectifs.

==>Le partage par souche : préserver l’unité des droits transmis par représentation

Le partage par souche intervient dans les situations où certains indivisaires accèdent à la masse indivise par le mécanisme de la représentation, c’est-à-dire en qualité de continuateurs des droits d’un auteur décédé avant le partage. Cette règle, consacrée par l’article 827 du Code civil, vise à préserver l’unité des droits transmis au sein d’une même branche familiale. En effet, le texte précise que « le partage de la masse s’opère par tête. Toutefois, il se fait par souche quand il y a lieu à représentation », ajoutant que, dans un tel cas, une répartition distincte doit être opérée entre les héritiers de chaque souche. Ce principe trouve son application naturelle dans le cadre des successions, mais il peut également s’étendre à d’autres formes d’indivision, telles que les indivisions conventionnelles ou post-communautaires.

Le mécanisme du partage par souche repose sur une division initiale de la masse partageable entre les différentes souches représentées, chaque souche formant une unité indivisible dans la répartition des lots. À titre d’illustration, prenons l’exemple d’une indivision successorale dans laquelle le défunt laisse deux enfants, l’un des deux étant décédé avant le partage, laissant à son tour deux descendants. Conformément à la règle du partage par souche, deux lots seront d’abord constitués pour les enfants du défunt, puis un second partage sera opéré au sein de la souche représentée, afin que les petits-enfants se partagent équitablement le lot attribué à leur parent décédé. Ce mécanisme garantit que chaque branche familiale conserve une part intacte des droits hérités, tout en assurant une répartition juste au sein de chaque souche.

La doctrine s’accorde sur l’importance de ce principe pour éviter une multiplication excessive des lots, laquelle pourrait conduire à des complications lors du tirage au sort ou à la nécessité de recourir à une licitation. Comme le rappellent Aubry et Rau, « la règle du partage par souche tend à maintenir l’équilibre entre les branches familiales, en limitant les risques de fragmentation excessive de la masse partageable ».

Dans la pratique, le partage par souche permet également de prendre en compte les situations où les droits transmis ne sont pas directement issus de la dévolution successorale. Par exemple, dans une société civile immobilière (SCI), si un associé décédé avait deux enfants, mais que l’un d’eux est également décédé avant le partage, ses propres descendants recueilleront ensemble le lot attribué à leur auteur. Cette méthode garantit que la transmission des droits reste cohérente avec la structure familiale initiale et permet d’éviter un morcellement disproportionné du capital social de la SCI.

Toutefois, le partage par souche ne s’applique pas uniquement aux successions. Il peut également trouver à s’appliquer dans les indivisions conventionnelles, notamment lorsque plusieurs indivisaires représentent les ayants droit d’un titulaire initial de droits indivis. 

Prenons un exemple concret. Imaginons une indivision conventionnelle issue de l’acquisition d’un bien immobilier par deux frères. L’un d’eux cède ses droits indivis à ses trois enfants, tandis que l’autre conserve l’intégralité de ses parts. Dans une telle situation, au moment du partage, les trois enfants du premier frère ne recevront pas chacun un lot distinct. Conformément au principe du partage par souche, ils seront considérés comme une souche unique, représentant les droits transmis par leur père. Il conviendra alors de constituer deux lots : l’un pour le frère ayant conservé ses parts, l’autre pour les trois enfants, pris collectivement. Ce mécanisme garantit que les droits transmis par le frère cédant ne soient pas artificiellement fragmentés, assurant ainsi une cohérence dans la répartition des biens indivis.

Ce principe trouve un écho important dans la jurisprudence. Dans un arrêt du 29 juin 2011, la Cour de cassation a rappelé que le partage par souche vise à préserver l’unité des droits transmis par représentation et ne doit pas être confondu avec le partage par tête (Cass. 1ère civ., 29 juin 2011, n°10-17.925). Dans cette affaire, la succession concernait l’épouse d’un copartageant survivant, lequel partageait les droits successoraux avec ses trois petites-filles, venues par représentation de leur père prédécédé.

L’époux survivant, usufruitier de la moitié des biens successoraux et donataire de la plus large quotité disponible, avait sollicité le partage de la succession et la licitation préalable de deux biens immobiliers. La cour d’appel avait ordonné cette licitation, estimant que les biens étaient de valeur inégale et que les copartageantes n’étaient pas en mesure de proposer une répartition en nature. Toutefois, la Cour de cassation a censuré cette décision, en reprochant aux juges du fond de ne pas avoir recherché si le partage pouvait être commodément réalisé en deux lots distincts : l’un devant être attribué à l’époux survivant et l’autre aux trois petites-filles, prises collectivement en tant que souche unique.

Par cette décision, la Haute juridiction réaffirme que le partage par souche permet d’éviter que les héritiers venant par représentation soient désavantagés en raison de leur nombre. En effet, si le partage s’était opéré par tête, chacune des petites-filles aurait reçu un lot distinct, risquant de fragmenter les droits issus de leur auteur commun. Or, en retenant le mécanisme du partage par souche, un lot unique est attribué à la souche représentée, ce qui permet d’assurer une cohérence dans la transmission des droits et une simplification du partage.

Cette distinction entre partage par tête et partage par souche est cruciale pour garantir une répartition équitable, notamment dans les successions complexes où les héritiers ne se trouvent pas tous au même degré de parenté. Prenons un autre exemple : un défunt laisse un enfant survivant et trois petits-enfants venant par représentation d’un autre enfant prédécédé. Si le partage s’opère par tête, chaque petit-enfant recevra une part distincte, ce qui aura pour effet de réduire la quote-part globale de leur souche par rapport à celle de l’enfant survivant. En revanche, si le partage est réalisé par souche, les trois petits-enfants recevront un lot unique correspondant à la part qui aurait été dévolue à leur parent prédécédé, assurant ainsi une stricte égalité entre les différentes branches familiales.

La distinction entre ces deux mécanismes est particulièrement importante lorsque les biens indivis sont difficiles à partager en nature, comme des immeubles ou des biens indivisibles. La Cour de cassation veille ainsi à ce que le recours au partage par souche permette d’éviter une multiplication excessive des lots, susceptible de conduire à une licitation, souvent source de conflits. Comme le souligne Michel Grimaldi, « le partage par souche permet d’assurer une répartition juste tout en limitant le risque de licitations, qui sont souvent sources de tensions et de pertes financières pour les indivisaires ».

§2: Le partage en présence de parts inégales

Dans certaines situations d’indivision, les indivisaires ne détiennent pas des droits égaux sur les biens indivis. Cela peut être le cas dans une succession lorsque les héritiers ont des droits de quotités différentes, mais également dans une indivision conventionnelle résultant d’un apport initial inégal. Il devient alors nécessaire de composer un nombre de lots correspondant aux droits proportionnels de chaque indivisaire.

==>La réduction au plus petit dénominateur commun : une méthode de répartition proportionnelle

Lorsque le partage doit être réalisé entre des indivisaires détenant des droits inégaux sur les biens indivis, la méthode de réduction au plus petit dénominateur commun s’impose pour garantir une répartition proportionnelle des biens et éviter les déséquilibres susceptibles de naître d’une division inadaptée. Ce mécanisme permet d’ajuster le nombre de lots de manière à ce que chaque indivisaire reçoive une part conforme à ses droits, quelle que soit leur quotité. Il s’agit là d’une exigence essentielle dans les partages complexes, où une stricte division arithmétique prévient les litiges et assure une répartition juste.

Prenons l’exemple d’une indivision post-communautaire entre un conjoint survivant et les enfants du couple. Supposons que le conjoint survivant dispose d’un quart des droits sur la masse commune et que les deux enfants partagent les trois quarts restants. Dans cette hypothèse, la réduction au plus petit dénominateur commun conduit à diviser la masse en huit lots. Deux de ces lots seront attribués au conjoint survivant, correspondant à son quart des droits, tandis que les six lots restants seront répartis à parts égales entre les deux enfants, chacun recevant trois lots. Cette répartition garantit que chaque indivisaire soit rempli de ses droits de manière proportionnelle à sa quote-part dans la masse partageable.

Ce principe trouve également une application pertinente dans le cadre des successions comportant des biens indivis difficiles à répartir en nature. Imaginons une situation où trois héritiers doivent se partager une masse composée d’une propriété agricole indivisible, évaluée à 250 000 euros, et de 50 000 euros en liquidités. Les droits des héritiers s’élèvent respectivement à 50 %, 30 % et 20 %. La réduction au plus petit dénominateur commun conduit alors à diviser la masse en dix lots : cinq pour le premier héritier, trois pour le second et deux pour le troisième. Cette division garantit que les parts attribuées reflètent précisément les droits de chacun, tout en minimisant le risque d’inégalités dans le partage.

Dans les indivisions conventionnelles, la réduction au plus petit dénominateur commun se révèle tout aussi utile, notamment lorsque les apports des indivisaires à l’acquisition d’un bien sont inégaux. Imaginons trois coacquéreurs ayant acheté ensemble un immeuble, chacun ayant contribué à hauteur de 50 %, 30 % et 20 % du prix d’achat. Plutôt que de composer trois lots arbitraires, la réduction au plus petit dénominateur commun impose de créer dix lots : cinq pour le premier coacquéreur, trois pour le second et deux pour le troisième. Cette méthode permet d’assurer une répartition fidèle des biens, conforme aux contributions initiales des indivisaires, et d’éviter une multiplication désordonnée des lots, qui pourrait rendre le partage impraticable.

En pratique, ce mécanisme se révèle particulièrement efficace pour prévenir les conflits entre indivisaires. En ajustant le nombre de lots à la proportion exacte des droits détenus, la réduction au plus petit dénominateur commun garantit une stricte correspondance entre les lots attribués et les parts réelles de chacun. Cette exigence de précision arithmétique est indispensable pour préserver l’équilibre patrimonial entre les indivisaires, notamment lorsque les biens indivis sont difficiles à partager équitablement en nature.

Comme le rappelle la doctrine, notamment sous la plume de Michel Grimaldi, « le partage proportionnel, fondé sur la réduction au plus petit dénominateur commun, assure une répartition juste et prévient les risques de litiges liés à une division déséquilibrée ». En adaptant le nombre de lots à la réalité des droits indivis, cette méthode constitue un rempart efficace contre les éventuelles contestations des indivisaires, tout en garantissant la sécurité juridique du partage.

Cependant, lorsque les biens indivis ne peuvent être divisés sans altérer leur valeur — par exemple, un immeuble d’habitation ou un fonds agricole —, la réduction au plus petit dénominateur commun peut atteindre ses limites. Il devient alors nécessaire d’envisager des ajustements complémentaires pour rétablir l’équilibre entre les lots. 

==>Le recours aux soultes : un correctif à l’inégalité en nature

Lorsque la répartition des biens indivis ne permet pas d’établir des lots de valeur strictement équivalente en nature, le recours aux soultes apparaît comme une solution indispensable pour préserver l’équilibre patrimonial entre les indivisaires. Ce mécanisme consiste à attribuer des lots inégaux en nature, compensés par une somme d’argent destiné à rétablir la proportionnalité des droits de chacun. Cette technique, bien que nécessitant une certaine souplesse dans l’appréhension de l’égalité, s’inscrit pleinement dans les exigences de justice distributive qui président aux opérations de partage.

Imaginons une succession comportant une propriété agricole indivisible d’une valeur estimée à 250 000 euros, ainsi que 50 000 euros en liquidités. Trois héritiers doivent se partager cette masse, leurs droits étant respectivement de 50 %, 30 % et 20 %. La méthode de réduction au plus petit dénominateur commun impose ici de diviser la masse en dix lots : cinq pour le premier héritier, trois pour le second et deux pour le troisième. Cependant, la propriété agricole ne pouvant être fractionnée sans altérer sa valeur, il conviendra de l’attribuer en totalité au premier héritier, lequel devra verser une soulte de 50 000 euros aux deux autres indivisaires. Cette soulte permettra de compenser l’écart entre la valeur des lots en nature et les droits respectifs des deux autres héritiers sur la masse partageable.

La Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 28 juin 1972, a validé le recours aux soultes pour garantir une répartition équitable lorsque le partage en nature s’avère impraticable en raison de la nature indivisible des biens (Cass. 1re civ., 28 juin 1972, n°71-12.571). Il ressort de cette décision que, dans certaines situations, il est préférable de compenser les disparités entre les lots par des versements financiers plutôt que d’imposer un morcellement excessif des biens, qui pourrait nuire à leur valeur ou à leur exploitation.

L’affaire concernait une indivision issue du décès d’un copropriétaire, laissant pour lui succéder son conjoint survivant et leurs enfants. Après plusieurs cessions de droits au sein de la famille, l’indivision se composait de trois coïndivisaires, détenant respectivement 19/48, 16/48 et 13/48 des droits indivis sur une vaste exploitation agricole située à la Martinique, comprenant des terres agricoles, des bâtiments et une distillerie. Deux coïndivisaires avaient sollicité la licitation du domaine en un seul lot, tandis que le troisième avait demandé que le partage fût réalisé en nature.

La cour d’appel, se fondant sur un rapport d’expertise, avait décidé que le partage pouvait s’opérer en trois lots de valeur inégale, à condition que les déséquilibres soient corrigés par des soultes en argent. Elle avait relevé que l’exploitation agricole ne pouvait être divisée en parts égales sans perdre une part importante de sa valeur. En procédant à une attribution par tirage au sort des trois lots, avec versement de soultes pour compenser les écarts, la cour d’appel avait estimé préserver les droits de chaque indivisaire tout en assurant la continuité de l’exploitation.

La Cour de cassation a validé cette solution, en rejetant le pourvoi formé par l’un des coïndivisaires. La Haute juridiction a rappelé que, selon l’article 832 du Code civil, « la règle de l’égalité en nature dans la formation et la composition des lots ne doit être strictement observée que dans la mesure où le morcellement des héritages et la division des exploitations peuvent être évités ». En l’espèce, les juges d’appel avaient souverainement apprécié que la création de trois lots inégaux, avec correction par soultes, permettait de maintenir la propriété dans la famille et de garantir à chaque indivisaire une part proportionnelle à ses droits.

La Cour de cassation a également souligné que le partage en nature est toujours préférable à la licitation, surtout lorsqu’il permet de préserver l’intégrité d’un bien familial. En attribuant l’exploitation agricole à l’un des coïndivisaires et en compensant les autres par des soultes, la cour d’appel a évité une division excessive du domaine, qui aurait pu nuire à sa gestion et à sa rentabilité.

Prenons un exemple illustratif similaire. Imaginons une succession comprenant une propriété viticole estimée à 500 000 euros et des liquidités de 50 000 euros. Deux héritiers détiennent respectivement 60 % et 40 % des droits. Si la propriété ne peut être divisée en nature sans perdre sa valeur, il serait logique d’attribuer le domaine au premier héritier, à charge pour lui de verser une soulte de 50 000 euros au second, correspondant à l’écart entre la valeur de la propriété et les droits du coïndivisaire. Ce mécanisme permettrait de maintenir l’exploitation viticole intacte tout en assurant une répartition équitable.

Cette solution trouve également une application pratique dans les indivisions conventionnelles. Prenons l’exemple de trois coacquéreurs ayant acquis ensemble un immeuble d’une valeur de 300 000 euros, chacun ayant contribué à hauteur de 50 %, 30 % et 20 % du prix d’achat. Supposons que cet immeuble constitue le seul bien indivis. Plutôt que de procéder à une licitation, qui pourrait engendrer des pertes financières et des conflits, il serait préférable d’attribuer l’immeuble au coacquéreur ayant la plus grande participation, à condition qu’il verse une soulte aux deux autres, correspondant à la différence entre la valeur de l’immeuble et leurs droits respectifs. Ainsi, le premier coacquéreur pourrait recevoir le bien en totalité et compenser les deux autres par des versements financiers proportionnels à leurs parts.

Cette technique présente l’avantage d’éviter une division physique des biens qui, dans certains cas, pourrait réduire considérablement leur valeur. Elle permet également d’éviter les licitations forcées, qui peuvent engendrer des tensions entre les indivisaires et porter atteinte à l’intégrité du patrimoine à partager. En attribuant les biens les plus difficiles à fractionner à un seul indivisaire et en ajustant la répartition par des soultes, le partage peut s’opérer de manière plus harmonieuse et conforme aux intérêts de chacun.

Prenons un autre exemple dans le cadre d’une indivision postcommunautaire. Supposons qu’un couple, lors de la dissolution de la communauté, détienne un immeuble indivisible et peu de liquidités. Le conjoint survivant, ayant droit à un quart de la masse, pourrait se voir attribuer la totalité de l’immeuble, tandis qu’il verserait une soulte aux enfants pour compenser leur part dans la masse partageable. Ce mécanisme permettrait d’éviter la vente forcée du bien, tout en garantissant aux enfants une compensation monétaire équivalente à leurs droits.

Le recours aux soultes s’avère ainsi une méthode pragmatique et efficace pour préserver l’intégrité des biens indivis, tout en assurant une répartition conforme aux droits de chacun. Aussi, l’égalité dans le partage ne s’entend pas nécessairement d’une division en nature, mais d’une recherche d’équilibre patrimonial, garantissant à chaque copartageant la juste valeur de ses droits. Cette approche permet d’adapter les modalités de partage aux spécificités des biens à répartir, tout en respectant les principes fondamentaux du droit des successions et des indivisions.

==>La fente successorale : un mécanisme particulier de division par branches

Dans le cadre d’un partage successoral, l’application du mécanisme de la fente se présente comme une technique particulière de répartition, distincte des modalités classiques de partage par tête ou par souche, visant à préserver un équilibre patrimonial entre les deux branches familiales du défunt. Instituée par les articles 744 et suivants du Code civil, la fente trouve à s’appliquer lorsqu’une personne décède sans laisser ni descendants, ni conjoint survivant. Dans cette situation, la succession se divise par moitié entre la branche maternelle et la branche paternelle, indépendamment du nombre d’héritiers dans chacune d’elles. Ce mécanisme correcteur vise à prévenir les déséquilibres pouvant résulter d’une stricte application des règles de dévolution légale, qui, en l’absence de fente, pourraient aboutir à concentrer l’ensemble des biens dans une seule branche familiale.

La fente successorale ne repose pas sur les mêmes principes que le partage par souche. Tandis que le partage par souche repose sur le mécanisme de représentation, permettant à des héritiers de venir à la succession en lieu et place de leur auteur prédécédé, la fente obéit à une logique purement arithmétique de division de la masse successorale entre deux branches parentales, indépendamment du nombre d’héritiers au sein de chacune d’elles. Selon que la dévolution successorale mobilise l’un ou l’autre de ces mécanismes, les modalités de répartition des biens diffèrent substantiellement, influant directement sur la composition des lots attribués aux héritiers. En effet, contrairement au partage par souche, la fente successorale ne permet pas de constituer un lot unique regroupant tous les héritiers d’une même branche. Chaque héritier conserve un droit individuel à sa part, qu’il peut exiger en nature ou, à défaut, par la licitation des biens indivis.

La jurisprudence a eu l’occasion d’affirmer avec fermeté ce principe. Dans un arrêt du 26 novembre 1883, la Cour de cassation a rappelé que le mécanisme de la fente ne saurait altérer les droits patrimoniaux individuels des héritiers (Cass. civ., 26 nov. 1883). Dans cette affaire, la succession d’un défunt devait être partagée à parité entre les héritiers des branches paternelle et maternelle. La cour d’appel avait envisagé de constituer deux lots distincts — un pour chaque branche —, qui auraient ensuite été répartis entre les héritiers de chaque lignée. La Haute juridiction a censuré cette approche, considérant qu’elle méconnaissait la portée de la fente successorale. La division entre branches n’a pas pour effet de priver les héritiers de leur faculté de réclamer un lot en nature ou, à défaut, de provoquer la vente des biens indivis. La Haute juridiction a ainsi souligné que l’on ne peut assimiler la branche familiale à une souche, car le mécanisme de la fente ne repose pas sur le principe de représentation.

Cette solution jurisprudentielle met en lumière la finalité première de la fente : assurer une stricte égalité patrimoniale entre les deux branches du défunt, sans affecter les droits individuels des héritiers au sein de chaque branche. Chaque cohéritier, qu’il appartienne à la branche paternelle ou maternelle, doit pouvoir faire valoir son droit à une part distincte, sans se voir imposer un lot indivis partagé avec d’autres membres de sa lignée. Ainsi, la fente successorale garantit une équité entre les branches, mais laisse intacts les droits de chacun à l’intérieur de ces divisions.

Pour mieux illustrer le fonctionnement de ce mécanisme, prenons un exemple concret. Supposons un défunt qui ne laisse ni descendants, ni conjoint survivant, mais qui a pour héritiers un cousin du côté paternel et deux cousins du côté maternel. En application de la fente successorale, la masse successorale sera divisée en deux parts égales : 50 % pour la branche paternelle, attribuée au cousin paternel, et 50 % pour la branche maternelle, à partager entre les deux cousins maternels. Contrairement à ce que l’on pourrait observer dans un partage par souche, il ne sera pas possible d’imposer un lot unique aux cousins maternels. Chacun d’eux conserve le droit d’exiger un lot distinct correspondant à sa part ou de demander la licitation des biens indivis, afin de percevoir sa part en valeur.

Un second exemple permet d’éclairer davantage la distinction entre fente et partage par souche. Imaginons un défunt laissant deux oncles du côté paternel et un cousin germain du côté maternel. La fente successorale implique que la moitié de la masse successorale sera attribuée à la branche paternelle, partagée entre les deux oncles, et l’autre moitié à la branche maternelle, revenant au cousin germain. Cette répartition ne saurait toutefois conduire à la constitution d’un lot indivis regroupant les deux oncles. Chacun d’eux conserve le droit d’exiger sa part individuelle, que ce soit en nature ou par une compensation monétaire.

Cette jurisprudence constante met en exergue une règle fondamentale du droit des successions : la fente ne modifie pas la nature et l’étendue des droits des héritiers. Comme le souligne Michel Grimaldi, la division en branches n’a pas pour vocation de créer des entités indivises assimilables à des souches. Chaque héritier, au sein de sa branche, conserve un droit autonome à sa part de succession, qu’il peut faire valoir selon les règles habituelles du partage.

La fente successorale, bien qu’elle soit un mécanisme correcteur des inégalités entre branches, ne saurait non plus conduire à imposer une division arbitraire des lots. La Cour de cassation l’a rappelé à maintes reprises : le partage doit respecter les droits individuels des héritiers, et chaque cohéritier doit pouvoir réclamer sa part en nature ou, à défaut, provoquer la vente des biens indivis pour obtenir sa part en valeur.

Prenons un dernier exemple pour bien comprendre les subtilités de la fente successorale dans le cadre d’un partage. Un défunt laisse un frère du côté paternel et cinq cousins germains du côté maternel. Si la succession était partagée par tête, chaque héritier recevrait 1/6e de la masse successorale. Toutefois, la fente successorale divise d’abord la masse en deux parts égales : la moitié pour la branche paternelle, revenant au frère, et la moitié pour la branche maternelle, à partager entre les cinq cousins germains. En conséquence, chaque cousin maternel recevra 1/10e de la succession, tandis que le frère recevra 50 %. Il reste cependant possible pour chaque héritier de demander un lot distinct correspondant à sa part ou, si le partage en nature s’avère impraticable, de solliciter la licitation des biens.

Ainsi, la fente successorale garantit une stricte égalité entre les branches parentales, mais elle n’altère en rien les droits des héritiers au sein de chaque branche. Ce mécanisme constitue un garde-fou contre les inégalités susceptibles de naître d’une stricte application des règles de dévolution légale, en veillant à ce que chaque lignée soit traitée de manière équitable. Cependant, il ne saurait être interprété comme une obligation de constituer des lots indivis pour chaque branche, car cela reviendrait à méconnaître les principes fondamentaux du droit des successions, qui assurent à chaque héritier le droit d’exiger sa part individuelle.

Section 2: Composition des lots

La composition des lots constitue une étape déterminante des opérations de partage. Elle vise à traduire, en unités cohérentes et équilibrées, les droits que chaque indivisaire détient sur la masse partageable. Cette opération, loin d’être purement arithmétique, exige une réflexion approfondie sur la valeur des biens, leur nature et leur vocation économique, afin de garantir un partage équitable et conforme aux intérêts de chacun.

§1: Modalités de composition des lots

La constitution des lots constitue une étape essentielle des opérations de partage, visant à assurer une répartition équitable des biens indivis, dans le strict respect des droits de chaque héritier. Selon la complexité de la masse à partager et les éventuels différends opposant les indivisaires, le Code de procédure civile prévoit, pour chaque procédure applicable, des modalités spécifiques encadrant la composition des lots.

La mise en œuvre de ces procédures mobilise tantôt l’intervention directe du tribunal judiciaire, tantôt celle d’un notaire commis par le juge, voire celle d’un expert désigné en cours d’instance. Si le rôle des différents acteurs varie selon la voie procédurale retenue, la finalité demeure la même : garantir la sécurité juridique des opérations tout en veillant à préserver les droits individuels de chaque indivisaire dans le cadre du partage.

==>Dans le cadre de la procédure simplifiée

Régie par les articles 1359 à 1363 du Code de procédure civile, la procédure simplifiée s’applique lorsque le partage ne soulève aucune difficulté majeure. Elle se prête particulièrement aux situations où la masse successorale est clairement définie et ne comporte ni biens complexes ni ne fait l’objet de différends entre les indivisaires.

Dans ce cadre, le tribunal judiciaire se voit confier un rôle central dans la constitution des lots, sans qu’il soit nécessaire de faire intervenir un notaire pour superviser les opérations. Conformément au premier alinéa de l’article 1361, le juge peut ordonner le partage des biens indivis ou, si le partage est impraticable, décider la vente par licitation lorsque les conditions prévues à l’article 1378 sont réunies.

Lorsque le tribunal opte pour le partage, il lui appartient d’évaluer la masse partageable et de déterminer la composition des lots en fonction des droits de chaque indivisaire. Le jugement rendu par le tribunal tient alors lieu d’acte de partage, formalisant ainsi la répartition des biens entre les héritiers. Ce mécanisme présente l’avantage d’offrir une solution rapide, alliant simplicité procédurale et sécurité juridique.

Dans les cas où la nature des biens exige une expertise spécifique, le juge peut s’adjoindre un expert, conformément à l’article 1362. Cette mesure facultative vise à garantir une évaluation précise des actifs à répartir, qu’il s’agisse de biens immobiliers, de meubles ou de droits incorporels. L’expert peut également proposer une répartition des lots en tenant compte de la valeur des biens et des droits des indivisaires. Cependant, dans les situations simples, le tribunal peut directement procéder à la composition des lots et au tirage au sort, sans recourir à une expertise particulière.

Le tirage au sort des lots, lorsqu’il est nécessaire, est réalisé devant le président du tribunal judiciaire ou son délégué. Cette opération permet de garantir une attribution impartiale des biens, tout en évitant tout soupçon de favoritisme ou de partialité dans la répartition.

Bien que prévue par le Code de procédure civile, cette procédure semble toutefois peu usitée dans la pratique, probablement en raison de la préférence des parties pour des solutions amiables ou des partages supervisés par un notaire. Comme le souligne Michel Grimaldi, la procédure simplifiée présente toutefois l’avantage d’être « rapide et peu formaliste », ce qui permet d’écarter des coûts et des délais supplémentaires liés à la désignation d’un notaire ou d’un expert.

En cas d’absence ou de défaillance d’un héritier, la continuité des opérations est garantie par la désignation d’un représentant à l’indivisaire défaillant. Cette désignation, effectuée par le président du tribunal judiciaire, peut intervenir d’office (art. 1363, al. 2 CPC). 

==>La composition des lots par tirage au sort sous la supervision d’un notaire

Lorsque les indivisaires s’entendent sur la composition des lots mais demeurent en désaccord quant à leur attribution, le Code de procédure civile instaure un mécanisme de tirage au sort, régi par l’article 1363, destiné à prévenir les blocages et à garantir une répartition impartiale. Ce mécanisme, qui repose sur le hasard, vise à écarter toute suspicion de favoritisme et à renforcer la sécurité juridique des opérations de partage.

Dans cette configuration, deux acteurs interviennent successivement : le tribunal judiciaire et le notaire désigné. En premier lieu, le tribunal forme la masse partageable, évalue les biens et compose les lots, le cas échéant avec l’assistance d’un expert, conformément aux articles 1361 et 1362. Ce n’est qu’après cette étape que le notaire entre en scène pour présider au tirage au sort des lots et dresser l’acte authentique constatant le partage.

Le rôle du notaire dans cette procédure est essentiellement formel et limité. Il ne participe ni à la liquidation des comptes ni à la constitution des lots, mais se borne à garantir la régularité du tirage au sort et à authentifier l’acte de partage. Comme le souligne Michel Grimaldi, « le notaire se trouve ici dans une posture d’instrumentation, n’intervenant qu’en bout de chaîne, une fois les lots constitués par le tribunal ». Ainsi, sa mission se distingue nettement de celle du notaire liquidateur dans les procédures complexes, où il est directement impliqué dans l’ensemble des opérations de partage.

Le tirage au sort peut avoir lieu devant le notaire commis par le tribunal ou, à défaut, devant le président du tribunal judiciaire ou son délégué. Cette faculté, prévue par l’article 1363, alinéa 1er, permet d’assurer la neutralité des opérations tout en évitant de mobiliser des ressources lorsque cela n’est pas indispensable.

En cas d’absence ou de défaillance d’un héritier, la continuité des opérations est garantie par la désignation d’un représentant à l’indivisaire défaillant. Cette désignation, effectuée par le président du tribunal judiciaire, peut intervenir d’office ou sur transmission du procès-verbal de carence établi par le notaire (art. 1363, al. 2 CPC). 

==>La composition des lots dans le cadre de la procédure longue sous la supervision d’un juge commis

Lorsque les opérations de partage présentent une complexité particulière ou que des désaccords profonds persistent entre les indivisaires, la procédure longue, encadrée par les articles 1364 à 1376 du Code de procédure civile, devient nécessaire. À la différence des procédures simplifiées, la procédure longue repose sur une organisation plus élaborée des rôles, où le tribunal judiciaire, le notaire liquidateur et le juge commis interviennent de manière coordonnée, chacun apportant sa contribution spécifique afin d’assurer une répartition équitable et sécurisée des biens indivis.

Le notaire liquidateur, désigné par le tribunal en l’absence d’accord entre les parties (art. 1364, al. 2 CPC), joue un rôle primordial dans la constitution des lots. Contrairement aux procédures simplifiées, où le tribunal est directement impliqué dans la composition des lots, ici, cette mission incombe au notaire. Celui-ci doit procéder à l’évaluation des biens, à la liquidation des comptes entre les indivisaires, et à l’établissement d’un projet d’état liquidatif, lequel fixe la composition des lots à attribuer.

Pour mener à bien cette mission, le notaire dispose de pouvoirs étendus. Il peut, en vertu de l’article 1365, convoquer les parties, demander la communication de toutes pièces utiles à la liquidation et, si nécessaire, solliciter l’intervention d’un expert pour évaluer les biens ou proposer une répartition équitable des lots. Cette expertise s’avère particulièrement utile lorsqu’il s’agit de biens complexes ou difficiles à estimer, tels que des immeubles, des parts sociales, ou encore des œuvres d’art.

Si des difficultés surgissent lors de la préparation du projet d’état liquidatif, le notaire peut s’en remettre au juge commis. Ce dernier, en tant que garant du bon déroulement de la procédure, a la faculté de prononcer des injonctions, de fixer des astreintes, voire de remplacer le notaire si celui-ci manque à ses obligations (art. 1371, al. 2 CPC).

La procédure longue comporte plusieurs étapes encadrées par le Code de procédure civile :

  • Convocation des parties et collecte des informations
    • Le notaire commence par convoquer les parties et recueillir les documents nécessaires à l’évaluation de la masse partageable.
    • Si des désaccords apparaissent quant à la valeur des biens ou à leur répartition, il peut recourir à un expert pour estimer les biens et proposer une composition des lots (art. 1365, al. 3 CPC).
  • Tentative de conciliation sous la supervision du juge commis
    • Avant de finaliser le projet d’état liquidatif, le notaire peut demander au juge commis d’organiser une tentative de conciliation en présence des parties.
    • Cette étape vise à réduire les points de litige et à favoriser un accord amiable sur la répartition des biens (art. 1366 CPC).
  • Élaboration du projet d’état liquidatif
    • Une fois les biens évalués et les comptes liquidés, le notaire établit un projet d’état liquidatif détaillant la composition des lots.
    • Ce document, clé de voûte de la procédure, précise la valeur des biens attribués à chaque indivisaire, en tenant compte de leurs droits respectifs dans la masse partageable (art. 1368 CPC). 
    • Si un expert a été désigné, c’est lui qui procède à l’évaluation des biens et à la composition des lots.
  • Transmission au juge commis et traitement des contestations
    • Le projet d’état liquidatif est ensuite transmis au juge commis, accompagné d’un procès-verbal de difficultés si les parties ont formulé des contestations.
    • Le juge commis peut alors tenter une nouvelle conciliation ou, en cas d’échec, soumettre les points litigieux au tribunal judiciaire (art. 1373 CPC).

Le tirage au sort des lots, lorsqu’il est nécessaire, peut avoir lieu soit devant le notaire, soit devant le juge commis ou son délégué. Si un héritier fait défaut, un représentant peut être désigné pour y assister, conformément aux dispositions de l’article 1376 du Code de procédure civile. Cette mesure vise à éviter que l’absence d’un indivisaire ne paralyse les opérations de partage.

Le tribunal judiciaire, après avoir examiné le projet d’état liquidatif et les éventuelles contestations des parties, peut soit homologuer l’état liquidatif et ordonner le tirage au sort des lots, soit renvoyer le notaire à ses travaux pour apporter les corrections nécessaires (art. 1375 CPC).

Le notaire dispose en principe d’un délai d’un an pour établir le projet d’état liquidatif (art. 1368 CPC). Ce délai peut toutefois être suspendu pour diverses raisons — expertises, tentatives de conciliation, désignation d’un représentant pour un héritier défaillant — ou prorogé d’une année supplémentaire en cas de complexité des opérations (art. 1370 CPC).

§2: Contenu des lots

Le partage des biens indivis doit répondre à une double exigence d’équité et de préservation économique. Si la priorité est donnée au partage en nature, il arrive que les circonstances rendent cette solution difficilement praticable. Le Code civil prévoit alors des mécanismes alternatifs permettant d’assurer une répartition juste entre les copartageants, tout en tenant compte des contraintes matérielles et économiques.

La démarche à suivre pour constituer les lots repose ainsi sur une logique progressive : il convient d’abord de rechercher si l’égalité entre les copartageants peut être atteinte par un partage en nature. En cas de difficulté, plusieurs alternatives s’offrent au juge ou aux parties, allant de l’ajustement par le biais de soultes jusqu’à la licitation des biens.

I) La recherche d’un partage en nature

Le partage en nature constitue historiquement la règle de principe en matière de répartition des biens indivis. Bien que la réforme opérée par la loi du 23 juin 2006 ait consacré le principe d’égalité en valeur à l’article 826 du Code civil, le partage en nature demeure la voie prioritaire qu’il y a lieu d’emprunter lorsqu’il peut être réalisé sans compromettre l’intégrité économique des biens. L’attribution à chaque copartageant d’une part en nature des biens indivis permet de garantir le respect des droits patrimoniaux de chacun et d’assurer une répartition concrète des actifs à partager.

La finalité du partage en nature est d’attribuer à chaque héritier un lot composé de biens matériels équivalant à ses droits dans l’indivision. Concrètement, cette répartition implique que chaque lot soit constitué d’une proportion comparable de biens meubles, immeubles, créances ou autres actifs de même nature. Par exemple, il ne saurait être question d’attribuer exclusivement des liquidités à un héritier et des biens immobiliers à un autre, sauf à porter atteinte à l’équilibre du partage. L’objectif est d’éviter une rupture d’égalité entre les copartageants.

Ainsi, un partage en nature rigoureusement équilibré pourrait se traduire par une répartition homogène des biens selon leur nature : chaque lot comprenant, par exemple, une part de terrains agricoles, une part de biens mobiliers et une part de liquidités. Cette approche permet d’assurer que chaque copartageant soit alloté de manière équitable, tant en valeur qu’en substance, préservant ainsi ses droits patrimoniaux de manière tangible.

A l’analyse, le partage en nature présente deux atouts majeurs :

  • D’une part, il favorise la sécurité juridique des opérations de partage en réduisant les aléas liés à l’évaluation des biens. En effet, les biens immobiliers, les titres financiers ou les objets d’art peuvent être soumis à des fluctuations de valeur parfois difficiles à anticiper. En attribuant directement une part matérielle à chaque héritier, le risque de contestations ultérieures est considérablement atténué.
  • D’autre part, le partage en nature favorise l’équilibre économique des opérations. Il évite que certains copartageants soient exclusivement alloties en liquidités, tandis que d’autres se voient attribuer des biens difficiles à liquider ou susceptibles de perdre de la valeur. Cette méthode de répartition assure une forme d’équité durable, car elle préserve les droits de chacun de manière concrète et immédiate.

Prenons un exemple pratique pour illustrer cette logique. Imaginons une succession comprenant deux appartements identiques situés dans un même immeuble. Il apparaît naturel et équitable d’attribuer un appartement à chacun des deux copartageants, évitant ainsi de recourir à une soulte ou à une vente. Une telle répartition permet d’assurer une égalité instantanée entre les parties, tout en évitant les frais et les délais qu’implique une procédure de licitation.

Dans une situation similaire, lorsque la masse partageable comprend des terrains agricoles de même qualité ou des actions d’une même société, il est tout aussi pertinent d’allouer à chaque héritier une fraction équivalente de ces biens. Cette approche garantit que chaque copartageant bénéficie d’une part concrète du patrimoine transmis, sans dépendre d’une évaluation incertaine ou d’une compensation monétaire qui pourrait, à terme, s’avérer inadaptée.

Toutefois, le partage en nature, bien qu’idéal dans certaines configurations, trouve sa limite dès lors que la division matérielle des biens risque d’en compromettre la valeur ou l’utilité économique. Il en est ainsi des biens indivis dont le fractionnement entraînerait une dépréciation significative ou rendrait leur exploitation impossible.

L’article 830 du Code civil invite précisément à éviter la division des unités économiques et autres ensembles patrimoniaux dont le morcellement pourrait porter préjudice à leur viabilité. Ce texte traduit la volonté du législateur de préserver la cohérence économique des patrimoines partagés, notamment lorsqu’il s’agit de biens tels que des exploitations agricoles, des fonds de commerce ou des immeubles à usage locatif.

La jurisprudence, fidèle à cette exigence, rappelle que le juge du partage dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation pour déterminer si un morcellement est approprié ou s’il constitue une atteinte à l’intégrité économique du bien concerné. Ainsi, dans un arrêt du 11 mai 2016, la Cour de cassation a validé la décision d’une cour d’appel ayant refusé la division matérielle d’un immeuble composé de deux appartements (Cass. 1ère civ., 11 mai 2016, n°15-18.993). Les juges avaient relevé que les installations communes des deux logements (chauffage, canalisations d’eau, installations électriques) rendaient leur séparation techniquement complexe et économiquement inopportune, en raison des coûts élevés de mise aux normes nécessaires pour assurer leur indépendance.

Dans cette affaire, le partage en nature aurait nécessité des travaux coûteux qui auraient compromis la rentabilité des biens. La solution retenue a donc été d’attribuer l’ensemble de l’immeuble à un seul héritier, moyennant le versement d’une soulte aux autres copartageants, afin de rétablir l’équilibre en valeur.

Cette jurisprudence illustre parfaitement la nécessité de préserver l’intégrité des biens lorsque leur division entraînerait une dévalorisation. Le partage en nature, bien qu’idéal dans certaines hypothèses, ne saurait être réalisé au mépris des réalités économiques. Le juge doit donc, dans chaque situation, rechercher l’option la plus adaptée pour garantir l’équilibre entre les parties tout en préservant la valeur des actifs.

La question du morcellement se pose avec une acuité particulière lorsqu’il s’agit de biens à vocation économique, tels que les exploitations agricoles. Le législateur a d’ailleurs prévu un mécanisme spécifique d’attribution préférentielle pour ces biens, permettant à un héritier exploitant de se voir attribuer l’ensemble de l’exploitation, afin d’en assurer la pérennité.

Prenons l’exemple d’une exploitation agricole composée de plusieurs parcelles de terres cultivables et de bâtiments d’exploitation. La division matérielle de cet ensemble pourrait compromettre sa viabilité, en raison de la nécessité de maintenir une cohérence fonctionnelle entre les différentes parcelles et infrastructures. Dans une telle situation, le partage en nature serait inopportun, car il nuirait à la rentabilité économique de l’exploitation. Il serait donc préférable d’attribuer l’ensemble à un seul héritier, moyennant une compensation financière versée aux autres copartageants.

Cette solution permet non seulement de préserver l’intégrité de l’exploitation, mais également d’éviter les pertes économiques qui découleraient d’un morcellement. Elle illustre la nécessité d’adopter une approche pragmatique dans les opérations de partage, en tenant compte des spécificités des biens indivis et des intérêts économiques en jeu.

II) Les alternatives au partage en nature

Lorsque le partage en nature s’avère impossible ou préjudiciable, trois solutions alternatives peuvent être envisagées : le recours à la soulte, la division des biens comme moindre mal, ou la licitation.

A) Première alternative : le recours à la soulte pour rétablir l’égalité en valeur

Lorsque les biens à partager présentent des disparités de valeur, l’égalité parfaite en nature devient une entreprise délicate, parfois même impossible à réaliser sans porter atteinte à l’intégrité des biens attribués. Afin de remédier à cette difficulté, le législateur a prévu un mécanisme correctif indispensable : la soulte.

Consacrée au quatrième alinéa de l’article 826 du Code civil, la soulte permet de compenser les écarts de valeur entre les lots attribués aux copartageants, tout en préservant la substance des biens indivis. Loin d’être une mesure accessoire, elle s’impose comme un véritable « levier d’équité » dans la recherche d’un partage équilibré, évitant ainsi de recourir à des solutions plus radicales, telles que la division matérielle des biens ou leur licitation.

Le principe d’égalité en valeur, énoncé par le Code civil, impose que chaque héritier reçoive un lot correspondant à ses droits dans l’indivision. Cependant, la nature des biens — immeubles, fonds de commerce, titres financiers ou encore objets d’art — ne permet pas toujours d’assurer une répartition parfaitement proportionnée. C’est précisément pour combler ces écarts que la soulte intervient, en permettant d’ajuster la valeur des lots par le versement d’une compensation financière.

La soulte offre ainsi une solution pragmatique et souple, conciliant les exigences d’égalité avec la préservation des unités économiques. Toutefois, son recours est strictement encadré par le législateur, afin de garantir qu’elle demeure proportionnée à l’écart réel entre les lots et qu’elle ne porte atteinte ni aux droits ni aux intérêts des copartageants.

==>Définition et nature de la soulte

La soulte est une somme d’argent destinée à compenser une inégalité de valeur entre les lots attribués aux copartageants dans le cadre d’un partage. Cette inégalité peut résulter de la nature des biens indivis, qui ne se prêtent pas toujours à une division en parts de valeur identique. Dès lors, la soulte permet de rétablir l’équilibre en valeur entre les lots, conformément au principe énoncé à l’article 826 du Code civil, selon lequel « l’égalité dans le partage est une égalité en valeur ».

  • Une créance indissociable du partage
    • La soulte ne peut voir le jour qu’au moment du partage.
    • Contrairement aux dettes qui précèdent le partage, la soulte naît exclusivement lors de l’opération de répartition des biens indivis. 
    • Michel Grimaldi insiste sur ce point en précisant que « la soulte ne peut naître que du partage lui-même, puisque c’est à cette date seulement que les biens sont évalués et que peut être alors constatée et mesurée l’inégalité qu’elle a pour objet de compenser ».
    • Cette nature spécifique de la soulte emporte plusieurs conséquences :
      • Première conséquence
        • La soulte ne peut être prévue à titre provisionnel avant le partage. 
        • Il est impossible d’anticiper son montant ou d’en exiger le paiement avant la réalisation effective du partage. 
        • Cette impossibilité découle du fait que l’inégalité qu’elle vise à compenser ne peut être constatée qu’une fois les biens indivis évalués et les lots constitués.
      • Seconde conséquence
        • La soulte est une créance liquidée au moment du partage.
        • Elle devient exigible dès que le partage est devenu définitif, sauf si les parties conviennent d’un délai de paiement. 
        • En cas d’accord, le paiement peut être différé, notamment pour tenir compte des contraintes financières du débiteur de la soulte.
  •  
  • Une créance distincte des dettes antérieures au partage
    • La soulte doit être clairement distinguée des dettes préexistantes à l’opération de partage.
    • Alors que les dettes antérieures concernent les rapports juridiques établis avant la dissolution de l’indivision, la soulte est exclusivement liée à la répartition des biens.
    • Comme le précise Philippe Malaurie, « la soulte constitue une dette nouvelle, née du partage, et non la prolongation d’une obligation antérieure. Sa finalité est d’assurer une stricte égalité en valeur entre les copartageants ».
    • À titre d’exemple, imaginons une masse successorale composée d’un bien immobilier unique d’une valeur de 500 000 euros, attribué à un seul héritier en raison de son caractère indivisible. 
    • Si cet héritier possède des droits successoraux limités à 300 000 euros, il devra verser une soulte de 200 000 euros aux autres copartageants afin de rétablir l’égalité en valeur.

==>Conditions de la soulte

La constitution d’une soulte répond à une finalité précise : rétablir l’égalité en valeur entre les copartageants lorsque la répartition en nature des biens indivis ne permet pas de respecter les droits de chacun. Ce mécanisme, loin d’être automatique, n’intervient que sous certaines conditions encadrées par le Code civil, notamment par l’article 826, alinéa 4, qui dispose que « si la consistance de la masse ne permet pas de former des lots d’égale valeur, leur inégalité se compense par une soulte ».

Cette règle traduit une volonté du législateur d’assurer une répartition juste et équitable entre les héritiers, tout en tenant compte des contraintes pratiques liées à la nature des biens indivis. Toutefois, la constitution d’une soulte ne doit pas être envisagée comme une solution systématique, mais plutôt comme un correctif exceptionnel destiné à garantir l’équilibre des opérations de partage.

En pratique, la soulte est principalement justifiée lorsque les biens indivis sont des actifs indivisibles ou difficiles à fractionner en lots de valeur équivalente. Cette situation se rencontre fréquemment dans les successions comprenant des biens immobiliers, des œuvres d’art, des entreprises familiales ou des terrains agricoles.

Prenons l’exemple d’un bien immobilier unique, tel qu’une maison d’une valeur de 400 000 euros. Si les héritiers sont trois, avec des droits successoraux différents — le père ayant droit à 1/4 de la masse et les deux frères à 3/8 chacun —, la répartition en nature se révélera complexe, voire impossible. La maison ne pouvant être divisée matériellement en plusieurs lots, le bien sera attribué à un seul copartageant, et une soulte sera versée aux autres pour compenser l’inégalité de valeur entre les lots.

Cet exemple illustre le caractère correctif de la soulte. Il est essentiel de rappeler que celle-ci n’intervient qu’en dernier recours, lorsqu’il est impossible de constituer des lots d’égale valeur en nature. Comme le souligne le professeur Philippe Malaurie, « le principe fondamental reste le partage en nature des biens indivis, la soulte n’étant qu’un mécanisme subsidiaire destiné à corriger les déséquilibres qui peuvent apparaître lors de la composition des lots ».

La soulte ne saurait être perçue comme une solution légale systématique. Son adoption suppose la démonstration d’une inégalité de valeur entre les lots attribués, laquelle ne peut être corrigée autrement que par le versement d’une compensation monétaire.

Le professeur Alain Sériaux insiste sur le caractère exceptionnel de ce mécanisme : « le partage en nature des biens entre tous les copartageants reste de principe. Les cas où une soulte est nécessaire doivent demeurer exceptionnels, afin de préserver l’intégrité des biens partagés et d’éviter leur morcellement excessif ».

Cette observation trouve une résonance particulière dans le contexte des successions comportant des biens patrimoniaux spécifiques. Par exemple, l’attribution préférentielle d’une entreprise familiale ou d’un fonds de commerce à l’un des héritiers peut nécessiter le versement d’une soulte aux autres copartageants. Toutefois, cette solution doit être encadrée pour éviter les effets pervers d’une « pulvérisation » du patrimoine, qui pourrait nuire à sa valeur économique globale.

L’article 826 du Code civil précise à cet égard que la soulte n’intervient que lorsque « la consistance de la masse ne permet pas de former des lots d’égale valeur ». Le législateur n’a donc pas entendu encourager une approche systématique du mécanisme, mais a plutôt cherché à en limiter l’usage aux situations où le partage en nature se révèle matériellement impossible ou économiquement inefficace.

L’objectif ultime de la constitution de soultes est d’assurer une stricte égalité en valeur entre les copartageants. Cependant, il convient de rappeler que cette égalité ne signifie pas nécessairement une répartition en nature parfaite. Comme le rappelle régulièrement la Cour de cassation, l’égalité dans le partage est une égalité en valeur et non en nature » (Cass. 1ère civ., 15 sept. 2021, n°19-24.014).

Le législateur a introduit ce principe pour concilier les exigences du droit de l’indivision avec les contraintes économiques et pratiques inhérentes au partage des biens indivis. L’objectif est de garantir une équité entre les copartageants, tout en évitant des situations de blocage ou des morcellements excessifs des biens partagés.

À titre d’exemple, une succession comprenant plusieurs biens de nature différente — un appartement, une collection d’œuvres d’art, et un portefeuille d’actions — pourrait conduire à une répartition inégale en valeur si l’un des héritiers reçoit le bien immobilier, tandis que les autres se voient attribuer des biens moins facilement monétisables. Dans ce cas, la soulte viendra compenser cet écart de valeur, afin que chaque copartageant reçoive un lot correspondant à ses droits dans l’indivision.

Bien que la soulte soit un outil précieux pour rétablir l’égalité en valeur, le principe prépondérant demeure le partage en nature. Le législateur et la jurisprudence veillent à préserver autant que possible l’intégrité des biens partagés, afin d’éviter leur dispersion ou leur liquidation forcée.

Comme le rappelle le professeur Catala, « le partage en nature des biens est la règle, car il permet de préserver la substance des patrimoines familiaux, tout en respectant les volontés des défunts et les intérêts des héritiers ».

Cependant, dans certaines situations, l’attribution préférentielle de certains biens à un héritier peut justifier le recours à une soulte. Par exemple, un héritier qui exploite déjà une exploitation agricole ou dirige une entreprise familiale peut se voir attribuer ce bien en priorité, afin d’assurer la continuité de son activité. Dans ce cas, le paiement d’une soulte aux autres héritiers permettra de compenser l’écart de valeur entre les lots, tout en respectant l’intérêt général de la famille.

==>Paiement de la soulte

Le paiement de la soulte constitue une étape essentielle des opérations de partage. Il intervient généralement au moment même de la répartition des biens indivis afin de rétablir l’égalité en valeur entre les lots attribués aux copartageants. 

Toutefois, la rigueur de ce principe connaît plusieurs aménagements, permettant d’adapter les modalités de paiement aux spécificités de la situation patrimoniale ou aux capacités financières du débiteur de la soulte. 

Ces aménagements visent à concilier les impératifs d’équité successorale avec les réalités économiques des héritiers.

  • Le paiement immédiat de la soulte
    • En principe, la soulte doit être payée au moment de la réalisation du partage, sous la supervision du notaire chargé d’instrumenter l’acte de partage. 
    • Ce paiement immédiat garantit une exécution complète et définitive des opérations de répartition, évitant ainsi toute contestation ultérieure.
    • Le paiement peut être effectué en numéraire, par le versement d’une somme d’argent équivalente à la différence de valeur entre les lots, ou sous la forme d’une compensation entre les lots. 
    • Cette dernière modalité de paiement peut être envisagée lorsque le débiteur de la soulte dispose d’un actif liquide ou d’un droit à percevoir une somme d’argent dans le cadre du partage. 
    • Par exemple, si un copartageant reçoit un bien immobilier excédant la valeur de ses droits dans l’indivision, il peut compenser cet excédent en renonçant à une créance incluse dans la masse partageable.
    • Cependant, il convient d’attirer l’attention sur les risques juridiques liés à un paiement effectué hors comptabilité notariale. 
    • Si le créancier de la soulte délivre une quittance indiquant que la somme a été réglée sans que le notaire en ait la preuve formelle, les règles strictes de la preuve par écrit s’imposeront en cas de litige. 
    • La Cour de cassation a ainsi rappelé que « l’allégation d’un aveu extrajudiciaire purement verbal est inutile toutes les fois qu’il s’agit d’une demande dont la preuve testimoniale ne serait point admissible » (Cass. 1ère civ., 9 mai 2019, n°18-10.885). Par cette décision, la Haute juridiction réaffirme le caractère probant de la quittance délivrée hors comptabilité notariale, tout en soulignant que seule une preuve écrite peut en contredire le contenu.
    • L’affaire soumise aux juges portait sur une donation-partage aux termes de laquelle l’une des héritières avait reçu un lot assorti d’une soulte à verser à ses cohéritiers. 
    • Ces derniers avaient initialement délivré une quittance reconnaissant avoir perçu les sommes dues hors comptabilité notariale, avant de se rétracter en alléguant que le paiement n’avait jamais été effectué.
    • Ils invoquaient à l’appui de leur demande un aveu extrajudiciaire verbal de leur sœur, reconnaissant le non-paiement des soultes. 
    • La Cour de cassation a censuré cette argumentation, jugeant qu’un tel aveu ne pouvait suffire à remettre en cause la quittance initiale, faute d’être corroboré par une preuve écrite conforme aux exigences légales.
    • Cette solution met en lumière l’importance d’une traçabilité rigoureuse des paiements dans le cadre des opérations de partage, en particulier lorsqu’une soulte est due.
    • Le paiement d’une soulte, bien qu’effectué hors comptabilité notariale, doit être constaté par des documents écrits. 
    • En pratique, il est fortement recommandé de formaliser le paiement dans l’acte de partage lui-même ou, à tout le moins, de conserver des preuves écrites telles qu’un reçu signé par le créancier ou une attestation de paiement délivrée par le notaire. Cette précaution permet d’éviter toute difficulté probatoire ultérieure et de prévenir les contestations portant sur la réalité du paiement.
    • En l’absence de preuve écrite, les créanciers d’une soulte s’exposent à des difficultés probatoires considérables, rendant toute revendication ultérieure particulièrement hasardeuse. 
    • La quittance initiale conserve alors toute sa valeur libératoire et protège efficacement le débiteur de la soulte contre les risques de remise en cause du partage.
    • L’arrêt du 9 mai 2019 incite ainsi les praticiens à une vigilance accrue lors de la formalisation des paiements intervenant dans le cadre d’un partage. 
    • À défaut d’une traçabilité suffisante, les créanciers pourraient se retrouver dans une situation irréversible, privés de tout recours en l’absence de preuve écrite admissible.
  • Le paiement différé de la soulte
    • Le législateur a prévu la possibilité d’aménager les modalités de paiement de la soulte, notamment en autorisant son paiement différé, afin de répondre aux réalités économiques des copartageants. 
    • Cette possibilité permet d’éviter une situation où le débiteur de la soulte, bien que propriétaire d’un lot de valeur, ne dispose pas immédiatement des liquidités nécessaires pour régler la somme due.
    • Cette faculté est particulièrement utile dans le cadre des donations-partages avec réserve d’usufruit, où un copartageant se voit attribuer un bien en nue-propriété, tandis que l’usufruit est conservé par le donateur jusqu’à son décès. 
    • Dans une telle configuration, il apparaît équitable que le paiement de la soulte soit différé jusqu’à la consolidation des droits de propriété complète, c’est-à-dire au décès de l’usufruitier.
    • L’article 828 du Code civil encadre cette faculté en permettant de prévoir un délai de paiement de la soulte, lequel peut être stipulé dans l’acte de partage avec l’accord de toutes les parties concernées.
    • À cet égard, un auteur souligne que « lorsque le débiteur de la soulte se trouve privé de la jouissance de son lot, parce qu’alloti en nue-propriété, il apparaît équitable de stipuler la soulte payable à terme, soit, en pratique, au décès du donateur ».
    • Imaginons une donation-partage effectuée par un parent au profit de ses trois enfants. L’actif indivis comprend une maison d’une valeur de 600 000 euros, attribuée à l’aîné en nue-propriété, tandis que le parent conserve l’usufruit jusqu’à son décès. Les deux autres enfants reçoivent des biens mobiliers d’une valeur totale de 400 000 euros. Afin de rétablir l’égalité en valeur entre les lots, l’aîné doit verser une soulte de 100 000 euros à ses frères et sœurs.
    • Toutefois, comme l’aîné ne dispose pas immédiatement des liquidités nécessaires, il est convenu que le paiement de la soulte interviendra au décès du parent usufruitier. 
    • Cette solution permet d’éviter une vente forcée du bien immobilier pour régler la soulte et garantit que le débiteur de la soulte pourra en disposer pleinement une fois son droit de propriété consolidé.
    • Cette possibilité d’aménagement du paiement de la soulte de façon différée a été rappelé à plusieurs reprise par la jurisprudence.
    • Par exemple, la Cour de cassation a jugé que la stipulation d’un délai de paiement n’affecte pas la nature juridique de la soulte, qui reste une créance née du partage, mais en adapte simplement l’exigibilité (Cass. 1ère civ., 30 nov. 1982, n°81-15.519).
      • Ella a ainsi cassé une décision d’appel qui avait annulé une donation-partage au motif qu’un des copartageants avait été alloté sous forme d’une soulte payable six mois après le décès du donateur.
      • Dans cette affaire, la Cour d’appel de Grenoble avait considéré qu’une soulte différée, non immédiatement exigible et non productive d’intérêts, ne pouvait être qualifiée de « bien présent », condition requise par l’article 1076 du Code civil pour les donations-partages. 
      • Cette analyse avait conduit les juges du fond à conclure que l’allotissement sous forme de soulte différée ne répondait pas aux exigences légales.
      • La Cour de cassation a censuré cette interprétation, rappelant que la soulte, même différée dans son paiement, constitue une créance certaine au bénéfice du copartageant auquel elle est attribuée. 
      • Elle a précisé que le fait de reporter l’exigibilité de la soulte à une date postérieure au partage – en l’espèce, six mois après le décès du donateur – n’affecte pas sa nature juridique de créance née du partage, mais constitue une simple adaptation des modalités de paiement. 
      • La Première chambre civile a également rappelé que la soulte pouvait, le cas échéant, être révisée en fonction des variations économiques, en application des dispositions des articles 833-1 et 1075-2 du Code civil.
      • Cette solution met en lumière la distinction qu’il y a lieu de faire entre la naissance de la créance, qui intervient au moment du partage, et son exigibilité, qui peut être différée par accord entre les parties ou en raison de circonstances particulières, notamment dans le cadre des donations-partages avec réserve d’usufruit. 
      • Comme l’a souligné le professeur Michel Grimaldi, « la soulte ne peut naître que du partage lui-même, mais son paiement peut être adapté aux circonstances, afin de garantir à chaque copartageant une répartition équilibrée des biens, tout en tenant compte des contraintes financières de chacun ».
      • Dans cette perspective, il est recommandé que les délais de paiement des soultes soient formalisés dans l’acte de partage afin de prévenir tout risque de contentieux ultérieur. 
      • La stipulation d’une attestation de paiement délivrée par le notaire ou la conservation d’une quittance signée par le créancier constitue une garantie supplémentaire pour le débiteur de la soulte. 
      • Cette formalisation est d’autant plus nécessaire que les paiements différés peuvent faire l’objet d’une révision en cas de variation significative de la valeur des biens indivis, comme le prévoit l’article 828 du Code civil.
      • L’arrêt du 30 novembre 1982 illustre ainsi la souplesse offerte par le législateur en matière de paiement des soultes, permettant de concilier les exigences d’une répartition équitable et les réalités économiques des copartageants.

==>Révision de la soulte

Le paiement différé d’une soulte n’est pas sans risque. Entre le moment du partage et celui du règlement effectif, des fluctuations économiques peuvent significativement affecter la valeur des biens attribués. Pour garantir une répartition équitable malgré ces variations, le législateur a prévu, à l’article 828 du Code civil, la possibilité de réviser le montant des soultes lorsque celles-ci sont payables à terme.

Cette révision vise à ajuster le montant de la soulte en fonction des évolutions du marché, qu’il s’agisse d’une hausse ou d’une baisse de la valeur des biens composant le lot du débiteur de la soulte. Ce mécanisme assure ainsi une forme de pérennité de l’équilibre économique du partage, en évitant que l’un des copartageants ne bénéficie, à terme, d’un avantage ou ne subisse un préjudice injustifié en raison des circonstances économiques.

La révision d’une soulte payable à terme n’est toutefois pas automatique. Elle n’est envisageable que si deux conditions cumulatives sont réunies :

  • Une variation de valeur de plus du quart
    • L’article 828 du Code civil exige que la valeur des biens attribués au débiteur de la soulte augmente ou diminue de plus de 25 % entre le jour du partage et celui du paiement effectif. 
    • Une variation moindre ne justifierait pas un réajustement, le législateur ayant institué ce seuil afin d’éviter des révisions systématiques.
  • Une variation imputable aux circonstances économiques
    • Seules les fluctuations de valeur résultant de facteurs économiques extérieurs sont prises en compte pour la révision de la soulte.
    • Les variations dues à l’activité personnelle du débiteur, telles que des travaux d’amélioration réalisés sur le bien ou une gestion particulièrement fructueuse d’un actif, ne peuvent être retenues.
    • Comme le souligne Pierre Catala, « seules les variations de valeur dues aux circonstances économiques peuvent justifier une révision de la soulte. Les variations résultant de l’activité personnelle du débiteur ne doivent pas être prises en compte ».
    • Cette exigence permet de préserver la logique du partage : les copartageants doivent bénéficier des évolutions économiques générales, mais ne peuvent réclamer une révision fondée sur des choix ou des actions individuelles du débiteur.

Lorsque les conditions de révision sont réunies, le montant de la soulte doit être ajusté proportionnellement à la variation de valeur du bien. Ce mécanisme s’applique aussi bien en cas d’augmentation que de diminution de la valeur des biens attribués.

Prenons un exemple concret pour illustrer ce mécanisme. Imaginons qu’un bien immobilier soit attribué à un copartageant pour une valeur de 400 000 euros, avec une soulte de 50 000 euros à verser dans les cinq ans. Si, à l’échéance, la valeur de ce bien a augmenté à 550 000 euros en raison de l’évolution du marché immobilier, le montant de la soulte devra être ajusté à la hausse afin de rétablir l’équilibre entre les copartageants. 

À l’inverse, si la valeur du bien diminue de manière significative pendant cette période, la soulte devra être révisée à la baisse, sauf clause contraire insérée dans l’acte de partage. Ce mécanisme vise à préserver l’équité successorale en tenant compte des évolutions économiques postérieures au partage.

Cette faculté de révision, introduite par la réforme de 2006, trouve son fondement dans des dispositions antérieures, notamment les anciens articles 833-1 et 1075-2 du Code civil. La très grande proximité des régimes anciens et actuels a conduit la jurisprudence à conserver la pertinence de ses décisions rendues sous l’empire du droit ancien. Ainsi, la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 19 février 1980, que les dispositions prévoyant la révision de la soulte s’appliquent lorsque celle-ci est stipulée payable à terme. Dans cette affaire, une soulte devait être versée six mois après le décès des ascendants donateurs. La Cour a souligné que la révision permet de protéger le créancier de la soulte contre les risques économiques liés au report de son paiement (Cass. 1ère civ., 19 févr. 1980, n°78-14.927).

La jurisprudence a également précisé le domaine de la soulte révisable. Dans un arrêt du 30 novembre 1982, la Cour de cassation a validé une soulte attribuée à un donataire copartagé, sous la forme d’une créance certaine dont l’exigibilité était reportée à la date du décès du disposant. La Haute juridiction a rappelé que la nature juridique de la soulte reste inchangée, même si son paiement est différé. L’arrêt précise que la révision est possible dans ce cas, afin d’ajuster le montant de la soulte aux fluctuations économiques intervenues avant le paiement effectif (Cass. 1ère civ., 30 nov. 1982, n°81-15.519).

Plus récemment, dans un arrêt du 14 mai 2014, la Haute juridiction a étendu le domaine de la révision aux prix de licitation. Lorsqu’un bien indivis est attribué à un copartageant à l’issue d’une vente par licitation, le prix convenu est assimilé à une soulte. Si la valeur du bien évolue de plus du quart entre le moment de la licitation et le paiement du prix, celui-ci doit être ajusté en application des dispositions de l’article 828 du Code civil (Cass. 1ère civ., 14 mai 2014, n°13-10.830).

Cette jurisprudence démontre que le mécanisme de révision des soultes dépasse le cadre des simples partages successoraux pour s’étendre à d’autres situations patrimoniales, comme les donations-partages avec réserve d’usufruit ou les licitations. 

Toutefois, le champ d’application de la révision reste strictement encadré. Seules les fluctuations économiques intervenues avant l’échéance contractuelle peuvent justifier une révision. À cet égard, la Cour de cassation a rappelé, dans un arrêt du 30 mars 2004, que la révision de la soulte payable à terme ne peut être envisagée que si la variation de la valeur des biens attribués au débiteur dépasse le quart entre la date du partage et celle de l’échéance prévue pour le paiement de la soulte (Cass. 1re civ., 30 mars 2004, n°01-14.542).

Dans cette affaire, un copartageant avait reçu plusieurs lots de copropriété moyennant le versement d’une soulte payable entre février et août 1988. N’ayant procédé qu’à un paiement partiel en 1990, le créancier a sollicité une revalorisation de la soulte sur le fondement de l’ancien article 833-1 du Code civil. La cour d’appel a accueilli cette demande, en considérant que la variation de la valeur devait être appréciée sur toute la période écoulée jusqu’à l’introduction de la demande judiciaire. Cette analyse a été censurée par la Cour de cassation, qui a précisé que la révision ne pouvait prendre en compte que les fluctuations survenues avant l’échéance contractuelle.

Cette solution illustre la nécessité de respecter les termes de l’accord initial conclu entre les copartageants, tout en tenant compte des évolutions économiques survenues avant le paiement de la soulte. La distinction entre la naissance de la créance, qui intervient au moment du partage, et son exigibilité différée permet d’assurer une sécurité juridique accrue aux opérations de partage.

Enfin, la révision des soultes s’applique également aux libéralités-partages. L’article 1075-4 du Code civil prévoit que les dispositions de l’article 828 sont applicables aux soultes mises à la charge des donataires, « nonobstant toute convention contraire ». Cette règle prohibe toute clause excluant la révision de la soulte dans les donations-partages. Toutefois, la Cour de cassation a précisé que cette interdiction s’applique uniquement aux clauses stipulées dans les actes de donation-partage. Une convention conclue entre les donataires après la mort des ascendants donateurs reste valable, même si elle déroge au principe de révision (Cass. 1re civ., 19 janv. 1982, n°81-10.608).

Ce mécanisme de révision n’est pas sans rappeler les dispositions encadrant le paiement différé des soultes. Lorsque le paiement d’une soulte est reporté à une date ultérieure, il est essentiel que les parties prévoient dans l’acte de partage les conditions de ce paiement et, le cas échéant, les modalités d’ajustement du montant de la soulte. Par exemple, dans le cadre d’une donation-partage avec réserve d’usufruit, un copartageant peut recevoir un bien en nue-propriété tandis que le donateur conserve l’usufruit jusqu’à son décès. Dans une telle situation, il est fréquent de reporter le paiement de la soulte au décès de l’usufruitier. Cette solution permet de préserver les intérêts du débiteur de la soulte en évitant une vente forcée du bien pour régler immédiatement la somme due.

B) Deuxième alternative : la division des biens comme moindre mal

Lorsque le recours à la soulte ne permet pas de rétablir l’équilibre entre les lots ou qu’il s’avère matériellement impossible d’attribuer certains biens indivis à un copartageant sans porter atteinte à l’égalité en valeur, la division matérielle des biens peut constituer une solution envisageable. Bien qu’elle soit loin d’être idéale, cette alternative peut apparaître comme le « moindre mal » dans des situations où le maintien de l’intégrité des biens indivis n’est ni économiquement justifiable ni juridiquement tenable.

Le morcellement des biens, tout en restant une opération délicate, peut alors se justifier dès lors qu’il permet d’éviter des solutions plus radicales, telles que la vente aux enchères. Toutefois, cette division doit être conduite avec prudence et discernement, afin de ne pas compromettre la valeur des actifs partagés ni les intérêts des copartageants.

==>La division acceptable des biens

La division matérielle des biens peut s’envisager dès lors que le morcellement n’entraîne pas une dépréciation excessive de leur valeur ou une perte d’utilité économique. Cette solution, bien que moins élégante que le partage en nature ou le recours à la soulte, peut se révéler appropriée dans certaines hypothèses concrètes.

Prenons l’exemple d’un terrain agricole de grande superficie, exploitable sous forme de plusieurs parcelles distinctes. Si chacune de ces parcelles présente une viabilité économique propre — c’est-à-dire qu’elle peut être exploitée de manière autonome sans perte significative de rendement — il est alors envisageable de les attribuer à différents copartageants. Une telle division permet d’éviter la vente forcée du terrain tout en respectant les droits de chacun.

De même, la répartition d’un portefeuille d’actions peut être envisagée lorsque chaque lot conserve une diversification adéquate. Dans cette hypothèse, la fragmentation du portefeuille ne porte pas atteinte à sa valeur intrinsèque ni à la capacité de chaque héritier de profiter d’un rendement équilibré. Il s’agit d’une solution pragmatique qui permet d’éviter le recours à des soultes trop importantes ou à une vente du portefeuille, qui pourrait être défavorable aux copartageants dans un contexte de marché défavorable.

En revanche, certains biens ne se prêtent pas à une division matérielle sans entraîner une perte significative de leur valeur ou de leur fonctionnalité. Il en va ainsi, par exemple, d’un immeuble d’habitation dont la division en plusieurs lots entraînerait des coûts de mise aux normes disproportionnés ou une dévalorisation globale du bien. Dans une telle situation, la division des biens ne saurait être retenue comme solution adéquate, et d’autres alternatives devront être envisagées.

==>Le rôle du juge dans l’appréciation du morcellement des biens

La division matérielle des biens indivis ne peut être réalisée sans un contrôle rigoureux du juge du partage, lequel joue un rôle central dans l’évaluation de l’opportunité d’un tel morcellement. Ce dernier doit s’assurer que la fragmentation des biens ne porte pas atteinte aux droits des copartageants ni à la valeur économique des actifs partagés.

Le pouvoir d’appréciation du juge en la matière est d’autant plus important que l’article 830 du Code civil invite à éviter la division des unités économiques ou des ensembles de biens dont le fractionnement entraînerait une dépréciation. Il revient donc au juge d’évaluer, au cas par cas, si la division matérielle envisagée est pertinente ou si elle risque de compromettre la viabilité économique des biens.

La Cour de cassation a rappelé, dans un arrêt du 22 janvier 1985, que la division des biens devait être préférée à la licitation dès lors qu’elle permettait de préserver une partie de leur valeur économique (Cass. 1ère civ., 22 janvier 1985, n°83-12.994). Cet arrêt illustre parfaitement le rôle du juge dans la recherche d’un équilibre entre le respect des droits des copartageants et la préservation des actifs partagés.

En l’espèce, la Première chambre civile a censuré une décision de licitation prononcée par une cour d’appel, au motif que la division matérielle des biens, bien qu’imparfaite, aurait permis de constituer des lots équilibrés tout en évitant une vente aux enchères préjudiciable. La Haute juridiction a ainsi réaffirmé que la licitation devait être envisagée en dernier recours, lorsqu’aucune autre solution ne permet de garantir un partage équitable.

Le contrôle exercé par le juge sur le morcellement des biens répond à une logique de pragmatisme. Il s’agit d’éviter des solutions excessives ou disproportionnées, tout en veillant à ce que les droits des copartageants soient respectés. Le juge doit également s’assurer que la division des biens ne crée pas de nouvelles sources de contentieux, en prenant soin d’apprécier l’impact économique du morcellement sur les lots constitués.

Prenons l’exemple d’une exploitation viticole composée de plusieurs parcelles. Si la division de ces parcelles permet de constituer des lots cohérents, chacun conservant une capacité de production autonome, le juge pourra valider la répartition proposée. En revanche, si la division implique la fragmentation de l’unité de production — par exemple, en séparant les parcelles des installations de vinification — le juge pourrait refuser le morcellement au motif qu’il compromet la viabilité économique de l’exploitation.

==>L’appréciation du caractère inopportun du morcellement

Le caractère inopportun d’une division matérielle des biens s’apprécie au regard de plusieurs critères : la dépréciation potentielle du bien, les coûts engendrés par la division, et l’impact sur l’utilité économique du bien attribué. À cet égard, le juge dispose d’une grande liberté d’appréciation, mais doit motiver sa décision par des éléments concrets et pertinents.

L’article 830 du Code civil invite à éviter la division des ensembles de biens lorsque celle-ci entraîne une dépréciation notable. Il en résulte que la division doit être écartée si elle engendre une perte de valeur significative ou des frais disproportionnés. Le juge doit ainsi rechercher un juste équilibre entre les droits des copartageants et la préservation des actifs partagés.

En somme, la division matérielle des biens constitue une solution de compromis, qui ne peut être retenue que si elle permet de préserver une part significative de la valeur économique des actifs partagés. Elle doit être envisagée avec précaution, sous le contrôle vigilant du juge, afin de garantir que le partage demeure équitable et respecte les droits de chacun des copartageants.

C) Troisième alternative : la vente ou la licitation des biens comme dernier recours

Lorsque les opérations de partage achoppent sur des difficultés insurmontables — qu’il s’agisse de l’impossibilité de constituer des lots équilibrés en nature ou de l’incapacité d’un indivisaire à verser une soulte suffisante —, le législateur ouvre la voie au mécanisme de la licitation. Ce procédé, prévu à l’article 827 du Code civil, permet de mettre un terme à l’indivision par la vente d’un bien indivis et la répartition du produit de cette vente entre les copartageants, selon leurs droits respectifs.

La licitation, qui se définit comme l’opération mettant fin à la coexistence de plusieurs droits sur un même bien, peut être amiable ou judiciaire, suivant généralement la nature du partage. Elle constitue un mécanisme visant à désamorcer les situations de blocage en permettant de convertir les droits indivis en numéraire. Toutefois, elle n’est pas nécessairement synonyme de vente publique aux enchères. Le processus peut varier selon qu’un accord entre les indivisaires est trouvé ou qu’une intervention judiciaire s’avère nécessaire.

La licitation amiable s’opère lorsque les indivisaires parviennent à un accord sur les modalités de la vente. Elle peut se faire soit de gré à gré, c’est-à-dire par une cession directe à un tiers acquéreur sans appel au public ni adjudication, soit par adjudication amiable, si les indivisaires décident de soumettre le bien aux enchères dans un cadre qu’ils définissent eux-mêmes. Cette voie, moins contraignante, offre une plus grande souplesse en permettant aux indivisaires de maîtriser les conditions de la cession.

La licitation judiciaire, quant à elle, intervient lorsqu’aucun consensus n’est possible entre les indivisaires. Elle est alors ordonnée par le juge, et la vente s’effectue par adjudication publique, suivant les formes prévues pour la saisie immobilière lorsqu’il s’agit de biens immobiliers, ou pour la saisie-vente lorsqu’il s’agit de biens mobiliers (CPC, art. 1377, al. 2). Ce cadre rigoureux garantit la transparence et la protection des droits de tous les indivisaires.

Le recours à la licitation répond à une double finalité : mettre fin aux situations de blocage en dissolvant une indivision conflictuelle, tout en assurant une répartition équitable du produit de la vente entre les indivisaires. Toutefois, ce mécanisme présente des risques économiques non négligeables, notamment celui d’une adjudication à un prix inférieur à la valeur réelle du bien, ce qui pourrait entraîner une perte patrimoniale pour les copartageants. Par ailleurs, la licitation conduit souvent à la dissolution d’unités économiques (par exemple, un domaine agricole ou un fonds de commerce), compromettant ainsi la pérennité d’un patrimoine indivis.

C’est pourquoi la jurisprudence insiste sur le caractère subsidiaire de la licitation. Elle doit être envisagée en dernier recours, uniquement lorsque toutes les autres alternatives ont échoué — qu’il s’agisse du partage en nature, du recours à une soulte ou d’une division matérielle des biens. Le juge, dans le cadre de son pouvoir souverain d’appréciation, doit s’assurer que la licitation n’entraîne pas une dévalorisation excessive du patrimoine ni une atteinte disproportionnée aux intérêts des indivisaires.

==>Notion

La licitation, issue du verbe latin liceri signifiant « mettre à prix », désigne une procédure par laquelle un bien indivis est vendu aux enchères afin de répartir équitablement le produit de cette vente entre les indivisaires. Bien qu’elle apparaisse comme une solution exceptionnelle, elle constitue un outil précieux pour remédier aux situations de blocage, lorsque le partage en nature s’avère impossible ou inopportun.

La doctrine a progressivement affiné les contours de la notion de licitation, en identifiant plusieurs acceptions qui correspondent à des situations spécifiques dans lesquelles ce mécanisme peut être mobilisé. Gérard Cornu, dans son dictionnaire juridique, distingue trois formes principales de licitation. Bien que répondant à des hypothèses distinctes — qu’il s’agisse de démêler une situation de propriété complexe ou d’organiser le partage entre cohéritiers —, elles partagent une même finalité : prévenir la pérennisation d’une indivision conflictuelle ou économiquement stérile, tout en assurant la meilleure valorisation du bien cédé et une répartition équitable du produit entre les indivisaires.

Quoi qu’il en soit, la notion de licitation revêt ainsi une double dimension :

  • D’une part, elle permet aux indivisaires d’échapper au maintien forcé dans une indivision susceptible de compromettre leurs intérêts. 
  • D’autre part, elle organise l’aliénation du bien indivis de manière à garantir une valorisation optimale, tout en assurant le respect des droits de chaque indivisaire.

Comme le soulignait Pothier en son temps « la licitation n’est pas une simple vente ; elle est un acte de partage, destiné à mettre fin aux contestations entre indivisaires par une adjudication qui, en faisant émerger un acquéreur, offre à chacun sa part en valeur ».

Ainsi, la licitation ne se réduit pas à une opération de cession forcée, mais s’inscrit dans une logique d’apaisement des conflits successoraux et de préservation des intérêts patrimoniaux, en conjuguant efficacité économique et sécurité juridique.

==>La licitation comme alternative au partage en nature

Le principe du partage en nature irrigue l’ensemble du droit des successions et de l’indivision. Il repose sur l’idée que chaque indivisaire a vocation à recevoir un lot composé de biens physiques, pour une valeur correspondant à ses droits dans l’indivision. Ce postulat, issu d’une tradition civiliste séculaire, trouve son ancrage dans l’article 815 du Code civil, qui consacre la liberté de demander le partage comme un droit imprescriptible. Ce principe est toutefois tempéré par une réalité économique et pratique : certains biens, en raison de leur nature ou de leur consistance, ne peuvent être commodément divisés. C’est dans ces circonstances que le mécanisme de la licitation intervient, en tant qu’alternative au partage en nature.

Ce mécanisme, qui consiste en la mise aux enchères d’un bien indivis afin d’en répartir le produit entre les indivisaires, répond à une logique pratique visant à éviter la pérennisation d’une indivision stérile ou conflictuelle. Il ne saurait toutefois être admis que de manière restrictive. Le partage en nature demeure la règle. Cette prééminence a été réaffirmée par la réforme des successions opérée par la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, qui a modifié les articles 825 à 832 du Code civil. L’article 826, alinéa 2, dispose désormais que « chaque copartageant reçoit des biens pour une valeur égale à celle de ses droits dans l’indivision ». Cette disposition vise à éviter le recours systématique à la licitation, en privilégiant une répartition des biens existants selon leur valeur, plutôt qu’une mise en vente systématique des biens indivis.

A cet égard, la doctrine reconnaît que cette réforme a renforcé la primauté du partage en nature en instaurant une égalité en valeur, plutôt qu’en nature. Comme l’a souligné Claude Brenner « en substituant une exigence d’équité en valeur à l’égalité parfaite en nature, le législateur a voulu limiter le recours à la licitation, souvent source de conflits et de dévalorisation des biens ». Cette nouvelle approche permet d’éviter que des biens indivis, pourtant partageables en théorie, ne soient vendus aux enchères faute de pouvoir être répartis de manière parfaitement égale.

Cette volonté de limiter le recours à la licitation témoigne d’une approche pragmatique du législateur, soucieux de concilier les impératifs économiques et patrimoniaux inhérents aux opérations de partage. La priorité donnée au partage en nature traduit une exigence de préservation du droit de propriété individuel, tout en évitant que la pérennisation d’une indivision ne devienne un obstacle à la gestion efficace des biens communs. Cependant, malgré les efforts déployés pour favoriser une répartition des biens selon leur valeur, certaines situations rendent inévitable la mise en œuvre d’une licitation.

En effet, lorsque le partage en nature se heurte à des impossibilités matérielles ou juridiques, ou lorsqu’il compromet l’équité due à chaque copartageant, la licitation s’impose comme une solution nécessaire, bien que strictement encadré. Ce mécanisme, envisagé à titre subsidiaire, permet de convertir la valeur des biens en numéraire, garantissant ainsi une répartition juste et équilibrée du produit de leur cession. Toutefois, son caractère exceptionnel appelle une application prudente et raisonnée, afin d’éviter toute atteinte disproportionnée au droit de propriété des indivisaires.

La licitation trouve son fondement dans l’article 1377 du Code de procédure civile, qui prévoit que le tribunal peut ordonner la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être aisément partagés ou attribués. Cette disposition traduit l’exigence d’un contrôle juridictionnel rigoureux : le juge ne saurait autoriser une telle mesure qu’après avoir constaté que toutes les alternatives de partage en nature ont été envisagées et se sont révélées impraticables. Il lui incombe de vérifier que l’attribution en pleine propriété à l’un des indivisaires n’est pas envisageable ou que le partage matériel du bien compromettrait l’équité patrimoniale. Ce n’est qu’à défaut de solutions raisonnables que la mise aux enchères peut être ordonnée.

Cependant, le caractère dérogatoire de cette mesure ne saurait être éludé. En effet, la licitation implique une conversion forcée de droits réels en une valeur monétaire, altérant ainsi la nature même du droit de propriété. Cette transformation, qui peut être perçue comme une dénaturation du patrimoine indivis, soulève des interrogations quant au respect des prérogatives fondamentales des indivisaires. La doctrine souligne, à cet égard, que la licitation « doit demeurer une exception à la règle du partage en nature, interprétée de manière restrictive ».

Cette approche restrictive s’explique également par les effets particulièrement lourds de la licitation, laquelle emporte, de facto, une forme d’expropriation privée. Les indivisaires opposés à la vente se trouvent contraints de céder leurs droits sur le bien commun, en contrepartie du produit de la vente. Une telle aliénation, imposée par voie judiciaire, nécessite donc un encadrement strict pour éviter toute atteinte arbitraire aux droits des copartageants. Comme le rappelle Gérard Cornu, « le partage en nature est le mode naturel de répartition des biens indivis ; la vente par licitation, bien qu’utilitaire dans certaines circonstances, doit être envisagée avec la plus grande prudence ».

En définitive, la licitation apparaît comme une réponse pragmatique aux situations de blocage, permettant de sortir d’une indivision stérile tout en assurant une répartition équitable du produit de la vente. Toutefois, elle ne saurait être admise comme une solution de facilité. Son caractère exceptionnel impose que le juge veille à ce que toutes les tentatives de partage en nature aient été épuisées avant d’envisager une telle mesure. Il lui incombe ainsi de préserver un équilibre délicat entre, d’une part, le respect du droit de propriété individuel et, d’autre part, l’impératif d’une gestion économique optimale des biens indivis. 

==>Nature juridique de la licitation

La licitation se distingue des autres formes de vente en ce qu’elle est intrinsèquement liée au régime de l’indivision et aux opérations de partage. Si elle emprunte certaines caractéristiques formelles à la vente judiciaire aux enchères, elle ne saurait être confondue avec une cession ordinaire, car son objet principal reste la dissolution d’une indivision devenue inextricable. Sa nature juridique oscille donc entre vente et partage, une qualification qui dépend principalement de l’identité de l’adjudicataire.

Lorsque le bien indivis est adjugé à un tiers, la licitation produit les effets d’une vente classique. Le bien sort définitivement du patrimoine indivis pour rejoindre celui du nouvel acquéreur, mettant ainsi fin aux relations juridiques des indivisaires avec le bien cédé. Dans ce cas, les indivisaires perçoivent le produit de la vente en proportion de leurs droits respectifs, mais perdent toute prétention sur le bien lui-même. Cette situation, bien que juridiquement fondée, s’apparente parfois à une forme d’expropriation privée. En effet, les indivisaires opposés à la vente se voient contraints de céder leurs droits en contrepartie du prix obtenu lors de l’adjudication, une mesure qui ne peut être justifiée que par l’impossibilité matérielle ou juridique de procéder à un partage en nature.

À l’inverse, lorsque l’adjudicataire est un indivisaire, la licitation est assimilée à une opération de partage, produisant un effet déclaratif. Conformément à l’article 883 du Code civil, chaque indivisaire est réputé avoir été propriétaire exclusif du bien qui lui est attribué depuis l’ouverture de l’indivision. Cette fiction juridique vise à garantir une continuité dans la titularité du bien, tout en évitant les effets d’une vente purement translatrice de propriété. En d’autres termes, la licitation-partage ne modifie pas substantiellement les droits des indivisaires, mais les réorganise autour d’une attribution individuelle.

Cette dualité entre vente et partage illustre le caractère hybride de la licitation, qui oscille entre ces deux régimes en fonction des circonstances de l’adjudication. Cette ambivalence a d’ailleurs suscité des interrogations en jurisprudence quant à sa nature exacte. Toutefois, la Cour de cassation est venue apporter des éclaircissements précieux dans un arrêt du 25 novembre 1971. La Haute juridiction a jugé que le droit de demander la licitation découle directement du droit de provoquer le partage, consacré par l’article 815 du Code civil. En censurant une cour d’appel qui avait refusé de prononcer la licitation d’un bien indivis sous prétexte qu’une indivision existait déjà entre les parties, la Première chambre civile a rappelé que nul ne peut être contraint de demeurer dans une indivision, affirmant ainsi que la licitation constitue une modalité particulière de sortie de cette situation (Cass. 1ère civ., 25 nov. 1971, n° 70-13.278).

Cette position a été confortée par un second arrêt rendu le 5 janvier 1977, aux termes duquel la Cour de cassation a précisé que la licitation, lorsqu’elle bénéficie à un indivisaire, doit être assimilée à un partage avec effet déclaratif. En revanche, si l’adjudication profite à un tiers, elle conserve les caractéristiques d’une vente, entraînant un transfert définitif de propriété. En l’espèce, la Haute juridiction avait été saisie d’une demande de licitation portant sur un domaine agricole, que la cour d’appel avait refusé d’ordonner en se fondant sur des dispositions testamentaires supposées contraires. La Cour de cassation a censuré cette décision, rappelant que l’article 815 du Code civil consacre le droit absolu de provoquer le partage, nonobstant toute clause prohibitive. Elle a ainsi réaffirmé que la licitation constitue un outil juridique permettant de surmonter les blocages patrimoniaux, à condition de respecter les exigences légales encadrant son recours (Cass. 1re civ., 5 janv. 1977, n° 75-15.199).

Cette approche jurisprudentielle témoigne de la reconnaissance d’un équilibre délicat entre le droit de propriété individuel et la nécessité de mettre fin à une indivision économiquement stérile. La doctrine abonde dans ce sens : Gérard Cornu a souligné que « la licitation, bien qu’utilitaire dans certaines circonstances, demeure une mesure d’exception, assimilée au partage lorsqu’elle intervient entre indivisaires ». De même, Baudry-Lacantinerie et Saignat insistent sur le fait que « la licitation doit être interprétée comme une modalité de sortie de l’indivision, et non comme une simple vente judiciaire ».

En définitive, la licitation se présente comme un mécanisme pragmatique visant à dénouer les situations d’indivision conflictuelle ou inextricable. Toutefois, son recours doit être strictement encadré pour éviter qu’elle ne se transforme en un outil de dépossession injustifiée. Le juge, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, doit veiller à ce que la licitation ne devienne pas une solution de facilité, mais reste fidèle à sa finalité première : faciliter le partage des biens indivis lorsque le partage en nature se révèle impossible ou inéquitable.

==>Textes applicables

Le recours à la licitation obéit à un cadre juridique rigoureux, à la croisée des règles de fond posées par le Code civil et des exigences procédurales prévues par le Code de procédure civile. Cette double source normative traduit la volonté du législateur de circonscrire ce mécanisme à des hypothèses strictement encadrées, afin de préserver les droits des indivisaires tout en favorisant une gestion économique efficace des biens indivis.

Dans le Code civil, les dispositions relatives à la licitation se trouvent au sein du chapitre VII intitulé « De la licitation », intégré au titre VI relatif à la vente. Les articles 1686 à 1688 définissent les principales hypothèses dans lesquelles ce mécanisme peut être mobilisé.

L’article 1686 consacre ainsi le principe selon lequel la licitation ne peut être envisagée que lorsqu’un bien indivis « ne peut être commodément partagé en nature ». Ce texte reflète une philosophie jurisprudentielle constante : la vente par licitation doit demeurer une solution d’exception, réservée aux cas où le partage matériel des biens se heurte à des obstacles insurmontables. Cette impossibilité peut être d’ordre matériel — lorsque la division physique du bien porterait atteinte à sa valeur ou à son utilité — ou juridique, en raison de la configuration des droits concurrents des indivisaires.

L’article 1687 ajoute que, « sauf accord entre les indivisaires », la vente doit être effectuée aux enchères publiques. Cette exigence vise à garantir la transparence et l’objectivité du processus, en assurant que le bien sera cédé au plus offrant. La publicité des enchères permet d’éviter toute suspicion de dévalorisation artificielle du patrimoine indivis, tout en protégeant les intérêts de chacun des copartageants.

Quant à l’article 1688, il renvoie aux dispositions du Code de procédure civile, qui précise les formalités applicables à la licitation. Ce renvoi témoigne de la volonté du législateur d’assurer une articulation cohérente entre les règles de fond régissant la licitation et les exigences procédurales encadrant son exécution devant les juridictions.

Au titre des opérations de partage, la licitation est régie par le chapitre VIII « Du partage » du titre Ier relatif aux successions, dans le livre III du Code civil, consacré aux différentes manières d’acquérir la propriété. Cette réglementation s’inscrit dans la logique d’une alternative au partage en nature, lorsqu’une répartition matérielle des biens hérités s’avère impossible ou inopportune.

L’article 817 dispose ainsi que la licitation peut porter sur l’usufruit, la nue-propriété, ou la pleine propriété d’un bien indivis. Cette précision témoigne de la volonté du législateur de permettre une adaptation des modalités de partage à la nature particulière des droits en jeu. L’article 818 vient compléter cette disposition en précisant que, dans le cadre des successions, les héritiers peuvent demander la licitation lorsque les biens indivis ne peuvent être commodément répartis en nature.

Par ailleurs, l’article 883 prévoit que la licitation opérée au bénéfice d’un indivisaire produit un effet déclaratif, propre aux opérations de partage. Cette fiction juridique permet de considérer que chaque indivisaire est réputé propriétaire exclusif du bien qui lui est attribué depuis l’ouverture de l’indivision, assurant ainsi une continuité dans la titularité des droits, tout en évitant les effets d’une simple vente translatrice de propriété.

Sur le plan procédural, les articles 1377 et 1378 du Code de procédure civile viennent renforcer cette approche restrictive. L’article 1377 dispose que « le tribunal ordonne, dans les conditions qu’il détermine, la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués ». Cette disposition confère au juge un rôle central dans l’appréciation des conditions de la licitation. Il lui incombe de vérifier que toutes les solutions alternatives ont été explorées avant d’autoriser une telle vente. En particulier, le juge doit s’assurer que le bien indivis ne peut être attribué préférentiellement à l’un des indivisaires ou partagé sous une autre forme, notamment par voie de compensation financière.

L’article 1378 précise les modalités pratiques de la vente par adjudication, en imposant le respect des règles applicables aux ventes judiciaires. Ces exigences procédurales visent à garantir que la licitation s’opère dans un cadre rigoureux et impartial, en évitant tout risque d’arbitraire ou de favoritisme.

Ces textes traduisent une préoccupation constante du législateur : faire de la licitation un mécanisme strictement subsidiaire, destiné à surmonter les blocages patrimoniaux Car en effet, la licitation ne saurait être perçue comme une solution de facilité ; elle doit demeurer une exception au principe fondamental du partage en nature.

1. Domaine de la licitation

La licitation est une modalité spécifique du partage permettant de vendre aux enchères un bien indivis lorsque celui-ci ne peut être commodément partagé ou attribué à l’un des indivisaires. Si cette procédure permet de surmonter les difficultés liées à l’indivision, elle ne peut être systématiquement envisagée. Elle répond à un cadre juridique précis, alternant situations dans lesquelles elle peut être ordonnée et cas où elle est expressément exclue. Nous développerons cette analyse selon deux axes : les situations d’intervention de la licitation, puis les hypothèses dans lesquelles elle est prohibée.

1.1 Les situations dans lesquelles la licitation est admise

La licitation trouve principalement à s’appliquer dans les cas d’indivision, qu’il s’agisse d’une indivision en pleine propriété, d’une indivision en usufruit ou d’une indivision en nue-propriété. Cette modalité de partage peut être sollicitée tant dans le cadre d’une indivision successorale que d’une indivision résultant d’un régime matrimonial ou d’un démembrement de propriété.

a. L’indivision en pleine propriété

La situation la plus classique donnant lieu à une licitation est celle d’une indivision en pleine propriété. Ce mécanisme s’applique aux biens indivis, indépendamment de leur origine, qu’elle soit légale, conventionnelle ou successorale. Il s’agit d’une démarche subsidiaire destinée à pallier l’impossibilité de procéder à un partage en nature, tout en préservant l’égalité entre les indivisaires.

L’ancien article 827 du Code civil prévoyait que la licitation pouvait être ordonnée pour des immeubles qui ne pouvaient être commodément partagés ou attribués. Bien que ce texte ait été abrogé par la loi du 23 juin 2006, la licitation de la pleine propriété indivise est unanimement admise. A cet égard, le champ d’application de la licitation ne se limite pas aux immeubles. L’article 1686 du Code civil, en évoquant les “choses communes à plusieurs”, englobe également les biens meubles. Cette interprétation est confirmée par la jurisprudence, qui admet que certains contrats indivis (par exemple les baux) puissent également être licités. Ainsi, la licitation répond à une logique d’unité en ce qu’elle permet de mettre fin à une situation d’indivision, même lorsqu’elle porte sur des objets divers.

L’article 815-5-1 du Code civil, issu de la réforme de 2006, envisage la licitation comme ne pouvant porter, en première intention, que sur les biens indivis pris isolément ; d’où l’emploi du singulier dans la formulation, le texte visant explicitement « le bien indivis » et non « les biens indivis ». Cette précision commande de limiter chaque demande de licitation à un seul bien, en respectant ainsi l’esprit du partage en nature, principe cardinal du régime de l’indivision. Toutefois, cette limitation n’exclut pas la possibilité d’engager plusieurs procédures, pourvu que chaque requête s’appuie sur des motifs légitimes et dûment justifiés, tels que la dégradation progressive du bien ou le risque avéré d’une diminution substantielle de sa valeur. Une telle exigence illustre l’équilibre recherché entre la préservation des droits des indivisaires et la nécessité de sauvegarder la valeur patrimoniale des biens en indivision.

Enfin, la licitation dans le cadre de l’indivision en pleine propriété ne saurait être confondue avec d’autres situations juridiques. Lorsqu’un bien est grevé d’usufruit, il n’y a pas lieu de liciter la pleine propriété, faute d’indivision entre l’usufruitier et le nu-propriétaire. En effet, comme le rappellent l’indivision suppose la coexistence de droits de même nature sur un bien commun. Cette analyse est corroborée par une jurisprudence ancienne mais constante, qui insiste sur l’impossibilité d’un partage entre deux titulaires de droits de nature différentes (Cass. 1re civ., 29 mars 1989, n°87-12.187).

b. L’indivision en usufruit

Il est admis que l’usufruit d’un bien puisse faire l’objet d’une indivision. Est-ce à dire que ce droit particulier, par nature temporaire et portant sur l’usage et les fruits d’un bien, se prête aisément au partage ? En réalité, le droit civil impose des solutions adaptées pour répondre aux spécificités de cette indivision.

En principe, le partage porte directement sur l’usufruit, qui peut être cantonné sur un ou plusieurs biens déterminés. Cette modalité permet à chaque usufruitier de disposer d’un droit exclusif sur des biens spécifiques, évitant ainsi la complexité d’une gestion collective. Toutefois, lorsque le cantonnement s’avère impossible, soit en raison de la nature du bien soit en raison de l’impossibilité de parvenir à un accord entre les usufruitiers, le recours à la licitation devient une alternative envisageable.

La Cour de cassation a expressément consacré cette possibilité dans un arrêt du 25 juin 1974, où elle a reconnu que la licitation de l’usufruit pouvait être ordonnée lorsque ce dernier ne pouvait faire l’objet d’un partage en nature (Cass. 1ère civ. 25 juin 1974, n°72-12.451). 

Dans cette affaire, les héritiers des époux décédés avaient procédé au partage de leurs successions, attribuant à trois copartageants un quart en usufruit sur une propriété, tandis qu’un quatrième bénéficiait des trois quarts en nue-propriété et d’un quart en pleine propriété. La propriété en question, exploitée en carrière, faisait l’objet d’un différend persistant entre les usufruitiers et les héritiers du nu-propriétaire, empêchant toute mise en valeur effective de l’usufruit.

Les juges du fond avaient relevé que cette mésentente prolongée avait conduit à la cessation de l’exploitation de la carrière pendant plusieurs années. La Cour d’appel, constatant que la jouissance ne pouvait être répartie de manière équitable entre les copartageants et qu’aucun accord amiable ne semblait envisageable, avait ordonné la licitation de l’usufruit. Cette mesure, selon l’arrêt attaqué, constituait « le seul moyen d’obtenir, sans nuire à la valeur foncière du bien, la reprise de l’exploitation ou le désintéressement des cohéritiers ».

La Haute juridiction a confirmé cette décision en jugeant qu’il existe une indivision entre l’usufruitier et le nu-propriétaire quant à la jouissance d’un bien lorsque le droit d’usufruit porte sur une quote-part indivise. Elle a rappelé qu’en cas d’impossibilité de partage en nature de cette jouissance, il peut être procédé à une vente par licitation, non pas du bien lui-même, mais de la jouissance de l’usufruit. Ce mécanisme permet de préserver les intérêts patrimoniaux des parties tout en évitant l’inaction susceptible de dégrader la valeur économique du bien.

Cependant, il convient de rappeler que la licitation de l’usufruit demeure une solution d’exception. Elle ne saurait être ordonnée qu’en dernier recours, lorsque toutes les autres voies de partage ont échoué. Cette exception s’inscrit dans une logique de préservation des droits de chaque usufruitier, tout en assurant une équité dans la répartition patrimoniale. Ainsi, l’approche adoptée par le législateur et par la jurisprudence garantit un équilibre subtil entre les impératifs de gestion collective et les intérêts individuels des parties.

c. L’indivision en nue-propriété

De manière similaire à l’usufruit, l’indivision peut porter sur la nue-propriété d’un bien. Le principe consacré par l’article 818 du Code civil, qui renvoie à l’article 817, privilégie le partage de la nue-propriété par cantonnement. Cette solution consiste à attribuer la nue-propriété sur un ou plusieurs biens spécifiques, et elle est historiquement reconnue comme la méthode de référence pour éviter une liquidation globale de l’indivision.

La licitation de la nue-propriété ne peut être envisagée que dans l’hypothèse où le cantonnement s’avère impossible. Ce principe est expressément consacré par la jurisprudence, qui insiste sur la subsidiarité de cette mesure (Cass. 1re civ., 14 mai 1996, n° 94-15.028). En l’espèce, la Cour de cassation a précisé qu’en cas de désaccord persistant entre les nus-propriétaires sur le partage en nature, et lorsque ce dernier est impossible, le juge peut ordonner la licitation limitée à la nue-propriété, tout en veillant à ne pas porter atteinte aux droits des autres indivisaires, notamment les usufruitiers.

A cet égard, lorsque la licitation de la nue-propriété seule est impossible pour mettre fin à une indivision, l’article 818 du Code civil prévoit que la licitation de la pleine propriété peut être ordonnée, mais cette mesure exceptionnelle est soumise à des conditions strictes, notamment le consentement de l’usufruitier, comme l’exige l’article 815-5, alinéa 2, du Code civil.

Historiquement, la jurisprudence faisait une distinction selon que l’usufruit portait sur un bien déterminé ou sur une quote-part successorale. Dans le premier cas, la licitation demandée par un nu-propriétaire ne pouvait porter que sur la nue-propriété du bien. Dans le second, la licitation pouvait s’étendre à la pleine propriété des biens successoraux pour fixer l’assiette de l’usufruit (Cass. req., 9 avr. 1877). Cette distinction, bien que logique à l’époque, soulevait des incertitudes pratiques, notamment en matière d’opposabilité des droits de l’usufruitier.

La loi n° 76-1286 du 31 décembre 1976 a constitué une avancée majeure dans la préservation des droits de l’usufruitier. Elle a inséré, à l’article 815-5 du Code civil, une disposition qui énonçait que « le juge ne peut toutefois, sinon aux fins de partage, autoriser la vente de la pleine propriété d’un bien grevé d’usufruit, contre la volonté de l’usufruitier ». Par cette règle, le législateur a entendu limiter de manière explicite les atteintes potentielles aux droits d’usage et de jouissance de l’usufruitier, en faisant de son consentement une condition impérative pour toute licitation de la pleine propriété.

L’apport de cette loi réside dans l’équilibre qu’elle établit entre les prérogatives des indivisaires et la nécessaire protection des intérêts de l’usufruitier. Désormais, l’usufruitier bénéficie d’un droit d’opposition effectif, sauf dans le cadre spécifique d’un partage, rendant ainsi impossible toute décision judiciaire imposant la vente globale du bien sans son accord.

Ce principe a été strictement appliqué par la jurisprudence. Dans un arrêt remarqué du 11 mai 1982, la Cour de cassation a annulé une décision ayant ordonné la licitation de la pleine propriété en méconnaissance de cette exigence légale (Cass. 1re civ., 11 mai 1982, n°81-13.055). La Haute juridiction a alors rappelé que, même face à des difficultés d’indivision, le juge ne peut passer outre le consentement de l’usufruitier, envisagé comme un véritable garde-fou juridique.

Par suite la loi n° 87-498 du 6 juillet 1987 a opéré une réforme décisive en supprimant, dans l’article 815-5 du Code civil, la précision textuelle « sinon aux fins de partage ». Par cette modification, le législateur a étendu la protection accordée à l’usufruitier en rendant son consentement impératif dans tous les cas de licitation de la pleine propriété, sans exception. Cette réforme a marqué une avancée significative en consolidant la protection de l’usufruitier. Elle a ainsi fermé la porte à toute tentative des nus-propriétaires ou des indivisaires de contourner l’exigence de consentement sous le prétexte d’un partage judiciaire. Désormais, le droit d’usage et de jouissance de l’usufruitier ne peut être compromis sans son accord,

Dans le sillon de la loi di 6 juillet 1987, la Cour de cassation a, dans son arrêt du 13 octobre 1993, confirmé que la licitation de la pleine propriété ne peut être imposée sans le consentement de l’usufruitier (Cass. 1re civ., 13 oct. 1993, n° 91-20.707). En l’espèce, la Haute juridiction a censuré une décision ayant ordonné une licitation de la pleine propriété d’un bien indivis, au motif que l’ex-épouse usufruitière n’avait pas donné son accord. Un autre arrêt marquant, rendu le 14 mai 1996 a précisé qu’en cas d’impossibilité de partage en nature, le juge doit privilégier la licitation de la nue-propriété avant d’envisager la pleine propriété (Cass. 1ère civ., 14 mai 1996, n°94-15.028). 

1.2. Les situations dans lesquelles la licitation n’est pas admise

La licitation, bien qu’elle constitue l’un des moyens pour sortir de l’indivision, ne saurait être admise dans toutes les situations. Le législateur, soucieux de préserver certains équilibres juridiques et économiques, a posé des limites à son recours. Ces restrictions trouvent leur fondement dans des considérations variées, telles que la nécessité de maintenir l’affectation collective de certains biens, de protéger des intérêts spécifiques ou encore de respecter les conventions liant les indivisaires.

Qu’il s’agisse des copropriétés forcées, des hypothèses de maintien imposé dans l’indivision, des conventions d’indivision ou encore des cas d’attribution préférentielle, chacune de ces situations traduit une volonté d’encadrer le droit au partage afin de concilier les droits des indivisaires avec des impératifs supérieurs. 

a. Les copropriétés forcées

Les copropriétés forcées se distinguent par leur caractère inaliénable et insusceptible de partage ou de licitation, une interdiction clairement posée par l’article 6 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 régissant le statut de la copropriété des immeubles bâtis. Ce texte interdit toute demande de partage concernant les parties communes indispensables à l’usage collectif, telles que les chemins nécessaires à la desserte de plusieurs propriétés. Cette disposition vise à préserver la fonctionnalité et l’utilité commune de ces biens.

La règle exprimée par cette disposition dépasse cependant le cadre strict des immeubles bâtis pour s’étendre à toutes les copropriétés forcées et perpétuelles. La Cour d’appel de Paris a ainsi affirmé, dans un arrêt du 5 octobre 1964, que le partage ou la licitation d’un chemin nécessaire à la desserte de plusieurs propriétés était exclu, en raison de son caractère indispensable à l’usage collectif (CA Paris, 5 oct. 1964).

b. Les cas de maintien forcé dans l’indivision

Par ailleurs, la licitation est exclue dans plusieurs cas où la loi impose le maintien forcé dans l’indivision. Ces hypothèses, prévues aux articles 820 à 824 du Code civil, concernent notamment les biens dont l’indivision est ordonnée pour protéger les intérêts de certaines personnes, comme les mineurs ou les incapables. De manière similaire, l’article 1377 du Code de procédure civile dispose que la vente par adjudication ne peut être prononcée que si le bien ne peut être commodément partagé ou attribué. Avant de prononcer une telle vente, le juge est tenu de vérifier que le bien ne répond pas aux conditions d’un partage en nature et que ni l’attribution préférentielle ni d’autres solutions ne sont envisageables.

c. Les conventions d’indivision

L’article 815-1 du Code civil permet aux indivisaires de conclure une convention d’indivision. Lorsqu’une telle convention est à durée déterminée, la licitation ne peut être demandée pendant la durée de la convention, sauf en cas de justes motifs.

En revanche, si la convention est à durée indéterminée, le partage, y compris par licitation, peut être provoqué à tout moment, mais il ne doit pas l’être de mauvaise foi ou à contretemps (art. 1873-3 C. civ.).

d. L’attribution préférentielle

L’attribution préférentielle constitue un obstacle majeur à la licitation. Ce mécanisme, consacré par les articles 832 et suivants du Code civil, offre à un indivisaire la possibilité de se voir attribuer un bien indivis en priorité, moyennant le versement d’une compensation équitable à ses coindivisaires. Par essence, lorsque cette demande est valablement formulée, la licitation devient inenvisageable, sauf à ce que l’attribution soit rejetée ou manifestement injustifiée.

Historiquement, la place centrale occupée par l’attribution préférentielle dans le cadre des opérations de partage a été explicitée dès l’adoption du décret-loi du 17 juin 1938, introduisant dans le Code civil une disposition spécifique à cet effet. L’ancien article 827 du Code civil, aujourd’hui remplacé par l’article 1377, réservait la licitation aux biens « qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués ». En vertu de ce principe, le juge, avant de prononcer une licitation, doit s’assurer que le bien concerné ne peut être intégré dans un partage en nature et qu’aucun indivisaire ne sollicite ou ne pourrait valablement solliciter son attribution préférentielle. Cette double vérification, autrefois essentielle pour garantir une stricte égalité dans la composition des lots, conserve son importance à l’heure où prévaut le principe de l’égalité en valeur des lots.

La jurisprudence a, à maintes reprises, rappelé la prééminence de l’attribution préférentielle sur la licitation. Dès 1947, la Cour de cassation a précisé que l’attribution préférentielle pouvait être sollicitée jusqu’à l’achèvement du partage (Cass. civ., 14 janv. 1947). Toutefois, lorsque la licitation a été ordonnée par une décision ayant acquis l’autorité de la chose jugée, l’attribution préférentielle ne saurait plus prospérer, la licitation devenant alors irrévocable. Dans un arrêt du 9 mars 1971, la Première chambre civile a jugé en ce sens que « la licitation constitue une modalité de partage incompatible avec l’attribution préférentielle. des lors que la licitation d’un immeuble a été ordonnée par une précédente décision devenue irrévocable, un tribunal ne peut sans méconnaitre l’autorité de la chose jugée, prononcer l’attribution préférentielle du même bien indivis » (Cass. 1ère civ. 9 mars 1971, 70-10.072)

Dans sa mise en œuvre, l’attribution préférentielle impose au juge une analyse minutieuse des prétentions en concurrence. Lorsqu’un indivisaire sollicite l’attribution préférentielle d’un bien pendant que d’autres réclament sa licitation, la juridiction saisie doit prioritairement examiner la demande d’attribution, sauf à constater qu’elle contredit les intérêts légitimes des coindivisaires ou qu’elle est matériellement irréalisable. À cet égard, la jurisprudence a notamment rejeté des demandes d’attribution lorsque l’indivisaire demandeur était dans l’incapacité de s’acquitter des soultes nécessaires (Cass. 1re civ., 17 mars 1987, n°85-17.241). 

En outre, l’attribution préférentielle revêt une importance particulière lorsque le maintien de l’usage d’un bien indivis répond à des besoins essentiels. Ainsi, la jurisprudence a privilégié l’attribution du logement familial à l’époux ayant la garde des enfants, au détriment d’une demande concurrente de licitation émanant de l’autre conjoint (TGI Chaumont, 10 juin 1963). Toutefois, cette priorité n’est pas absolue. Des juridictions ont pu refuser une attribution préférentielle lorsque les motifs invoqués ne justifiaient pas un tel choix, comme dans le cas d’un château réclamé pour des raisons purement sentimentales, conduisant à la licitation du bien (TGI Paris, 13 nov. 1970).

Cependant, l’attribution préférentielle n’est pas une prérogative absolue. Elle peut être écartée si l’équilibre des intérêts commande une licitation, notamment lorsque le maintien de l’indivision est matériellement ou économiquement insoutenable. Cette approche pragmatique permet de concilier les droits individuels des indivisaires avec les impératifs collectifs, assurant ainsi le respect des principes d’équité et de justice. 

2. Les conditions de la licitation

2.1. L’impossibilité d’un partage en nature

a. Le contenu de l’exigence

Dans le cadre d’un partage, la licitation n’intervient qu’à titre subsidiaire, lorsqu’un partage en nature des biens indivis s’avère impossible. À cet égard, l’article 1377 du Code de procédure civile précise que : « le tribunal ordonne, dans les conditions qu’il détermine, la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués ». 

Cette règle fait directement écho au principe posé à l’article 1686 du Code civil, relevant du droit commun de la vente, qui dispose que la licitation peut être ordonnée « si une chose commune à plusieurs ne peut être partagée commodément et sans perte ».

Il s’infère de ces deux dispositions que l’impossibilité de partage en nature peut résulter, soit de l’incommodité de la division du biens indivis, soit du risque de perte en cas de division. 

==>L’incommodité de la division du bien indivis

L’incommodité matérielle de la division d’un bien indivis s’entend de l’impossibilité pratique de le fractionner tout en préservant son intégrité physique, son utilité et les conditions normales de jouissance. Ce critère repose sur les attributs essentiels du bien, qu’il s’agisse de sa configuration, de son usage envisagé ou de sa destination économique. L’analyse de cette incommodité exige une attention particulière aux caractéristiques propres au bien, telles que son état, sa structure ou sa finalité, afin de déterminer si une division pourrait être réalisée sans altérer sa nature ni compromettre sa vocation première.

En premier lieu, certains biens, en raison de leur structure physique ou de leur fonction, ne peuvent être aisément divisés sans altérer leur valeur ou leur utilité. Par exemple, la division d’un terrain peut exiger des aménagements onéreux, tels que l’installation de clôtures ou la modification des réseaux hydrauliques pour garantir une autonomie d’usage des parcelles nouvellement constituées. Une jurisprudence ancienne mais éclairante illustre ce point : la fragmentation d’un bien foncier a été jugée inappropriée en raison des frais disproportionnés qu’elle impliquait et de son impact négatif sur l’exploitation rationnelle des parcelles (CA Dijon, 15 avril 1907). Cet exemple met en lumière l’importance d’une analyse circonstanciée de la faisabilité matérielle du partage.

De même, la division d’une exploitation agricole ou d’un immeuble à vocation spécifique peut entraîner une désorganisation structurelle qui compromettrait sa finalité première. Ainsi, le morcellement d’une ferme en plusieurs unités indépendantes peut nécessiter des investissements supplémentaires pour réorganiser les infrastructures communes, telles que les systèmes d’irrigation ou les espaces de stockage, réduisant ainsi l’efficacité globale de l’exploitation. Cette incommodité matérielle s’observe également dans le cas d’immeubles complexes ou de bâtiments historiques, dont le fractionnement risquerait de porter atteinte à leur vocation patrimoniale ou culturelle, voire de rendre leur entretien structurellement irréalisable.

En second lieu, l’incommodité matérielle ne se limite pas à l’existence d’obstacles purement physiques, mais couvre également les effets sur les conditions normales de jouissance. Un partage matériellement possible peut néanmoins être jugé incommode si la division altère de manière significative les modalités d’exploitation ou d’utilisation des lots. Par exemple, la création de nouvelles parcelles ou d’espaces indépendants peut, dans certains cas, générer une répartition déséquilibrée des ressources essentielles à leur exploitation, ou nécessiter des servitudes complexes, telles que des droits de passage ou des aménagements communs. Ces contraintes, susceptibles de compliquer la jouissance individuelle des lots, justifient le recours à une licitation plutôt qu’à un partage en nature.

Enfin, l’incommodité matérielle doit également être évaluée en tenant compte de la préservation de l’intégrité des unités économiques ou des ensembles de biens indivis. L’article 830 du Code civil, qui énonce l’objectif de limiter le fractionnement des exploitations agricoles ou des ensembles économiques, reflète cette préoccupation. Lorsqu’une division compromet l’exploitation optimale d’un bien indivis ou engendre une dépréciation du bien, la licitation peut s’imposer comme la solution la plus rationnelle. La jurisprudence a ainsi affirmé que la division en plusieurs lots, même matériellement envisageable, peut être écartée si elle entraîne des effets excessivement complexes ou onéreux pour les indivisaires (CA Montpellier, 8 juin 1954).

==>Le risque de perte en cas de division du bien indivis

Au-delà des obstacles matériels, l’incommodité d’un partage peut également résider dans ses répercussions économiques, lesquelles peuvent compromettre de manière significative les intérêts des indivisaires. L’article 1686 du Code civil institue ainsi le principe selon lequel le partage en nature doit être écarté lorsque la division entraîne une perte de valeur du bien, préjudiciable à l’ensemble des indivisaires.

Dans un arrêt rendu le 13 octobre 1998, la Cour de cassation a, par exemple, estimé que l’incommodité d’un partage pouvait justifier une licitation lorsqu’un morcellement, bien que matériellement possible, engendrait une dépréciation économique significative et préjudiciable pour les indivisaires Dans cette affaire, le litige portait sur une demeure historique dépendant d’une succession. L’un des indivisaires demandait un partage en nature accompagné d’une attribution préférentielle d’une partie de l’immeuble, tandis que les autres plaidaient en faveur de la licitation. La Cour d’appel, dont l’analyse a été validée par la Cour de cassation, a constaté que la valeur totale de l’immeuble pris dans son ensemble, estimée à 7 950 000 francs, dépassait significativement la somme des valeurs des lots envisagés dans le cadre d’un partage en nature, laquelle n’atteignait que 6 200 000 francs. Une telle dépréciation économique, jugée inacceptable pour l’ensemble des indivisaires, rendait économiquement inopportune une division pourtant réalisable matériellement.

Cet arrêt met en lumière l’une des caractéristiques de l’incommodité économique : la préservation de la valeur globale du bien indivis. Une division matérielle, bien que techniquement envisageable, peut entraîner une perte de valeur si les lots ainsi constitués s’avèrent individuellement moins valorisables que le bien pris dans sa globalité. Cette approche vise à protéger les intérêts collectifs des indivisaires, en évitant qu’un partage en nature ne devienne source d’injustice économique.

Par ailleurs, l’incommodité économique ne se limite pas à la perte de valeur globale. Elle inclut également les effets sur l’équité entre les indivisaires, notamment lorsque la fragmentation d’un bien rend nécessaire la constitution de soultes disproportionnées ou difficilement applicables. Ces situations, susceptibles de générer des déséquilibres majeurs, justifient souvent le recours à la licitation pour assurer une répartition équitable des bénéfices issus de la vente.

Conscient de ces enjeux, le législateur a introduit des mécanismes visant à atténuer les effets économiques défavorables d’un partage, notamment à travers le principe de l’égalité en valeur consacré par l’article 826 du Code civil. Ce principe permet d’ajuster les écarts entre les lots au moyen de soultes, favorisant ainsi une répartition équilibrée. Toutefois, lorsque la division d’un bien indivis conduit à une dépréciation significative ou compromet les intérêts économiques des indivisaires, ces outils ne suffisent pas toujours à garantir une solution satisfaisante. Dans ces circonstances, la licitation s’impose comme une alternative incontournable, préservant à la fois la valeur intrinsèque du bien et l’équité entre les indivisaires.

b. Appréciation de l’exigence

==>Une appréciation d’ensemble

L’impossibilité de procéder à un partage en nature d’un bien indivis repose sur des considérations tant matérielles qu’économiques, lesquelles doivent être appréciées au regard de critères précis. Cette impossibilité n’est cependant pas absolue et s’évalue à l’aune de la nature, de la configuration et de la finalité du bien, mais également en tenant compte de l’ensemble des biens composant l’indivision. Une analyse globale de la situation patrimoniale s’impose, permettant de déterminer si un partage en nature peut être envisagé sans compromettre l’équité entre les indivisaires ou l’intégrité économique des lots.

A cet égard, l’un des principes devant guider l’appréciation du juge réside dans l’exigence de considérer l’ensemble des biens indivis comme un tout cohérent, plutôt que de les examiner isolément. Une telle approche, déjà consacrée par la jurisprudence avant la réforme de 2006, reflète l’exigence de maintenir le partage en nature comme principe directeur, même face à des difficultés apparentes. Ainsi, l’indivisibilité d’un bien spécifique, tel qu’un immeuble unique, ne saurait en elle-même constituer un obstacle insurmontable au partage si d’autres éléments de la masse permettent de constituer des lots équivalents en valeur (Cass. 1ère civ.12 janv. 1972, n°71-11.435). 

À titre d’exemple, un immeuble matériellement indivisible peut être attribué en totalité à un indivisaire, à condition que des biens meubles ou des compensations monétaires viennent rétablir l’équilibre des droits entre les copartageants (Cass. 1ère civ., 21 janv. 1958). Cette flexibilité, inhérente au principe d’équité, permet de concilier l’impossibilité matérielle d’un découpage physique avec les exigences d’une répartition équitable.

En outre, lorsque l’ensemble des biens ne peut être aisément réparti, la licitation ne doit intervenir que dans les limites strictement nécessaires. Les juges sont alors appelés à circonscrire la licitation aux seuls biens dont le partage en nature est impraticable ou manifestement préjudiciable. Cette approche reflète le souci de préserver autant que possible le principe du partage en nature, tout en évitant des solutions qui porteraient atteinte à l’équilibre des intérêts en présence (Cass. 1ère civ., 11 juill. 1983, n°82-11.815). Ainsi, si un immeuble indivis ne peut être partagé matériellement, mais que la masse comprend des biens meubles ou d’autres actifs, ces derniers doivent être mobilisés pour constituer des lots équilibrés, réduisant ainsi la nécessité de recourir à la licitation.

Pour éclairer leur décision, les juges peuvent recourir à une expertise destinée à examiner les conditions matérielles et économiques propres au partage. Bien que les conclusions de l’expert ne s’imposent pas aux juges, elles constituent un élément déterminant dans leur appréciation de la faisabilité d’un partage en nature (Cass. 1ère civ., 9 oct. 1967). Ce recours à l’expertise vise à identifier les contraintes objectives qui pourraient rendre une division matériellement irréalisable ou économiquement désavantageuse.

Ainsi, l’expert est-il souvent chargé d’évaluer les implications concrètes d’un partage en nature, en tenant compte de la configuration des biens indivis, de leur usage actuel et des adaptations nécessaires pour les rendre autonomes après la division. Par exemple, dans le cas d’un terrain agricole, il pourrait être démontré que sa division entraînerait des aménagements disproportionnés, tels que la construction de nouvelles clôtures, la mise en place de systèmes d’irrigation distincts ou la création de voies d’accès séparées. De tels travaux, s’ils engendrent des coûts excessifs ou compromettent l’utilisation optimale des biens, constituent des éléments justifiant l’incommodité matérielle et, par conséquent, l’impossibilité d’un partage équitable en nature.

Les juges, sur la base du rapport d’expertise, peuvent ainsi conclure que la licitation est nécessaire pour préserver les intérêts des parties, en évitant des solutions qui seraient coûteuses, complexes et potentiellement sources de litiges ultérieurs. L’expertise, en ce sens, dépasse une simple évaluation technique et s’inscrit dans une démarche visant à garantir une répartition équilibrée et réaliste des biens indivis.

==>Contrôle de la motivation

L’appréciation de l’impossibilité de procéder à un partage en nature relève du pouvoir souverain des juges du fond, lesquels doivent s’attacher à motiver leur décision avec précision. Cette exigence trouve sa justification dans la nature exceptionnelle de la licitation, qui ne peut être ordonnée qu’en dernier recours, dès lors que l’impossibilité de la répartition physique des biens est établie de manière circonstanciée et irréfutable. À ce titre, la seule affirmation d’une incertitude quant à la faisabilité du partage en nature, ou encore la mention de dissensions entre indivisaires, ne saurait suffire à légitimer une telle mesure. De même, un simple constat de la multiplicité des biens et de la diversité des droits des parties, sans qu’il ne soit démontré en quoi ces éléments empêchent concrètement un partage en nature, expose la décision à la censure (Cass. 1re civ., 31 janv. 1989, n°87-16.718). À l’inverse, une motivation s’appuyant sur des éléments factuels et techniques solides, tels qu’un rapport d’expertise concluant à la faisabilité du partage en nature et à sa conformité aux intérêts des parties, satisfait pleinement aux exigences jurisprudentielles (Cass. req. 31 oct. 1893).

Le rôle de la Cour de cassation se limite traditionnellement à un contrôle de la motivation, sans remise en cause de l’appréciation des faits réalisée par les juges du fond. Il incombe à ces derniers de démontrer précisément en quoi les biens indivis ne peuvent être commodément répartis. Dès lors, une décision ordonnant la licitation, qui se contenterait de relever l’incertitude d’un partage ou de mentionner sa faisabilité technique sans expliciter les obstacles concrets qui s’y opposent, ne saurait prospérer (Cass. 1ère civ., 12 mai 1987, n°85-18.160).

Si, par le passé, une certaine souplesse pouvait être observée, permettant aux juges du fond de motiver leurs décisions de manière parfois implicite, cette pratique tend à être remise en question dans le cadre d’une jurisprudence contemporaine plus exigeante. La réforme de 2006, consacrant le principe d’égalité en valeur des lots (art. 826 du Code civil), renforce cette exigence de motivation, dans un souci de transparence et de respect du caractère subsidiaire de la licitation. Ainsi, il ne suffit plus, comme autrefois, de faire allusion à l’indivisibilité supposée d’un bien pour justifier une vente forcée (Cass. 3e civ., 4 mai 2016, n°14-28.243).

La Cour de cassation, sans excéder son rôle, veille désormais à ce que les juges du fond ne cèdent pas à la facilité, en exigeant une démonstration complète et convaincante de l’impossibilité matérielle ou juridique du partage en nature. Cette évolution, bien qu’elle ne rompe pas totalement avec certaines tolérances antérieures, reflète une volonté affirmée de garantir la primauté du partage en nature tout en respectant l’équilibre des intérêts des indivisaires.

2.2. Mise en œuvre

L’impossibilité de partager un bien indivis peut avoir pour cause des contraintes juridiques, matérielles, économiques ou pratiques, chacune reflétant la complexité inhérente à la diversité des biens concernés et des situations d’indivision.

==>Les difficultés matérielles de partage

L’une des causes de l’impossibilité de procéder à un partage en nature réside dans les contraintes matérielles, intrinsèquement liées aux caractéristiques des biens indivis. La difficulté réside, le plus souvent, dans l’impossibilité technique ou pratique de diviser un bien sans compromettre son intégrité ou son utilité économique.

Certains biens, par leur nature même, se prêtent mal au fractionnement. Ainsi, un domaine agricole, comprenant des bâtiments, des dépendances et des terres formant un tout économique cohérent, ne saurait être morcelé sans que son exploitation n’en pâtisse gravement (Cass. 1ère civ., 29 mars 1960). De même, Une clinique médicale, dont le fonctionnement repose sur une organisation spatiale spécifique, constitue un exemple caractéristique de bien dont la division matérielle compromettrait irrémédiablement l’usage et l’exploitation (Cass. 1ère civ., 2 oct. 1979, n°78-11.385). 

Par ailleurs, même lorsque les biens paraissent à première vue partageables, certaines configurations rendent le partage matériellement inéquitable. Un exemple peut être trouvé dans la difficulté de répartir équitablement des parcelles de terrain de dimensions ou de valeurs très disparates. 

Outre la nature spécifique des biens, l’hétérogénéité de l’ensemble composant l’indivision peut elle-même constituer un frein au partage en nature. Lorsque les biens diffèrent significativement par leur localisation, leur état ou leur destination, il devient difficile, sinon impossible de constituer des lots de valeur équivalente. Cette disparité, combinée à l’impossibilité de parvenir à une évaluation consensuelle, peut légitimer une licitation comme ultime recours pour garantir l’équité entre les parties (Cass. 1ère civ., 14 févr. 1962).

Enfin, le nombre d’indivisaires et l’inégalité de leurs droits accentuent les difficultés matérielles du partage. Lorsque la division des biens suppose de composer un grand nombre de lots pour satisfaire des droits successoraux complexes et souvent très inégaux, le partage en nature devient un exercice presque insurmontable, tant sur le plan pratique que logistique (Cass. 1ère civ., 28 juin 1977, n°75-12.487). 

==>Les difficultés juridiques de partage

La loi peut imposer des restrictions au partage en nature lorsque la division physique d’un bien compromet son utilité, son exploitation, ou son intégrité économique. Ces barrières légales, parfois explicites, trouvent leur justification dans des impératifs d’intérêt général ou de préservation de l’efficacité économique des biens concernés.

A cet égard, certaines catégories de biens, en raison de leur nature intrinsèque, sont insusceptible de faire l’objet d’un partage en nature. Les mines, par exemple, furent historiquement considérées comme indivisibles, car leur exploitation exige une unité structurelle pour être rentable et conforme aux normes techniques en vigueur (Cass. req., 21 avr. 1857). Cette indivisibilité découle moins d’une contrainte matérielle que de l’exigence de préserver la finalité économique du bien, en évitant une division qui rendrait son exploitation inefficace ou impossible.

De manière similaire, un terrain constructible peut devenir juridiquement insusceptible de partage lorsque son morcellement compromet l’obtention d’un permis de construire ou sa viabilité. Cette impossibilité résulte de normes d’urbanisme qui conditionnent l’utilisation d’un terrain à une superficie minimale ou à des exigences d’aménagement spécifiques (CA Nancy, 18 janv. 1989).

Les biens soumis au régime de la copropriété illustrent également cette tension entre indivisibilité et partage. Dans un immeuble d’habitation indivis, les parties communes, par définition, ne peuvent être fractionnées sans remettre en cause la structure juridique et pratique de la copropriété. La jurisprudence a affirmé que l’unité des parties communes prime sur toute tentative de division en étages ou appartements, rendant le partage en nature juridiquement incompatible avec ce régime (Cass. 1ère civ., 19 janv. 1960). Ces principes visent à garantir l’usage collectif des parties communes et à préserver la cohérence fonctionnelle du bien immobilier.

Au-delà des dispositions légales, les indivisaires peuvent eux-mêmes convenir de règles encadrant les modalités de partage. En vertu de l’article 1103 du Code civil, un accord unanime entre les indivisaires, qu’il prévoie une licitation ou un partage en nature, s’impose avec la même force qu’un contrat. Une fois signé, cet engagement lie non seulement les parties, mais aussi le juge chargé de superviser l’exécution du partage.

Ainsi, un accord visant à exclure le partage en nature doit être respecté, sauf en cas de dispositions contraires à l’ordre public ou manifestement inéquitables (Cass. 1ère civ., 20 janv. 1982, n°80-16.909). Cette contractualisation des modalités de partage permet aux indivisaires de surmonter des situations conflictuelles ou de prévenir des litiges futurs en définissant des règles précises.

La volonté exprimée par le de cujus dans un testament peut également influer sur les modalités de partage. Par exemple, lorsqu’un legs particulier attribue un bien spécifique à un héritier, ce bien échappe au partage dès lors que la disposition respecte la limite de la quotité disponible. Ce type de disposition testamentaire peut être perçu comme une restriction à la divisibilité du bien, car il confère à un héritier un droit exclusif sur celui-ci.

Cependant, une clause testamentaire ne peut, à elle seule, empêcher une licitation si celle-ci est indispensable pour respecter les droits des autres héritiers. En cas d’impossibilité de partager équitablement un bien en nature, le juge peut être conduit à écarter une disposition testamentaire pour ordonner une vente et préserver l’équilibre patrimonial entre les cohéritiers (Cass. 1ère civ., 5 janv. 1977, n°75-15.199). 

==>Les difficultés économiques de partage

Au-delà des obstacles matériels et juridiques, des considérations économiques peuvent justifier l’impossibilité d’un partage en nature. Ainsi, certaines divisions matérielles peuvent entraîner une dépréciation substantielle des biens indivis. Un exemple classique est celui d’une exploitation agricole : son morcellement compromettrait la viabilité économique du domaine, rendant l’ensemble des parcelles moins attractif sur le marché (Cass. 1re civ., 16 oct. 1967). De manière similaire, la division d’un terrain de faible superficie peut aboutir à des lots inadaptés à une utilisation efficace, diminuant ainsi leur valeur intrinsèque (Cass. 1ère civ., 11 juin 1985, n°84-12.325). 

Une autre contrainte économique peut découler de l’incapacité à constituer des lots de valeur équivalente. Lorsque les biens indivis diffèrent considérablement par leur nature, leur localisation ou leur état, il devient impossible de composer des lots respectant l’équité entre les indivisaires sans recourir à des soultes disproportionnées. Par exemple, dans une affaire relative à un ensemble de biens immobiliers, la nécessité de prévoir des soultes trop élevées pour équilibrer les lots a conduit le juge à privilégier la licitation, considérée comme une solution plus adaptée pour garantir l’équité patrimoniale (Cass. 1re civ., 15 mai 1962).

La question des actions et parts sociales illustre parfaitement les enjeux économiques liés à la division en nature. Bien que ces biens soient techniquement divisibles, leur répartition peut entraîner une perte de contrôle ou de minorité de blocage au sein d’une société. Cela compromet non seulement la gestion de l’entreprise, mais réduit également la valeur des parts en raison de l’incertitude juridique et économique générée par une telle division. Dans une affaire emblématique, la répartition d’actions aurait menacé la stabilité de l’entreprise en remettant en cause les droits de contrôle. Le juge a alors ordonné une licitation pour préserver l’intégrité économique et les intérêts des parties (CA Paris, 2 juill. 2002).

Outre la dépréciation des biens, les coûts associés à la division peuvent également justifier une licitation. Par exemple, la division d’un immeuble en plusieurs appartements ou l’aménagement nécessaire pour rendre un bien partageable peut impliquer des dépenses considérables, rendant économiquement irrationnelle toute tentative de partage en nature (TGI Nice, 6 juill. 1962). Ces coûts peuvent inclure la création de nouvelles infrastructures, la gestion des servitudes ou encore les frais de mise aux normes, autant de facteurs susceptibles de miner la rentabilité des biens divisés.

==>Les difficultés personnelles

Enfin, les relations entre indivisaires peuvent elles-mêmes constituer un frein au partage en nature, en particulier lorsque des tensions ou des dissensions profondes altèrent toute perspective de gestion harmonieuse des biens communs. Ces conflits, qu’ils trouvent leur origine dans des différends familiaux, des ruptures conjugales ou des désaccords patrimoniaux, rendent souvent impraticable une répartition équitable des biens, tant sur le plan matériel qu’émotionnel.

Lorsqu’une indivision découle d’une séparation conjugale, par exemple, les relations tendues entre anciens partenaires peuvent transformer la cohabitation dans un bien indivis en un exercice insupportable. La gestion commune d’espaces partagés, comme une maison ou un appartement, devient rapidement source de conflits incessants, compromettant toute possibilité de coexistence pacifique. Ces situations, souvent aggravées par l’absence de dialogue ou par des griefs passés, justifient fréquemment une licitation, seule mesure apte à mettre un terme aux conflits prolongés (CA Metz, 11 mars 2010).

Les tensions ne se limitent pas aux relations conjugales. Au sein d’une famille élargie ou entre héritiers, les divergences d’intérêts ou de vision sur l’avenir des biens indivis peuvent provoquer un blocage total. L’un des indivisaires peut, par exemple, contester systématiquement les décisions relatives à l’exploitation ou à la répartition des biens, refusant de collaborer à leur entretien ou à leur valorisation. De tels comportements conflictuels paralysent l’indivision, rendant tout accord amiable illusoire et nécessitant une intervention judiciaire pour sortir de l’impasse.

Dans ces contextes, le juge joue un rôle déterminant. Chargé de garantir l’équité et de préserver la paix sociale, il est amené à ordonner une licitation lorsque les tensions rendent impossible le maintien de l’indivision ou la mise en œuvre d’un partage en nature. Une telle décision, bien que pragmatique, n’est pas dénuée de conséquences psychologiques pour les indivisaires. La vente forcée d’un bien, souvent chargé d’une forte valeur symbolique ou sentimentale, peut engendrer des sentiments de perte ou d’injustice. Il appartient donc au juge d’accompagner sa décision d’une motivation claire, exposant en quoi la licitation constitue la solution la plus adaptée pour protéger les intérêts de chacun.

3. Le régime de la licitation

3.1 Principes directeurs

==>Saisine

En vertu de l’article 840 du Code civil, la licitation judiciaire ne peut être envisagée qu’à l’occasion d’une instance en partage. À cet égard, dans le cadre de cette instance, la demande en partage est formulée à titre principal, tandis que la demande de licitation est nécessairement formulée à titre incident. 

En effet, la licitation, par sa nature subsidiaire, ne saurait être sollicitée qu’à titre incident, lorsqu’un partage en nature s’avère matériellement impraticable ou compromet l’équité entre les indivisaires. Ce dispositif met en lumière la primauté du partage en nature, qui demeure le fondement même du régime de l’indivision, tandis que la licitation, exception par essence, est rigoureusement encadrée pour éviter tout détournement de sa finalité.

Le Code de procédure civile organise ainsi une interdépendance entre les demandes en partage et en licitation, la seconde ne pouvant être introduite indépendamment de la première. Dans un arrêt du 15 juin 2017, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « la demande en licitation d’un bien indivis […] ne peut être formée qu’à l’occasion d’une instance en partage judiciaire » (Cass. 1ère civ., 15 juin 2017, n°16-16.031). Fondant sa décision sur les articles 840 et 1686 du Code civil, la Haute juridiction a rappelé que la licitation, en raison de son caractère subsidiaire, ne peut exister indépendamment d’une demande principale en partage.

En l’espèce, des héritiers avaient sollicité la licitation d’un immeuble dépendant d’une succession en raison de désaccords portant sur l’attribution et l’estimation des lots. Sans qu’aucune instance en partage judiciaire n’ait été introduite, la cour d’appel avait fait droit à cette demande. La Cour de cassation a censuré cette décision, estimant que la procédure de licitation ne peut être envisagée qu’à titre incident, dans le cadre plus large d’un partage judiciaire. Elle a ainsi annulé l’arrêt de la cour d’appel au motif que celle-ci avait ordonné la licitation en violation des exigences procédurales établies par les textes. Cet arrêt illustre avec clarté que la licitation ne constitue pas une voie autonome mais bien une exception procédurale, subordonnée à la démonstration préalable de l’impossibilité ou de l’inopportunité d’un partage en nature. 

À l’analyse, ce cadre procédural poursuit une double ambition. D’une part, il consacre la primauté du partage en nature, expression de l’idéal d’égalité patrimoniale entre les indivisaires, en veillant à ce que chaque solution retenue préserve, autant que faire se peut, l’intégrité des droits de chacun. D’autre part, il encadre strictement le recours à la licitation, n’autorisant cette mesure, par essence exceptionnelle, qu’en dernier ressort, lorsqu’un partage amiable se heurte à des obstacles matériels ou juridiques insurmontables.

Toutefois, cette subordination stricte n’est pas exempte de critiques. Certains auteurs ont estimé que l’impossibilité manifeste d’un partage en nature dès l’introduction de l’instance pourrait justifier une demande en licitation à titre principal, sans compromettre pour autant l’équilibre procédural. Cette position, bien que séduisante, entre en contradiction avec la volonté du législateur de privilégier une approche prudente et graduée, afin de prévenir tout usage abusif de la licitation.

==>Compétence juridictionnelle

En premier lieu, la licitation relève de la compétence exclusive du tribunal judiciaire. Cette règle s’applique de manière uniforme, quelles que soient les circonstances spécifiques entourant l’indivision. Ainsi, même lorsque l’un des indivisaires est soumis à une procédure collective, le tribunal judiciaire demeure compétent pour connaître des demandes de licitation et de partage (Cass. com., 28 nov. 2000, n° 98-10.145). Dans ce contexte particulier, le liquidateur, agissant non dans l’intérêt personnel du débiteur mais en qualité de représentant des créanciers, peut solliciter la licitation des biens indivis. Dans un arrêt du 28 novembre 2000, la Cour de cassation a confirmé que le liquidateur, habilité à défendre les droits des créanciers, est en mesure de provoquer une licitation dans le cadre des opérations de partage (Cass. com., 28 nov. 2000, n° 98-10.145).

En second lieu, la compétence territoriale de la juridiction qui a vocation à connaitre d’une procédure de licitation judiciaire obéit à des règles qui visent garantir à la fois proximité et efficacité dans le traitement des litiges. L’article 841 du Code civil confère ainsi compétence au tribunal judiciaire du lieu d’ouverture de la succession pour connaître des actions en partage, ainsi que des contestations qui peuvent en découler, notamment celles relatives à la licitation ou à la garantie des lots. Lorsque la licitation ne procédure pas du partage d’une indivision successorale, l’article 45 du Code de procédure civile désigne le tribunal du lieu de situation des biens indivis comme juridiction compétente.

Ce cadre territorial vise à concentrer les litiges devant une juridiction proche des biens concernés. En opérant ce choix, le législateur entend non seulement simplifier les démarches pour les parties, mais également tenir compte des spécificités matérielles et économiques propres aux biens indivis, contribuant ainsi à une gestion plus fluide et plus rapide des procédures.

Enfin, il convient de souligner que cette compétence juridictionnelle, tant d’attribution que territoriale, est d’ordre public. Dès lors, elle ne saurait être modifiée par la volonté des parties.

==>La fixation des conditions de la vente

En application de l’article 1377 du Code de procédure civile, le juge se voit confier la responsabilité de fixer les conditions particulières de la vente par adjudication dans le cadre d’une licitation, qu’il s’agisse de biens meubles ou immeubles. Ce pouvoir embrasse notamment la détermination de la mise à prix, paramètre essentiel pour garantir le bon déroulement de la procédure et prévenir toute sous-évaluation susceptible de léser les intérêts des indivisaires. Cette intervention du juge, gage d’une équité procédurale, est toutefois tempérée par la possibilité, offerte aux indivisaires capables et présents, de convenir unanimement des modalités de la licitation. Cet accord, lorsqu’il est atteint, lie le tribunal, reflétant ainsi l’importance accordée au consentement des parties dans le processus de partage.

Cette souplesse procédurale est néanmoins contrebalancée par la rigueur imposée au déroulement de la licitation. Ainsi, bien que la possibilité d’un sursis temporaire à la vente pour tenter une cession de gré à gré ait été évoquée lors des travaux préparatoires des réformes législatives, cette faculté n’a pas été retenue. Le législateur a manifestement craint qu’une telle mesure ne ralentisse inutilement les procédures, préférant privilégier une approche plus directe pour éviter des délais incompatibles avec les impératifs de gestion des indivisions.

Le cahier des charges, document structurant de la licitation, peut par ailleurs comporter des dispositions spécifiques destinées à encadrer l’attribution des biens adjugés. Parmi celles-ci figure la clause d’attribution, qui stipule que si la dernière enchère est portée par un indivisaire, celui-ci ne sera pas déclaré adjudicataire, mais se verra attribuer le bien au prix fixé par l’adjudication dans le cadre du partage à intervenir. Ce mécanisme, validé par la jurisprudence (Cass. 1ère, 7 oct. 1997, n°95-17.071), favorise une organisation rationnelle et équitable des opérations, tout en préservant les intérêts patrimoniaux des copartageants. En complément, des clauses de substitution peuvent permettre à un adjudicataire de céder son droit à un tiers désigné, offrant ainsi une flexibilité supplémentaire sans compromettre la transparence de la procédure.

==>La recherche de l’intérêt collectif

Il est de principe que toutes les décisions prises par le juge dans le cadre de la procédure de licitation doivent être guidées par la recherche de l’intérêt collectif des copartageants. Cette exigence se traduit par une double obligation pour la juridiction saisie : d’une part, le juge doit s’attacher à optimiser la valeur d’adjudication des biens indivis, gage d’une protection économique des droits des parties. D’autre part, il lui incombe de garantir une répartition équitable des fruits de la vente, en tenant compte des spécificités des biens et des situations individuelles des indivisaires.

L’optimisation de la valeur d’adjudication implique que le tribunal organise la procédure de manière à maximiser la concurrence entre les enchérisseurs. À cet égard, la rédaction du cahier des charges revêt une importance cruciale. Ce document doit non seulement préciser les caractéristiques du bien mis en vente, mais également faire état de toute information susceptible d’influencer les enchères, comme l’existence de droits locatifs ou de servitudes. Ainsi, a été consacré par la jurisprudence l’obligation de mentionner dans le cahier des charges les droits locatifs grevant un bien indivis. Dans un arrêt du 18 juin 1973, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que l’adjudicataire devait être informé des droits d’occupation existants, ces derniers influant directement sur la valeur vénale du bien et, par conséquent, sur les intérêts des indivisaires. 

Par ailleurs, la répartition équitable des fruits de la vente doit également guider les décisions prises par le juge. Celui-ci doit veiller à ce que les modalités de la licitation ne créent pas de déséquilibre injustifié entre les indivisaires. Par exemple, si un indivisaire est lui-même locataire d’un bien indivis, comme ce fut le cas dans l’affaire précitée, il ne saurait être tenu de payer la différence entre la valeur libre et la valeur occupée du bien dont il est adjudicataire. Une telle solution, validée par la Cour de cassation, reflète un souci d’équité : elle empêche qu’un indivisaire se retrouve pénalisé dans l’attribution d’un bien au détriment des autres parties.

Le rôle du tribunal ne se limite donc pas à la définition des conditions formelles de la vente. Il s’étend à une analyse fine et précise des circonstances particulières de chaque indivision, afin d’adopter les mesures les mieux adaptées à l’intérêt collectif des indivisaires. Ainsi, lorsque les biens indivis présentent des caractéristiques spécifiques – qu’il s’agisse d’un immeuble à usage mixte ou d’un terrain à forte valeur économique – le juge peut prévoir des dispositions particulières pour préserver leur rentabilité ou leur attractivité. Par exemple, en cas de licitation d’un fonds de commerce dépendant d’un immeuble indivis, il est d’usage que le cahier des charges impose à l’adjudicataire de l’immeuble de consentir un bail à l’adjudicataire du fonds, si ces deux lots ne sont pas attribués à une même personne. 

==>Les personnes admises à participer à la licitation

L’article 1378 du Code de procédure civile prévoit que « si tous les indivisaires sont capables et présents ou représentés, ils peuvent décider à l’unanimité que l’adjudication se déroulera entre eux. À défaut, les tiers à l’indivision y sont toujours admis. » Il ressort de cette disposition que les enchères, dans le cadre d’une licitation, peuvent être restreintes aux seuls indivisaires.

Plus précisément, la limitation des enchères aux copartageants est envisageable lorsque tous les indivisaires remplissent simultanément plusieurs conditions : ils doivent être juridiquement capables, présents ou représentés par des mandataires disposant d’un pouvoir exprès. De surcroît, cette restriction requiert leur consentement unanime, traduisant une volonté commune d’éviter l’intervention de tiers dans la procédure. Cette faculté permet de maintenir la licitation dans une sphère strictement interne à l’indivision, tout en favorisant une résolution rapide et consensuelle du partage.

Toutefois, dès lors que l’une de ces conditions fait défaut, la procédure impose l’ouverture des enchères à des tiers. Ce mécanisme vise à prévenir tout risque de collusion ou de manœuvres entre indivisaires pouvant entraîner une adjudication à un prix injustement bas. En admettant des tiers, le législateur entend préserver l’intégrité des enchères, s’assurant que celles-ci reflètent la valeur réelle du bien mis en vente.

Cette ouverture des enchères devient obligatoire lorsque l’un des indivisaires est mineur ou incapable. Conformément à l’article 1687 du Code civil, dans une telle hypothèse, les tiers doivent impérativement être admis à participer à la licitation. Ce principe a trouvé une application dans une affaire où un indivisaire incapable s’opposait à une adjudication exclusive entre indivisaires. Le tribunal, rappelant les termes de l’article 1687, avait exigé l’ouverture des enchères aux tiers pour garantir une adjudication équitable, reflétant la valeur véritable des biens mis en vente (TGI Nantes, 27 juin 1967).

A cet égard, il peut être souligné que l’admission des tiers contribue également à maximiser la valeur d’adjudication, au bénéfice de l’ensemble des indivisaires. En augmentant le nombre de participants potentiels, cette ouverture crée une véritable dynamique compétitive lors des enchères, limitant ainsi le risque d’un prix d’adjudication trop bas. 

3.2. Règles particulières

a. La licitation des meubles

Conformément à l’article 1377 du Code de procédure civile, la licitation des meubles s’effectue dans les formes définies par les articles R. 221-33 à R. 221-39 du Code des procédures civiles d’exécution. Ces dispositions empruntent, en matière mobilière, au régime de la vente forcée sur saisie-vente, lequel assure une publicité, une organisation et une transparence optimales des opérations. Toutefois, il convient de distinguer entre les meubles corporels, directement visés par ces textes, et les meubles incorporels, soumis à un régime spécifique.

i. La licitation des meubles corporels

==>Le lieu de la vente

En vertu de l’article R. 221-33 du Code des procédures civiles d’exécution, la détermination du lieu de la vente des meubles dans le cadre d’une licitation obéit à des critères mêlant pragmatisme et efficacité économique. La vente peut être organisée soit au lieu où se trouvent les biens, soit dans une salle des ventes ou tout autre espace public, en fonction de la situation géographique la plus adaptée à solliciter la concurrence tout en minimisant les coûts. 

La localisation des meubles constitue le premier critère à considérer. Organiser la vente sur place permet de limiter les frais de déplacement et de transport des biens, ce qui est particulièrement pertinent lorsque ceux-ci se situent dans une région densément peuplée ou facilement accessible aux enchérisseurs. Toutefois, lorsque le lieu de situation des meubles ne favorise pas une concurrence suffisante, le tribunal peut opter pour un lieu plus stratégique, tel qu’une salle des ventes située dans une zone urbaine ou à proximité d’un marché plus dynamique. Cette approche vise à maximiser le produit de la vente en attirant un nombre accru d’enchérisseurs potentiels.

Le tribunal, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, doit également tenir compte des règles encadrant la compétence territoriale des officiers ministériels chargés de la vente, conformément à l’article 3 de l’ordonnance du 26 juin 1816. Dans les communes où les commissaires-priseurs judiciaires exercent un monopole, leur intervention doit être respectée, sous peine d’irrégularité de la procédure. Ce cadre juridictionnel, bien que contraignant, garantit une cohérence dans l’organisation des ventes tout en respectant les prérogatives des professionnels habilités.

L’organisation de la vente, qu’elle soit réalisée sur place ou dans un lieu public, doit également répondre à une exigence de transparence. En choisissant des espaces accessibles et ouverts à tous les enchérisseurs, la procédure prévient tout risque de collusion ou de manipulation des enchères. Cette publicité garantit ainsi une valorisation optimale des biens tout en renforçant la confiance des parties dans le déroulement de la licitation. Le choix du lieu devient alors un élément central de la procédure, combinant efficacité économique et respect des intérêts des indivisaires.

==>L’information de la vente

  • L’information des copartageants
    • L’article R. 221-35 du CPC prévoit que les indivisaires soient informés par l’officier ministériel des lieu, jour et heure de la vente, au moins huit jours avant celle-ci. 
    • Cette notification, effectuée par lettre simple ou tout autre moyen approprié, garantit que les parties intéressées puissent assister à la vente et défendre leurs droits.
    • Il doit en être fait mention dans le certificat prévu à l’article R. 221-34 du CPCR
  • La publicité de la vente
    • L’article R. 221-34 exige que la vente soit précédée d’une publicité appropriée, réalisée au moins huit jours avant la date fixée pour l’adjudication. 
    • Cette publicité est effectuée par affiches indiquant les lieu, jour et heure de celle-ci et la nature des biens saisis.
    • Les affiches sont apposées à la mairie de la commune où demeure le débiteur saisi et au lieu de la vente. 
    • La publicité obligatoire est faite à l’expiration du délai prévu au dernier alinéa de l’article R. 221-31 et huit jours au moins avant la date fixée pour la vente.
    • La vente peut également être annoncée par voie de presse.
    • L’huissier de justice doit certifier l’accomplissement des formalités de publicité.

==>Les modalités d’adjudication

  • La vérification des biens avant adjudication
    • Avant l’adjudication, l’officier ministériel chargé de la vente procède à une vérification scrupuleuse de la consistance et de la nature des biens à réaliser, conformément aux exigences de l’article R. 221-36 du Code des procédures civiles d’exécution. 
    • Cette formalité consiste à examiner les biens afin de relever tout objet manquant ou dégradé, garantissant ainsi une transparence totale sur les biens soumis aux enchères. 
    • Ce contrôle donne lieu à l’établissement d’un acte, qui constitue une pièce essentielle de la procédure et permet d’assurer la régularité de la vente.
    • Par ailleurs, l’article R. 221-12 du même code confère à l’huissier de justice la faculté de photographier les objets, si cela s’avère nécessaire. 
    • Ces photographies, conservées par l’huissier, servent de preuve objective et fiable dans l’hypothèse où une contestation surviendrait ultérieurement. 
    • Bien que leur communication soit strictement encadrée et ne puisse avoir lieu qu’en cas de litige porté devant le juge, elles renforcent la crédibilité de l’inventaire des biens, en fournissant une documentation visuelle précise.
    • Cette procédure de vérification, bien qu’historiquement liée aux risques spécifiques des saisies, trouve également sa place dans le cadre de la licitation. 
    • Elle vise à prémunir les indivisaires contre tout doute ou litige relatif à l’état des biens mis en vente. 
    • En outre, elle participe de la protection des droits des copartageants en offrant une garantie supplémentaire sur la consistance des biens à liciter.
  • Les conditions de la vente
    • En application de l’article R. 221-37, la vente est faite par un officier ministériel habilité par son statut à procéder à des ventes aux enchères publiques de meubles corporels et, dans les cas prévus par la loi, par des courtiers de marchandises assermentés.
    • L’article R. 221-38 précise que l’adjudication est réalisée au plus offrant, après trois criées.
    • Le prix est payable comptant, et en cas de défaut de paiement par l’adjudicataire, l’objet est revendu sur réitération des enchères, dite “à la folle enchère”.
    • Cette règle vise à garantir la rapidité et l’efficacité des opérations tout en limitant les risques d’impayés.
  • L’établissement de l’acte de vente
    • L’article R. 221-39 prévoit qu’il doit être dressé acte de la vente. 
    • Cet acte contient la désignation des biens vendus, le montant de l’adjudication et l’énonciation déclarée des nom et prénoms des adjudicataires. 
    • Il y est annexé un extrait des inscriptions au registre mentionné à l’article R. 521-1 du code de commerce levé en application de l’article R.221-14-1.
    • Il est procédé, sur justification du paiement du prix, à la radiation des inscriptions de sûretés prises sur les biens vendus du chef du débiteur saisi.

ii. La licitation des meubles incorporels

Les biens incorporels, tels que les droits d’associé ou les valeurs mobilières, échappent au régime classique applicable aux meubles corporels, régi par les articles R. 221-33 à R. 221-39 du Code des procédures civiles d’exécution. En raison de leur nature immatérielle, la licitation de ces biens requiert un encadrement procédural spécifique, énoncé aux articles R. 233-3 à R. 233-9 du même code. Contrairement aux meubles corporels, dont la valeur repose sur leur consistance matérielle, les biens incorporels tirent leur valorisation de droits abstraits, impliquant des règles distinctes adaptées à leurs spécificités juridiques et économiques.

Cette différence de traitement se justifie par la complexité inhérente à ces actifs, qui nécessitent une évaluation préalable approfondie, des formalités de publicité appropriées et la prise en compte de mécanismes contractuels ou statutaires, tels que les droits d’agrément ou de préemption. Ces exigences garantissent la transparence des opérations, la protection des intérêts des parties et la préservation de la sécurité juridique.

Toutefois, le cadre procédural applicable à ces biens incorporels diffère selon que les valeurs mobilières concernées sont ou non admises à la négociation sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation.

==>Les valeurs mobilières admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation

La licitation des valeurs mobilières admises à la négociation sur des marchés réglementés ou des systèmes multilatéraux de négociation est régie par les articles R. 233-3 et R. 233-4 du Code des procédures civiles d’exécution. Ces dispositions établissent un cadre procédural visant à assurer à la fois la simplicité, la rapidité et la transparence des opérations, tout en respectant les droits des débiteurs et des créanciers.

En premier lieu, l’article R. 233-3 confère au débiteur la faculté, dans un délai d’un mois à compter de la signification de la saisie, de donner l’ordre de vendre les valeurs mobilières saisies. Ce délai offre une marge de manœuvre permettant au débiteur de conserver une certaine maîtrise sur la gestion de ses actifs, tout en répondant aux impératifs de la procédure. Il est précisé que « le produit de la vente est indisponible entre les mains de l’intermédiaire habilité pour être affecté spécialement au paiement du créancier ». Cette indisponibilité garantit que les créanciers bénéficient en priorité du produit de la vente, protégeant ainsi leurs droits. En cas de vente excédant les sommes nécessaires pour désintéresser les créanciers, « l’indisponibilité cesse pour le surplus des valeurs mobilières saisies », restituant ainsi le solde au débiteur.

En second lieu, l’article R. 233-4 précise que, jusqu’à la réalisation de la vente forcée, le débiteur conserve la possibilité d’indiquer au tiers saisi l’ordre dans lequel les valeurs mobilières doivent être vendues. Ce pouvoir de priorisation permet d’optimiser la cession des actifs en fonction des préférences ou des contraintes économiques du débiteur. À défaut d’instruction expresse, « aucune contestation n’est recevable sur leur choix », ce qui confère à l’intermédiaire habilité une liberté d’exécution nécessaire à l’efficacité de la procédure.

Le déroulement de la procédure s’articule autour des étapes suivantes :

  • Signification de la saisie au débiteur : cette étape marque le point de départ du délai d’un mois imparti au débiteur pour donner l’ordre de vente des valeurs mobilières saisies, conformément à l’article R. 233-3.
  • Instruction de la vente par le débiteur : le débiteur peut ordonner la vente des valeurs mobilières, en précisant si nécessaire l’ordre dans lequel elles doivent être cédées, en application des articles R. 233-3 et R. 233-4.
  • Vente des valeurs mobilières : l’intermédiaire habilité procède à la vente selon les instructions du débiteur ou, à défaut, selon sa propre appréciation. Les produits de la vente sont indisponibles jusqu’à ce que les créanciers soient désintéressés.
  • Affectation des fonds : le produit de la vente est affecté prioritairement au paiement des créanciers. En cas d’excédent, le surplus est restitué au débiteur, mettant fin à l’indisponibilité.

==>Les valeurs mobilières non admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation

La licitation des valeurs mobilières non admises aux négociations sur des marchés réglementés ou des systèmes multilatéraux de négociation est régie par les articles R. 233-5 à R. 233-9 du Code des procédures civiles d’exécution. 

  • Tentative de vente amiable préalable
    • Conformément à l’article R. 233-5, la procédure débute par une tentative de vente amiable des valeurs mobilières. 
    • Si cette vente ne peut être réalisée dans les conditions prévues aux articles R. 221-30 à R. 221-32, une adjudication judiciaire est alors ordonnée. 
    • Cette étape préalable reflète une volonté de privilégier les solutions consensuelles et de réduire les coûts et les délais associés à une vente judiciaire.
  • Élaboration d’un cahier des charges
    • Avant la mise en vente, un cahier des charges doit être établi en application de l’article R. 233-6. Ce document joue un rôle central dans la procédure, car il contient :
      • Les statuts de la société concernée, afin de permettre une évaluation précise des droits mis en vente.
      • Tout document nécessaire à l’appréciation de la consistance et de la valeur des droits, garantissant ainsi la transparence des informations fournies aux enchérisseurs potentiels. 
    • Il peut être observé que les conventions instituant un agrément ou créant un droit de préférence au profit des associés ne s’imposent à l’adjudicataire que si elles figurent expressément dans le cahier des charges. 
  • Notification du cahier des charges
    • L’article R. 233-7 impose la notification du cahier des charges à la société concernée, qui doit à son tour en informer les associés.
    • Simultanément, une sommation est notifiée aux créanciers opposants, leur permettant de consulter le cahier des charges et, le cas échéant, de formuler des observations sur son contenu. 
    • Ces observations doivent être faites dans un délai de deux mois suivant la notification initiale, après quoi elles ne sont plus recevables. 
    • Ce mécanisme garantit que tous les intéressés disposent d’une opportunité équitable de participer au processus.
  • Publicité de la vente
    • Une fois le cahier des charges validé, une publicité de la vente est organisée conformément à l’article R. 233-8. 
    • Cette publicité doit indiquer les jour, heure et lieu de l’adjudication et est réalisée par voie de presse, voire par affichage si nécessaire. 
    • Elle doit être effectuée dans un délai compris entre quinze jours et un mois avant la date fixée pour la vente. 
    • Par ailleurs, le débiteur, la société et les créanciers opposants doivent être informés de cette date par notification individuelle.
  • Mise en œuvre des mécanismes conventionnels spécifiques
    • Avant l’adjudication, les mécanismes légaux ou conventionnels d’agrément, de préemption ou de substitution sont mis en œuvre conformément à l’article R. 233-9. 
    • Ces mécanismes permettent aux associés ou aux créanciers d’exercer leurs droits conformément aux statuts de la société ou aux conventions en vigueur.
  • Adjudication
    • L’adjudication elle-même suit les principes généraux des ventes judiciaires. 
    • L’adjudicataire, une fois déclaré, devient titulaire des droits incorporels cédés, sous réserve des restrictions éventuelles mentionnées dans le cahier des charges. 
    • Cette étape clôt la procédure et permet d’affecter le produit de la vente au paiement des créanciers, dans le respect des priorités établies.

b. La licitation des immeubles

L’article 1377, alinéa 2 du Code de procédure civile prévoit que « la vente est faite, pour les immeubles, selon les règles prévues aux articles 1271 à 1281 ». Ainsi, la licitation des immeubles dans le cadre d’un partage judiciaire est encadrée par des règles qui établissent un régime spécifique hérité de la tradition juridique antérieure, notamment de l’article 972 de l’ancien Code de procédure civile. Ce dernier renvoyait aux articles 953 et suivants lesquels régissaient la vente des biens immobiliers appartenant à des mineurs, reflétant déjà une volonté de protéger les intérêts des parties les plus vulnérables.

Ces dispositions, désormais modernisées, s’appliquent à la vente judiciaire des immeubles indivis, qu’ils appartiennent à des mineurs, à des majeurs en tutelle ou à plusieurs indivisaires dans le cadre d’un partage. Elles traduisent une continuité dans la recherche d’un équilibre entre la nécessité de mettre fin à l’indivision et la garantie d’une procédure équitable et sécurisée pour toutes les parties. 

i. Détermination des modalités de la vente

Conformément à l’article 1272 du Code de procédure civile, la licitation des biens immobiliers peut être réalisée soit à l’audience des criées, sous la supervision d’un juge désigné, soit devant un notaire commis à cet effet par le tribunal. Ce choix de modalité incombe au tribunal, qui dispose d’un pouvoir discrétionnaire, lui permettant d’opter pour l’une ou l’autre de ces solutions en fonction des circonstances et des intérêts en présence. Ce pouvoir, largement reconnu par la jurisprudence (Cass. civ., 20 janv. 1880, DP 1880, 1, p. 161), dispense le juge de motiver sa décision quant à la désignation d’un notaire ou à la tenue des enchères au tribunal.

Toutefois, une limite s’impose à ce pouvoir discrétionnaire. Lorsque tous les indivisaires, capables et présents, s’accordent unanimement pour demander une vente devant notaire, le tribunal est tenu de respecter cette demande, y compris en ce qui concerne le choix du notaire. Cette prérogative des indivisaires s’inscrit dans une logique de respect de la volonté collective des parties et s’applique indépendamment de la complexité de la situation ou de la nature des biens concernés.

En l’absence d’accord entre les indivisaires, le tribunal conserve l’entière maîtrise des modalités de la vente. Il peut notamment désigner un ou plusieurs notaires pour superviser la licitation. Lorsqu’il commet deux notaires, sans leur attribuer de mission particulière, ces derniers doivent agir de manière concertée. Ils ne peuvent agir indépendamment l’un de l’autre, notamment pour des actes aussi fondamentaux que l’établissement du cahier des charges. Cette exigence vise à garantir une parfaite régularité des opérations.

L’absence d’un notaire dans un tel cadre ne saurait être régularisée par la seule présence de témoins. Toutefois, il a été jugé que le cahier des charges établi par un notaire unique, bien que deux notaires aient été initialement désignés, reste valable dès lors que l’autre partie et son notaire s’étaient volontairement abstenus de comparaître (CA Rennes, 10 juill. 1957).

Le tribunal conserve par ailleurs un pouvoir discrétionnaire concernant le remplacement des notaires désignés. Ainsi, en cas de décès ou d’empêchement d’un notaire, il peut nommer un autre notaire ou, s’il en a désigné plusieurs avec une hiérarchie entre eux, intervertir les rôles initialement définis (Cass. 1ère civ., 9 janv. 1979, n°76-10.880).

Le choix entre la licitation à la barre du tribunal et celle devant notaire repose souvent sur des considérations pratiques. La licitation judiciaire, en raison des garanties procédurales qu’elle offre, est généralement privilégiée lorsqu’il existe des indivisaires mineurs ou incapables. À l’inverse, la licitation devant notaire tend à être plus attractive pour les tiers enchérisseurs, notamment lorsque l’étude notariale est située à proximité du bien immobilier concerné. Ce cadre flexible permet ainsi d’adapter les modalités de la procédure à l’intérêt des indivisaires et aux spécificités de chaque dossier.

ii. Fixation des conditions de vente

Une fois la licitation des biens immobiliers ordonnée, le tribunal est chargé de fixer les conditions essentielles de la vente. Conformément à l’article 1273 du Code de procédure civile, cette prérogative intéresse principalement la détermination de la mise à prix de chaque bien concerné. Le tribunal peut également prévoir que, si aucune enchère n’atteint cette mise à prix initiale, la vente puisse s’effectuer sur une mise à prix inférieure, qu’il fixe lui-même. Ce mécanisme, souvent étagé, vise à garantir la réalisation effective de la vente tout en préservant au mieux les intérêts des indivisaires.

La mise à prix constitue un élément central de la procédure de licitation. Elle correspond au montant minimum à partir duquel les enchères peuvent débuter. Si les indivisaires, tous capables et présents, s’accordent à l’unanimité sur les conditions de la vente, ils peuvent convenir eux-mêmes de cette mise à prix et des modalités y afférentes. Cependant, en l’absence d’un tel accord, il revient au tribunal de trancher et de fixer les conditions de manière souveraine (art. 1377, al. 1er CPC).

Dans l’exercice de cette prérogative, le tribunal dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Il peut, par exemple, décider que la mise à prix initiale pourra être abaissée en cas d’absence d’enchères atteignant ce montant. Ce mécanisme progressif, par paliers successifs (par exemple, un quart ou une moitié en moins), est conçu pour assurer l’attractivité de la vente tout en veillant à ne pas sacrifier la valeur des biens (Cass. 1re civ., 23 juill. 1979, n°78-10.067).

Pour fixer une mise à prix réaliste et adaptée, le tribunal peut ordonner une estimation totale ou partielle des biens si leur consistance ou leur valeur le justifie (art. 1273, al. 2 CPC). Cette mesure est néanmoins facultative et relève de la seule appréciation du juge. Ainsi, le tribunal n’est pas tenu d’ordonner une expertise, même si elle est sollicitée, ni de se conformer aux conclusions du rapport d’un expert lorsqu’il en a désigné un (Cass. 1ère civ., 2 mars 1966). 

En tout état de cause, la fixation des conditions de vente par le tribunal doit reposer sur une analyse, au cas par cas, des circonstances. L’objectif est d’assurer une juste valorisation des biens indivis tout en facilitant leur réalisation lors de la vente. Cette démarche équilibrée tient compte des intérêts des indivisaires et de l’attractivité nécessaire pour susciter l’intérêt des enchérisseurs.

iii. L’établissement du cahier des charges

Le cahier des charges, pièce essentielle de la procédure de licitation, constitue le cadre juridique définissant les modalités de la vente et les engagements des parties. Prévu par l’article 1275 du Code de procédure civile, il doit être établi avec rigueur, car il devient la « loi des parties » une fois déposé. Ce document, obligatoire selon la jurisprudence (Cass. 3e civ., 27 févr. 2002, n°00-15.317), joue un rôle central en structurant les étapes de la vente, garantissant ainsi la transparence et l’équité de la procédure.

==>La rédaction du cahier des charges

Le rédacteur du cahier des charges est désigné en fonction de la modalité choisie pour la licitation :

  • Licitation à l’audience des criées : dans ce cas, l’avocat représentant le copartageant à l’origine de la procédure est chargé de la rédaction. Il lui revient de déposer le cahier des charges au greffe du tribunal, conformément aux règles procédurales applicables. Ce dépôt garantit l’accessibilité du document à toutes les parties intéressées, notamment les autres indivisaires.
  • Licitation devant notaire : lorsque la vente est confiée à un notaire commis par le tribunal, c’est à ce dernier que revient la responsabilité de rédiger le cahier des charges. Cette attribution est cohérente avec les missions du notaire en tant qu’officier public, garantissant la régularité et la sécurité juridique des opérations.

S’agissant du contenu du cahier des charges, il est déterminé par les parties lorsqu’elles parviennent à un accord unanime. À défaut d’un tel accord, il appartient au tribunal de fixer les conditions essentielles de la vente dans son jugement. Ce document doit obligatoirement comporter les éléments suivants :

  • Le jugement ayant ordonné la vente : cette mention permet d’identifier précisément la base légale et la décision judiciaire ayant autorisé la licitation.
  • La description détaillée des biens à vendre : le cahier des charges doit fournir une description précise et exhaustive des biens concernés, y compris leur nature, leur situation géographique et, le cas échéant, leur état locatif. Cette exigence vise à garantir que les enchérisseurs potentiels disposent de toutes les informations nécessaires pour évaluer les biens et formuler des offres éclairées.
  • La mise à prix et les conditions essentielles de la vente : le document doit préciser le montant de la mise à prix fixé par le tribunal ou convenu par les parties, ainsi que les modalités de l’adjudication. Ces conditions incluent notamment les délais de paiement et les éventuelles garanties exigées des enchérisseurs.
  • Vente d’un fonds de commerce : lorsque la vente porte sur un fonds de commerce, le cahier des charges spécifie la nature et la situation tant du fonds que des divers éléments qui le composent, ainsi que les obligations qui seront imposées à l’acquéreur, notamment quant aux marchandises qui garnissent le fonds.

==>La mie à disposition du cahier des charges

Une fois rédigé, le cahier des charges devient un élément essentiel de la procédure de licitation, car il formalise les conditions de vente et sert de référence pour toutes les parties impliquées. Sa mise à disposition est encadrée de manière à garantir une transparence totale et à permettre aux indivisaires, ainsi qu’à tout tiers intéressé, de participer efficacement à la procédure.

Le mode de dépôt ou de mise à disposition du cahier des charges dépend de la modalité de licitation choisie :

  • Dans le cadre d’une licitation à la barre : lorsque la vente a lieu à l’audience des criées, le cahier des charges est déposé au greffe du tribunal. Ce dépôt revêt une importance particulière, car il permet à toutes les parties concernées de prendre connaissance des termes de la vente avant que les enchères ne soient réalisées. Il garantit ainsi l’équité procédurale en offrant à chaque indivisaire une possibilité d’examen des conditions fixées.
  • Dans le cadre d’une licitation devant notaire : lorsque la vente est organisée par un notaire, le cahier des charges est tenu à disposition dans l’étude notariale. Cette modalité, plus flexible, permet une consultation directe par les indivisaires ou par les tiers intéressés, qui peuvent se rendre chez le notaire pour en prendre connaissance. Cela est particulièrement avantageux lorsque le notaire est situé à proximité des biens à vendre, facilitant ainsi l’accès à l’information pour les personnes concernées.

Dans les deux cas, l’objectif de cette mise à disposition est de garantir une information complète et accessible, tout en permettant aux parties de préparer leur éventuelle participation aux enchères ou d’émettre des observations sur le contenu du cahier des charges.

Historiquement, l’ancien article 973 du Code de procédure civile imposait une sommation formelle aux copartageants de prendre connaissance du cahier des charges dans un délai de huit jours suivant son dépôt. Cette disposition visait à instituer une procédure rigoureuse, offrant un cadre temporel précis pour s’assurer que chaque partie avait été informée des conditions de la vente et pouvait, en cas de désaccord, soulever des observations ou contestations.

En cas de difficulté ou de litige concernant le cahier des charges, les contestations étaient réglées à l’audience, permettant au tribunal d’intervenir pour trancher les désaccords. Cette procédure renforçait la sécurité juridique et offrait une voie directe de résolution des différends avant la tenue des enchères.

Cependant, cette exigence de sommation formelle n’a pas été reprise dans les textes actuels. Son absence a été critiquée, car elle laisse une zone d’incertitude quant à la manière dont les parties doivent être informées. En pratique, cette lacune impose désormais aux tribunaux une responsabilité accrue pour s’assurer que les indivisaires et les autres parties intéressées soient dûment informés et disposent d’une possibilité effective de consultation.

Bien que les textes actuels ne prévoient plus de sommation formelle, la nécessité d’informer les parties reste une exigence implicite. Les juridictions, en particulier dans le cadre des licitations à la barre, veillent à ce que les copartageants soient informés de la mise à disposition du cahier des charges et disposent d’un délai raisonnable pour en prendre connaissance.

Il est souvent palier à ce silence textuel par les pratiques notariales ou judiciaires. Les notaires, par exemple, adoptent des mesures pratiques pour garantir l’accessibilité du cahier des charges, notamment en informant directement les indivisaires ou en utilisant des moyens de communication modernes comme les courriers électroniques. De même, les greffes des tribunaux facilitent la consultation des documents déposés.

Le cahier des charges, en plus de constituer un cadre pour la vente, permet aux indivisaires et aux tiers intéressés d’exercer pleinement leurs droits. Sa consultation préalable est cruciale pour que les parties puissent :

  • Vérifier les conditions de la vente et la mise à prix fixée ;
  • Identifier les éventuelles erreurs ou omissions dans la description des biens ;
  • Proposer des rectifications ou formuler des observations avant l’enchère.

Les éventuels désaccords ou observations des parties peuvent être soumis au tribunal ou au notaire, selon la modalité de licitation choisie, avant la finalisation de la vente. Ainsi, le cahier des charges joue un rôle non seulement informatif, mais également participatif, en permettant aux parties de contribuer au bon déroulement de la procédure.

==>La force obligatoire du cahier des charges

Il est admis que le cahier des charges s’analyse comme une véritable offre de vente formulée aux conditions qu’il définit, son acceptation par l’adjudicataire entraînant la formation du contrat (art. 1103 C. civ.). Ce document, qui fixe les règles et conditions essentielles de la vente, tient ainsi lieu de « loi aux parties » et ne peut être modifié unilatéralement après son dépôt.

En effet, une fois déposé au greffe ou tenu à disposition dans l’étude notariale, le cahier des charges acquiert une force obligatoire. En conséquence, aucun copartageant ne peut le modifier de manière unilatérale. Cette règle a été consacrée par la jurisprudence, qui a affirmé que toute tentative de modification sans l’accord des autres parties est nulle et non avenue (Cass. 1re civ., 27 janv. 1998, n°95-15.296). 

Toutefois, avant qu’il ne devienne définitif, le cahier des charges n’est qu’un projet, soumis à l’approbation des indivisaires. Cette étape préliminaire permet aux parties de proposer des rectifications légitimes, lesquelles doivent être intégrées, sous réserve d’un consensus. En cas de désaccord persistant entre les indivisaires, ces rectifications peuvent être soumises à l’appréciation du tribunal, qui tranchera la question.

Le notaire ou l’avocat chargé de la rédaction du cahier des charges agit comme mandataire des parties. À ce titre, il doit prendre en considération la volonté collective des indivisaires et veiller à exprimer fidèlement leurs intérêts communs. Bien qu’il dispose d’une certaine autonomie dans la rédaction du document, il a l’obligation d’accueillir favorablement toute demande de modification justifiée par l’un des indivisaires et de consulter les autres parties sur ces propositions.

Ce rôle de mandataire implique également une responsabilité en cas d’omission ou d’erreur dans le cahier des charges. Si le rédacteur néglige de prendre en compte des observations légitimes ou ne respecte pas les exigences légales, les parties concernées peuvent solliciter une révision du document ou engager sa responsabilité.

La jurisprudence, notamment par un arrêt de la Cour de cassation du 25 octobre 1972, a rappelé qu’il est possible, même après qu’une décision irrévocable a ordonné une licitation, de demander la stipulation d’une clause dans le cahier des charges, sous réserve que cette demande ne porte pas sur un point ayant acquis l’autorité de la chose jugée (Cass. 1ère civ., 25 oct. 1972, n°71-11.018).

Dans cette affaire, la Cour d’appel avait rejeté une demande d’ajout d’une clause d’attribution préférentielle d’une villa au motif qu’un arrêt antérieur, devenu irrévocable, avait ordonné une licitation « pure et simple ». Toutefois, la Cour de cassation a censuré cette position en considérant que l’arrêt antérieur n’avait pas statué sur la question de l’attribution préférentielle et ne pouvait donc avoir autorité de chose jugée sur ce point. Elle a précisé que l’autorité de la chose jugée ne s’applique qu’aux éléments expressément tranchés par la décision initiale, laissant ainsi la possibilité d’adapter le cahier des charges à des éléments non réglés dans le jugement de licitation.

Cette souplesse dans l’élaboration ou la modification du cahier des charges est toutefois encadrée par des limites strictes. Une fois la licitation réalisée, les possibilités de modification deviennent considérablement réduites. Par exemple, une clause stipulée au profit d’un indivisaire mais non approuvée par les autres copartageants ne peut leur être imposée. Cette position a été clairement établie par la jurisprudence (Cass. Com., 4 févr. 1970, n° 68-11.811).

En outre, une « déclaration d’adjudicataire » déposée après l’adjudication, sans être reprise dans le cahier des charges, est considérée comme nulle. La Cour de cassation, dans un arrêt du 27 janvier 1998 a fermement rappelé que le cahier des charges fait la loi des parties (Cass. 1ère civ. 1re, 27 janv. 1998, n°95-15.296). En l’espèce, une déclaration déposée postérieurement à l’adjudication, par laquelle certains indivisaires tentaient de modifier les modalités de la vente pour prévoir une attribution à titre de partage et non de licitation, n’a pas été reconnue comme valable.

La Haute juridiction a souligné que le cahier des charges, qui fixe les conditions essentielles de la vente, est un document juridiquement contraignant. Une fois adopté, il constitue un cadre immuable qui ne peut être modifié que dans les formes prévues par la procédure. La « déclaration d’adjudicataire » en question, déposée après l’adjudication, n’ayant pas été reprise dans le cahier des charges avant cette dernière, n’avait donc aucune valeur juridique et ne pouvait être opposée ni aux autres indivisaires ni au nouvel adjudicataire.

En refusant de donner effet à cette déclaration tardive, la Cour de cassation a réaffirmé non seulement la force obligatoire du cahier des charges, mais également l’exigence de rigueur et de sécurité juridique qui préside à la procédure de licitation. En effet, permettre de telles modifications après coup compromettrait l’équité entre les parties et ouvrirait la voie à des contestations pouvant déstabiliser le processus de vente.

Ainsi, cette solution, protectrice des droits des parties, garantit que les termes de la vente restent inchangés après leur adoption, conformément au principe de force obligatoire des conventions (art. 1103 C. civ.). En l’absence de toute stipulation préalable dans le cahier des charges, une déclaration postérieure ne saurait avoir d’effet juridique, quel que soit son contenu ou les intentions des parties concernées.

==>Les clauses spécifiques du cahier des charges

Le cahier des charges peut comporter des clauses spécifiques destinées à encadrer la procédure et à clarifier les droits des parties. Parmi celles-ci, deux clauses méritent une attention particulière : la clause de substitution et la mention relative à l’état locatif des biens.

  • La clause de substitution
    • La clause de substitution permet à un indivisaire de se substituer à l’adjudicataire tiers dans un délai déterminé, sous réserve des conditions précisées dans le cahier des charges. 
    • Cette clause, parfaitement licite au regard de l’article 1102 du Code civil, s’analyse en un prolongement des droits de substitution déjà prévus par l’article 815-15 du Code civil. 
    • Tandis que ce dernier s’applique uniquement lorsque l’adjudication porte sur les droits indivis d’un indivisaire, la clause stipulée dans le cahier des charges peut élargir ce droit à l’ensemble des biens indivis.
    • La jurisprudence a confirmé la validité de cette clause, en précisant qu’elle doit figurer dans le cahier des charges pour produire ses effets. 
    • Ainsi, dans un arrêt du 17 mars 2010, il a été jugé par la Cour de cassation que « le cahier des charges faisant la loi des parties à l’adjudication », une clause de substitution figurant dans celui-ci est parfaitement valable (Cass. 1ère civ., 17 mars 2010, n°08-21.554). 
    • A cet égard, lorsque plusieurs indivisaires invoquent la clause, la substitution est accordée à celui qui en fait la demande en premier, conformément au principe prior tempore potior jure (Cass. 1ère civ., 7 oct. 1997, n°95-17.071).
    • Enfin, le cahier des charges peut exiger le dépôt préalable du prix d’adjudication par l’indivisaire souhaitant exercer la substitution (Cass. 2e civ., 6 oct. 1993, n°90-18.590). 
    • Cette condition vise à prévenir toute contestation ultérieure et à garantir la sécurité de la transaction.
  • La mention relative à l’état locatif des biens
    • Le cahier des charges doit également comporter une mention sur l’état locatif des biens, en application de l’article 1112-1 du Code civil. 
    • Cette obligation d’information permet à l’adjudicataire de connaître l’existence éventuelle de baux en cours, ceux-ci étant opposables, même s’ils ont été conclus par un seul des indivisaires (Cass. 1ère civ., 19 mars 1991, n°89-20.352).
    • La jurisprudence a fermement établi qu’un bail régulièrement consenti par un indivisaire engage l’adjudicataire, lequel devra le respecter (Cass. 1ère civ., 18 juin 1973, n° 72-11.239).
    • En revanche, si un doute persiste quant aux droits du locataire, notamment en cas de contentieux en cours, une mention explicative doit figurer dans le cahier des charges (Cass. 2e civ., 13 nov. 1959).
    • Par ailleurs, l’absence d’une telle mention dans le cahier des charges pourrait engager la responsabilité du rédacteur si elle entraîne un préjudice pour l’adjudicataire. 
    • Toutefois, cette responsabilité ne saurait être retenue si l’adjudicataire avait connaissance de l’existence du bail (Cass. 1ère civ., 26 nov. 1996, n°94-20.334).

iv. La publicité de la vente

La publicité de la vente est une étape importante de la procédure de licitation, car elle vise à garantir à la fois la transparence et une concurrence loyale entre les enchérisseurs potentiels. Elle est encadrée par l’article 1274 du Code de procédure civile, qui confère au tribunal la mission de déterminer les modalités de cette publicité en tenant compte de trois critères : la valeur, la nature et la situation des biens concernés.

==>Les critères d’appréciation du juge

Le tribunal exerce un pouvoir discrétionnaire pour adapter les modalités de publicité aux spécificités du bien à vendre. Ainsi, il doit tenir compte : 

  • De la valeur du bien : un bien immobilier de grande valeur peut nécessiter une publicité plus large, par exemple au niveau national, afin d’attirer des acquéreurs disposant des ressources nécessaires. À l’inverse, pour un bien de moindre valeur, une publicité locale peut suffire.
  • De la nature du bien : un immeuble résidentiel, un local commercial ou un terrain nu n’attireront pas le même type d’enchérisseurs. Le choix des supports publicitaires doit donc être adapté au public cible.
  • De la situation géographique des biens : les biens situés dans des zones rurales, moins fréquentées, peuvent nécessiter une publicité étendue pour compenser leur faible visibilité locale, tandis que les biens situés en centre-ville peuvent bénéficier d’une couverture plus ciblée.

==>Les formes de publicité

En pratique, la publicité prend des formes variées, définies en fonction des critères précités et des usages locaux. 

Elle inclut généralement :

  • Des annonces dans des journaux : les annonces légales publiées dans des journaux spécialisés ou locaux constituent une méthode classique de publicité. Ces annonces doivent préciser les informations essentielles, telles que la description du bien, la mise à prix, la date et le lieu de l’adjudication.
  • Des affiches : l’apposition d’affiches sur les lieux du bien est également une méthode fréquente, permettant d’informer les riverains et les passants.
  • D’autres moyens adaptés : le tribunal peut également prescrire l’utilisation de supports numériques, comme des annonces sur des sites spécialisés dans les ventes immobilières, ou encore des campagnes de diffusion via des agences immobilières.

==>Finalité de la publicité

La principale finalité de la publicité est de garantir une information large et accessible, afin d’attirer un maximum d’enchérisseurs potentiels. Cette mise en concurrence permet de maximiser le prix obtenu lors de la vente, ce qui est dans l’intérêt des indivisaires. En outre, la publicité renforce la transparence de la procédure, en minimisant les risques de contestation liés à un manque d’information.

==>Contrôle des mesures de publicité

Le tribunal joue un rôle central dans le contrôle de la publicité. Il peut, si nécessaire, exiger des preuves de la réalisation des mesures publicitaires prescrites, comme des attestations de publication ou des photographies des affiches apposées. 

En cas de manquement aux modalités fixées, la procédure de vente pourrait être annulée, mettant en jeu la responsabilité du rédacteur du cahier des charges ou des officiers publics impliqués.

v. L’information des indivisaires

L’article 1276 du Code de procédure civile institue une obligation d’informer les indivisaires de la vente d’un bien indivis au moins un mois avant la réalisation de cette dernière. 

Cette notification de la vente aux indivisaires conditionne la régularité de la procédure. Elle vise à garantir que chaque indivisaire, qu’il soit présent ou absent, puisse prendre connaissance de l’opération envisagée et exercer ses droits, notamment celui de contester ou d’intervenir dans la procédure. En effet, la vente d’un bien indivis affecte directement les droits patrimoniaux des indivisaires, qui détiennent chacun une quote-part dans l’indivision.

Le délai d’un mois prévu par l’article 1276 constitue un minimum légal, permettant à chaque indivisaire de disposer du temps nécessaire pour évaluer l’opération, solliciter des conseils juridiques ou formuler d’éventuelles observations. Ce délai doit être strictement respecté, sous peine de nullité de la procédure.

Le soin de notifier la vente aux indivisaires incombe au rédacteur du cahier des charges, généralement un notaire ou un avocat désigné dans le cadre de la procédure. Ce professionnel a une mission essentielle : veiller à ce que tous les indivisaires, sans exception, soient informés de manière claire et précise. Cette notification doit mentionner les éléments suivants :

  • La date et le lieu de la vente ;
  • Les modalités de cette dernière (vente amiable ou vente judiciaire) ;
  • Les informations relatives au bien vendu (descriptif, mise à prix, etc.) ;
  • Les droits dont disposent les indivisaires, notamment la possibilité d’en contester les conditions.

Le rédacteur du cahier des charges doit s’assurer que la notification soit effectuée par un moyen permettant d’en garantir la réception, par exemple par lettre recommandée avec accusé de réception ou par acte d’huissier. En cas de difficulté, notamment en cas d’indivisaires introuvables ou absents, le professionnel peut solliciter l’autorisation du juge afin de procéder à une notification par voie de publication ou par tout autre moyen adapté.

L’absence ou l’insuffisance de la notification peut entraîner de lourdes conséquences juridiques. En cas de non-respect de cette obligation, l’indivisaire lésé dispose d’un recours en annulation de la vente. La jurisprudence est constante sur ce point, estimant que toute atteinte aux droits procéduraux des indivisaires constitue une irrégularité substantielle.

En outre, l’absence de notification peut également engager la responsabilité civile du rédacteur du cahier des charges, si ce manquement cause un préjudice aux indivisaires. Par exemple, si la vente est annulée en raison de cette irrégularité, les frais supplémentaires engagés pourront être réclamés au professionnel défaillant.

Dans les situations où les indivisaires sont en conflit ou en cas de difficulté particulière dans la gestion de l’indivision, cette obligation d’information revêt une importance particulière. Elle permet d’éviter que certains indivisaires ne soient écartés des décisions importantes et garantit que la vente s’effectue dans des conditions transparentes et conformes aux règles légales.

vi. La procédure d’adjudication

L’adjudication d’un bien indivis, qu’elle soit réalisée à la barre du tribunal ou devant un notaire, constitue une étape cruciale du processus de vente. Régie par les articles 1277 et 1278 du Code de procédure civile ainsi que par les dispositions spécifiques du Code des procédures civiles d’exécution, cette phase requiert un respect rigoureux des règles de publicité et des formalités prescrites. Ces règles, empruntées à la saisie immobilière, visent à garantir la transparence et l’équité de la procédure tout en protégeant les intérêts des parties concernées.

==>Les règles générales d’adjudication

  • Les modalités d’adjudication
    • L’adjudication se tient selon les modalités fixées par le tribunal dans le cadre de la vente en indivision. Elle peut se dérouler dans deux contextes distincts :
      • À l’audience des criées : les enchères doivent être portées par le ministère d’un avocat, conformément à l’article R. 322-40 du Code des procédures civiles d’exécution. L’avocat, en sa qualité de mandataire de l’acheteur, ne peut être porteur que d’un seul mandat, ce qui garantit l’intégrité et l’indépendance de la procédure.
      • Devant un notaire : dans ce cas, les enchères peuvent être reçues directement par ce dernier, sans que le recours au ministère d’un avocat soit requis (CPC, art. 1278, al. 2). Ce mécanisme vise à simplifier la procédure tout en assurant la sécurité juridique grâce à l’intervention d’un officier public.
  • La capacité des enchérisseurs
    • L’article R. 322-39 du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE) établit des restrictions quant aux personnes pouvant participer aux enchères publiques lors d’une procédure d’adjudication. 
    • Ces restrictions visent à prévenir les conflits d’intérêts, à protéger l’intégrité de la procédure et à maintenir la confiance des parties impliquées et du public dans la transparence des opérations.
    • Au nombre des personnes frappées d’une encapacité de participer aux enchères figurent :
      • Le débiteur saisi
        • Le débiteur saisi est interdit de participer aux enchères, que ce soit directement ou par personne interposée. 
        • Cette interdiction s’applique essentiellement dans le cadre des ventes sur saisie immobilière mais peut être étendue par analogie aux ventes en licitation judiciaire lorsqu’un indivisaire demande la vente.
        • Cette incapacité vise à éviter que le débiteur, tenu de vendre ses biens pour apurer ses dettes ou régler une situation d’indivision, ne puisse racheter son propre bien pour échapper à l’obligation de paiement.
        • Une telle participation compromettrait la finalité de la procédure, qui est d’organiser une redistribution équitable du produit de la vente entre créanciers ou indivisaires.
      • Les auxiliaires de justice ayant participé à la procédure
        • Les auxiliaires de justice étant intervenu dans la procédure à un quelconque titre (avocats, notaires, huissiers, ou même mandataires judiciaires) sont également frappés d’une incapacité de participer aux enchères.
        • Cette interdiction s’explique par leur rôle central dans le bon déroulement de la procédure : ces professionnels doivent garantir l’impartialité et l’équilibre entre les parties.
        • Une participation de leur part serait perçue comme contraire à leur obligation de neutralité et pourrait engendrer des soupçons de conflit d’intérêts ou de favoritisme.
        • Exemple : un avocat qui a rédigé le cahier des charges ou représenté une des parties dans la procédure pourrait être accusé d’avoir utilisé ses connaissances privilégiées pour influencer ou manipuler le processus.
      • Les magistrats de la juridiction ayant ordonné la vente
        • Les magistrats ayant pris part à la juridiction où la vente a été ordonnée ou supervisée sont également exclus des enchères.
        • Cette incapacité découle directement des principes de séparation des pouvoirs et d’impartialité de la justice.
        • Permettre à un magistrat de participer aux enchères soulèverait des doutes sur la légitimité des décisions rendues, notamment en cas de fixation d’une mise à prix jugée favorable ou d’autres conditions de vente.
    • La participation d’une personne frappée d’incapacité peut entraîner des conséquences importantes :
        • Nullité de l’enchère et de l’adjudication : toute enchère portée par une personne incapable est frappée de nullité (articles R. 322-48 et R. 322-49 du CPCE).
        • Responsabilité disciplinaire ou pénale : Pour les auxiliaires de justice ou magistrats, une telle participation pourrait donner lieu à des poursuites disciplinaires pour manquement à leurs obligations professionnelles, voire à des sanctions pénales en cas de collusion ou d’abus de fonction.
  • La représentation des enchérisseurs
    • La représentation des enchérisseurs lors d’une adjudication diffère selon que la procédure se déroule devant le tribunal ou devant un notaire. 
      • Ministère obligatoire d’un avocat devant le tribunal
        • Lorsqu’une adjudication se déroule à la barre du tribunal, les enchères doivent obligatoirement être portées par le ministère d’un avocat inscrit au barreau du tribunal judiciaire compétent. Cette obligation poursuit plusieurs objectifs essentiels :
          • Garantir la sécurité juridique : l’avocat, en tant que professionnel du droit, maîtrise les règles de la procédure et peut éviter à son mandant des erreurs susceptibles d’entraîner la nullité des enchères ou des contestations.
          • Assurer la transparence et l’équité de la procédure : en n’autorisant qu’un avocat par enchérisseur, le législateur prévient tout conflit d’intérêts ou stratégie dilatoire. En effet, l’article R. 322-40 du CPCE stipule que l’avocat ne peut représenter qu’un seul client, ce qui garantit l’impartialité des enchères.
          • Encadrer les garanties financières : avant de porter une enchère, l’avocat doit se faire remettre par son client une caution bancaire ou un chèque de banque couvrant au moins 10 % de la mise à prix, conformément à l’article R. 322-41 du CPCE.
        • Cette garantie vise à éviter que des enchères soient portées par des personnes insolvables.
        • L’avocat agit en qualité de mandataire exclusif de l’enchérisseur.
        • A cet égard, il est responsable de vérifier que son mandant respecte les exigences de capacité (articles R. 322-39 et R. 322-41-1 du CPCE) et qu’il dispose des moyens financiers nécessaires.
        • À l’issue de l’audience, il déclare au greffier l’identité de son mandant et fournit les documents requis, notamment les attestations de capacité ou de garanties financières (article R. 322-46 du CPCE).
      • Dispense de représentation par avocat devant le notaire
        • En application de l’article 1278, alinéa 2, du Code de procédure civile, les enchères portées devant un notaire ne nécessitent pas le ministère d’un avocat. 
        • La raison en est que les enchères devant un notaire sont souvent moins formelles que celles organisées par un tribunal.
        • Par ailleurs, en tant qu’officier public, le notaire est lui-même garant de la sécurité juridique et peut remplir certaines fonctions qu’un avocat aurait assumées devant le tribunal.
        • En outre, lorsqu’une licitation judiciaire est organisée devant un notaire, les participants sont souvent limités aux indivisaires ou à des tiers connus, ce qui réduit le risque de contentieux.
        • Bien que le ministère d’avocat ne soit pas obligatoire, le notaire doit veiller à l’application des règles essentielles, notamment :
          • Le respect des dispositions prévues dans le cahier des charges.
          • Le respect des garanties financières prévues à l’article R. 322-41 du CPCE ;
          • L’application des règles d’incapacité posées par l’article R. 322-39 du CPCE, excluant notamment les magistrats et auxiliaires de justice impliqués dans la procédure.
        • Enfin, c’est au notaire, qu’il incombe de rédiger le procès-verbal d’adjudication, qui constitue la base du titre de propriété.
  •  

==>Déroulement de l’audience d’adjudication

L’audience d’adjudication est le moment décisif de la procédure, où les enchères sont portées publiquement afin de déterminer l’adjudicataire final du bien indivis. Elle est encadrée par des règles strictes prévues par le Code des procédures civiles d’exécution (CPCE), afin de garantir la transparence, l’équité et la sécurité juridique des opérations. L’audience se déroule en plusieurs phases :

  • Ouverture des enchères
    • Annonce des frais
      • conformément à l’article R. 322-42 du CPCE, le juge ouvre les enchères en commençant par annoncer publiquement les frais liés à la procédure, notamment :
        • Les frais de poursuite, engagés par le créancier poursuivant pour mener à bien la procédure.
        • Les frais de surenchère, si applicable, justifiés par le surenchérisseur éventuel.
      • Cette étape garantit que l’ensemble des participants soit informé des coûts qui s’ajouteront au prix d’adjudication.
      • Toute somme exigée au-delà des frais annoncés est réputée non écrite.
    • Rappel du montant de la mise à prix
      • Ensuite, le juge rappelle que les enchères partiront du montant de la mise à prix, tel que fixé dans le cahier des charges ou par une décision judiciaire (article R. 322-43 du CPCE).
      • La mise à prix est le montant minimal en dessous duquel aucune enchère ne peut être validée, sauf en cas de remise en vente à prix réduit (prévue par l’article R. 322-47 du CPCE).
      • Ce rappel par le juge vise à garantir que les enchères débutent sur une base claire et connue de tous les participants.
      • Cette étape marque l’ouverture officielle des enchères et donne le cadre dans lequel elles se dérouleront.
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  • Port des enchères
    • Le port des enchères suit des règles strictes, destinées à garantir l’équité entre les participants et à permettre une progression ordonnée des offres.
      • Des enchères pures et simples (article R. 322-44 du CPCE)
        • Les enchères doivent être pures et simples, c’est-à-dire :
          • Sans condition ni réserve : Chaque enchère est définitive et engage immédiatement celui qui la porte.
          • Progression obligatoire : Chaque enchère doit couvrir l’enchère précédente, ce qui exclut les offres inférieures ou égales à la dernière enchère.
        • Ce principe assure une montée progressive des offres et empêche tout blocage ou stratégie dilatoire de la part des participants.
      • Temps limite pour les enchères (article R. 322-45 du CPCE)
        • Les enchères sont arrêtées dès lors qu’un délai de 90 secondes s’écoule sans qu’aucune nouvelle enchère ne soit portée.
        • Ce délai est mesuré par un système visuel ou sonore, qui signale au public chaque seconde écoulée.
        • Ce mécanisme évite les hésitations prolongées et favorise un déroulement fluide de l’audience.
        • Ce temps limite est particulièrement utile pour clôturer les enchères dans un cadre clair, en laissant une opportunité raisonnable aux participants de se manifester sans prolonger inutilement la procédure.
    •  
    •  
  • Constatation de l’adjudication
    • Une fois les enchères arrêtées, le juge constate immédiatement le montant de la dernière enchère et en tire les conséquences juridiques :
      • Si la dernière enchère atteint ou dépasse la mise à prix, l’adjudication est définitive. 
      • Dans le cas contraire, une adjudication provisoire peut être prononcée en attendant une éventuelle nouvelle audience, conformément à l’article 1277 du Code de procédure civile.
      • Le juge établit un procès-verbal d’adjudication, qui formalise le transfert du bien à l’enchérisseur déclaré adjudicataire.
      • Ce procès-verbal servira de base pour la délivrance du titre de propriété (article R. 322-59 du CPCE).

==>Conséquences de l’adjudication

L’adjudication, point culminant de la vente aux enchères, peut être qualifiée de définitive ou provisoire selon que l’enchère atteint ou non le montant de la mise à prix fixée. Chaque qualification, encadrée par les dispositions du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE) et du Code de procédure civile, emporte des conséquences juridiques et pratiques distinctes.

  • L’enchère atteint le montant de la mise à prix : l’adjudication définitive
    • L’adjudication est qualifiée de définitive dès lors que l’enchère couvre ou dépasse le montant fixé comme mise à prix dans le cahier des charges ou par décision judiciaire. 
    • Conformément à l’article R. 322-45 du CPCE, le juge constate immédiatement cette adjudication, ce qui engage irrévocablement l’enchérisseur déclaré adjudicataire.
    • L’adjudication définitive emporte des effets juridiques majeurs. 
    • Elle entraîne d’abord le transfert de propriété au bénéfice de l’adjudicataire, sous réserve du paiement intégral du prix d’adjudication et des frais taxés. 
    • Ce transfert de propriété est juridiquement certain et opposable aux tiers dès la prononciation du jugement d’adjudication. 
    • Ainsi, l’adjudication garantit aux créanciers ou indivisaires que le bien a été vendu à un prix conforme aux attentes, qu’il s’agisse de la mise à prix initiale ou des conditions du marché.
    • L’adjudicataire a également l’obligation de s’acquitter du prix et des frais dans les délais prescrits par la loi. 
    • En cas de défaillance, il s’expose à une réitération des enchères, assortie de sanctions financières, conformément à l’article R. 322-66 du CPCE. 
    • Ce mécanisme vise à protéger les intérêts des créanciers ou indivisaires en assurant que l’adjudication atteigne son objectif final.
  • L’enchère n’atteint pas le montant de la mise à prix : l’adjudication provisoire ou la remise en vente
    • Lorsque les enchères ne permettent pas de couvrir la mise à prix fixée dans le cahier des charges ou par décision judiciaire, la procédure prévoit deux issues distinctes : la remise en vente immédiate ou l’adjudication provisoire.
      • La remise en vente immédiate bien (article R. 322-47 du CPCE)
        • Si aucune enchère ne parvient à couvrir le montant de la mise à prix initiale, le juge peut prévoir, dès l’établissement du cahier des charges, une remise en vente immédiate du bien.
        • La remise en vente immédiate repose sur un mécanisme de réduction successive de la mise à prix. 
        • Le montant de la mise à prix peut être progressivement diminué par paliers, afin d’accroître les chances de susciter l’intérêt des enchérisseurs. 
        • Ce processus se poursuit jusqu’à ce qu’une enchère soit portée ou, à défaut, jusqu’au montant minimal prévu dans le cahier des charges.
        • Cette nouvelle mise en vente est organisée dans les mêmes conditions de publicité et de transparence que l’adjudication initiale. 
        • Les formalités légales de publicité doivent être respectées pour garantir que les nouvelles conditions de la vente soient portées à la connaissance de tous les participants potentiels, assurant ainsi l’équité de la procédure.
        • L’objectif principal de la remise en vente est d’éviter une situation de blocage qui pourrait compromettre la vente.
        • En procédant ainsi, le juge maximise les opportunités de trouver un acquéreur tout en préservant les intérêts économiques des indivisaires ou des créanciers concernés.
      • Adjudication provisoire (article 1277 du Code de procédure civile)
        • Si le cahier des charges ou la décision du juge n’autorise pas une remise en vente immédiate, une adjudication provisoire peut être prononcée au profit de l’enchérisseur ayant formulé l’offre la plus élevée, même si cette dernière reste inférieure au montant de la mise à prix.
        • Contrairement à l’adjudication définitive, l’adjudication provisoire n’emporte pas de transfert immédiat de propriété. 
        • Elle confère à l’adjudicataire un droit conditionnel, subordonné à une validation ultérieure par le tribunal. Cette situation permet de temporiser, tout en maintenant la procédure ouverte.
        • Le rôle du tribunal, tel que prévu à l’article 1277, alinéa 2, du Code de procédure civile, est central dans cette configuration.
        • Une fois saisi à la requête d’une partie intéressée, qu’il s’agisse d’un indivisaire ou d’un créancier, le tribunal dispose de deux options :
          • Valider l’adjudication provisoire : si les conditions sont jugées acceptables, l’adjudication provisoire devient définitive. La propriété est alors transférée à l’adjudicataire sous réserve du paiement du prix et des frais.
          • Ordonner une nouvelle vente : si le tribunal estime que l’adjudication provisoire ne permet pas de satisfaire les intérêts des parties, notamment en raison d’un prix insuffisant, il peut décider de procéder à une nouvelle adjudication. Cette nouvelle vente doit être organisée dans un délai minimum de 15 jours. Elle implique une nouvelle mise à prix, adaptée à la situation, ainsi que des formalités de publicité conformes aux exigences légales pour assurer une transparence optimale.
  •  

==>Jugement d’adjudication et titre de vente

  • La fonction du jugement d’adjudication
    • Le jugement d’adjudication constitue l’acte juridique par excellence constatant le transfert de propriété du bien vendu aux enchères. 
    • Cet acte, établi par le juge ayant supervisé la procédure, remplit une double fonction : il constate l’attribution du bien à l’adjudicataire et rend ce transfert de propriété opposable aux tiers.
    • En premier lieu, le jugement d’adjudication matérialise juridiquement l’attribution du bien à l’enchérisseur ayant remporté l’adjudication. Il ne s’agit pas seulement d’un constat formel, mais bien d’un acte fondateur conférant à l’adjudicataire la possibilité d’exercer pleinement ses droits sur le bien, sous réserve du paiement intégral du prix et des frais.
    • En second lieu, et conformément à l’article R. 322-59 du Code des procédures civiles d’exécution, le jugement d’adjudication ne se limite pas à constater l’achèvement de la procédure d’adjudication. Son établissement est également une condition préalable à l’inscription des droits de propriété de l’adjudicataire au registre foncier. En effet, l’inscription au registre foncier, qui garantit la publicité et l’opposabilité des droits de propriété, ne peut être réalisée sans ce jugement, lequel sert de fondement à l’ensemble des démarches postérieures.
  • Les mentions obligatoires du jugement
    • Le jugement d’adjudication doit comporter plusieurs mentions obligatoires, prévues à l’article R. 322-59 du Code des procédures civiles d’exécution.
      • Référence au cahier des charges
        • Le jugement doit mentionner le cahier des charges qui régit les conditions de la vente. 
        • Pour mémoire, ce document encadre les modalités de l’adjudication et les obligations de l’adjudicataire. 
        • En faisant référence à ce cahier, le jugement garantit que l’adjudication a respecté les conditions fixées.
      • Formalités de publicité accomplies
        • Le jugement doit préciser les actes de publicité réalisés ainsi que leurs dates. 
        • Ces formalités assurent que la procédure a été menée de manière transparente, permettant à tous les participants potentiels d’être informés de la vente. 
        • Une omission ou une irrégularité dans l’accomplissement de ces formalités pourrait affecter la validité de l’adjudication.
        • La mention des publicités dans le jugement offre ainsi une preuve que tous les participants potentiels ont pu être informés de manière adéquate, évitant ainsi toute contestation ultérieure sur ce fondement
  •  
  • Désignation du bien vendu
    • Une description précise de l’immeuble objet de l’adjudication est nécessaire. 
    • Cette désignation doit comporter les informations essentielles permettant d’identifier sans ambiguïté le bien concerné, telles que l’adresse, les références cadastrales, et, le cas échéant, ses caractéristiques spécifiques (surface, nature du bien, etc.). 
    • Cette exigence vise à écarter tout risque de confusion ou de litige concernant le bien transféré, garantissant ainsi que les droits de l’adjudicataire portent sur un objet clairement défini.
  • Identité de l’adjudicataire et montant de l’adjudication
    • Le jugement doit mentionner avec précision l’identité de l’adjudicataire, en indiquant ses nom et prénom, ou, dans le cas d’une personne morale, sa dénomination sociale et son numéro SIREN. 
    • Par ailleurs, le montant exact de l’enchère retenue ainsi que les frais taxés liés à la procédure doivent être expressément indiqués. 
    • Ces informations permettent non seulement d’identifier l’acquéreur de manière claire, mais aussi de calculer les montants à répartir entre les créanciers ou les indivisaires, garantissant ainsi la transparence financière de l’opération.
  • La délivrance du titre de vente
    • Une fois le jugement d’adjudication établi, celui-ci est revêtu de la formule exécutoire et remis à l’adjudicataire. 
    • Cette formalité, prévue à l’article R. 322-62 du Code des procédures civiles d’exécution, constitue l’aboutissement de la procédure d’adjudication. 
    • Elle confère à l’adjudicataire un titre de propriété officiel, permettant de faire valoir ses droits auprès des tiers.
    • En ce qui concerne la procédure de délivrance, le greffier ou le notaire ayant supervisé la vente remet à l’adjudicataire une expédition du jugement d’adjudication. 
    • Ce document constitue le titre de propriété du bien. 
    • Si la vente porte sur plusieurs lots adjugés à des acquéreurs différents, chaque adjudicataire reçoit une expédition distincte, accompagnée des quittances attestant du paiement des frais taxés. 
    • Le titre de vente ainsi délivré permet à l’adjudicataire de procéder à l’inscription de ses droits au registre foncier, officialisant ainsi son statut de propriétaire. 
    • Cette inscription est une étape essentielle, car elle assure la publicité et l’opposabilité des droits de propriété à l’égard des tiers. 
    • Elle confère également à l’adjudicataire une protection juridique renforcée en cas de litige ou de revendications ultérieures concernant le bien. 
  • Les effets du jugement
    • Le jugement d’adjudication emporte des effets juridiques immédiats tant pour l’adjudicataire que pour les tiers.
      • Le transfert de propriété
        • Le jugement d’adjudication formalise le transfert de propriété du bien adjugé au profit de l’adjudicataire dès sa prononciation. 
        • Toutefois, ce transfert reste conditionné au paiement intégral du prix d’adjudication ainsi que des frais taxés.
        • Tant que cette obligation n’a pas été exécutée, l’adjudicataire ne peut jouir pleinement de ses droits.
        • Une fois le paiement effectué, l’adjudicataire devient propriétaire du bien adjugé.
        • Il acquiert ainsi tous les droits attachés à la propriété, notamment ceux d’usage, de jouissance et d’aliénation. 
        • Il peut utiliser le bien comme bon lui semble, percevoir les fruits qu’il génère, ou encore le vendre, le donner ou le grever de droits réels.
        • Par ailleurs, ce transfert de propriété est opposable aux tiers. 
        • Cela signifie que les droits de l’adjudicataire ne peuvent être contestés par des tiers, sauf en cas de vices graves affectant la régularité de la procédure elle-même. 
      • L’effet déclaratif
        • Le jugement d’adjudication, dans le cadre d’une licitation, ne se limite pas à transférer la propriété du bien.
        • Il produit également un effet déclaratif, conférant à l’adjudicataire un titre qui purge les éventuels vices affectant les transmissions antérieures et stabilise la situation juridique du bien.
        • La raison en est que, en vertu de l’article 883 du Code civil, l’effet déclaratif attribue à l’adjudicataire une position rétroactive, le plaçant comme s’il avait toujours été seul propriétaire du bien depuis l’origine de l’indivision. 
        • Cet effet s’applique tant à l’égard des co-indivisaires qu’à l’égard du défunt dans les indivisions successorales.
        • L’effet déclaratif du jugement d’adjudication a une portée corrective et purgative. Il purge la chaîne de propriété en éteignant rétroactivement les droits ou actes des co-indivisaires sur le bien adjugé. 
        • Par exemple, un acte de disposition (vente, hypothèque ou bail) établi par un indivisaire non adjudicataire est anéanti rétroactivement, tandis que ceux établis par l’adjudicataire sont validés, consolidant ainsi ses droits.
        • Dans cette logique, la licitation-partage n’est pas considérée comme une mutation à titre onéreux mais comme un acte de partage. 
        • Elle échappe donc aux règles applicables aux ventes ordinaires, y compris aux actions en rescision pour lésion, sauf en cas de dispositions contraires inscrites dans le cahier des charges.
        • Cet effet déclaratif est particulièrement précieux lorsque le bien adjugé a été l’objet de litiges ou d’irrégularités dans les transmissions antérieures. 
        • Le jugement d’adjudication stabilise la situation juridique en consolidant les droits de l’adjudicataire, garantissant ainsi une propriété purgée de tous vices. 

==>La défaillance de l’adjudicataire et la réitération des enchères

Lorsqu’un adjudicataire ne s’acquitte pas du prix d’adjudication et des frais dans les délais impartis, le bien peut être remis en vente dans les conditions prévues par l’article R. 322-66 du CPCE.

  • Certificat de défaillance et organisation d’une nouvelle audience
    • La première étape en cas de défaillance de l’adjudicataire consiste en l’établissement d’un certificat de défaillance.
    • Ce document, dressé par le notaire ou le greffier, constate officiellement que l’adjudicataire n’a pas satisfait à ses obligations de paiement.
    • Conformément à l’article R. 322-67 du CPCE, le certificat est signifié à l’adjudicataire défaillant. Cette signification marque le point de départ d’un délai pendant lequel ce dernier peut, le cas échéant, régulariser sa situation.
    • Si aucune régularisation n’intervient, une nouvelle audience est fixée par le tribunal. 
    • Cette audience doit se tenir dans un délai compris entre deux et quatre mois suivant la signification du certificat de défaillance (article R. 322-69 du CPCE). 
    • Ce délai permet d’organiser les formalités de publicité nécessaires et de garantir une reprise transparente de la procédure.
  • Formalités de publicité et déroulement des nouvelles enchères
    • Pour garantir la transparence et l’égalité entre les participants, les formalités de publicité initiales doivent être intégralement renouvelées. Ces formalités sont effectuées selon les prescriptions de l’article R. 322-70 du CPCE.
    • La publicité doit inclure l’ensemble des informations prévues pour la vente initiale, auxquelles s’ajoute le montant de l’adjudication défaillante. Cette précision permet aux nouveaux enchérisseurs d’avoir une connaissance complète des conditions entourant la vente.
    • Le jour de l’audience, les enchères sont reprises dans les mêmes conditions que celles de la première vente, conformément à l’article R. 322-71 du CPCE.
    • Les règles relatives au déroulement des enchères, notamment la durée limite de 90 secondes entre deux enchères (article R. 322-45 du CPCE), s’appliquent également à cette nouvelle vente.
  • Conséquences pour l’adjudicataire défaillant
    • La défaillance de l’adjudicataire n’est pas sans conséquences pour ce dernier.
    • L’adjudicataire défaillant demeure redevable des frais liés à la première vente, même si le bien est remis en vente. 
    • En outre, il doit payer des intérêts au taux légal sur le montant de son enchère, calculés jusqu’à la date de la nouvelle vente (article R. 322-72 du CPCE). 
    • Si la nouvelle vente se conclut à un prix inférieur à celui de l’enchère initiale, l’adjudicataire défaillant peut être tenu de compenser la différence, afin de préserver les droits des créanciers ou des indivisaires.

==>La faculté de surenchère

La licitation, par essence, vise à obtenir le meilleur prix pour le bien mis en vente, afin de garantir une juste valorisation au bénéfice des parties concernées. Toutefois, il peut arriver que l’adjudication initiale ne reflète pas pleinement la valeur réelle du bien, soit en raison d’une concurrence insuffisante, soit du fait de circonstances particulières ayant limité les enchères. C’est pour répondre à de telles situations que la faculté de surenchère a été instituée.

Prévue par l’article 1279, alinéa 1er, du Code de procédure civile, ainsi que par les articles R. 322-50 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE), la surenchère offre la possibilité, dans un délai strictement encadré de 10 jours, de rouvrir la procédure en proposant une offre supérieure d’au moins 10 % au prix principal de l’adjudication initiale. Ce mécanisme garantit à la fois la transparence et l’équité, tout en assurant que le bien puisse être vendu à sa juste valeur.

  • Initiation de la procédure de surenchère
    • Délai de 10 jours
      • La surenchère ne peut être exercée que dans un délai de 10 jours suivant l’adjudication définitive, conformément à l’article 1279 du Code de procédure civile. 
      • Ce délai impératif commence à courir à compter du jour où l’adjudication a été prononcée.
    • Déclaration de la surenchère
      • La première étape de la procédure consiste en la déclaration de surenchère. 
      • Cette déclaration, réservée à toute personne souhaitant contester l’adjudication initiale, doit respecter des exigences formelles rigoureuses.
      • Conformément à l’article R. 322-51 du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE), la surenchère doit être formée par acte d’avocat, déposé au greffe du tribunal compétent. 
      • Cette formalité, essentielle pour garantir la solennité et la validité de la procédure, témoigne de l’engagement sérieux de la personne souhaitant exercer ce droit.
      • L’avocat, dans le cadre de la déclaration de surenchère, doit attester avoir reçu de son client une garantie financière. 
      • Celle-ci prend la forme d’une caution bancaire irrévocable ou d’un chèque de banque équivalant à 10 % du montant principal de l’adjudication initiale. 
      • L’obligation de fourniture d’une garantie financière vise à prévenir les surenchères abusives en exigeant du surenchérisseur la preuve de sa capacité à honorer son engagement.
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  • Dénonciation de la surenchère
    • Une fois déposée, la surenchère doit être dénoncée aux parties intéressées dans un délai de trois jours ouvrables. 
    • Cette dénonciation s’effectue par acte d’huissier, conformément à l’article R. 322-52 du CPCE. 
    • Elle garantit que les parties concernées (notamment l’adjudicataire initial, le créancier poursuivant et, le cas échéant, les indivisaires) sont informées de la reprise des enchères.
    • Cette notification comprend une copie de l’attestation bancaire mentionnée ci-dessus, ce qui conforte la crédibilité de la démarche du surenchérisseur.
    • Le non-respect des délais et formalités entraîne l’irrecevabilité de la surenchère.
  • Organisation de la nouvelle audience
    • Une fois la surenchère valablement formée et dénoncée, le tribunal organise une nouvelle audience d’enchères. 
    • Cette étape, strictement réglementée par les articles R. 322-53 à R. 322-55 du CPCE, marque la reprise de la procédure d’adjudication dans un cadre renouvelé.
      • Fixation de la date
        • Le tribunal fixe une nouvelle audience dans un délai compris entre deux et quatre mois à compter de la déclaration de surenchère. 
        • Ce délai, prévu par l’article R. 322-53 du CPCE, permet de renouveler les formalités de publicité et de garantir une préparation adéquate des enchérisseurs potentiels.
      • Renouvellement des formalités de publicité
        • Les formalités de publicité initiales doivent être réitérées avant la nouvelle audience.
        • Selon l’article R. 322-54 du CPCE, ces formalités sont réalisées à la diligence du surenchérisseur ou, à défaut, du créancier poursuivant. 
        • Elles incluent la mention de la nouvelle mise à prix, correspondant au montant de l’adjudication initiale majoré d’au moins 10 %. 
        • Ce renouvellement vise à informer le public des nouvelles conditions et à attirer de potentiels enchérisseurs.
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  • Déroulement de la nouvelle audience
    • La nouvelle audience d’enchères suit les mêmes règles que l’audience initiale, en respectant toutefois les spécificités liées à la surenchère.
      • Reprise des enchères
        • Conformément à l’article R. 322-55 du CPCE, les enchères reprennent sur la base de la nouvelle mise à prix fixée par la surenchère.
        • Les règles habituelles des enchères publiques, notamment celles relatives au temps imparti pour porter les enchères (article R. 322-45 du CPCE), s’appliquent.
      • Résultat de l’audience
        • Si aucune enchère ne dépasse la mise à prix actualisé, le surenchérisseur est déclaré adjudicataire. 
        • Ce mécanisme récompense son initiative tout en garantissant que le bien ne soit pas vendu à un prix inférieur à la surenchère initiale.
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  • Limites de la surenchère
    • Afin de préserver la sécurité juridique et d’éviter des prolongations abusives, une seconde surenchère est expressément exclue.
    • L’article R. 322-55 du CPCE prévoit que l’adjudication issue de la nouvelle audience est définitive et ne peut plus être remise en cause par une nouvelle surenchère.
    • Cette limitation garantit la stabilité des droits acquis et marque la fin de la procédure, assurant ainsi que la vente atteigne son objectif ultime : obtenir une juste valorisation du bien dans des conditions de transparence et d’équité.
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Partage de la masse partageable : les principes directeurs

Une fois la masse partageable déterminée à l’issue des opérations d’inventaire des biens, de prise en compte du passif de l’indivision et d’établissement des comptes entre indivisaires, il convient de procéder au partage proprement dit. Cette ultime étape met fin au régime de l’indivision et consacre le retour à la propriété individuelle. Toutefois, elle ne saurait s’improviser : le partage doit être conduit avec méthode, afin de garantir une répartition équitable et conforme aux droits de chacun.

Le partage repose sur deux opérations successives et indissociables :

  • La constitution des lots, qui consiste à regrouper les biens composant la masse partageable en unités cohérentes, tout en respectant les intérêts économiques et patrimoniaux des indivisaires ;
  • L’attribution des lots, qui vise à allouer ces ensembles de biens à chaque indivisaire, en tenant compte à la fois de leurs droits respectifs dans l’indivision et des éventuels déséquilibres financiers révélés lors de la reddition des comptes.

Ces opérations ne peuvent être accomplies sans le respect de principes directeurs, lesquels président à l’organisation et à la mise en œuvre du partage :

  • Le principe d’égalité en valeur, qui impose que chaque indivisaire reçoive une part équivalente à ses droits dans la masse partageable, calculée en fonction de la valeur des biens et des dettes inscrits au compte d’indivision ;
  • Le principe du maintien des unités économiques, qui vise à préserver la cohérence et la viabilité économique de certains biens indivis, notamment les exploitations agricoles, les entreprises ou les immeubles à usage locatif. Il s’agit d’éviter une division matérielle des biens qui en compromettrait la rentabilité ou la fonction économique.

Ces principes directeurs feront l’objet d’un développement spécifique, mais il convient d’ores et déjà de souligner qu’ils encadrent et orientent chaque étape du partage. Car le partage ne se limite pas à une simple division matérielle des biens : il suppose une prise en compte équilibrée des créances, des dettes et des intérêts de chaque indivisaire, afin de prévenir les contestations et de garantir une égalité réelle.

Nous nous focaliserons ici sur les principes directeurs du partage.

Le partage des biens indivis est régi par deux principes directeurs qui assurent, à la fois, l’équité dans la répartition des droits entre les copartageants et la pérennité économique des biens partagés : le principe d’égalité en valeur et le principe de maintien des unités économiques. Ces règles, consacrées par le Code civil et enrichies par la jurisprudence, traduisent une volonté constante du législateur de concilier justice distributive et réalisme économique.

§1: Le principe de l’égalité en valeur

L’article 826 du Code civil consacre le principe d’une égalité en valeur, rompant avec l’exigence historique d’égalité en nature. Cette évolution, issue de la réforme de 2006, rend le partage plus souple et mieux adapté aux réalités économiques, en permettant aux copartageants de recevoir des biens différents pour une valeur équivalente à leurs droits dans l’indivision.

Cependant, cette souplesse offerte par le principe de l’égalité en valeur connaît des limites. Le partage en nature reste privilégié, la licitation n’étant qu’un dernier recours (art. 827 C. civ.,). De même, le recours aux soultes est encadré pour éviter les déséquilibres au détriment des minoritaires, le juge conservant un contrôle sur la proportionnalité des compensations (Cass. 1re civ., 13 mai 2015, n°14-11.116).

Ainsi, si l’égalité en valeur facilite la répartition des biens, elle ne peut se faire au mépris des exigences d’équité et de préservation des droits de chacun, car, comme le rappelle Alain Sériaux, « l’équilibre du partage demeure le fondement de toute opération successorale ».

I) Evolution

Le Code civil de 1804, dans la continuité des idéaux révolutionnaires, avait érigé l’égalité en nature en règle cardinale des partages. L’article 826 ancien prévoyait que chaque cohéritier pouvait exiger sa part en nature des biens meubles et immeubles composant la masse partageable. Cette exigence était renforcée par l’article 832 ancien, qui imposait que chaque lot contienne, autant que possible, une proportion équivalente de biens similaires en nature, qu’il s’agisse de terres, de créances ou de mobiliers.

Cette quête d’une égalité formelle répondait à un souci d’équité mais s’est rapidement révélée contre-productive dans la pratique. Les biens immobiliers, notamment les exploitations agricoles, étaient fréquemment morcelés afin de satisfaire cette exigence, au détriment de leur rentabilité économique. Comme le soulignaient les auteurs au XIXe siècle cette pratique entraînait des conséquences désastreuses : fragmentation des terres, baisse de la productivité agricole, exode rural et même déclin démographique.

Face à ces dérives, la jurisprudence a tenté d’assouplir le principe en admettant que l’inégalité des lots puisse être compensée par le versement de soultes monétaires. La Cour de cassation, dès 1840, affirmait ainsi que « l’inégalité des lots en nature peut être corrigée par un retour en argent » (Cass. 12 juin 1840). Cependant, ces ajustements restaient insuffisants pour corriger les rigidités inhérentes au système.

Le véritable tournant législatif est intervenu avec le décret-loi du 17 juin 1938, qui a introduit la notion d’attribution préférentielle. Ce mécanisme permettait à un copartageant de recevoir un bien entier, notamment une exploitation agricole ou un fonds de commerce, moyennant le versement d’une soulte aux autres indivisaires. Ce dispositif visait à éviter le morcellement des unités économiques, tout en respectant les droits de chacun.

L’introduction de l’attribution préférentielle marquait une rupture importante avec le principe d’égalité en nature. Désormais, la répartition des biens pouvait être envisagée sous un prisme économique, en privilégiant la préservation des biens indivis dans leur intégralité. La doctrine a largement salué cette réforme comme une avancée nécessaire. Ainsi, des auteurs ont estimé que cette évolution législative a permis d’« éviter les morcellements destructeurs, qui nuisaient à la pérennité des exploitations agricoles ».

Aussi, le décret-loi de 1938 a-t-il amorcé un glissement progressif vers une nouvelle conception du partage, davantage orientée vers une égalité en valeur que vers une stricte répartition physique des biens. Cette transition s’est poursuivie au fil des réformes ultérieures, jusqu’à la consécration définitive de l’égalité en valeur par la loi du 23 juin 2006. 

II) Consécration du principe

La réforme opérée par la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 a définitivement abandonné le principe d’égalité en nature au profit de celui d’égalité en valeur, désormais consacré à l’article 826 du Code civil. Ce bouleversement législatif, salué par la doctrine comme une réforme majeure du droit successoral, a profondément modifié les mécanismes de partage, en substituant une logique économique et pragmatique à une stricte égalité formelle.

Ainsi, Pierre Catala qualifiait cette réforme de « révolution des colonnes du temple du droit successoral », tant elle bouleverse les fondements mêmes des règles de partage, jusque-là ancrées dans le dogme de l’égalité en nature.

L’article 826 du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi de 2006, énonce que « chaque copartageant reçoit des biens pour une valeur égale à celle de ses droits dans l’indivision ». Cette disposition marque une rupture nette avec le système ancien, qui exigeait que chaque lot contienne des biens de nature équivalente. Désormais, la priorité est donnée à l’équité patrimoniale, plutôt qu’à une stricte correspondance entre la nature des biens attribués.

Comme l’explique Michel Grimaldi, cette évolution répond à une double nécessité : simplifier les opérations de partage tout en tenant compte de la réalité économique des patrimoines à répartir.

En substituant à l’égalité en nature une logique d’égalité en valeur, le législateur permet désormais de constituer des lots hétérogènes, intégrant des biens de nature différente, pourvu que leur valeur corresponde aux droits de chaque indivisaire. Ce choix pragmatique évite notamment le recours systématique à la licitation, qui était auparavant l’unique solution lorsque les biens indivis étaient difficiles à partager en nature.

A cet égard, l’article 826, alinéa 4, du Code civil prévoit désormais un dispositif essentiel pour garantir l’égalité en valeur : le versement de soultes. Cette compensation monétaire permet d’éviter le morcellement des biens indivis tout en assurant une répartition équitable entre les copartageants.

André Sériaux souligne que la soulte n’est pas une simple mesure compensatoire, mais un véritable instrument de préservation des unités économiques, permettant de concilier les intérêts des indivisaires avec les réalités économiques des patrimoines indivis.

Ainsi, lorsqu’un bien indivis, tel qu’un immeuble ou une exploitation agricole, est attribué à un seul copartageant, les autres indivisaires reçoivent une compensation financière correspondant à leur part dans le bien attribué. Ce mécanisme permet d’éviter les ventes forcées, souvent préjudiciables sur le plan économique, et préserve la stabilité des patrimoines familiaux.

La consécration du principe d’égalité en valeur par la réforme de 2006 a été rapidement confirmée par la jurisprudence, qui en a précisé les modalités d’application. Dans un arrêt du 11 mai 2016, la Cour de cassation a rappelé que la licitation — c’est-à-dire la vente forcée des biens indivis — devait rester une solution de dernier recours, exclusivement réservée aux hypothèses où le partage en nature est matériellement ou économiquement impossible (Cass. 1ère civ., 11 mai 2016, n°15-18.993).

Dans cette affaire, des difficultés étaient survenues lors du partage successoral entre deux copartageants, portant sur un immeuble composé de deux appartements. L’un des indivisaires sollicitait une répartition en nature, afin que chaque partie reçoive un appartement distinct. Toutefois, les juges du fond ont relevé que les deux logements étaient dépendants l’un de l’autre, les installations de chauffage, d’eau et d’électricité étant centralisées dans l’appartement du rez-de-chaussée. En outre, ils ont constaté que la mise aux normes des installations aurait engendré des frais considérables, rendant la division en nature impossible sans préjudice économique.

Confirmant cette analyse, la Cour de cassation a validé l’appréciation souveraine de la cour d’appel, estimant que le bien n’était pas commodément partageable en nature et que la licitation était justifiée. Elle a ainsi rejeté le recours formé par l’un des copartageants, soulignant que la vente forcée devait être motivée par l’impossibilité matérielle ou financière de constituer des lots équitables.

L’arrêt du 11 mai 2016 a été largement salué par la doctrine. Des auteurs ont souligné que cette décision permettait de préserver la stabilité économique des patrimoines partagés, en évitant des solutions de partage qui pourraient entraîner une dévalorisation des biens. La jurisprudence encourage ainsi les juges à privilégier les solutions pragmatiques qui assurent le maintien de l’intégrité des biens indivis, tout en respectant les droits des copartageants.

Cet arrêt s’inscrit dans une tendance jurisprudentielle visant à restreindre le recours à la licitation. En effet, bien que le principe d’égalité en valeur simplifie les opérations de partage, il ne doit pas conduire à démembrer des unités économiques ou à procéder à des ventes forcées lorsque des solutions alternatives sont envisageables. Comme l’a souligné Bernard Beignier, « le juge doit rechercher des modalités de partage qui préservent l’unité des biens et garantissent une répartition équitable, sans compromettre la viabilité économique des lots attribués ».

Enfin, il peut être observé que la consécration du principe d’égalité en valeur n’est pas sans avoir renforcé la liberté de disposer au moyen de libéralités. En effet, le législateur autorise désormais les testateurs à transmettre un bien entier à un successible, sans être contraints de composer des lots équivalents en nature. Cette évolution permet de respecter les intentions du défunt, tout en évitant les conflits successoraux.

Plus encore, la possibilité de léguer un bien entier, moyennant compensation en argent pour les autres héritiers, permet une gestion apaisée des partages successoraux, tout en garantissant la préservation des unités économiques.

Cette évolution est particulièrement utile dans le cadre des donations-partages, qui permettent d’anticiper les successions et d’éviter les contestations postérieures. En effet, la donation-partage avec soulte permet aux parents de répartir leur patrimoine de manière équitable, tout en évitant les litiges futurs.

Cependant, la souplesse introduite par le principe d’égalité en valeur ne saurait occulter les limites qui encadrent son application. Le législateur, comme la jurisprudence, a pris soin de fixer des garde-fous pour éviter les abus, notamment en préservant la vocation des copartageants à recevoir des biens en nature et en encrant le recours au système de la soulte.

III) Limites

Consacré par l’article 826 du Code civil, le principe d’égalité en valeur a insufflé aux opérations de partage une souplesse nouvelle, mieux adaptée aux réalités patrimoniales contemporaines. Toutefois, cette flexibilité ne saurait se déployer sans limites. Afin de prévenir toute dérive susceptible de porter atteinte aux droits des copartageants, des garde-fous demeurent indispensables. Ces derniers se manifestent à travers le maintien de la vocation au partage en nature, l’encadrement rigoureux des soultes pour garantir leur nécessité et leur juste proportion, ainsi que le contrôle juridictionnel des modalités de répartition.

==>La vocation au partage en nature

Si l’égalité en valeur a assoupli les règles du partage, elle ne doit pas faire oublier que le partage en nature reste le mode privilégié d’allotissement des biens indivis. Chaque indivisaire conserve le droit, en principe, de recevoir une part tangible des biens constituant la masse partageable (art. 826, al. 2 C. civ.,), ce qui évite que le partage ne se réduise à une simple répartition monétaire.

Cette vocation au partage en nature repose sur une logique patrimoniale et historique, visant à préserver l’intégrité des biens et à éviter leur dilution par la vente forcée. Toutefois, dans certaines situations, un partage en nature peut s’avérer matériellement ou économiquement impossible, rendant nécessaire le recours à la licitation, solution que le Code civil réserve aux cas où les biens ne peuvent être commodément divisés (art. 827 C. civ.).

La jurisprudence a rappelé que cette solution doit rester exceptionnelle. Dans un arrêt du 22 janvier 1985, la Cour de cassation a jugé que la licitation ne pouvait être ordonnée qu’en cas d’impossibilité manifeste de partage en nature, notamment lorsque le morcellement des biens aurait entraîné une perte de valeur significative (Cass. 1re civ., 22 janv. 1985, n°83-12.994). La doctrine partage cette approche en insistant sur le fait que la licitation doit être évitée dès lors qu’il existe des solutions permettant un allotissement équitable. Car en effet, la licitation n’est jamais neutre économiquement : elle tend à briser l’unité des biens et à réduire leur valeur globale, justifiant qu’elle soit strictement encadrée.

==>L’encadrement des soultes

Le versement de soultes est un mécanisme permettant de garantir l’égalité en valeur lorsque les lots attribués aux copartageants présentent des écarts de valeur. Ce système permet d’éviter le recours systématique à la vente des biens indivis, en assurant une compensation monétaire entre les copartageants.

Cependant, le recours aux soultes doit être encadré par des critères de nécessité et de proportionnalité, afin d’éviter qu’il ne porte atteinte aux droits des indivisaires minoritaires. Une soulte excessive pourrait en effet déséquilibrer les opérations de partage et créer une inégalité substantielle entre les copartageants.

La Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 13 mai 2015, a rappelé avec fermeté que le juge du partage conserve un pouvoir souverain d’appréciation quant au montant des soultes, afin d’éviter qu’une compensation financière excessive ne compromette l’équilibre entre les copartageants (Cass. 1re civ., 13 mai 2015, n° 14-11.116).

Dans cette affaire, des difficultés étaient survenues lors des opérations de partage successoral, notamment au sujet d’une villa constituant l’essentiel de la masse indivise. La cour d’appel avait ordonné la licitation de ce bien, au motif que les héritiers ne parvenaient pas à s’accorder sur un partage amiable. La Cour de cassation a censuré cette décision en rappelant que la licitation ne peut être ordonnée que si le bien indivis est incommode à partager en nature, conformément à l’article 827 du Code civil. En l’espèce, le partage en nature était techniquement envisageable, mais la cour d’appel n’avait pas suffisamment recherché si des solutions alternatives permettaient d’éviter la vente aux enchères.

Par ailleurs, la Cour a cassé la décision de la cour d’appel qui avait délégué au notaire liquidateur la fixation du montant des créances d’un copartageant. La Haute juridiction a rappelé que cette mission relève du pouvoir exclusif du juge, lequel doit s’assurer que les sommes versées à titre de soulte sont justifiées, nécessaires et proportionnées à l’écart réel entre les lots. Cette exigence garantit que les soultes ne créent pas un déséquilibre substantiel entre les indivisaires et évitent ainsi tout enrichissement injustifié d’un copartageant au détriment des autres.

==>Le contrôle juridictionnel des opérations de partage

Le juge du partage joue un rôle central dans le respect du principe d’égalité en valeur. Son intervention est particulièrement cruciale dans les partages judiciaires, lorsque les indivisaires ne parviennent pas à un accord amiable.

Le contrôle juridictionnel s’exerce tant sur la composition des lots que sur le montant des soultes. Le juge doit vérifier que les opérations de partage respectent les droits des copartageants et ne créent pas une inégalité manifeste. Il doit également veiller à ce que le partage proposé ne compromette pas la pérennité économique des biens attribués.

Par exemple, le juge peut refuser de valider un partage si la répartition des biens conduit à une dissolution excessive des unités économiques ou si les lots attribués ne correspondent pas aux besoins réels des copartageants.

Ainsi, le juge du partage est le garant ultime de l’équilibre entre les exigences économiques du partage et la protection des droits des indivisaires ».

La jurisprudence a également souligné que le juge devait s’assurer que les biens attribués à chaque copartageant respectent les impératifs de justice distributive, c’est-à-dire qu’ils soient équivalents en valeur tout en évitant la dévalorisation du patrimoine indivis.

En somme, le contrôle juridictionnel vise à éviter les abus dans les opérations de partage et à garantir que les règles posées par le principe d’égalité en valeur soient effectivement respectées. Il s’agit d’une garantie essentielle pour maintenir un équilibre entre les impératifs économiques des opérations de partage et la protection des droits des indivisaires, assurant ainsi la sécurité juridique et la pérennité économique des patrimoines partagés.

§2: L’exigence de maintien des unités économiques et autres ensembles de biens

Le second principe directeur qui guide les opérations de partage repose sur la préservation des unités économiques. Consacré par l’article 830 du Code civil, celui-ci dispose que « dans la formation et la composition des lots, on s’efforce d’éviter de diviser les unités économiques et autres ensembles de biens dont le fractionnement entraînerait la dépréciation ». En établissant cette règle, le législateur entend concilier l’objectif d’égalité en valeur avec la nécessité de préserver la cohérence économique du patrimoine indivis.

Contrairement à la simple logique arithmétique qui présiderait à une répartition strictement proportionnelle des biens, ce principe invite à considérer les biens comme des ensembles fonctionnels, dont l’utilité et la valeur dépendent de leur maintien en bloc. Cette exigence s’inscrit dans une dynamique visant à assurer la viabilité économique des biens transmis et à éviter qu’un partage mal conçu ne provoque une dépréciation préjudiciable.

==>La notion d’unité économique

La réforme opérée par la loi du 23 juin 2006 a introduit la notion d’unité économique dans une acception plus large que les textes antérieurs. Si, historiquement, le droit visait principalement les exploitations agricoles, la portée de cette notion a été étendue pour englober tout ensemble de biens indivis dont la division entraînerait une perte de valeur économique significative.

Ainsi, peuvent être considérés comme des unités économiques :

  • Les exploitations agricoles, artisanales ou commerciales, lorsqu’elles forment un outil de travail nécessitant une gestion unifiée ;
  • Les immeubles d’habitation ou à usage professionnel, notamment lorsqu’ils génèrent des revenus locatifs stables ou lorsqu’ils constituent un ensemble indivisible sur le plan technique ;
  • Les collections d’objets d’art ou d’antiquités, dont la valeur intrinsèque dépend de leur caractère complet et cohérent ;
  • Les portefeuilles de titres financiers, dont le fractionnement pourrait compromettre la gestion stratégique des investissements.

La doctrine a largement salué cette évolution. Comme l’ont souligné des auteurs « la préservation des unités économiques dans les partages successifs constitue une avancée majeure, permettant d’éviter les morcellements destructeurs et de garantir la pérennité des exploitations ou des ensembles patrimoniaux ».

Cette vision élargie traduit une volonté du législateur de dépasser la stricte logique successorale pour intégrer une approche plus pragmatique, tenant compte des impératifs économiques et patrimoniaux.

==>Mise en œuvre

L’application de l’article 830 du Code civil repose sur un impératif clair : éviter que le partage des biens indivis ne compromette leur utilité économique. Cette règle autorise le juge, ou les copartageants lorsqu’ils s’entendent, à privilégier l’attribution préférentielle d’un bien indivis à un seul héritier, à charge pour celui-ci de compenser les autres copartageants par une soulte.

Un exemple emblématique de l’application de ce principe peut être trouvé dans l’attribution préférentielle des exploitations agricoles, prévue par les articles 831 et suivants du Code civil. Lorsque l’un des héritiers exploite une terre agricole ou un fonds artisanal, il peut demander à recevoir ce bien dans son intégralité afin d’assurer la continuité de l’activité économique. Les autres héritiers sont alors compensés par une soulte correspondant à leurs droits dans l’indivision.

Ce mécanisme permet de préserver l’intégrité des exploitations, d’éviter leur morcellement, et de garantir leur pérennité économique. La jurisprudence a validé à plusieurs reprises cette approche. Ainsi, dans un arrêt rendu le 5 mai 1981, la Cour de cassation a affirmé que le principe du partage en nature devait impérativement s’articuler avec la préservation des unités économiques. En l’espèce, il s’agissait de liquider une communauté matrimoniale après un divorce. La cour d’appel avait attribué à l’un des anciens époux l’exploitation agricole commune, tout en décidant que la propriété immobilière adjacente, également indivise, devait être partagée en nature par tirage au sort, au mépris de l’attribution préférentielle déjà consentie.

La Haute juridiction a censuré cette décision en rappelant que le partage en nature ne saurait être réduit à une stricte égalité formelle entre les lots. Lorsque des biens indivis ont été attribués à titre préférentiel à un indivisaire, la composition des lots doit tenir compte de cette attribution et viser à rétablir une égalité en valeur entre les copartageants, même si cela implique de déroger à la règle du tirage au sort.

La Cour de cassation a jugé que, dans une telle hypothèse, il convient d’attribuer à l’autre indivisaire des biens de valeur équivalente, au besoin en dérogeant au principe traditionnel du partage par lots égaux tirés au sort. Elle a précisé que la division des biens en plusieurs lots risquerait de compromettre l’intégrité de l’exploitation attribuée et de nuire à sa viabilité économique (Cass. 1re civ., 5 mai 1981, n° 79-16.444).

Cette décision illustre l’importance de la préservation des unités économiques dans les opérations de partage. La Cour souligne que le juge du partage doit s’efforcer de maintenir l’intégrité des biens indivis et éviter des fractionnements susceptibles d’entraîner une dépréciation. Ce faisant, elle confirme que le principe d’égalité en valeur, désormais consacré par l’article 826 du Code civil, prime sur la stricte égalité en nature, surtout lorsqu’il s’agit de préserver la cohérence économique du patrimoine partagé.

Le principe s’applique également aux biens immobiliers indivis, notamment les immeubles d’habitation ou à usage professionnel. La division d’un immeuble, lorsqu’elle implique des coûts de mise aux normes disproportionnés ou compromet sa rentabilité locative, peut justifier son attribution à un seul indivisaire. Une fois encore, la compensation des autres héritiers intervient par le biais d’une soulte.

Par exemple, la Cour de cassation a validé la décision d’une cour d’appel ayant attribué un immeuble indivis à un héritier unique, après avoir constaté que sa division en plusieurs lots aurait nécessité des travaux onéreux et compromis la viabilité économique des deux appartements concernés (Cass. 1re civ., 11 mai 2016, n° 15-18.993).

==>Le contrôle du juge

Lorsque les indivisaires ne parviennent pas à un accord, le juge conserve un rôle central dans la préservation des unités économiques. Il lui appartient de vérifier que la division des biens n’entraîne pas une dépréciation significative et que les solutions proposées respectent l’équilibre patrimonial entre les copartageants.

La jurisprudence rappelle que le juge doit rechercher des solutions pragmatiques, en privilégiant les attributions préférentielles et en veillant à ce que les compensations financières soient proportionnées. Il s’agit d’éviter que le fractionnement des biens n’entraîne des pertes de valeur irrémédiables ou des difficultés de gestion pour les copartageants.

Aussi, le juge du partage doit-il se poser en garant de l’équilibre entre l’efficacité économique du partage et le respect des droits des indivisaires. La préservation des unités économiques, lorsqu’elle est possible, permet d’éviter des morcellements préjudiciables et de garantir la stabilité patrimoniale des biens transmis.

Au bilan, le maintien des unités économiques dans les partages dépasse la simple logique de répartition arithmétique des biens. Il s’agit d’un impératif visant à préserver la cohérence patrimoniale et la viabilité économique des ensembles transmis. En combinant l’égalité en valeur et la préservation des unités économiques, le législateur a introduit un équilibre subtil entre souplesse et protection des patrimoines.

La détermination du mode de partage: amiable ou judiciaire?

Le partage des biens indivis constitue une étape décisive pour mettre fin à l’indivision, qu’elle résulte d’une succession, d’une séparation ou de toute autre situation juridique. Ce processus, bien que fondé sur le principe de la liberté contractuelle, est encadré par des règles destinées à garantir à la fois la protection des intérêts de chaque indivisaire et l’efficacité des opérations.

Le législateur, conscient des enjeux souvent émotionnels et financiers qui entourent le partage, privilégie le partage amiable comme mode principal. Cette voie consensuelle repose sur l’autonomie des indivisaires et leur capacité à s’accorder sur les modalités de répartition des biens. Toutefois, lorsque le consensus devient impossible ou que des circonstances particulières l’imposent, le partage judiciaire intervient en tant que solution subsidiaire, encadrée par des règles strictes pour préserver l’équité et la sécurité juridique.

I) Le partage amiable comme principe

Le partage amiable s’impose aujourd’hui comme la voie privilégiée pour mettre un terme à l’indivision. Il incarne l’autonomie des indivisaires et offre des avantages indéniables, alliant souplesse, efficacité et maîtrise des coûts.

Aux termes de l’article 835 du Code civil, le partage amiable repose sur la capacité juridique des indivisaires et leur présence effective, ou à défaut, leur représentation légale. Ce mécanisme exige également l’unanimité des parties, condition essentielle à sa mise en œuvre. En effet, les indivisaires doivent non seulement être capables de consentir au partage, mais également s’accorder sur les modalités du partage, qu’il s’agisse de l’évaluation des biens, de leur répartition ou de toute autre disposition.

La liberté qui caractérise le partage amiable permet aux indivisaires de personnaliser leurs accords, tout en respectant les exigences formelles imposées par la nature des biens. Par exemple, lorsque le partage porte sur des biens immobiliers, un acte notarié est requis conformément aux dispositions du décret du 4 janvier 1955, qui impose la publication foncière pour garantir la validité et l’opposabilité du partage.

La souplesse du partage amiable est tempérée par la nécessité de protéger les intérêts des indivisaires juridiquement incapables, tels que les mineurs ou les majeurs sous tutelle, ainsi que ceux des indivisaires absents. Dans de telles hypothèses, le législateur a prévu des mécanismes spécifiques visant à concilier la possibilité d’un partage amiable avec la protection des personnes vulnérables. L’article 836 du Code civil autorise ainsi un partage amiable sous réserve d’une autorisation préalable délivrée par le juge des tutelles ou, dans certains cas, par le conseil de famille.

Cette autorisation est essentielle pour garantir que les droits des indivisaires protégés soient scrupuleusement respectés. Le juge des tutelles ou le conseil de famille examine les modalités du partage, s’assurant notamment que l’état liquidatif ne lèse pas les intérêts des parties vulnérables. Ces mécanismes d’encadrement permettent de maintenir le principe du partage amiable, même lorsque tous les indivisaires ne peuvent y consentir directement.

Bien que le législateur encourage vivement le partage amiable, certaines situations peuvent rendre ce mode de règlement inapplicable. En cas de désaccord entre les indivisaires, sur les modalités du partage ou sur l’approbation de l’état liquidatif, l’unanimité requise fait défaut. De même, si le juge des tutelles refuse d’accorder l’autorisation nécessaire ou si les parties ne parviennent pas à un compromis, le partage amiable devient impraticable.

Dans ces cas, le recours au partage judiciaire s’impose. Ce mode, bien que subsidiaire, est encadré par des règles précises visant à garantir l’équité entre les parties. Toutefois, il s’accompagne de contraintes procédurales et économiques non négligeables : la demande en justice, l’intervention d’experts pour l’établissement de l’état liquidatif, les débats contradictoires et l’homologation par le tribunal engendrent des coûts et des délais significatifs. Ces inconvénients soulignent l’importance de privilégier le partage amiable chaque fois que cela est possible.

Le législateur, conscient des avantages du partage amiable, en fait aujourd’hui le principe, réservant le partage judiciaire aux situations où aucun autre moyen ne permet de mettre un terme à l’indivision. Cette promotion s’inscrit dans une logique de pacification des relations entre indivisaires, en encourageant la coopération et en limitant les conflits. Ainsi, même dans les cas complexes impliquant des personnes protégées ou absentes, le partage amiable demeure accessible, sous réserve de certaines adaptations procédurales.

II) Le partage judiciaire comme exception

Bien que le partage amiable constitue la règle, il arrive que les circonstances exigent une intervention judiciaire pour mettre fin à l’indivision. Dans de tels cas, le partage judiciaire, prévu par l’article 840 du Code civil, s’impose à titre subsidiaire, offrant une solution équitable lorsque le consensus des indivisaires est impossible ou inapproprié.

Lorsque l’unanimité fait défaut, le partage amiable ne peut prospérer. En cas de désaccord persistant entre les indivisaires, qu’il s’agisse de la répartition des biens, de leur évaluation ou des modalités de tirage au sort, le recours au juge devient inévitable. Cette intervention garantit que les opérations de partage se déroulent dans des conditions équitables pour tous.

De même, l’inertie ou le désintérêt volontaire d’un indivisaire peut également rendre nécessaire cette voie contentieuse. Dans de telles hypothèses, l’article 837 du Code civil impose qu’une mise en demeure soit préalablement adressée à l’indivisaire défaillant. Si ce dernier persiste dans son silence, le tribunal peut désigner un mandataire chargé de le représenter, mais le caractère judiciaire de la procédure demeure prédominant.

Certains biens indivis, en raison de leur complexité ou de leur nature particulière, requièrent l’intervention du juge pour que leur partage soit réalisé dans des conditions adéquates. Tel est le cas des biens immobiliers complexes ou indivisibles, lorsque les indivisaires ne parviennent pas à s’accorder sur leur valeur ou leur division matérielle. Dans de telles situations, la juridiction saisie peut ordonner une expertise ou, en dernier ressort, une vente judiciaire sous forme de licitation. De même, les biens grevés de droits spécifiques, tels que les sûretés réelles ou les mesures conservatoires, requièrent souvent une intervention judiciaire afin de lever les incertitudes juridiques et de permettre une répartition équitable.

La procédure de partage judiciaire se distingue par sa rigueur et son formalisme. Elle comprend des étapes bien définies, à commencer par la saisine du tribunal. Sous la direction d’un notaire désigné, un état liquidatif est établi, décrivant en détail la répartition projetée des biens. Cet état est ensuite soumis à l’homologation judiciaire, qui en garantit la conformité et la légalité. Enfin, dans les cas où la répartition ne peut être déterminée par un accord entre les parties, le tirage au sort des lots assure une allocation impartiale des biens. Bien que cette procédure puisse sembler contraignante, elle demeure essentielle pour préserver l’équité, notamment lorsque les relations entre les indivisaires sont conflictuelles ou que la nature des biens le requiert.

Malgré son importance dans les situations les plus complexes, le partage judiciaire reste une solution ultime et résiduelle. Le législateur, soucieux de promouvoir des solutions consensuelles, encourage une transition vers le partage amiable, même lorsqu’une procédure judiciaire est en cours. L’article 842 du Code civil permet ainsi aux parties, à tout moment, d’abandonner les voies judiciaires pour conclure un partage amiable, sous réserve d’un accord unanime. Cette disposition illustre la volonté de privilégier, autant que possible, une résolution autonome et harmonieuse des différends entre indivisaires.