L’objet social

==> Définition

Ni le Code civil, ni le Code de commerce ne donne de définition de l’objet social, bien que de nombreux textes normatifs y fassent référence.

C’est donc vers la doctrine qu’il convient de se tourner afin d’en cerner la notion.

Les auteurs s’accordent à définir l’objet social comme « le programme des activités auxquelles la société peut se livrer en vue de faire des bénéfices ou des économies et d’en faire profiter ses membres »[1].

Ainsi, l’objet social représente-t-il l’ensemble des activités que la société s’est donné pour tâche d’exercer. Il s’agit du but poursuivi par la société.

==> Distinctions

  • Objet social / Objet du contrat de société / Objet de l’obligation
    • La lecture de l’article 1832 du Code civil nous révèle que l’objet social ne saurait se confondre avec :
      • L’objet de l’obligation qui échoit aux associés d’effectuer un apport consistant à « affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie» en contrepartie de l’attribution de droits sociaux
      • L’objet du contrat de société lequel a été conclu « en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter ».
    • En somme, tandis que l’objet de l’obligation détermine les moyens que les associés affectent à la réalisation de l’objet social, l’objet social se rapporte à l’activité par le biais de laquelle les associés entendent réaliser l’objet du contrat de société.
  • Objet social / Intérêt social / Activité sociale
    • L’activité sociale
      • Il s’agit de l’activité réellement exercée par la société.
      • L’activité sociale doit être conforme à l’objet social, tel que décrit dans les statuts
      • En cas de discordance entre l’activité sociale et l’objet statutaire, la jurisprudence retient la première afin d’apprécier la validité de l’objet de la société dont sa licéité.
    • L’intérêt social
      • Deux conceptions s’affrontent de l’intérêt social
        • Selon la conception contractuelle, l’intérêt social correspond à l’intérêt individuel des associés
        • Selon la conception institutionnelle l’intérêt social désigne l’intérêt propre de la société en tant qu’entité autonome, laquelle a été constituée dans l’intérêt des associés
      • En tout état de cause les organes sociaux doivent toujours œuvrer dans le sens de l’intérêt social.
      • Cela se traduit par l’obligation :
        • Pour les associés de toujours voter conformément à l’intérêt social en ce sens qu’ils ne doivent pas se livrer à un abus de majorité ou de minorité dans le cadre des délibérations auxquelles ils participent.
          • À défaut, les délibérations prises en contrariété à l’objet social sont susceptibles de faire l’objet d’une annulation.
        • Pour les dirigeants d’accomplir tous les actes de gestion conformément à l’intérêt social. Il en résulte que :
          • Un acte accomplit conformément à l’intérêt social, mais en dépassement de l’objet social peut engager la société
          • Un acte accomplit en contrariété à l’intérêt social, mais dans la limite de l’objet social peut être annulé

==> Fonctions de l’objet social

L’objet social n’a pas seulement pour fonction de fixer les limites statutaires de l’activité que la société est susceptible d’exercer, il présente plusieurs autres intérêts.

L’objet social détermine :

  • La nature de la société
    • Principe : le critère de l’objet
      • Dans la mesure où c’est l’objet social qui détermine les activités susceptibles d’être exercées par un groupement, les sociétés devraient être qualifiées de civiles ou commerciales d’après leur objet.
        • Une société dont l’objet est civil, devrait être qualifiée de société civile
        • Une société dont l’objet est l’accomplissement d’actes de commerce devrait, quant à elle, être qualifiée de société commerciale
      • Exception : le critère de la forme
        • La loi du 24 juillet 1966 a refoulé à la portion congrue le critère de l’objet en lui adossant le critère de la forme
        • L’article L. 210-1 du Code de commerce prévoit en ce sens que « sont commerciales à raison de leur forme et quel que soit leur objet, les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite simple, les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés par actions.»
        • Il en résulte que :
          • Une société commerciale par la forme qui exerce une activité civile conserve sa commercialité
            • Elle sera toujours soumise au droit commercial, peu importe la nature de l’activité effectivement exercée
          • Une société civile par la forme qui exerce une activité commerciale devient, à l’inverse, une société commerciale par son objet.
            • Elle sera soumise au régime de la société commerciale de fait.
  • L’étendue des pouvoirs des dirigeants
    • Dans les sociétés à risque illimité les actes accomplis par les dirigeants en dépassement de l’objet social n’engagent pas la société envers les tiers.
    • À l’inverse, dans les sociétés à risque limité, tous les actes effectués par les dirigeants engagent la société envers les tiers, quand bien même ils ont été accomplis en dépassement de l’objet social.
      • La société peut néanmoins engager la responsabilité du dirigeant qui a outrepassé ses pouvoirs.
  • L’étendue de la capacité de la société
    • Contrairement aux personnes physiques, les sociétés ne jouissent pas d’une capacité générale de jouissance
    • Quant à la capacité d’exercice, les sociétés en sont totalement dépourvues dans la mesure où elles ne peuvent exercer les droits dont elles sont titulaires que par le biais de la technique de la représentation.
    • Aussi, la capacité juridique de la société quant à accomplir des actes est-elle limitée à la réalisation de l’objet social, conformément au principe de spécialité.
    • Il en résulte qu’une société constituée dans un but exclusivement lucratif est frappée d’une incapacité totale s’agissant de consentir des libéralités
    • De la même manière, dans les sociétés à risque illimité, les actes accomplis en dépassement de l’objet social sont nuls en raison de l’incapacité de la société à les exercer.
    • Dans un arrêt Du 8 octobre 2013, la Cour de cassation a estimé en ce sens que la vente d’un immeuble détenu par une SCI devait être annulée, eu égard au dépassement de l’objet social auquel le gérant de la société s’était livré ( com. 8 octobre 2013).

 Com. 23 oct. 2013dé

schema-1Faits :

  • Il s’agissait, en l’espèce, d’une société civile dans laquelle une partie du patrimoine immobilier de la famille était logé.
  • La gérante vend l’un des appartements détenu par la SCI.
  • L’opération est alors contestée par l’un des associés.

Demande :

L’associé contestataire assigne l’acheteur et le notaire en annulation de la vente de l’appartement.

Procédure :

Dispositif de la décision rendue au fond:

  • Par un arrêt du 23 octobre 2013, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence déboute le requérant de ses demandes

Motivation des juges du fond:

  • Selon les juges du fond, l’objet de la SCI visait aussi la réalisation de toutes opérations se rattachant directement ou indirectement à celui-ci.
  • Ils en déduisent que les associés n’avaient pas entendu donner une définition restrictive de l’objet social, de sorte que celui-ci incluait aussi, de façon générale, la vente d’un bien.
  • Selon eux, la vente attaquée se situait donc bien dans l’objet social de la SCI et la gérante avait valablement conclu la vente.

Solution de la Cour de cassation :

La Cour de cassation reproche aux juges du fond d’avoir dénaturé les termes clairs et précis des statuts.

Ainsi, il ne pouvait être jugé que la vente de l’appartement entrait dans l’objet social et donc dans les pouvoirs du gérant, dès lors que la clause litigieuse limitait cet objet à

« l’acquisition, de tous biens mobiliers ou immobiliers, la gestion et l’administration desdits biens dont la société pourrait devenir propriétaire, sous quelque forme que ce soit, l’emprunt de tous les fonds nécessaires à la réalisation de ces objectifs (…) [et] plus généralement, la réalisation de toutes opérations, se rattachant directement ou indirectement à cet objet, et notamment le cautionnement hypothécaire non rémunéré de la société civile immobilière, pourvu que ces opérations n’affectent pas le caractère civil de la société »

Pour mémoire :

  • D’une part, les statuts ne peuvent être modifiés, sauf clause contraire, que par l’accord unanime des associés (Art. 1836, al. 1 C. civ).
  • D’autre part, aux termes de l’article 1849, alinéa 1er, du Code civil, dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes entrant dans l’objet social.

Par ailleurs, conformément au principe de spécialité, les sociétés – à risque illimité – sont frappées d’incapacité pour l’accomplissement des actes effectués en dépassement de leur objet statuaire.

À ce titre, la solution retenue par la Cour de cassation ne peut qu’être approuvée.

==> Conditions de validité

La validité de l’objet social est subordonnée à la satisfaction de deux conditions :

  • L’objet social doit être déterminé
  • L’objet social doit être licite

À défaut de respect de l’une de ces conditions, la société encourt la nullité

  1. La détermination de l’objet social

L’exigence de détermination de l’objet social suppose qu’il soit précisé dans les statuts et qu’il soit possible.

  • La précision de l’objet social dans les statuts
    • L’article 1835 du Code civil prévoit que « les statuts doivent être établis par écrit. Ils déterminent, outre les apports de chaque associé, la forme, l’objet, l’appellation, le siège social, le capital social, la durée de la société et les modalités de son fonctionnement. »
    • Il ressort de cette disposition que les associés ont l’obligation de décrire l’objet social dans les statuts de la société, faute de quoi la société est susceptible d’être annulée.
    • La description qui figure dans statuts doit être conforme au principe de spécialité qui préside à la constitution de toute personne morale.
    • Cela signifie, en d’autres termes, que l’objet social ne saurait être trop général et visé, comme l’a rappelé l’autorité des marchés financiers « “toutes opérations commerciales, industrielles ou financières ».
    • Qui plus est, les associés doivent être particulièrement vigilants quant à la description de l’objet social, dans la mesure où il détermine l’étendue de la capacité juridique de la société ainsi que des pouvoirs des dirigeants sociaux.
  • La possibilité de l’objet social
    • L’objet social doit être possible dans la mesure où l’existence-même de la société tient à la réalisation de son objet.
    • Conformément à l’article 1844-7, 2° du Code civil la société est dissoute de plein droit notamment « par la réalisation ou l’extinction de son objet ».
    • Ainsi, l’impossibilité de réaliser l’objet social d’une société constitue une cause de dissolution, sauf à ce que les associés décident de modifier l’objet social.

2. La licéité de l’objet social

  • Exposé du principe
    • L’article 1833 du Code civil dispose que « toute société doit avoir un objet licite».
    • Aussi, cela signifie-t-il que l’objet social :
      • Ne doit pas porter atteinte à une disposition impérative
      • Ne doit pas être contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs conformément à l’article 6 du Code civil
    • Appréciation de la licéité
      • Depuis l’arrêt Marleasing rendu le13 novembre 1990 par la Cour de justice de l’Union européenne, s’agissant de l’appréciation de la licéité de l’objet social d’une société une distinction doit être faite entre le droit interne et le droit de l’Union européenne.

En droit interne

  • La licéité de l’objet social s’apprécie au regard, non pas de l’objet statutaire de la société, mais de son objet réel, soit de l’activité effectivement exercée par la personne morale ( com., 18 juill. 1989, n° 88-13.261)

Cass. com., 18 juill. 1989

schema-1

En droit de l’Union européenne

  • Pour mémoire l’article 11-2 b) de la directive 68/151/CEE du Conseil, du 9 mars 1968 prévoit que «  le caractère illicite ou contraire à l’ordre public de l’objet de la société» constitue une cause de nullité (http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex:31968L0151)
  • Dans un arrêt Marleasing du 13 novembre 1990 la Cour de justice de l’Union européenne a, manifestement, retenu une solution radicalement contraire à celle adoptée par les juridictions françaises s’agissant de l’appréciation de la licéité de l’objet social.
  • Les juges européens ont, en effet, estimé que seul l’objet statutaire devait être pris en compte pour apprécier la licéité de l’objet social d’une société
  • Autrement dit, l’objet statutaire prime l’objet réel, de sorte que, quand bien même l’activité réellement exercée par la société serait contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs, dès lors que l’objet statutaire est licite, la société n’encourt pas la nullité.
  • La Cour de justice affirme en ce sens que « les mots “l’ objet de la société” doivent être compris comme se référant à l’ objet de la société tel qu’ il est décrit dans l’ acte de constitution ou dans les statuts»
  • Elle justifie sa décision en se référant à la position de la Commission européenne qui a eu l’occasion d’affirmer que « l’expression “l’ objet de la société” doit être interprétée en ce sens qu’ elle vise exclusivement l’ objet de la société, tel qu’ il est décrit dans l’ acte de constitution ou dans les statuts».
  • Sanction de l’illicéité
    • La nullité
      • L’illicéité de l’objet social est sanctionnée par la nullité de la société.
        • L’article 1844-10 du Code civil prévoit explicitement cette sanction en visant l’article 1833, disposition posant la condition de la licéité de l’objet social.
        • L’article L. 235-1 du Code de commerce vise quant à lui expressément « lois qui régissent la nullité des contrats».
      • La nullité absolue
        • La nullité prononcée pour illicéité de l’objet social est absolue, de sorte qu’aucune régularisation n’est permise.
          • L’article 1844-11 du Code civil dispose en ce sens que « l’action en nullité est éteinte lorsque la cause de la nullité a cessé d’exister le jour où le tribunal statue sur le fond en première instance, sauf si cette nullité est fondée sur l’illicéité de l’objet social.»

[1] G. Ripert et R. Roblot par M. Germain, Traité de droit commercial, LGDJ, 17 éd. 1998, t.1, n°1051, p. 822.

La capacité juridique des associés

Pour pouvoir prendre part à la constitution d’une société, encore faut-il jouir de la capacité juridique.

Par capacité juridique, il faut entendre l’aptitude à être titulaire de droits et à les exercer.

En raison de l’absence de dispositions particulières en droit des sociétés concernant la capacité juridique, il convient de se tourner vers le droit commun de la capacité civile et commerciale.

Aussi, convient-il de distinguer la capacité des personnes physiques de la capacité des personnes morales.

I) La capacité des personnes physiques

  • Principe
    • Aux termes de l’article 1145, al.1 du Code civil « toute personne physique peut contracter sauf en cas d’incapacité prévue par la loi».
    • Il en résulte que, par principe, toute personne physique jouit de la capacité juridique pour endosser la qualité de partie au contrat de société, soit pour être associé.
  • Les mineurs
    • La lecture de l’article 1145, al. 1 du Code civil nous révèle que rien n’empêche un mineur de devenir associé.
    • Limites
      • Le mineur étant frappé d’une incapacité d’exercice général, il ne pourra exercer ses prérogatives d’associé que par l’entremise de son représentant légal
      • Pour les actes de dispositions graves, tel que l’apport d’un immeuble ou d’un fonds de commerce, le mineur devra obtenir l’autorisation du juge des tutelles
    • Exclusion
      • Principe
        • Le mineur ne peut pas, par principe, endosser la qualité de commerçant.
        • Il résulte qui ne peut pas devenir associé dans une société qui requiert la qualité de commerçant, telle que la société en nom collectif ou la société en commandite simple
      • Exception
        • Le nouvel article L. 121-2 du Code de commerce introduit par la loi n° 2010-658 du 15 juin 2010 relative à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée prévoit que « le mineur émancipé peut être commerçant sur autorisation du juge des tutelles au moment de la décision d’émancipation et du président du tribunal de grande instance s’il formule cette demande après avoir été émancipé.»
        • Ainsi, rien n’empêche désormais le mineur émancipé de devenir associé d’une société qui requiert la qualité de commerçant
  • Les majeurs incapables
    • Comme les mineurs, les majeurs incapables peuvent par principe devenir associés d’une société.
    • Cependant, selon la mesure de protection dont ils font l’objet (sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle), leur capacité d’exercice sera plus ou moins limitée, de sorte qu’ils devront obtenir l’autorisation de leur représentant légal selon la gravité de l’acte qu’ils souhaitent accomplir.
  • Les sociétés entre époux
    • L’ancien article 1832-1 du Code civil prévoyait que « deux époux peuvent, seuls ou avec d’autres personnes, être associés dans une même société et participer ensemble ou non à la gestion sociale. Toutefois, cette faculté n’est ouverte que si les époux ne doivent pas, l’un et l’autre, être indéfiniment et solidairement responsables des dettes sociales.»
    • Ainsi, cette disposition interdisait-elle aux époux de devenir associé dès lors qu’il s’agissait d’une société à risque illimité.
    • La loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985 relative à l’égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et des parents dans la gestion des biens des enfants mineurs a supprimé cette restriction, de sorte que rien ne fait plus obstacle à ce que des époux soient associés d’une même société, quelle que soit la forme sociale adoptée.
    • Le nouvel article 1832-1 du Code civil dispose en ce sens que « même s’ils n’emploient que des biens de communauté pour les apports à une société ou pour l’acquisition de parts sociales, deux époux seuls ou avec d’autres personnes peuvent être associés dans une même société et participer ensemble ou non à la gestion sociale.»

II) La capacité des personnes morales

  • Capacité de jouissance
    • Contrairement aux personnes physiques, les personnes morales ne disposent pas d’une capacité de jouissance générale.
    • Leur capacité est enserrée dans la limite de leur objet sociale.
    • Il en résulte qu’une société ne peut devenir associée d’une société que si cette association se rattache à la réalisation de son objet social.
    • En dehors de cette limite, rien n’empêche une personne morale d’endosser la qualité d’associé.
    • Cette possibilité vaut tant pour les personnes morales de droit privé que pour les personnes morales de droit public.
  • Capacité d’exercice
    • Quant à la capacité d’exercice, les sociétés en sont totalement dépourvues dans la mesure où elles ne peuvent exercer les droits dont elles sont titulaires que par le biais de la technique de la représentation.
    • Aussi, la capacité juridique de la société quant à accomplir des actes est-elle limitée à la réalisation de l’objet social, conformément au principe de spécialité.
    • Il en résulte qu’une société constituée dans un but exclusivement lucratif est frappée d’une incapacité totale s’agissant de consentir des libéralités
    • De la même manière, dans les sociétés à risque illimité, les actes accomplis en dépassement de l’objet social sont nuls en raison de l’incapacité de la société à les exercer.
    • Dans un arrêt Du 8 octobre 2013, la Cour de cassation a estimé en ce sens que la vente d’un immeuble détenu par une SCI devait être annulée, eu égard au dépassement de l’objet social auquel le gérant de la société s’était livré ( com. 8 octobre 2013).

Com. 8 oct. 2013

schema-1

Faits :

  • Il s’agissait, en l’espèce, d’une société civile dans laquelle une partie du patrimoine immobilier de la famille était logé.
  • La gérante vend l’un des appartements détenu par la SCI.
  • L’opération est alors contestée par l’un des associés.

Demande :

L’associé contestataire assigne l’acheteur et le notaire en annulation de la vente de l’appartement.

Procédure :

Dispositif de la décision rendue au fond:

  • Par un arrêt du 23 octobre 2013, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence déboute le requérant de ses demandes

Motivation des juges du fond:

  • Selon les juges du fond, l’objet de la SCI visait aussi la réalisation de toutes opérations se rattachant directement ou indirectement à celui-ci.
  • Ils en déduisent que les associés n’avaient pas entendu donner une définition restrictive de l’objet social, de sorte que celui-ci incluait aussi, de façon générale, la vente d’un bien.
  • Selon eux, la vente attaquée se situait donc bien dans l’objet social de la SCI et la gérante avait valablement conclu la vente.

Solution de la Cour de cassation :

La Cour de cassation reproche aux juges du fond d’avoir dénaturé les termes clairs et précis des statuts.

Ainsi, il ne pouvait être jugé que la vente de l’appartement entrait dans l’objet social et donc dans les pouvoirs du gérant, dès lors que la clause litigieuse limitait cet objet à

« l’acquisition, de tous biens mobiliers ou immobiliers, la gestion et l’administration desdits biens dont la société pourrait devenir propriétaire, sous quelque forme que ce soit, l’emprunt de tous les fonds nécessaires à la réalisation de ces objectifs (…) [et] plus généralement, la réalisation de toutes opérations, se rattachant directement ou indirectement à cet objet, et notamment le cautionnement hypothécaire non rémunéré de la société civile immobilière, pourvu que ces opérations n’affectent pas le caractère civil de la société »

Pour mémoire :

  • D’une part, les statuts ne peuvent être modifiés, sauf clause contraire, que par l’accord unanime des associés (Art. 1836, al. 1 C. civ).
  • D’autre part, aux termes de l’article 1849, alinéa 1er, du Code civil, dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes entrant dans l’objet social.

Par ailleurs, conformément au principe de spécialité, les sociétés – à risque illimité – sont frappées d’incapacité pour l’accomplissement des actes effectués en dépassement de leur objet statuaire.

À ce titre, la solution retenue par la Cour de cassation ne peut qu’être approuvée.

Le consentement des associés

Les articles 1832 et 1128 du Code civil ayant érigé le consentement comme une condition de validité du contrat de société, celui-ci est nul dès lors que les associés n’ont pas valablement consenti à leur engagement.

Aussi, cela suppose-t-il que le consentement des associés existe et qu’il ne soit pas vicié

I) L’existence du consentement des associés

La condition relative à l’existence du consentement se traduit, en droit des sociétés, par l’exigence d’un consentement non simulé.

La simulation consiste pour les associés à donner l’apparence de constituer une société alors que la réalité est toute autre.

Aussi, la simulation peut-elle prendre trois formes différentes. Elle peut porter :

  • Sur l’existence du contrat de société
  • Sur la nature du contrat conclu entre eux
  • Sur la personne d’un ou plusieurs associés

==> La simulation portant sur l’existence du contrat de société

Dans l’hypothèse où la simulation porte sur l’existence du contrat de société, on dit que la société est fictive.

  • Notion de fictivité
    • Une société est fictive lorsque les associés n’ont nullement l’intention de s’associer, ni même de collaborer
    • Ils poursuivent une fin étrangère à la constitution d’une société
  • Caractères de la fictivité
    • Les juges déduiront la fictivité de la société en constatant le défaut d’un ou plusieurs éléments constitutifs de la société
      • Défaut d’affectio societatis
      • Absence d’apport
      • Absence de pluralité d’associé
    • Sanction de la fictivité
      • Il convient de distinguer selon que la société fait ou non l’objet d’une procédure collective :

1. Si la société fictive fait l’objet d’une procédure collective

  • Dans un arrêt Lumale du 16 juin 1992, la Cour de cassation a estimé « qu’une société fictive est une société nulle et non inexistante» ( com. 16 juin 1992).
  • Il en résulte plusieurs conséquences :
    • La nullité ne produit aucun effet rétroactif conformément à l’article 1844-15 du Code civil qui prévoit que « lorsque la nullité de la société est prononcée, elle met fin, sans rétroactivité, à l’exécution du contrat. »
    • La nullité n’est pas opposable aux tiers de bonne foi conformément à l’article 1844-16 du Code civil qui prévoit que « ni la société ni les associés ne peuvent se prévaloir d’une nullité à l’égard des tiers de bonne foi»
    • L’action en nullité se prescrit par trois ans

Arrêt Lumale

Schéma 1.JPG

2. Si la société fictive ne fait pas l’objet d’une procédure collective

  • Dans un arrêt Franck du 19 février 2002, la Cour de cassation a estimé ( com. 19 févr. 2002) que la fictivité d’une société soumise à une procédure collective devait être sanctionnée par l’extension de ladite procédure au véritable maître de l’affaire, conformément à l’article L. 621-2 du Code de commerce pris en son alinéa 2.
    • Cette disposition prévoit que « à la demande de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale. »
  • Autrement dit, en cas de procédure collective ouverte à l’encontre d’une société fictive, la fictivité est inopposable aux créanciers, en ce sens que ses associés ne sauraient se prévaloir d’une quelconque nullité du contrat de société.
  • Rien n’empêche, dès lors, que la procédure collective soit étendue au véritable maître de l’affaire.

Arrêt Franck

schema-2

==>La simulation portant sur la nature du contrat conclu entre les associés

Cette hypothèse se rencontre lorsque la conclusion du pacte social dissimule une autre opération.

Sous couvert de la constitution d’une société, les associés ont, en effet, pu vouloir dissimuler une donation ou bien encore un contrat de travail.

Aussi, les associés sont-ils animés, le plus souvent, par une intention frauduleuse.

Ils donnent au pacte qu’ils concluent l’apparence d’un contrat de société, alors qu’il s’agit, en réalité, d’une opération dont ils se gardent de révéler la véritable nature aux tiers.

==> La simulation portant sur la personne d’un ou plusieurs associés

Cette catégorie de simulation correspond à l’hypothèse de l’interposition de personne. Autrement dit, l’associé apparent sert de prête-nom au véritable associé qui agit, dans le secret, comme un donneur d’ordre.

Dans cette configuration deux contrats peuvent être identifiés :

  • Le contrat de société
  • Le contrat de mandat conclu entre l’associé apparent (le mandataire) et le donneur d’ordre (le mandant)

Quid de la validité de la simulation par interposition de personne ?

  • Principe
    • Dans un arrêt du 30 janvier 1961, la Cour de cassation a jugé que « une souscription par prête-noms ne constitue pas en elle-même une cause de nullité des lors qu’ils constatent que la simulation incriminée ne recouvre aucune fraude et que la libération des actions n’est pas fictive, les fonds étant réellement et définitivement entres dans les caisses de la société.» ( com. 30 janv. 1961).
    • Il ressort de cette jurisprudence que la simulation par interposition de personne ne constitue pas, en soi, une cause de nullité.
  • Exceptions
    • La simulation par interposition de personne constitue une cause de nullité lorsque :
      • D’une part, une fraude est constatée ( com. 30 janv. 1961)
      • D’autre part, lorsque tous les associés apparents servent de prête-nom à un même donneur d’ordre

II) L’intégrité du consentement des associés

Pour que le contrat de société soit valable, il ne suffit pas que le consentement des associés existe, il faut encore qu’il soit intègre.

Aussi cela suppose-t-il qu’il soit exempt de tous vices.

Comme en matière de droit des contrats, trois vices de consentement sont susceptibles de conduire à l’annulation d’une société :

  • L’erreur
  • Le dol
  • La violence

A) L’erreur

Aux termes du nouvel article 1132 du Code civil « l’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant. »

Il ressort de cette disposition que l’erreur peut porter :

  • Sur la substance du contrat de société
    • Dans cette hypothèse l’erreur peut porter :
      • Sur la nature du contrat de société
        • L’errans pensait s’engager à une opération autre que la constitution d’une société.
      • Sur la forme de la société
        • L’errans pensait s’associer dans une société à responsabilité limitée (SARL, SA), alors qu’il s’engage dans une société à responsabilité illimitée (SNC, SCI).
      • Sur la viabilité de la société
        • Principe
          • L’erreur portant sur la faisabilité d’une opération économique n’est pas admise par la jurisprudence dans la mesure où cela pourrait conduire à annuler des sociétés en raison de la mauvaise appréciation pour les associés de l’opération économique à laquelle ils s’engagent
          • Ce type d’erreur s’apparenterait alors à une erreur sur la valeur.
          • Or l’erreur sur la valeur n’est pas une cause de nullité du contrat ( com., 26 mars 1974).
        • Exception
          • Dans un arrêt du 8 mars 1965, la Cour de cassation a validé le raisonnement des juges du fond qui avaient estimé que devait être annulé pour erreur sur les qualités substantielles le contrat par lequel les parties avaient convenu de fonder ensemble une société nouvelle pour « continuer purement et simplement les affaires traitées par la société ancienne» dès lors qu’il est établi l’impossibilité de continuer l’activité de ladite société ( Com. 8 mars 1965, n° 61-13.451)
          • La Cour de cassation semble poser comme condition de la nullité que la société qui a été constituée par erreur soit dans l’impossibilité de réaliser son objet social
  • Sur la personne des coassociés
    • Le nouvel article 1134 du Code civil prévoit que « l’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant n’est une cause de nullité que dans les contrats conclus en considération de la personne. »
    • Aussi, peut-on en déduire que l’erreur sur la personne des associés ne sera retenue par les juges que dans les sociétés de personnes dans la mesure où, par définition, elles sont marquées d’un fort intuitu personae.
    • L’erreur sur la personne ne se conçoit donc que dans les sociétés en nom collectif, dans les sociétés civiles ou encore dans les sociétés en commandite simple

B) Le dol

Le nouvel article 1137 du Code civil définit le dol comme « le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges. ».

Il ajoute que « constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie. »

Il ressort de cette disposition que le dol peut se manifester sous trois formes différentes. Il peut consister en :

  • Des manœuvres
  • Un mensonge
  • Une dissimulation intentionnelle

En toute hypothèse le dol revêt deux dimensions :

  • Une dimension délictuelle
  • Une dimension psychologique

==> La dimension délictuelle du dol

La caractérisation du dol suppose l’établissement de deux éléments :

  • Un élément matériel
    • Le dol se définit au sens strict comme des actes, positifs ou négatifs, par lesquels leur auteur crée chez l’autre partie une fausse apparence de la réalité.
    • Autrement dit, l’auteur du dol use de manœuvres frauduleuses afin d’induire en erreur son cocontractant
    • Il appartiendra donc à la victime du dol de caractériser les manœuvres dont il a fait l’objet.
      • S’agit-il d’une manœuvre positive ? D’un mensonge ? D’une dissimulation intentionnelle ?
  • Un élément moral
    • Le dol suppose une volonté de tromper le cocontractant, soit de l’induire en erreur.
    • La charge de la preuve pèse sur la victime du dol à qui il appartiendra d’établir l’intention dolosive de son cocontractant
    • Lorsque le dol consiste en la dissimulation d’une information, l’intention se déduira de deux éléments :
      • La connaissance de l’information dissimulée par l’auteur du dol
      • L’importance de l’information dissimulée pour la victime du dol

==> La dimension psychologique du dol

Pour que le dol constitue une cause de nullité il doit provoquer chez le cocontractant :

  • Une erreur
    • Cette erreur peut porter indifféremment sur :
      • La substance
      • La personne
      • La valeur
      • Les motifs
    • En somme, l’erreur qui devrait être considérée comme inexcusable lorsqu’elle est commise par une partie à un contrat, devient excusable lorsqu’elle est provoquée par le dol
  • Une erreur déterminante
    • L’erreur provoquée par le dol doit avoir été déterminante du consentement de la victime
    • Autrement dit, si elle n’avait pas été trompée sur les termes du contrat ou sur la personne de l’auteur du dol elle n’aurait pas contracté

==> Application du dol en droit des sociétés

Le dol est très peu souvent retenu comme cause de nullité d’une société. Cela n’empêche pas, néanmoins, la jurisprudence de le reconnaître, en certaines circonstances, à supposer, qu’il remplisse les conditions exigées en droit commun et notamment que les manœuvres aient été déterminantes du consentement de la victime (V. en ce sens Cass. com., 7 juin 2011)

En droit des sociétés, le dol consistera le plus souvent en des manœuvres positives ou négatives visant à induire en erreur les coassociés quant à la viabilité économique de la société dont la constitution est envisagée.

Autrement dit, l’auteur du dol crée une apparence positive de la situation sociale de l’entreprise, alors que les chances de succès sont ténues.

C) La violence

Aux termes de l’article 1140 du Code civil, « il y a violence lorsqu’une partie s’engage sous la pression d’une contrainte qui lui inspire la crainte d’exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable. »

L’article 1141 ajoute que « la menace d’une voie de droit ne constitue pas une violence. Il en va autrement lorsque la voie de droit est détournée de son but ou lorsqu’elle est invoquée ou exercée pour obtenir un avantage manifestement excessif. »

La violence peut se définir comme une pression exercée sur le cocontractant en vue de le contraindre à donner son consentement au contrat.

La violence exercée sur le cocontractant a donc pour effet de vicier son consentement, lequel est privé de sa liberté de consentir.

La violence se distingue des autres vices du consentement en ce que le consentement en a été donné en connaissance de connaissance, mais pas librement.

Celui qui a conclu le contrat savait que s’exerçait sur lui une contrainte à laquelle il n’a pas pu résister.

L’établissement de la violence suppose la réunion de trois éléments cumulatifs :

  • La crainte d’un mal
    • Ce mal peut être d’ordre physique, moral, ou d’ordre pécuniaire
  • Ce mal doit être illégitime
    • L’acte de contrainte exercée sur la victime ne doit pas être accompli conformément au droit positif
  • La violence doit être déterminante du consentement
    • Si la victime n’avait pas fait l’objet de la violence, elle n’aurait pas contracté

==> Quid de la violence comme cause de nullité en droit des sociétés ?

La jurisprudence n’a, pour l’heure, jamais annulé de contrat de société pour cause de violence. Aussi, cette hypothèse demeure un cas d’école.

==> Reconnaissance de la violence économique

Néanmoins, certaines décisions rendues en matière de violence intéressent le droit des sociétés au premier chef, la Cour de cassation ayant estimé que la violence pouvait consister en une contrainte économique.

Ainsi, dans un célèbre arrêt Bordas du 3 avril 2002, la première chambre civile a affirmé que « l’exploitation abusive d’une situation de dépendance économique, faite pour tirer profit de la crainte d’un mal menaçant directement les intérêts légitimes de la personne, peut vicier de violence son consentement ».

Arrêt Bordas

Cass. 1re civ., 3 avr. 2002

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