I) Définition de la qualité de commerçant
Aux termes de l’article L. 121-1 du Code de commerce, « sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle ».
Trois enseignements peuvent être tirés de cette définition du commerçant :
- Le commerçant tient sa qualité de l’accomplissement d’actes de commerce.
- C’est donc l’activité commerciale qui confère à son auteur la qualité de commerçant et non l’inverse
- L’immatriculation au registre du commerce et des sociétés ne confère nullement à son auteur la qualité de commerçant.
- Il s’agit seulement d’un mode de preuve de la qualité de commerçant
- La reconnaissance de la qualité de commerçant suppose la réunion de trois conditions cumulatives:
- L’accomplissement d’actes de commerce
- À titre de profession habituelle
- De manière indépendante
II) Les éléments constitutifs de la qualité de commerçant
A) L’accomplissement d’actes de commerce
- Principe
- Seuls les actes de commerce par nature confèrent à leur auteur la qualité de commerçant
- Exclusion
- Les actes de commerce par accessoire sont exclus dans la mesure où pour être qualifiés d’actes de commerce, cela suppose que leur auteur revête la qualité de commerçant
- Les actes de commerce par la forme ne sont pas non plus susceptibles de conférer à leur auteur la qualité de commerçant dans la mesure où ils sont précisément accomplis indépendamment de la qualité de commerçant
- Ainsi, le fait d’émettre de façon régulière des lettres de change, ne saurait conférer au tireur la qualité de commerçant, nonobstant le caractère commercial de cet acte
- Exception
- Par exception, la qualité de commerçant peut être conférée à certaines personnes, indépendamment de l’activité qu’elles exercent
- Il s’agit :
- Des sociétés visées à l’article L. 210-1 du Code de commerce auxquelles on confère la qualité de commerçant indépendamment de leur activité, soit :
- Les sociétés en nom collectif
- Les sociétés en commandite simple
- Les sociétés à responsabilité limitée
- Les sociétés par actions
- Des associés en nom collectif ( L. 221-1 du Code de commerce)
- Des associés commandités ( L. 222-1 du Code de commerce)
- Des sociétés visées à l’article L. 210-1 du Code de commerce auxquelles on confère la qualité de commerçant indépendamment de leur activité, soit :
B) L’accomplissement d’actes de commerce à titre de profession habituelle
- Principe
- L’accomplissement isolé d’actes de commerce est insuffisant quant à conférer la qualité de commerçant.
- Il est nécessaire que celui qui accomplit des actes de commerce par nature se livre à une certaine répétition et qu’il accomplisse lesdits actes dans le cadre de l’exercice d’une profession
- Conditions
- L’exigence de répétition
- Aucun seuil n’a été fixé par la jurisprudence pour déterminer à partir de quand il y a répétition
- À, ce qui compte, c’est moins le nombre d’actes de commerce accomplis que le dessein de leur auteur[1], soit la spéculation
- Il en résulte que l’accomplissement d’un seul acte de commerce peut suffire à conférer à son auteur la qualité de commerçant
- Exemple : l’acquisition d’un fonds de commerce
- L’exercice d’une profession
- Pour que l’accomplissement d’actes de commerce de façon répétée confère à leur auteur la qualité de commerçant, encore faut-il que l’exercice de son activité commerciale constitue une profession
- Par profession, il faut entendre selon le doyen Riper « le fait de consacrer d’une façon principale et habituelle son activité à l’accomplissement d’une tâche dans le dessein d’en tirer profit »
- Autrement dit, pour que l’activité commerciale constitue une profession, cela suppose que, pour son auteur, elle soit sa principale source de revenus et lui permette d’assurer la pérennité de son entreprise
- Dès lors, celui qui accomplirait de façon habituelle des actes de commerce sans aucune intention d’en tirer profit, ne saurait se voir conférer la qualité de commerçant ( en ce sens Cass. com., 13 mai 1970 : D. 1970, jurispr. p. 644).
- Non-exclusivité de l’activité commerciale
- Il n’est nullement besoin que l’activité commerciale soit exclusive de toute autre activité pour que la qualité de commerçant soit conférée à son auteur
- L’activité commerciale peut parfaitement se cumuler avec une activité civile
- L’exigence de répétition
C) L’accomplissement d’actes de commerce de façon indépendante
- Principe
- La jurisprudence a posé une troisième condition quant à la reconnaissance de la qualité de commerçant à celui qui accomplit des actes de commerce à titre de profession habituelle ( en ce sens Cass. com., 30 mars 1993: Bull. civ. 1993, IV n° 126, p. 86).
- Leur auteur doit les accomplir de façon indépendante, soit en son nom et pour son compte.
- Il en résulte que celui qui accomplit des actes de commerce de façon répété pour le compte d’autrui ne saurait se voir conférer la qualité de commerçant.
- Notion d’indépendance
- L’indépendance dont il s’agit est juridique et non économique.
- Il en résulte que les membres d’un réseau de distribution ou un franchisé peuvent parfaitement être qualifiés de commerçants.
- L’indépendance dont il s’agit est juridique et non économique.
- Personnes exclues de la qualité de commerçant
- Les salariés qui agissent pour le compte de leur employeur.
- Les dirigeants sociaux qui agissent au nom et pour le compte d’une société.
- Les mandataires, tels que les agents commerciaux qui représentent un commerçant.
III) L’établissement de la qualité de commerçant
A) La présomption de la qualité de commerçant
- Présomption simple
- Principe
- Aux termes de l’article L. 123-7 du Code de commerce « l’immatriculation d’une personne physique emporte présomption de la qualité de commerçant».
- Ainsi, l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés fait présumer la qualité de commerçant
- Il s’agit là d’une présomption simple
- Exception
- L’article 123-7 du Code de commerce prévoit néanmoins que « cette présomption n’est pas opposable aux tiers et administrations qui apportent la preuve contraire. Les tiers et administrations ne sont pas admis à se prévaloir de la présomption s’ils savaient que la personne immatriculée n’était pas commerçante.»
- Principe
- Présomption irréfragable
- Le commerçant qui cesse son activité doit formuler une demande de radiation du RCS dans les deux mois qui suivent sa cessation d’activité.
- À défaut, il est irréfragablement présumé commerçant en cas de vente ou de location-gérance de son fonds de commerce ( en ce sens Cass. com., 9 févr. 1971 : D. 1972, jurispr. p. 600, note A. Jauffret)
B) La preuve de la qualité de commerçant
Dans l’hypothèse où aucune immatriculation au registre du commerce et des sociétés n’a été effectuée, la qualité de commerçant se prouve par tous moyens.
Il conviendra de démontrer la satisfaction des conditions exigées à l’article L. 121-1 du Code de commerce.
Parfois, la seule démonstration de l’exploitation d’une entreprise commerciale suffira (V. en ce sens Cass. com., 11 févr. 2004 : JurisData n° 2004-022278)
IV) Distinction entre le commerçant, l’artisan et les professions libérales
- Artisans / Commerçants
- S’il n’existe aucune véritable définition juridique des artisans, la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 fait obligation aux personnes qui exercent une activité professionnelle indépendante de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services, à l’exclusion de l’agriculture et de la pêche et qui ont moins de dix salariés de s’immatriculer au répertoire des métiers spécifique aux artisans.
- Quatre grands secteurs d’activité sont ainsi distingués ( en ce sens : http://www.artisanat.fr/Default.aspx?tabid=292):
- les métiers de service (cordonnier, esthéticienne, coiffeur, fleuriste, photographe etc.)
- les métiers de production (menuisier, couturier, ébéniste, tapissier)
- les métiers du bâtiment (maçon, couvreur, plombier, chauffagiste, électricien etc.)
- les métiers de l’alimentation (charcutier, chocolatier, boulanger traiteur etc.)
- Les artisans se distinguent des commerçants en ce qu’ils ne spéculent, ni sur les marchandises qu’ils fournissent, ni sur le travail d’autrui
- Pour bénéficier du statut d’artisan, cela suppose que le travail effectué soit plus cher que les matériaux fournis au client final.
- Professions libérales / Commerçants
- La loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification des démarches administratives prise en son article 29 définit les professions libérales comme « les personnes exerçant à titre habituel, de manière indépendante et sous leur responsabilité, une activité de nature généralement civile ayant pour objet d’assurer, dans l’intérêt du client ou du public, des prestations principalement intellectuelles, techniques ou de soins mises en œuvre au moyen de qualifications professionnelles appropriées et dans le respect de principes éthiques ou d’une déontologie professionnelle, sans préjudice des dispositions législatives applicables aux autres formes de travail indépendant».
- Les professions libérales se distinguent des commerçants en ce que la prestation qu’ils fournissent est de nature purement intellectuelle.
- L’idée sous-jacente est que les travaux purement intellectuels ne s’apparentent pas à des marchandises évaluables en argent.
- La rémunération d’un, avocat, d’un notaire, d’un médecin ou d’un architecte (honoraires) ne correspond donc pas à la valeur réelle du service rendu.
- Qui plus est, la vocation première d’une profession libérale n’est pas de faire du profit.
- C’est la raison pour laquelle les professions libérales ne sont pas comptées parmi les commerçants, au point que l’on voit d’un œil suspect leur rapprochement avec toute forme de négoce.
[1] P. Didier, Droit commercial, éd. Economica, 2004, t.1, p. 67.