La confidentialité de la procédure de conciliation

La confidentialité de la procédure de conciliateur se traduit :

  • D’une part, par l’absence de publicité de la décision rendue par le Président de la juridiction saisie
  • D’autre part, par l’obligation de confidentialité à laquelle sont tenues les personnes appelées à la procédure

I) Sur l’absence de publicité de la décision rendue par le Président du Tribunal

L’ouverture de la procédure de conciliation et la désignation du conciliateur ne font l’objet d’aucune mesure de publicité.

Cette absence de publicité se justifie par l’objectif poursuivi par le législateur : ne pas créer un sentiment de méfiance chez les partenaires du débiteur, qui pourraient être tentés de plus vouloir lui apporter leur concours

Par effet de domino cela pourrait avoir pour conséquence d’aggraver les difficultés de l’entreprise.

II) Sur l’obligation de confidentialité à laquelle sont tenues les personnes appelées à la procédure

Aux termes de l’article L. 611-15 du Code de commerce « toute personne qui est appelée à la procédure de conciliation ou à un mandat ad hoc ou qui, par ses fonctions, en a connaissance est tenue à la confidentialité. »

L’obligation de confidentialité qui pèse sur les personnes appelées à la procédure de conciliation confère à cette procédure un avantage certain sur les procédures dites collectives lesquelles font toutes l’objet d’une mesure de publicité.

En restant confidentielle, la procédure de conciliation permet au débiteur, d’une part, de solliciter plus facilement l’aide du Président du Tribunal et, d’autre part, d’envisager avec une appréhension moindre la conclusion d’un accord amiable avec ses partenaires.

L’obligation de confidentialité comporte toutefois une limite qui tient essentiellement aux personnes assujetties à cette obligation

A) Les personnes tenues à l’obligation de confidentialité

  1. Principe
  • L’article L. 611-15 du Code de commerce vise « toute personne qui est appelée à la procédure de conciliation »
  • Aussi cela concerne-t-il
    • Le conciliateur
    • Les créanciers, peu importe qu’ils aient accepté de participer à l’accord amiable
    • Les juges
    • Le ministère public

2.  Cas particulier : les journalistes

==> Principe

Dans un arrêt du 15 décembre 2015, la Cour de cassation a été conduite à se prononcer sur la question de savoir si un journaliste qui avait connaissance de l’instauration d’une mesure de conciliation était tenu, au même titre que n’importe quelle personne appelée à la procédure, à l’obligation de confidentialité

Cass. com. 15 déc. 2015

Attendu, selon l’arrêt attaqué, rendu en matière de référé, et les productions, que par ordonnances des 11 juillet et 26 septembre 2012, la Selarl FHB, prise en la personne de Mme X..., a été désignée mandataire ad hoc puis conciliateur des sociétés du groupe Consolis sur le fondement des articles L. 611-3 et L. 611-5 du code de commerce ; que le 18 juillet 2012, la société Mergermarket Limited, éditrice du site d’informations financières en ligne Debtwire, spécialisé dans le suivi de l’endettement des entreprises, a publié un article commentant l’ouverture de la procédure de mandat ad hoc ; qu’elle a, par la suite, diffusé divers articles rendant compte de l’évolution des procédures en cours et des négociations engagées ; que les 23 et 24 octobre 2012, plusieurs sociétés du groupe ainsi que la Selarl FHB ont assigné la société Mergermarket Limited devant le juge des référés pour obtenir le retrait de l’ensemble des articles contenant des informations confidentielles les concernant, ainsi que l’interdiction de publier d’autres articles ;

Sur les deuxièmes moyens des pourvois, pris en leur première branche, rédigés en termes identiques, réunis :

Vu l’article 10 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits l’homme et des libertés fondamentales et l’article L. 611-15 du code de commerce ;

Attendu qu’il résulte du premier de ces textes que des restrictions peuvent être apportées par la loi à la liberté d’expression, dans la mesure de ce qui est nécessaire dans une société démocratique pour protéger les droits d’autrui et empêcher la divulgation d’informations confidentielles tant par la personne soumise à un devoir de confidentialité que par un tiers ; que tel est le cas des informations relatives aux procédures visées par le second texte ;

Attendu que pour rejeter la demande des sociétés du groupe Consolis, l’arrêt retient que le fait pour la société Mergermarket Limited d’avoir publié des informations soumises à la confidentialité par application de l’article L. 611-15 du code de commerce, qui ne crée aucune obligation à son égard, ne saurait constituer, au regard des droits essentiels à la liberté d’informer du journaliste, une violation évidente de la loi susceptible d’être sanctionnée par la juridiction des référés ;

Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Sur ces moyens, pris en leur deuxième branche, rédigés en termes identiques, réunis :

Vu l’article 10 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article L. 611-15 du code de commerce ;

Attendu qu’il résulte du premier de ces textes que des restrictions à la liberté d’expression peuvent être prévues par la loi, dans la mesure de ce qui est nécessaire dans une société démocratique, pour protéger les droits d’autrui et empêcher la divulgation d’informations confidentielles ; qu’il en résulte que le caractère confidentiel des procédures de prévention des difficultés des entreprises, imposé par le second de ces textes pour protéger, notamment, les droits et libertés des entreprises recourant à ces procédures, fait obstacle à leur diffusion par voie de presse, à moins qu’elle ne contribue à la nécessité d’informer le public sur une question d’intérêt général ;

Attendu que pour rejeter les demandes des sociétés du groupe Consolis, l’arrêt retient encore que le fait pour la société Mergermarket Limited d’avoir publié, comme d’autres journaux spécialisés, des informations confidentielles, par application de l’article L. 611-15 du code de commerce, ne constitue pas un trouble manifestement illicite au regard de la liberté d’informer du journaliste ;

Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher si les informations diffusées, relatives à la prévention des difficultés des sociétés du groupe Consolis et couvertes par la confidentialité, relevaient d’un débat d’intérêt général, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

Et sur ces moyens pris en leur troisième branche, rédigés en termes identiques, réunis :

Vu les articles 10 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et L. 611-15 du code de commerce, ensemble l’article 873, alinéa 1er, du code de procédure civile ;

Attendu que pour rejeter les demandes des sociétés du groupe Consolis, l’arrêt retient enfin que celles-ci ne présentent aucune demande de réparation pécuniaire et que la procédure de mandat ad hoc s’est terminée par une conciliation courant mars 2013, de sorte qu’il n’est pas justifié d’un préjudice résultant de la diffusion des informations litigieuses et que n’est pas ainsi caractérisée une violation évidente de la loi susceptible d’être sanctionnée par la juridiction des référés ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la diffusion d’informations relatives à une procédure de prévention des difficultés des entreprises, couvertes par la confidentialité, sans qu’il soit établi qu’elles contribuent à l’information légitime du public sur un débat d’intérêt général, constitue à elle seule un trouble manifestement illicite, la cour d’appel, qui a ajouté à la loi une condition qu’elle ne prévoit pas, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il rejette les exceptions d’incompétence et les fins de non-recevoir soulevées par la société Mergermarket Limited, l’arrêt rendu le 27 novembre 2013, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris ;

  • Faits
    • Par ordonnances des 11 juillet et 26 septembre 2012, la Selarl FHB a été désignée mandataire ad hoc puis conciliateur des sociétés du groupe Consolis sur le fondement des articles L. 611-3 et L. 611-5 du code de commerce
    • Le 18 juillet 2012, la société Mergermarket Limited, éditrice du site d’informations financières en ligne Debtwire, spécialisé dans le suivi de l’endettement des entreprises, a publié un article commentant l’ouverture de la procédure de mandat ad hoc
    • Par la suite, elle a diffusé divers articles rendant compte de l’évolution des procédures en cours et des négociations engagées
  • Demande
    • Les 23 et 24 octobre 2012, le débiteur et le conciliateur ont assigné la société Mergermarket Limited devant le juge des référés pour obtenir le retrait de l’ensemble des articles contenant des informations confidentielles les concernant, ainsi que l’interdiction de publier d’autres articles
  • Procédure
    • Par un arrêt du 27 novembre 2013, la Cour d’appel de Versailles rejette la demande du débiteur
    • Pour les juges du fond, le fait pour la société Mergermarket Limited d’avoir publié des informations soumises à la confidentialité par application de l’article L. 611-15 du code de commerce, qui ne crée aucune obligation à son égard, ne saurait constituer, au regard des droits essentiels à la liberté d’informer du journaliste, une violation évidente de la loi susceptible d’être sanctionnée par la juridiction des référés
  • Solution
    • Dans son arrêt du 15 décembre 2015, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel au visa des articles 10 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits l’homme et des libertés fondamentales et l’article L. 611-15 du code de commerce.
    • La chambre commerciale justifie sa décision en affirmant qu’il résulte de l’article 10 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits l’homme et des libertés fondamentales que « des restrictions peuvent être apportées par la loi à la liberté d’expression, dans la mesure de ce qui est nécessaire dans une société démocratique pour protéger les droits d’autrui et empêcher la divulgation d’informations confidentielles tant par la personne soumise à un devoir de confidentialité que par un tiers »
    • Aussi considère-t-elle que compte tenu de la nature des informations dont il était question en l’espèce, l’obligation de confidentialité s’appliquait au journaliste.
    • Autrement dit, pour la Cour de cassation l’article L. 611-5 du Code de commerce ne porte nullement atteinte à la liberté de la presse

==> Limite

Dans ce même arrêt rendu par la Cour de cassation le 15 décembre 2015, une limite à l’obligation de confidentialité est malgré tout posée par les juges.

La haute juridiction affirme, en effet, que si le caractère confidentiel des procédures de prévention des difficultés des entreprises, imposé par l’article L. 611-15 du Code de commerce pour protéger, notamment, les droits et libertés des entreprises recourant à ces procédures, fait obstacle à leur diffusion par voie de presse, l’obligation de confidentialité est levée lorsque les informations diffusées contribuent « à la nécessité d’informer le public sur une question d’intérêt général»

La haute juridiction ajoute que « la diffusion d’informations relatives à une procédure de prévention des difficultés des entreprises, couvertes par la confidentialité, sans qu’il soit établi qu’elles contribuent à l’information légitime du public sur un débat d’intérêt général, constitue à elle seule un trouble manifestement illicite»

Le déroulement de la procédure de conciliation

I) La saisine du Président du Tribunal

A) L’initiative de la saisine

L’article L. 611-6 du Code de commerce prévoit que le Président du Tribunal est saisi par une requête du débiteur.

Ainsi la procédure de conciliation est à l’initiative exclusive du chef d’entreprise. Elle ne saurait être ouverte sur la demande des créanciers ou encore du ministère public, comme c’était le cas pour l’ancienne procédure de règlement amiable.

Le Président du Tribunal ne peut pas plus se saisir d’office, conformément à la décision rendue par le Conseil constitutionnel en date du 7 décembre 2012.

Décision n° 2012-286 QPC du 7 décembre 2012

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 631-5 du code de commerce : « Lorsqu'il n'y a pas de procédure de conciliation en cours, le tribunal peut également se saisir d'office ou être saisi sur requête du ministère public aux fins d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire » ;
« Sous cette même réserve, la procédure peut aussi être ouverte sur l'assignation d'un créancier, quelle que soit la nature de sa créance. Toutefois, lorsque le débiteur a cessé son activité professionnelle, cette assignation doit intervenir dans le délai d'un an à compter de :
« 1° La radiation du registre du commerce et des sociétés. S'il s'agit d'une personne morale, le délai court à compter de la radiation consécutive à la publication de la clôture des opérations de liquidation ;
« 2° La cessation de l'activité, s'il s'agit d'une personne exerçant une activité artisanale, d'un agriculteur ou d'une personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ;
« 3° La publication de l'achèvement de la liquidation, s'il s'agit d'une personne morale non soumise à l'immatriculation.
« En outre, la procédure ne peut être ouverte à l'égard d'un débiteur exerçant une activité agricole qui n'est pas constitué sous la forme d'une société commerciale que si le président du tribunal de grande instance a été saisi, préalablement à l'assignation, d'une demande tendant à la désignation d'un conciliateur présentée en application de l'article L. 351-2 du code rural et de la pêche maritime » ;

2. Considérant que, selon les sociétés requérantes, en permettant à la juridiction commerciale de se saisir d'office pour l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, ces dispositions méconnaissent les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

3. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « se saisir d'office ou » figurant au premier alinéa de l'article L. 631-5 du code de commerce ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que le principe d'impartialité est indissociable de l'exercice de fonctions juridictionnelles ; qu'il en résulte qu'en principe une juridiction ne saurait disposer de la faculté d'introduire spontanément une instance au terme de laquelle elle prononce une décision revêtue de l'autorité de chose jugée ; que, si la Constitution ne confère pas à cette interdiction un caractère général et absolu, la saisine d'office d'une juridiction ne peut trouver de justification, lorsque la procédure n'a pas pour objet le prononcé de sanctions ayant le caractère d'une punition, qu'à la condition qu'elle soit fondée sur un motif d'intérêt général et que soient instituées par la loi des garanties propres à assurer le respect du principe d'impartialité ;

5. Considérant que la procédure de redressement judiciaire est ouverte à toute personne exerçant une activité commerciale ou artisanale, à tout agriculteur, à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ainsi qu'à toute personne morale de droit privé, qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements ; que cette procédure est destinée à permettre la poursuite de l'activité du débiteur, le maintien de l'emploi dans l'entreprise et l'apurement du passif ;

6. Considérant que les dispositions contestées confient au tribunal la faculté de se saisir d'office aux fins d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, à l'exception du cas où, en application des articles L. 611-4 et suivants du code de commerce, une procédure de conciliation entre le débiteur et ses créanciers est en cours ; que ces dispositions permettent que, lorsque les conditions de son ouverture paraissent réunies, une procédure de redressement judiciaire ne soit pas retardée afin d'éviter l'aggravation irrémédiable de la situation de l'entreprise ; que, par suite, le législateur a poursuivi un motif d'intérêt général ;

7. Considérant, toutefois, que ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition ne fixent les garanties légales ayant pour objet d'assurer qu'en se saisissant d'office, le tribunal ne préjuge pas sa position lorsque, à l'issue de la procédure contradictoire, il sera appelé à statuer sur le fond du dossier au vu de l'ensemble des éléments versés au débat par les parties ; que, par suite, les dispositions contestées confiant au tribunal la faculté de se saisir d'office aux fins d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire méconnaissent les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; que, dès lors, les mots « se saisir d'office ou » figurant au premier alinéa de l'article L. 631-5 du code de commerce doivent être déclarés contraires à la Constitution ;

8. Considérant que cette déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la date de la publication de la présente décision ; qu'elle est applicable à tous les jugements d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire rendus postérieurement à cette date,


D É C I D E :

Article 1er.- Au premier alinéa de l'article L. 631-5 du code de commerce, les mots : « se saisir d'office ou » sont contraires à la Constitution.

Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées par son considérant 8.

Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

B) L’opportunité de la saisine

Si la demande d’ouverture d’une procédure de conciliation a été envisagée par le législateur comme le monopole du débiteur, la question se pose de savoir si, dans l’hypothèse où les critères posés aux articles L. 611-4 et L. 611-5 du code de commerce sont remplis, il lui appartient d’apprécier l’opportunité de saisir le Président du Tribunal.

En matière de redressement ou de liquidation judiciaire, dès lors que le débiteur constate la cessation des paiements, il a l’obligation de saisir la juridiction compétente.

En va-t-il de même en matière de procédure de conciliation ?

Deux situations doivent être distinguées

  • Première situation : le débiteur est en cessation des paiements
    • Dans cette hypothèse, conformément aux articles L. 611-4, 631-1 et L. 640-1 du Code de commerce, dès lors que le débiteur se trouve en état de cessation des paiements, obligation lui est faite de saisir la juridiction compétente dans un délai de quarante-cinq jours.
    • À défaut, il s’expose à la sanction prévue à l’article L. 653-8 du Code de commerce, soit à une « interdiction de diriger, gérer administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci. »
  • Seconde situation : le débiteur n’est pas cessation des paiements
    • Dans cette hypothèse, aucune obligation n’impose au débiteur de saisir le Président du Tribunal compétent aux fins d’ouvrir une procédure de conciliation.
    • Il s’agit là d’une procédure qui repose sur une démarche purement volontaire du chef d’entreprise.
    • C’est à lui qu’il appartient d’apprécier l’opportunité de prendre des mesures visant à traiter les difficultés que rencontre son entreprise.
    • L’article R. 611-37 du Code de commerce prévoit en ce sens que « lorsque le débiteur en fait la demande, le président du tribunal met fin sans délai à la procédure de conciliation ».

C) La forme de la saisine

Pour être efficace, la saisine du Président du Tribunal doit respecter certaines formes fixées par les textes.

  • Une requête
    • L’article L. 611-6 du Code de commerce prévoit que le Président de la juridiction compétente est saisi sur requête
  • Le contenu de la requête
    • Aux termes de l’article L. 611-6 du Code de commerce, dans sa requête le débiteur doit exposer :
      • Sa situation économique, financière, sociale et patrimoniale
      • Ses besoins de financement ainsi que le cas échéant, les moyens d’y faire face
    • Le débiteur doit, en somme, convaincre le Président du Tribunal que la mise en place d’une procédure de conciliation lui permettra de surmonter les difficultés rencontrées par son entreprise.
    • Il devra être d’autant plus convaincant quant aux chances de succès de la mesure sollicitée s’il est en cessation des paiements.
    • Le Président du Tribunal ne voudra pas prendre le risque que la situation du débiteur s’aggrave et que, par voie de conséquence, celui porte atteinte aux intérêts des créanciers.
  • Les pièces qui accompagnent la requête
    • L’article R. 611-22 du Code de commerce prévoit que la requête aux fins d’ouverture d’une procédure de conciliation adressée ou remise au président du tribunal en application de l’article L. 611-6 est accompagnée des pièces suivantes :
      • Un extrait d’immatriculation aux registres et répertoires mentionnés à l’article R. 621-8 ou, le cas échéant, le numéro unique d’identification
      • L’état des créances et des dettes accompagné d’un échéancier ainsi que la liste des principaux créanciers
      • L’état actif et passif des sûretés ainsi que celui des engagements hors bilan
      • Les comptes annuels, le tableau de financement ainsi que la situation de l’actif réalisable et disponible, valeurs d’exploitation exclues, et du passif exigible des trois derniers exercices, si ces documents ont été établis
      • Une attestation sur l’honneur certifiant l’absence de procédure de conciliation dans les trois mois précédant la date de la demande
      • Une déclaration indiquant, le cas échéant, la prise en charge par un tiers des frais de la procédure demandée.
      • Le cas échéant, la requête précise la date de cessation des paiements.
      • Lorsque le débiteur exerce une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, elle précise l’ordre professionnel ou l’autorité dont il relève.
      • Lorsque le débiteur propose un conciliateur à la désignation du président du tribunal, il précise son identité et son adresse.

D) La juridiction compétente

==> Sur la compétence d’attribution

Il ressort des articles L. 611-4 et L. 611-5 du Code de commerce que :

  • Le Tribunal de commerce est compétent lorsque le débiteur exerce une activité commerciale ou artisanale
  • Le Tribunal de grande instance est compétent dans tous les autres cas où le débiteur est éligible à la procédure de conciliation

==> Sur la compétence territoriale

  • Principe
    • Aux termes de l’article R. 600-1 du Code de commerce le tribunal territorialement compétent pour connaître des procédures prévues par le livre VI est celui dans le ressort duquel le débiteur, personne morale, a son siège ou le débiteur, personne physique, a déclaré l’adresse de son entreprise ou de son activité.
  • Cas particuliers
    • Pour les entreprises de droit étranger
      • À défaut de siège en territoire français, le tribunal compétent est celui dans le ressort duquel le débiteur a le centre principal de ses intérêts en France.
    • En cas de changement du siège social
      • En cas de changement de siège de la personne morale dans les six mois ayant précédé la saisine du tribunal, le tribunal dans le ressort duquel se trouvait le siège initial demeure seul compétent.
      • Ce délai court à compter de l’inscription modificative au registre du commerce et des sociétés du siège initial.

 ==> Sur la compétence des Tribunaux de commerce spécialisés

  • Compétence d’attribution des Tribunaux spécialisés
    • Innovation de la loi Macron du 6 août 2015, l’article L. 721-8 du Code de commerce prévoit que des tribunaux de commerce spécialement désignés connaissent de la procédure de conciliation prévue au titre Ier du livre VI :
      • En premier lieu, lorsque le débiteur exerce une activité commerciale ou artisanale de la procédure de conciliation prévue au titre Ier du livre VI
      • En second lieu, lorsque le débiteur est :
        • Soit une entreprise dont le nombre de salariés est égal ou supérieur à 250 et dont le montant net du chiffre d’affaires est d’au moins 20 millions d’euros
        • Soit une entreprise dont le montant net du chiffre d’affaires est d’au moins 40 millions d’euros
        • Soit une société qui détient ou contrôle une autre société, au sens des articles 233-1 et L. 233-3, dès lors que le nombre de salariés de l’ensemble des sociétés concernées est égal ou supérieur à 250 et que le montant net du chiffre d’affaires de l’ensemble de ces sociétés est d’au moins 20 millions d’euros
        • Soit une société qui détient ou contrôle une autre société, au sens des articles L. 233-1 et L. 233-3, dès lors que le montant net du chiffre d’affaires de l’ensemble de ces sociétés est d’au moins 40 millions d’euros
  • Compétence territoriale des Tribunaux spécialisées
    • Le Tribunal de commerce spécialisé territorialement compétent est celui dans le ressort duquel se situe la société qui détient ou contrôle une autre société au sens des articles L. 233-1 et L. 233-3.
    • S’agissant des entreprises de droit étranger, est compétent le président du tribunal de commerce dans le ressort duquel l’entreprise a des intérêts ou un juge délégué par lui siège de droit au sein du tribunal de commerce spécialisé compétent.
  • Saisine des Tribunaux spécialisés
    • Plusieurs personnes sont habilitées à saisir un Tribunal de commerce spécialisé dans le cadre d’une procédure de conciliation.
    • Ces personnes sont désignées à l’article R. 611-23-1 du Code de commerce
      • Le débiteur (Art. R. 611-23-1, I)
        • Lorsque les conditions prévues au 4° de l’article L. 721-8 sont réunies, le débiteur adresse ou remet directement au président du tribunal de commerce spécialisé compétent sa requête aux fins d’ouverture d’une procédure de conciliation.
      • Le président du Tribunal de commerce initialement saisi (Art. R. 611-23-1, II)
        • Lorsqu’un président de tribunal de commerce saisi estime que l’examen de la requête aux fins d’ouverture d’une procédure de conciliation relève de la compétence d’un tribunal de commerce spécialisé, il peut décider d’office du renvoi de la requête devant ce tribunal.
        • Il statue par ordonnance motivée après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur et recueilli l’avis du ministère public.
        • Le greffier du tribunal de commerce saisi transmet aussitôt le dossier au président du tribunal de commerce spécialisé désigné, avec une copie de l’ordonnance de renvoi.
        • Ces dispositions s’appliquent également en cours de procédure au renvoi au tribunal de commerce spécialisé décidé d’office par le président du tribunal de commerce saisi.
      • Le ministère public (Art. R. 611-23-1, III)
        • Le renvoi devant le tribunal de commerce spécialisé compétent peut également être demandé par requête motivée du ministère public près le tribunal de commerce saisi.
        • Le greffier du tribunal de commerce saisi notifie la requête aux parties sans délai.
        • Le président du tribunal statue sur la demande de renvoi par ordonnance motivée après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur et recueilli l’avis du ministère public. S’il est fait droit à la demande de renvoi, le greffier du tribunal de commerce saisi transmet aussitôt le dossier au président du tribunal de commerce spécialisé désigné, avec une copie de l’ordonnance de renvoi.
  • Liste des différents Tribunaux de commerce spécialisés
    • Cette liste a été fixée par le décret n° 2016-217 du 26 février 2016.

Siège et ressort des tribunaux de commerce spécialisés

Schéma 10.JPG

II) L’information du Président du Tribunal

==> La limitation des pouvoirs d’investigation du Président du Tribunal

Avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 18 décembre 2008, l’article L. 611-6, al. 2 du Code de commerce prévoyait que « outre les pouvoirs qui lui sont attribués par le second alinéa du I de l’article L. 611-2, le président du tribunal peut charger un expert de son choix d’établir un rapport sur la situation économique, sociale et financière du débiteur et, nonobstant toute disposition législative et réglementaire contraire, obtenir des établissements bancaires ou financiers tout renseignement de nature à donner une exacte information sur la situation économique et financière de celui-ci. »

Cet alinéa a été supprimé par le législateur en 2008. La conséquence en est que les prérogatives du Président du tribunal sont dorénavant limitées s’agissant de ses pouvoirs d’investigation.

Plus précisément, cette limitation tient à l’impossibilité pour le Président de la juridiction saisie d’exercer ses pouvoirs d’investigation en amont de la procédure de conciliation, soit avant son ouverture.

Cette possibilité lui avait été antérieurement offerte par le législateur afin de lui permettre d’apprécier de l’opportunité d’ouvrir la procédure de conciliation.

Désormais, il ne dispose plus de cette faculté. Il ne peut exercer ses pouvoirs d’investigation que postérieurement à l’ouverture de la procédure.

==> Le contenu des pouvoirs du Président du Tribunal en matière d’investigation

L’article L. 611-6 du Code de commerce confère deux prérogatives au Président du Tribunal de compétent en matière d’investigation :

  • Première prérogative
    • Il peut obtenir communication de tout renseignement lui permettant d’apprécier la situation économique, financière, sociale et patrimoniale du débiteur et ses perspectives de règlement, notamment par les commissaires aux comptes, les experts-comptables, les notaires, les membres et représentants du personnel, les administrations et organismes publics, les organismes de sécurité et de prévoyance sociales, les établissements de crédit, les sociétés de financement, les établissements de monnaie électronique, les établissements de paiement ainsi que les services chargés de centraliser les risques bancaires et les incidents de paiement.
  • Seconde prérogative
    • Il peut charger un expert de son choix d’établir un rapport sur la situation économique, financière, sociale et patrimoniale du débiteur.

III) La décision du Président du Tribunal

Lorsque le Président du Tribunal compétent est saisi aux fins d’ouverture d’une procédure de conciliation il dispose de deux options :

  • Soit il rejette la demande du débiteur en estimant que les difficultés qu’il soulève au soutien de sa requête ne justifient pas l’ouverture d’une procédure de conciliation
  • Soit, au contraire, il accède à la demande du débiteur, considérant que les difficultés rencontrées par l’entreprise doivent être traitées faute de quoi il est un risque qu’elles ne s’aggravent.

En toute hypothèse, conformément aux articles R. 611-23 et R. 611-25 du Code de commerce, le Président du Tribunal devra :

  • D’une part, dès réception de la demande, le président du tribunal devra faire convoquer, par le greffier, le représentant légal de la personne morale débitrice ou le débiteur personne physique pour recueillir ses explications.
  • D’autre part, notifier l’ordonnance statuant sur la demande au requérant.

A) Le président du Tribunal rejette la demande d’ouverture d’une procédure de conciliation

L’article R. 611-26 du Code de commerce prévoit que « s’il n’est pas fait droit à la demande de désignation d’un conciliateur ou de prorogation de la mission de celui-ci, appel peut être interjeté par le débiteur ».

Ainsi, ce dernier n’est pas démuni de voie de recours. La procédure d’appel est encadrée par plusieurs règles qu’il convient d’exposer :

  • Forme de l’appel
    • L’appel est interjeté par une déclaration faite ou adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au greffe du tribunal.
  • Représentation
    • Il peut être observé que le débiteur est dispensé du ministère de l’avocat.
  • Réaction du Président du tribunal
    • Le président du tribunal peut, dans un délai de cinq jours à compter de la déclaration d’appel, modifier ou rétracter sa décision.
      • En cas de modification ou de rétractation, le greffier notifie la décision au débiteur.
      • Dans le cas contraire, le greffier du tribunal transmet sans délai au greffe de la cour le dossier de l’affaire avec la déclaration d’appel et une copie de la décision. Il avise le débiteur de cette transmission.
  • Procédure gracieuse
    • L’appel est instruit et jugé selon les règles applicables en matière gracieuse devant le tribunal de grande instance.

B) Le Président du Tribunal fait droit à la demande d’ouverture d’une procédure de conciliation

À titre de remarque liminaire, il peut être observé que, conformément à l’article R. 611-25 du Code de commerce, lorsque le Président du Tribunal fait droit à la demande du débiteur, un certain nombre de formalités doivent être accomplies s’agissant de la notification de sa décision :

  • L’ordonnance statuant sur la demande est notifiée par le greffier au requérant.
    • En cas de désignation d’un conciliateur, la notification reproduit les dispositions des articles R. 611-27 et 611-28.
  • La décision ouvrant la procédure de conciliation est communiquée sans délai par le greffier au ministère public et, le cas échéant, à l’ordre professionnel ou à l’autorité dont relève le débiteur.
  • Elle est notifiée au conciliateur.
    • La lettre de notification reproduit les dispositions de l’article L. 611-13 et des articles R. 611-27 et 611-28.

S’agissant de la décision du Président de la juridiction saisie en elle-même, elle doit :

  • D’une part, fixer la durée de la procédure de conciliation
  • D’autre part, désigner un conciliateur
  1. La désignation d’un conciliateur

==> Le choix du conciliateur

  • Principe : une prérogative du Président de la juridiction saisie
    • Conformément à l’article L. 611-6, al. 2 du Code de commerce la désignation d’un conciliateur relève de la compétence du Président de la juridiction saisie.
    • L’article L. 611-6, al. 1er précise que le débiteur peut proposer le nom d’un conciliateur.
    • Toutefois, le Président du Tribunal n’est nullement tenu lié par la proposition du débiteur.
  • Limite : la récusation du conciliateur
    • L’initiative de la récusation
      • Le débiteur
        • L’article L. 611-6, al. 4 du Code de commerce prévoit que le débiteur peut récuser le conciliateur
        • Pour ce faire il devra prouver, conformément à l’article R. 611-28 du Code de commerce qu’il répond à l’une des situations suivantes :
          • Soit, il a directement ou indirectement un intérêt personnel à la procédure
          • Soit, il existe un lien direct ou indirect, quelle qu’en soit la nature, entre le conciliateur et l’un des créanciers ou l’un des dirigeants ou préposés de celui-ci
          • Soit, il existe une cause de défiance entre le conciliateur et le débiteur
          • Soit, il est dans l’une des situations d’incompatibilité visées à l’article L. 611-13
          • Soit, il a été définitivement radié ou destitué d’une profession réglementée.
      • Le conciliateur
        • L’article R. 611-34-1 prévoit que le conciliateur fait connaître sans délai au président du tribunal tout élément qui pourrait constituer un motif de récusation ainsi que tout autre motif qui pourrait justifier qu’il soit mis fin à sa mission, dont il n’avait pas connaissance au moment de l’acceptation de sa mission.
        • La procédure de récusation peut ainsi être engagée à l’initiative du conciliateur.
        • La décision demeure appartenir au Président de la juridiction saisie
        • La procédure de récusation
          • La forme de la demande de récusation
            • L’article R. 611-28 du Code de commerce prévoit qu
              • D’une part, la demande de récusation est formée dans les quinze jours de la notification de la décision désignant le conciliateur, par acte remis au greffe ou par une déclaration consignée par le greffier dans un procès-verbal.
              • D’autre part, elle est motivée et, le cas échéant, accompagnée des pièces propres à la justifier.
              • Enfin, elle suspend la procédure jusqu’à ce qu’une décision définitive statue sur la récusation.
          • La notification de la récusation
            • L’article R. 611-29 du Code de commerce prévoit que
              • Première étape: le greffier notifie la demande de récusation au conciliateur, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. La lettre de notification reproduit les deuxième et troisième alinéas du présent article
              • Deuxième étape: dès réception de la notification de la demande, le conciliateur s’abstient jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la récusation
              • Troisième étape: dans les huit jours de cette réception, il fait connaître par écrit au président du tribunal soit son acquiescement à la récusation, soit les motifs pour lesquels il s’y oppose.
              • Quatrième étape : si la récusation est admise, il est procédé au remplacement du conciliateur sans délai (art. R. 611-32 C.com/.)
          • Voies de recours
            • D’abord, l’article R. 611-33 du Code de commerce prévoit que :
              • la décision qui rejette la demande de récusation peut être frappée de recours par le débiteur devant le premier président de la cour d’appel dans un délai de dix jours à compter de la notification
              • Le recours est formé par la remise ou l’envoi au greffe de la cour d’appel d’une note en exposant les motifs.
            • Ensuite, l’article R. 611-34 ajoute que
              • Le greffier de la cour d’appel convoque le débiteur et le conciliateur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée quinze jours au moins à l’avance.
              • La note mentionnée au second alinéa de l’article R. 611-33 est jointe à la convocation adressée au conciliateur.
              • Le premier président ou son délégué les entend contradictoirement.
              • La décision est notifiée par le greffier au débiteur. Le conciliateur en est avisé.
  • Les incompatibilités
    • L’article L. 611-13 du Code de commerce prévoit un certain nombre d’incompatibilités entre la fonction de conciliateur et l’exercice e certaines activités.
    • Plus précisément, le pouvoir de désignation du Président du tribunal de commerce est enfermé dans deux limites :
      • Première limite
        • Les missions du conciliateur ne peuvent être exercées par une personne ayant, au cours des vingt-quatre mois précédents, perçu, à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, une rémunération ou un paiement
          • de la part du débiteur intéressé,
          • de tout créancier du débiteur ou d’une personne qui en détient le contrôle ou est contrôlée par lui au sens de l’article L. 233-16, sauf s’il s’agit
            • d’une rémunération perçue au titre d’un mandat ad hoc
            • d’un mandat de justice confié dans le cadre d’une procédure de règlement amiable
            • d’une procédure de conciliation à l’égard du même débiteur ou du même créancier ou de la rémunération perçue au titre d’un mandat de justice, autre que celui de commissaire à l’exécution du plan, confié dans le cadre d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire.
          • L’existence d’une rémunération ou d’un paiement perçus de la part d’un débiteur entrepreneur individuel à responsabilité limitée est appréciée en considération de tous les patrimoines dont ce dernier est titulaire.
          • La personne ainsi désignée doit attester sur l’honneur, lors de l’acceptation de son mandat, qu’elle se conforme à ces interdictions.
      • Seconde limite
        • Les missions de conciliateur ne peuvent être confiées à un juge consulaire en fonction ou ayant quitté ses fonctions depuis moins de cinq ans.

==> La mission du conciliateur

L’article L. 611-7 du Code de commerce prévoit que le conciliateur est investi d’une mission principale, assortie de missions complémentaires

  • La mission principale du conciliateur
    • Le conciliateur a pour mission de favoriser la conclusion entre le débiteur et ses principaux créanciers ainsi que, le cas échéant, ses cocontractants habituels, d’un accord amiable destiné à mettre fin aux difficultés de l’entreprise.
  • Les missions complémentaires du conciliateur
    • La formulation de propositions
      • Le conciliateur peut présenter toute proposition se rapportant à la sauvegarde de l’entreprise, à la poursuite de l’activité économique et au maintien de l’emploi.
    • L’organisation de la cession totale ou partielle de l’entreprise (Prepack-cession)
      • Le conciliateur peut également être chargé, à la demande du débiteur et après avis des créanciers participants, d’une mission ayant pour objet l’organisation d’une cession partielle ou totale de l’entreprise qui pourrait être mise en œuvre, le cas échéant, dans le cadre d’une procédure ultérieure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.
      • L’article R. 611-26-2 du Code de commerce précise que pour l’exercice de cette mission, la demande formulée par le débiteur doit être accompagnée de plusieurs éléments :
        • La demande d’avis adressée aux créanciers participants, qui reproduit les dispositions du premier alinéa de l’article L. 611-7 et du I de l’article L. 642-2 et sur laquelle chaque créancier a mentionné son avis ou, à défaut, un document justificatif de la demande d’avis
        • L’accord du conciliateur pour prendre en charge la mission
        • L’accord du débiteur sur les conditions de rémunération dues au titre de cette mission.
      • L’ordonnance par laquelle le président fait droit à la demande et détermine ou modifie la mission du conciliateur fixe :
        • Les conditions de rémunération de cette mission complémentaire.
        • Elle est notifiée par le greffier au requérant et au conciliateur.

Conformément à l’article L. 611-7 du Code de commerce, le conciliateur peut, pour exercer ces différentes missions, obtenir du débiteur tout renseignement utile.

Le président du tribunal communique au conciliateur les renseignements dont il dispose et, le cas échéant, les résultats de l’expertise mentionnée au cinquième alinéa de l’article L. 611-6.

==> Le suivi de la mission du conciliateur par le Président du Tribunal

  • Dans le cadre de l’exercice de la mission
    • Le conciliateur rend compte au président du tribunal de l’état d’avancement de sa mission et formule toutes observations utiles sur les diligences du débiteur.
  • En cas d’impossibilité de parvenir à un accord
    • le conciliateur présente sans délai un rapport au président du tribunal. Celui-ci met fin à sa mission et à la procédure de conciliation. Sa décision est notifiée au débiteur et communiquée au ministère public.

==> La rémunération du conciliateur

Aux termes de l’article L. 611-14 du Code de commerce « après avoir recueilli l’accord du débiteur et, en cas de recours à la conciliation et au mandat à l’exécution de l’accord, l’avis du ministère public dans les conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, le président du tribunal fixe, au moment de leur désignation, les conditions de la rémunération du mandataire ad hoc, du conciliateur, du mandataire à l’exécution de l’accord et, le cas échéant, de l’expert, en fonction des diligences qu’implique l’accomplissement de leur mission. »

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette disposition :

  • L’exigence d’accord du débiteur
    • L’article L. 611-14 du Code de commerce subordonne la fixation de la rémunération du conciliateur à l’accord du débiteur
    • L’article R. 611-48 du Code de commerce précise que
      • D’une part, l’accord du débiteur sur les conditions de rémunération du conciliateur est consigné par écrit préalablement à leur désignation.
      • D’autre part, que cet accord est annexé à l’ordonnance de désignation.
  • L’exigence d’accord du ministère public
    • l’article L. 611-14 du Code de commerce prévoit que la fixation de la rémunération du conciliateur est subordonnée à l’obtention de l’accord du ministère public.
    • L’article R. 611-47-1 du Code de commerce précise que :
      • D’une part, les propositions faites par le conciliateur au débiteur sur les conditions de sa rémunération sont jointes à la demande mentionnée à l’article R. 611-18 ou à la requête mentionnée à l’article R. 611-22. Les propositions faites par le conciliateur sont transmises sans délai par le greffier au ministère public.
      • D’autre part, le président ne peut désigner un conciliateur dont la désignation ne lui a pas été proposée par le débiteur qu’après avoir obtenu l’accord de celui-ci sur les conditions de sa rémunération.
      • Enfin, en l’absence d’avis du ministère public, le président ne peut ouvrir la procédure de conciliation avant l’expiration d’un délai de quarante-huit heures à compter de la transmission prévue au premier alinéa.
  • La détermination de la rémunération du mandataire
    • Les critères de la rémunération
      • L’article L. 611-14 du Code de commerce prévoit que la rémunération du mandataire est déterminée en considération des diligences qu’implique l’accomplissement de sa mission.
      • L’article R. 611-47 précise que les conditions de rémunération du mandataire ad hoc, comprennent :
        • Les critères sur la base desquels elle sera arrêtée
        • Son montant maximal
        • Le cas échéant, le montant ou les modalités de versement des provisions.
    • Les critères non admis de la rémunération
      • La rémunération du mandataire ne peut jamais :
        • D’une part, être liée au montant des abandons de créances obtenus
        • D’autre part, faire l’objet d’un forfait pour ouverture du dossier.
    • La proposition de rémunération
      • Les propositions faites par le mandataire ad hoc ou le conciliateur au débiteur sur les conditions de sa rémunération sont jointes à la demande mentionnée à l’article R. 611-18 ou à la requête mentionnée à l’article R. 611-22.
      • Les propositions faites par le conciliateur sont transmises sans délai par le greffier au ministère public.
  • La décision arrêtant la rémunération du mandataire
    • L’article L. 611-14 du Code de commerce prévoit que la rémunération est arrêtée par ordonnance du président du tribunal qui est communiquée au ministère public.
    • L’article R. 611-50 du Code de commerce précise que le greffier notifie l’ordonnance arrêtant la rémunération au mandataire ad hoc ainsi qu’au débiteur.
  • Les recours contre la décision arrêtant la rémunération du mandataire
    • Aux termes de l’article R. 611-50 du Code de commerce la décision arrêtant la rémunération du mandataire peut être frappée d’un recours par :
      • Le débiteur
      • Le mandataire ad hoc
    • Dans tous les cas, le recours est porté devant le premier président de la cour d’appel.
    • Le recours est formé, instruit et jugé dans les délais et conditions prévus par les articles 714 à 718 du code de procédure civile.
  • La réévaluation de la rémunération
    • L’article R. 611-49 du Code de commerce prévoit que si le mandataire ad hoc estime au cours de sa mission que le montant maximal de la rémunération fixé par l’ordonnance qui l’a désigné est insuffisant, il en informe le président du tribunal.
    • Le président du tribunal peut alors fixer les nouvelles conditions de la rémunération en accord avec le débiteur
    • L’accord est consigné par écrit.
    • À défaut d’accord, il est mis fin à sa mission.

2. Sur la durée de la procédure

  • La fixation de la durée
    • Conformément à l’article L. 611-6 du Code de commerce, la durée de la procédure de conciliation est fixée par le Président du Tribunal
    • Elle ne peut pas excéder une période de quatre mois
  • La prorogation du délai
    • Deux hypothèses doivent être distinguées
      • Aucune demande de constatation d’un accord ou d’homologation n’a été formée
        • Par une décision motivée, le Président du Tribunal peut proroger le délai fixé initialement à la demande du conciliateur sans que la durée totale de la procédure de conciliation ne puisse excéder cinq mois.
      • Une demande de constatation d’un accord ou d’homologation a été formée
        • Si une demande de constatation ou d’homologation a été formée en application de l’article L. 611-8 avant l’expiration de cette période, la mission du conciliateur et la procédure sont prolongées jusqu’à la décision, selon le cas, du président du tribunal ou du tribunal.
        • À défaut, elles prennent fin de plein droit et une nouvelle conciliation ne peut être ouverte dans les trois mois qui suivent.
  • La réduction du délai
    • La durée de la procédure de conciliation peut être écourtée dans deux situations
      • Le conciliateur peut demander au président du tribunal de mettre fin à sa mission
        • Il le fera, lorsqu’il estimera indispensables les propositions faites par lui au débiteur en application du premier alinéa de l’article L. 611-7 et que celui-ci les a rejetées.
      • Le débiteur peut également de son côté demander au président du tribunal de mettre fin à la mission du conciliateur

Les conditions d’ouverture de la procédure de conciliation

==> Ratio legis

Lorsqu’une entreprise rencontre des difficultés, il est un risque que ses dirigeants ne réagissent pas à temps pour les traiter, soit parce qu’ils ne prennent pas conscience de la situation, soit parce qu’ils ne souhaitent pas effrayer les créanciers ou s’exposer à la menace de poursuites.

En tout état de cause, si le dirigeant ne réagit pas rapidement, son incurie est susceptible de compromettre la continuité de l’exploitation.

Aussi, afin que le chef d’entreprise ne se retrouve pas dans cette situation, le législateur est intervenu plusieurs reprises pour instaurer des mécanismes de prévention des entreprises en difficulté.

Parmi ces mécanismes, loi n° 84-148 du 1 mars 1984 a institué une procédure de règlement amiable qui a pour finalité la conclusion d’un accord en vertu duquel les créanciers de l’entreprise en difficulté s’engagent à lui consentir des délais de paiement ou des remises de dette.

Bien que cette procédure présente l’avantage de la confidentialité et de la souplesse pour le chef d’entreprise, qui demeure investi de ses pouvoirs d’administration, trois inconvénients majeurs ont rapidement été révélés par la pratique.

  • Premier inconvénient
    • Dans la mesure où la conclusion de l’accord ou concordat amiable repose sur l’autonomie de la volonté, seuls les créanciers qui ont accepté de s’engager sont tenus de respecter les termes de l’accord.
    • Les créanciers restent par conséquent libres de refuser de consentir des délais de paiement ou des remises de dette à l’entreprise en difficulté
    • Le débiteur ne dispose alors d’aucun moyen pour faire échec aux poursuites judiciaires diligentées contre lui par un créancier qui ne serait pas partie à l’accord.
    • Un seul créancier peut ainsi mettre à mal l’équilibre financier trouvé par le débiteur et ses partenaires lors de la conclusion de l’accord.
  • Deuxième inconvénient
    • En raison de sa nature purement contractuelle, l’accord ne possède pas la même force contraignante qu’une décision de justice
    • Dès lors, il est un risque pour les créanciers que le débiteur ne satisfasse pas à ses engagements malgré les efforts consentis.
    • Dans ces conditions, non seulement la conclusion de l’accord aura fait perdre du temps aux créanciers quant au recouvrement de leur créance, mais encore ils n’auront d’autre choix que d’engager des poursuites judiciaires.
  • Troisième inconvénient
    • Il est un risque que la conclusion de l’accord conduise à une rupture d’égalité entre les créanciers dans l’hypothèse où le débiteur consentirait à l’un d’entre eux un avantage particulier, alors même que la loi de l’égalité préside à l’ouverture d’une procédure collective
    • Afin de se prémunir de ce risque, les créanciers privilégiés en rang préféreront dès lors réaliser la sûreté qu’ils se sont constituée.

==> Historique

En réponse à ces différents inconvénients que présentait la procédure de règlement amiable, le législateur a réformé cette procédure à plusieurs reprises afin de la rendre plus attractive pour les créanciers

  • Première réforme: la loi du n° 94-475 du 10 juin 1994 relative à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises
    • Le législateur est intervenu une première fois en 1994 afin de permettre au Président du tribunal de commerce de prononcer la suspension des poursuites judiciaires contre le débiteur
    • L’idée était d’empêcher qu’un créancier qui aurait refusé de consentir des délais de paiement au débiteur ne puisse mettre à mal ledit accord en engageant égoïstement une procédure de recouvrement judiciaire de sa créance
  • Deuxième réforme: la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises
    • Le législateur est de nouveau intervenu afin de remplacer la procédure du règlement amiable par la procédure de conciliation.
    • Comme l’a indiqué le député Xavier de Roux dans son rapport, l’objectif global de cette réforme est de sécuriser juridiquement les termes de l’accord et sa portée à l’égard des tiers, au regard d’une jurisprudence récente qui a pu conduire à faire remonter la date de cessation des paiements avant l’homologation incluant ainsi les financements prévus par l’accord dans la « période suspecte », et les rendant donc susceptibles d’annulation ou de poursuites pénales.
    • Ainsi, l’apport majeur du texte adopté en 2005 a été d’ouvrir la possibilité pour le débiteur d’opter pour la procédure de conciliation alors même qu’il se trouve en état de cessation des paiements
    • La procédure de conciliation ne remplit donc pas seulement une fonction préventive.
    • Il peut également y être recouru à titre curatif
  • Troisième réforme: l’ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté
    • L’adoption de cette ordonnance a essentiellement été guidée par le souci de rapprocher les effets de l’accord constaté par le Président du tribunal de commerce de ceux attachés à l’accord de conciliation homologué.
    • Pour ce faire, le législateur a notamment inséré dans le code de commerce de nouveaux articles qui précisent et renforcent les effets de l’accord de conciliation pendant la durée de son exécution
  • Quatrième réforme: l’ordonnance 2014-326 du 12 mars 2014, portant réforme de la prévention et des procédures collectives
    • L’objectif affiché de ce texte s’agissant de la conciliation est, d’une part, de faciliter le recours par le débiteur à cette procédure préventive et, d’autre part, d’inciter les créanciers à participer activement aux négociations.
    • Pour ce faire, le législateur a notamment consacré la possibilité de confier au conciliateur la mission de rechercher un éventuel repreneur en renforçant l’effectivité de cette mission lorsque la cession interviendra dans le cadre d’une procédure collective suivant la procédure de conciliation,
    • Il a également ouvert la possibilité de procéder à la désignation d’un mandataire de justice chargé de suivre l’exécution de l’accord, constaté ou homologué, mesure à laquelle la pratique a déjà recouru, ce qu’organisent les articles 6, 8 et 13, l’article 12 modifiant par ailleurs l’article L. 611-13, relatif aux incompatibilités, pour prendre en compte cette mission de mandataire à l’exécution de l’accord.
    • Le législateur a encore renforcé le rôle du ministère public afin de conserver à la procédure de conciliation son caractère souple et consensuel, tout en veillant aux excès possibles.

L’ouverture de la procédure de conciliation est subordonnée à la satisfaction de conditions qui tiennent :

  • D’une part, à l’activité de l’entreprise
  • D’autre part, à la situation de l’entreprise

I) La condition tenant à l’activité de l’entreprise

Aux termes des articles L. 611-4 et L. 611-5 du Code de commerce, sont éligibles à la procédure de conciliation deux catégories de personnes :

  • Les débiteurs exerçant une activité commerciale ou artisanale
  • Les personnes morales de droit privé et aux personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé

A) Première catégorie (art. L. 611-4)

  1. Principe :

La première catégorie de personnes susceptibles de bénéficier de la procédure de conciliation regroupe les débiteurs exerçant une activité commerciale ou artisanale

Ce qui importe, ce n’est donc pas la qualité de commerçant ou d’artisan, mais l’exercice d’une activité commerciale

Peu importe la forme de l’entreprise concernée, ce qui compte c’est qu’elle exerce une activité commerciale.

Sont ainsi visés :

  • Les sociétés commerciales
  • Les commerçants et artisans personnes physiques
  • Les groupements d’intérêt économique
  • Les coopératives

2. Cas particuliers

==> Les associés en nom collectif

Conformément à l’article L. 221-1 du Code de commerce les associés en nom collectif endossent la qualité de commerçant

Aussi, cela signifie-t-il que le droit commercial leur est applicable.

Est-ce à dire qu’ils peuvent nécessairement solliciter le bénéfice de l’ouverture d’une procédure de conciliation ?

Une lecture stricte de l’article L. 611-4 du Code de commerce devrait étonnamment nous conduire à répondre par la négative à cette question.

Pour mémoire ce texte prévoit que la procédure de conciliation ne peut bénéficier qu’aux seuls débiteurs qui exercent une activité commerciale.

Or nonobstant leur qualité de commerçant, techniquement les associés en nom collectif n’exercent aucune activité commerciale.

Lorsqu’ils accomplissent un acte de commerce, ils agissent au nom et pour le compte de la société dans laquelle ils sont intéressés.

Il en résulte que la procédure de conciliation ne devrait pas leur être applicable dans la mesure où ils n’exercent aucune activité commerciale.

Dans un arrêt du 5 décembre 2013, la Cour de cassation a pourtant décidé du contraire.

Schéma 1.JPG

  • Faits
    • Deux associés d’une SNC se sont portés caution solidaire d’un prêt consenti à leur société.
    • Ne parvenant pas à satisfaire à leur engagement lorsque la banque les sollicite pour régler la dette de leur société, ils demandent l’ouverture, à leur profit d’une procédure de surendettement.
    • Leur demande est jugée recevable par la commission de surendettement, à la suite de quoi un créancier décide de contester la décision de la commission.
  • Procédure
    • Par jugement rendu en dernier ressort le 17 juin 2011 par le juge de l’exécution près le Tribunal de grande instance de Bayonne, il a été fait droit à la demande de surendettement effectué par les associés en nom collectif qui avait été jugée irrecevable par la commission de surendettement
    • Le JEX a estimé, en l’espèce, que dans la mesure où l’acte de caution a été accompli pour les besoins de l’activité professionnelle des débiteurs, ces derniers ne pouvaient pas bénéficier de la procédure de surendettement.
    • Autrement dit, pour le JEX, il aurait fallu pour que les dettes contractées par les associés en nom collectif puissent justifier l’ouverture d’une procédure de surendettement qu’elles revêtent une nature purement civile.
    • Or en l’espèce ce n’est pas le cas, puisqu’il s’agissait d’un cautionnement souscrit par les débiteurs en vue d’obtenir un prêt pour une société.
  • Moyens des parties
    • Les associés en nom collectif invoquent, au soutien de leur demande, que la procédure de surendettement bénéficie à la caution personne physique qui garantit une dette professionnelle, ce conformément à l’article L. 330-1 du Code de la consommation.
    • Pour mémoire, l’article L. 711-1 du Code de la consommation dispose que « la situation de surendettement des personnes physiques est caractérisée par l’impossibilité manifeste pour le débiteur de bonne foi de faire face à l’ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir. L’impossibilité manifeste pour une personne physique de bonne foi de faire face à l’engagement qu’elle a donné de cautionner ou d’acquitter solidairement la dette d’un entrepreneur individuel ou d’une société caractérise également une situation de surendettement».
    • L’argument avancé en l’espèce est pour le moins solide.
    • En effet, l’article L. 711-1 du Code de la consommation vise clairement la situation en l’espèce.
    • Voilà deux personnes physiques qui viennent cautionner, à titre personnel, la société dans laquelle ils sont associés.
  • Problématique
    • La question qui alors se pose est de savoir si une personne physique qui se porte caution, à titre personnel, pour la dette contractée pour la société en nom collectif dont elle est associée peut bénéficier d’une procédure de surendettement ?
  • Solution
    • Par un arrêt du 5 décembre 2013, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par les associés de la société pour laquelle ils se sont portés caution.
    • Elle justifie sa décision en affirmant que « les associés gérants d’une société en nom collectif qui ont de droit la qualité de commerçants sont réputés exercer une activité commerciale au sens des articles L. 631-2 et L. 640-2 du code de commerce qui disposent, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, que les procédures de redressement et liquidation judiciaires sont applicables à “toutes personnes exerçant une activité commerciale ou artisanale” ; qu’il s’ensuit qu’en application de l’article L 333-1 du code de la consommation, ils sont exclus du bénéfice des dispositions relatives au surendettement des particuliers»
    • La Cour de cassation raisonne ici en quatre temps:
      • La Cour de cassation rappelle d’abord que les associés en nom collectif ont, de droit, la qualité de commerçant, ce qui est indiscutable !
      • Ensuite elle relève que les articles 631-2 et L. 640-2 intègrent dans la liste des personnes susceptibles de faire l’objet d’une procédure de redressement ou liquidation judiciaire qui « exercent une activité commerciale ».
      • Par un syllogisme un peu douteux, elle en déduit que les associés en nom collectif sont expressément visés par ces dispositions du Code de commerce, puisqu’ils seraient réputés, de par leur qualité de commerçant, exercer une activité commerciale !
      • En conséquence, dans la mesure où l’ouverture d’une procédure collective est exclusive de toute autre procédure, les associés en nom collectif ne sauraient bénéficier de la procédure de surendettement personnel.
      • La raison en est que l’article L. 711-1 du Code de la consommation exclut le surendettement des particuliers lorsque le débiteur relève des procédures instituées par le livre VI du Code de commerce, sans qu’il y ait lieu de distinguer, précise la jurisprudence.
    • Manifestement, en l’espèce, la Cour de cassation n’abonde pas dans le sens des juges du fond.
    • Elle signale son désaccord au moyen d’une substitution de motifs :
      • le JEX avait jugé irrecevable la demande de surendettement des associés en nom collectifs en raison de la nature de la dette contracté par eux : une dette professionnelle
      • La Cour de cassation considère, quant à elle, la demande de surendettement irrecevable, non pas, en raison de la nature de la dette contractée, mais en raison de la nature de l’activité exercée par les associés : une activité commerciale
    • Ce sont là bien évidemment, deux fondements juridiques bien distincts.
    • Aussi, la Cour de cassation a-t-elle estimé que celui sur lequel reposait s’est appuyé le JEX était erroné !
    • Car pour la Cour de cassation, afin de déterminer si une personne physique peut faire l’objet d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire, il faut se reporter aux seuls articles L. 631-2 et 640-2 du code de commerce.
    • Or ces dispositions ne font nullement référence au critère de la nature de la dette contractée !
    • L’article L. 631-2 du Code de commerce dispose en effet que « la procédure de redressement judiciaire est applicable à toute personne exerçant une activité commerciale ou artisanale, à tout agriculteur, à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ainsi qu’à toute personne morale de droit privé».
    • Ainsi, la Cour de cassation rappelle-t-elle aux JEX qu’il doit se tenir à une interprétation stricte des textes, ce qu’il n’a pas fait.
  • Analyse
    • La solution adoptée en l’espèce par la Cour de cassation est pour le moins audacieuse.
    • L’ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté a modifié le champ d’application des articles L. 611-4, L. 631-2 et 640 du Code de commerce, en ce sens que ces dispositions ne visent plus comme bénéficiaire d’une procédure de conciliation, de redressement ou de liquidation judiciaire « tout commerçant» mais « toute personne exerçant une activité commerciale »,
    • L’objectif de cette modification a été de permettre aux auto-entrepreneurs de bénéficier d’une procédure collective.
    • Le législateur n’a toutefois pas anticipé l’effet collatéral que cela engendrerait sur le statut des associés en nom collectif.
    • Avant 2008, dans la mesure où ils avaient la qualité de commerçant par application de l’article L. 221-1 du Code de commerce, ils pouvaient bénéficier d’une procédure collective.
    • À compter de l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 18 décembre 2008, le critère d’application du Livre VI du Code de commerce est devenu l’exercice d’une activité commerciale.
    • Or s’il ne fait aucun doute que l’associé en nom collectif a bien la qualité de commerce, c’est « en dehors de toute référence à l’activité commerciale ».
    • C’est ainsi que dans un arrêt du 6 juillet 2010, la Cour d’appel de Paris, avait refusé l’ouverture d’un redressement judiciaire à la faveur d’un associé en nom collectif.
    • Au regard de la réforme de 2008, la solution retenue dans le présent arrêt apparaît dès lors surprenante, sauf à considérer que la chambre commerciale a souhaité réparer l’erreur commise par le législateur.
    • Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, le jugement d’ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire d’une personne morale produisait « ses effets à l’égard de toutes les personnes membres ou associées de la personne morale et indéfiniment et solidairement responsables du passif social » et elle entraînait l’ouverture « à l’égard de chacune d’elles d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire selon le cas » ( com., art. L. 624-1 ancien).
    • Aussi, étaient surtout visés les associés en nom collectif et les associés commandités dans les sociétés en commandite.
    • Sous cet angle, la solution énoncée par la Cour de cassation dans l’arrêt ici rapporté ne fait donc en quelque sorte que revenir à une jurisprudence traditionnelle.
    • De surcroît, lorsqu’il a abrogé l’ancien article L. 624-1 du Code de commerce le législateur n’avait pas pour volonté d’exclure l’associé en nom du champ d’application du droit des procédures collectives, mais d’éviter l’ouverture d’une telle procédure sans vérifier au préalable la situation du débiteur.
    • En d’autres termes, en 2005 comme en 2008, l’objectif n’était nullement d’exclure l’associé en nom du champ d’application du Livre VI du Code de commerce.
    • Si, par conséquent, la solution dégagée par la Cour de cassation apparaît certes quelque peu audacieuse au regard de la lettre des textes, c’est uniquement au regard des textes de 2008 qui, comme nous l’avons vu, ont exclu les associés en nom du droit des procédures collectives, indirectement, presque par inadvertance.
    • En voulant attraire les entrepreneurs dans le champ d’application du livre VI du code de commerce, le législateur a, corrélativement, fait sortir de son giron les associés en nom collectif.

==> Les personnes physiques qui exercent une activité commerciale mais qui n’ont pas satisfait à l’obligation d’inscription au RCS

Cette obligation est énoncée à l’article L. 123-1 du Code de commerce qui prévoit dispose que :

« Il est tenu un registre du commerce et des sociétés auquel sont immatriculés, sur leur déclaration :

  • Les personnes physiques ayant la qualité de commerçant, même si elles sont tenues à immatriculation au répertoire des métiers ;
  • Les sociétés et groupements d’intérêt économique ayant leur siège dans un département français et jouissant de la personnalité morale conformément à l’article 1842 du code civil ou à l’article L. 251-4 ;
  • Les sociétés commerciales dont le siège est situé hors d’un département français et qui ont un établissement dans l’un de ces départements ;
  • Les établissements publics français à caractère industriel ou commercial ;
  • Les autres personnes morales dont l’immatriculation est prévue par les dispositions législatives ou réglementaires ;
  • Les représentations commerciales ou agences commerciales des Etats, collectivités ou établissements publics étrangers établis dans un département français.»

Dans un arrêt du 25 mars 1997, la Cour de cassation avait estimé en ce sens qu’une personne physique qui n’a jamais été inscrite au registre du commerce ne peut être sur sa demande, admise au bénéfice du redressement judiciaire (Cass. com., 25 mars 1997)

Cette solution est sans aucun doute applicable à la procédure de conciliation.

Schéma 2.JPG

  • Faits
    • La gérante d’une société créée de fait exploitant un fonds de commerce de bijouterie déclare la cessation le 19 février 1993.
    • Elle revendique alors le bénéfice d’une procédure de redressement judiciaire, cette demande lui est refusée.
  • Procédure
    • Par un arrêt du 26 septembre 1994, la Cour d’appel de Bourges déboute la requérante de sa demande de redressement judiciaire
    • Pour les juges du fonds, la requérante ne justifiait pas la cessation des paiements de sorte qu’elle ne pouvait pas prétendre à l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire.
  • Solution
    • Par un arrêt du 25 mars 1997, la chambre commerciale rejette le pourvoi formé par la gérante du fonds de commerce
    • Comme la Cour d’appel, la Cour de cassation estime, certes, que la gérante du fonds, ne pouvait pas bénéficier de la procédure de redressement judiciaire.
    • Cependant, leur point d’accord s’arrête ici.
    • Pour le reste, à savoir la motivation de la Cour d’appel, la Cour de cassation censure la décision des juges du fonds au moyen d’une substitution de motif.
    • En l’espèce, cette substitution de motif nous est signalée par la formule « par ce motif de pur droit, substitué à ceux erronés»
      • La motivation de la Cour d’appel
        • La cessation des paiements n’est pas établie.
        • Par conséquent, la gérante ne peut pas bénéficier de la procédure de redressement
      • La motivation de la Cour de cassation
        • La Cour de cassation relève que l’article 65 al. 1er du décret du 30 mai 1984 prévoit que la personne à qui il échoit de s’immatriculer au RCS qui ne l’a pas fait dans un délai de 15 jours à compter du commencement de son activité, n’est pas fondée à se prévaloir de la qualité de commerçant à l’égard des tiers et de l’administration.
        • Aussi, dans la mesure où la gérante du fonds était une commerçante de fait, car non immatriculée au RCS, elle ne pouvait pas se prévaloir de la procédure de redressement judiciaire, laquelle bénéficie aux seuls commerçants régulièrement enregistrés
      • On le voit, ici la motivation de la Cour de cassation diverge en tous points de la motivation des juges du fond
      • Alors que la Cour d’appel laisse la porte ouverte au commerçant de fait quant au bénéfice de la procédure de redressement judiciaire, à la condition qu’il justifie de l’état de cessation des paiements, la Cour de cassation lui refuse en toute hypothèse cette possibilité
      • Pour la chambre commerciale, la qualité de commerçant de fait, fait obstacle au bénéfice d’une procédure de redressement judiciaire.

==> Les personnes qui ont cessé leur activité commerciale mais qui ont omis de solliciter leur radiation du RCS

Si l’on opte pour une lecture stricte de l’article L. 611-4 du Code de commerce, seules les personnes qui exercent une activité commerciale sont éligibles à la procédure de conciliation.

Il en résulte que celles qui ont cessé leur activité ne devraient pas pouvoir, a priori, se prévaloir de cette procédure.

Quid, néanmoins, lorsqu’une personne physique a cessé son activité commerciale, mais qu’elle demeure toujours inscrite au RCS ?

Pour mémoire :

  • L’article L. 123-7 du Code de commerce prévoit que « l’immatriculation d’une personne physique emporte présomption de la qualité de commerçant. »
  • L’article L. 121-1 du Code de commerce dispose de son côté que « sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle. »

Il ressort de la combinaison de ces deux dispositions que :

  • D’une part, la personne physique qui est inscrite au RCS est présumée endosser la qualité de commerçant
  • D’autre part, le commerçant est présumé exercer une activité commerciale

En conclusion, la personne qui a cessé son activité commerciale mais qui a omis de solliciter sa radiation du RCS est présumée exercer une activité commerciale.

Dans ces conditions, la procédure de conciliation devrait lui être applicable.

La Cour de cassation a statué en ce sens dans un arrêt du 17 février 2015.

Schéma 3.JPG

  • Faits
    • Une commerçante donne son fonds de commerce en location-gérance, sans se désinscrire, en parallèle, du RCS.
    • Ne parvenant pas à faire face à ses dettes, elle sollicite le bénéfice de la procédure de surendettement.
  • Procédure
    • La requérante est déboutée par le Juge de l’exécution de sa demande
    • Le JEX a estimé, que dans la mesure où la requérante a donné son fonds en location-gérance et qu’elle était toujours inscrite au RCS, alors elle était réputée commerçante.
    • Dans ces conditions, seul le livre VI du Code de commerce a vocation à s’appliquer à cette dernière, étant précisé que
    • Pour mémoire, l’article L. 711-3 du Code de la consommation prévoit que « Les dispositions du présent livre ne s’appliquent pas lorsque le débiteur relève des procédures instituées par le livre VI du code de commerce. »
  • Solution
    • Par un arrêt du 17 février 2015, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le loueur du fonds de commerce
    • Elle relève, tout d’abord que le décret du 25 mars 1986 a supprimé l’obligation faite au loueur de fonds de commerce de s’inscrire au RCS.
    • Aussi, considère-t-elle que, dans la mesure où la requérante ne s’est pas désinscrite du RCS, on peut en déduire qu’elle a conservé son activité de commerçant.
    • Dès lors, pour la Cour de cassation, c’est bien le livre VI du Code de commerce.
    • Elle ne peut donc pas bénéficier de la procédure de surendettement, conformément à l’ancien article L. 333-3 du Code de la consommation devenu L. 711-3 qui, on le rappelle, exclut le surendettement des particuliers lorsque le débiteur relève des procédures instituées par le livre VI du Code de commerce,
  • Analyse
    • La Cour de cassation juge en l’espèce que la propriétaire du fonds ne peut pas bénéficier du surendettement des particuliers parce qu’elle est présumée être commerçante en raison de son inscription au RCS.
    • A contrario, si la requérante avait été radiée du RCS, la solution de l’arrêt du 17 février 2015 aurait conduit à admettre l’application de la procédure de surendettement des particuliers à la requérante.
    • En tout état de cause, dans un cas comme dans l’autre la situation est embarrassante :
      • Ouvrir une procédure de surendettement au bénéfice ou à l’encontre d’un loueur de fonds de commerce colle mal avec sa qualité de commerçant en sommeil
        • Quid s’il récupère le fonds alors qu’il fait l’objet d’une procédure de surendettement ?
      • Quant à la situation dans laquelle il serait radié du RCS, on sait que la procédure collective reste possible, dès lors du moins que les dettes proviennent de l’activité professionnelle
        • L’article L. 631-3 du Code de commerce prévoit en ce sens que « la procédure de redressement judiciaire est également applicable après la cessation de leur activité professionnelle si tout ou partie de leur passif provient de cette dernière»
        • Mais on sait aussi en pratique toutes les difficultés matérielles auxquelles un tribunal de commerce est confronté à l’occasion d’une procédure collective ouverte pour ou contre un futur ex-commerçant
        • Faut-il faire désigner un mandataire ad hoc ?
        • Faut-il ré-immatriculer le commerçant le temps de la procédure ?
    • On le voit, cette présomption de qualité de commerçant sur laquelle s’appuie la Cour de cassation est gênante.
      • D’un point de vue économique, le loueur du fonds reste dans la sphère commerciale, qu’il soit ou pas radié du RCS.
        • Il est donc logique qu’en cas de difficultés financières, le droit des entreprises en difficulté qui s’applique.
      • D’un point de vue juridique, le loueur du fonds de commerce en sommeil n’est, en principe, plus commerçant, sauf à ce qu’il omette de solliciter sa radiation du RCS
        • Dans cette situation il n’a toutefois que l’apparence d’un commerçant dans la mesure où il n’exerce aucune activité commerciale
        • Or conformément à l’article L. 121-1 du Code de commerce, c’est l’exercice d’une activité commerciale qui confère à une personne physique sa qualité de commerçant et non l’inverse.
    • Au total, la solution adoptée par la Cour de cassation est loin d’être satisfaisante.
    • Toutefois, tant la lettre que l’esprit des textes ne lui laissaient guère d’autre choix.

B) Seconde catégorie (art. L. 611-5)

Les personnes morales de droit privé et aux personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé.

==> S’agissant des personnes morales de droit privé

  • Principe
    • Il s’agit de toutes les personnes morales quelle que soit leur forme ou leur objet.
    • Le législateur n’a pas conditionné le bénéfice de la procédure de conciliation à l’exercice par les personnes morales d’une activité commerciale ou artisanale.
    • Il est seulement nécessaire que le groupement concerné satisfasse à deux conditions cumulatives :
      • D’une part, il doit être doté de la personnalité juridique
      • D’autre part, il doit être soumis aux règles du droit privé
    • Si ces deux conditions sont remplies, le groupement pourra bénéficier de la procédure de conciliation.
    • Dans cette perspective sont notamment visées :
      • Les sociétés civiles
      • Les associations
  • Exceptions
    • Si, l’article L. 611-5 du Code de commerce n’établit aucune distinction entre les personnes morales de droit privé susceptible de bénéficier d’une procédure de conciliation, il n’en est pas moins assorti de plusieurs exceptions
      • Première exception : les personnes morales exerçant une activité agricole
        • L’article L. 351-1 du Code rural et de la pêche maritime prévoit que la procédure de règlement destinée à prévenir et à régler les difficultés financières des exploitations agricoles est « exclusive de celle prévue par la loi n° 84-148 du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises»
      • Deuxième exception : les syndicats de copropriétaire
        • L’article 29-15 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis dispose que « les procédures prévues au livre VI du code de commerce ne sont pas applicables aux syndicats de copropriétaires. »
      • Troisième exception : les sociétés de libre partenariat
        • L’article L. 214-162-1 du Code monétaire et financier prévoit que « le livre VI du code de commerce et les articles L. 214-155 et L. 214-157 du présent code ne sont pas applicables aux sociétés de libre partenariat. »

==> S’agissant des personnes physiques

Selon l’article L. 611-5 du Code de commerce il s’agit de toutes celles qui  exercent une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé.

Cette catégorie de personnes est plus difficile à cerner. La difficulté de leur identification tient à notion d’« activité professionnelle indépendante » dont la définition interroge.

  • La notion d’activité professionnelle indépendante
    • Que doit-on, en effet, entendre par « activité professionnelle indépendante» ?
    • Deux conceptions sont envisageables :
      • Première conception
        • L’activité indépendante doit être entendue au sens technique du terme
        • Autrement dit, dès lors que le travailleur exerce son activité professionnelle librement, soit sans que s’exerce sur lieu un pouvoir de subordination ou de direction, il doit être regardé comme indépendant.
      • Seconde conception
        • Selon cette conception, plus restrictive, le travailleur indépendant est celui qui exerce son activité professionnelle pour son propre compte.
        • Il travaille au nom et pour le compte de personne.
    • La conception retenue par la jurisprudence
      • L’examen des décisions révèle que c’est la seconde conception qui l’a emporté.
      • La Cour de cassation a, en effet, exclut du champ d’application du Livre VI du Code de commerce un certain nombre de personnes physiques exerçant une activité professionnelle qui ont toutes en commun de travailler au nom et pour le compte d’autrui.
      • Il en va ainsi :
        • Des salariés
        • Des mandataires
        • Des agents commerciaux
        • Des dirigeants sociaux
        • Des associés d’une société d’exercice libéral
      • S’agissant de cette dernière catégorie de personnes, la Cour de cassation a rendu un arrêt particulièrement intéressant en date du 9 février 2010.

Schéma 4.JPG

  • Faits
    • Après avoir exercé sa profession à titre individuel, un avocat s’associe en 2003 au sein d’une SELARL (Société d’Exercice Libéral à Responsabilité Limitée).
    • Le comptable des impôts se prévalant d’une créance de TVA collectée et non reversée, assigne ledit avocat, devenu associé en liquidation judiciaire.
    • En défense, l’avocat oppose, au comptable des impôts, la prescription de l’action, conformément à l’article L 640-5 du Code de commerce.
    • Pour mémoire, cette disposition prévoit que « la procédure (de liquidation judiciaire) peut être ouverte sur l’assignation d’un créancier, quelle que soit la nature de sa créance. Toutefois, lorsque le débiteur a cessé son activité professionnelle, cette assignation doit intervenir dans le délai d’un an à compter de la cessation de l’activité, s’il s’agit d’une personne exerçant une activité artisanale, d’un agriculteur ou d’une personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé».
    • Ainsi, l’avocat soulève-t-il la prescription de l’action en liquidation judiciaire engagée par le comptable public des impôts.
  • Procédure
    • Par un arrêt infirmatif du 26 juin 2008, la Cour d’appel de Paris prononce l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de l’intimé.
    • Les juges du fond estiment, en l’espèce, le passage de l’exercice individuel à l’exercice social ne marque pas la fin de l’activité professionnelle.
    • Bien au contraire, pour la Cour d’appel, l’exercice de l’activité au sein d’une SELARL n’est qu’une modalité d’exercice de la profession d’avocat.
    • L’avocat qui se prévalait de la prescription de l’action n’a, en réalité, pas cessé son activité professionnelle, fusse-t-il est devenu associé d’une SELARL
  • Solution
    • Par un arrêt du 9 février 2010, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel de paris
    • Elle retient que l’avocat qui exerce au sein d’une SELARL n’agit plus en son nom propre mais exerce ses fonctions au nom de la société.
    • Au moment où il devient associé de la SELARL, il cesse d’exercer une activité professionnelle indépendante au sens de l’article L. 640-2 du Code de commerce.
    • Pour être recevable, l’action du comptable des impôts devait donc être exercée dans le délai d’un an à compter de la cessation de l’activité individuelle de l’avocat conformément à l’article L. 640-5 du Code de commerce.
    • La Cour de cassation en déduit que l’action du créancier est, en l’espèce prescrite, eu égard à l’ancienneté de l’association de l’avocat.

II) La condition tenant à la situation de l’entreprise

Aux termes de l’article L. 611-4 du Code de commerce, « il est institué, devant le tribunal de commerce, une procédure de conciliation dont peuvent bénéficier les débiteurs exerçant une activité commerciale ou artisanale qui éprouvent une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible, et ne se trouvent pas en cessation des paiements depuis plus de quarante-cinq jours. »

Le législateur a ainsi conditionné l’ouverture d’une procédure de conciliation à la satisfaction de deux conditions cumulatives :

  • d’une part, le débiteur doit justifier d’une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible
  • d’autre part, il ne doit pas se trouver en cessation des paiements depuis plus de quarante-cinq jours.

Deux autres conditions doivent être ajoutées à celles posées par l’article L. 611-4 du Code de commerce :

  • l’une est de nature jurisprudentielle
  • l’autre est de nature règlementaire.

==> Première condition : le débiteur doit justifier d’une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible

  • Sur la nature de la difficulté
    • L’article L. 611-4 du Code de commerce vise des difficultés de plusieurs natures puisqu’il peut s’agir indistinctement d’une difficulté d’ordre juridique, économique ou encore financière.
    • Le législateur a voulu prendre en compte toutes sortes de difficultés, pourvu qu’elles menacent la pérennité de l’entreprise.
    • Ce qui importe c’est que la difficulté rencontrée par l’entreprise soit suffisamment grave pour justifier un traitement préventif, à défaut de quoi elle serait susceptible de se transformer en difficulté insurmontable.
  • Sur la gravité de la difficulté
    • Le texte vise les difficultés avérées ou prévisibles
    • Aussi, n’est-il pas nécessaire que la difficulté se soit réalisée pour ouvrir une procédure de conciliation.
    • Ce qui importe c’est que la difficulté qui est susceptible d’affecter l’activité de l’entreprise, à court ou moyen terme, soit suffisamment grave pour justifier un traitement préventif, faute de quoi il est de sérieuses raisons de penser qu’elle se transforme en une difficulté insurmontable.
    • Afin de déterminer le niveau gravité de la difficulté qui doit être atteint par l’entreprise pour justifier l’ouverture d’une procédure de conciliation, il suffit de se reporter à la hiérarchie des différents critères d’ouverture d’une procédure collective
      • La procédure de sauvegarde est applicable au débiteur qui « sans être en cessation des paiements, justifie de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter» ( 611-20 C. com.)
      • La procédure de redressement judiciaire est applicable au débiteur qui « dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements» ( L. 631-1 C. com)
      • La procédure de liquidation judiciaire est applicable à « tout débiteur en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible» ( L. 640-1 C. com.)
    • Pour justifier l’ouverture d’une procédure de conciliation, la difficulté rencontrée par l’entreprise doit présenter trois caractères :
      • Elle doit présenter un certain niveau de gravité
      • Elle ne doit pas être insurmontable
      • Elle ne doit pas consister en un état de cessation des paiements depuis plus de quarante-cinq jours

==> Deuxième condition : le débiteur ne doit pas se trouver en cessation des paiements depuis plus de quarante-cinq jours.

Principale innovation de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, cette condition a été posée afin de repousser au plus tard la date d’ouverture d’une procédure collective.

La raison en est que le législateur a voulu épargner autant que possible au dirigeant d’être dessaisi d’une partie de ses pouvoirs, l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire pouvant être ressenti comme une mesure vexatoire.

Or il est nécessaire que le dirigeant soit en pleine possession de ses moyens pour redresser la barre de l’entreprise.

Aussi, l’ouverture d’une procédure de conciliation constitue-t-elle une bonne alternative. Elle permet de désigner un conciliateur aux fins d’assister le dirigeant quant au traitement des difficultés qu’il rencontre, tout en le laissant à la tête de son entreprise.

L’entreprise ne devra, toutefois, pas se trouver en état de cessation des paiements depuis plus de quarante-cinq jours.

À défaut, l’ouverture d’une procédure collective s’imposera au dirigeant qui ne pourra pas s’y opposer.

==> Troisième condition : absence d’ouverture d’une procédure collective ou de rétablissement personnel concomitante

Cette configuration pourrait se rencontrer principalement dans deux hypothèses :

  • Le débiteur est en cessation des paiements depuis moins de quarante-cinq jours, de sorte qu’il est éligible, tant à l’ouverture d’une procédure de conciliation qu’à la mise en place d’une procédure collective
  • Le débiteur exerce une activité sous la forme d’entrepreneur individuel, auquel cas on pourrait envisager qu’il bénéficie d’une procédure de rétablissement personnel pour ce qui est du traitement de ses créances personnelles mais également d’une procédure collective s’agissant des difficultés qu’il rencontre dans le cadre de son activité professionnelle

Un cumul entre procédure collective, procédure de conciliation et procédure de rétablissement personnel est-il envisageable ?

Dans un arrêt du 19 février 2002 la Cour de cassation a répondu par la négative à cette question (Cass. com., 19 févr. 2002)

Dans cette décision, elle a estimé, au visa de l’article 6 de la loi du 13 juillet 1967 et des articles 2 et 3 de la loi du 25 janvier 1985, devenus les articles L. 620-2 et L. 621-1 du Code de commerce que « le principe d’unité du patrimoine des personnes juridiques interdit l’ouverture de deux procédures collectives contre un seul débiteur, même si celui-ci exerce des activités distinctes ou exploite plusieurs fonds ».

Schéma 5.JPG

==> Quatrième condition : absence d’ouverture d’une procédure de conciliation depuis moins de trois mois

Conformément aux articles L. 611-6 et R. 611-22 du Code de commerce l’ouverture d’une procédure de conciliation n’est possible qu’à la condition qu’une autre procédure de conciliation n’ait pas été engagée moins de trois moins avant la formulation de la nouvelle demande.

L’objectif poursuivi par le législateur est d’éviter qu’un débiteur ne bénéficie de régime de faveur sur une durée trop longue et qui lui permettrait de neutraliser les poursuites des créanciers, à tout le moins de les ralentir.