Un instrument de mesure. Du latin, norma, équerre, règle, la norme est un instrument de mesure[1]. Elle est destinée à servir de référence, d’étalon[2], pour « tracer des lignes »[3]. Pour s’assurer que les traits qu’il trace forment un angle droit, le charpentier aura nécessairement besoin de s’appuyer sur un modèle[4]. C’est la fonction de l’équerre (la norma). L’opération qui consiste à manipuler une norme peut donc s’assimiler en l’action de mesurer, peser, juger. Il s’agit de confronter l’objet à évaluer avec l’instrument de mesure qu’est la règle. De cette confrontation naît une relation de conformité ou de non-conformité[5]. En somme, comme le précise Pascale Deumier, « la règle […] est l’instrument qui sert à aligner les comportements autour du modèle qu’elle fixe »[6]. Toutefois, à ne pas se tromper, la relation entre une norme et l’objet qu’elle évalue ne saurait être le fruit de n’importe quelle mesure. Elle ne peut porter que sur l’ordre dans lequel s’insèrent les choses, sur leur mouvement et non sur leur état, leur essence[7]. Pour Paul Amselek, les normes doivent être appréhendées comme des instruments qui donnent la mesure du « déroulement du cours des choses »[8]. Par « cours des choses », il faut entendre un fait, un évènement, au sens de ce qui se produit, ce qui arrive. Ainsi, est-il fait appel à une règle, chaque fois qu’il est besoin de juger la conduite d’un être humain[9] ou encore, d’apprécier un phénomène naturel. Peu importe que les modèles auxquels il est recouru pour effectuer ces mesures soient de différentes natures[10].
Une signification. Comme le souligne Dénys de Béchillon, « une norme ne se voit pas, elle se comprend»[11]. Pour qu’un commandement parvienne à un agent, il est absolument nécessaire, poursuit cet auteur, que l’agent visé en prenne connaissance. Or cela suppose de transmettre ce commandement par le biais d’un contenu comme des mots, phrases ou signes et d’insérer ce contenu dans un contenant, qui pourra prendre la forme d’une loi, d’un décret ou bien encore d’un arrêté. Il apparaît que ce n’est ni dans le contenant ni dans le contenu du message communiqué à l’agent que réside le commandement, mais dans la signification-même dudit message. C’est la raison pour laquelle, il doit être admis que « la norme est une signification, pas une chose »[12]. À ce titre, contrairement à ce que l’on peut être tenté de se représenter, elle se distingue de son énoncé. Une question alors se pose : par quoi, en dehors de l’énoncé, la signification que constitue la norme peut-elle être véhiculée ? La réponse est simple : il s’agit de tout ce qui est susceptible de faire l’objet d’une interprétation.
Le fruit d’une interprétation. Selon Michel Troper, l’interprétation, qui se définit comme l’« opération par laquelle une signification est attribuée à quelque chose », peut tout autant porter sur « un objet matériel » que sur « un énoncé »[13]. Plus généralement, l’interprétation peut avoir pour objet tout ce qui est perceptible par l’entendement humain. Et si, spontanément, l’on est tenté de voir les significations auxquelles on confère la qualité de norme, comme le produit d’actes d’interprétation ne portant que sur des énoncés, en réalité, cela est loin d’être toujours le cas. Dans les sociétés primitives, par exemple, les anthropologues ont montré que les règles qui régissent la conduite de leurs membres se confondaient avec une volonté divine. Or cette volonté divine est, toujours, le produit de l’interprétation de mythes et de croyances, le tout entremêlé de phénomènes naturels. De la même façon, les règles coutumières ne sont pas, pour l’essentiel, enfermées dans des énoncés. Elles s’apparentent, encore aujourd’hui, à des significations que l’on attribue à des pratiques répétées dans le temps. Tout ce qui est susceptible d’avoir du sens pour l’être humain peut donc être porteur de normes.
Le fruit d’une interprétation. Selon Michel Troper, l’interprétation, qui se définit comme l’« opération par laquelle une signification est attribuée à quelque chose», peut tout autant porter sur « un objet matériel » que sur « un énoncé »[14]. Plus généralement, l’interprétation peut avoir pour objet tout ce qui est perceptible par l’entendement humain. Et si, spontanément, l’on est tenté de voir les significations auxquelles on confère la qualité de norme, comme le produit d’actes d’interprétation ne portant que sur des énoncés, en réalité, cela est loin d’être toujours le cas. Dans les sociétés primitives, par exemple, les anthropologues ont montré que les règles qui régissent la conduite de leurs membres se confondaient avec une volonté divine. Or cette volonté divine est, toujours, le produit de l’interprétation de mythes et de croyances, le tout entremêlé de phénomènes naturels. De la même façon, les règles coutumières ne sont pas, pour l’essentiel, enfermées dans des énoncés. Elles s’apparentent, encore aujourd’hui, à des significations que l’on attribue à des pratiques répétées dans le temps. Tout ce qui est susceptible d’avoir du sens pour l’être humain peut donc être porteur de normes.
Les théories normativistes et réalistes. Le processus de production normative sur lequel on s’interroge présentement s’avère être complètement différent de celui dont sont issues les normes véhiculées par des énoncés. S’agissant de ces dernières, bien que les auteurs se divisent en deux camps quant à l’appréciation de leur création, elle n’en procède pas moins de mécanismes relativement simples, que ce soit dans l’une ou l’autre des thèses avancées. Le point de discorde sur lequel s’opposent les juristes, porte, grosso modo, sur la conception même qu’ils se font de l’opération d’interprétation[15]. Tandis que pour les uns, cette opération consiste, ni plus, ni moins en un acte de connaissance. Ce sont les tenants de la pensée normativiste[16]. Pour les autres, l’opération d’interprétation est, tout au contraire, un acte de volonté. Il s’agit là du courant de pensée que l’on qualifie de réaliste[17]. En quoi ces deux conceptions de l’opération d’interprétation se distinguent-elles ? Pour les normativistes, l’interprétation doit donc être perçue comme un acte de connaissance[18]. Pour eux, la fonction de l’interprète se limite à rechercher la signification d’un énoncé telle qu’elle a été voulue par celui qui l’a adoptée. Pour y parvenir, l’interprète doit recourir aux méthodes de la linguistique appliquée, que sont, par exemple, les méthodes syntaxiques, sémantiques ou bien encore systémiques[19]. À l’inverse, pour les réalistes, l’opération d’interprétation consiste non pas en un acte de connaissance, mais en un acte de volonté, en ce sens que seul l’interprète confère à l’énoncé interprété sa signification[20]. Pour les tenants de cette pensée, tout énoncé, aussi clair soit-il, est intrinsèquement porteur de plusieurs significations[21], si bien que l’interprète doit nécessairement se livrer à un choix[22]. D’où l’affirmation que l’interprétation serait « une fonction de la volonté »[23]. Pour les réalistes, l’opération d’interprétation à laquelle se livrera, notamment le juge, n’est pas assimilable, comme le soutiennent les normativistes, à un acte d’application de la norme. Elle s’apparente à un acte de création[24]. Comme l’a écrit l’évêque Hoadley au XVIe siècle, « quiconque dispose du pouvoir absolu d’interpréter une loi écrite ou orale est le véritable législateur et non celui qui le premier l’a écrite ou énoncée »[25].
La production normative spontanée. Au total, bien que normativistes et réalistes s’opposent, frontalement, sur l’appréciation qu’ils font du processus de production de la norme[26], il est, néanmoins, un point sur lequel ils se rejoignent : pour ces deux courants de pensée, qu’elle soit créée lors de l’édiction de l’énoncé qui la porte ou à l’occasion de l’interprétation de cet énoncé, la norme demeure, dans les deux cas, le produit d’un acte de volonté[27]. C’est précisément sur ce point-là que les normes spontanées se distinguent des autres normes. Contrairement aux normes véhiculées par un énoncé, les normes spontanées ne sont pas le produit d’un acte de volonté. Les normes dont la création répond à ce schéma sont désignées par bien des noms : coutume, usage, pratique, tradition ou encore habitude. De nombreuses études ont été réalisées, notamment en anthropologie juridique[28], à leur endroit. En France, par exemple, jusqu’à la date symbolique que l’on enseigne aux étudiants de première année de droit du 15 avril 1454, date à laquelle a été adoptée l’ordonnance de Montil-lès-Tours, l’organisation de la vie en société procédait, pour une large part, de l’application de règles coutumières[29]. Aussi, les travaux que leur ont consacrés les juristes portent-ils tous sur la question de savoir si lesdites règles ne constitueraient pas la première manifestation du droit[30] et si, à ce titre, celles qui, encore aujourd’hui, régissent certaines activités humaines, ne pourraient pas être qualifiées de juridiques[31].
La doctrine écossaise. Bien que notre qualité de juriste eût commandé que l’on se joigne à cette réflexion, largement défrichée par la doctrine, afin d’appréhender la norme spontanée, tel n’est pas, cependant, l’approche que nous avons choisi d’adopter. Car notre étude porte moins sur la qualification de la norme que sur son objet : l’appréhension de la conduite d’agents, pris comme composantes d’un système complexe, la société numérique. C’est pourquoi nous emprunterons plutôt la voie de la réflexion initiée, outre-Manche, par les penseurs écossais dans le courant du XVIIIe siècle. À la différence de leurs homologues, les philosophes français des Lumières, des auteurs tels Bernard Mandeville, David Hume, ou encore Adam Fergusson, ont introduit l’idée que la raison humaine serait fondamentalement limitée. Par voie de conséquence, la société constituerait un système bien trop complexe pour que les règles, par lesquelles la conduite de ses membres est gouvernée, soient le produit d’actes de volonté[32]. Ces auteurs rejettent fermement le rationalisme cartésien, embrassé jadis par Grotius et ses successeurs, pour inscrire leur réflexion dans ce que Hayek qualifie de « rationalisme évolutionniste »[33]. Pourquoi évolutionniste ? Tout simplement parce que ces penseurs ont une approche darwinienne de la formation des règles de conduite ce qui, d’ailleurs, fait dire à Hayek qu’ils étaient « des darwiniens avant Darwin »[34]. La thèse que soutiennent ces auteurs laisse à penser que la théorie de l’évolution en serait peut-être issue. En quoi, une thèse relative à la formation des règles de conduite, qui aurait influencé l’élaboration d’une théorie biologique, consiste-t-elle ?
L’approche évolutionniste de la norme. Comme la plupart des théories scientifiques, la thèse défendue par les tenants du rationalisme évolutionniste a pour point de départ une réfutation : contrairement à l’idée véhiculée par les partisans du rationalisme cartésien, qui atteint son apogée au début du XXe siècle, la raison humaine ne peut pas tout. Bien des choses la dépassent, à commencer par le fonctionnement de la société. Cela s’explique par le fait que, pour comprendre les rouages du mécanisme qui sous-tend pareil système, il faudrait acquérir bien plus d’informations que l’esprit humain n’est capable d’en assimiler. Il en résulte, comme a pu l’écrire Mandeville, déjà au début du XVIIIe siècle, que « nous attribuons souvent à l’excellence du génie de l’Homme et à la force de sa pénétration ce qui en réalité est dû à la longueur du temps et à l’expérience de nombreuses générations »[35]. Hayek ajoute que « l’idée que l’Homme ait pu bâtir délibérément sa civilisation est issue d’un intellectualisme erroné, qui voit la raison dressée à côté de la nature […] »[36]. Pour ces auteurs, les règles de conduite qui ont permis l’organisation et le développement des sociétés humaines ne sauraient être, comme nous le croyons, le fruit d’un choix délibéré[37]. Elles sont, pour reprendre les termes de Mandeville, « l’œuvre commune de plusieurs siècles »[38] et donc d’une lente évolution. Évolution, le mot est jeté. Tel est le concept auquel ont recouru les penseurs anglo-saxons pour décrire le processus de formation des normes de conduite. Hume soutient en ce sens que « la règle […] naît graduellement et acquiert de la force par une lente progression et par la répétition de l’expérience des inconvénients qu’il y a à la transgresser »[39]. Au XVIIIe siècle, si cette idée est encore à l’état de germe, Hayek va, deux siècles plus tard, considérablement la développer en l’appréhendant sous l’angle des sciences cognitives[40].
Création de la norme et psychologie cognitive. Hayek s’interroge surtout, à la suite de ses prédécesseurs, sur la question de savoir comment l’être humain peut avoir une action efficace et s’adapter à l’environnement dans lequel il évolue, alors que cet environnement est composé de faits et de circonstances « qu’il ne connaît ni ne peut connaître »[41]. Pour lui, cette réussite qui, de prime abord, peut apparaître comme relevant du miracle trouve une explication des plus rationnelles : « notre adaptation à l’environnement, nous dit Hayek, ne consiste pas seulement ni peut-être même principalement, en une intuition des relations de cause à effet ; elle consiste aussi en ce que nos actions sont régies par des règles adaptées au monde dans lequel nous vivons, c’est-à-dire à des circonstances dont nous n’avons pas conscience et qui pourtant définissent la structure de nos actions réussies »[42]. Autrement dit, selon la psychologie hayekienne, la plupart des actions de l’Homme seraient gouvernées par des règles de conduite métaconscientes, qui fourniraient aux agents des modèles de réponses (patterns) adaptés aux situations auxquelles ils se trouvent confrontés[43]. Hayek prend, notamment, l’exemple du joueur de billard réussissant des coups qui, s’ils devaient avoir été conçus consciemment, supposeraient la résolution, en un laps de temps très court, d’équations mathématiques extrêmement compliquées. Pour le penseur de l’école de Vienne, les règles seraient donc assimilables, dans la mesure où elles cristallisent l’information, à des instruments dont la fonction est de parer notre ignorance dans l’action. Plutôt que de réinventer, sans cesse, la roue, les agents ont appris à avoir « confiance en des règles abstraites […] parce que notre raison est insuffisante à dominer tous les détails d’une réalité complexe »[44]. Pour Philippe Nemo, « ce cadre apriorique, dont Hayek décrit l’architecture en termes quasi kantiens, n’est […] pas un transcendantal […]. Il est empiriquement construit par l’expérience collective de l’espèce humaine et des sociétés, et spécifié en chacun par l’apprentissage individuel »[45]. Pour Hayek, toutes les catégories mentales qui véhiculent des modèles de conduite, n’ont pas vocation à devenir des normes. Seules celles, qui, par un processus de sélection « conduisent les gens à se comporter d’une manière qui rende la vie sociale possible »[46], accèdent à cette qualité. D’où la thèse défendue par Hayek selon laquelle la formation des règles de conduite procède d’un processus d’évolution.
La convention humienne. Une fois formée, la règle de conduite n’a, cependant, pas achevé son évolution nous dit-il. Si elle n’est pas remplacée par une autre norme plus performante, il est une autre étape qu’elle est susceptible de franchir. Dans l’hypothèse où elle se réaliserait, cette étape permet de distinguer les sociétés primitives des groupements humains plus évolués. De quelle étape est-il question ? Il s’agit de celle consistant en la verbalisation de la norme. Pour Hayek, les agents auraient, d’abord, appris à observer les règles (et à les faire respecter) avant de les mettre en langage. Selon lui « l’expression formelle d’une pratique établie ou d’une coutume, par une règle verbalisée, ne [viserait] qu’à obtenir le consensus touchant son existence, et non pas à confectionner une règle nouvelle »[47]. Pascale Deumier abonde en ce sens lorsqu’elle affirme que « la première manifestation spontanée [de la norme] apparaîtra […] toujours sous la forme d’un comportement »[48]. La verbalisation d’une norme ne saurait, par conséquent, être considérée comme une condition de sa formation. Hayek démontre, de façon très convaincante, que la création d’une norme ne résulte pas nécessairement d’un acte de volonté, mais peut également être le produit d’un processus spontané. Ce processus de formation spontanée de la norme – qui, de notre point de vue, concerne exclusivement les règles morales et coutumières[49] – a parfaitement été décrit, deux siècles plus tôt, par David Hume, qui prend l’exemple de deux hommes qui rament sur une barque, tenant chacun un aviron. Sans s’être au préalable concertés, les rameurs vont, en s’observant mutuellement, déduire qu’il faut agir d’une certaine façon s’ils veulent faire avancer la barque, de sorte que, progressivement, leurs mouvements vont entrer en résonance[50]. Cette résonance va fixer un modèle stable de comportement, ce qui conduira les agents à lui donner la signification de norme[51]. Ce mécanisme procède de ce que l’on appelle la « convention humienne ». Ainsi la norme spontanée n’est autre que le produit de cette convention.
[1] Il peut être souligné que le mot norme est synonyme du terme règle. Ce dernier vient du latin regula qui, comme le nom commun norma signifie équerre. C’est pourquoi, nous emploierons indistinctement les deux mots. Toutefois, certains auteurs préfèrent les distinguer. Ainsi pour André Lalande, par exemple, « l’association entre norme et règle peut conduire à une véritable substitution d’un terme par l’autre dans l’ancienne ethnologie juridique qui reste dépendante de la dogmatique juridique » (A. Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, PUF, coll. « Quadrige », 1997, p. 270).
[2] V. en ce sens D. de Béchillon, op. cit. note 114, pp. 171 et s.
[3] P. Deumier, Introduction générale au droit, LGDJ, coll. « Manuel », 2011, p. 19.
[4] Le terme modèle vient du latin modus, mot qui signifie mesure.
[5] Cela n’est pas tout. De cette confrontation, naît également une valeur juridique, morale ou religieuse, selon la nature de la règle. Comme le souligne John Aglo, « en ce sens, la norme devient un moyen d’expression de la valeur d’un fait un d’un acte […]. Néanmoins, les jugements de valeur sont à distinguer des normes qui fondent les valeurs » (J. Aglo, Norme et Symbole : Les fondements philosophiques de l’obligation, L’Harmattan, 1998, p. 289).
[6] P. Deumier, op. préc., p. 19
[7] Comme le souligne le Professeur Amselek, « les normes mesurent la survenance au monde de choses, leur émergence, leur apparition, leur production dans le flux événementiel » de sorte qu’« elles s’opposent à une autre variété d’étalons psychique, les concepts, lesquels sont des modèles psychiques à contenu constitutionnel ou structurel ». Autrement dit, deux sortes de modèles doivent être distinguées. La première permet de juger de l’essence d’une chose en ce que cette chose peut être ou non identifiée comme telle selon la représentation que l’on s’en fait. Ce sont les idées abstraites. La seconde consiste quant à elle mesurer non pas l’état mais l’ordre dans lequel s’insèrent les choses, leur déroulement, leur mouvement (P. Amselek, « Norme et loi », in APD, vol. 25, 1980, p. 95).
[8] Ibid., p. 94.
[9] Pour la majorité des auteurs le modèle que pose la norme par excellence est une conduite. Ainsi pour François Gény les normes sont des « règles de conduite sociale » (F. Gény, La notion de droit en France, APDSJ, 1931, p. 16). Pour Kelsen, « le mot norme exprime l’idée que quelque chose doit être ou se produire, en particulier qu’un homme doit se conduire d’une certaine façon » (H. Kelsen, Théorie pure du droit, LGDJ, coll. « La pensée juridique », 1999, p. 13). Pour une critique de cette idée V. A. Jeammaud, « La règle de droit comme modèle », Dalloz., 1990, Chron., pp. 199 et s.
[10] Ainsi, Paul Amselek considère-t-il que les normes peuvent être d’une très grande variété. Pour cet auteur « toutes les normes ou règles constituent […] – quelles que soient les différences profondes qui peuvent séparer par ailleurs une catégorie de règles d’une autre – des modèles de trames événementielles, des modèles du surgissement de choses dans le flux événementiel, dans le cours de l’histoire : ainsi les règles de jeux donnent la mesure du développement de la partie, de ses péripéties […]. D’une espèce tout à fait différente, élaborées d’une manière tout à fait différente et remplissant une fonction tout à fait différente, les règles (ou lois) scientifiques donnent aussi la mesure du déroulement de faits naturels ou humains […] » (P. Amselek, art. préc., pp. 94-95).
[11] D. de Béchillon, op. cit. note 114, p. 166.
[12] Ibid., p. 167.
[13] M. Troper, « Interprétation », in Dictionnaire de la culture juridique, PUF, coll. « Quadrige », 2003, p. 843. V. également sur cette notion M. Troper, « Une théorie réaliste de l’interprétation », in La théorie du droit, le droit, l’État, PUF, coll. « Leviathan », 2001, p. 68 et s. ; M. Troper, « Le problème de l’interprétation et la théorie de la supra-légalité constitutionnelle », Mélanges Einsenmann, Cujas, 1975, p. 143 ; M. Troper, « Le positivisme comme théorie du droit », in C. Grzegorczyk, F. Michaut et M. Troper, le positivisme juridique, LGDJ, coll. « La pensée juridique moderne », 1993, p. 273 et s. ; Amselek (dir.) et alii, Interprétation et droit, Bruylant, 1995, 248 p.
[14] M. Troper, « Interprétation », in Dictionnaire de la culture juridique, PUF, coll. « Quadrige », 2003, p. 843. V. également sur cette notion M. Troper, « Une théorie réaliste de l’interprétation », in La théorie du droit, le droit, l’État, PUF, coll. « Leviathan », 2001, p. 68 et s. ; M. Troper, « Le problème de l’interprétation et la théorie de la supra-légalité constitutionnelle », Mélanges Einsenmann, Cujas, 1975, p. 143 ; M. Troper, « Le positivisme comme théorie du droit », in C. Grzegorczyk, F. Michaut et M. Troper, le positivisme juridique, LGDJ, coll. « La pensée juridique moderne », 1993, p. 273 et s. ; Amselek (dir.) et alii, Interprétation et droit, Bruylant, 1995, 248 p.
[15] Selon Otto Pfersmann « l’enjeu est de taille. Une connaissance scientifique du droit en tant qu’ordre normatif présentant des propriétés spécifiques est liée à la possibilité de l’interprétation au sens strict comme délimitation des choix admissibles, rigoureusement distincte de la question des choix souhaitables et de leur éventuelle justification. La science du droit n’est dans une telle perspective rien d’autre que l’interprétation au sens strict et la science du droit constitutionnel rien d’autre que l’interprétation de la constitution au sens strict » (O. Pfersmann, « Le sophisme onomastique : changer au lieu de connaître. L’interprétation de la Constitution », in F. Melin-Soucramanien (dir.), L’interprétation constitutionnelle, Dalloz, 2005, p. 60.
[16] La spécificité du normativisme est que, en tant qu’il se veut être une science du droit, il a pour unique objet l’étude la norme, laquelle est considérée comme le seul fondement du droit. C’est l’autrichien Hans Kelsen qui, avec sa théorie pure du droit, est considéré comme le fondateur de la théorie dite « normativiste ». Comme le fait observer Simone Goyard-Fabre c’est dans la pensée kantienne que réside la source d’inspiration de kelsen (S. Goyard-Fabre, Philosophie critique et raison juridique, PUF, coll. « Themis », 2004, p. 186). Aujourd’hui, la théorie normativiste est portée, entre autres, par Otto Pfersmann (V. notamment, O. Pfersmann, « De l’impossibilité du changement de sens de la Constitution », in L’esprit des institutions, l’équilibre des pouvoirs. Mélanges en l’honneur de Pierre Pactet, Paris, Dalloz, 2003, pp. 353-374 ; O. Pfersmann, « Contre le néo-réalisme juridique. Pour un débat sur l’interprétation », RFDC, n° 52, 2002, pp. 789-836 ; O. Pfersmann, « Prolégomènes pour une théorie normativiste de l’État de droit », in : Olivier Jouanjan (dir.), Figures de l’État de droit. Le Rechtsstaat dans l’histoire intellectuelle et constitutionnelle de l’Allemagne, Presses Universitaires de Strasbourg, 2001, pp. 53-78.
[17] Tout comme la théorie normativiste, la théorie réaliste se revendique être une science du droit. Ce qui, cependant, la distingue de la pensée kelsienne, c’est son objet d’étude. Celui-ci n’est pas la norme en tant que telle, mais les raisonnements juridiques formulés par les organes d’application du droit. Pour une critique de cet objet d’étude V. O. Pfersmann, « Une théorie sans objet, une dogmatique sans théorie. En réponse à Michel Troper », RFDC, 2002-4, pp. 759-788. Les tenants de la pensée réalise se divisent en trois grands courants. Il y a, tout d’abord, le réalisme américain fondé par Olivier Wendell Holmes lequel déclara que « ce que j’appelle le droit, c’est une prédiction de ce que les tribunaux feront effectivement et rien de plus prétentieux que cela » (cité in M. Troper, « Le réalisme et le juge constitutionnel britannique : un réalisme doucement réformé », Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 22, Paris, Dalloz, 2007, p. 125). Ensuite, il y a le réalisme scandinave à la tête duquel on trouve Alf Ross (A. Ross, Introduction à l’empirisme Juridique, Paris, LGDJ, 2004) ou encore Karl Olivecrona (K. Olivecrona, Law as a fact, London, Stevens, 1971). Pour un exposé de cette pensée V. notamment S. Strömholm, H.-H. Vogel, Le réalisme scandinave dans la philosophie du droit, LGDJ, coll. « Bibliothèque de philosophie du droit », 1975. Enfin, il y a le réalisme français, dont le chef de file est Michel Troper. Pour une présentation synthétique de cette théorie V. notamment, F. Hamon, « Quelques réflexions sur la théorie réaliste de l’interprétation », in L’architecture du droit. Mélanges en l’honneur de Michel Troper, Economica, 2006, pp. 487-500.
[18] Ainsi pour Kelsen, « dans l’application du droit par un organe juridique, l’interprétation du droit à appliquer, par une opération de connaissance, s’unit à un acte de volonté par lequel l’organe applicateur de droit fait un choix entre les possibilités révélées par l’interprétation à base de connaissance » (H. Kelsen, Théorie générale des normes, trad. O. Beaud et F. Malkani, PUF, coll. « Léviathan », 1996, p. 340).
[19] Otto Pfersmann avance en ce sens qu’il n’est de science du droit possible « que pour autant qu’il s’agit de l’opération cognitive consistant dans l’analyse des actes de langage exprimant une norme. L’interprétation d’une norme n’a strictement aucune valeur normative puisqu’il ne s’agit pas, par définition, d’une opération de production normative » (O. Pfersmann, « De l’impossibilité du changement de sens de la constitution », art. préc., p. 356).
[20] Pour Michel Troper, « le seul sens est celui qui se dégage de l’interprétation et l’on peut dire que, préalablement à l’interprétation, les textes n’ont encore aucun sens, mais sont seulement en attente de sens » (M. Troper, « Une théorie réaliste de l’interprétation », in La théorie du droit, le droit, l’État, PUF, coll. « Leviathan », 2001, p. 74).
[21] Michel Troper avance qu’« il n’y a pas de texte clair qui échapperait à l’interprétation car, pour établir qu’il est clair, il faut d’abord l’interpréter ». Or « si tout texte doit être interprété, c’est que la norme qu’il exprime est, dans une large mesure, indéterminée » (M. Troper, « Justice constitutionnelle et démocratie », in Pour une théorie juridique de l’État, PUF, coll. « Léviathan », 1994, p. 333).
[22] Selon Michel Troper, « tout texte est affecté d’un certain coefficient d’interprétation et est porteur de plusieurs sens entre lesquels l’organe d’application doit choisir, et c’est dans ce choix que consiste l’interprétation » (M. Troper, « Le problème de l’interprétation et la théorie de la supra-légalité constitutionnelle », art. préc., p. 143).
[23] Pour Michel Troper « trois séries d’arguments militent en faveur de la thèse que l’interprétation est une fonction de la volonté : l’interprétation contra legem n’existe pas ; il n’y a pas de sens à découvrir ; il n’y a pas d’intention de l’auteur ; il n’y a pas de sens objectif indépendamment des intentions » (M. Troper, « Une théorie réaliste de l’interprétation », art. préc., p. 71).
[24] Denys de Béchillon affirme en ce sens que le travail d’interprétation réalisé par l’autorité chargée d’interpréter le texte normatif apparaît comme étant à « l’origine première de la production réelle du droit » (D. de Béchnillon, « Réflexions critiques », RRJ-DP, 1994, n° 1, p. 251). Michel Troper encore explique que « selon la conception traditionnelle, la décision juridictionnelle est le produit d’un syllogisme, construit sur le modèle : « tous les voleurs doivent être punis de prison ; Dupond est un voleur ; donc Dupont doit être puni de prison ». La prémisse majeure est la loi applicable, la mineure le fait et la conclusion la sentence. ». Cependant, si l’on adhère à la théorie réaliste il s’avère que, « la prémisse majeure, la loi, n’est pas réellement donnée au juge, qu’il doit en interpréter le texte, déterminer sa signification. C’est donc lui qui devient le législateur. Voilà donc l’essence de la théorie réaliste de l’interprétation : le véritable législateur n’est pas l’auteur du texte, c’est l’interprète » (M. Troper, « Justice constitutionnelle et démocratie », op. cit. note préc., p. 334).
[25] Cité in M. Troper, « Le positivisme comme théorie du droit », in C. Grzegorczyk, F. Michaut et M. Troper, Le positivisme juridique, Paris, LGDJ, Coll. « La pensée juridique », 1992, p. 280.
[26] Pour une critique du normativisme V. notamment X. Magnon, « En quoi le positivisme – normativisme – est-il diabolique ? », RTD civ., 2009, pp. 269-280 ; M. Troper, « Réplique à O. Pfersmann », RFDC, n° 52, 2002, pp. 335-353 ; « Réplique à Denys de Béchillon », RRJ-DP, 1994, pp. 267-274 ; P. Amselek, « L’interprétation dans la Théorie pure du droit de Hans Kelsen », in InterprÉtatio non cessat. Mélanges en l’honneur de Pierre-André Côté, Yvon Blais, Cowansville (Québec), 2011, pp. 39-56. À l’inverse, pour une critique de la théorie réaliste V. O. Pfersmann, « Contre le néo-réalisme juridique. Pour un débat sur l’interprétation », art. préc. ; « Une théorie sans objet, une dogmatique sans théorie. En réponse à M. Troper », art. préc. ; « Critique de la théorie des contraintes juridiques », in V. Champeil-Desplats, Ch. Grzegorczyk et M. Troper, théorie des contraintes juridiques, LGDJ, coll. « Pensée juridique », pp. 123-142.
[27] Ainsi pour Otto Pfersmann, « la volonté est une condition nécessaire de la norme » (O. Pfersmann, « Le statut de la volonté dans la définition positiviste de la norme juridique », art. précit., p. 84. Pour Kelsen encore, « la création de normes est un acte de volonté » (H. Kelsen, op. cit. note 203, p. 259. Michel Troper rattache également la formation de la norme à la volonté en affirmant que l’acte d’interprétation, créateur de norme, est « une fonction de la volonté » (M. Troper, « Une théorie réaliste de l’interprétation », art. préc., p. 71).
[28] V. en ce sens N. Rouland, Aux confins du droit. Anthropologie juridique de la modernité, Odile Jacob, 1991 ; J. Gaudemet, Les naissances du droit. Le temps, le pouvoir et la science au service du droit, Montcrestient, coll. « Domat », 2006 ; P. Deumier, Le droit spontané, Economica, coll. « Recherches juridiques », 2002.
[29] Alors que la France comptait, au XVe et XVIe siècle, pas moins de six cents coutumes territoriales différentes, le Roi Charles VII décide, par cette ordonnance, qu’il soit procédé à la rédaction des coutumes afin d’unifier un peu plus le Royaume, ce qui constituait un pas de plus vers la formation de l’État. Sur cette question de la rédaction des coutumes V. notamment Colloque du 16 au 17 mai 1960, La rédaction des coutumes dans le passé et dans le présent, éd. de l’institut de sociologie, 1962.
[30] V. en ce sens N. Rouland, op. préc.
[31] Sur cette question V. notamment les études réalisées par P. Deumier, op. préc. ; A. Lebrun, La coutume, ses sources, son autorité en droit privé. Contribution à l’étude des sources du droit positif à l’époque moderne, LGDJ, 1932 ; M. Lefebvre, La coutume comme source formelle de droit en droit français contemporain, thèse : lille, 1906 ; D. Acquarone, La coutume. Réflexions sur les aspects classiques et les manifestations contemporaines d’une source du droit, thèse : nice 1987 ; G. Teboul, Usages et coutume dans la jurisprudence administrative, thèse : paris 2, 1987 ; A. Peneau, Règles de l’art et normes techniques, LGDJ, 1989.
[32] Sur la naissance de ce mouvement de pensée, né en Écosse, et son rayonnement V. notamment C. Gautier, L’Invention de la société civile : lectures anglo-écossaises, Mandeville, Smith, Ferguson, PUF, 1993 ; C. Smith, Adam Smith’s Political Philosophy : The Invisible Hand and Spontaneous Order, Taylor & Francis, 2005 ; P. Morère, Écosse des Lumières : le XVIIIe siècle autrement, ELLUG, 1997 ; L. Hill, The Passionate Society : The Social, Political and Moral Thought of Adam Ferguson, Springer, 2006 ; J.-C. Perrot, Une histoire intellectuelle de l’économie politique, 17e-XVIIIe siècles, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 1992 ; R. Hamowy, The Scottish Enlightenment and the Theory of Spontaneous Order, Southern Illinois University Press, 1987.
[33] F. Hayek, Droit, législation et liberté, PUF, coll. « Quadrige Grands textes », 2007, p. 110. V. également sur cette question notamment K. Boulding et E. Khalil, Evolution, Order and Complexity, Routledge, 2002 ; Ph. Nemo, La Société de droit selon F. A. Hayek, PUF, 1988, p. 85 et s. ; S. Goyard-Fabre, État au vingtième siècle : regards sur la pensée juridique et politique du monde occidental, Vrin, 2004, pp. 79-80 ; J.-L. Gaffard, Norme, fait, fluctuation : contributions à une analyse des choix normatifs, Librairie Droz, 2001, pp. 90 et s. ; J. Batieno, Théorie de la connaissance et rationalité politique chez Karl Popper, thèse : paris 4, 2000 ; G. Dostaler et D. Ethier, Friedrich Hayek : philosophie, économie et politique, Économica, 1989, pp. 50 et s.
[34] Ibid., p. 98. V également en ce sens A. Marciano et M. Pélissier, « La théorie de l’évolution culturelle de Hayek à la lumière de La descendance de l’homme, de Darwin », in Économie et Sociétés, Œconomia, Histoire de la pensée économique, n° 33, déc. 2003, pp. 2121-2143 ; J.-R.-E. Eyene Mba, L’État et le marché dans les théories politiques de Hayek et de Hegel : Convergences et contradictions, L’Harmattan, 2007, p. 61 et s.
[35] Cité in F. Hayek, New Studies in Philosophy. Politics, Economics and the History of Ideas, London and Henley, Routledge & Kegan Paul, 1978, p. 260-261.
[36] F. Hayek, La constitution de la liberté, Litec, coll. « Liberalia », 1994, p. 25.
[37] Pour Hayek, « la conception d’un esprit déjà complètement développé, ayant conçu les institutions qui rendaient la vie en société possible, est contraire à tout ce que nous savons de l’évolution de l’Homme ». F. Hayek, La constitution de la liberté, op. préc., p. 85.
[38] B. de Mandeville, La Fable des abeilles, L. Carrive, (trad.), Vrin, 1991, Part. II, p. 264.
[39] D. Hume, Traité de la nature humaine, Aubier, coll. « Bibliothèque philosophique », 1983, p. 693.
[40] Pour une approche des sciences cognitives dont les précurseurs sont Herbert Simon et Friedrich Hayek V. J.-P. Dupuy, Aux origines des sciences cognitives, La Découverte, 2005
[41] F. Hayek, op. préc., p. 75.
[42] Ibid., p. 76.
[43] Sur ce thème de la pensée hayekienne V. notamment W. N. Butos, The Social Science of Hayek’s ‘The Sensory Order, Emerald Group Publishing, 2010, p. 342 et s. ; M. Bensaid, « Limites organisationnelles du libéralisme hayékien », in Cahiers d’économie politique : histoire de la psnée et théories, L’Harmattan, 2003, p. 90-93 ; A. Caillé, Splendeurs et misères des sciences sociales : Esquisses d’une mythologie, Librairie Droz, 1986, pp. 311-314 ; S. Ferey, « L’économiste et le juge : réflexions sur la théorie hayékienne du droit », in Cahiers d’économie Politique : histoire de la pensée et théories, L’Harmattan, 2008, pp. 57-83.
[44] F. Hayek, La constitution de la Liberté, op. préc., p. 66
[45] Ph. Nemo, Histoire des idées politiques aux temps modernes et contemporains, PUF. Coll. « Quadrige », 2002, p. 1358.
[46] F. Hayek, op. cit. note n° 226, p. 136.
[47] Ibid., p. 199.
[48] P. Deumier, Le droit spontané, op. cit. note 221, n° 21, p. 29.
[49] Certains auteurs soutiennent cependant une thèse somme toute différente. Carpour eux, les règles créées spontanément doivent, pour certaines, être considérées comme constituant du droit. V. notamment, P. Deumier, op. cit. note 221. Selon nous, c’est seulement une fois que le juge a donné à une coutume la signification de norme qu’elle peut être considérée comme juridique.
[50] Ainsi David Hume nous dit-il : « deux hommes qui tirent sur les avirons d’une barque le font selon un accord ou une convention, sans avoir jamais échangé de promesses. De même la règle qui porte sur la stabilité des possessions découle moins de conventions humaines qu’elle ne se développe peu à peu, acquérant des forces en progressant lentement, par l’expérience répétée des inconvénients liés à sa transgression. Cette expérience nous procure davantage l’assurance que le sens de l’intérêt est devenu commun à tous nos semblables et nous donne et nous donne confiance dans la régularité de leur conduite à l’avenir » (D. Hume, op. cit. note 232, liv. III, part. II, sect. 3).
[51] Pour Pascale Deumier, cela se traduit par la formation d’une habitude, composante primaire de la règle spontanée. Selon elle, « l’habitude implique une réitération, seule capable d’amorcer la transformation du comportement originel en pratique constante et générale » (P. Deumier, op. cit. note 221, p. 44). Pour une définition de la notion d’habitude V. le même auteur (ibid., pp. 45-61).