Le bail d’habitation : contenu du contrat – les interdits

Le contenu du contrat de bail est strictement réglementé. La loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 liste toute une série d’interdits relativement à la conclusion du contrat (1) et relativement au contenu du contrat (2).

1.- Interdictions relativement à la conclusion du contrat

La liste des pièces qui peuvent être demandées au candidat au bail sont définies par le décret n° 2015-1437 du 5 novembre 2015 fixant la liste des pièces justificatives pouvant être demandées au candidat à la location et à sa caution, décret pris en application de l’article 22-2 de la loi de 1989. Présenté autrement, voici ce qu’il est interdit de demander audit candidat au jour de la négociation du bail. Prévention de la discrimination oblige, les manquements à la loi sont punis d’une amende administrative, qui est prononcée par le préfet de département (au maximum 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale). Et l’article 22-2 de préciser 1.- que le montant de l’amende est proportionné à la gravité des faits constatés ; 2.- l’amende ne peut être prononcée plus d’un an à compter de la constatation des faits.

– Photographie d’identité, hormis celle de la pièce justificative d’identité

– Carte d’assuré social

– Copie de relevé de compte bancaire ou postal

– Attestation de bonne tenue de compte bancaire ou postal

– Attestation d’absence de crédit en cours

– Autorisation de prélèvement automatique

– Jugement de divorce

– Attestation du précédent bailleur indiquant que le locataire est à jour de ses loyers et charges, dès lors que le locataire peut présenter d’autres justificatifs

– Attestation de l’employeur dès lors qu’il peut être fourni le contrat de travail et les derniers bulletins de salaire

– Contrat de mariage

– Certificat de concubinage

– Chèque de réservation de logement

– Dossier médical personnel

– Extrait de casier judiciaire

– Remise sur un compte bloqué de biens, d’effets, de valeurs ou d’une somme d’argent correspondant à plus d’un mois de loyer en principal en l’absence du dépôt de garantie ou de la souscription de la garantie autonome prévue à l’article 2321 du code civil ;

– Production de plus de deux bilans pour les travailleurs indépendants ;

– Copie des informations contenues dans le fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers ou de l’information de la non-inscription à ce fichier ».

2.- Interdictions relativement au contenu du contrat

Aux termes de l’article 4 de la loi de 1989, toute une série de clauses sont réputées non écrites. Il importe peu qu’elles soient formellement stipulées au contrat. Matériellement, elles ne sauraient valablement fonder le bailleur à prier le juge du contrat qu’il ordonne l’exécution forcée des obligations qu’elles pourraient contenir. Il est donc d’un maigre intérêt de les discuter au jour de la conclusion du contrat. Au contraire, pareille attitude pourrait faire douter le bailleur ou son représentant et l’inciter à se raviser… En bref, le preneur peut signer les yeux fermés pour ainsi dire. Attention toutefois à la clause de prix et à la clause de destination (not). Dit autrement, il ne saurait jamais être obligé par une clause quelconque réputée non écrite par l’article 4 de la loi de 1989 peu important qu’il ait attesté avoir pris connaissance des conditions générales du contrat, qu’il ait écrit ses initiales sur chacune des pages et qu’il ait apposé sa signature.

Est réputée non écrite toute clause :

a) Qui oblige le locataire, en vue de la vente ou de la location du local loué, à laisser visiter celui-ci les jours fériés ou plus de deux heures les jours ouvrables ;

b) Par laquelle le locataire est obligé de souscrire une assurance auprès d’une compagnie choisie par le bailleur ;

c) Qui impose comme mode de paiement du loyer l’ordre de prélèvement automatique sur le compte courant du locataire ou la signature par avance de traites ou de billets à ordre ;

d) Par laquelle le locataire autorise le bailleur à prélever ou à faire prélever les loyers directement sur son salaire dans la limite cessible ;

e) Qui prévoit la responsabilité collective des locataires en cas de dégradation d’un élément commun de la chose louée ;

f) Par laquelle le locataire s’engage par avance à des remboursements sur la base d’une estimation faite unilatéralement par le bailleur au titre des réparations locatives ;

g) Qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat en cas d’inexécution des obligations du locataire pour un motif autre que le non-paiement du loyer, des charges, du dépôt de garantie, la non-souscription d’une assurance des risques locatifs ou le non-respect de l’obligation d’user paisiblement des locaux loués, résultant de troubles de voisinage constatés par une décision de justice passée en force de chose jugée ;

h) Qui autorise le bailleur à diminuer ou à supprimer, sans contrepartie équivalente, des prestations stipulées au contrat ;

i) Qui autorise le bailleur à percevoir des amendes ou des pénalités en cas d’infraction aux clauses d’un contrat de location ou d’un règlement intérieur à l’immeuble ;

j) Qui interdit au locataire l’exercice d’une activité politique, syndicale, associative ou confessionnelle ;

k) Qui impose au locataire la facturation de l’état des lieux de sortie dès lors que celui-ci n’est pas établi par un huissier de justice dans le cas prévu par l’article 3-2 ;

l) Qui prévoit le renouvellement du bail par tacite reconduction pour une durée inférieure à celle prévue à l’article 10 ;

m) Qui interdit au locataire de rechercher la responsabilité du bailleur ou qui exonère le bailleur de toute responsabilité ;

n) Qui interdit au locataire d’héberger des personnes ne vivant pas habituellement avec lui ;

o) Qui impose au locataire le versement, lors de l’entrée dans les lieux, de sommes d’argent en plus de celles prévues aux articles 5 et 22 ;

p) Qui fait supporter au locataire des frais de relance ou d’expédition de la quittance ainsi que les frais de procédure en plus des sommes versées au titre des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile ;

q) Qui prévoit que le locataire est automatiquement responsable des dégradations constatées dans le logement ;

r) Qui interdit au locataire de demander une indemnité au bailleur lorsque ce dernier réalise des travaux d’une durée supérieure à vingt et un jours ;

s) Qui permet au bailleur d’obtenir la résiliation de plein droit du bail au moyen d’une simple ordonnance de référé insusceptible d’appel ;

t) Qui impose au locataire, en surplus du paiement du loyer pour occupation du logement, de souscrire un contrat pour la location d’équipements.

Une question demeure : cette liste est-elle exhaustive ? Le législateur ne l’indique pas. Une réponse négative semble devoir être donnée : ordre public de protection oblige. Sur cette pente, il peut être soutenu que le législateur ne légiférant qu’à raison des hypothèses rencontrées les plus fréquemment pendant que, dans le même temps, les cocontractants ne se reposent jamais, l’économie générale de l’article 4 serait réduite à la portion congrue si le juge du contrat devait être empêché d’écarter une clause non spécialement visée par le législateur mais manifestement en contravention avec l’esprit de la loi. Il faut bien voir de surcroît que si le système de la liste présente l’avantage de la prévisibilité, une pareille liste est vite gagnée par obsolescence… C’est bien ainsi qu’on raisonne en droit de la consommation. Voyez toutefois pour une interprétation stricte, mais isolée, de l’article 4 de la loi du 6 juillet 1989, Cass. 3ème civ., 08 janv. 1997, n° 95-10339, Bull. civ. III, n° 8)

Le bail d’habitation : contenu du contrat – les impératifs

Le contenu du contrat de bail est strictement réglementé. La loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 prescrit toute une série d’impératifs relativement à la durée du contrat (1), au prix du contrat (2) et aux mentions et annexes qui participent du contrat de bail (3).

1.- La durée du contrat

Détermination.- Si le bailleur est une personne physique, le contrat est conclu pour une durée minimale de 3 ans tandis que si le bailleur est une personne morale (une entreprise pour le dire très simplement), le contrat est nécessairement conclu a minima pour 6 années (art. 10). En la matière, la notion de bailleur personne physique est comprise très largement : si le contrat de bail est conclu avec une société civile immobilière (familiale) – c’est-à-dire une personne morale – la durée impérative est de 3 années. La solution est identique si la chose donnée à bail est un bien indivis.

Reconduction.- Désireux de garantir le preneur à bail, le législateur a strictement encadré les modalités de résiliation du contrat à l’initiative du bailleur. L’article 10, al. 2 dispose en ce sens « si le bailleur ne donne pas congé dans les conditions de forme et de délai prévues à l’article 15 (le congé doit être justifié soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux comme, par exemple, le défaut de paiement du loyer), le contrat de location parvenu à son terme est soit reconduit tacitement, soit renouvelé ». Et si, aucune initiative n’est prise au terme du contrat, le preneur reste en place pour une durée égale à la durée initiale (3 ou 6 ans).

Renouvellement.- Le bailleur peut préférer continuer la relation contractuelle avec le locataire. Dans ce cas de figure, il adresse au locataire une offre de renouvellement, qui s’analyse en une offre de nouveau bail à des conditions différentes de l’ancien (relativement au prix en pratique). L’offre de renouvellement concernant le plus souvent le loyer, on l’envisagera dans un article intitulé « Le bail d’habitation des logements non meublés : les obligations du preneur ». En tout état de cause, si le bail est renouvelé, il est soumis aux prescriptions de durée de l’art. 10 : 3 ou 6 ans.

Dérogations.- Protection (de la sécurité) du preneur à bail oblige – c’est le sens de la loi –, les durées minimales de 3 et 6 ans sont d’ordre public. Les parties ne sauraient donc y déroger valablement. Cela étant, il faut bien avoir à l’esprit que rien ne les empêchent de prévoir une durée plus longue. La loi dit en ce sens, pour faciliter sa compréhension, que la durée du contrat est au moins de 3 ou 6 ans. Il existe cependant une possibilité de réduire la durée légale (art. 11). Cette possibilité, extrêmement limitative, n’est ouverte qu’au bailleur personne physique, qui peut conclure un bail de 1 à 3 ans si un événement précis justifie qu’il ait à reprendre le local pour des raisons personnelles ou familiales (ex. départ à la retraite, retour en France après une mission à l’étranger, logement de l’un de ses enfants). Le contrôle des tribunaux est strict. Pour obtenir la libération du logement, le bailleur doit confirmer deux mois avant la fin de la durée réduite la réalisation de l’événement, qui a motivé la conclusion du bail dérogatoire. Il faut qu’il puisse en rapporter la preuve. Si l’événement ne s’est pas produit, ou s’il n’a pas été notifié dans les formes, le bail se poursuit dans les conditions de la loi : 3 ans. Si l’événement est différé, le bailleur peut, dans les mêmes formes, mais une seule fois, proposer le report de la fin du bail.

2.- Le prix du contrat

Encadrement.- Imposés, libérés, encadrés, voilà une devise qui ne dit pas son nom mais qui atteste combien l’arbitrage des intérêts légitimes mais contradictoires des bailleur et preneur à bail est compliqué à faire (voy. l’article : « Le bail d’habitation des logements non meublés – contrat vs statut »). Aux terme de la loi no 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), le législateur renoue avec l’encadrement des loyers (v. aussi D. n° 2012-894, 20 juill. 2012). Pour échapper sans doute à la censure du Conseil constitutionnel, plus précisément au grief tiré de la violation du principe de liberté contractuelle, les loyers ne sauraient être encadrés en général, mais bien plutôt dans les seules « zones d’urbanisation continue de plus de 50.000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant (art. 17) ». Auparavant, et il n’est pas inutile d’en dire un mot tant les intentions du législateur sont belles et les réalisations déceptives, la loi distinguait les logements pour lesquels le loyer était fixé librement (art. 17a) et ceux pour lesquels le loyer était fixé par référence aux loyers pratiqués dans le voisinage (art. 17b). Seulement voilà, l’art. 17b ne prévoyait son application que jusqu’au 31 juillet 1997, date à laquelle devait être présenté un rapport d’exécution par le gouvernement en vue de décider de la suite des événements en comparant l’évolution des loyers des deux secteurs… ledit rapport n’ayant jamais été présenté, aucune décision n’a été prise… si bien qu’à compter du 31 juillet 1997, la fixation de tous les loyers était redevenue libre ! On comprendra mieux l’objet de la réforme !

Le décret n° 2019-315 du 12 avril 2019 (pris en application de l’article 140 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) et un arrêté préfectoral du 28 mai 2019 prévoient l’application d’un loyer de référence pour chaque bail signé sur le territoire de la ville de Paris à partir du 1er juillet 2019. Ce loyer de référence est fixé en fonction du type du logement, de la localisation et de l’année de construction de l’immeuble.

Blocage.- L’article 18 met en place un régime de crise en autorisant le pouvoir réglementaire à fixer annuellement le montant maximal d’évolution des loyers sur une partie du territoire. Le blocage ne concerne que le loyer des locaux vacants et les loyers de renouvellement. Ces décrets interdisent le plus souvent toute augmentation. Le dernier texte réglementaire en date est le décret n° 2018-549 du 28 juin 2018 relatif à l’évolution de certains loyers dans le cadre d’une nouvelle location ou d’un renouvellement de bail.

Révision.- Il est possible d’indexer le loyer (art. 17-1), la révision intervenant annuellement, à la date convenue entre les parties ou à la date anniversaire du contrat. L’indice choisi est libre, mais la variation qui en résulte ne peut excéder celle de l’indice de référence des loyers publié par l’Institut national de la statistique et des études économiques (IRL – moyenne, sur les douze derniers mois, de l’évolution des prix à la consommation hors loyers et hors tabac). L’idée est, pour le législateur, de trouver des indices minorant le plus possible l’évolution des loyers, ce qui est délicat en période de crise, d’où la succession des réglementations sur le sujet.

Renouvellement.- Un bail renouvelé est un nouveau bail. Une nouvelle fixation du loyer peut donc intervenir à cette occasion. Elle est réglementée par l’art. 17-2. Le principe est d’abord qu’une réévaluation du loyer n’est envisageable que si le loyer du bail en cours est manifestement sous-évalué. Dans ce cas, et dans ce cas seulement, le bailleur peut adresser au locataire une offre de renouvellement, qui doit intervenir au plus tard six mois avant la date d’expiration du bail. La sanction est la nullité de l’offre. Pour éviter que le locataire soit contraint d’accepter l’offre ou de partir, la loi interdit au bailleur qui souhaite la réévaluation de donner congé pour la même date. L’offre doit contenir, à peine de nullité, le montant du loyer proposé ainsi que la mention de trois loyers de références représentatifs des loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables (art. 17-2, I, al. 5). Ce sont 6 loyers de références qu’il faut présenter lorsque le logement se situe dans une agglomération de plus d’un million d’habitants listée par décret (al. 6).

À la réception de l’offre, de deux choses l’une : soit le locataire est d’accord pour conserver le logement : le bail est renouvelé au terme, aux nouvelles conditions ; soit le locataire manifeste son désaccord ou ne répond pas dans les deux mois – ce qui est équivalent à un désaccord (qui ne dit mot ne consent pas). – Dans ce second cas de figure, le bailleur doit saisir la commission départementale de conciliation (instance paritaire composée de représentants des bailleurs et de représentants des locataires). Si la conciliation est un succès, le bail est renouvelé aux conditions de la conciliation. Si la conciliation échoue, le bailleur doit saisir le tribunal d’instance avant le terme du bail, qui fixera le loyer de renouvellement par voie judiciaire. Si le juge n’est pas saisi avant le terme du bail, celui-ci est tacitement reconduit au loyer initial.

3.- Les mentions et annexes

3.a.- Les mentions obligatoires (art. 3)

« Le contrat de location est établi par écrit. Il respecte un contrat type défini par décret en Conseil d’Etat, en l’occurrence le décret n° 2015-587 du 29 mai 2015 relatif aux contrats types de location de logement à usage de résidence principale. A noter que chaque partie peut exiger de l’autre partie, à tout moment, l’établissement d’un contrat conforme à l’article 3 de la loi de 1989.

A noter encore, mais la remarque est de nature méthodologique, que l’article 3 a été notablement corrigé par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique. Ceci pour rappeler qu’il importe en toute circonstance de consulter le site Internet proposé par le service public de diffusion du droit en ligne www.legifrance.gouv.fr et de ne jamais se limiter à la consultation des éditions papiers des codes publiés par les éditeurs juridiques.

Il doit préciser :

1° Le nom ou la dénomination du bailleur et son domicile ou son siège social ainsi que, le cas échéant, ceux de son mandataire ;

2° Le nom ou la dénomination du locataire ;

3° La date de prise d’effet et la durée ;

4° La consistance, la destination ainsi que la surface habitable de la chose louée, définie par le code de la construction et de l’habitation ;

5° La désignation des locaux et équipements d’usage privatif dont le locataire a la jouissance exclusive et, le cas échéant, l’énumération des parties, équipements et accessoires de l’immeuble qui font l’objet d’un usage commun, ainsi que des équipements d’accès aux technologies de l’information et de la communication ;

6° Le montant du loyer, ses modalités de paiement ainsi que ses règles de révision éventuelle ;

7° (Abrogé) ;

8° Le montant et la date de versement du dernier loyer appliqué au précédent locataire, dès lors que ce dernier a quitté le logement moins de dix-huit mois avant la signature du bail ;

9° La nature et le montant des travaux effectués dans le logement depuis la fin du dernier contrat de location ou depuis le dernier renouvellement du bail ;

10° Le montant du dépôt de garantie, si celui-ci est prévu.

3.b.- Les annexes impératives (art. 3-2)

Un état des lieux doit être établi et nécessairement annexé au contrat de bail (art. 3-2, al. 1 in fine). Si aucun état des lieux n’est fait, le preneur est présumé avoir pris le logement en bonne état de réparations locatives  (application du droit commun du bail, droit de substitution, en l’occurrence l’article 1731 c.civ. Voy. l’article « Le bail de droit commun… »). La présomption ne saurait toutefois profiter à la partie qui a fait obstacle à l’établissement de l’état des lieux ou bien à la remise de l’acte. Disons concrètement que le bailleur, qui sait qu’il y a matière à redire sur le logement donné à bail, ne saurait profiter de la présomption précitée pour la seule raison qu’il se serait bien gardé de faire un état des lieux !

Cette question de l’état des lieux est source d’un abondant contentieux. Le législateur s’en est donc préoccupé. L’article 3-2 fixe les règles applicables en la matière. Il importe aux parties d’établir contradictoirement et amiablement un état des lieux. Elles peuvent procéder en personnes ou bien par un tiers mandaté à cet effet. Si l’état des lieux ne peut être établi de cette manière, qui est relativement simple, il est établi par un huissier de justice sur l’initiative de la partie la plus diligente. Dans ce cas de figure, les frais (qui sont fixés par décret) sont partagés par moitié entre le bailleur et le locataire. Toute clause contraire serait réputée non écrite (art. 4 k). Et la loi de réserver au preneur à bail la possibilité de demander au bailleur que l’état des lieux d’entrée soit complété dans les 10 jours qui suivent son établissement. Quelle est l’idée ? Eh bien qu’une fois installé dans le logement, les préoccupations du déménagement derrière lui et la jouissance de la chose entamée, le locataire puisse notifier tel ou tel défaut, qui n’avait pas été relevé, défaut pourrait lui être imputé à faute à l’occasion de la restitution de la chose. Une possibilité identique est prévue dans le premier mois de la période de chauffe de l’immeuble. Si le bailleur s’oppose à cette correction de l’état des lieux, le locataire est alors fondé à saisir la commission départementale de conciliation territorialement compétente (ressort : le département).

Les diagnostics techniques doivent également être annexés au contrat de bail. L’article art. 3-3 est explicite : « Un dossier de diagnostic technique, fourni par le bailleur, est annexé au contrat de location lors de sa signature ou de son renouvellement et comprend :

1° Le diagnostic de performance énergétique prévu à l’article L. 134-1 c. constr. hab.

2° Le constat de risque d’exposition au plomb prévu aux articles L. 1334-5 et L. 1334-7 c. santé publ.

3° Une copie d’un état mentionnant l’absence ou, le cas échéant, la présence de matériaux ou produits de la construction contenant de l’amiante (…)

4° Un état de l’installation intérieure d’électricité et de gaz, dont l’objet est d’évaluer les risques pouvant porter atteinte à la sécurité des personnes. Un décret en Conseil d’Etat définit les modalités d’application du présent 4° ainsi que les dates d’entrée en vigueur de l’obligation en fonction des enjeux liés aux différents types de logements, dans la limite de six ans à compter de la publication de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.

Dans les zones mentionnées au I de l’article L. 125-5 c. envir., le dossier de diagnostic technique est complété à chaque changement de locataire par l’état des risques naturels et technologiques.

Le dossier de diagnostic technique est communiqué au locataire par voie dématérialisée, sauf opposition explicite de l’une des parties au contrat.

Le locataire ne peut se prévaloir à l’encontre du bailleur des informations contenues dans le diagnostic de performance énergétique, qui n’a qu’une valeur informative.

Le propriétaire bailleur tient le diagnostic de performance énergétique à la disposition de tout candidat locataire.

Une notice d’information relative aux droits et obligations des locataires et des bailleurs ainsi qu’aux voies de conciliation et de recours qui leur sont ouvertes pour régler leurs litiges est annexée au contrat de location.Un arrêté du ministre chargé du logement, pris après avis de la Commission nationale de concertation, détermine le contenu de cette notice.

Le bail d’habitation : forme du contrat

Nécessité d’un écrit.- La loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 impose que le contrat de bail soit dressé par écrit (art. 3). La portée de l’exigence est pourtant incertaine car un bail verbal n’est pas nul pour peu qu’il ait été exécuté (Cass. 3ème civ., 7 février 1990, n° 88-16225, Bull. civ. III, n° 40).

Pour autant la question de la preuve ne se posera pas dans les mêmes termes qu’en droit commun, puisque « chaque partie peut exiger, à tout moment, de l’autre partie, l’établissement d’un contrat conforme aux dispositions du présent article » (art. 3, dernier al.).

La loi no 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) n’aborde pas frontalement la question sous étude. L’article 3 a pourtant été modifié en ces termes : « Le contrat de location est établi par écrit (le donné) et respecte un contrat type défini par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de concertation (le construit). L’interrogation demeure.

Il semble que la solution passée doive pouvoir être reconduite. Un décret n° 2015-587 du 29 mai 2015 définit ces fameux contrats types. Afin de clarifier et sécuriser les rapports locatifs, le contrat type précise les mentions obligatoires (v. annexe 1). Il est applicable au 1er août 2015 pour les locations nues et les meublés (v. annexe 2).

Frais d’établissement.- Les frais d’établissement du contrat (à ne pas confondre avec les honoraires du mandataire dus en raison de la recherche d’un logement et des visites organisées entre autres prestations) sont partagés par moitié entre les deux parties (art. 5).

Le bail d’habitation : domaine d’application de la loi

Les règles prescrites par la loi n° du 6 juillet 1989 tendant à l’amélioration des rapports locatifs forment un statut impératif, qui déroge à plusieurs égards au droit commun du bail (voy. not. l’article « Le bail de droit commun : les conditions de formation »). Il importe donc de bien circonscrire le domaine d’application de la loi.

La consultation de l’article 2 de la loi de 1989 dit tout : « les dispositions du présent titre (…) s’appliquent aux locations de locaux à usage d’habitation principale ou à usage mixte professionnel et d’habitation principale ainsi qu’aux garages, places de stationnement, jardins et autres locaux, loués accessoirement au local principal par le même bailleur. Et la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové de préciser « La résidence principale est entendue comme le logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure, soit par le preneur ou son conjoint, soit par une personne à charge au sens du code de la construction et de l’habitation ».

1.- Rentrent dans le champ d’application de la loi

– Les baux de locaux à usage d’habitation principale ou à usage mixte professionnel et d’habitation principale, ainsi qu’à tous les locaux qui leurs sont adjoints à titre accessoire

2.- Sont exclus de la majorité des dispositions de la loi

– Les locations saisonnières (sauf art. 3-1 : dossier de diagnostic technique)

– Les logements foyers (sauf art. 6 al. 1 et 2 [logement décent] + 20-1 [remise aux normes])

– Les logements meublés (mêmes réserves) – exclusion du seul titre 1er de la loi du 6 juill. 1989

– Les logements de fonction (même réserves)

3.- Sont totalement exclus des dispositions de la loi

– Les baux uniquement professionnels (logement attribué ou loués en raison de l’exercice d’une fonction ou de l’occupation d’un emploi, aux locations consenties aux travailleurs saisonniers

– Les baux de résidence secondaire

– Les baux consentis à une personne morale

Le bail d’habitation : le droit au logement

Commentaire de l’article 1er de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs (…) [1]

Le bail n’a pas été épargné par le mouvement de subjectivisation des droits. C’est moins le preneur en tant que tel qui est protégé que son logement, que le droit tend à assimiler à la personne de son habitant : s’il en est propriétaire, le droit de propriété peut suffire à le protéger alors que s’il n’en est que locataire, son droit sur la chose est indirect (voy. l’article « Le bail de droit commun »), s’exerçant à travers le bailleur qui lui permet la jouissance de la chose ; le preneur d’un bail d’habitation a donc besoin d’une protection supplémentaire. En raison de la personnification du logement, le preneur devient une personne susceptible d’être protégée par les droits fondamentaux reconnus à la personne.

Le contexte dans lequel l’article commenté s’insère est particulièrement complexe. Les sources relatives au droit au logement ont considérablement évolué dans le temps. En 1789, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ne prévoit pas de droit au logement : à l’époque où on proclame la liberté, l’égalité et la fraternité, on ne saurait raisonner en termes de besoins. En 1946, le préambule de la Constitution ignore le droit au logement, se montrant insensible à la crise du logement qui a déjà démarré (voy. l’article « Le bail d’habitation : logement non meublé – contrat vs statut »). Deux ans plus tard, l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme dispose que « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer  […] le logement […] ». Mais c’est la loi du 22 juin 1982, dite loi Quilliot, qui en son article 1 fait du droit à l’habitat un droit fondamental. Ce principe a néanmoins été supprimé par un loi du 23 décembre 1986 (consécutivement à un changement de majorité politique). L’article 1 de la loi du 6 juillet 1989, ici commenté, reprend cette idée, en qualifiant le droit au logement de droit fondamental, et en réintroduisant ainsi la déclaration liminaire d’intention selon laquelle « Le droit au logement est un droit fondamental ; il s’exerce dans le cadre des lois qui le régissent ». Ce droit au logement se manifeste par diverses mesures, destinées à pérenniser la jouissance du locataire et à ne permettre la reprise des lieux par le propriétaire que pour des motifs impérieux (vente, habitation, motif légitime et sérieux). Il est par ailleurs pris en compte par la jurisprudence comme critère d’interprétation, par exemple, pour exclure les résidences secondaires du domaine de la loi (Cass. 3eme civ., 6 nov. 1991, n° 90-15923, Bull. civ. III, n° 261) ou pour refuser le droit au renouvellement au locataire qui n’occupe pas les lieux pour son habitation (Cass. Ass. plén., 2 févr. 1996, n° 91-21373, Bull. A.P., n° 1). Le législateur français a ainsi réalisé le souhait émis en juin 1987 par le Parlement européen sur l’inscription du droit au logement dans la législation de chacun des États membres.

En consacrant le principe selon lequel le logement est un droit fondamental, le législateur a reconnu le logement comme une valeur supérieure nécessairement attachée à la personne, sans toutefois que cela n’ait en principe d’effectivité particulière. Depuis, le droit au logement s’est ramifié en donnant au preneur la possibilité de faire valoir concrètement ce droit. Tout d’abord, des règles visant à protéger l’accès au logement, notamment en tentant d’éviter tout comportement discriminatoire, ont été adoptées. Ces dispositions ont été intégrées dans la loi du 6 juillet 1989 sur les baux d’habitation bien qu’elles devraient s’appliquer à tout bail portant sur un logement. De plus, deux nouveaux droits subjectifs sont nés : le droit à un logement décent et le droit opposable au logement. Le droit au logement décent, outre un droit opposable au bailleur, est surtout un droit fondamental dans la mesure où le Conseil constitutionnel (Cons. const., décision n° 94-359 DC du 19 janv. 1995, cons. n° 7) a déclaré qu’il s’agissait d’un « objectif de valeur constitutionnelle » sur les fondements des alinéas 10 et 11 du préambule de la Constitution de 1946, ainsi que du principe de sauvegarde de la dignité humaine découlant de l’alinéa 1er. Le droit au logement opposable est apparu plus récemment, par le biais de l’adoption d’une loi prévue à cet effet (loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale). Les deux principales dispositions de cette loi visent d’une part, à assurer la garantie, par l’État, du droit au logement (art. L. 300-1 c. constr. hab.) et d’autre part, à consacrer le droit de recourir au juge administratif à défaut d’offre de logement ou d’hébergement permettant de répondre aux demandes déclarées prioritaires par la commission de médiation départementale dans un délai raisonnable (art. L. 441-2-3-1 c. constr. hab). Ce texte était déjà applicable depuis le 1er décembre 2008 pour les personnes prioritaires, et est devenu applicable pour les autres à compter du 1er janvier 2012. Comme on peut le constater, avec le temps, le droit au logement s’affirme le plus en plus comme un droit de l’homme, et le droit du logement comme une spécialité.

En passant des sources écrites à l’interprétation qui en est faite, on s’aperçoit que le cadre qui entoure l’article commenté est également très riche. La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales est de plus en plus invoquée dans les rapports contractuels et principalement dans les rapports locatifs. La Cour de cassation a rendu un certain nombre de décisions dans lesquelles elle consacre des droits fondamentaux attachés à la personne du locataire. Comme toute personne, le locataire a d’abord droit au respect de sa vie familiale (art. 8.1 Conv. EDH). La reconnaissance de ce droit pour un locataire a pour conséquence de réputer non écrite une clause du bail empêchant un locataire d’héberger tous les membres de sa famille (Cass. 3ème civ., 6 mars 1996, n° 93-11113, Bull. civ. III, n° 60). Ensuite, le bailleur ne saurait porter atteinte au respect dû à la vie privée du locataire, que ce soit en s’introduisant chez le locataire sans autorisation afin de faire visiter le local (Cass. 3eme civ., 25 févr. 2004, n° 02-18081, Bull. civ. III, n° 41), ou en prenant des photographies à l’intérieur de son habitat (Cass. 1ere civ., 7 nov. 2006, n° 05-12788, Bull. civ. I, n° 466). Enfin, l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention, qui consacre le droit au respect des biens, commence à être invoqué par les parties au contrat de bail. Ce sont généralement les bailleurs qui invoquent cette disposition pour demander que les atteintes portées à leur droit de propriété soient sanctionnées. Le locataire peut également se prévaloir de ce droit au respect des biens, mais cela est moins fréquent. La Cour européenne a pu par exemple affirmer que « le bail d’une durée de 300 ans confère aux preneurs un intérêt patrimonial entrant dans la catégorie des baux qui constitue un bien au sens de l’article 1er, protocole n° 1. (Et de considérer par voie de conséquence que) les modalités par lesquelles il a été mis fin à ce bail sont incompatibles avec le respect de ses biens consacré dans cet article » (CEDH, 4eme sect., 16 nov. 2004, Bruncrona c/ Finlande, n° 41673/98).

C’est uniquement en la restituant dans ce contexte que la lecture du texte de l’article 1er de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 peut être fructueuse. Pour adopter cette loi, le gouvernement a abandonné à l’initiative parlementaire le soin de réaliser la promesse du Président de la République en matière de logement, comme si l’équilibre entre bailleurs et locataires était apparu si difficile à réaliser que personne ne voulait plus laisser son nom au droit des rapports locatifs. D’où le fait que la loi du 6 juillet 1989 n’ait pas de nom. Il ne s’agit pour autant pas d’une loi sans père. D’une part, elle s’intitule loi « tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 ». La loi nouvelle maintient la loi Méhaignerie, dont elle abroge exclusivement les quatre premiers chapitres du Titre 1 relatif aux rapports entre bailleurs et locataires. Aussi, sur le plan formel, la loi du 6 juillet 1989 s’insère dans le mécanisme mis en place en 1986 : elle en respecte le plan. C’est pour cette raison que l’article 1er est inséré dans un Titre I composé de trois chapitres visant les rapports entre bailleurs et locataires et se composant de trois chapitres, et plus précisément dans le premier chapitre relatif aux dispositions générales. D’autre part, sur le plan substantiel, la loi du 6 juillet 1989 vise à réaliser un compromis entre les règles instituées en 1986 et celles imaginées par la loi Quilliot du 22 juin 1982. D’abord, elle reprend, dans leur intégralité, certaines des dispositions permanentes de la loi Méhaignerie, elles-mêmes reproduites à partir de la loi Quilliot, notamment les règles sur la formation du contrat ou sur le régime de ce dernier en cours de bail. Ensuite, elle réintroduit la plupart des principes de la loi du 22 juin 1982 sur la durée du contrat et sur son renouvellement. Enfin, elle supprime presque totalement la liberté du bailleur de déterminer le montant du loyer et institue un mécanisme de fixation inspiré des dispositions de la loi du 23 décembre 1986. La loi du 6 juillet 1989 touche donc à l’essentiel de la loi Méhaignerie qu’elle était censée seulement modifier : le bailleur perd la liberté d’user de son bien comme il l’entend à l’arrivée du terme du contrat et d’en tirer librement les revenus ; corrélativement le locataire recouvre ce droit que lui accordait la loi Quilliot, droit à l’habitat de 1982 devenu, comme on l’a vu, en 1989 droit au logement. Sous l’influence d’une résolution du Parlement Européen, la terminologie de ce droit a changé, sans que son contenu en soit toutefois modifié. Il s’agit à la fois d’une liberté publique qui, aux termes de l’article 1er alinéa 2 « implique la liberté de choix pour toute personne de son mode d’habitation grâce au maintien et au développement d’un secteur locatif » et d’un droit subjectif qui justifie les restrictions imposées au bailleur par une législation d’ordre public. Les raisons de cette faveur législative pour le locataire sont, sans doute, politiques et sociales : d’aucuns pourraient soutenir en ce sens que le droit au logement, qui fait partie des droits à caractère social, concerne un nombre important de locataires-électeurs auxquels doivent être accordées des satisfactions juridiques. Mais la ratio legis de cette réforme se situe surtout sur un plan économique. Le législateur de 1986 pensait réaliser l’équilibre entre les parties par des mesures fondées sur le libre jeu du marché. Or dès son entrée en vigueur, la loi du 23 décembre 1986 a donné lieu à certains excès, qui ont justifié l’intervention du législateur.

L’article 1er de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, modifié par la loi n° 2002-73, se compose de 5 alinéas. En écartant l’alinéa 4, qui régit l’hypothèse de litige relatif à l’application de l’alinéa 3, cet article se compose de deux parties : la première partie indique la qualification du droit au logement (1), la seconde partie fixe les modalités de la mise en œuvre de ce droit (2).

1.- La qualification du droit au logement

Les deux premiers alinéas de l’article commenté qualifient le droit au logement, en dessinant ses contours. La portée descriptive de ces textes se déduit d’ailleurs des verbes employés : le droit au logement est un droit fondamental, et son exercice implique la liberté de choix pour toute personne de son mode d’habitation. L’alinéa premier définit donc la nature du droit au logement, qui est qualifié de droit fondamental (a), tandis que le deuxième alinéa en indique le contenu, qui consiste en la liberté de choix du mode d’habitation (b).

a.- La nature du droit au logement : un droit fondamental

Le premier alinéa de l’article 1er de la loi du 6 juillet 1989 contient le principe majeur affirmé par cette loi. La loi du 22 juin 1982 avait énoncé l’existence d’un droit à l’habitat comportant une faculté de choix pour les personnes en matière de logement, à la fois quant à la nature et quant à la localisation de celui-ci ; la loi du 23 décembre 1986 avait effacé cette affirmation au contenu considéré trop flou ; celle de 1989 est venue réaffirmer cette idée. La portée de ce droit au logement est toutefois difficile à cerner. Les auteurs y ont vu une « règle sans portée » (Christian Atias), une « promesse fallacieuse » (Gérard Cornu), voire un « faux droit » (Jean Carbonnier). En effet, le fait que le droit objectif reconnaisse un droit au logement ne signifie pas que les particuliers se voient attribuer un droit subjectif d’avoir un logement. La portée de la qualification du droit au logement de droit fondamental concerne avant tout le législateur et les interprètes du texte : la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent est qualifiée par le Conseil constitutionnel « d’objectif à valeur constitutionnelle », ce qui fait obstacle à toute éventuelle tentation du législateur de revenir en arrière. Toutefois, cela ne demeure qu’un objectif. Dans une ordonnance adoptée le 10 février 2012, le Conseil d’État a par exemple reconnu que le droit à l’hébergement d’urgence est une liberté fondamentale dont on peut se prévaloir dans le cadre d’un référé liberté, mais il a par la même occasion affirmé que l’État n’a qu’une obligation de moyens en la matière.

Mais par le biais de l’affirmation d’un droit fondamental au logement, on parvient également à justifier des obligations mises à la charge des particuliers. En matière d’habitation principale, l’article 1719 du code civil pose l’obligation générale de délivrance d’un logement décent, qui est reprise en matière de bail d’habitation par les articles 6 et 20-1 de la loi de 1989 et par le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002. La nature du droit au logement explique donc la reconnaissance d’atteintes potentielles apportées au droit de propriété. En effet, l’affirmation solennelle d’un droit fondamental à l’habitat en 1982 s’imposait en raison de la réaffirmation, par le Conseil constitutionnel, du caractère fondamental de la propriété. C’est le souci de résoudre ce conflit d’intérêts entre bailleur et preneur qui a motivé diverses interventions législatives constitutives d’atteintes potentielles aux droits des propriétaires. À titre illustratif, l’article 187 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000  rel. à la solidarité et le renouvellement urbains, qui a modifié l’article 1719 du code civil et l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989, a consacré le droit d’un locataire de logement loué à titre de résidence principale d’obtenir un logement décent, qui ne laisse apparaître aucun risque manifeste pouvant porter atteinte à la sécurité physique et à la santé, et qui soit doté d’éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation. Les auteurs d’une saisine du Conseil constitutionnel ont considéré que ces mesures, nécessairement circonscrites aux seuls locataires, constituaient une atteinte aux prérogatives du propriétaire, dans la mesure où ce dernier n’aurait pas pu maîtriser l’étendue des travaux et les délais pour les accomplir, rendant ainsi l’immeuble indisponible. Le Conseil constitutionnel, qui n’a pas retenu ces arguments, a au contraire considéré que les obligations à la charge du bailleur ne dénaturaient pas le sens et la portée du droit de propriété.

L’exigence de la délivrance d’un logement décent a été ultérieurement précisée par le décret du 30 janvier 2002, qui prévoit que le logement doit disposer notamment d’un chauffage et d’équipements sanitaires et électriques aux normes de sécurité, de pièces principales bénéficiant de l’éclairement naturel, ainsi que d’un bon état d’entretien et de solidité afin de protéger les locaux contre les éventuels dégâts des eaux. Conformément aux dispositions prévues par la loi du 6 juillet 1989, le non-respect de cette décence doit être par la résiliation du bail ou le relogement du locataire. De tels impératifs ont été par la suite réaffirmés par la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement. Ils ont de plus fait l’objet des premières applications non seulement par les juges du fond, mais aussi par la Cour de cassation, qui a par exemple affirmé que l’exigence de la délivrance d’un logement décent impose son alimentation en eau courante. Plus récemment, la Cour de cassation a expressément affirmé que le bailleur était tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté de tous les éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation.

On constate donc que l’affirmation selon laquelle le droit au logement est en droit fondamental n’est pas uniquement une proclamation de principe ; le caractère fondamental du droit au logement justifie les règles qui en permettent l’exercice. En employant à deux reprises le même terme, l’article 1er pose l’accent sur l’exercice du droit au logement : la seconde partie de l’alinéa premier indique que ce droit « s’exerce dans le cadre des lois qui le régissent », et l’alinéa 2 tire les conséquences de cela, en indiquant que « l’exercice de ce droit implique la liberté de choix pour toute personne de son mode d’habitation ».

b.- Le contenu du droit au logement : la liberté de choix du mode d’habitation

La volonté d’obtenir un équilibre entre les droits des cocontractants au contrat de bail a guidé le processus d’adoption de la loi du 6 juillet 1989 et elle apparaît donc clairement lors de son application, en raison des limitations imposées au propriétaire dans l’exercice de ses prérogatives. La réalisation effective d’un droit fondamental au logement, de valeur législative, a dû être complétée par le principe de liberté pour toute personne du choix de son mode d’habitation, évoqué à l’alinéa 2 de l’article 1er. C’est en se fondant sur cette liberté que, par exemple, la jurisprudence contrôle rigoureusement l’application du droit de reprise au bénéfice du propriétaire prévu par la loi du 6 juillet 1989, qui suppose l’habitation de locaux à titre principal et non comme résidence secondaire, ou qu’elle vérifie que ce droit est exercé par une personne physique. Chaque personne peut choisir entre plusieurs possibilités : la propriété, la location en secteur libre ou en secteur social. Il s’ensuit que le législateur peut imposer qu’une offre diversifiée de logements existe dans les différentes communes (L. SRU du 13 déc. 2000). L’exigence du maintien et du développement d’un secteur locatif posée par l’alinéa 2 de l’article commenté, a orienté certains auteurs à considérer que les restrictions apportées au XXe siècle par le dirigisme étatique sont si importantes que la propriété contemporaine ressemble davantage à celle de l’Ancien droit qu’à celle de 1804, caractérisé par son absolutisme.

C’est pour consacrer une réelle protection du logement du preneur qu’un droit subjectif spécifique a été introduit, susceptible de s’opposer au droit de propriété du bailleur. L’objet des deux réformes de 1982 et 1989 était de réglementer, en priorité, les modalités d’occupation d’un logement dans le cadre de la relation entre bailleurs et preneurs. Elles ont permis de conférer, au bénéfice de ces derniers, des prérogatives garanties par l’État, soumises néanmoins à une exigence préalable : l’existence d’un lien contractuel générateur d’obligations à la charge du propriétaire. Il est difficile, par conséquent, de déterminer la nature du droit subjectif conféré au preneur. Plus précisément, on peut se demander s’il s’agit d’un droit réel exercé directement sur l’immeuble loué ou d’un droit personnel qui permet au preneur d’exiger du bailleur une prestation. Certains ont pu considérer que le bail, permettant l’utilisation matérielle de la chose, était générateur d’un droit réel. Telle semble également être la conception retenue par le Conseil d’État qui a affirmé que le corollaire du droit de propriété est le droit pour le locataire de disposer librement d’un bien pris à bail. La doctrine majoritaire souligne à l’inverse que le preneur ne dispose que d’un droit personnel, lui permettant d’exiger du propriétaire la simple jouissance de la chose prévue par les diverses réformes. Aussi, on s’aperçoit que l’article 1er de la loi du 6 juillet 1989 affirme explicitement l’existence d’un droit au logement, mais il consacre surtout la constitution d’un droit du logement, contribuant ainsi à une pulvérisation du droit objectif en une diversité de droits subjectifs.

2.- La mise en œuvre du droit au logement

Les alinéas 3 et 5 de l’article 1er de la loi du 6 juillet 1989 indiquent les modalités de mise en œuvre du droit au logement. L’un interdit, l’autre impose : aucune personne ne peut se voir refuser la location d’un logement pour des motifs discriminatoires, et les droits et obligations des bailleurs et des locataires doivent être équilibrés. Aussi, la mise en œuvre du droit au logement est à la fois négative, lorsqu’elle passe par la prohibition des discriminations (a), et positive, dans la mesure où elle se réalise par le biais de l’imposition d’un équilibre entre les parties (b).

a.- La mise en œuvre négative : la prohibition des discriminations

Les règles posées à l’article 1er de la loi du 6 juillet 1989 ont vocation à s’appliquer en toutes hypothèses, sans aucune discrimination possible. Selon les termes de l’article 158 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, qui a inséré deux alinéas à l’article 1er de la loi du 6 juillet 1989, « aucune personne ne peut se voir refuser la location d’un logement en raison de son origine, son patronyme, son apparence physique, son sexe, sa situation de famille, son état de santé, son handicap, ses mœurs, son orientation sexuelle, ses opinions politiques, ses activités syndicales ou son appartenance ou sa non-appartenance vraie ou supposée à une ethnie, une Nation, une race ou une religion déterminée ». Cette disposition n’indique pas les sanctions susceptibles d’être prononcées en cas de discrimination exercée par un propriétaire à l’encontre d’un locataire. Toutefois, la mise en œuvre de la responsabilité civile du bailleur est envisageable dès lors que le refus ne se révèle pas justifié. De plus, des sanctions pénales peuvent être prononcées lorsqu’une discrimination est constatée, laquelle est une “distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue de son auteur, de leur patronyme, de leur lieu de résidence, de leur état de santé, de leur perte d’autonomie, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée” (art. 225-1, al. 1, c. pén.). Enfin, une nouvelle autorité administrative indépendante, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE), a été instituée par la loi du 30 décembre 2004 avec pour mission notamment de lutter contre les discriminations prohibées par la loi, en fournissant toutes informations, et d’accompagner les victimes. En 2007, cette autorité a formulé différentes propositions qui avaient pour finalité de lutter contre les discriminations dans le logement, l’objectif étant notamment de proposer un encadrement des enquêtes sociales lors d’attributions de logements sociaux, pour garantir l’objectivité et le sérieux des éléments pris en considération. La HALDE a par la suite été remplacée par le défenseur des droits, créé par la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011.

Si l’intention du législateur est louable, on peut toutefois s’interroger sur l’intérêt d’un doublon législatif, étant donné que le code pénal prévoit déjà une incrimination pour les hypothèses de discrimination. La comparaison des deux textes fait ressortir certaines différences. D’une part, l’âge n’apparaît pas comme étant un critère discriminatoire au sens de l’article 1er de la loi du 6 juillet 1989. On pourrait alors en déduire que le locataire peut légitimement être choisi en fonction de son âge, d’autant plus que certains locataires âgés de plus de 70 ans (et gagnant moins d’une fois et demie le SMIC) bénéficient d’une protection accrue en cas de congé (art. 15-III). Cependant, le code pénal érige l’âge en élément potentiel de discrimination. D’autre part, l’alinéa 3 de l’article commenté (à l’instar de l’article L. 1132-1, alinéa 1, c. trav.) ajoute trois éléments non mentionnés dans le code pénal, à savoir le patronyme, l’apparence physique et l’orientation sexuelle. Toutefois, on peut considérer que les notions d’origine, de handicap et de mœurs renvoient intrinsèquement à ces éléments.

b.- La mise en œuvre positive : l’imposition de l’équilibre entre les parties

L’affirmation du droit au logement comme droit fondamental est circonscrite à la seule relation entre bailleurs et preneurs qui ont au préalable conclu un contrat de bail. En 1989, elle a été complétée par une nouvelle exigence, posée par le dernier alinéa de l’article 1er : « Les droits et obligations réciproques des bailleurs et des locataires doivent être équilibrés dans leurs relations individuelles comme dans leurs relations collectives ». Cette recherche d’équilibre, qui caractérise en général le régime des baux d’habitation, ne constitue qu’une manifestation plus générale de l’influence consumériste de la matière au bénéfice du « consommateur de logement ». Par le recours à cette affirmation à caractère idéologique, le législateur a cherché à trouver un équilibre au sein d’une situation considérée par définition comme déséquilibrée au détriment des preneurs. Si des réformes ultérieures ont eu pour objectif de protéger les personnes défavorisées, ce principe vise à protéger tout locataire, y compris celui qui dispose de revenus suffisants, car il s’agit d’une règle générale permettant la mise en œuvre du droit au logement, droit fondamental.

Si la fixation du loyer était effectuée avec un montant prohibitif, elle aurait pour effet d’écarter toute faculté, pour le locataire, d’obtenir un logement ou même de rester dans l’appartement loué. La réglementation des modalités de fixation du loyer est de ce fait justifiée. La liberté contractuelle s’impose pour le secteur dit libre, lorsque le logement est neuf ou vacant mais rénové. Pour le secteur dit de liberté surveillée, au contraire, lorsque les locataires se succèdent sans amélioration apportée au logement, l’article 17-b de la loi du 6 juillet 1989 prévoit que le loyer soit fixé par référence aux loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables. Cet article précise de même les modalités de la révision annuelle du loyer. Ces dispositions tendent donc à conférer une protection pécuniaire aux locataires et à assurer l’effectivité de son droit fondamental au logement.

De même, l’article 10 de la loi du 6 juillet 1989 consacre un droit au renouvellement du contrat de bail. L’article 17-c énonce que le bailleur ne peut proposer une augmentation du loyer que s’il est manifestement sous-évalué. Il appartient au bailleur d’adresser au locataire une proposition de renouvellement avec un nouveau loyer fixé par référence aux loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables et, en cas de désaccord et à défaut de conciliation, le juge pourra être saisi. L’article L. 613-3 c. constr. hab. prévoit, à son tour, que l’expulsion du locataire est exclue entre le 1er novembre et le 15 mars, à moins que le relogement des intéressés puisse être assuré dans des conditions suffisantes respectant l’unité et les besoins de la famille. L’ensemble de ces textes illustre les conséquences qui découlent du dernier alinéa de l’article commenté : les considérations pécuniaires, ainsi que la stabilité contractuelle, contribuent à l’effectivité du droit au logement.

[1] Commentaire proposé par le professeur Valerio Forti et Julien Bourdoiseau (2012)