Le principe d’indivisibilité du paiement

Pour mémoire, l’article 1342, al. 1er du Code civil définit le paiement comme « l’exécution volontaire de la prestation due ».

L’objet du paiement c’est donc la prestation due par le débiteur. Pour que celui-ci soit libéré de son obligation, l’exécution de cette prestation doit répondre à deux exigences :

  • D’une part, le débiteur doit fournir la même prestation que celle prévue au contrat. C’est le principe d’immutabilité de l’objet du paiement
  • D’autre part, le débiteur doit fournir l’intégralité de la prestation en raison du principe d’indivisibilité du paiement

Nous nous focaliserons ici sur le principe d’indivisibilité du paiement.

==> Principe

L’article 1342-4, al. 1er du Code civil prévoit que « le créancier peut refuser un paiement partiel même si la prestation est divisible. »

Il ressort de cette disposition que le paiement est indivisible, en ce sens qu’il doit porter sur tout ce qui est dû.

En d’autres termes, il est fait interdiction au débiteur d’imposer au créancier un paiement partiel ou fractionné sans avoir reçu son consentement, soit au moment de l’établissement du contrat, soit postérieurement.

Il s’agit là d’une reprise de la règle énoncée par l’ancien article 1244 du Code civil qui prévoyait que « le débiteur ne peut forcer le créancier à recevoir en partie le paiement d’une dette, même divisible. »

Le principe d’indivisibilité du paiement se justifie par le souci de préservation des intérêts du créancier. Un paiement fractionné est susceptible de lui occasionner une gêne, ne serait-ce que parce qu’il sera soumis à un délai d’attente.

À supposer que la prestation à fournir consiste en la délivrance d’une chose et que le débiteur fractionne les livraisons, le créancier devra attendre d’être livré de tous les éléments composant la chose promise pour en retirer les utilités attendues.

Si, par exemple, le vendeur d’un ordinateur livre l’unité centrale sans écran, l’acquéreur ne pourra pas le faire fonctionner. Cela reviendra alors pour lui à ne pas avoir été payé. C’est pour cette raison que la loi l’autorise à refuser le paiement partiel qui lui est fait.

À cet égard, l’article 1342-4, al. 1er du Code civil précise que le principe d’indivisibilité du paiement s’applique également en présence d’une prestation divisible, telle que le versement d’une somme d’argent.

Lorsqu’ainsi la dette consiste en un capital et des intérêts, le créancier pourra s’opposer au versement du seul capital ou des seuls intérêts. La Cour de cassation a statué en ce sens dans un arrêt du 13 juin 1972 en approuvant une Cour d’appel qui avait estimé l’offre faite par un débiteur de ne payer que le capital n’était pas satisfactoire et que, à ce titre « le débiteur ne pouvait forcer son créancier à recevoir paiement d’une partie de la dette, même divisible [alors que] les intérêts étaient dus sur la totalité de la dette » (Cass. 3e civ. 13 juin 1972, n°71-11.627).

Le raisonnement est le même lorsque la prestation due consiste en la délivrance d’une quantité de choses fongibles. Le créancier peut s’opposer à leur livraison partielle.

La règle énoncée par l’article 1342-4, al. 1er du Code civil n’est toutefois pas d’ordre public. Le créancier peut parfaitement accepter de recevoir un paiement seulement partiel.

Le législateur a d’ailleurs envisagé cette faculté à l’article 1343-1, al. 1er du Code civil. Cette disposition prévoit que « lorsque l’obligation de somme d’argent porte intérêt, le débiteur se libère en versant le principal et les intérêts. Le paiement partiel s’impute d’abord sur les intérêts. »

==> Exceptions

Le principe d’interdiction du paiement partiel est assorti de plusieurs exceptions qui ont pour fondement tantôt le contrat, tantôt la loi et parfois même une décision de justice.

  • Stipulation d’une clause contractuelle
    • La règle énoncée à l’article 1342-1, al. 1er du Code civil étant supplétive de volonté, les parties peuvent convenir d’écarter le principe d’interdiction du paiement partiel et donc prévoir que le paiement sera échelonné dans le temps.
    • Tel est le cas en matière de prêt dit amortissable : le banquier convient avec l’emprunteur que les sommes prêtées seront remboursées dans un délai fixé au contrat (durée d’amortissement du prêt).
  • Autorisation de la loi
    • Plusieurs textes autorisent le débiteur d’une obligation à effectuer des paiements partiels
      • Paiement d’un chèque, d’une lettre de change ou d’un billet à ordre
        • La loi pose une interdiction pour le porteur d’un chèque ( L. 131-37, al. 2e CMF), d’une lettre de change (art. 511-27, al. 2e CMF) ou d’un billet à ordre (art. L. 512-3 CMF) de refuser un paiement partiel, car, en l’acceptant, le paiement libère éventuellement les garants dans la limite de ce qui a été payé.
        • En contrepartie, le porteur dispose d’un recours pour le surplus contre le tiré et les garants.
        • Si le porteur refuse le paiement partiel, il sera déchu de ses recours contre les garants à concurrence de la somme refusée.
      • Le paiement unique du débiteur en présence d’une pluralité de dettes
        • Lorsqu’un débiteur est tenu envers un créancier du chef de plusieurs dettes, l’article 1342-10, al. 1er du Code civil l’autorise à indiquer lorsqu’il paie, celle qu’il entend acquitter, étant précisé que si le paiement n’est que partiel le créancier pourra le refuser.
        • En l’absence toutefois d’indication de paiement par le débiteur, l’alinéa 2 de l’article 1342-10 précise que « l’imputation a lieu comme suit : d’abord sur les dettes échues ; parmi celles-ci, sur les dettes que le débiteur avait le plus d’intérêt d’acquitter. À égalité d’intérêt, l’imputation se fait sur la plus ancienne ; toutes choses égales, elle se fait proportionnellement.»
        • Ainsi, le paiement unique effectué par le débiteur a-t-il vocation à s’imputer sur chacune des dettes à proportion de leur montant, ce qui revient à admettre qu’elles ne soient payées que partiellement.
      • Le paiement d’une obligation conjointe
        • Dans l’hypothèse où l’obligation comporte plusieurs sujets, le principe instauré par le législateur est la division de l’obligation en autant de rapports indépendants qu’il existe de créanciers ou de débiteurs.
        • L’article 1309 du Code civil dispose en ce sens que « l’obligation qui lie plusieurs créanciers ou débiteurs se divise de plein droit entre eux». L’obligation est dite conjointe.
        • L’une des conséquences attachées par l’article 1309, al. 2 du Code civil à cette configuration de l’obligation est que chacun des débiteurs n’est tenu que de sa part de la dette commune, de sorte que le créancier devra diviser ses poursuites entre tous les débiteurs
        • Chaque débiteur n’est, en effet, obligé qu’à concurrence de sa part dans la dette.
        • Aussi, le créancier ne pourra pas lui réclamer le paiement du tout et devra, en conséquence se satisfaire d’un paiement partiel.
        • Cette situation se rencontrera, par exemple, lorsque le débiteur décède : le créancier devra diviser ses poursuites entre tous les héritiers, chacun étant autorisé à n’effectuer que des paiements partiels à hauteur de leur part dans la succession ( 1309, al. 1er C. civ.).
        • Elle se rencontre également en présence d’un cautionnement simple.
        • L’article 2306, al. 2e du Code civil prévoit, en effet, que lorsqu’une caution non solidaire est appelée en garantie par le créancier, elle peut lui opposer le bénéfice de division.
        • Autrement dit, elle peut le contraindre à diviser ses poursuites entre toutes les cautions.
        • Aussi, ce dernier ne pourra-t-il réclamer à la caution qui se prévaut de ce bénéfice que sa part de la dette cautionnée ; il ne pourra pas l’actionner en paiement pour le tout, ce qui implique qu’il ne recevra de cette caution qu’un paiement partiel.
  • Décision d’un juge
    • Délai de grâce
      • L’article 1343-5 du Code civil prévoit que « le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. »
      • Il ressort de cette disposition qu’un paiement fractionné peut être imposé par le juge au créancier dans l’hypothèse où le débiteur justifie :
        • D’une part, d’une situation obérée, soit qu’il rencontre des difficultés qui objectivement ne lui permettent pas de satisfaire à son obligation de paiement
        • D’autre part, que les difficultés rencontrées résultent de circonstances indépendantes de sa volonté
        • Enfin, qu’il est de bonne foi, ce qui signifie qu’il a mis en œuvre tous les moyens dont ils disposent pour remplir son obligation
      • Lorsque ces conditions sont réunies, comme précisé par le texte, l’échelonnement de la dette ne peut pas excéder deux années.
    • Procédure de surendettement
      • L’article L. 733-1 du Code de la consommation autorise la Commission de surendettement des particuliers, en l’absence de mission de conciliation ou en cas d’échec de celle-ci et à la demande du débiteur et après avoir mis les parties en mesure de fournir leurs observations, d’imposer notamment de « rééchelonner le paiement des dettes de toute nature, y compris, le cas échéant, en différant le paiement d’une partie d’entre elles, sans que le délai de report ou de rééchelonnement puisse excéder sept ans ou la moitié de la durée de remboursement restant à courir des emprunts en cours ; en cas de déchéance du terme, le délai de report ou de rééchelonnement peut atteindre la moitié de la durée qui restait à courir avant la déchéance».
      • Ainsi, le créancier peut-il se voir contraint d’accepter un échelonnement dans le temps de son paiement
    • Procédure collective
      • Lorsqu’une entreprise rencontre des difficultés, il est un risque que ses dirigeants ne réagissent pas à temps pour les traiter, soit parce qu’ils ne prennent pas conscience de la situation, soit parce qu’ils ne souhaitent pas effrayer les créanciers ou s’exposer à la menace de poursuites.
      • En tout état de cause, si le dirigeant ne réagit pas rapidement, son incurie est susceptible de compromettre la continuité de l’exploitation.
      • Aussi, afin que le chef d’entreprise ne se retrouve pas dans cette situation, le législateur est intervenu à plusieurs reprises pour instaurer des procédures dont la vocation commune est l’appréhension des difficultés rencontrées par l’entreprise.
      • Ces procédures (conciliation, sauvegarde, redressement judiciaire etc.) donneront lieu notamment à la restructuration du passif de l’entreprise, ce qui se traduira concrètement par un rééchelonnement des dettes.

La dation en paiement: régime

==> Vue générale

L’article 1342-4 du Code civil prévoit que le créancier « peut accepter de recevoir en paiement autre chose que ce qui lui est dû. »

Il ressort de cette disposition que le principe d’immutabilité de l’objet du paiement n’est pas impératif. Il peut y être dérogé par les parties.

Lorsque le créancier accepte que le débiteur lui fournisse une prestation différente de celle qui était initialement convenu au contrat, on dit que s’opère alors une dation en paiement, laquelle s’analyse en un mode d’extinction des obligations.

Plus précisément, la dation en paiement se définit comme « la convention par laquelle le créancier accepte de recevoir en paiement une prestation différente de celle qui était prévue au contrat »[1].

Concrètement, c’est le fait pour le débiteur d’une obligation ayant pour objet, par exemple une somme d’argent, de s’acquitter de sa dette par l’exécution d’une autre prestation, telle que la délivrance d’une chose ou la fourniture d’un service d’une valeur équivalente.

Dans son sens littéral, le terme « dation », qui vient du latin « dare » (donner), signifie transfert de propriété. Aussi, la dation en paiement consisterait nécessairement en la substitution de l’obligation initiale par la remise d’une chose.

Est-ce à dire qu’il ne pourrait pas y avoir dation en paiement en cas fourniture d’une prestation de services en remplacement de la remise d’une somme d’argent ?

La doctrine majoritaire réfute cette analyse et plaide pour une approche extensive de la dation en paiement. Selon elle, la nature de la prestation substituée à celle convenue initialement par les parties serait indifférente.

Ce qui importe c’est que le mode de paiement accepté par le créancier diffère de celui stipulé au contrat.

C’est manifestement cette approche qui a été validée par le législateur à l’occasion de la réforme du régime général des obligations. L’article 1342-4 du Code civil ne limite aucunement la dation en paiement au cas de substitution de la prestation originaire par la délivrance d’une chose.

==> Nature

La nature de la dation en paiement a été âprement discutée en doctrine. Les auteurs ont cherché à l’habiller de plusieurs qualifications. Nous n’en aborderons que deux :

  • Dation en paiement et novation
    • D’aucuns ont soutenu que la dation en paiement s’analyserait en une novation par changement d’objet.
    • Pour mémoire, la novation consiste en un « contrat qui a pour objet de substituer à une obligation, qu’elle éteint, une obligation nouvelle qu’elle crée» ( 1329 C. civ.)
    • Il s’agit, autrement dit, d’une modalité d’extinction d’une obligation préexistante par la substitution d’une obligation nouvelle.
    • Ce mécanisme présente la particularité de lier indivisiblement l’extinction de la première obligation et la création de la seconde.
    • Autrement dit, la création de l’obligation nouvelle ne peut s’opérer sans extinction de l’obligation primitive.
    • À l’examen, la dation en paiement se distingue de la novation en ce que les parties ont l’intention d’éteindre le rapport d’obligation qui les lie.
    • Tel n’est pas le cas en présence d’une novation qui implique la volonté des parties de substituer le rapport d’obligation primitif par un nouveau rapport d’obligation.
    • À cet argument, les tenants de la thèse de la novation opposent que la dation en paiement consisterait bien en la substitution d’une obligation primitive, par une obligation nouvelle ; seulement, cette dernière s’exécuterait immédiatement.
    • La Cour de cassation est allée dans le sens de cette thèse en admettant dans un arrêt du 12 janvier 1988 que « la dation en paiement comme le paiement lui-même, peut être à terme» ( 3e civ. 12 janv. 1988, n°86-14.562).
    • Manifestement, dans cette configuration rien ne la distinguerait de la novation dans la mesure où la substitution de la prestation d’origine par une autre prestation pourrait s’étirer dans le temps, ce qui correspond précisément à l’hypothèse de la novation.
  • Dation en paiement et vente assortie d’une compensation
    • Certains auteurs voient dans la dation en paiement une vente dont le prix serait payé par le créancier, lequel prix viendrait se compenser avec la dette initiale
    • Au soutien de cette thèse, ils avancent que la jurisprudence a appliqué certains effets de la vente à la dation en paiement.
    • La Cour de cassation a, par exemple, admis dans le cadre d’une dation en paiement l’application des règles de la rescision pour lésion (V. en ce sens 3e civ. 25 mai 1983, n°81-13.214), de la garantie des vices cachés (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 20 nov. 1990, n°89-14.583) ou encore du principe de transfert immédiat de la propriété (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 27 janv. 1993, n°91-12.115).
    • Bien séduisante, l’analogie avec la vente ne permet pas de rendre compte des cas de dation en paiement non translatifs de propriété.
    • En effet, pour qu’il y ait vente, encore faut-il qu’il y ait transfert de propriété ; or la dation en paiement peut intervenir en dehors de toute remise de chose.
    • Surtout, certains effets de la vente ne sont pas applicables à la dation en paiement.
    • Par exemple, en cas d’annulation de l’obligation initiale, la dation en paiement emporte restitution du bien remis à titre de paiement alors que si l’on était en présence d’une vente le débiteur ne pourrait réclamer que la restitution du prix du bien délivré.
    • Pour toutes ces raisons, la dation en paiement ne se confond pas avec la vente.

Au bilan, comme souligné par certains « rien ne justifie que l’on contraigne ainsi la dation en paiement dans le moule d’un autre mécanisme ou que l’on conclut à une hypothétique qualification mixte »[2].

La dation en paiement n’est autre qu’un mode particulier d’extinction des obligations. Elle obéit à des règles propres, en particulier celle posant l’exigence de consentement du créancier.

I) Conditions de la dation en paiement

Parce que la dation en paiement consiste pour le débiteur à fournir au créancier une prestation différente de celle convenue initialement, elle a toujours été envisagée avec une certaine méfiance.

En effet, il s’agit d’un mode anormal de paiement qui interroge sur la situation financière du débiteur. La dation en paiement a, par ailleurs, pour effet de modifier les termes du contrat, de sorte qu’il ne faudrait pas qu’elle porte atteinte à sa force obligatoire.

Pour toutes ces raisons, la dation en paiement est susceptible d’être plus facilement annulée que les autres modalités de paiement. À cet égard, il a été admis qu’elle puisse être remise en cause par la voie de l’action paulienne (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 19 janv. 1977, n°75-14.274).

Pour que la dation en paiement soit valable, quatre conditions cumulatives doivent être réunies :

  • Première condition
    • La dation en paiement n’est valable que si le créancier a donné son accord.
    • Cette condition est expressément posée par l’article 1342-4 du Code civil qui exige que le créancier accepte de recevoir en paiement autre chose que ce qui lui est dû.
    • Il s’agit là d’une reprise de la solution en vigueur sous l’empire du droit antérieur à l’adoption de l’ordonnance du n° 2016-131 du 10 février 2016.
    • Dans un arrêt du 13 avril 2005, la Cour de cassation avait affirmé, par exemple, que « le créancier ne peut être contraint de recevoir une autre chose que celle qui lui est due, quoique la valeur de la chose offerte soit égale ou même plus grande» ( 3e civ. 13 avr. 2005, n°04-10.774).
    • À cet égard, dans un arrêt du 21 novembre 1995, la Première chambre civile a admis que l’accord du créancier puisse être tacite ( 1ère civ. 21 nov. 1995, n°93-16.554).
  • Deuxième condition
    • La dation en paiement présuppose l’existence d’une obligation primitive non éteinte
    • Autrement dit, elle ne doit avoir fait l’objet d’aucun paiement faute de quoi la dation en paiement serait sans objet : on ne peut pas éteindre une obligation déjà éteinte.
  • Quatrième condition
    • Pour produire ses effets, la dation en paiement implique qu’il soit remis en paiement au créancier autre chose que ce qui lui est dû.
    • Autrement dit, la prestation fournie par le débiteur doit être d’une nature différente de celle initialement convenue.
    • Trois cas de dation en paiement sont admis aujourd’hui :
      • Si la prestation initialement convenue consiste en un versement de somme d’agent, le débiteur pourra se libérer de son obligation en remettant une chose ou en fournissant un service d’une valeur équivalente
      • Si la prestation initialement convenue consiste en la remise d’une chose, le débiteur pourra se libérer de son obligation en versant une somme d’argent équivalente à la valeur de cette chose ou en remettant un autre bien ou en fournissant un service d’une valeur équivalente
      • Si la prestation initialement convenue consiste en la fourniture d’un service, le débiteur pourra se libérer de son obligation en versant une somme d’argent ou en remettant une autre chose d’une valeur équivalente ou en fournissant un autre service d’une valeur équivalente

II) Effets de la dation en paiement

Plusieurs effets sont attachés à la dation en paiement :

  • Premier effet
    • La dation en paiement est un mode d’extinction des obligations.
    • Elle a donc pour effet d’éteindre l’obligation sur laquelle elle porte et, par voie de conséquence de libérer le débiteur de son engagement
  • Deuxième effet
    • En ce qu’elle constitue un mode de paiement, la dation en paiement produit un effet libératoire.
    • Autrement dit, lorsque les conditions sont réunies, elle libère le débiteur de son engagement envers le créancier.
  • Troisième effet
    • Selon la prestation fournie par le débiteur en remplacement de la prestation initiale, la dation en paiement produit des effets différents.
    • Elle produira notamment un effet translatif dans l’hypothèse où le débiteur exécute son obligation par la remise d’une chose.
    • Dans cette hypothèse, la dation en paiement se rapprochera d’une vente, raison pour laquelle la jurisprudence a estimé qu’il avait lieu d’admettre, lorsqu’elle porte sur un immeuble, l’action en rescision pour lésion ( 3e civ. 25 mai 1983, n°81-13.214), le principe de transfert immédiat de la propriété (Cass. 1ère civ. 27 janv. 1993, n°91-12.115), l’application de la garantie des vices cachés (Cass. 1ère civ. 20 nov. 1990, n°89-14.583) ou de la garantie d’éviction (Cass. 3e civ. 13 déc. 1968).
    • Dans l’hypothèse, en revanche, où la prestation de substitution consistera en la fourniture d’un service, il est probable qu’on soumette la dation en paiement à certains effets du contrat d’entreprise.

 

[1] J. François, Traité de droit civil – Les obligations, Régime général, Economica 2017, n°139, p. 126.

[2] F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette et F. Chénédé, Droit civil – Les obligations, éd. Dalloz, 2019, n°1423, p. 1504

Le principe d’immutabilité de l’objet du paiement

Pour mémoire, l’article 1342, al. 1er du Code civil définit le paiement comme « l’exécution volontaire de la prestation due ».

L’objet du paiement c’est donc la prestation due par le débiteur. Pour que celui-ci soit libéré de son obligation, l’exécution de cette prestation doit répondre à deux exigences :

  • D’une part, le débiteur doit fournir la même prestation que celle prévue au contrat. C’est le principe d’immutabilité de l’objet du paiement
  • D’autre part, le débiteur doit fournir l’intégralité de la prestation en raison du principe d’indivisibilité du paiement

Nous nous focaliserons ici sur le principe d’immutabilité de l’objet du paiement.

I) Principe

A) Exposé du principe

Bien qu’énoncé par aucun texte, il est de principe que l’objet du paiement est immutable, soit que l’on ne peut pas le permuter.

Autrement dit, le débiteur ne peut pas fournir une prestation différente de celle prévue initialement au contrat.

L’ancien article 1243 du Code civil disposait en ce sens que « le créancier ne peut être contraint de recevoir une autre chose que celle qui lui est due, quoique la valeur de la chose offerte soit égale ou même plus grande. »

Cette règle s’infère de la lecture a contrario du nouvel article 1342-4 du Code civil introduit par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.

Cette disposition prévoit, en effet, que le créancier « peut accepter de recevoir en paiement autre chose que ce qui lui est dû ».

A contrario, cela signifie donc qu’il est fondé à refuser la prestation qui consisterait à fournir autre chose que ce qui lui est dû, fût-t-elle d’une valeur identique ou même supérieure.

Pour être libéré de son obligation, le débiteur doit fournir exactement la même prestation que celle à laquelle il s’est contractuellement engagé.

Cette règle se justifie par la force obligatoire du contrat qui contraint les parties à exécuter leurs obligations conformément aux termes du contrat.

Dans un arrêt du 7 octobre 1997, la Cour de cassation a ainsi approuvé la décision rendue par une Cour d’appel qui avait estimé que, s’agissant de l’obligation résultant d’une décision judiciaire, laquelle est libellée en francs français, « le débiteur n’était pas fondé, en vertu de l’article 1243 du Code civil, à imposer au créancier, fût-il comme lui de nationalité étrangère et domicilié à l’étranger, un paiement en monnaie étrangère » (Cass. 1ère civ. 7 oct. 1997, n°95-16.671).

B) Mise en œuvre du principe

Selon le type d’obligation qui pèse sur le débiteur, l’objet du paiement se laisse plus ou moins facilement appréhendé.

En présence d’une obligation de ne pas faire le paiement consistera pour le débiteur à s’abstenir.

A l’inverse, en présence d’une obligation de faire, le paiement supposera l’accomplissement d’une action positive (non-concurrence, non divulgation d’informations confidentielles etc.).

Dans l’un ou l’autre cas, l’objet du paiement ne soulèvera pas de difficulté quant à la prestation attendue du débiteur : tantôt il doit s’abstenir, tantôt il doit agir.

Plus délicate est en revanche la détermination de l’objet du paiement lorsque :

  • Soit la prestation consiste à remettre un corps certain
  • Soit la prestation consiste à remettre une chose de genre

1. La prestation consiste à remettre un corps certain

Lorsque la chose à remettre au créancier consiste en un corps certain, la question se pose de savoir dans quel état cette chose doit se trouver au moment de sa livraison.

a. Notion

Par corps certain, il faut entendre une chose unique qui possède une individualité propre.

Exemple : un immeuble, un bijou de famille, une œuvre d’art, etc…

Les corps certains se caractérisent par leur singularité, en ce sens qu’ils n’ont pas leur pareil. Il s’agit donc de choses qui possèdent une identité : on ne peut pas les remplacer à l’identique.

À cet égard, les immeubles sont toujours des corps certains, car ils occupent toujours une situation géographique qui leur est propre, sauf à être envisagées abstraitement, soit présentés comme composant un lot.

b. Application

L’article 1342-5 du Code civil prévoit que « le débiteur d’une obligation de remettre un corps certain est libéré par sa remise au créancier en l’état, sauf à prouver, en cas de détérioration, que celle-ci n’est pas due à son fait ou à celui de personnes dont il doit répondre. »

Cette disposition aborde la question de l’état dans laquelle la chose doit être remise au créancier lorsqu’elle consiste en un corps certain.

==> Principe

Le texte dit que, pour être libéré de son obligation le débiteur doit remettre au créancier la chose « en l’état ».

Que faut-il entendre par en l’état ? Il faut comprendre deux choses :

  • Premier élément
    • La chose ne doit pas avoir été détériorée, soit doit se trouver dans un état conforme à celui stipulé au contrat.
  • Premier élément
    • En précisant que pour être libéré de son obligation, il suffit au débiteur de remettre la chose « en l’état » ; le législateur a entendu faire peser les risques sur le créancier.
    • Autrement dit, les détériorations susceptibles d’affecter l’état de la chose entre la naissance de l’obligation et la remise de la chose doivent être supportées par le créancier.
    • Il s’agit là d’une reprise de l’ancien article 1245 du Code civil qui prévoyait que « le débiteur d’un corps certain et déterminé est libéré par la remise de la chose en l’état où elle se trouve lors de la livraison».

==> Exceptions

Si donc le créancier supporte les risques de détérioration de la chose due tant qu’elle ne lui a pas été remise, ce principe souffre de plusieurs exceptions :

  • Première exception : le fait du créancier ou d’une personne dont il doit répondre
    • L’article 1342-5 du Code civil prévoit que le débiteur ne supporte pas les risques de détérioration de la chose « sauf à prouver, en cas de détérioration, que celle-ci n’est pas due à son fait ou à celui de personnes dont il doit répondre. »
    • Ainsi, en cas de détérioration de la chose au jour de sa livraison, le créancier peut engager la responsabilité du débiteur dans deux cas :
      • Premier cas
        • La détérioration de la chose a été causée par le débiteur lui-même.
        • Le texte vise « le fait» du débiteur, ce qui signifie qu’il est indifférent que ce fait soit ou non constitutif d’une faute.
        • Il suffit seulement que la détérioration soit imputable au débiteur
      • Second cas
        • La détérioration de la chose a été causée par une personne dont le débiteur doit répondre.
        • Il peut s’agir d’un préposé, d’un mandataire ou encore d’une personne dont il est le représentant
        • Là encore, il est indifférent que la personne à l’origine de la détérioration ait commis une faute ; son simple fait suffit à engager la responsabilité du débiteur
    • Lorsque la détérioration de la chose résulte du fait du débiteur ou d’une personne dont il doit répondre, non seulement le créancier ne supporte pas les risques de cette détérioration, mais encore il est fondé à réclamer au débiteur le paiement de dommages et intérêts à hauteur du préjudice subi.
    • À cet égard, comme précisé par l’article 1342-5 du Code civil, en cas de détérioration de la chose, c’est au débiteur qu’il appartient de prouver qu’elle résulte, non de son fait, ni du fait des personnes dont il doit répondre.
  • Deuxième exception : la mise en demeure du débiteur
    • Si, par principe, la charge des risques de la chose à remettre pèse sur le créancier, lorsque le débiteur tarde à la délivrer cette charge est susceptible de s’inverser.
    • L’article 1344-2 du Code civil prévoit, en effet, que « la mise en demeure de délivrer une chose met les risques à la charge du débiteur, s’ils n’y sont déjà. »
    • Seule solution pour ce dernier de s’exonérer de sa responsabilité :
      • D’une part, l’impossibilité d’exécuter l’obligation de délivrance doit résulter de la perte de la chose due
      • D’autre part, il doit être établi que la perte se serait pareillement produite si l’obligation avait été exécutée.
    • Lorsque ces deux conditions cumulatives sont réunies, la charge des risques repasse sur la tête du créancier.
  • Troisième exception : les contrats de propriété soumis au droit de la consommation
    • Les articles L. 216-1 à 216-6 du Code de la consommation régissent la livraison de la chose aliéné et le transfert de la charge des risques lorsque le contrat est conclu entre un professionnel et un consommateur
    • Par souci de protection du consommateur, le législateur a dérogé au principe de transfert des risques concomitamment au transfert de propriété énoncé à l’article 1196, al. 3e du Code civil en prévoyant à l’article L. 216-4 du Code de la consommation que « tout risque de perte ou d’endommagement des biens est transféré au consommateur au moment où ce dernier ou un tiers désigné par lui, et autre que le transporteur proposé par le professionnel, prend physiquement possession de ces biens. »
    • Le transfert de la charge des risques intervient, de la sorte, non pas au moment du transfert de propriété, mais au moment de la livraison du bien.
    • Cette règle étant d’ordre public, le professionnel ne peut pas s’y soustraire par convention contraire (art. 216-6 C. conso).
    • Seule exception à la règle, l’article L. 216-5 prévoit que « lorsque le consommateur confie la livraison du bien à un transporteur autre que celui proposé par le professionnel, le risque de perte ou d’endommagement du bien est transféré au consommateur lors de la remise du bien au transporteur».

2. La prestation consiste à remettre une chose de genre

Lorsque la chose à remettre au créancier consiste en une chose de genre, la question se pose de savoir dans quelle quantité et de quelle qualité la chose doit être au moment de sa livraison.

==> Notion

Par chose de genre – que l’on dit fongible – il faut entendre une chose qui ne possède pas une individualité propre.

L’article 587 du Code civil désigne les choses fongibles comme celles qui sont « de même quantité et qualité » et l’article 1892 comme celles « de même espèce et qualité ».

Selon la formule du Doyen Cornu, les choses de genre sont « rigoureusement équivalentes comme instruments de paiement ou de restitution ».

Pour être des choses de genre, elles doivent, autrement dit, être interchangeables, soit pouvoir indifféremment se remplacer les unes, les autres, faire fonction les unes les autres.

Exemple : une tonne de blé, des boîtes de dolipranes, des tables produites en série etc…

Les choses de genre se caractérisent par leur espèce (nature, genre) et par leur quotité.

Ainsi, pour individualiser la chose fongible, est-il nécessaire d’accomplir une opération de mesure ou de compte.

==> Application

Lors de l’adoption de la réforme du régime général des obligations, le législateur qu’il n’y avait pas lieu de reprendre la règle énoncée à l’ancien article 1246 du Code civil.

Cette disposition prévoyait que « si la dette est d’une chose qui ne soit déterminée que par son espèce, le débiteur ne sera pas tenu, pour être libéré, de la donner de la meilleure espèce ; mais il ne pourra l’offrir de la plus mauvaise. »

L’absence de reprise de la règle ainsi énoncée signifie-t-il qu’elle a été abandonnée ?

Il n’en est rien. Le législateur lui a donné une portée plus large en insérant un article 1166 du Code civil qui prévoit désormais que « lorsque la qualité de la prestation n’est pas déterminée ou déterminable en vertu du contrat, le débiteur doit offrir une prestation de qualité conforme aux attentes légitimes des parties en considération de sa nature, des usages et du montant de la contrepartie. »

Si, antérieurement à la réforme du droit des contrats la loi ne posait aucune véritable exigence s’agissant de la qualité de la prestation, la jurisprudence exigeait néanmoins du débiteur qu’il fournisse une prestation de qualité moyenne.

Dorénavant, il n’est donc plus question de qualité moyenne de la prestation : pour répondre à l’exigence de détermination, elle doit seulement être « conforme aux attentes légitimes du créancier », lesquelles attentes doivent être appréciées en considération de la nature de la prestation des usages et de la contrepartie fournie.

Il s’agit là toutefois d’une règle supplétive qui n’aura vocation à s’appliquer que dans l’hypothèse où la prestation n’est ni déterminée, ni déterminable.

II) Exception : la dation en paiement

==> Vue générale

L’article 1342-4 du Code civil prévoit que le créancier « peut accepter de recevoir en paiement autre chose que ce qui lui est dû. »

Il ressort de cette disposition que le principe d’immutabilité de l’objet du paiement n’est pas impératif. Il peut y être dérogé par les parties.

Lorsque le créancier accepte que le débiteur lui fournisse une prestation différente de celle qui était initialement convenu au contrat, on dit que s’opère alors une dation en paiement, laquelle s’analyse en un mode d’extinction des obligations.

Plus précisément, la dation en paiement se définit comme « la convention par laquelle le créancier accepte de recevoir en paiement une prestation différente de celle qui était prévue au contrat »[1].

Concrètement, c’est le fait pour le débiteur d’une obligation ayant pour objet, par exemple une somme d’argent, de s’acquitter de sa dette par l’exécution d’une autre prestation, telle que la délivrance d’une chose ou la fourniture d’un service d’une valeur équivalente.

Dans son sens littéral, le terme « dation », qui vient du latin « dare » (donner), signifie transfert de propriété. Aussi, la dation en paiement consisterait nécessairement en la substitution de l’obligation initiale par la remise d’une chose.

Est-ce à dire qu’il ne pourrait pas y avoir dation en paiement en cas fourniture d’une prestation de services en remplacement de la remise d’une somme d’argent ?

La doctrine majoritaire réfute cette analyse et plaide pour une approche extensive de la dation en paiement. Selon elle, la nature de la prestation substituée à celle convenue initialement par les parties serait indifférente.

Ce qui importe c’est que le mode de paiement accepté par le créancier diffère de celui stipulé au contrat.

C’est manifestement cette approche qui a été validée par le législateur à l’occasion de la réforme du régime général des obligations. L’article 1342-4 du Code civil ne limite aucunement la dation en paiement au cas de substitution de la prestation originaire par la délivrance d’une chose.

==> Nature

La nature de la dation en paiement a été âprement discutée en doctrine. Les auteurs ont cherché à l’habiller de plusieurs qualifications. Nous n’en aborderons que deux :

  • Dation en paiement et novation
    • D’aucuns ont soutenu que la dation en paiement s’analyserait en une novation par changement d’objet.
    • Pour mémoire, la novation consiste en un « contrat qui a pour objet de substituer à une obligation, qu’elle éteint, une obligation nouvelle qu’elle crée» ( 1329 C. civ.)
    • Il s’agit, autrement dit, d’une modalité d’extinction d’une obligation préexistante par la substitution d’une obligation nouvelle.
    • Ce mécanisme présente la particularité de lier indivisiblement l’extinction de la première obligation et la création de la seconde.
    • Autrement dit, la création de l’obligation nouvelle ne peut s’opérer sans extinction de l’obligation primitive.
    • À l’examen, la dation en paiement se distingue de la novation en ce que les parties ont l’intention d’éteindre le rapport d’obligation qui les lie.
    • Tel n’est pas le cas en présence d’une novation qui implique la volonté des parties de substituer le rapport d’obligation primitif par un nouveau rapport d’obligation.
    • À cet argument, les tenants de la thèse de la novation opposent que la dation en paiement consisterait bien en la substitution d’une obligation primitive, par une obligation nouvelle ; seulement, cette dernière s’exécuterait immédiatement.
    • La Cour de cassation est allée dans le sens de cette thèse en admettant dans un arrêt du 12 janvier 1988 que « la dation en paiement comme le paiement lui-même, peut être à terme» ( 3e civ. 12 janv. 1988, n°86-14.562).
    • Manifestement, dans cette configuration rien ne la distinguerait de la novation dans la mesure où la substitution de la prestation d’origine par une autre prestation pourrait s’étirer dans le temps, ce qui correspond précisément à l’hypothèse de la novation.
  • Dation en paiement et vente assortie d’une compensation
    • Certains auteurs voient dans la dation en paiement une vente dont le prix serait payé par le créancier, lequel prix viendrait se compenser avec la dette initiale
    • Au soutien de cette thèse, ils avancent que la jurisprudence a appliqué certains effets de la vente à la dation en paiement.
    • La Cour de cassation a, par exemple, admis dans le cadre d’une dation en paiement l’application des règles de la rescision pour lésion (V. en ce sens 3e civ. 25 mai 1983, n°81-13.214), de la garantie des vices cachés (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 20 nov. 1990, n°89-14.583) ou encore du principe de transfert immédiat de la propriété (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 27 janv. 1993, n°91-12.115).
    • Bien séduisante, l’analogie avec la vente ne permet pas de rendre compte des cas de dation en paiement non translatifs de propriété.
    • En effet, pour qu’il y ait vente, encore faut-il qu’il y ait transfert de propriété ; or la dation en paiement peut intervenir en dehors de toute remise de chose.
    • Surtout, certains effets de la vente ne sont pas applicables à la dation en paiement.
    • Par exemple, en cas d’annulation de l’obligation initiale, la dation en paiement emporte restitution du bien remis à titre de paiement alors que si l’on était en présence d’une vente le débiteur ne pourrait réclamer que la restitution du prix du bien délivré.
    • Pour toutes ces raisons, la dation en paiement ne se confond pas avec la vente.

Au bilan, comme souligné par certains « rien ne justifie que l’on contraigne ainsi la dation en paiement dans le moule d’un autre mécanisme ou que l’on conclut à une hypothétique qualification mixte »[2].

La dation en paiement n’est autre qu’un mode particulier d’extinction des obligations. Elle obéit à des règles propres, en particulier celle posant l’exigence de consentement du créancier.

A) Conditions de la dation en paiement

Parce que la dation en paiement consiste pour le débiteur à fournir au créancier une prestation différente de celle convenue initialement, elle a toujours été envisagée avec une certaine méfiance.

En effet, il s’agit d’un mode anormal de paiement qui interroge sur la situation financière du débiteur. La dation en paiement a, par ailleurs, pour effet de modifier les termes du contrat, de sorte qu’il ne faudrait pas qu’elle porte atteinte à sa force obligatoire.

Pour toutes ces raisons, la dation en paiement est susceptible d’être plus facilement annulée que les autres modalités de paiement. À cet égard, il a été admis qu’elle puisse être remise en cause par la voie de l’action paulienne (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 19 janv. 1977, n°75-14.274).

Pour que la dation en paiement soit valable, quatre conditions cumulatives doivent être réunies :

  • Première condition
    • La dation en paiement n’est valable que si le créancier a donné son accord.
    • Cette condition est expressément posée par l’article 1342-4 du Code civil qui exige que le créancier accepte de recevoir en paiement autre chose que ce qui lui est dû.
    • Il s’agit là d’une reprise de la solution en vigueur sous l’empire du droit antérieur à l’adoption de l’ordonnance du n° 2016-131 du 10 février 2016.
    • Dans un arrêt du 13 avril 2005, la Cour de cassation avait affirmé, par exemple, que « le créancier ne peut être contraint de recevoir une autre chose que celle qui lui est due, quoique la valeur de la chose offerte soit égale ou même plus grande» ( 3e civ. 13 avr. 2005, n°04-10.774).
    • À cet égard, dans un arrêt du 21 novembre 1995, la Première chambre civile a admis que l’accord du créancier puisse être tacite ( 1ère civ. 21 nov. 1995, n°93-16.554).
  • Deuxième condition
    • La dation en paiement présuppose l’existence d’une obligation primitive non éteinte
    • Autrement dit, elle ne doit avoir fait l’objet d’aucun paiement faute de quoi la dation en paiement serait sans objet : on ne peut pas éteindre une obligation déjà éteinte.
  • Quatrième condition
    • Pour produire ses effets, la dation en paiement implique qu’il soit remis en paiement au créancier autre chose que ce qui lui est dû.
    • Autrement dit, la prestation fournie par le débiteur doit être d’une nature différente de celle initialement convenue.
    • Trois cas de dation en paiement sont admis aujourd’hui :
      • Si la prestation initialement convenue consiste en un versement de somme d’agent, le débiteur pourra se libérer de son obligation en remettant une chose ou en fournissant un service d’une valeur équivalente
      • Si la prestation initialement convenue consiste en la remise d’une chose, le débiteur pourra se libérer de son obligation en versant une somme d’argent équivalente à la valeur de cette chose ou en remettant un autre bien ou en fournissant un service d’une valeur équivalente
      • Si la prestation initialement convenue consiste en la fourniture d’un service, le débiteur pourra se libérer de son obligation en versant une somme d’argent ou en remettant une autre chose d’une valeur équivalente ou en fournissant un autre service d’une valeur équivalente

B) Effets de la dation en paiement

Plusieurs effets sont attachés à la dation en paiement :

  • Premier effet
    • La dation en paiement est un mode d’extinction des obligations.
    • Elle a donc pour effet d’éteindre l’obligation sur laquelle elle porte et, par voie de conséquence de libérer le débiteur de son engagement
  • Deuxième effet
    • En ce qu’elle constitue un mode de paiement, la dation en paiement produit un effet libératoire.
    • Autrement dit, lorsque les conditions sont réunies, elle libère le débiteur de son engagement envers le créancier.
  • Troisième effet
    • Selon la prestation fournie par le débiteur en remplacement de la prestation initiale, la dation en paiement produit des effets différents.
    • Elle produira notamment un effet translatif dans l’hypothèse où le débiteur exécute son obligation par la remise d’une chose.
    • Dans cette hypothèse, la dation en paiement se rapprochera d’une vente, raison pour laquelle la jurisprudence a estimé qu’il avait lieu d’admettre, lorsqu’elle porte sur un immeuble, l’action en rescision pour lésion ( 3e civ. 25 mai 1983, n°81-13.214), le principe de transfert immédiat de la propriété (Cass. 1ère civ. 27 janv. 1993, n°91-12.115), l’application de la garantie des vices cachés (Cass. 1ère civ. 20 nov. 1990, n°89-14.583) ou de la garantie d’éviction (Cass. 3e civ. 13 déc. 1968).
    • Dans l’hypothèse, en revanche, où la prestation de substitution consistera en la fourniture d’un service, il est probable qu’on soumette la dation en paiement à certains effets du contrat d’entreprise.

 

[1] J. François, Traité de droit civil – Les obligations, Régime général, Economica 2017, n°139, p. 126.

[2] F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette et F. Chénédé, Droit civil – Les obligations, éd. Dalloz, 2019, n°1423, p. 1504

Le paiement fait entre les mains d’un tiers (art. 1342-2 C. civ.)

Si la plupart du temps le paiement sera réalisé entre les mains du créancier, il est des cas où il pourra être effectué auprès d’un tiers.

La qualité d’accipiens n’est ainsi pas nécessairement endossée par le créancier ; elle peut également être attribuée à une personne désignée.

Nous nous focaliserons sur cette seconde situation. 

Pour que le paiement réalisé entre les mains d’un tiers soit valable, il faut que l’accipiens ait été désigné par le créancier.

1. Le paiement fait à la personne désignée

L’article 1342-2 du Code civil prévoit expressément que le paiement peut être fait « à la personne désignée pour le recevoir. »

Par « personne désignée », il faut entendre le représentant du créancier, soit celui investi du pouvoir d’agir au nom et pour le compte de ce dernier.

Pour mémoire, le pouvoir de représentation peut avoir trois sources différentes :

  • La loi: elle désigne les parents comme représentants légaux de l’enfant mineur (administration légale)
  • Le juge: il désigne la personne qui sera chargée de représenter l’incapable majeur (tutelle, curatelle etc.) ou d’administrer une société faisant l’objet d’une procédure collective (administration judiciaire)
  • Le contrat : il peut conférer à la partie désignée le pouvoir de représenter son cocontractant (mandat)

Lorsque le représentant tire son pouvoir d’un mandat, la jurisprudence n’exige pas que celui-ci soit régularisé par écrit (V. en ce sens Cass. req. 3 août, 1840).

La Cour de cassation est allée jusqu’à admettre, dans un arrêt du 14 avril 2016, que le mandat puisse résulter d’un « usage accepté » par les parties (Cass. 3e civ. 14 avr. 2016, n°15-11.343).

Plus généralement, il est indifférent que la personne qui reçoit le paiement tire son pouvoir de la loi, d’une décision de justice ou d’un contrat, ce qui importe c’est qu’elle ait agi dans le cadre d’une représentation du créancier et que donc elle ait valablement reçu pouvoir de le représenter.

Enfin, il peut être observé que l’admission de la réception du paiement par le représentant du créancier rejoint la règle énoncée à l’article 1340 du Code civil qui prévoit que « la simple indication faite par le débiteur d’une personne désignée pour payer à sa place n’emporte ni novation, ni délégation. Il en est de même de la simple indication faite, par le créancier, d’une personne désignée pour recevoir le paiement pour lui. »

2. Le paiement fait à une personne non désignée

a. Principe

Lorsque le paiement est réalisé entre les mains d’une personne qui n’était pas investie du pouvoir de le recevoir, il n’est pas valable.

La conséquence en est que le débiteur n’est pas libéré de son obligation. Cette situation est exprimée par l’adage « qui paye, mal paye deux fois ».

Aussi, le débiteur peut-il être contraint par le créancier à payer une nouvelle fois, le paiement n’ayant pas produit son effet libératoire.

Cette règle n’est toutefois pas absolue ; elle est assortie de deux exceptions.

b. Exceptions

==> Ratification

L’article 1342-2 du Code civil prévoit que « le paiement fait à une personne qui n’avait pas qualité pour le recevoir est néanmoins valable si le créancier le ratifie ou s’il en a profité »

Ainsi, le paiement réalisé entre les mains d’une personne qui n’avait pas le pouvoir de le recevoir peut échapper à la nullité dans deux cas :

  • Premier cas : le paiement a été ratifié par le créancier
    • Le paiement demeure donc valable lorsqu’il a été ratifié a posteriori par le créancier.
    • Cela suppose que ce dernier ait exprimé la volonté de faire produire au paiement son effet libératoire.
    • La ratification du paiement peut être expresse ou implicite.
    • Dans un arrêt du 12 juillet 1993 la Cour de cassation a ainsi admis que l’inscription au débit du compte courant d’un associé qui avait perçu en son nom personnel un paiement qui était destiné à la société valait ratification, de sorte que le débiteur était libéré de son obligation ( com. 12 juill. 1993, n°91-16.793).
    • Dans un arrêt du 1er mars 1962, la Cour de cassation a en revanche considéré que la seule connaissance par le créancier de la réalisation du paiement entre les mains d’une personne qui n’avait pas le pouvoir de le recevoir ne valait pas ratification ( soc. 1er mars 1962).
  • Second cas : le créancier a tiré profit du paiement
    • Lorsque le paiement est réalisé entre les mains d’une personne qui n’avait pas qualité pour le recevoir, il demeure valable si le créancier en a tiré profit.
    • Autrement dit, le paiement doit avoir procuré in fine au créancier un bénéfice équivalent à celui dont il aurait profité s’il avait été réalisé entre les mains de la bonne personne.
    • Tel sera le cas si, en présence de deux héritiers créanciers d’une même dette, le paiement est fait, pour l’intégralité de la dette à l’un d’eux, tandis que l’autre héritier était débiteur du premier.

==> Créancier apparent

  • Principe
    • L’article 1342-3 du Code civil prévoit que « le paiement fait de bonne foi à un créancier apparent est valable.»
    • Il ressort de cette disposition que, nonobstant l’absence de ratification d’un paiement réalisé entre les mains d’une personne qui n’avait pas le pouvoir de le recevoir, et bien que le créancier n’en ait retiré aucun profit, le paiement peut malgré tout demeurer valable en présence d’un « créancier apparent».
    • À l’analyse, il s’agit là d’une reprise du principe posé par l’ancien article 1240 qui prévoyait que « le paiement fait de bonne foi à celui qui est en possession de la créance est valable, encore que le possesseur en soit par la suite évincé. »
    • Si sur le fond, la règle énoncée reste inchangée ; sur la forme elle connaît une évolution majeure en ce que le législateur a notamment expurgé de sa formulation la référence à « la possession de la créance».
    • La raison en est que l’ancienne formule pouvait être trompeuse, car elle suggérait que le possesseur de la créance était celui qui détenait un titre constatant la créance.
    • Or tel n’était pas le sens du texte : le possesseur de la créance visait la personne qui, pour le solvens, présentait l’apparence du créancier.
    • Le législateur a ainsi entendu lever toute ambiguïté et consacrer la jurisprudence relative à la théorie de l’apparence.
    • Aussi, lorsque le solvens de bonne foi a été trompé par les apparences, soit avait toutes les raisons de croire que la personne auprès de laquelle il a payé était le véritable créancier, son paiement demeure valable et produit un effet libératoire.
    • Tel sera le cas, par exemple, lorsque le solvens paye l’héritier apparent du créancier alors que, en réalité, celui-ci n’était titulaire d’aucun droit en raison de l’existence d’un testament contraire dont lui-même ignorait l’existence car découvert tardivement.
    • L’application de la théorie de l’apparence suppose la réunion de deux conditions cumulatives :
      • Première condition
        • Le solvens doit être de bonne foi, ce qui implique qu’il devait ignorer que la personne entre les mains de laquelle il a payé n’était pas le véritable créancier
        • Autrement dit, il doit avoir cru, de façon erronée, à la qualité de créancier de l’accipiens.
      • Seconde condition
        • La personne qui a reçu le paiement doit avoir, aux yeux des tiers, l’apparence du créancier
        • La croyance du solvens doit ainsi être légitime en ce sens qu’une personne placée dans la même situation aurait commis la même erreur d’appréciation
  • Effets
    • Les conditions de l’apparence sont réunies
      • Dans cette hypothèse, le paiement réalisé par le solvens produit un effet libératoire, ce qui signifie que le débiteur est libéré de son obligation envers le créancier.
      • Charge alors à ce dernier de se retourner vers l’accipiens et de lui réclamer le paiement qui lui était destiné sur le fondement de l’enrichissement injustifié régi aux articles 1303 à 1303-4 du Code civil.
      • Pour mémoire, l’article 1303 du Code civil prévoit que « en dehors des cas de gestion d’affaires et de paiement de l’indu, celui qui bénéficie d’un enrichissement injustifié au détriment d’autrui doit, à celui qui s’en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissement. »
    • Les conditions de l’apparence ne sont pas réunies
      • Dans cette hypothèse, le paiement réalisé par le solvens ne produit aucun effet libératoire.
      • Aussi, le créancier pourra toujours exiger le paiement auprès du débiteur qui demeure tenu.
      • Tout au plus, il pourra engager une action en répétition de l’indu à l’encontre de l’accipiens, étant précisé que le juge dispose de la faculté de réduire le montant de la restitution dans l’hypothèse où le paiement – indu – procède d’une faute ( 1302-3, al. 2e C. civ.).

 

[1] E-D Glasson, A. Tissier, R. Morel, Traité théorique et pratique d’organisation judiciaire de compétence et de procédure civile, Paris, Libr. du Rec. Sirey, 1925-1936, t. 1 n° 173

[2] V. en ce sens G. Chantepie et M. Latina, Le nouveau droit des obligations – Commentaire théorique et pratique dans l’ordre du Code civil, éd. Dalloz, 2018, n°941, p.849.

Le paiement fait par un tiers (art. 1342-1 C. civ.)

Si la plupart du temps le paiement est effectué par le débiteur de l’obligation, il arrive qu’il soit réalisé par un tiers.

1. Principe

a. Exposé du principe

L’article 1342-1 du Code civil prévoit que « le paiement peut être fait même par une personne qui n’y est pas tenue […] ».

Il ressort de cette disposition que le paiement peut être effectué par une personne autre que le débiteur et plus précisément par un tiers.

Cette faculté ouverte aux tiers de payer le créancier en lieu et place du débiteur se justifie essentiellement pour deux raisons :

  • Première raison
    • Une tierce personne peut avoir un intérêt à payer la dette du débiteur, sans s’y être tenue, en raison des liens qu’elle entretient avec celui-ci ou pour des motifs personnels.
    • Le tiers solvens, peut par exemple, être animé d’une intention libérale à l’endroit du débiteur.
    • Il peut encore avoir intérêt à désintéresser le créancier compte tenu de la sûreté réelle constituée sur l’un de ses biens en garantie de la dette du débiteur
  • Deuxième raison
    • Autoriser que le paiement soit réalisé par un tiers favorise la satisfaction du créancier.
    • Or il s’agit là de la finalité de toute obligation dont la vocation est d’être exécutée.

À cet égard, non seulement la possibilité est offerte aux tiers de régler la dette du débiteur, mais encore le créancier ne peut pas, par principe, refuser ce paiement dès lors qu’il porte sur la totalité de la dette.

b. Recours du tiers solvens contre le débiteur

Lorsque le paiement réalisé par un tiers est valable, il a pour effet de libérer le débiteur envers le créancier.

Ce dernier a effectivement obtenu satisfaction, de sorte qu’il ne sera plus fondé à réclamer quoi que ce soit au débiteur.

Est-ce à dire que celui-ci est définitivement libéré de toute obligation ?

Tandis que le débiteur s’est enrichi, puisque n’étant plus redevable d’aucune dette envers le créancier, le tiers solvens s’est, quant à lui, appauvri en payant une dette à laquelle il n’était pas tenu.

La question qui alors se pose est de savoir si le tiers solvens ne disposerait pas dispose d’un recours contre le débiteur afin de rétablir l’équilibre entre leurs patrimoines respectifs qui a manifestement été rompu

Deux situations doivent être distinguées :

==> Première situation : le tiers solvens est animé d’une intention libérale

Dans cette hypothèse, il ne disposera d’aucun recours contre le débiteur, ce paiement s’analysant en une donation indirecte.

==> Seconde situation : le tiers solvens n’est animé d’aucune intention libérale

Dans cette hypothèse, le tiers n’a nullement eu l’intention de gratifier le débiteur ; il a agi en comptant sur le remboursement des sommes exposées.

Pour être remboursé, deux recours peuvent être envisagés :

  • Le recours subrogatoire
    • Ce recours consiste pour le tiers solvens à se prévaloir des effets de la subrogation.
    • Par subrogation il faut entendre, selon le Doyen Mestre, « la substitution d’une personne dans les droits attachés à la créance dont une autre est titulaire, à la suite d’un paiement effectué par la première entre les mains de la seconde ».
    • Ainsi la subrogation opère-t-elle une substitution de créancier par l’effet du paiement. Encore faut-il toutefois que les conditions soient réunies.
    • En effet, la subrogation ne peut jouer que dans les cas expressément prévus par la loi :
      • La subrogation légale
        • L’article 1346 du Code civil prévoit que « la subrogation a lieu par le seul effet de la loi au profit de celui qui, y ayant un intérêt légitime, paie dès lors que son paiement libère envers le créancier celui sur qui doit peser la charge définitive de tout ou partie de la dette. »
        • Pour se prévaloir de la subrogation légale le tiers solvens qui a payé la dette du débiteur devra ainsi justifier d’un intérêt légitime.
        • L’exigence de cet intérêt au paiement permet d’éviter qu’un tiers totalement étranger à la dette et qui serait mal intentionné (dans des relations de concurrence par exemple) puisse bénéficier de la subrogation légale.
        • Il ne faudrait pas, en effet, que ce tiers puisse, par le jeu de la subrogation, s’ingérer dans les affaires du débiteur et l’actionner en paiement pour lui nuire.
        • Reste à savoir ce que l’on doit entendre par intérêt légitime.
        • D’une part, cette notion vise tous les anciens cas de subrogation légale prévus par l’ancien article 1251 du Code civil
        • D’autre part, la notion d’intérêt légitime permet d’envisager que le cas où un débiteur a payé une dette qui lui était personnelle, tandis que se profile en arrière-plan un second débiteur qui, parce qu’il a tiré avantage de l’extinction de l’obligation, doit assurer la charge définitive de la dette.
        • Enfin, la notion d’intérêt peut être envisagée négativement en déniant à un tiers qui poursuivrait un but illégitime, et plus généralement qui serait de mauvaise foi, le bénéfice de la subrogation légale
      • La subrogation conventionnelle
        • Faute de réunir les conditions de la subrogation légale, le tiers solvens n’aura d’autre choix que d’obtenir le consentement du créancier afin de pouvoir exercer un recours subrogatoire contre le débiteur.
        • Il lui faudra, autrement dit, opter pour la subrogation conventionnelle ex parte creditoris, soit celle qui requiert le concours du créancier.
        • L’article 1346-1 du Code civil prévoit en ce sens que « la subrogation conventionnelle s’opère à l’initiative du créancier lorsque celui-ci, recevant son paiement d’une tierce personne, la subroge dans ses droits contre le débiteur.»
        • Cette forme de subrogation procède donc d’une convention conclue entre le créancier accipiens et le tiers solvens dans le cas où ce dernier ne peut pas bénéficier d’une subrogation légale.
        • Le débiteur n’y prend aucune part dans la mesure où cette convention ne modifie pas sa situation.
        • Deux conditions doivent néanmoins être réunies :
          • D’une part, la subrogation doit être expresse, en ce sens que les parties doivent avoir clairement exprimé leur volonté de conclure une subrogation conventionnelle
          • D’autre part, elle doit être consentie en même temps que le paiement, à moins que, dans un acte antérieur, le subrogeant n’ait manifesté la volonté que son cocontractant lui soit subrogé lors du paiement.
  • Le recours personnel
    • La question de la reconnaissance d’un recours personnel au profit du tiers solvens se pose tout particulièrement lorsque celui-ci :
      • Soit ne remplit pas les conditions pour exercer le recours subrogatoire
      • Soit a renoncé à se subroger dans les droits du créancier.
    • Reste que pour être titulaire d’un tel recours qui, par hypothèse, est attaché à la personne de son bénéficiaire, encore faut-il justifier d’un droit subjectif.
    • En effet, selon la formule désormais consacrée : « pas de droit, pas d’action»[1].
    • Aussi, afin de reconnaître au tiers solvens un recours personnel contre le débiteur, est-il nécessaire d’identifier un droit auquel ce recours pourrait être rattaché.
    • Dans un premier temps, les auteurs ont cherché à expliquer l’existence d’un recours personnel au profit du tiers solvens en convoquant les règles du mandat et de la gestion d’affaires.
      • Le mandat
        • Si le tiers solvens dispose d’un recours contre le débiteur, c’est que celui-ci lui aurait donné mandat de payer le créancier.
        • Or conformément à l’article 1999 du Code civil « le mandant doit rembourser au mandataire les avances et frais que celui-ci a faits pour l’exécution du mandat, et lui payer ses salaires lorsqu’il en a été promis. »
        • Cette disposition reconnaît ainsi un droit – subjectif – au mandataire qui a exposé des frais dans le cadre de l’exercice de sa mission.
        • Pour se prévaloir de ce droit, le tiers solvens devra toutefois établir qu’un mandat a été conclu entre lui et le débiteur.
        • À défaut, il lui faudra trouver un autre fondement pour agir.
      • La gestion d’affaires
        • Pour mémoire, la gestion d’affaires est définie à l’article 1301 du Code civil comme le fait de « celui qui, sans y être tenu, gère sciemment et utilement l’affaire d’autrui, à l’insu ou sans opposition du maître de cette affaire».
        • Il s’agit autrement dit pour une personne, que l’on appelle le gérant d’affaires, d’intervenir spontanément dans les affaires d’autrui, le maître de l’affaire ou le géré, aux fins de lui rendre un service.
        • La particularité de la gestion d’affaires est qu’elle suppose qu’une personne ait agi pour le compte d’un tiers et dans son intérêt, ce, sans avoir été mandaté par celui-ci, ni qu’il en ait été tenu informé.
        • S’agissant du tiers solvens, il a été suggéré de se fonder sur la gestion d’affaires afin de justifier l’existence d’un recours à son profit contre le débiteur.
        • Si, en effet, il a payé la dette de ce dernier ce n’était que pour lui rendre service, le paiement s’analysant alors comme un acte utile.
        • Or l’article 1301-2 du Code civil prévoit que le maître de l’affaire doit rembourser au gérant « les dépenses faites dans son intérêt».
        • Le tiers solvens tirerait ainsi son droit à remboursement contre le débiteur de cette disposition.
        • Encore faut-il que les conditions de la gestion d’affaires soient réunies, ce qui suppose notamment que l’intervention du tiers solvens ait été désintéressée, spontanée et que le débiteur ne s’y soit pas opposé.
    • Dans un deuxième temps, la jurisprudence a cru bon reconnaître au tiers solvens un recours personnel contre le débiteur sur un fondement autonome.
    • Dans un arrêt du 15 mai 1990, la Cour de cassation a, en effet, jugé, au visa des anciens articles 1132 et 1236 du Code civil, que « le tiers qui, sans y être tenu, a payé la dette d’autrui de ses propres deniers, a, bien que non subrogé aux droits du créancier, un recours contre le débiteur» ( 1ère civ. 15 mai 1990, n°88-17.572).
    • Cette solution a été vivement critiquée par une partie de la doctrine, car elle revenait à octroyer un recours au tiers solvens à l’encontre du débiteur alors même qu’il pouvait avoir été animé d’une intention libérale.
    • Dans un troisième temps, la Cour de cassation est revenue sur sa position, à tout le moins elle a durci les conditions d’exercice du recours personnel reconnu au tiers solvens.
    • Dans un arrêt du 2 juin 1992, elle a, en effet, précisé « qu’il incombe à celui qui a sciemment acquitté la dette d’autrui, sans être subrogé dans les droits du créancier de démontrer que la cause dont procédait ce paiement impliquait, pour le débiteur, l’obligation de lui rembourser les sommes ainsi versées» ( 1ère civ. 2 juin 1992, n°90-19.374).
    • Ainsi, la Première chambre civile exigeait-elle désormais pour que le tiers solvens puisse se prévaloir d’un recours personnel contre le débiteur, il prouve que, au moment où il a payé le créancier, il entendait se faire rembourser par le débiteur et que donc il n’était animé d’aucune intention libérale.
    • En l’absence de recours subrogatoire ouvert au tiers solvens, son intention libérale était alors présumée, charge à lui de combattre cette présomption en rapportant la preuve contraire.
    • La Cour de cassation a, par suite, réaffirmer cette solution à plusieurs reprises. Dans un arrêt du 30 mars 2004, elle a ainsi jugé que « celui qui, sans être subrogé, acquitte une dette dont il sait n’être pas tenu et qui ne démontre pas que la cause dont procédait ce paiement impliquait l’obligation du débiteur de lui rembourser la somme ainsi versée, ne peut ni agir à cette fin, ni se prévaloir d’un dommage juridiquement réparable» ( 1ère civ. 30 mars 2004, n°01-11.355).
    • Elle a encore statué dans le même sens dans un arrêt du 9 février 2012 ( 1ère civ. 9 févr. 2012, n°10-28.475).
    • Bien que solidement ancrée en jurisprudence depuis le début des années 1990, les auteurs soutiennent que cette solution ne devrait pas être reconduite par la Haute juridiction aujourd’hui.
    • La raison en est l’adoption de la réforme du droit des contrats et du régime général des obligations opérée par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.
    • Ce texte a notamment assoupli les conditions de la subrogation légale, laquelle n’est plus enfermée dans des cas limitativement énumérés par la loi.
    • Désormais, elle joue de plein droit dès lors qu’il est établi que le tiers solvens avait un intérêt légitime à payer la dette du débiteur.
    • Il n’est ainsi nullement exigé que celui-ci prouve qu’il n’était pas animé d’une intention libérale pour être fondé à se retourner contre le débiteur.
    • Au contraire, c’est à ce dernier qu’il revient d’apporter la preuve de l’intention libérale du tiers solvens s’il souhaite faire échec à une action en remboursement dirigée contre lui.
    • S’il y parvenait, ce qui ferait obstacle à l’exercice du recours subrogatoire, le tiers solvens serait alors contraint de démontrer qu’il a agi, soit dans le cadre d’un mandat qui lui aurait été confié par le débiteur, soit dans le cadre d’une gestion d’affaire.
    • S’agissant de la gestion d’affaires, la Cour de cassation a admis dans un arrêt remarqué du 12 janvier 2012 qu’elle était caractérisée dès lors qu’il était établi que le tiers solvens a agi « à la fois dans son intérêt et dans celui de la débitrice, et que les paiements litigieux avaient été utiles à celle-ci non seulement en permettant l’extinction de ses dettes mais en outre en évitant la saisie de ses biens immobiliers» ( 1ère civ.12 janv. 2012, n°10-24.512).
    • Cette approche pour le moins libérale de la gestion affaires, combinée à l’élargissement du domaine de la subrogation légale, suggère que le tiers solvens ne devrait pas rencontrer de réelles difficultés à fonder en droit une action en remboursement contre le débiteur.

2. Tempérament

==> L’admission du refus du créancier

L’article 1342-1 du Code civil assortit l’interdiction pour le créancier de refuser le paiement réalisé par un tiers d’une exception : s’il justifie d’un refus légitime.

Il s’agit là d’une reprise de la règle énoncée à l’ancien article 1237 du Code civil qui prévoyait que « l’obligation de faire ne peut être acquittée par un tiers contre le gré du créancier, lorsque ce dernier a intérêt qu’elle soit remplie par le débiteur lui-même ».

La question qui immédiatement se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par refus légitime. Autrement dit, quelles sont les situations qui autorisent le créancier à refuser le paiement émanant d’un tiers ?

Sous l’empire du droit antérieur, la jurisprudence avait estimé que ce refus était justifié dans deux cas de figure :

  • Premier cas de figure
    • Il est admis que le créancier puisse s’opposer au paiement réalisé par un tiers lorsque celui-ci intervient dans le cadre d’un rapport d’obligation marqué par un fort intuitu personae.
    • Cette situation se rencontrera notamment lorsque le débiteur est seul compétent pour fournir la prestation due, à tout le moins telle qu’attendue par le créancier.
    • À cet égard, c’était le sens de l’ancien article 1237 du Code civil qui autorisait le créancier à refuser le paiement « lorsque ce dernier a intérêt qu’elle soit remplie par le débiteur lui-même».
  • Second cas de figure
    • Il a également été admis que le créancier puisse s’opposer à recevoir le paiement émanant d’un tiers lorsque celui-ci serait de nature à porter atteinte à ses intérêts.
    • Tel pourrait être le cas si ce paiement avait, par exemple, pour effet de priver le créancier d’une faculté à l’encontre du débiteur.
    • Dans un arrêt du 24 juin 1913, la Cour de cassation a ainsi reconnu à un vendeur d’immeuble le droit de refuser le paiement proposé par un tiers, nonobstant la situation de faillite dans laquelle se trouvait l’acquéreur, dans la mesure où cela l’aurait privé de la possibilité d’agir en résolution de la vente ( civ. 24 juin 1913).

Lorsque le créancier refuse le paiement d’un tiers, l’article 1342-1 du Code civil suggère que ce refus soit motivé par le créancier, faute de quoi il lui sera difficile d’établir sa légitimité en cas de saisine du juge.

Afin de surmonter ce refus, la seule option qui s’offre au tiers sera de mettre en œuvre la procédure de mise en demeure du créancier prévue aux articles 1345 et suivants du Code civil.

==> L’indifférence du refus du débiteur

Si le créancier dispose de la faculté de s’opposer au paiement réalisé par un tiers, la question se pose de savoir si le débiteur est investi de la même faculté.

Le projet d’ordonnance portant réforme du droit des contrats avait envisagé cette possibilité qui aurait été introduite à l’article 1320-1 du Code civil. Le législateur n’a toutefois pas retenu cette proposition.

L’opposition au paiement de la dette par un tiers ne peut dès lors être formée que par le créancier, à la condition qu’il justifie d’un motif légitime.

 

 

[1] E-D Glasson, A. Tissier, R. Morel, Traité théorique et pratique d’organisation judiciaire de compétence et de procédure civile, Paris, Libr. du Rec. Sirey, 1925-1936, t. 1 n° 173

[2] V. en ce sens G. Chantepie et M. Latina, Le nouveau droit des obligations – Commentaire théorique et pratique dans l’ordre du Code civil, éd. Dalloz, 2018, n°941, p.849.

Solvens et accipiens: les parties au paiement

Dans son acception courante, le paiement est envisagé comme le versement d’une somme d’argent en contrepartie de la fourniture d’un bien ou service.

En droit, le sens conféré au paiement est bien moins restrictif, son objet ne se limitant pas à une somme d’argent.

Le paiement est défini par l’article 1342, al. 1er du Code civil comme « l’exécution volontaire de la prestation due. »

Autrement dit, le paiement s’analyse en l’exécution d’une obligation, peu importe la forme que revêt cette exécution. Il peut tout autant s’agir de la remise d’une somme d’argent, que de la délivrance d’une chose ou encore la fourniture d’un service.

Nous nous focaliserons ici sur les parties au paiement. 

I) Le solvens ou celui qui paye

Si la plupart du temps le paiement est effectué par le débiteur de l’obligation, il arrive qu’il soit réalisé par un tiers.

A) Le paiement par le débiteur

Il est de principe que celui qui paye n’est autre que le débiteur de l’obligation lui-même. Bien que les dispositions du Code civil relatives au paiement ne le précisent pas, cela relève de l’évidence.

C’est sur le débiteur que pèse, par hypothèse, la charge de l’obligation. Aussi, est-ce à lui qu’il revient d’en assurer l’exécution et donc de payer.

Pour ce faire, il dispose de deux options :

  • Il peut procéder lui-même au paiement
  • Il peut désigner une tierce personne aux fins de le représenter, soit de payer en son nom et pour son compte (mandataire, représentant légal, tuteur etc.)

Sous l’empire du droit antérieur, l’ancien article 1236, al. 1er du Code civil précisait que, outre le débiteur, « une obligation peut être acquittée par toute personne qui y est intéressée, telle qu’un coobligé ou une caution. »

Cette règle n’a certes pas été reprise par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit du régime des obligations, elle n’en reste pas moins toujours valable, dans la mesure où qu’il s’agisse d’un coobligé ou d’une caution, tous deux répondent de la même dette que celle à laquelle est tenu le débiteur.

Aussi, est-il logique que, en cas de pluralité de personnes intéressées au paiement, chacune d’elles puisse payer tout ou partie de l’obligation selon qu’elles sont tenues conjointement, solidairement (coobligés) ou encore à titre accessoire (caution).

En tout état de cause, pour que le paiement soit valable, le solvens doit justifier d’une capacité juridique. En application de l’article 1147 du Code civil, le défaut de capacité est sanctionné par la nullité relative.

B) Le paiement par un tiers

1. Principe

a. Exposé du principe

L’article 1342-1 du Code civil prévoit que « le paiement peut être fait même par une personne qui n’y est pas tenue […] ».

Il ressort de cette disposition que le paiement peut être effectué par une personne autre que le débiteur et plus précisément par un tiers.

Cette faculté ouverte aux tiers de payer le créancier en lieu et place du débiteur se justifie essentiellement pour deux raisons :

  • Première raison
    • Une tierce personne peut avoir un intérêt à payer la dette du débiteur, sans s’y être tenue, en raison des liens qu’elle entretient avec celui-ci ou pour des motifs personnels.
    • Le tiers solvens, peut par exemple, être animé d’une intention libérale à l’endroit du débiteur.
    • Il peut encore avoir intérêt à désintéresser le créancier compte tenu de la sûreté réelle constituée sur l’un de ses biens en garantie de la dette du débiteur
  • Deuxième raison
    • Autoriser que le paiement soit réalisé par un tiers favorise la satisfaction du créancier.
    • Or il s’agit là de la finalité de toute obligation dont la vocation est d’être exécutée.

À cet égard, non seulement la possibilité est offerte aux tiers de régler la dette du débiteur, mais encore le créancier ne peut pas, par principe, refuser ce paiement dès lors qu’il porte sur la totalité de la dette.

b. Recours du tiers solvens contre le débiteur

Lorsque le paiement réalisé par un tiers est valable, il a pour effet de libérer le débiteur envers le créancier.

Ce dernier a effectivement obtenu satisfaction, de sorte qu’il ne sera plus fondé à réclamer quoi que ce soit au débiteur.

Est-ce à dire que celui-ci est définitivement libéré de toute obligation ?

Tandis que le débiteur s’est enrichi, puisque n’étant plus redevable d’aucune dette envers le créancier, le tiers solvens s’est, quant à lui, appauvri en payant une dette à laquelle il n’était pas tenu.

La question qui alors se pose est de savoir si le tiers solvens ne disposerait pas dispose d’un recours contre le débiteur afin de rétablir l’équilibre entre leurs patrimoines respectifs qui a manifestement été rompu

Deux situations doivent être distinguées :

==> Première situation : le tiers solvens est animé d’une intention libérale

Dans cette hypothèse, il ne disposera d’aucun recours contre le débiteur, ce paiement s’analysant en une donation indirecte.

==> Seconde situation : le tiers solvens n’est animé d’aucune intention libérale

Dans cette hypothèse, le tiers n’a nullement eu l’intention de gratifier le débiteur ; il a agi en comptant sur le remboursement des sommes exposées.

Pour être remboursé, deux recours peuvent être envisagés :

  • Le recours subrogatoire
    • Ce recours consiste pour le tiers solvens à se prévaloir des effets de la subrogation.
    • Par subrogation il faut entendre, selon le Doyen Mestre, « la substitution d’une personne dans les droits attachés à la créance dont une autre est titulaire, à la suite d’un paiement effectué par la première entre les mains de la seconde ».
    • Ainsi la subrogation opère-t-elle une substitution de créancier par l’effet du paiement. Encore faut-il toutefois que les conditions soient réunies.
    • En effet, la subrogation ne peut jouer que dans les cas expressément prévus par la loi :
      • La subrogation légale
        • L’article 1346 du Code civil prévoit que « la subrogation a lieu par le seul effet de la loi au profit de celui qui, y ayant un intérêt légitime, paie dès lors que son paiement libère envers le créancier celui sur qui doit peser la charge définitive de tout ou partie de la dette. »
        • Pour se prévaloir de la subrogation légale le tiers solvens qui a payé la dette du débiteur devra ainsi justifier d’un intérêt légitime.
        • L’exigence de cet intérêt au paiement permet d’éviter qu’un tiers totalement étranger à la dette et qui serait mal intentionné (dans des relations de concurrence par exemple) puisse bénéficier de la subrogation légale.
        • Il ne faudrait pas, en effet, que ce tiers puisse, par le jeu de la subrogation, s’ingérer dans les affaires du débiteur et l’actionner en paiement pour lui nuire.
        • Reste à savoir ce que l’on doit entendre par intérêt légitime.
        • D’une part, cette notion vise tous les anciens cas de subrogation légale prévus par l’ancien article 1251 du Code civil
        • D’autre part, la notion d’intérêt légitime permet d’envisager que le cas où un débiteur a payé une dette qui lui était personnelle, tandis que se profile en arrière-plan un second débiteur qui, parce qu’il a tiré avantage de l’extinction de l’obligation, doit assurer la charge définitive de la dette.
        • Enfin, la notion d’intérêt peut être envisagée négativement en déniant à un tiers qui poursuivrait un but illégitime, et plus généralement qui serait de mauvaise foi, le bénéfice de la subrogation légale
      • La subrogation conventionnelle
        • Faute de réunir les conditions de la subrogation légale, le tiers solvens n’aura d’autre choix que d’obtenir le consentement du créancier afin de pouvoir exercer un recours subrogatoire contre le débiteur.
        • Il lui faudra, autrement dit, opter pour la subrogation conventionnelle ex parte creditoris, soit celle qui requiert le concours du créancier.
        • L’article 1346-1 du Code civil prévoit en ce sens que « la subrogation conventionnelle s’opère à l’initiative du créancier lorsque celui-ci, recevant son paiement d’une tierce personne, la subroge dans ses droits contre le débiteur.»
        • Cette forme de subrogation procède donc d’une convention conclue entre le créancier accipiens et le tiers solvens dans le cas où ce dernier ne peut pas bénéficier d’une subrogation légale.
        • Le débiteur n’y prend aucune part dans la mesure où cette convention ne modifie pas sa situation.
        • Deux conditions doivent néanmoins être réunies :
          • D’une part, la subrogation doit être expresse, en ce sens que les parties doivent avoir clairement exprimé leur volonté de conclure une subrogation conventionnelle
          • D’autre part, elle doit être consentie en même temps que le paiement, à moins que, dans un acte antérieur, le subrogeant n’ait manifesté la volonté que son cocontractant lui soit subrogé lors du paiement.
  • Le recours personnel
    • La question de la reconnaissance d’un recours personnel au profit du tiers solvens se pose tout particulièrement lorsque celui-ci :
      • Soit ne remplit pas les conditions pour exercer le recours subrogatoire
      • Soit a renoncé à se subroger dans les droits du créancier.
    • Reste que pour être titulaire d’un tel recours qui, par hypothèse, est attaché à la personne de son bénéficiaire, encore faut-il justifier d’un droit subjectif.
    • En effet, selon la formule désormais consacrée : « pas de droit, pas d’action»[1].
    • Aussi, afin de reconnaître au tiers solvens un recours personnel contre le débiteur, est-il nécessaire d’identifier un droit auquel ce recours pourrait être rattaché.
    • Dans un premier temps, les auteurs ont cherché à expliquer l’existence d’un recours personnel au profit du tiers solvens en convoquant les règles du mandat et de la gestion d’affaires.
      • Le mandat
        • Si le tiers solvens dispose d’un recours contre le débiteur, c’est que celui-ci lui aurait donné mandat de payer le créancier.
        • Or conformément à l’article 1999 du Code civil « le mandant doit rembourser au mandataire les avances et frais que celui-ci a faits pour l’exécution du mandat, et lui payer ses salaires lorsqu’il en a été promis. »
        • Cette disposition reconnaît ainsi un droit – subjectif – au mandataire qui a exposé des frais dans le cadre de l’exercice de sa mission.
        • Pour se prévaloir de ce droit, le tiers solvens devra toutefois établir qu’un mandat a été conclu entre lui et le débiteur.
        • À défaut, il lui faudra trouver un autre fondement pour agir.
      • La gestion d’affaires
        • Pour mémoire, la gestion d’affaires est définie à l’article 1301 du Code civil comme le fait de « celui qui, sans y être tenu, gère sciemment et utilement l’affaire d’autrui, à l’insu ou sans opposition du maître de cette affaire».
        • Il s’agit autrement dit pour une personne, que l’on appelle le gérant d’affaires, d’intervenir spontanément dans les affaires d’autrui, le maître de l’affaire ou le géré, aux fins de lui rendre un service.
        • La particularité de la gestion d’affaires est qu’elle suppose qu’une personne ait agi pour le compte d’un tiers et dans son intérêt, ce, sans avoir été mandaté par celui-ci, ni qu’il en ait été tenu informé.
        • S’agissant du tiers solvens, il a été suggéré de se fonder sur la gestion d’affaires afin de justifier l’existence d’un recours à son profit contre le débiteur.
        • Si, en effet, il a payé la dette de ce dernier ce n’était que pour lui rendre service, le paiement s’analysant alors comme un acte utile.
        • Or l’article 1301-2 du Code civil prévoit que le maître de l’affaire doit rembourser au gérant « les dépenses faites dans son intérêt».
        • Le tiers solvens tirerait ainsi son droit à remboursement contre le débiteur de cette disposition.
        • Encore faut-il que les conditions de la gestion d’affaires soient réunies, ce qui suppose notamment que l’intervention du tiers solvens ait été désintéressée, spontanée et que le débiteur ne s’y soit pas opposé.
    • Dans un deuxième temps, la jurisprudence a cru bon reconnaître au tiers solvens un recours personnel contre le débiteur sur un fondement autonome.
    • Dans un arrêt du 15 mai 1990, la Cour de cassation a, en effet, jugé, au visa des anciens articles 1132 et 1236 du Code civil, que « le tiers qui, sans y être tenu, a payé la dette d’autrui de ses propres deniers, a, bien que non subrogé aux droits du créancier, un recours contre le débiteur» ( 1ère civ. 15 mai 1990, n°88-17.572).
    • Cette solution a été vivement critiquée par une partie de la doctrine, car elle revenait à octroyer un recours au tiers solvens à l’encontre du débiteur alors même qu’il pouvait avoir été animé d’une intention libérale.
    • Dans un troisième temps, la Cour de cassation est revenue sur sa position, à tout le moins elle a durci les conditions d’exercice du recours personnel reconnu au tiers solvens.
    • Dans un arrêt du 2 juin 1992, elle a, en effet, précisé « qu’il incombe à celui qui a sciemment acquitté la dette d’autrui, sans être subrogé dans les droits du créancier de démontrer que la cause dont procédait ce paiement impliquait, pour le débiteur, l’obligation de lui rembourser les sommes ainsi versées» ( 1ère civ. 2 juin 1992, n°90-19.374).
    • Ainsi, la Première chambre civile exigeait-elle désormais pour que le tiers solvens puisse se prévaloir d’un recours personnel contre le débiteur, il prouve que, au moment où il a payé le créancier, il entendait se faire rembourser par le débiteur et que donc il n’était animé d’aucune intention libérale.
    • En l’absence de recours subrogatoire ouvert au tiers solvens, son intention libérale était alors présumée, charge à lui de combattre cette présomption en rapportant la preuve contraire.
    • La Cour de cassation a, par suite, réaffirmer cette solution à plusieurs reprises. Dans un arrêt du 30 mars 2004, elle a ainsi jugé que « celui qui, sans être subrogé, acquitte une dette dont il sait n’être pas tenu et qui ne démontre pas que la cause dont procédait ce paiement impliquait l’obligation du débiteur de lui rembourser la somme ainsi versée, ne peut ni agir à cette fin, ni se prévaloir d’un dommage juridiquement réparable» ( 1ère civ. 30 mars 2004, n°01-11.355).
    • Elle a encore statué dans le même sens dans un arrêt du 9 février 2012 ( 1ère civ. 9 févr. 2012, n°10-28.475).
    • Bien que solidement ancrée en jurisprudence depuis le début des années 1990, les auteurs soutiennent que cette solution ne devrait pas être reconduite par la Haute juridiction aujourd’hui.
    • La raison en est l’adoption de la réforme du droit des contrats et du régime général des obligations opérée par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.
    • Ce texte a notamment assoupli les conditions de la subrogation légale, laquelle n’est plus enfermée dans des cas limitativement énumérés par la loi.
    • Désormais, elle joue de plein droit dès lors qu’il est établi que le tiers solvens avait un intérêt légitime à payer la dette du débiteur.
    • Il n’est ainsi nullement exigé que celui-ci prouve qu’il n’était pas animé d’une intention libérale pour être fondé à se retourner contre le débiteur.
    • Au contraire, c’est à ce dernier qu’il revient d’apporter la preuve de l’intention libérale du tiers solvens s’il souhaite faire échec à une action en remboursement dirigée contre lui.
    • S’il y parvenait, ce qui ferait obstacle à l’exercice du recours subrogatoire, le tiers solvens serait alors contraint de démontrer qu’il a agi, soit dans le cadre d’un mandat qui lui aurait été confié par le débiteur, soit dans le cadre d’une gestion d’affaire.
    • S’agissant de la gestion d’affaires, la Cour de cassation a admis dans un arrêt remarqué du 12 janvier 2012 qu’elle était caractérisée dès lors qu’il était établi que le tiers solvens a agi « à la fois dans son intérêt et dans celui de la débitrice, et que les paiements litigieux avaient été utiles à celle-ci non seulement en permettant l’extinction de ses dettes mais en outre en évitant la saisie de ses biens immobiliers» ( 1ère civ.12 janv. 2012, n°10-24.512).
    • Cette approche pour le moins libérale de la gestion affaires, combinée à l’élargissement du domaine de la subrogation légale, suggère que le tiers solvens ne devrait pas rencontrer de réelles difficultés à fonder en droit une action en remboursement contre le débiteur.

2. Tempérament

==> L’admission du refus du créancier

L’article 1342-1 du Code civil assortit l’interdiction pour le créancier de refuser le paiement réalisé par un tiers d’une exception : s’il justifie d’un refus légitime.

Il s’agit là d’une reprise de la règle énoncée à l’ancien article 1237 du Code civil qui prévoyait que « l’obligation de faire ne peut être acquittée par un tiers contre le gré du créancier, lorsque ce dernier a intérêt qu’elle soit remplie par le débiteur lui-même ».

La question qui immédiatement se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par refus légitime. Autrement dit, quelles sont les situations qui autorisent le créancier à refuser le paiement émanant d’un tiers ?

Sous l’empire du droit antérieur, la jurisprudence avait estimé que ce refus était justifié dans deux cas de figure :

  • Premier cas de figure
    • Il est admis que le créancier puisse s’opposer au paiement réalisé par un tiers lorsque celui-ci intervient dans le cadre d’un rapport d’obligation marqué par un fort intuitu personae.
    • Cette situation se rencontrera notamment lorsque le débiteur est seul compétent pour fournir la prestation due, à tout le moins telle qu’attendue par le créancier.
    • À cet égard, c’était le sens de l’ancien article 1237 du Code civil qui autorisait le créancier à refuser le paiement « lorsque ce dernier a intérêt qu’elle soit remplie par le débiteur lui-même».
  • Second cas de figure
    • Il a également été admis que le créancier puisse s’opposer à recevoir le paiement émanant d’un tiers lorsque celui-ci serait de nature à porter atteinte à ses intérêts.
    • Tel pourrait être le cas si ce paiement avait, par exemple, pour effet de priver le créancier d’une faculté à l’encontre du débiteur.
    • Dans un arrêt du 24 juin 1913, la Cour de cassation a ainsi reconnu à un vendeur d’immeuble le droit de refuser le paiement proposé par un tiers, nonobstant la situation de faillite dans laquelle se trouvait l’acquéreur, dans la mesure où cela l’aurait privé de la possibilité d’agir en résolution de la vente ( civ. 24 juin 1913).

Lorsque le créancier refuse le paiement d’un tiers, l’article 1342-1 du Code civil suggère que ce refus soit motivé par le créancier, faute de quoi il lui sera difficile d’établir sa légitimité en cas de saisine du juge.

Afin de surmonter ce refus, la seule option qui s’offre au tiers sera de mettre en œuvre la procédure de mise en demeure du créancier prévue aux articles 1345 et suivants du Code civil.

==> L’indifférence du refus du débiteur

Si le créancier dispose de la faculté de s’opposer au paiement réalisé par un tiers, la question se pose de savoir si le débiteur est investi de la même faculté.

Le projet d’ordonnance portant réforme du droit des contrats avait envisagé cette possibilité qui aurait été introduite à l’article 1320-1 du Code civil. Le législateur n’a toutefois pas retenu cette proposition.

L’opposition au paiement de la dette par un tiers ne peut dès lors être formée que par le créancier, à la condition qu’il justifie d’un motif légitime.

II) L’accipiens ou celui qui est payé

Si la plupart du temps le paiement sera réalisé entre les mains du créancier, il est des cas où il pourra être effectué auprès d’un tiers.

La qualité d’accipiens n’est ainsi pas nécessairement endossée par le créancier ; elle peut également être attribuée à une personne désignée.

A) Le paiement entre les mains du créancier

Si le Code civil ne prévoit pas expressément que c’est au débiteur qu’il appartient de payer, il précise en revanche auprès de qui le paiement doit être effectué.

L’article 1342-2 énonce en effet que le paiement doit être fait, en premier lieu, au créancier lui-même.

Le principe ainsi posé est l’identité entre les personnes de l’accipiens et de créancier. Pour que le paiement soit valable dans cette hypothèse encore faut-il que la personne qui le reçoit justifie :

  • D’une part, de sa qualité de créancier
  • D’autre part, de sa capacité juridique

==> La qualité de créancier

Une personne endosse la qualité de créancier lorsqu’elle est titulaire d’une créance, soit d’un droit personnel, lequel naît de la création d’un rapport d’obligation.

À cet égard, l’acquisition d’une créance peut-elle résulter :

  • Soit du fait générateur lui-même de l’obligation : conclusion d’un contrat, fait illicite, effet de la loi, etc.
  • Soit de la transmission de l’obligation : cession, saisie, succession etc.

Aussi, est-il indifférent que la personne qui reçoit le paiement n’ait pas été créancier au jour de la naissance de l’obligation. Ce qui importe, c’est qu’elle ait acquis la qualité de créancier au jour du paiement.

C’est ce qui explique que le paiement réalisé entre les mains d’un ayant droit du créancier ou du cessionnaire d’une créance est parfaitement valable.

==> La capacité du créancier

L’article 1342-2, al. 3e du Code civil prévoit que « le paiement fait à un créancier dans l’incapacité de contracter n’est pas valable, s’il n’en a tiré profit. »

Deux enseignements peuvent être retirés de cette disposition :

  • Premier enseignement
    • Seule une personne capable peut recevoir le paiement
    • Plus précisément, il faut, énonce le texte, justifier de la capacité de contracter.
    • Sous l’empire du droit antérieur, comme souligné par des auteurs[2], le paiement n’était valable que si la personne qui le recevait jouissait de la capacité de disposer, soit une capacité autorisant à accomplir les actes les plus gaves et non limitée aux seuls actes d’administration.
    • En tout état de cause, l’incapacité du créancier est sanctionnée par la nullité du paiement.
    • En application de l’article 1147 du Code civil, il s’agit d’une nullité relative ; seule la personne protégée peut donc s’en prévaloir.
  • Second enseignement
    • Le paiement réalisé entre les mains d’une personne frappée d’une incapacité n’est pas nécessairement nul.
    • Il peut être valable, dit l’article 1342-2, al. 3e du Code civil, si la personne incapable en a tiré profit, soit si elle a fait bon usage des fonds reçus entre ses mains.

B) Le paiement entre les mains d’un tiers

Pour que le paiement réalisé entre les mains d’un tiers soit valable, il faut que l’accipiens ait été désigné par le créancier.

1. Le paiement fait à la personne désignée

L’article 1342-2 du Code civil prévoit expressément que le paiement peut être fait « à la personne désignée pour le recevoir. »

Par « personne désignée », il faut entendre le représentant du créancier, soit celui investi du pouvoir d’agir au nom et pour le compte de ce dernier.

Pour mémoire, le pouvoir de représentation peut avoir trois sources différentes :

  • La loi: elle désigne les parents comme représentants légaux de l’enfant mineur (administration légale)
  • Le juge: il désigne la personne qui sera chargée de représenter l’incapable majeur (tutelle, curatelle etc.) ou d’administrer une société faisant l’objet d’une procédure collective (administration judiciaire)
  • Le contrat : il peut conférer à la partie désignée le pouvoir de représenter son cocontractant (mandat)

Lorsque le représentant tire son pouvoir d’un mandat, la jurisprudence n’exige pas que celui-ci soit régularisé par écrit (V. en ce sens Cass. req. 3 août, 1840).

La Cour de cassation est allée jusqu’à admettre, dans un arrêt du 14 avril 2016, que le mandat puisse résulter d’un « usage accepté » par les parties (Cass. 3e civ. 14 avr. 2016, n°15-11.343).

Plus généralement, il est indifférent que la personne qui reçoit le paiement tire son pouvoir de la loi, d’une décision de justice ou d’un contrat, ce qui importe c’est qu’elle ait agi dans le cadre d’une représentation du créancier et que donc elle ait valablement reçu pouvoir de le représenter.

Enfin, il peut être observé que l’admission de la réception du paiement par le représentant du créancier rejoint la règle énoncée à l’article 1340 du Code civil qui prévoit que « la simple indication faite par le débiteur d’une personne désignée pour payer à sa place n’emporte ni novation, ni délégation. Il en est de même de la simple indication faite, par le créancier, d’une personne désignée pour recevoir le paiement pour lui. »

2. Le paiement fait à une personne non désignée

a. Principe

Lorsque le paiement est réalisé entre les mains d’une personne qui n’était pas investie du pouvoir de le recevoir, il n’est pas valable.

La conséquence en est que le débiteur n’est pas libéré de son obligation. Cette situation est exprimée par l’adage « qui paye, mal paye deux fois ».

Aussi, le débiteur peut-il être contraint par le créancier à payer une nouvelle fois, le paiement n’ayant pas produit son effet libératoire.

Cette règle n’est toutefois pas absolue ; elle est assortie de deux exceptions.

b. Exceptions

==> Ratification

L’article 1342-2 du Code civil prévoit que « le paiement fait à une personne qui n’avait pas qualité pour le recevoir est néanmoins valable si le créancier le ratifie ou s’il en a profité »

Ainsi, le paiement réalisé entre les mains d’une personne qui n’avait pas le pouvoir de le recevoir peut échapper à la nullité dans deux cas :

  • Premier cas : le paiement a été ratifié par le créancier
    • Le paiement demeure donc valable lorsqu’il a été ratifié a posteriori par le créancier.
    • Cela suppose que ce dernier ait exprimé la volonté de faire produire au paiement son effet libératoire.
    • La ratification du paiement peut être expresse ou implicite.
    • Dans un arrêt du 12 juillet 1993 la Cour de cassation a ainsi admis que l’inscription au débit du compte courant d’un associé qui avait perçu en son nom personnel un paiement qui était destiné à la société valait ratification, de sorte que le débiteur était libéré de son obligation ( com. 12 juill. 1993, n°91-16.793).
    • Dans un arrêt du 1er mars 1962, la Cour de cassation a en revanche considéré que la seule connaissance par le créancier de la réalisation du paiement entre les mains d’une personne qui n’avait pas le pouvoir de le recevoir ne valait pas ratification ( soc. 1er mars 1962).
  • Second cas : le créancier a tiré profit du paiement
    • Lorsque le paiement est réalisé entre les mains d’une personne qui n’avait pas qualité pour le recevoir, il demeure valable si le créancier en a tiré profit.
    • Autrement dit, le paiement doit avoir procuré in fine au créancier un bénéfice équivalent à celui dont il aurait profité s’il avait été réalisé entre les mains de la bonne personne.
    • Tel sera le cas si, en présence de deux héritiers créanciers d’une même dette, le paiement est fait, pour l’intégralité de la dette à l’un d’eux, tandis que l’autre héritier était débiteur du premier.

==> Créancier apparent

  • Principe
    • L’article 1342-3 du Code civil prévoit que « le paiement fait de bonne foi à un créancier apparent est valable.»
    • Il ressort de cette disposition que, nonobstant l’absence de ratification d’un paiement réalisé entre les mains d’une personne qui n’avait pas le pouvoir de le recevoir, et bien que le créancier n’en ait retiré aucun profit, le paiement peut malgré tout demeurer valable en présence d’un « créancier apparent».
    • À l’analyse, il s’agit là d’une reprise du principe posé par l’ancien article 1240 qui prévoyait que « le paiement fait de bonne foi à celui qui est en possession de la créance est valable, encore que le possesseur en soit par la suite évincé. »
    • Si sur le fond, la règle énoncée reste inchangée ; sur la forme elle connaît une évolution majeure en ce que le législateur a notamment expurgé de sa formulation la référence à « la possession de la créance».
    • La raison en est que l’ancienne formule pouvait être trompeuse, car elle suggérait que le possesseur de la créance était celui qui détenait un titre constatant la créance.
    • Or tel n’était pas le sens du texte : le possesseur de la créance visait la personne qui, pour le solvens, présentait l’apparence du créancier.
    • Le législateur a ainsi entendu lever toute ambiguïté et consacrer la jurisprudence relative à la théorie de l’apparence.
    • Aussi, lorsque le solvens de bonne foi a été trompé par les apparences, soit avait toutes les raisons de croire que la personne auprès de laquelle il a payé était le véritable créancier, son paiement demeure valable et produit un effet libératoire.
    • Tel sera le cas, par exemple, lorsque le solvens paye l’héritier apparent du créancier alors que, en réalité, celui-ci n’était titulaire d’aucun droit en raison de l’existence d’un testament contraire dont lui-même ignorait l’existence car découvert tardivement.
    • L’application de la théorie de l’apparence suppose la réunion de deux conditions cumulatives :
      • Première condition
        • Le solvens doit être de bonne foi, ce qui implique qu’il devait ignorer que la personne entre les mains de laquelle il a payé n’était pas le véritable créancier
        • Autrement dit, il doit avoir cru, de façon erronée, à la qualité de créancier de l’accipiens.
      • Seconde condition
        • La personne qui a reçu le paiement doit avoir, aux yeux des tiers, l’apparence du créancier
        • La croyance du solvens doit ainsi être légitime en ce sens qu’une personne placée dans la même situation aurait commis la même erreur d’appréciation
  • Effets
    • Les conditions de l’apparence sont réunies
      • Dans cette hypothèse, le paiement réalisé par le solvens produit un effet libératoire, ce qui signifie que le débiteur est libéré de son obligation envers le créancier.
      • Charge alors à ce dernier de se retourner vers l’accipiens et de lui réclamer le paiement qui lui était destiné sur le fondement de l’enrichissement injustifié régi aux articles 1303 à 1303-4 du Code civil.
      • Pour mémoire, l’article 1303 du Code civil prévoit que « en dehors des cas de gestion d’affaires et de paiement de l’indu, celui qui bénéficie d’un enrichissement injustifié au détriment d’autrui doit, à celui qui s’en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissement. »
    • Les conditions de l’apparence ne sont pas réunies
      • Dans cette hypothèse, le paiement réalisé par le solvens ne produit aucun effet libératoire.
      • Aussi, le créancier pourra toujours exiger le paiement auprès du débiteur qui demeure tenu.
      • Tout au plus, il pourra engager une action en répétition de l’indu à l’encontre de l’accipiens, étant précisé que le juge dispose de la faculté de réduire le montant de la restitution dans l’hypothèse où le paiement – indu – procède d’une faute ( 1302-3, al. 2e C. civ.).

 

[1] E-D Glasson, A. Tissier, R. Morel, Traité théorique et pratique d’organisation judiciaire de compétence et de procédure civile, Paris, Libr. du Rec. Sirey, 1925-1936, t. 1 n° 173

[2] V. en ce sens G. Chantepie et M. Latina, Le nouveau droit des obligations – Commentaire théorique et pratique dans l’ordre du Code civil, éd. Dalloz, 2018, n°941, p.849.