==> Contexte
Il est des situations qui imposent au créancier d’agir immédiatement, faute de temps pour obtenir un titre exécutoire, aux fins de se prémunir contre l’insolvabilité de son débiteur en assurant la sauvegarde de ses droits.
L’enjeu pour le créancier, est, en d’autres termes, de se ménager la possibilité d’engager une procédure d’exécution forcée à l’encontre de son débiteur, lorsqu’il aura obtenu, parfois après plusieurs années, un titre exécutoire à l’issue d’une procédure au fond ou en référé.
Afin de répondre à la situation d’urgence dans laquelle est susceptible de se trouver un créancier, la loi lui confère la possibilité de solliciter, du Juge de l’exécution, ce que l’on appelle des mesures conservatoires.
L’article L. 511-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose en ce sens que « toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement. »
Afin d’assurer la sauvegarde de ses droits, le créancier peut solliciter du Juge deux sortes de mesures conservatoires au nombre desquelles figurent :
- La saisie conservatoire
- Elle vise à rendre indisponible un bien ou une créance dans le patrimoine du débiteur
- La sûreté judiciaire
- Elle vise à conférer au créancier un droit sur la valeur du bien ou de la créance grevée
Parce que les mesures conservatoires peuvent être prises sans que le créancier justifie d’un titre exécutoire, à tout le moins d’une décision passée en force de chose jugée, les conditions d’application de ces mesures ont été envisagées plus restrictivement que celles qui encadrent les mesures d’exécution forcée.
==> Notion de sûreté
Une sûreté est une garantie accordée à un créancier contre le risque d’insolvabilité de son débiteur.
Classiquement, on distingue les sûretés réelles, des sûretés personnelles.
- La sûreté personnelle
- Elle est l’engagement pris envers le créancier par un tiers non tenu à la dette.
- Autrement dit, consiste en l’adjonction au rapport d’obligation principal existant d’un rapport d’obligation accessoire qui confère au créancier un droit de gage général sur le patrimoine du garant en cas de défaillance du débiteur initial
- Conformément à l’article 2287-1 du Code civil, au nombre des sûretés personnelles figurent :
- Le cautionnement
- La garantie autonome
- La lettre d’intention
- La sûreté réelle
- Elle consiste en l’affectation d’un bien au paiement préférentiel du créancier.
- Elle se caractérise ainsi par l’affectation spéciale et prioritaire d’un ou plusieurs éléments d’actif du débiteur en garantie de l’obligation souscrite
- Parmi les sûretés réelles on distingue les sûretés réelles immobilières des sûretés réelles mobilières
- Les sûretés réelles immobilières
- Enumérées à l’article 2373 du Code civil, il s’agit :
- Du privilège
- Du gage immobilier
- De l’hypothèque.
- Enumérées à l’article 2373 du Code civil, il s’agit :
- Les sûretés réelles mobilières
- Enumérées à l’article 2329 du Code civil, il s’agit :
- Des privilèges mobiliers
- Du gage de meubles corporels
- Du nantissement de meubles incorporels
- De La propriété retenue ou cédée à titre de garantie
- Enumérées à l’article 2329 du Code civil, il s’agit :
- Les sûretés réelles immobilières
Parmi les sûretés réelles, figurent donc ce que l’on appelle les privilèges.
L’article 2324 du Code civil définit le privilège comme le « droit que la qualité de la créance donne à un créancier d’être préféré aux autres créanciers, même hypothécaires. »
Le privilège est une sûreté légale en ce sens que pas de privilège sans texte. Il est accordé en considération de la qualité de la créance.
Les privilèges se classent en deux catégories :
- Les privilèges généraux: ils portent sur l’ensemble des biens meubles et immeubles du débiteur
- Les privilèges spéciaux: ils portent sur certains biens meubles ou immeubles du débiteur
==> Sûretés conventionnelles, légales et judiciaires
Les sûretés ne se distinguent pas seulement par leur objet, elles se différencient également selon leur source :
- Une sûreté est dite conventionnelle lorsqu’elle est librement stipulée par les parties à un contrat
- Une sûreté est dite légale lorsque la loi subordonne l’exercice d’un droit à sa constitution
- Une sûreté est dite judiciaire lorsque, soit sa constitution résulte de la décision d’un juge, soit sa mise en œuvre est soumise au contrôle du juge
S’agissant des sûretés dites judiciaires, il convient de ne pas confondre les sûretés résultant d’un jugement de condamnation, de celles constituées à titre conservatoire.
- S’agissant des sûretés résultant d’un jugement de condamnation, elles sont, en réalité, d’origine légale, en ce sens que c’est la loi qui assortit de plein droit la décision du juge d’une sûreté
- S’agissant des sûretés constituées à titre conservatoire, leur constitution procède d’une appréciation souveraine du Juge indépendamment de l’effet que la loi attache à sa décision
Manifestement, le régime juridique de ces deux sortes de sûretés diffère fondamentalement dans la mesure où les sûretés constituées à titre conservatoire font l’objet d’une publicité provisoire, ce qui n’est pas le cas des sûretés résultant d’un jugement de condamnation.
Il convient, enfin, d’observer, s’agissant des sûretés judiciaires, qu’elles ne résultent pas toutes de la décision d’un juge.
Elles peuvent également être constituées par un créancier dispensé d’obtenir l’autorisation d’un juge, car détenant un titre exécutoire. On qualifie ces sûretés de judiciaires, car leur mise en œuvre demeure soumise au contrôle du Juge qui, à tout moment, peut prononcer la mainlevée de la mesure conservatoire s’il estime que les conditions requises ne sont pas réunies.
==> Domaine des sûretés judiciaires
L’article L. 531-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que, une sûreté judiciaire peut être constituée à titre conservatoire sur :
- Les immeubles
- Les fonds de commerce
- Les actions, parts sociales et valeurs mobilières.
Il convient d’observer que la sûreté judiciaire peut être constituée sur un bien frappé d’indisponibilité telle qu’une créance faisait l’objet d’une saisie conservatoire.
==> Conditions de constitution des sûretés judiciaires
- Les conditions de fond
- L’article L. 511-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que « toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.»
- Il ressort de cette disposition que l’inscription d’une sûreté judiciaire est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives :
- Une créance paraissant fondée dans son principe
- Des circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement
- Les conditions procédurales
- Le principe
- Dans la mesure où des mesures conservatoires peuvent être prises, alors même que le créancier n’est en possession d’aucun titre exécutoire, le législateur a subordonné leur adoption à l’autorisation du juge ( L.511-1 du CPCE).
- S’agissant des sûretés judiciaires, l’article R. 531-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que « sur présentation de l’autorisation du juge ou du titre en vertu duquel la loi permet qu’une mesure conservatoire soit pratiquée, une sûreté peut être prise sur un immeuble, un fonds de commerce, des parts sociales ou des valeurs mobilières appartenant au débiteur.»
- L’article L. 511-3 du Code des procédures civiles d’exécution désigne le Juge de l’exécution comme disposant de la compétence de principe pour connaître des demandes d’autorisation.
- La saisine du Juge de l’exécution peut être effectuée, tant avant tout procès, qu’en cours d’instance.
- La compétence du Juge de l’exécution n’est, toutefois, pas exclusive
- Il peut, à certaines conditions, être concurrencé par le Président du Tribunal de commerce.
- Les exceptions
- Par exception, l’article L. 511-2 du CPCE prévoit que, dans un certain nombre de cas, le créancier est dispensé de solliciter l’autorisation du Juge pour pratiquer une mesure conservatoire.
- Les cas visés par cette disposition sont au nombre de quatre :
- Le créancier est en possession d’un titre exécutoire
- Le créancier est en possession d’une décision de justice qui n’a pas encore force exécutoire
- Le créancier est porteur d’une lettre de change acceptée, d’un billet à ordre ou d’un chèque
- Le créancier est titulaire d’une créance de loyer impayé
- Le principe
==> Mise en œuvre de la constitution des sûretés judiciaires
La mise en œuvre de la constitution d’une sûreté judiciaire comporte deux phases :
- La phase de publicité provisoire de la sûreté
- La phase de publicité définitive de la sûreté
I) La publicité provisoire des sûretés judiciaires
A) Les formalités de publicité
Les formalités de publicité provisoire diffèrent d’une sûreté à l’autre.
==> L’inscription provisoire d’une hypothèse
L’article R. 532-1 du CPCE prévoit que l’inscription provisoire d’hypothèque est opérée par le dépôt au service de la publicité foncière de deux bordereaux dans les conditions prévues par l’article 2428 du code civil.
A cet égard, en application de cette dernière disposition, le créancier doit présenter au service chargé de la publicité foncière :
- L’original, une expédition authentique ou un extrait littéral de la décision judiciaire donnant naissance à l’hypothèque, lorsque celle-ci résulte des dispositions de l’article 2123 ;
- L’autorisation du juge, la décision judiciaire ou le titre pour les sûretés judiciaires conservatoires.
Chacun des bordereaux doit contenir exclusivement les informations suivantes :
- La désignation du créancier, l’élection de domicile et la désignation du débiteur, conformément aux dispositions des 1° et 2° du troisième alinéa de l’article 2428 du C. civ. ;
- L’indication de l’autorisation ou du titre en vertu duquel l’inscription est requise ;
- L’indication du capital de la créance et de ses accessoires ;
- La désignation, conformément aux premier et troisième alinéas de l’article 7 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, de l’immeuble sur lequel l’inscription est requise.
Le dépôt est refusé :
- A défaut de présentation du titre générateur de la sûreté pour les hypothèques et sûretés judiciaires ;
- A défaut de la mention visée de la certification de l’identité des parties prescrite par les articles 5 et 6 du décret du 4 janvier 1955, ou si les immeubles ne sont pas individuellement désignés, avec indication de la commune où ils sont situés.
La formalité est également rejetée :
- D’une part, lorsque les bordereaux comportent un montant de créance garantie supérieur à celui figurant dans le titre pour les hypothèques et sûretés judiciaires
- D’autre part, si le requérant ne substitue pas un nouveau bordereau sur formule réglementaire au bordereau irrégulier en la forme.
==> Le nantissement provisoire d’un fonds de commerce
L’article R. 532-2 du CPCE prévoit que l’inscription provisoire de nantissement sur un fonds de commerce est opérée par le dépôt au greffe du tribunal de commerce de deux bordereaux sur papier libre contenant :
- La désignation du créancier, son élection de domicile dans le ressort du tribunal de commerce où se trouve situé le fonds et la désignation du débiteur ;
- L’indication de l’autorisation ou du titre en vertu duquel l’inscription est requise ;
- L’indication du capital de la créance et de ses accessoires.
==> Le nantissement de parts sociales
L’article R. 532-3 du CPCE prévoit que le nantissement de parts sociales est opéré par la signification à la société d’un acte contenant :
- La désignation du créancier et celle du débiteur ;
- L’indication de l’autorisation ou du titre en vertu duquel la sûreté est requise ;
- L’indication du capital de la créance et de ses accessoires.
Dans l’hypothèse où il s’agit d’une société civile immatriculée, l’acte de nantissement est publié au registre du commerce et des sociétés.
Par principe, le nantissement a pour effet de grever l’ensemble des parts à moins qu’il ne soit autrement précisé dans l’acte.
==> Le nantissement de valeurs mobilières
L’article R. 532-4 du CPCE prévoit que le nantissement des valeurs mobilières est opéré par la signification d’une déclaration à l’une des personnes mentionnées aux articles R. 232-1 à R. 232-4 selon le cas.
Cette déclaration doit contenir :
- La désignation du créancier et du débiteur ;
- L’indication de l’autorisation ou du titre en vertu duquel la sûreté est requise ;
- L’indication du capital de la créance et de ses accessoires.
Le nantissement grève alors l’ensemble des valeurs mobilières à moins qu’il ne soit autrement précisé dans l’acte.
B) L’information du débiteur
En application de l’article R. 532-5 du CPCE, quelle que soit la nature de la sûreté prise, le créancier doit, à peine de caducité de la mesure, en informer le débiteur par acte d’huissier huit jours au plus tard après le dépôt des bordereaux d’inscription ou la signification du nantissement
Cet acte de dénonciation doit contenir, à peine de nullité :
- Une copie de l’ordonnance du juge ou du titre en vertu duquel la sûreté a été prise
- La copie de la requête doit être annexée à l’acte en application de l’article 495 du code de procédure civile qui prévoit que « la copie de la requête et de l’ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée»
- Toutefois, s’il s’agit d’une créance de l’État, des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics, il n’est fait mention que de la date, de la nature du titre et du montant de la dette ;
- L’indication, en caractères très apparents, que le débiteur peut demander la mainlevée de la sûreté comme il est dit à l’article R. 512-1 du CPCE
- La reproduction :
- Des dispositions de l’article R. 511-1 à R. 512-3 du CPCE relatives aux conditions de validité des mesures conservatoires
- Des dispositions de l’article R. 532-6 du CPCE concernant la mainlevée de la publicité provisoire.
C) Diligences complémentaires en l’absence de titre exécutoire
==> Obtention d’un titre exécutoire
L’article R. 511-7 du CPCE prévoit que si ce n’est dans le cas où la mesure conservatoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier, dans le mois qui suit l’exécution de la mesure, à peine de caducité, introduit une procédure ou accomplit les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire.
Ainsi, si le créancier ne possède pas de titre exécutoire lors la réalisation de la mesure conservatoire, il lui appartient d’entreprendre toutes les démarches utiles aux fins d’en obtenir un.
La formule « accomplir les formalités nécessaires » vise le cas où un jugement a déjà été rendu mais n’a pas encore le caractère exécutoire.
Il suffira alors d’attendre l’écoulement du délai de la voie de recours suspensive et de solliciter un certificat de non-appel.
La formule vise encore toutes les procédures précontentieuses préalables, mais obligatoires, aux fins d’obtenir un titre exécutoire.
En tout état de cause, le créancier dispose, pour ce faire, d’un délai d’un mois.
La procédure sera réputée engagée, dès lors que l’acte introductif d’instance aura été signifié avant l’expiration de ce délai d’un mois
L’examen de la jurisprudence révèle qu’il est indifférent que la procédure engagée soit introduite au fond ou en référé
Dans un arrêt remarqué du 3 avril 2003, la Cour de cassation a encore considéré qu’en délivrant une assignation, même devant une juridiction incompétente, dans le délai d’un mois, le créancier satisfait à l’exigence de l’article R. 511-7 du CPCE (Cass. 2e civ. 3 avr. 2003).
Cette incompétence ne constituera, en conséquence, pas un obstacle à la délivrance d’une nouvelle assignation au-delà du délai d’un mois, dès lors que l’action se poursuit et que le lien d’instance entre les parties n’a jamais été interrompu
==> La dénonciation aux tiers
L’article R. 511-8 du CPCE dispose que lorsque la mesure est pratiquée entre les mains d’un tiers, le créancier signifie à ce dernier une copie des actes attestant les diligences requises par l’article R. 511-7, dans un délai de huit jours à compter de leur date.
Cette hypothèse se rencontrera uniquement en matière de nantissement de parts sociales ou de valeurs mobilières.
En cas d’inobservation de ce délai de huit jours pour dénoncer la mesure conservatoire au tiers entre les mains duquel la mesure est pratiquée, elle est frappée de caducité.
Dans un arrêt du 30 janvier 2002, la Cour de cassation a néanmoins estimé que l’article R. 511-8 n’avait pas lieu de s’appliquer lorsque les diligences requises ont été effectuées avant la réalisation de la mesure conservatoire (Cass. 2e civ. 30 janv. 2002).
Tel sera notamment le cas lorsque le créancier a fait signifier une décision qui n’est pas encore passée en force de chose jugée et qu’il n’a pas reçu le certificat de non-appel sollicité auprès du greffe de la Cour.
Dans l’hypothèse où il ferait pratiquer une mesure conservatoire, il ne disposerait alors d’aucun acte à dénoncer au tiers entre les mains duquel la mesure est réalisée.
Dans un arrêt du 15 janvier 2009, la Cour de cassation a néanmoins précisé que, en cas de concomitance, de la réalisation de la mesure conservatoire et de l’accomplissement de diligences en vue de l’obtention d’un titre exécutoire, ces dernières doivent être dénoncées au tiers dans le délai de 8 jours, conformément à l’article R. 511-8 du CPCE (Cass. 2e civ. 15 janv. 2009).
D) Les effets de la publicité provisoire
==> Opposabilité aux tiers
Aux termes de l’article L. 532-1 du CPCE « les sûretés judiciaires deviennent opposables aux tiers du jour de l’accomplissement des formalités de publicité. »
Le rang initial résultant de la publicité provisoire sera maintenu si la publicité définitive est régulièrement effectuée.
==> Conservation de la sûreté
L’article R. 532-7 du CPCE prévoit que la publicité provisoire conserve la sûreté pendant trois ans dans la limite des sommes pour lesquelles elle a été opérée. Son renouvellement peut être effectué dans les mêmes formes et pour une durée égale.
Si le renouvellement n’est pas effectué dans le délai légal, la sûreté judiciaire devient caduque et donc rétroactivement anéantie : elle sera réputée n’avoir jamais été prise.
Dans un arrêt du 5 mai 1981, la Cour de cassation a jugé qu’une régularisation tardive d’une inscription provisoire d’hypothèque est impossible (Cass. 3e civ. 5 mai 1981, n° 79-17057).
==> Attribution du prix de vente du bien grevé avant l’accomplissement de la publicité définitive
L’article L. 531-2 du CPCE prévoit que les biens grevés d’une sûreté demeurent aliénables.
Si, dès lors, le bien est vendu avant l’accomplissement des formalités de publicité définitive, le créancier titulaire de la sûreté judiciaire provisoire jouit des mêmes droits que le titulaire d’une sûreté conventionnelle ou légale.
Toutefois, la part du prix qui lui revient dans la distribution est consignée en application de l’article R. 532-8, al. 1er du CPCE.
Cette part lui est remise s’il justifie avoir procédé à la publicité définitive dans le délai prévu. À défaut, elle revient aux créanciers en ordre de la recevoir ou au débiteur (Art. R. 532-8, al. 2 CPCE).
Par exception, en cas de vente de valeurs mobilières inscrites sur un compte tenu et géré par un intermédiaire habilité, le prix peut être utilisé pour acquérir d’autres valeurs qui sont alors subrogées aux valeurs vendues (Art. L. 531-2, al. 2 CPCE).
A cet égard, la Cour de cassation considère que les différents titres compris dans un portefeuille de valeurs mobilières ne s’analysent pas comme des biens indépendants, mais qu’ils sont un bien unique, car formant une universalité (Cass. civ. 1ère, 12 nov.1998, n° 96-18041).
Le réemploi n’est, néanmoins, pas obligatoire. En son absence, le prix de vente des valeurs mobilières sera consigné.
E) Recours du débiteur
Le débiteur a la possibilité d’obtenir :
- Soit la mainlevée de la publicité provisoire
- Soit le cantonnement des effets de la sûreté
- Soit la substitution de la sûreté
==> Sur la mainlevée
La mainlevée ordonnée par le juge a pour conséquence d’entraîner la radiation de l’inscription provisoire d’hypothèque ou de nantissement, celle-ci devenant rétroactivement sans effet.
Elle ne s’effectue pas de la même façon suivant les sûretés judiciaires :
- En cas d’hypothèque judiciaire conservatoire ou en cas de nantissement conservatoire de fonds de commerce, on opère une radiation de l’inscription provisoire.
- En cas de nantissement conservatoire de parts sociales ou en cas de nantissement conservatoire de valeurs mobilières, il n’y a rien à radier et par conséquent la décision de mainlevée suffit.
==> Sur le cantonnement des effets de la sûreté
Seul, le débiteur peut demander au juge de l’exécution de limiter les effets de la sûreté provisoire lorsque la valeur des biens grevés est manifestement supérieure au montant des sommes garanties (Art. R. 532-9 du CPCE).
Le débiteur doit justifier que les biens qui demeurent grevés, après prononcé de la limitation des effets de la sûreté provisoire, ont une valeur double du montant des sommes garanties.
La réduction sera possible uniquement si la sûreté grève plusieurs biens.
==> La substitution de la sûreté
Comme toutes les mesures conservatoires, le débiteur dispose de la faculté de demander le remplacement de la sûreté judiciaire qui grève un ou plusieurs de ses biens.
Cette faculté peut être intéressante pour le débiteur, car même si les biens grevés par des sûretés judiciaires ne sont pas indisponibles, il aura cependant plus de difficultés à céder de tels biens, et en tout état de cause la valeur qu’il en retirera sera moindre.
II) La publicité définitive des sûretés judiciaires
A) Délai
La publicité définitive doit être effectuée dans un délai de deux mois.
Le point de départ de ce délai est différent, selon que la procédure a été mise en œuvre après autorisation du juge de l’exécution ou avec un titre exécutoire (Art. R. 533-4 CPCE).
Ce délai est calculé comme le sont les délais de procédure, c’est-à-dire selon les dispositions des articles 640 et suivants du CPC.
En particulier, il expire le dernier jour du mois qui porte le même quantième que le jour de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir.
À défaut d’un quantième identique, il expire le dernier jour du mois (art. 641 CPC).
==> Procédure mise en œuvre après autorisation du juge de l’exécution
Le délai de deux mois pour procéder à la publicité définitive court du jour où le titre constatant les droits du créancier est passé en force de chose jugée.
À cet égard, il est rappelé qu’une décision rendue par une juridiction civile est considérée comme passée en force de chose jugée lorsque les voies de recours ordinaires (opposition et appel) sont épuisées.
==> Procédure mise en œuvre avec un titre exécutoire
II résulte de la combinaison de l’article R. 532-6 et de l’article R. 533-4 du CPCE que le délai de deux mois est décompté de la manière suivante :
- Délai minimum à respecter : la publicité définitive ne peut être effectuée avant l’expiration du délai d’un mois à compter de la signification de l’acte de dénonciation prévu à l’article R. 532-5 du CPCE destiné à informer le débiteur de la réalisation de la publicité provisoire ( R. 532-6 CPCE) ;
- Le point de départ du délai de deux mois est donc l’expiration du délai d’un mois
- Par conséquent, le délai maximum dont dispose un créancier muni d’un titre exécutoire pour procéder à la publicité définitive est de trois mois à compter de la notification de l’acte informant le débiteur de l’accomplissement de la publicité provisoire (Art. R. 532-5 CPCE).
Toutefois, lorsque le débiteur a demandé la mainlevée de la publicité provisoire, le délai de deux mois court du jour de la décision rejetant la contestation (Art. R. 533-4, al. 2 CPCE).
Si le titre n’était exécutoire qu’à titre provisoire, le délai a pour point de départ le jour où le titre est passé en force de chose jugée.
B) Procédure
Pour procéder à la publicité définitive de la sûreté conservatoire, le créancier doit démontrer que les conditions requises sont réunies, c’est-à-dire, dans le cas le plus fréquent, présenter son titre exécutoire en application du dernier alinéa de l’article R. 533-4 du CPCE.
II convient d’envisager deux situations.
1. Le bien objet de la sûreté n’a pas été vendu
==> Inscription d’hypothèque
L’article art. R. 533-2, al. 1 du CPCE prévoit que les formalités de publicité définitive de l’hypothèque judiciaire provisoire sont effectuées conformément à l’article 2428 du Code civil.
L’inscription provisoire prise par un créancier est confirmée par une inscription définitive, sans qu’il y ait lieu d’obtenir du juge une décision au fond, dans les deux mois de la décision passée en force de chose jugée rendant exécutoire la créance.
Sous réserve de l’appréciation des tribunaux, il y a lieu de considérer que ce délai de deux mois court à compter de la notification au redevable de la décision passée en force de chose jugée.
Il est calculé comme le sont les délais de procédure, selon les dispositions des articles 640 et suivants du Code de procédure civile.
Par ailleurs, en application du dernier alinéa de l’article R. 533-4 du CPCE le créancier doit présenter au responsable du service de la publicité foncière le document attestant du respect des conditions de délai qui lui sont imparties pour requérir l’inscription définitive.
Le défaut de production de cette pièce est sanctionné par le refus de dépôt, sans que le créancier ne puisse régulièrement s’y opposer.
En outre, l’inscription initiale devient caduque et sa radiation peut être demandée par l’intéressé au juge de l’exécution, en l’absence de confirmation de l’inscription dans le délai de deux mois.
En revanche, l’inscription définitive effectuée dans le délai rétroagit à la date de la formalité de l’inscription provisoire initiale dans la limite des sommes visées par cette dernière (Art. R. 533-1 CPCE).
L’inscription définitive conserve l’hypothèque judiciaire pendant dix ans.
==> Inscription de nantissement du fonds de commerce
L’article R. 533-2, al. 1er du CPCE prévoit que la publicité définitive du nantissement provisoire du fonds de commerce est opérée conformément à l’article L. 143-17 du code de commerce et à l’article 24 de la loi du 17 mars 1909 relative à la vente et au nantissement du fonds de commerce c’est-à-dire par le dépôt de deux bordereaux établis sur papier libre dans les mêmes formes que ceux utilisés pour requérir l’inscription provisoire, accompagnés d’un original ou d’une expédition du titre exécutoire.
==> Nantissement des parts sociales et valeurs mobilières
L’article R. 533-3, al. 1er du CPCPE prévoit que la publicité définitive du nantissement des parts sociales et valeurs mobilières est effectuée dans les mêmes formes que la publicité provisoire, c’est-à-dire par la signification d’un acte à la société ou d’une déclaration à l’une des personnes mentionnées aux articles R. 232-1, à R. 232-4 du CPCE.
S’il s’agit d’une société civile immatriculée, l’acte de nantissement devra être publié au registre du commerce et des sociétés.
Après accomplissement de cette formalité, le créancier peut, le cas échéant, demander l’agrément du nantissement.
2. La vente du bien objet de la sûreté est intervenue
Lorsque la vente du bien grevé est intervenue avant que le créancier ait été en mesure de procéder à la publicité définitive, cette dernière est remplacée par la signification du titre exécutoire à la personne chargée de la répartition du prix.
En application de l’article R. 533-5 du CPCE, cette signification doit intervenir dans le délai de deux mois prévu à l’article R. 533-4 du CPCE.
C) Effet
L’article R. 533-1 du CPCE prévoit que la publicité définitive donne rang à la sûreté à la date de la formalité initiale, dans la limite des sommes conservées par cette dernière.
L’inscription définitive se substitue alors rétroactivement à l’inscription provisoire.
II en résulte que l’ouverture d’une procédure collective ne met pas obstacle à la confirmation de la sûreté lorsque cette dernière a été publiée à titre conservatoire avant la cessation des paiements et le jugement déclaratif.
Cette position est conforme à la jurisprudence rendue par la Cour de cassation en matière d’hypothèque judiciaire provisoire (Cass. com. 17 novembre 1992, n° 90-22058).
L’article L. 632-1 du Code de commerce précise que la publicité définitive prise après la cessation des paiements est nulle, à moins que la publicité provisoire ne soit antérieure à la date de cessation des paiements.
L’inscription définitive de l’hypothèque judiciaire confère au créancier un droit de préférence et un droit de suite qui sont exercés dans les conditions prévues en matière d’hypothèque légale.
L’inscription conserve l’hypothèque judiciaire pendant dix ans. Pour conserver la garantie, le créancier doit procèder au renouvellement de l’inscription avant l’expiration de ce délai.
D) Conséquence du défaut de publicité définitive
À défaut de confirmation dans le délai prévu à l’article R. 533-4 du CPCE, la publicité provisoire est caduque (art. L. 533-1 et R. 533-6, al. 1 du CPCE). Elle cesse donc de produire effet et entraîne la radiation de l’inscription.
Lorsque l’inscription provisoire est devenue caduque car n’ayant pas été confirmée dans le délai prévu à l’article R. 533-4 du CPCE la demande de radiation est portée devant le juge de l’exécution.
L’article R. 533-6, al. 1er du CPCE prévoit encore que, en cas d’extinction de l’instance introduite par le créancier ou de rejet de sa demande, la demande de radiation est portée devant le juge saisi du fond ou, à défaut, devant le juge de l’exécution.
Lorsque le juge saisi du fond a statué sur la demande de mainlevée de la publicité provisoire, la radiation est effectuée sur présentation de la décision passée en force de chose jugée (Art. R. 533-6, al. 3 CPCE).
Les frais de radiation sont à la charge du créancier.
Enfin, si le bien grevé a été vendu, la part du prix revenant au créancier titulaire de la sûreté conservatoire, qui a normalement été consignée, est remise, selon le cas, aux créanciers en ordre de la recevoir ou au débiteur.
Si la publicité provisoire a été effectuée pour un nantissement de parts sociales ou de valeurs mobilières, il ne peut y avoir de radiation.
Faute de disposition particulière du décret visant cette hypothèse, il y a lieu de considérer que l’acte de nantissement ou la déclaration est devenue rétroactivement sans effet, ce que le juge de l’exécution constatera en prononçant la mainlevée de la mesure.