La norme spontanée

Un instrument de mesure. Du latin, norma, équerre, règle, la norme est un instrument de mesure[1]. Elle est destinée à servir de référence, d’étalon[2], pour « tracer des lignes »[3]. Pour s’assurer que les traits qu’il trace forment un angle droit, le charpentier aura nécessairement besoin de s’appuyer sur un modèle[4]. C’est la fonction de l’équerre (la norma). L’opération qui consiste à manipuler une norme peut donc s’assimiler en l’action de mesurer, peser, juger. Il s’agit de confronter l’objet à évaluer avec l’instrument de mesure qu’est la règle. De cette confrontation naît une relation de conformité ou de non-conformité[5]. En somme, comme le précise Pascale Deumier, « la règle […] est l’instrument qui sert à aligner les comportements autour du modèle qu’elle fixe »[6]. Toutefois, à ne pas se tromper, la relation entre une norme et l’objet qu’elle évalue ne saurait être le fruit de n’importe quelle mesure. Elle ne peut porter que sur l’ordre dans lequel s’insèrent les choses, sur leur mouvement et non sur leur état, leur essence[7]. Pour Paul Amselek, les normes doivent être appréhendées comme des instruments qui donnent la mesure du « déroulement du cours des choses »[8]. Par « cours des choses », il faut entendre un fait, un évènement, au sens de ce qui se produit, ce qui arrive. Ainsi, est-il fait appel à une règle, chaque fois qu’il est besoin de juger la conduite d’un être humain[9] ou encore, d’apprécier un phénomène naturel. Peu importe que les modèles auxquels il est recouru pour effectuer ces mesures soient de différentes natures[10].

Une signification. Comme le souligne Dénys de Béchillon, « une norme ne se voit pas, elle se comprend»[11]. Pour qu’un commandement parvienne à un agent, il est absolument nécessaire, poursuit cet auteur, que l’agent visé en prenne connaissance. Or cela suppose de transmettre ce commandement par le biais d’un contenu comme des mots, phrases ou signes et d’insérer ce contenu dans un contenant, qui pourra prendre la forme d’une loi, d’un décret ou bien encore d’un arrêté. Il apparaît que ce n’est ni dans le contenant ni dans le contenu du message communiqué à l’agent que réside le commandement, mais dans la signification-même dudit message. C’est la raison pour laquelle, il doit être admis que « la norme est une signification, pas une chose »[12]. À ce titre, contrairement à ce que l’on peut être tenté de se représenter, elle se distingue de son énoncé. Une question alors se pose : par quoi, en dehors de l’énoncé, la signification que constitue la norme peut-elle être véhiculée ? La réponse est simple : il s’agit de tout ce qui est susceptible de faire l’objet d’une interprétation.

Le fruit d’une interprétation. Selon Michel Troper, l’interprétation, qui se définit comme l’« opération par laquelle une signification est attribuée à quelque chose », peut tout autant porter sur « un objet matériel » que sur « un énoncé »[13]. Plus généralement, l’interprétation peut avoir pour objet tout ce qui est perceptible par l’entendement humain. Et si, spontanément, l’on est tenté de voir les significations auxquelles on confère la qualité de norme, comme le produit d’actes d’interprétation ne portant que sur des énoncés, en réalité, cela est loin d’être toujours le cas. Dans les sociétés primitives, par exemple, les anthropologues ont montré que les règles qui régissent la conduite de leurs membres se confondaient avec une volonté divine. Or cette volonté divine est, toujours, le produit de l’interprétation de mythes et de croyances, le tout entremêlé de phénomènes naturels. De la même façon, les règles coutumières ne sont pas, pour l’essentiel, enfermées dans des énoncés. Elles s’apparentent, encore aujourd’hui, à des significations que l’on attribue à des pratiques répétées dans le temps. Tout ce qui est susceptible d’avoir du sens pour l’être humain peut donc être porteur de normes.

Le fruit d’une interprétation. Selon Michel Troper, l’interprétation, qui se définit comme l’« opération par laquelle une signification est attribuée à quelque chose», peut tout autant porter sur « un objet matériel » que sur « un énoncé »[14]. Plus généralement, l’interprétation peut avoir pour objet tout ce qui est perceptible par l’entendement humain. Et si, spontanément, l’on est tenté de voir les significations auxquelles on confère la qualité de norme, comme le produit d’actes d’interprétation ne portant que sur des énoncés, en réalité, cela est loin d’être toujours le cas. Dans les sociétés primitives, par exemple, les anthropologues ont montré que les règles qui régissent la conduite de leurs membres se confondaient avec une volonté divine. Or cette volonté divine est, toujours, le produit de l’interprétation de mythes et de croyances, le tout entremêlé de phénomènes naturels. De la même façon, les règles coutumières ne sont pas, pour l’essentiel, enfermées dans des énoncés. Elles s’apparentent, encore aujourd’hui, à des significations que l’on attribue à des pratiques répétées dans le temps. Tout ce qui est susceptible d’avoir du sens pour l’être humain peut donc être porteur de normes.

Les théories normativistes et réalistes. Le processus de production normative sur lequel on s’interroge présentement s’avère être complètement différent de celui dont sont issues les normes véhiculées par des énoncés. S’agissant de ces dernières, bien que les auteurs se divisent en deux camps quant à l’appréciation de leur création, elle n’en procède pas moins de mécanismes relativement simples, que ce soit dans l’une ou l’autre des thèses avancées. Le point de discorde sur lequel s’opposent les juristes, porte, grosso modo, sur la conception même qu’ils se font de l’opération d’interprétation[15]. Tandis que pour les uns, cette opération consiste, ni plus, ni moins en un acte de connaissance. Ce sont les tenants de la pensée normativiste[16]. Pour les autres, l’opération d’interprétation est, tout au contraire, un acte de volonté. Il s’agit là du courant de pensée que l’on qualifie de réaliste[17]. En quoi ces deux conceptions de l’opération d’interprétation se distinguent-elles ? Pour les normativistes, l’interprétation doit donc être perçue comme un acte de connaissance[18]. Pour eux, la fonction de l’interprète se limite à rechercher la signification d’un énoncé telle qu’elle a été voulue par celui qui l’a adoptée. Pour y parvenir, l’interprète doit recourir aux méthodes de la linguistique appliquée, que sont, par exemple, les méthodes syntaxiques, sémantiques ou bien encore systémiques[19]. À l’inverse, pour les réalistes, l’opération d’interprétation consiste non pas en un acte de connaissance, mais en un acte de volonté, en ce sens que seul l’interprète confère à l’énoncé interprété sa signification[20]. Pour les tenants de cette pensée, tout énoncé, aussi clair soit-il, est intrinsèquement porteur de plusieurs significations[21], si bien que l’interprète doit nécessairement se livrer à un choix[22]. D’où l’affirmation que l’interprétation serait « une fonction de la volonté »[23]. Pour les réalistes, l’opération d’interprétation à laquelle se livrera, notamment le juge, n’est pas assimilable, comme le soutiennent les normativistes, à un acte d’application de la norme. Elle s’apparente à un acte de création[24]. Comme l’a écrit l’évêque Hoadley au XVIe siècle, « quiconque dispose du pouvoir absolu d’interpréter une loi écrite ou orale est le véritable législateur et non celui qui le premier l’a écrite ou énoncée »[25].

La production normative spontanée. Au total, bien que normativistes et réalistes s’opposent, frontalement, sur l’appréciation qu’ils font du processus de production de la norme[26], il est, néanmoins, un point sur lequel ils se rejoignent : pour ces deux courants de pensée, qu’elle soit créée lors de l’édiction de l’énoncé qui la porte ou à l’occasion de l’interprétation de cet énoncé, la norme demeure, dans les deux cas, le produit d’un acte de volonté[27]. C’est précisément sur ce point-là que les normes spontanées se distinguent des autres normes. Contrairement aux normes véhiculées par un énoncé, les normes spontanées ne sont pas le produit d’un acte de volonté. Les normes dont la création répond à ce schéma sont désignées par bien des noms : coutume, usage, pratique, tradition ou encore habitude. De nombreuses études ont été réalisées, notamment en anthropologie juridique[28], à leur endroit. En France, par exemple, jusqu’à la date symbolique que l’on enseigne aux étudiants de première année de droit du 15 avril 1454, date à laquelle a été adoptée l’ordonnance de Montil-lès-Tours, l’organisation de la vie en société procédait, pour une large part, de l’application de règles coutumières[29]. Aussi, les travaux que leur ont consacrés les juristes portent-ils tous sur la question de savoir si lesdites règles ne constitueraient pas la première manifestation du droit[30] et si, à ce titre, celles qui, encore aujourd’hui, régissent certaines activités humaines, ne pourraient pas être qualifiées de juridiques[31].

La doctrine écossaise. Bien que notre qualité de juriste eût commandé que l’on se joigne à cette réflexion, largement défrichée par la doctrine, afin d’appréhender la norme spontanée, tel n’est pas, cependant, l’approche que nous avons choisi d’adopter. Car notre étude porte moins sur la qualification de la norme que sur son objet : l’appréhension de la conduite d’agents, pris comme composantes d’un système complexe, la société numérique. C’est pourquoi nous emprunterons plutôt la voie de la réflexion initiée, outre-Manche, par les penseurs écossais dans le courant du XVIIIe siècle. À la différence de leurs homologues, les philosophes français des Lumières, des auteurs tels Bernard Mandeville, David Hume, ou encore Adam Fergusson, ont introduit l’idée que la raison humaine serait fondamentalement limitée. Par voie de conséquence, la société constituerait un système bien trop complexe pour que les règles, par lesquelles la conduite de ses membres est gouvernée, soient le produit d’actes de volonté[32]. Ces auteurs rejettent fermement le rationalisme cartésien, embrassé jadis par Grotius et ses successeurs, pour inscrire leur réflexion dans ce que Hayek qualifie de « rationalisme évolutionniste »[33]. Pourquoi évolutionniste ? Tout simplement parce que ces penseurs ont une approche darwinienne de la formation des règles de conduite ce qui, d’ailleurs, fait dire à Hayek qu’ils étaient « des darwiniens avant Darwin »[34]. La thèse que soutiennent ces auteurs laisse à penser que la théorie de l’évolution en serait peut-être issue. En quoi, une thèse relative à la formation des règles de conduite, qui aurait influencé l’élaboration d’une théorie biologique, consiste-t-elle ?

L’approche évolutionniste de la norme. Comme la plupart des théories scientifiques, la thèse défendue par les tenants du rationalisme évolutionniste a pour point de départ une réfutation : contrairement à l’idée véhiculée par les partisans du rationalisme cartésien, qui atteint son apogée au début du XXe siècle, la raison humaine ne peut pas tout. Bien des choses la dépassent, à commencer par le fonctionnement de la société. Cela s’explique par le fait que, pour comprendre les rouages du mécanisme qui sous-tend pareil système, il faudrait acquérir bien plus d’informations que l’esprit humain n’est capable d’en assimiler. Il en résulte, comme a pu l’écrire Mandeville, déjà au début du XVIIIe siècle, que « nous attribuons souvent à l’excellence du génie de l’Homme et à la force de sa pénétration ce qui en réalité est dû à la longueur du temps et à l’expérience de nombreuses générations »[35]. Hayek ajoute que « l’idée que l’Homme ait pu bâtir délibérément sa civilisation est issue d’un intellectualisme erroné, qui voit la raison dressée à côté de la nature […] »[36]. Pour ces auteurs, les règles de conduite qui ont permis l’organisation et le développement des sociétés humaines ne sauraient être, comme nous le croyons, le fruit d’un choix délibéré[37]. Elles sont, pour reprendre les termes de Mandeville, « l’œuvre commune de plusieurs siècles »[38] et donc d’une lente évolution. Évolution, le mot est jeté. Tel est le concept auquel ont recouru les penseurs anglo-saxons pour décrire le processus de formation des normes de conduite. Hume soutient en ce sens que « la règle […] naît graduellement et acquiert de la force par une lente progression et par la répétition de l’expérience des inconvénients qu’il y a à la transgresser »[39]. Au XVIIIe siècle, si cette idée est encore à l’état de germe, Hayek va, deux siècles plus tard, considérablement la développer en l’appréhendant sous l’angle des sciences cognitives[40].

Création de la norme et psychologie cognitive. Hayek s’interroge surtout, à la suite de ses prédécesseurs, sur la question de savoir comment l’être humain peut avoir une action efficace et s’adapter à l’environnement dans lequel il évolue, alors que cet environnement est composé de faits et de circonstances « qu’il ne connaît ni ne peut connaître »[41]. Pour lui, cette réussite qui, de prime abord, peut apparaître comme relevant du miracle trouve une explication des plus rationnelles : « notre adaptation à l’environnement, nous dit Hayek, ne consiste pas seulement ni peut-être même principalement, en une intuition des relations de cause à effet ; elle consiste aussi en ce que nos actions sont régies par des règles adaptées au monde dans lequel nous vivons, c’est-à-dire à des circonstances dont nous n’avons pas conscience et qui pourtant définissent la structure de nos actions réussies »[42]. Autrement dit, selon la psychologie hayekienne, la plupart des actions de l’Homme seraient gouvernées par des règles de conduite métaconscientes, qui fourniraient aux agents des modèles de réponses (patterns) adaptés aux situations auxquelles ils se trouvent confrontés[43]. Hayek prend, notamment, l’exemple du joueur de billard réussissant des coups qui, s’ils devaient avoir été conçus consciemment, supposeraient la résolution, en un laps de temps très court, d’équations mathématiques extrêmement compliquées. Pour le penseur de l’école de Vienne, les règles seraient donc assimilables, dans la mesure où elles cristallisent l’information, à des instruments dont la fonction est de parer notre ignorance dans l’action. Plutôt que de réinventer, sans cesse, la roue, les agents ont appris à avoir « confiance en des règles abstraites […] parce que notre raison est insuffisante à dominer tous les détails d’une réalité complexe »[44]. Pour Philippe Nemo, « ce cadre apriorique, dont Hayek décrit l’architecture en termes quasi kantiens, n’est […] pas un transcendantal […]. Il est empiriquement construit par l’expérience collective de l’espèce humaine et des sociétés, et spécifié en chacun par l’apprentissage individuel »[45]. Pour Hayek, toutes les catégories mentales qui véhiculent des modèles de conduite, n’ont pas vocation à devenir des normes. Seules celles, qui, par un processus de sélection « conduisent les gens à se comporter d’une manière qui rende la vie sociale possible »[46], accèdent à cette qualité. D’où la thèse défendue par Hayek selon laquelle la formation des règles de conduite procède d’un processus d’évolution.

La convention humienne. Une fois formée, la règle de conduite n’a, cependant, pas achevé son évolution nous dit-il. Si elle n’est pas remplacée par une autre norme plus performante, il est une autre étape qu’elle est susceptible de franchir. Dans l’hypothèse où elle se réaliserait, cette étape permet de distinguer les sociétés primitives des groupements humains plus évolués. De quelle étape est-il question ? Il s’agit de celle consistant en la verbalisation de la norme. Pour Hayek, les agents auraient, d’abord, appris à observer les règles (et à les faire respecter) avant de les mettre en langage. Selon lui « l’expression formelle d’une pratique établie ou d’une coutume, par une règle verbalisée, ne [viserait] qu’à obtenir le consensus touchant son existence, et non pas à confectionner une règle nouvelle »[47]. Pascale Deumier abonde en ce sens lorsqu’elle affirme que « la première manifestation spontanée [de la norme] apparaîtra […] toujours sous la forme d’un comportement »[48]. La verbalisation d’une norme ne saurait, par conséquent, être considérée comme une condition de sa formation. Hayek démontre, de façon très convaincante, que la création d’une norme ne résulte pas nécessairement d’un acte de volonté, mais peut également être le produit d’un processus spontané. Ce processus de formation spontanée de la norme – qui, de notre point de vue, concerne exclusivement les règles morales et coutumières[49] – a parfaitement été décrit, deux siècles plus tôt, par David Hume, qui prend l’exemple de deux hommes qui rament sur une barque, tenant chacun un aviron. Sans s’être au préalable concertés, les rameurs vont, en s’observant mutuellement, déduire qu’il faut agir d’une certaine façon s’ils veulent faire avancer la barque, de sorte que, progressivement, leurs mouvements vont entrer en résonance[50]. Cette résonance va fixer un modèle stable de comportement, ce qui conduira les agents à lui donner la signification de norme[51]. Ce mécanisme procède de ce que l’on appelle la « convention humienne ». Ainsi la norme spontanée n’est autre que le produit de cette convention.

[1] Il peut être souligné que le mot norme est synonyme du terme règle. Ce dernier vient du latin regula qui, comme le nom commun norma signifie équerre. C’est pourquoi, nous emploierons indistinctement les deux mots. Toutefois, certains auteurs préfèrent les distinguer. Ainsi pour André Lalande, par exemple, « l’association entre norme et règle peut conduire à une véritable substitution d’un terme par l’autre dans l’ancienne ethnologie juridique qui reste dépendante de la dogmatique juridique » (A. Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, PUF, coll. « Quadrige », 1997, p. 270).

[2] V. en ce sens D. de Béchillon, op. cit. note 114, pp. 171 et s.

[3] P. Deumier, Introduction générale au droit, LGDJ, coll. « Manuel », 2011, p. 19.

[4] Le terme modèle vient du latin modus, mot qui signifie mesure.

[5] Cela n’est pas tout. De cette confrontation, naît également une valeur juridique, morale ou religieuse, selon la nature de la règle. Comme le souligne John Aglo, « en ce sens, la norme devient un moyen d’expression de la valeur d’un fait un d’un acte […]. Néanmoins, les jugements de valeur sont à distinguer des normes qui fondent les valeurs » (J. Aglo, Norme et Symbole : Les fondements philosophiques de l’obligation, L’Harmattan, 1998, p. 289).

[6] P. Deumier, op. préc., p. 19

[7] Comme le souligne le Professeur Amselek, « les normes mesurent la survenance au monde de choses, leur émergence, leur apparition, leur production dans le flux événementiel » de sorte qu’« elles s’opposent à une autre variété d’étalons psychique, les concepts, lesquels sont des modèles psychiques à contenu constitutionnel ou structurel ». Autrement dit, deux sortes de modèles doivent être distinguées. La première permet de juger de l’essence d’une chose en ce que cette chose peut être ou non identifiée comme telle selon la représentation que l’on s’en fait. Ce sont les idées abstraites. La seconde consiste quant à elle mesurer non pas l’état mais l’ordre dans lequel s’insèrent les choses, leur déroulement, leur mouvement (P. Amselek, « Norme et loi », in APD, vol. 25, 1980, p. 95).

[8] Ibid., p. 94.

[9] Pour la majorité des auteurs le modèle que pose la norme par excellence est une conduite. Ainsi pour François Gény les normes sont des « règles de conduite sociale » (F. Gény, La notion de droit en France, APDSJ, 1931, p. 16). Pour Kelsen, « le mot norme exprime l’idée que quelque chose doit être ou se produire, en particulier qu’un homme doit se conduire d’une certaine façon » (H. Kelsen, Théorie pure du droit, LGDJ, coll. « La pensée juridique », 1999, p. 13). Pour une critique de cette idée V. A. Jeammaud, « La règle de droit comme modèle », Dalloz., 1990, Chron., pp. 199 et s.

[10] Ainsi, Paul Amselek considère-t-il que les normes peuvent être d’une très grande variété. Pour cet auteur « toutes les normes ou règles constituent […] – quelles que soient les différences profondes qui peuvent séparer par ailleurs une catégorie de règles d’une autre – des modèles de trames événementielles, des modèles du surgissement de choses dans le flux événementiel, dans le cours de l’histoire : ainsi les règles de jeux donnent la mesure du développement de la partie, de ses péripéties […]. D’une espèce tout à fait différente, élaborées d’une manière tout à fait différente et remplissant une fonction tout à fait différente, les règles (ou lois) scientifiques donnent aussi la mesure du déroulement de faits naturels ou humains […] » (P. Amselek, art. préc., pp. 94-95).

[11] D. de Béchillon, op. cit. note 114, p. 166.

[12] Ibid., p. 167.

[13] M. Troper, « Interprétation », in Dictionnaire de la culture juridique, PUF, coll. « Quadrige », 2003, p. 843. V. également sur cette notion M. Troper, « Une théorie réaliste de l’interprétation », in La théorie du droit, le droit, l’État, PUF, coll. « Leviathan », 2001, p. 68 et s. ; M. Troper, « Le problème de l’interprétation et la théorie de la supra-légalité constitutionnelle », Mélanges Einsenmann, Cujas, 1975, p. 143 ; M. Troper, « Le positivisme comme théorie du droit », in C. Grzegorczyk, F. Michaut et M. Troper, le positivisme juridique, LGDJ, coll. « La pensée juridique moderne », 1993, p. 273 et s. ; Amselek (dir.) et alii, Interprétation et droit, Bruylant, 1995, 248 p.

[14] M. Troper, « Interprétation », in Dictionnaire de la culture juridique, PUF, coll. « Quadrige », 2003, p. 843. V. également sur cette notion M. Troper, « Une théorie réaliste de l’interprétation », in La théorie du droit, le droit, l’État, PUF, coll. « Leviathan », 2001, p. 68 et s. ; M. Troper, « Le problème de l’interprétation et la théorie de la supra-légalité constitutionnelle », Mélanges Einsenmann, Cujas, 1975, p. 143 ; M. Troper, « Le positivisme comme théorie du droit », in C. Grzegorczyk, F. Michaut et M. Troper, le positivisme juridique, LGDJ, coll. « La pensée juridique moderne », 1993, p. 273 et s. ; Amselek (dir.) et alii, Interprétation et droit, Bruylant, 1995, 248 p.

[15] Selon Otto Pfersmann « l’enjeu est de taille. Une connaissance scientifique du droit en tant qu’ordre normatif présentant des propriétés spécifiques est liée à la possibilité de l’interprétation au sens strict comme délimitation des choix admissibles, rigoureusement distincte de la question des choix souhaitables et de leur éventuelle justification. La science du droit n’est dans une telle perspective rien d’autre que l’interprétation au sens strict et la science du droit constitutionnel rien d’autre que l’interprétation de la constitution au sens strict » (O. Pfersmann, « Le sophisme onomastique : changer au lieu de connaître. L’interprétation de la Constitution », in F. Melin-Soucramanien (dir.), L’interprétation constitutionnelle, Dalloz, 2005, p. 60.

[16] La spécificité du normativisme est que, en tant qu’il se veut être une science du droit, il a pour unique objet l’étude la norme, laquelle est considérée comme le seul fondement du droit. C’est l’autrichien Hans Kelsen qui, avec sa théorie pure du droit, est considéré comme le fondateur de la théorie dite « normativiste ». Comme le fait observer Simone Goyard-Fabre c’est dans la pensée kantienne que réside la source d’inspiration de kelsen (S. Goyard-Fabre, Philosophie critique et raison juridique, PUF, coll. « Themis », 2004, p. 186). Aujourd’hui, la théorie normativiste est portée, entre autres, par Otto Pfersmann (V. notamment, O. Pfersmann, « De l’impossibilité du changement de sens de la Constitution », in L’esprit des institutions, l’équilibre des pouvoirs. Mélanges en l’honneur de Pierre Pactet, Paris, Dalloz, 2003, pp. 353-374 ; O. Pfersmann, « Contre le néo-réalisme juridique. Pour un débat sur l’interprétation », RFDC, n° 52, 2002, pp. 789-836 ; O. Pfersmann, « Prolégomènes pour une théorie normativiste de l’État de droit », in : Olivier Jouanjan (dir.), Figures de l’État de droit. Le Rechtsstaat dans l’histoire intellectuelle et constitutionnelle de l’Allemagne, Presses Universitaires de Strasbourg, 2001, pp. 53-78.

[17] Tout comme la théorie normativiste, la théorie réaliste se revendique être une science du droit. Ce qui, cependant, la distingue de la pensée kelsienne, c’est son objet d’étude. Celui-ci n’est pas la norme en tant que telle, mais les raisonnements juridiques formulés par les organes d’application du droit. Pour une critique de cet objet d’étude V. O. Pfersmann, « Une théorie sans objet, une dogmatique sans théorie. En réponse à Michel Troper », RFDC, 2002-4, pp. 759-788. Les tenants de la pensée réalise se divisent en trois grands courants. Il y a, tout d’abord, le réalisme américain fondé par Olivier Wendell Holmes lequel déclara que « ce que j’appelle le droit, c’est une prédiction de ce que les tribunaux feront effectivement et rien de plus prétentieux que cela » (cité in M. Troper, « Le réalisme et le juge constitutionnel britannique : un réalisme doucement réformé », Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 22, Paris, Dalloz, 2007, p. 125). Ensuite, il y a le réalisme scandinave à la tête duquel on trouve Alf Ross (A. Ross, Introduction à l’empirisme Juridique, Paris, LGDJ, 2004) ou encore Karl Olivecrona (K. Olivecrona, Law as a fact, London, Stevens, 1971). Pour un exposé de cette pensée V. notamment S. Strömholm, H.-H. Vogel, Le réalisme scandinave dans la philosophie du droit, LGDJ, coll. « Bibliothèque de philosophie du droit », 1975. Enfin, il y a le réalisme français, dont le chef de file est Michel Troper. Pour une présentation synthétique de cette théorie V. notamment, F. Hamon, « Quelques réflexions sur la théorie réaliste de l’interprétation », in L’architecture du droit. Mélanges en l’honneur de Michel Troper, Economica, 2006, pp. 487-500.

[18] Ainsi pour Kelsen, « dans l’application du droit par un organe juridique, l’interprétation du droit à appliquer, par une opération de connaissance, s’unit à un acte de volonté par lequel l’organe applicateur de droit fait un choix entre les possibilités révélées par l’interprétation à base de connaissance » (H. Kelsen, Théorie générale des normes, trad. O. Beaud et F. Malkani, PUF, coll. « Léviathan », 1996, p. 340).

[19] Otto Pfersmann avance en ce sens qu’il n’est de science du droit possible « que pour autant qu’il s’agit de l’opération cognitive consistant dans l’analyse des actes de langage exprimant une norme. L’interprétation d’une norme n’a strictement aucune valeur normative puisqu’il ne s’agit pas, par définition, d’une opération de production normative » (O. Pfersmann, « De l’impossibilité du changement de sens de la constitution », art. préc., p. 356).

[20] Pour Michel Troper, « le seul sens est celui qui se dégage de l’interprétation et l’on peut dire que, préalablement à l’interprétation, les textes n’ont encore aucun sens, mais sont seulement en attente de sens » (M. Troper, « Une théorie réaliste de l’interprétation », in La théorie du droit, le droit, l’État, PUF, coll. « Leviathan », 2001, p. 74).

[21] Michel Troper avance qu’« il n’y a pas de texte clair qui échapperait à l’interprétation car, pour établir qu’il est clair, il faut d’abord l’interpréter ». Or « si tout texte doit être interprété, c’est que la norme qu’il exprime est, dans une large mesure, indéterminée » (M. Troper, « Justice constitutionnelle et démocratie », in Pour une théorie juridique de l’État, PUF, coll. « Léviathan », 1994, p. 333).

[22] Selon Michel Troper, « tout texte est affecté d’un certain coefficient d’interprétation et est porteur de plusieurs sens entre lesquels l’organe d’application doit choisir, et c’est dans ce choix que consiste l’interprétation » (M. Troper, « Le problème de l’interprétation et la théorie de la supra-légalité constitutionnelle », art. préc., p. 143).

[23] Pour Michel Troper « trois séries d’arguments militent en faveur de la thèse que l’interprétation est une fonction de la volonté : l’interprétation contra legem n’existe pas ; il n’y a pas de sens à découvrir ; il n’y a pas d’intention de l’auteur ; il n’y a pas de sens objectif indépendamment des intentions » (M. Troper, « Une théorie réaliste de l’interprétation », art. préc., p. 71).

[24] Denys de Béchillon affirme en ce sens que le travail d’interprétation réalisé par l’autorité chargée d’interpréter le texte normatif apparaît comme étant à « l’origine première de la production réelle du droit » (D. de Béchnillon, « Réflexions critiques », RRJ-DP, 1994, n° 1, p. 251). Michel Troper encore explique que « selon la conception traditionnelle, la décision juridictionnelle est le produit d’un syllogisme, construit sur le modèle : « tous les voleurs doivent être punis de prison ; Dupond est un voleur ; donc Dupont doit être puni de prison ». La prémisse majeure est la loi applicable, la mineure le fait et la conclusion la sentence. ». Cependant, si l’on adhère à la théorie réaliste il s’avère que, « la prémisse majeure, la loi, n’est pas réellement donnée au juge, qu’il doit en interpréter le texte, déterminer sa signification. C’est donc lui qui devient le législateur. Voilà donc l’essence de la théorie réaliste de l’interprétation : le véritable législateur n’est pas l’auteur du texte, c’est l’interprète » (M. Troper, « Justice constitutionnelle et démocratie », op. cit. note préc., p. 334).

[25] Cité in M. Troper, « Le positivisme comme théorie du droit », in C. Grzegorczyk, F. Michaut et M. Troper, Le positivisme juridique, Paris, LGDJ, Coll. « La pensée juridique », 1992, p. 280.

[26] Pour une critique du normativisme V. notamment X. Magnon, « En quoi le positivisme – normativisme – est-il diabolique ? », RTD civ., 2009, pp. 269-280 ; M. Troper, « Réplique à O. Pfersmann », RFDC, n° 52, 2002, pp. 335-353 ; « Réplique à Denys de Béchillon », RRJ-DP, 1994, pp. 267-274 ; P. Amselek, « L’interprétation dans la Théorie pure du droit de Hans Kelsen », in InterprÉtatio non cessat. Mélanges en l’honneur de Pierre-André Côté, Yvon Blais, Cowansville (Québec), 2011, pp. 39-56. À l’inverse, pour une critique de la théorie réaliste V. O. Pfersmann, « Contre le néo-réalisme juridique. Pour un débat sur l’interprétation », art. préc. ; « Une théorie sans objet, une dogmatique sans théorie. En réponse à M. Troper », art. préc. ; « Critique de la théorie des contraintes juridiques », in V. Champeil-Desplats, Ch. Grzegorczyk et M. Troper, théorie des contraintes juridiques, LGDJ, coll. « Pensée juridique », pp. 123-142.

[27] Ainsi pour Otto Pfersmann, « la volonté est une condition nécessaire de la norme » (O. Pfersmann, « Le statut de la volonté dans la définition positiviste de la norme juridique », art. précit., p. 84. Pour Kelsen encore, « la création de normes est un acte de volonté » (H. Kelsen, op. cit. note 203, p. 259. Michel Troper rattache également la formation de la norme à la volonté en affirmant que l’acte d’interprétation, créateur de norme, est « une fonction de la volonté » (M. Troper, « Une théorie réaliste de l’interprétation », art. préc., p. 71).

[28] V. en ce sens N. Rouland, Aux confins du droit. Anthropologie juridique de la modernité, Odile Jacob, 1991 ; J. Gaudemet, Les naissances du droit. Le temps, le pouvoir et la science au service du droit, Montcrestient, coll. « Domat », 2006 ; P. Deumier, Le droit spontané, Economica, coll. « Recherches juridiques », 2002.

[29] Alors que la France comptait, au XVe et XVIe siècle, pas moins de six cents coutumes territoriales différentes, le Roi Charles VII décide, par cette ordonnance, qu’il soit procédé à la rédaction des coutumes afin d’unifier un peu plus le Royaume, ce qui constituait un pas de plus vers la formation de l’État. Sur cette question de la rédaction des coutumes V. notamment Colloque du 16 au 17 mai 1960, La rédaction des coutumes dans le passé et dans le présent, éd. de l’institut de sociologie, 1962.

[30] V. en ce sens N. Rouland, op. préc.

[31] Sur cette question V. notamment les études réalisées par P. Deumier, op. préc. ; A. Lebrun, La coutume, ses sources, son autorité en droit privé. Contribution à l’étude des sources du droit positif à l’époque moderne, LGDJ, 1932 ; M. Lefebvre, La coutume comme source formelle de droit en droit français contemporain, thèse : lille, 1906 ; D. Acquarone, La coutume. Réflexions sur les aspects classiques et les manifestations contemporaines d’une source du droit, thèse : nice 1987 ; G. Teboul, Usages et coutume dans la jurisprudence administrative, thèse : paris 2, 1987 ; A. Peneau, Règles de l’art et normes techniques, LGDJ, 1989.

[32] Sur la naissance de ce mouvement de pensée, né en Écosse, et son rayonnement V. notamment C. Gautier, L’Invention de la société civile : lectures anglo-écossaises, Mandeville, Smith, Ferguson, PUF, 1993 ; C. Smith, Adam Smith’s Political Philosophy : The Invisible Hand and Spontaneous Order, Taylor & Francis, 2005 ; P. Morère, Écosse des Lumières : le XVIIIe siècle autrement, ELLUG, 1997 ; L. Hill, The Passionate Society : The Social, Political and Moral Thought of Adam Ferguson, Springer, 2006 ; J.-C. Perrot, Une histoire intellectuelle de l’économie politique, 17e-XVIIIe siècles, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 1992 ; R. Hamowy, The Scottish Enlightenment and the Theory of Spontaneous Order, Southern Illinois University Press, 1987.

[33] F. Hayek, Droit, législation et liberté, PUF, coll. « Quadrige Grands textes », 2007, p. 110. V. également sur cette question notamment K. Boulding et E. Khalil, Evolution, Order and Complexity, Routledge, 2002 ; Ph. Nemo, La Société de droit selon F. A. Hayek, PUF, 1988, p. 85 et s. ; S. Goyard-Fabre, État au vingtième siècle : regards sur la pensée juridique et politique du monde occidental, Vrin, 2004, pp. 79-80 ; J.-L. Gaffard, Norme, fait, fluctuation : contributions à une analyse des choix normatifs, Librairie Droz, 2001, pp. 90 et s. ; J. Batieno, Théorie de la connaissance et rationalité politique chez Karl Popper, thèse : paris 4, 2000 ; G. Dostaler et D. Ethier, Friedrich Hayek : philosophie, économie et politique, Économica, 1989, pp. 50 et s.

[34] Ibid., p. 98. V également en ce sens A. Marciano et M. Pélissier, « La théorie de l’évolution culturelle de Hayek à la lumière de La descendance de l’homme, de Darwin », in Économie et Sociétés, Œconomia, Histoire de la pensée économique, n° 33, déc. 2003, pp. 2121-2143 ; J.-R.-E. Eyene Mba, L’État et le marché dans les théories politiques de Hayek et de Hegel : Convergences et contradictions, L’Harmattan, 2007, p. 61 et s.

[35] Cité in F. Hayek, New Studies in Philosophy. Politics, Economics and the History of Ideas, London and Henley, Routledge & Kegan Paul, 1978, p. 260-261.

[36] F. Hayek, La constitution de la liberté, Litec, coll. « Liberalia », 1994, p. 25.

[37] Pour Hayek, « la conception d’un esprit déjà complètement développé, ayant conçu les institutions qui rendaient la vie en société possible, est contraire à tout ce que nous savons de l’évolution de l’Homme ». F. Hayek, La constitution de la liberté, op. préc., p. 85.

[38] B. de Mandeville, La Fable des abeilles, L. Carrive, (trad.), Vrin, 1991, Part. II, p. 264.

[39] D. Hume, Traité de la nature humaine, Aubier, coll. « Bibliothèque philosophique », 1983, p. 693.

[40] Pour une approche des sciences cognitives dont les précurseurs sont Herbert Simon et Friedrich Hayek V. J.-P. Dupuy, Aux origines des sciences cognitives, La Découverte, 2005

[41] F. Hayek, op. préc., p. 75.

[42] Ibid., p. 76.

[43] Sur ce thème de la pensée hayekienne V. notamment W. N. Butos, The Social Science of Hayek’s ‘The Sensory Order, Emerald Group Publishing, 2010, p. 342 et s. ; M. Bensaid, « Limites organisationnelles du libéralisme hayékien », in Cahiers d’économie politique : histoire de la psnée et théories, L’Harmattan, 2003, p. 90-93 ; A. Caillé, Splendeurs et misères des sciences sociales : Esquisses d’une mythologie, Librairie Droz, 1986, pp. 311-314 ; S. Ferey, « L’économiste et le juge : réflexions sur la théorie hayékienne du droit », in Cahiers d’économie Politique : histoire de la pensée et théories, L’Harmattan, 2008, pp. 57-83.

[44] F. Hayek, La constitution de la Liberté, op. préc., p. 66

[45] Ph. Nemo, Histoire des idées politiques aux temps modernes et contemporains, PUF. Coll. « Quadrige », 2002, p. 1358.

[46] F. Hayek, op. cit. note n° 226, p. 136.

[47] Ibid., p. 199.

[48] P. Deumier, Le droit spontané, op. cit. note 221, n° 21, p. 29.

[49] Certains auteurs soutiennent cependant une thèse somme toute différente. Carpour eux, les règles créées spontanément doivent, pour certaines, être considérées comme constituant du droit. V. notamment, P. Deumier, op. cit. note 221. Selon nous, c’est seulement une fois que le juge a donné à une coutume la signification de norme qu’elle peut être considérée comme juridique.

[50] Ainsi David Hume nous dit-il : « deux hommes qui tirent sur les avirons d’une barque le font selon un accord ou une convention, sans avoir jamais échangé de promesses. De même la règle qui porte sur la stabilité des possessions découle moins de conventions humaines qu’elle ne se développe peu à peu, acquérant des forces en progressant lentement, par l’expérience répétée des inconvénients liés à sa transgression. Cette expérience nous procure davantage l’assurance que le sens de l’intérêt est devenu commun à tous nos semblables et nous donne et nous donne confiance dans la régularité de leur conduite à l’avenir » (D. Hume, op. cit. note 232, liv. III, part. II, sect. 3).

[51] Pour Pascale Deumier, cela se traduit par la formation d’une habitude, composante primaire de la règle spontanée. Selon elle, « l’habitude implique une réitération, seule capable d’amorcer la transformation du comportement originel en pratique constante et générale » (P. Deumier, op. cit. note 221, p. 44). Pour une définition de la notion d’habitude V. le même auteur (ibid., pp. 45-61).

La règle de droit

Contrairement à une idée très répandue, une proposition prescriptive ne constitue pas nécessairement une norme. Pour qu’elle endosse cette qualification, elle doit s’insérer d’une part, dans un système hiérarchique (§1) et, d’autre part, dans un système statique et dynamique (§2). Pour être qualifiée de juridique la norme doit, par conséquent, satisfaire à ces deux exigences.

I) L’appartenance à un système hiérarchique

Le voleur et le percepteur. « La bourse ou la vie » ! Voilà une réplique que l’on est susceptible d’entendre à l’occasion de la projection d’un film de cape et d’épée. Sa présence au beau milieu d’un raisonnement théorique apparaît, cependant, pour le moins surprenante. Pourtant, c’est bien à partir de la référence implicite à cette réplique que Kelsen démontre, dans sa Théorie pure du droit, pourquoi toutes les propositions prescriptives ne sont pas des normes, et pourquoi seules les prescriptions arborant un caractère obligatoire peuvent accéder à ce statut. Pour y parvenir, Kelsen s’interroge sur la différence qu’il y a entre l’injonction, prononcée sur un ton comminatoire, par le chef d’une bande de voleurs pointant de son doigt les occupants d’une diligence apeurés, et le commandement émis par l’agent de l’administration fiscale à destination de ses administrés leur enjoignant de s’acquitter de leur impôt. De prime abord, lorsque l’on se focalise sur la structure grammaticale de ces deux propositions prescriptives, rien ne semble les distinguer, dans la mesure où leur construction répond à une logique purement déontique. Si l’on s’arrête à ce constat, tant l’injonction formulée par le bandit de grand chemin que celle dictée par le percepteur des impôts doivent être qualifiées de normes. Cela n’a cependant pas grand sens dans la mesure où, si tel était le cas, quiconque serait capable de manier la forme verbale déontique – soit toute personne maîtrisant le langage – disposerait du pouvoir d’édicter des normes, lesquelles perdraient alors leur spécificité. De cette observation, Kelsen en vient à déduire que les propositions prescriptives ne peuvent pas toutes endosser la qualité de norme. Pour lui, seul « l’ordre du fonctionnaire du fisc a signification de norme valable obligeant le destinataire »[1]. Reste à déterminer, en quoi le commandement formulé par le percepteur des impôts se distingue-t-il de l’ordre du brigand. Pour Kelsen, la raison est simple : tandis que le premier est obligatoire, le second est facultatif.

L’obligatoire. À quoi tient l’obligatoriété dont serait empreinte l’injonction émise par l’administration fiscale ? De toute évidence, elle ne saurait résider dans l’acte de volonté qui la pose en raison de l’impossibilité absolue de faire dériver « un devoir-être » d’un « être ». Or comme le souligne, à très juste titre, Kelsen « la norme est un ?devoir-être? (sollen), alors que l’acte de volonté dont elle est la signification est un ? être ? (sein) »[2]. La force obligatoire que possède une norme ne peut, dans ces conditions, trouver sa source que dans quelque chose d’extérieur à l’acte de volonté dont elle est issue. En vertu de la loi de Hume, ce quelque chose ne peut qu’appartenir au monde du devoir-être. Il s’ensuit que ce ne peut être qu’une norme. Partant, le caractère obligatoire d’une proposition prescriptive viendrait de son adoption conformément à une norme qui lui est supérieure. Pour s’en convaincre, il suffit de prendre quelques exemples. Si la règle selon laquelle nul ne peut impunément porter atteinte à la vie d’autrui est obligatoire, cela ne tient pas au fait qu’elle procède de la volonté d’interdire pareil comportement, mais qu’elle a été adoptée par le parlement qui tient son pouvoir d’une norme supérieure : la constitution. De la même manière, l’obligation qui impose à tout un chacun de se soumettre aux règles de politesse vient de l’acceptation par tous du principe plus général de respect mutuel des individus. Pareillement, la force obligatoire dont est pourvu un contrat n’a pas pour origine la commune volonté des parties, mais la loi. Kelsen assimile donc le caractère obligatoire d’une norme à sa validité, puisqu’une norme valide est une norme conforme à une norme supérieure[3]. Comme le souligne Michel Troper, l’obligation à laquelle fait référence le maître de Vienne n’est aucunement une obligation morale, contrairement à ce qui a pu être soutenu par Ross[4], « elle est une obligation relative […], car elle est établie non par la volonté subjective de celui qui a émis la norme, par exemple le percepteur, mais par une norme supérieure, la loi, dont l’existence est objective »[5]. Naturellement, si l’on entreprend de remonter la pyramide normative pour fonder, de proche en proche, l’obligatoriété de chacune des normes qui la compose, se posera inexorablement la question du caractère obligatoire de la norme qui se trouve à son sommet. Aussi, cette question ne peut-elle se résoudre qu’en admettant que l’ensemble de la pyramide normative repose sur une norme fondamentale non pas posée, mais supposée, en ce sens qu’elle a pour fonction de prescrire qu’il faille se conformer aux normes dont elle fonde la validité[6].

Élargissement du concept de norme. Mais restons focalisés sur la thèse défendue par Kelsen, selon laquelle les normes sont nécessairement obligatoires, sans quoi il ne s’agirait-là que de simples commandements. Bien que cette thèse ait pendant fort longtemps rencontré un immense succès chez les juristes, elle connaît depuis quelques années de plus en plus de détracteurs. En simplifiant à l’extrême, les arguments avancés consistent à dire qu’un mouvement se serait enclenché, celui du recours de plus en plus fréquent, par des instances tant publiques que privées, à des instruments directifs véhiculant des modèles de conduite dont l’observation par leurs destinataires n’est pas obligatoire. Ces instruments ne sont autres que les recommandations, avis, chartes, conseils, incitations ou directives. Pour Catherine Thibierge, la prolifération galopante de ces instruments directifs d’un nouveau genre, procèderait d’une « métamorphose du rapport de l’autorité et de le l’expression de l’autorité en général : à une autorité […] jadis fortement caractérisée par la soumission et la contrainte, s’est en partie substituée une autorité soucieuse de légitimer son action, ouverte au dialogue, et en quête de l’adhésion de ses destinataires »[7]. De ce constat, certains auteurs concluent que l’approche traditionnelle de la norme ne rendrait plus totalement compte de la réalité. Selon eux, cette réalité appellerait un élargissement du concept de norme en supprimant l’un des éléments de sa définition, cause de son étroitesse : l’obligatoriété. André Lalande avance en ce sens qu’« une norme n’est pas nécessairement une loi ni un commandement : elle peut être un idéal sans aucun caractère obligatoire »[8]. D’autres auteurs avancent que l’existence, en droit, de règles supplétives serait la preuve que, pour endosser la qualité de norme, une prescription ne doit pas nécessairement être obligatoire[9]. D’autres encore soutiennent que certaines normes juridiques ne seraient porteuses d’aucune obligation en raison de la nature purement descriptive de leur énoncé[10]. Certains n’hésitent pas, en outre, à affirmer qu’il n’y aurait « pas de lien définitionnel […] entre validité et obligatoriété de la règle »[11]. Pour les tenants de cette pensée, il serait, par conséquent, possible de faire entrer dans le domaine du normatif, des instruments directifs n’arborant aucun caractère obligatoire. D’aucuns vont même jusqu’à prétendre que pourraient, également, y être intégrés les instruments directifs non porteurs de prescriptions[12].

Impératif catégorique et impératif hypothétique. Dans cette perspective, pour Paul Amselek, il convient de distinguer « les normes à fonction directive autoritaire », empreintes d’obligatoriété, des « normes à fonction directive souple » qui en seraient dépourvues[13]. Les normes seraient donc à « textures multiples »[14]. Dans le champ du droit, il existerait, selon ce mouvement de pensée, « un droit souple »[15], non-obligatoire, que l’on appelle également soft law, et un droit dur (hard law) lequel serait, à l’inverse, contraignant[16]. Difficile de ne pas être séduit par la thèse soutenue par ces auteurs qui critiquent la rigidité de la conception kelsenienne de la norme. Cela s’explique, entre autres, par le fait que le constat sur lequel repose leur thèse est autant incontestable que pertinent. Il ne saurait être nié que les instruments directifs auxquels il est recouru pour régir les conduites humaines, se sont considérablement diversifiés, en raison, comme l’a parfaitement mis en lumière Catherine Thibierge, de l’alignement progressif, voire dans certains cas du dépassement, de l’efficacité du facultatif sur l’obligatoire[17]. Est-ce, pour autant, suffisant pour emporter l’adhésion à l’idée qu’une norme pourrait ne pas être obligatoire ? Assurément non. Il existe une impossibilité logique de dissocier les deux concepts. Et, malheureusement pour ceux qui défendent le contraire, la tentative entreprise par Dénys de Béchillon de sauver cette thèse en recourant à la distinction entre l’impératif catégorique et l’impératif hypothétique, n’y change rien. Ce dernier soutient que, si l’on se réfère au vocabulaire kantien, la norme à fonction directive autoritaire appartiendrait au domaine de l’impératif catégorique de sorte qu’elle serait « obligatoire par elle-même »[18]. La norme à fonction directive souple contiendrait, quant à elle, un impératif hypothétique, ce qui la rendrait « obligatoire que si son destinataire adhère aux fins qu’elle sous-tend »[19]. Ainsi, les recommandations, avis et autres directives seraient bien marqués du sceau de l’obligatoriété. Cela permettrait de les ranger dans la catégorie des normes. Bien que fort astucieux puisse apparaître le recours à la distinction kantienne, l’utilisation de cette distinction n’en demeure pas moins erronée[20] dans la mesure où une norme juridique ne consistera jamais en un impératif catégorique. Et pour cause, celle-ci n’est actionnée que si, et seulement si, la conduite qu’elle a pour objet de régir se réalise. La norme ne peut, par conséquent, être que la signification d’un impératif hypothétique[21]. L’impératif catégorique réside, lui, dans l’obligation morale qui s’impose aux agents de respecter les normes[22].

Thèses inopérantes. En distinguant entre l’impératif catégorique et l’impératif hypothétique, Denys de Béchillon ne sert pas la thèse de l’appartenance de ce qui relève du facultatif au domaine du normatif. Au contraire, il la dessert. Sa démarche sonne comme l’aveu que la règle de conduite ne peut qu’être obligatoire. La conception kelsienne de la norme s’en trouve, à ce titre, d’une certaine manière renforcée. À la vérité, la principale critique que l’on peut formuler à l’encontre de la thèse selon laquelle l’obligatoriété ne constituerait pas le critère discriminant de la norme, réside dans l’incapacité absolue de cette dernière à distinguer l’ordre dicté par le bandit de grand chemin, du commandement émis pour le percepteur des impôts. Pis, si l’on pousse le raisonnement sur lequel cette thèse repose, son adoption conduit à conférer une normativité supérieure à l’injonction du brigand comparativement à celle énoncée par l’agent de l’administration fiscale. Les contradicteurs de Kelsen soutiennent, en effet, que si la sphère des normes doit être élargie au-delà de son périmètre originel, cela se justifie par la possibilité d’associer aux instruments directifs indiquant des modèles de conduite, une valeur quantifiable, mesurable, si bien qu’il existerait plusieurs degrés de normativité. Très schématiquement, tandis que les recommandations se trouveraient en bas de l’échelle de graduation, les commandements trôneraient quant à eux tout en haut[23]. Catherine Thibierge s’est essayée en ce sens à réaliser une sorte de matrice conceptuelle permettant de mesurer ce qu’elle appelle la « force normative »[24]. Selon cette thèse, ce qui distinguerait les instruments directifs, ce ne serait pas leur qualité de norme, celle-ci leur étant d’ores et déjà acquise à partir du moment où ils permettent de « guider l’action humaine »[25], mais leur force normative, laquelle varierait d’un instrument à l’autre. En raisonnant de la sorte, cela a pour conséquence de créer des passerelles entre les domaines du facultatif et de l’obligatoire ; d’où, il s’ensuit l’impossibilité de distinguer l’ordre du bandit de celui du percepteur. Plus encore, en reconnaissant une certaine force normative aux propositions descriptives qui indiquent des modèles de conduite, l’utilisation de ce concept a pour effet de jeter des ponts entre le monde de l’être et le monde du devoir-être, si bien que la frontière entre les deux s’en trouve brouillée.

Thèses dangereuses. Si, d’un côté, l’on peut être tenté de s’émerveiller devant la prouesse que permet de réaliser le concept de force normative, d’un autre côté, il est difficile de ne pas penser au mirage vers lequel il mène. Comment le monde de l’être pourrait-il être pourvoyeur de normes ? Comme le fait remarquer, à juste titre, Denys de Béchillon, « la Nature ne commande ni ne conseille, n’impose ni ne suggère. Elle serait bien en peine […], elle qui sait seulement fabriquer de l’être et de la chose, transformer de la matière, causer des phénomènes. Ces fameuses régularités n’ont pas grand-chose à voir avec des normes stricto sensu »[26]. Par ailleurs, à vouloir relier entre eux les mondes de l’être et du devoir-être, il est un risque que l’on prenne pour des normes des prescriptions qui, en réalité, ne sont que le produit de violations de la loi de Hume. Or cela représente un danger au moins aussi grand que de qualifier indistinctement de norme ce qui relève du facultatif, comme par exemple le commandement formulé par le bandit de grand chemin, et ce qui relève de l’obligatoire, tel l’ordre émis par le percepteur des impôts[27]. Impératif et descriptif, obligatoire et facultatif sont des domaines qui doivent, strictement, rester cloisonnés. Cela suppose d’admettre, comme l’y invite Kelsen, que la qualité de norme ne puisse être endossée que par une prescription indiquant un modèle de conduite, d’une part, et que cette prescription revête un caractère obligatoire d’autre part.

La notion d’ordre normatif. Finalement, en érigeant comme quasi-critère de la norme, la « force normative », il y a là une certaine confusion qui est faite entre les notions d’obligatoire et d’autorité déontique[28]. Une norme peut très bien être dépourvue de toute autorité – ce que Catherine Thibierge désigne par le terme de « force normative ». Cela ne l’empêchera pas de rester obligatoire, soit de conserver sa qualité de norme. L’exemple peut être pris avec l’ordonnance de police du 26 brumaire an VIII toujours en vigueur[29] qui interdit le port des pantalons pour les femmes ou bien encore avec la loi du 28 juillet 1894 qui punit la provocation à la révolte ou à la désobéissance effectuée « dans un but de propagande anarchiste ». À l’inverse, une prescription peut tout à fait posséder une autorité immense (l’ordre du brigand), sans pour autant être empreinte de la moindre once d’obligatoriété et donc accéder à la qualité de norme. Le caractère obligatoire d’une prescription et son autorité sont deux choses totalement différentes. Tandis que le premier élément lui confère la qualité de norme, le second nous renseigne simplement sur son effectivité quant à son observation par les agents. Pour savoir identifier la règle de droit, il convient, dès lors, de se demander, non pas si elle est pourvue d’une « force normative », mais si elle arbore ce fameux caractère obligatoire. Cela revient, in fine, à s’interroger sur leur appartenance à un système hiérarchique dans lequel chacune d’elles tirerait sa validité d’une prescription supérieure. On qualifie pareil système d’ordre normatif. Dans une première acception, un ordre peut se définir comme « un ensemble de choses qui ordonnent »[30]. Plus précisément, il est un regroupement d’éléments disparates en un tout cohérent et organisé. Pour Jacques Chevallier, « l’ordre désigne […] à la fois le principe logique qui commande les relations entre les divers éléments constitutifs et l’ensemble articulé qu’ils forment »[31]. L’idée qui prévaut dans la définition de l’ordre est donc celle d’organisation. Cela s’explique par le fait qu’un ordre normatif est un système[32]. Le propre des normes étant, précisément, d’entretenir des rapports d’interaction et d’interdépendance pour exister, quoi de plus naturel pour elles que d’être regroupées en système. Comme le souligne Pascale Deumier, « la norme n’est qu’un des éléments de ce tout grâce auquel et pour lequel elle a été créée et elle est appliquée »[33]. Ensemble, les règles de conduite forment ce que l’on pourrait appeler un ordre social. Kelsen le définit comme « un ordre normatif qui règle la conduite humaine en tant qu’elle a rapport à d’autres hommes, directement ou indirectement »[34]. Partant, pour être qualifiée de juridique la norme doit nécessairement appartenir à un tel ordre. Pour qu’il en soit ainsi, trois conditions doivent être réunies. La première tient à la pluralité des composantes qui constituent l’ordre, la deuxième à l’organisation hiérarchique du système. Enfin, la dernière condition tient à l’existence d’une unité[35]. Si l’une de ces conditions fait défaut, le système en question ne saurait être qualifié d’ordre normatif.

II) L’appartenance à un système dynamique et statique

L’identification de la règle de droit. Bien que la qualification de règle de conduite soit moins large que celle à laquelle renvoie le concept de norme à l’état brut, non encore dégrossi, elle n’en reste pas moins à préciser. Il est plusieurs sortes de règles de conduite qui peuvent être distinguées. De la famille à laquelle elles appartiennent dépend la nature de l’ordre normatif qu’elles forment. Traditionnellement, les auteurs s’accordent à penser que les règles de conduite recouvrent deux grandes familles de normes : le droit et la morale[36]. Le critère, à partir duquel pourrait être déterminée la juridicité d’une norme, a fait l’objet de très nombreux débats au point que, devant la profusion de critères proposés qui, en caricaturant à peine, sont presque aussi divers qu’il y a d’auteurs ; certains d’entre eux n’hésitent pas à douter, voire à nier l’existence-même de la règle de Droit. Pour Denys de Béchillon, il n’existerait « nulle part de définition d’elle qui vaille en tous lieux et pour tous usages, ni même de possibilité qu’il en existe une »[37]. Pour Pascale Deumier encore, « l’objectif de définir tout le droit, mais rien que le droit, est hors de portée […]. Une définition du droit définitive […] n’existe pas »[38]. Doit-on se résigner à ce constat, qui laisse transparaître, chez ces auteurs, un brin de fatalisme ? Nous ne le croyons pas. Si la norme juridique porte un nom, c’est là une preuve suffisante qu’elle existe.

Le critère formel. Le premier critère auquel l’on est, d’emblée, tenté de penser est de nature formelle : seule la règle édictée par le parlement ou par une autorité habilitée par lui, constituerait du droit. La norme numérique n’ayant, ni été votée, ni adoptée par aucune instance publique, précisément parce qu’elle procède d’un mécanisme de création spontanée, ne saurait, dans cette hypothèse, être qualifiée de juridique. A priori, de par son objectivité, combinée à sa grande précision, aucune norme empreinte d’un tant soit peu de juridicité, ne saurait résister au test du critère formel. En réalité, il n’en est rien. Imparable, ce raisonnement aurait pu l’être si la norme se confondait avec le texte qui la pose. Tel est, cependant, loin d’être le cas. Comme il a été démontré, dès lors que l’on adhère à l’idée, selon laquelle une norme consiste en une signification et non en une chose, il doit, corrélativement, être admis qu’au stade de l’édiction d’un texte de loi ou réglementaire, par une autorité compétente, aucune norme n’a encore été créée[39]. Ce qui lui donnera vie, c’est l’acte par lequel il est conféré une signification au texte adopté. Or cet acte est le fait de celui, dont la fonction est de l’interpréter pour, éventuellement, par suite, l’appliquer à un cas concret. Ainsi, les normes juridiques ne résident pas dans les textes votés par le parlement. Elles sont, pour l’essentiel, issues des décisions prises par les juges. Cette idée peut se résumer de façon synthétique en affirmant que le droit n’est pas dans la loi, mais dans son interprétation. Il en résulte que, le critère formel ne saurait rendre compte de la juridicité d’une règle de conduite, ce, d’autant plus, qu’il n’est nullement besoin d’un support textuel pour que le juge crée une norme. Il lui est permis – et c’est ce qu’il fera très souvent – de conférer la signification de norme à une pratique coutumière, ce qui implique qu’il n’est pas exclu que les normes numériques puissent être qualifiées de juridiques. Le critère formel étant inopérant quant à fonder la juridicité d’une norme, il convient de se tourner vers un autre critère comme, par exemple, celui que suggèrent de nombreux manuels d’introduction au droit : la sanction.

Le critère de la sanction. La sanction revient, très souvent, chez les auteurs comme l’un des éléments constitutifs de la règle de juridique[40]. Jhering n’hésite pas à affirmer qu’« une règle de droit dépourvue de contrainte juridique est un non-sens : c’est un feu qui ne brûle pas, un flambeau qui n’éclaire pas »[41]. Pour Xavier Labbée, « la règle de droit est […] une règle obligatoire, contraignante, assortie d’une sanction étatique »[42]. Selon Henri Roland et Laurent Boyer, son originalité tiendrait « à son caractère de sanction socialement organisée »[43]. Enfin, peut être évoquée la conception que François Gény se fait des normes juridiques, qui se distingueraient des autres normes « en ce que les préceptes qui les contiennent sont susceptibles d’une sanction extérieure, au besoin coercitive, émanant de l’autorité sociale, et obtiennent ou tendent à recevoir cette sanction »[44]. Bien qu’il soit indéniable que la très grande majorité des règles juridiques sont assorties d’une sanction étatique[45], il ne saurait, pour autant, en être déduit que c’est là, un élément essentiel de leur définition[46]. Comme le souligne, tout d’abord, Christian Larroumet « il existe […] en droit interne des règles qui ne sont pas sanctionnées [de sorte qu’il] n’est pas possible de ramener la règle de droit à la sanction »[47]. En guise d’illustration, il peut être cité la règle selon laquelle « le Parlement vote la loi »[48] ou encore « le Président de la République préside le Conseil des ministres »[49]. Voici des règles qui, dans l’hypothèse où elles ne seraient pas respectées, ne sont pas sanctionnées. Ensuite, dire que le recours au critère de la sanction permettrait de déterminer la juridicité d’une norme, revient à perdre de vue l’intérêt pratique de l’entreprise de définition de la règle de droit. Car, celui-ci est bien réel, et pas seulement théorique. Il s’agit d’expliquer en quoi cette règle, si spécifique, se distingue des autres normes. Or c’est là, un objectif que ne permet pas d’atteindre le critère de la sanction. Comme l’a fort brillamment démontré Denys de Béchillon, « la sanction échoue à fonder l’obligation, car l’obligation existe nécessairement avant qu’on la sanctionne »[50]. Comment, autrement dit, la sanction serait-elle à même de révéler la spécificité de la règle juridique si l’on ne se soucie d’elle qu’après avoir créé la norme à laquelle elle est assortie ? Par ailleurs, nul n’est besoin de faire des recherches approfondies pour établir que la règle juridique n’est pas la seule à être sanctionnée. Les normes morales le sont aussi. Leur violation entraîne la réprobation du corps social.

L’internormativité, source de brouillage du critère de la juridicité. Dans ces conditions, la sanction ne peut pas être considérée comme le critère sur lequel reposerait la juridicité d’une norme. À la vérité, celle-ci participe seulement à la rendre plus effective. Plus une sanction est redoutée par les agents, plus la règle à laquelle elle est attachée a de chance d’être respectée, quoique cela ne se vérifie pas toujours. Aussi, nous faut-il chercher un critère autre que la sanction, afin de déterminer si la norme numérique peut être qualifiée de juridique. Vers quel critère, non encore évoqué, pourrait-on se tourner ? L’échec des précédentes tentatives de trouver le critère de la juridicité met en exergue la grande difficulté dont est empreinte cette quête. Pour certains auteurs, cette difficulté tient à l’existence d’une « internormativité » qui brouillerait singulièrement les frontières entre le droit et les autres normes de l’univers normatif. Qu’est-ce que l’internormativité ? Il s’agit d’un concept, ou plutôt, d’un phénomène[51]. Celui-ci a, notamment, été décrit par Norbert Rouland, qui constate que chaque société peut choisir « de qualifier (ou de disqualifier) de juridique des règles et comportements déjà inclus dans d’autres systèmes de contrôle social […] »[52]. Jean Carbonnier y fait référence lorsqu’il évoque les « flux » et « reflux »[53] de la morale et de la religion auxquels le droit est confronté depuis toujours. L’internormativité consisterait en ce mouvement de juridicisation et de déjuridicisation des normes qui gouvernent l’action humaine[54]. La porosité qui existe entre la frontière délimitant le droit des autres normes sociales, trouve son origine dans ce phénomène d’internormativité. Quelle qualification devrait, par exemple, porter une norme religieuse consacrée par le législateur ? Est-ce une norme juridique perdant sa qualification de religieuse ? Ou est-ce une norme qui reste religieuse tout en entrant dans le giron du droit ? Difficile à dire. Parce que le droit se construit et se déconstruit, sans cesse, sous l’effet du phénomène d’internormativité, il est extrêmement compliqué de s’en saisir pour le figer dans une définition. C’est la raison pour laquelle, plutôt que de l’appréhender en cherchant à identifier les normes qui le composent, lesquelles sont changeantes, en perpétuel mouvement, certains auteurs se sont demandés, s’il ne faudrait pas mieux faire abstraction de ces dernières et définir le droit par sa finalité qui, elle, reste et restera toujours inchangée[55].

Identification de la juridicité par la finalité de la règle. Norbert Rouland écrit en ce sens que « sociologie et anthropologie juridique nous montrent que la qualification juridique peut-être à géométrie variable à l’intérieur d’une même société (dans le métro, la défense de fumer procède du droit, ailleurs de la politesse ou de l’hygiène) […]. Inutile donc de chercher l’universalité du droit directement dans ses contenus. En revanche, elle apparaît mieux dans un type de définition fonctionnelle ». Consécutivement, cet auteur en déduit que « le droit […] serait ce que chaque société, ou certains de ses groupes considèrent comme indispensable à sa cohérence et à sa reproduction »[56]. Paul Amselek partage cette définition lorsqu’il soutient que doit être considéré comme faisant partie du droit tout ce qui constitue « une technique de direction publique des conduites humaines »[57]. Pareillement, pour Christian Larroumet, tandis que la morale et la religion viseraient « une fin individuelle, la perfection personnelle de l’homme »[58], la finalité du droit serait toute autre. Elle consisterait « à éviter l’anarchie dans les rapports entre les membres du groupe »[59]. Dans ce même ordre d’idée, Santi Romano insiste sur le fait que le droit n’a pour autre fonction que de créer de l’ordre[60]. Cela fait dire à Jacques Chevalier que, dès lors qu’un groupe s’institutionnalise, il est voué au droit[61]. De cette observation, à laquelle il se livre, lui aussi, Norbert Rouland, en vient à affirmer que le droit aurait « contribué à la naissance de l’homme, peut-être même avant la religion »[62], de sorte que son apparition remonterait à l’ère paléolithique et plus exactement à la période durant laquelle les premiers groupes humains se sont constitués. C’est précisément là, l’idée que défendait Hayek lorsqu’il écrit que « le droit est plus ancien que la législation »[63]. Si comme inclinent à le penser tous ces auteurs, « la loi existait depuis fort longtemps lorsque les hommes s’aperçurent qu’ils pouvaient la faire ou la changer »[64], cela signifie que peuvent être qualifiées de juridiques toutes les normes dont le processus de formation a pu être observé dans les sociétés primitives. Or celui-ci était, Hayek l’a largement démontré, d’ordre spontané[65]. Cette thèse conduit à affirmer que les règles, non verbalisées, mais qui structurent des communautés telles des groupes familiaux ou d’amis, constitueraient du droit. D’où, l’affirmation de Jean Carbonnier selon laquelle « il y a plus d’une définition dans la maison du droit »[66].

Rejet du critère finaliste. Si, à l’évidence, les brillantes démonstrations réalisées par les éminents auteurs que sont Friedrich Hayek, Romano Santi ou bien encore Norbert Rouland, sont à même de fournir de solides justifications quant au choix du critère finaliste, nous ne parvenons pourtant pas à nous en satisfaire. La raison en est que l’adoption de celui-ci nous commande d’admettre que le droit se trouve partout où il y a une bribe d’organisation humaine. C’est ainsi que, pour Jean Carbonnier, le pouvoir juridique par lequel le droit est créé, résiderait, non dans l’État, mais dans « les faits normatifs au cœur de la vie sociale »[67]. Est-ce à dire que la norme qui régit les heures de prière dans un monastère, la règle selon laquelle on doit mettre sa main devant sa bouche lorsque l’on se prend à bâiller et celle punissant d’une peine de trois ans d’emprisonnement tout acte consistant en la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui se trouveraient sur un même plan ? C’est ce que tendent à penser ceux qui soutiennent que, à partir du moment où une norme est génératrice d’ordre, elle doit être regardée comme constituant du droit. Bien que séduisante, nous ne pouvons que rejeter en bloc cette position doctrinale. La raison de ce rejet tient, tout d’abord, à l’impossibilité logique de voir coexister au sein d’un même système normatif – le droit – des normes susceptibles de prescrire aux agents des conduites contraires. Il en va ainsi des règles morales, qui ne sont pas toujours en phase avec les normes adoptées par les autorités publiques compétentes. C’est là, un motif suffisant, lorsque l’hypothèse se présente, de dénier aux premières l’accès à la juridicité, dans la mesure où, de par la contrariété de leur contenu avec les secondes, elles ne sont pas valides. Or la validité c’est, nous enseigne Kelsen, « le mode d’existence spécifique des normes »[68]. À ce titre, normes morales et juridiques, bien qu’elles puissent dans de nombreux cas se confondre, ne sauraient appartenir au même ensemble normatif.

La nécessaire différenciation du droit de la morale. Ensuite, il peut être opposé aux défenseurs de cette thèse, exactement la même critique que l’une de celles formulées à l’encontre de la doctrine jusnaturaliste, à savoir, que son imprécision est de nature à ouvrir la qualification de juridique à n’importe quelle règle de conduite ; celle-ci dépendant du point de vue duquel on se place. Si, effectivement, l’on adhère à l’idée que pour recevoir la qualification de norme il suffit qu’une proposition prescriptive génère de l’ordre, il s’avère que cela sera toujours le cas dans l’esprit de celui qui l’édictera. Rien ne permet, en revanche, d’affirmer qu’il en ira de même pour les destinataires de la règle. L’exemple peut être pris avec l’adoption, par les députés, du texte de loi qui offre la possibilité aux couples de même sexe de se marier[69]. Tandis que cette norme est vue par certains, comme un pas de plus en direction de l’égalité, pour d’autres elle est plutôt perçue comme source d’un grand désordre moral dans la société. Parce que la capacité d’une norme à structurer les rapports sociaux, dépend de la perception que l’on se fait de l’ordre, il ne saurait être recouru à cette notion d’ordre pour en faire un critère de juridicité, à moins d’admettre que le droit soit, par essence, un concept à géométrie variable. Tel n’est, cependant, pas ce à quoi nous pouvons nous résoudre. Si on l’admettait, cela signifierait que le droit ne se distinguerait ni de l’ordre moral, ni du système normatif adopté par des « bandits de grand chemin ». Il s’agit pourtant de la spécificité du droit, que de se différencier des autres systèmes de normes. C’est là, sa raison d’être. S’il ne possédait pas cette spécificité, il serait permis aux agents d’un même groupe humain de voir du droit dans les normes de conduites de leur choix. Il s’ensuivrait qu’aucun socle commun de règles ne pourrait exister, si bien que l’unité du groupe s’en trouverait menacée. Il est, par conséquent, une nécessité primordiale que le droit conserve sa singularité. On en revient alors à notre question initiale, celle consistant à se demander, comment distinguer les règles juridiques des autres normes sociales.

La définition du droit par sa structure. Jusqu’à présent, force est de constater que toutes nos tentatives de recherche d’un critère de juridicité fondées, soit sur les propriétés intrinsèques de la norme, soit sur la finalité du droit, ont échoué. Peu importent les raisons de cet échec. Ce qui compte, désormais, c’est de trouver un moyen de reconnaître le droit parmi les très nombreux systèmes normatifs qui l’entourent ; étant entendu qu’il est exclu qu’il puisse se confondre avec eux. Si, manifestement, la marge de manœuvre qu’il nous reste pour mener à bien cette entreprise s’avère pour le moins étroite, compte tenu du nombre de critères déjà passés en revue, il est, néanmoins, un angle sous le prisme duquel nous n’avons pas encore examiné la norme juridique. Cet angle d’approche a, notamment, été abordé par Norberto Bobbio pour qui la spécificité de la règle de droit se manifeste au regard d’une condition extrêmement précise, non encore évoquée jusque-là : l’appartenance à un système juridique. Pour cet auteur, « il n’y a pas de normes juridiques parce qu’il existe des normes juridiques distinctes de normes non juridiques, mais il existe des normes juridiques parce qu’il existe des ordres juridiques distincts des ordres non juridiques »[70]. En d’autres termes, selon Bobbio, le système prime la norme. Il faut définir le droit non pas par ses éléments que sont les normes juridiques, mais par l’appartenance de ces règles à un ordre juridique. Si, en apparence, le problème de l’identification du droit semble avoir été repoussé d’un cran, en vérité, cette nouvelle approche de la juridicité change tout. Les systèmes juridiques possèdent, en effet, une structure bien particulière, ce qui permet de distinguer les normes qui les composent des autres règles de conduite. Pour bien comprendre de quoi il retourne, revenons, un instant, à Kelsen, lequel professe qu’il faut distinguer deux sortes de systèmes normatifs : les systèmes statiques et les systèmes dynamiques.

Systèmes dynamiques et systèmes statiques. Pour la première catégorie de systèmes, il s’agit de ceux dont les normes sont liées entre elles par leur contenu, en ce sens, nous dit Kelsen, que « leur validité peut être rapportée à une norme sous le fond de laquelle leur propre fond se laisse subsumer comme le particulier sous le général »[71]. Dans un tel système, il est question de relations de subsomption entre les normes, de sorte qu’elles se laissent déduire les unes des autres en partant de la plus générale vers la plus précise. Il peut être pris l’exemple de la règle selon laquelle les agents doivent faire preuve de bienséance lorsqu’ils vivent en collectivité. De cette norme, il peut en être déduit que l’on ne doit jamais couper la parole à ses interlocuteurs. Cette logique, qui gouverne les rapports entre les normes d’un système statique, est caractéristique des systèmes moraux. S’agissant des systèmes dynamiques, ils ont, quant à eux, pour particularité, de voir les normes qui les composent dériver les unes des autres par le jeu non pas de leur contenu, mais par une succession d’actes habilitation. Dans ce second type de système, les normes tirent leur validité de leur mode d’édiction conformément à une norme supérieure, leur contenu étant totalement indifférent. Pour Kelsen, le droit s’apparenterait à un système dynamique. Selon lui, l’ordre juridique se distinguerait des autres systèmes normatifs en raison de son mode spécifique de production des règles de conduite. Car, soutient-il, « une norme juridique n’est pas valable parce qu’elle a un certain contenu, c’est-à-dire que son contenu peut être déduit par voie de raisonnement logique d’une norme fondamentale supposée, elle est valable parce qu’elle est créée d’une certaine façon, et plus précisément, en dernière analyse, d’une façon déterminée par une norme fondamentale »[72]. En d’autres termes, pour Kelsen, le droit possèderait cette spécificité d’être un système dans lequel les normes sont créées, en vertu de l’autorité dont est revêtu leur auteur[73]. Ce serait, selon lui, ce qu’il appelle la signification objective de la norme, qui lui confèrerait sa juridicité et non sa signification subjective, laquelle se rapporte à son contenu.

La double structure du système juridique. Le raisonnement développé par Kelsen est pour le moins convaincant, à la nuance près, néanmoins, que le droit s’apparente aussi, comme le souligne Michel Troper, à un système statique[74]. Si l’on considère, comme le démontre cet auteur, que la norme, en tant que signification, ne se confond pas avec l’énoncé qui la pose – distinction que n’opère pas Kelsen – alors il doit être admis que, en plus de la signification objective que l’interprète attribuera à la norme, de par l’habilitation dont il est investi, il lui conférera également une signification subjective, son contenu ne devant, en aucune manière, entrer en contradiction avec celui des normes supérieures. Dans la mesure où dans les systèmes juridiques, les règles qui les composent tirent leur validité, tant de leur conformité formelle, que matérielle aux normes supérieures, le droit constitue à la fois un système dynamique et statique. Cela permet, dès lors, de le distinguer de tous les autres systèmes normatifs qualifiés, tantôt de statiques, tantôt de dynamiques, mais jamais les deux à la fois.

[1] H. Kelsen, op. cit. note n° 203, p. 16.

[2] Ibid., p. 14.

[3] Kelsen affirme en ce sens « dire qu’une norme se rapportant à la conduite d’êtres humains est valable, c’est affirmer qu’elle est obligatoire » (Ibid., p. 193).

[4] V. en ce sens, M. Troper, « Ross, Kelsen et la validité », Droit et société, 2 002/1, n° 50, pp. 43-57.

[5] M. Troper, Philosophie du droit, op. cit. note 253, p. 40.

[6] Pour une critique de l’existence d’une norme fondamentale, dite, en allemand, « grundnorm », V. la pensée de Hebert Hart (H. L. A. Hart, Le concept de droit, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, 2006, pp. 113-116) et de Norbert Bobbio (N. Bobbio, Teoria generale del diritto, Torino, 1993, p. 193). Grosso modo, pour ces auteurs, avec le postulat de la norme fondamentale, Kelsen sortirait du positivisme juridique pour embrasser la pensée jusnaturaliste. Ross qualifiera d’ailleurs Kelsen de « pseudo-positiviste » (A. Ross, « Le pseudo-positivisme de Kelsen », in C. Grzegorczyk, F. Michaut et M. troper (dir.), op. cit. note 207, p. 204 ; « Validity and the Conflict between Legal Positivism and Natural Law », Revista jurídica de Buenos Aires, IV, 1961 (46-93), p. 80.). Plus encore, P. Amselek, n’hésite pas à affirmer que « l’irréalité culmine, assurément, avec la « norme fondamentale supposée » imaginée par le maître autrichien et que je serais tenté de tenir pour la coquecigrue la plus fameuse de toute la littérature philosophico- juridique » (P. Amselek, « Une fausse idée claire : la hiérarchie des normes juridiques », Revue de la Recherche Juridique, 2007-2, p. 566. Pour une défense des idées de Kelsen, V. notamment les écrits de Michel Troper qui soutient que Kelsen ne suppose pas qu’il existe dans l’ordre juridique positif une norme fondamentale. Le penser relève, selon Michel Troper, d’une mauvaise compréhension de la thèse kelsenienne. Pour ce dernier, Kelsen « affirme simplement que nous avons absolument besoin de recourir à la fiction d’une norme fondamentale si l’on veut pouvoir considérer la Constitution comme une norme juridique » (M. Troper, « La pyramide est toujours debout », RDP, 1978, p. 1526). Kelsen ne recourait, par conséquent, nullement à une norme de nature transcendantale, comme tendent à le lui reprocher certains auteurs, pour fonder l’ordre juridique.

[7] C. Thibierge, « Le droit souple : réflexion sur les textures du droit », RTD Civ., 2003, pp. 599 et s.

[8] A. Lalande, op. cit. note 195, p. 691.

[9] Ainsi, pour Paul Orianne « le cas des règles supplétives constitue l’objection la plus répandue au caractère obligatoire de la norme juridique » (P. Orianne, Introduction au système juridique, Bruylant, Bruxelles, 1982, p. 42). D’emblée, cette thèse doit cependant être écartée. Comme le fait très justement remarquer Denys de Béchillon, les règles supplétives qui, en ce qu’elles s’appliquent en cas de volonté contraire, sont « une fausse exception […]. Tout au plus, leur entrée en scène dépend-elle de la survenance d’un évènement […]. Mais pour le reste, elles s’imposent de la même manière que les autres » (D. de Béchillon, op. cit. note 114, p. 178).

[10] Là encore, l’existence de pareille hypothèse évoquée, par exemple, par Pascale Deumier (P. Deumier, op. cit. note 197, n° 29, p. 36) doit être contestée. Si, en effet, l’on adhère à l’idée qu’une norme est une signification, alors doivent être distingués les textes légaux de leur signification normative. En d’autres termes, ce n’est pas parce qu’un texte a été adopté par le législateur ou l’autorité réglementaire, qu’il est nécessairement porteur de norme. Il le sera si, et seulement si, il se voit conférer une signification normative. Dans le cas contraire, il n’est qu’un texte parmi tant d’autres, certes hypothétiquement porteur d’une norme, mais qui, tant qu’il n’a pas été interprété par une autorité compétente, demeure inactivée. Aussi, cela n’a que peu de sens de dire d’un texte légal ou réglementaire qu’il est obligatoire. Ce qui est obligatoire, ce n’est pas le texte en lui-même, mais la norme qu’il est susceptible de véhiculer. D’où l’affirmation qu’il n’existe pas d’hypothèses où une norme ne serait pas obligatoire.

[11] F. Ost et M. Van de Kerchove, De la pyramide au réseau : pour une théorie dialectique du droit, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, 2010, p. 313.

[12] Pour André Lalande, par exemple, « une norme n’est pas nécessairement un commandement » (A. Lalande, op. cit. note 195). V. également J.-B. Aubry, « Prescription juridique et production juridique », RD publ., 1988. 673, not. p. 677 ; P. Amselek, « La phénoménologie et le droit », APD, T. XVII, 1972, pp. 243 et s.

[13] P. Amselek, « Norme et loi », art. cit. note 201, p. 101.

[14] C. Thibierge, « Le droit souple : réflexion sur les textures du droit », art. cit. note 301.

[15] V. en ce sens les travaux de Catherine Thibierge qui, dans le concept de « droit souple », englobe le « droit flou » (imprécis), le « droit mou » (non sanctionné) et le « droit doux » (non-obligatoire) (C. Thibierge, art. préc.). Les auteurs ont également pu parler de « flexible droit » (J. Carbonnier, Flexible droit, pour une sociologie du droit sans rigueur, LGDJ, 1969) ou de « droit à l’état gazeux » (Rapport du Conseil d’État 1991, De la sécurité juridique, La documentation française, 1992).

[16] Pour une étude approfondie du concept de soft law et ses rapports avec le droit V. notamment M. Delmas-Marty, Le flou du droit, PUF, coll. « Quadrige », 2004 ; P. Amselek, « L’évolution générale de la technique juridique dans les sociétés occidentales », Revue du Droit Public, 1982, pp. 275-294 ; J. Chevallier, « Vers un droit postmoderne », in J. Clam et G. Martin (dir.), Les transformations de la régulation juridique, LGDJ, coll. « Droit et société », Recherches et travaux, vol. 5, 1998 ; P. Deumier, Le droit spontané, Economica, 2002 ; F. Osman, « Avis, directives, codes de bonne conduite, recommandations, déontologie, éthique, etc. : réflexion sur la dégradation des sources privées du droit », RTD civ. 1995.509 ; N. Descot, « Les règles de droit civil non sanctionnées », Revue de la recherche juridique, Droit prospectif, 2008/3, pp. 1299-1321.

[17] C. Thibierge, art. préc.

[18] D. de Béchillon, Qu’est-ce qu’une règle de droit, op. cit. note 114, p. 192.

[19] Ibid.

[20] Sur la question de la distinction entre l’impératif hypothétique et l’impératif catégorique V. notamment É. Gaziaux, L’autonomie en morale : au croisement de la philosophie et de la théologie, Peeters Publishers, 1998, pp. 39-42.

[21] Rappelons-nous Kelsen lequel enseigne que la norme prend la forme : « si A est, alors B doit être ».

[22] V. infra, n° 204.

[23] V. en ce sens G. Timsit, « Pour une nouvelle définition de la norme », Dalloz, 1988, Chron., pp. 267 et s.

[24] Selon Catherine Thibierge, l’intérêt du concept de « force normative » réside, entre autres, dans le fait qu’il « permettrait de mettre en mots, en idées et en liens, de manière à la fois unifiante et complexe, des données empiriques que tous les juristes peuvent observer : les manifestations multiples de la force des normes. Non seulement des normes juridiques obligatoires et contraignantes, mais aussi des normes juridiques qui, sans être dotées d’une force juridique obligatoire ab initio, n’en sont pas moins revêtues d’une certaine force, au sens d’une capacité à fournir référence, c’est-à-dire à modeler les comportements, à réguler l’action, à guider l’interprétation des juges, à orienter la création du droit par le législateur, voire à inspirer la pensée de la doctrine et, plus largement encore, les représentations sociales du droit » (C. Thibierge (dir.) et alii, La force normative. Naissance d’un concept, LGDJ-Bruylant, 2009, pp. 817-818.

[25] C. Thibierge, art. préc.

[26] D. de Béchillon, op. cit. note 114, p. 196.

[27] De l’aveu-même de Catherine Thibierge, « les risques […] semblent nombreux et profonds : risque d’insécurité juridique et d’imprévisibilité dus aux pouvoirs accrus qu’il confère non seulement au juge mais aussi aux acteurs, à ses destinataires ; risque de remise en cause de la souveraineté étatique […], risque de privatisation de la règle de droit et d’instrumentalisation par un néolibéralisme débridé, risque de favoriser un discours auto-légitimant ; risque de dilution du droit et de perte des frontières nettes que fournissait l’ancien critère […] » (C. Thibierge, art. préc.).

[28] V. supra, n° 158-159.

[29] Une réponse du Ministère des droits des femmes a néanmoins été publiée dans le JO Sénat du 31 janvier 2013, où il est indiqué que « cette ordonnance est incompatible avec les principes d’égalité entre les femmes et les hommes qui sont inscrits dans la Constitution et les engagements européens de la France, notamment le Préambule de la Constitution de 1946, l’article 1er de la Constitution et la Convention européenne des droits de l’homme ». Cela n’est cependant qu’une simple réponse ministérielle. Bien que le contraire ait pu être affirmé dans la presse, une telle réponse ne saurait valoir abrogation du texte normatif concerné.

[30] « Ordre », in A.-J. Arnaud (dir.), Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, Paris, LGDJ, 1988, p. 416.

[31] J. Chevallier, « L’ordre juridique », in Le droit en procès, CURAPP, PU.F, 1983, Paris, p. 7. Sur la notion d’ordre juridique V. également, S. Romano, L’ordre juridique, Dalloz, 2002, 174 p. ; G. Héraud, L’Ordre juridique et le pouvoir originaire, Paris, Recueil Sirey, 1946 ; A. Levi, La société et l’ordre juridique, Octave Doin, 1911 ; J. Dabin, La philosophie de l’ordre juridique positif : spécialement dans les rapports de droit privé, Librairie du Recueil Sirey, 1929 ;

[32] Sur l’appréhension du droit comme système V. notamment, M. Troper, « Système juridique et État », APD, T. 31, 1986 ; G. Timsit, Thèmes et systèmes de droit, PUF, Les voies du droit, 1986 ; N. Luhman, « L’unité du système juridique », APD, T. 31, 1986 ; F. Ost et M. Van de Kerchove, L’ordre juridique entre ordre et désordre, Paris, PUF, 1988 ; F. Ost, « Entre ordre et désordre: le jeu du droit. Discussion du paradigme autopoiétique appliqué au droit », APD, 1986, T. 31 ; A.-J. Arnaud et Maria José Farinas Dulce, Introduction à l’analyse sociologique des systèmes juridiques, Bruylant, Bruxelles, 1998.

[33] P. Deumier, op. cit. note 197, n° 127, p. 129.

[34] H. Kelsen, Théorie pure du droit, op. cit. note 203, p. 32.

[35] Sur la question des conditions d’existence des systèmes normatifs V. notamment F. Ost et M. Van de Kerchove, op. préc., pp. 245 et s.

[36] V. en ce sens J. Carbonnier, Sociologie juridique, op. cit. note 255, p. 315 ; D. de Béchillon, Qu’est-ce qu’une règle de droit, op. cit. note 114, p. 259, H. L. A. Hart, op. cit. note 293, pp. 203 et s. ; G. Hegel, le droit, la morale et la politique, PUF, coll. « Grands textes », 1977 ; G. Kalinowski, Le Problème de la vérité en morale et en droit, Vitte, 1967.

[37] D. de Béchillon, op. cit. note 114, p. 3.

[38] P. Deumier, op. cit. note 197, p. 15.

[39] V. supra, n° 162 et s.

[40] Pour une étude approfondie de la relation entre le droit et la sanction V. Notamment Ph. Jestaz, « La sanction ou l’inconnue du droit », in Droit et pouvoir, T. I, La validité, Bruxelles, Story-Scientia, 1987, pp. 253 et s. ; La sanction : Colloque du 27 novembre 2003 à l’Université Jean Moulin Lyon 3, L’Harmattan, 2007 ; C.-A. Morand, « Sanction », in APD, T. 35, 1990, pp. 293-312 ; A.-J. Arnaud et alii, Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, LGDJ, 2e éd., 1993, p. 536 ; P. Roubier, Théorie générale du droit. Histoire des doctrines juridiques et philosophie des valeurs sociales, Dalloz, coll. « Bibliothèque Dalloz », 2005, n° 5, p. 32 et s. ; G. Ripert, Les forces créatrices du droit, Paris, LGDJ, coll. « Reprint », 1998, p. 77 et s ; H. Motulski, Principes d’une réalisation méthodique du droit privé, Dalloz, 2002

[41] R. von Jhering, L’évolution du droit, trad. O. de Meulenaère, Paris, Chevalier-Marescq, 1901, p. 216 cité in C.-A. Morant, art. préc., p. 295.

[42] X. Labbée, Les critères de la norme juridique, Septentrion, 1998, p. 12.

[43] H. Roland et L. Boyez, Introduction au droit, Litec, coll. « Traités », 2003, p. 31.

[44] F. Gény, Droit privé positif, T. 1, Sirey, 1913, p. 47.

[45] Ainsi le Doyen Carbonnier considérait-il le droit pénal comme le droit qui « communique la force à tout le système juridique », d’où il s’ensuit, la conception que le critère du droit serait la sanction (J. Carbonnier, Sociologie juridique, op. cit. note 255, p. 325). Dans le même ordre d’idée, pour Roubier « le caractère coercitif de la règle de droit se déduit très logiquement du fait qu’elle est une règle de discipline des intérêts à l’intérieur d’une société : elle délimite les sphères de pouvoir de chacun vis-à-vis d’autrui et la conséquence est que l’un empiète sur la sphère de pouvoir de l’autre, ce dernier doit pouvoir le repousser ». C’est la raison pour laquelle selon lui « la possibilité d’une sanction judiciaire fait partie intégrante de la règle de droit » (P. Roubier, op. préc., n° 5).

[46] Si, jusqu’à la première moitié du XXe siècle, l’idée que la sanction serait le critère de la règle de droit n’a jamais vraiment été contestée, les choses ont radicalement changées, comme le fait observer Charles-Albert Morand, après la seconde guerre mondiale (Ch.-A. Morand, art. préc., p. 296), à une période de « crise de la loi » (F. Terré, « La crise de la loi », APD, T. 25, 1980, pp. 18 et S.). C’est notamment Herbert Hart qui lança les hostilités, affirmant qu’« il existe des catégories importantes de règles de droit pour lesquelles cette analogie avec des ordres appuyés de menaces fait entièrement défaut, étant donné qu’elles remplissent une fonction sociale tout à fait différentes ». Il prend alors l’exemple du testament. Selon lui, les règles qui régissent cet acte juridique « n’imposent pas des devoirs ou des obligations. Elles procurent plutôt aux individus les moyens de réaliser leurs intentions, en leur conférant le pouvoir juridique de créer, par le biais de procédures déterminées et moyennant certaines conditions, des structures de drois et de devoirs dans les limites de l’appareil coercitif du droit » (H.L.A. Hart, op. cit. note 293, pp. 46-47). V. également en ce sens M. Virally, La pensée juridique, LGDJ, 1961, pp. 68 et s.

[47] Ch. Larroumet, Introduction à l’étude du droit privé, Economica, T. I, 2006, p. 25.

[48] Article 24 de la Constitution.

[49] Article 9 de la Constitution.

[50] D. de Béchillon, op. cit. note 114, p. 70.

[51] Sur le concept d’internormativité V. notamment, J.-G. Belley (dir.), Le droit soluble. Contributions québécoises à l’étude de l’internormativité, LGDJ, coll. « Droit et Société », Paris, 1996 ; M. Delmas-Marty, Les forces imaginantes du droit : Le relatif et l’universel, Seuil, coll. « La couleur des idées », 2004 ; J. Carbonnier, Essais sur les lois, Répertoire du notariat Defrenois, 1979, pp. 251-270.

[52] N. Rouland, « Penser le droit », Droits, n° 10, Définir le droit, 1990, p. 79

[53] J. Carbonnier, Sociologie juridique, op.cit. note 255, p. 317.

[54] Pour Guy Rocher deux sens peuvent être attribués au phénomène d’internormativité. Le premier « fait référence au transfert ou passage d’une norme ou d’une règle, d’un système à un autre ». Quant au second sens il « fait référence à la dynamique des contacts entre systèmes normatifs, aux rapports de pouvoir et aux modalités d’interinfluence ou d’interaction qui peuvent être observées entre deux ou plusieurs systèmes normatifs » (G. Rocher, « Les phénomènes d’internormativité : faits et obstacles » in J.-G. Belley (dir.), op. préc., pp. 27-28). De son côté Jean Guy Belley conçoit l’internormativité « comme un phénomène de conjonction de deux normativités plutôt que de remplacement de l’une par l’autre ou d’existence séparée dans des sphères séparées » (J.-G. Belley, « Le contrat comme phénomène d’internormativité », in J.-G. Belley (dir.), op. préc., p. 196).

[55] Sur cette question de la définition du droit par sa finalité V. notamment les très denses travaux de Michel Villey, pour qui, s’appuyant sur les écrits philosophiques d’Aristote, la définition du droit est étroitement liée à sa finalité laquelle ne serait autre que la justice. Cet auteur part du constat suivant : « rien de plus banal que d’assigner au métier du droit pour fin la justice » (M. Villey, Philosophie du droit. Définitions et fins du droit. Les moyens du droit, Dalloz, coll. « Bibliothèque Dalloz, 2001, pp. 39 et s).

[56] N. Rouland, Aux confins du droit, Odile Jacob, coll. « Histoire et document », 1991, p. 138.

[57] P. Amselek, « Le droit technique de direction publique des conduites humaines », Droits, n° 10-1, Définir le droit, 1990, p. 7.

[58] J. Ghestin et G. Goubeaux, Traité de droit civil. Introduction générale. LGDJ, 1977, n° 30, p. 22

[59] Ch. Larroumet, op. préc., pp. 29-30.

[60] S. Romano, L’ordre juridique, Dalloz, 2002, P. VII

[61] J. Chevalier, « L’ordre juridique », in Le droit en procès, PUF, CURAPP, 1984, p. 35.

[62] N. Rouland, op. préc., p. 39

[63] F. Hayek, Droit, législation et liberté, op. cit. note 129, p. 187

[64] Ibid., p. 190-191.

[65] V. supra, n° 167-168.

[66] J. Carbonnier, « Il y a plus d’une définition dans la maison du droit », Droits, n° 11, Définir le droit, 1990, p. 7.

[67] Ibid.

[68] H. Kelsen, Théorie pure du droit, op. cit. note 203, p. 18.

[69] Loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, JORF n° 0114 du 18 mai 2013 p. 8253.

[70] N. Bobbio, Teoria dell’ordinamento giuridico, torino, Giappichelli, 1960, §54, cité in C. Leben, « Ordre juridique », in Dictionnaire de la culture juridique, éd. PUF, p. 1115.

[71] H. Kelsen, op. cit. note 203, p. 195.

[72] Ibid., p. 197.

[73] Pour une conception radicalement différente du concept d’ordre juridique V. notamment Romano Santi pour qui, non seulement au sein d’un même État coexisteraient une multitude d’ordres juridiques, mais surtout, leur création tiendrait à la seule exigence de formation d’un corps social dans lequel existeraient des rapports de pouvoir entre les agents (S. Romano, op. préc., pp. 25 et s.).

[74] M. Troper, Pour une théorie juridique de l’État, op. cit. note 214, p. 173-176.