La notion de délégation de paiement

I) Définition

Définie à l’article 1336 du Code civil, la délégation est présentée comme l’« opération par laquelle une personne, le délégant, obtient d’une autre, le délégué, qu’elle s’oblige envers une troisième, le délégataire, qui l’accepte comme débiteur. ».

Il ressort de cette définition que la délégation est constituée de deux composantes :

  • L’ordre du délégant envers le délégué
  • L’engagement du délégué envers le délégataire

Ainsi, la délégation permet-elle de réaliser un double paiement simplifié de deux obligations préexistantes.

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==> Conceptions de la délégation

Deux visions de la délégation s’affrontent en doctrine :

  • La vision extensive de la délégation
    • Selon cette vision, la qualification de délégation repose, le plus souvent, sur le constat que l’obligation du délégué est destinée à se superposer à deux obligations préexistantes :
      • L’obligation du délégué envers le délégant
      • L’obligation du délégant le délégataire
    • Dans cette configuration, la délégation permet ainsi de réaliser un double paiement simplifié en éteignant, à hauteur du montant le plus faible :
      • La dette du délégué envers le délégant
      • La dette du délégant envers le délégataire
    • Cependant, rien n’empêche que la délégation vienne se greffer :
      • Soit sur une seule obligation préexistante
        • Dans cette hypothèse, de deux choses l’une :
          • Ou bien l’obligation préexistante existe entre le délégué et le délégant, auquel cas la délégation permet de réaliser une donation ou un prêt indirect à la faveur du délégataire et ne peut être alors qu’une délégation simple.
          • Ou bien l’obligation préexistante lie le délégant au seul délégataire, auquel cas la délégation, qui peut être simple ou novatoire, permet de payer la dette du délégant ou de constituer une garantie au profit du délégataire, ce que l’on appelle la délégation-sûreté.
      • Soit sur aucune obligation préexistante
        • Dans cette hypothèse, la délégation permet de réaliser une double donation indirecte ou d’un double prêt indirect entre
          • D’une part, le délégant et le délégataire
          • D’autre part, le délégué et le délégant
  • La vision restrictive de la délégation
    • Selon cette vision, la qualification de délégation ne se justifie que s’il existe une obligation préexistante entre le délégué et le délégant.
    • Plusieurs hypothèses doivent alors être envisagées :
      • Une obligation existe entre le délégant et le délégataire, mais pas entre le délégué et le délégant
        • Il s’agit alors, selon la cause de l’engagement du délégué,
          • Soit d’un contrat visant la libération du débiteur-délégant
          • Soit d’un cautionnement ou d’une garantie autonome
      • Aucune obligation n’existe, ni entre le délégant et le délégataire, ni entre le délégué et le délégant
        • La cause de l’obligation du délégué est alors à rechercher dans ses rapports avec le délégant :
          • Soit il a la volonté de consentir une donation
          • Soit il a la volonté de consentir un prêt indirect
        • En toute hypothèse, l’engagement du délégué représente l’exécution d’une promesse de donation ou de prêt implicite et concomitante à la formation de la délégation.
        • En somme, il y a quand même une obligation préexistante entre le délégué et le délégant, laquelle constitue le support juridique nécessaire de la délégation.

==> Position de la jurisprudence

Par un arrêt du 21 juin 1994, la Cour de cassation a partiellement consacré la vision extensive de la délégation en considérant que l’existence d’une obligation préexistante entre le délégué et le délégant n’était pas inhérente à la qualification de délégation.

Autrement dit, une délégation peut être stipulée en dehors de toute obligation contractée antérieurement entre le délégué et le délégant.

Cass. com. 21 juin. 1994
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt critiqué (Montpellier, 25 juin 1991), qu'à la demande de M. Y..., qui devait une somme de 56 379,18 francs à M. A..., M. X... a émis un chèque de même montant à l'ordre de Ano, nom de l'entreprise personnelle de celui-ci, lequel l'a encaissé ; que M. X... a assigné M. A... en restitution de cette somme en prétendant qu'il l'avait indûment payée ;

Attendu que M. X... reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la délégation de créance proprement dite ne peut servir de cadre à une simple libéralité et suppose l'existence, non seulement d'une créance du délégataire sur le délégant, mais également d'une créance de ce dernier sur le délégué ; que, dès lors, en affirmant qu'il importait peu que M. X... ait ou non été débiteur de M. Y... dont il a réglé la dette à M. Z... et que les conditions d'une délégation étaient réunies du seul fait de la remise, par M. X... à M. Y..., du chèque à l'ordre de Ano et de l'acceptation de ce chèque par cet établissement créancier de M. Y..., la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1275 du Code civil ; et alors, d'autre part, que, pour résister à la demande en répétition de l'indu, M. Z... s'est borné à prétendre qu'il aurait été réglé dans le cadre d'une délégation de créance par M. X..., lequel serait débiteur de M. Y... ; que, dans ces conditions, si l'arrêt devait être interprété comme fondé sur une intention libérale de M. X... envers M. Y..., il serait alors entaché d'une méconnaissance des termes du litige en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, qu'après avoir retenu que l'opération litigieuse était une délégation et que M. X..., délégué, s'était engagé en toute connaissance de cause à l'égard de M. A..., délégataire, c'est à bon droit que l'arrêt déclare qu'il importait peu que M. X... ait été, ou non, débiteur à l'égard de M. Y..., délégant ;

Attendu, d'autre part, que la cour d'appel n'a pas déclaré qu'en s'engageant à l'égard de M. A..., M. X... avait eu l'intention de faire une libéralité à M. Y... ;

Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

==> Réforme des obligations

La lecture des articles 1336 et 1337 du Code civil confirme l’absence d’exigence d’obligation préexistante préalablement à la réalisation d’une opération de délégation.

Il importe peu, en conséquence, que le délégué soit créancier du délégant pour que la délégation soit valable.

La conception extensive de la délégation l’a emporté sur la vision restrictive.

II) Formes de la délégation

Deux formes de délégation doivent être distinguées :

  • La délégation simple
  • La délégation novatoire

==> La délégation simple ou imparfaite

La délégation simple, dite imparfaite, correspond à l’hypothèse où, lors de la réalisation de l’opération, le délégant n’est pas déchargé de son obligation envers le délégataire, ce qui confère à ce dernier deux débiteurs :

  • Le délégant
  • Le délégué

La délégation simple est envisagée à l’article 1338 du Code civil qui prévoit que :

  • D’une part, lorsque le délégant est débiteur du délégataire mais que celui-ci ne l’a pas déchargé de sa dette, la délégation donne au délégataire un second débiteur.
  • D’autre part, le paiement fait par l’un des deux débiteurs libère l’autre, à due concurrence.

Manifestement, la figure de la délégation simple est de loin la plus fréquente car présente l’avantage pour le délégataire de disposer d’un débiteur supplémentaire (le délégant).

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==> La délégation novatoire ou parfaite

La délégation novatoire, dite parfaite, correspond à l’hypothèse où, lors de la réalisation de l’opération, le délégant est déchargé de son obligation envers le délégataire qui accepte de n’avoir comme seul débiteur le délégué.

La délégation opère ainsi un changement de débiteur, sans pour autant que la créance détenue par le délégant à l’encontre du délégué soit transférée au délégataire.

Ce changement de débiteur se réalise au moyen d’une novation, soit de la création d’un nouveau rapport d’obligation (entre le délégué et le délégataire) lequel se substitue au rapport préexistant entre le délégant et le délégué.

La délégation simple est envisagée à l’article 1337 du Code civil qui prévoit que

  • D’une part, lorsque le délégant est débiteur du délégataire et que la volonté du délégataire de décharger le délégant résulte expressément de l’acte, la délégation opère novation
  • D’autre part, le délégant demeure tenu s’il s’est expressément engagé à garantir la solvabilité future du délégué ou si ce dernier se trouve soumis à une procédure d’apurement de ses dettes lors de la délégation.

Schéma 3.JPG

III) Distinctions

==> Délégation de paiement et cession de créance

  • Objet de l’opération
    • Définie à l’article 1336 du Code civil la délégation est une opération par laquelle une personne, le délégant, obtient d’une autre, le délégué, qu’elle s’oblige envers une troisième, le délégataire, qui l’accepte comme débiteur.
    • À la différence de la cession de créance, la délégation n’opère pas de transfert de créance : elle a seulement pour effet de créer un nouveau rapport d’obligation entre le délégué et le délégataire.
    • Il en résulte que :
      • En matière de délégation, le délégataire dispose de deux débiteurs, cette opération n’opérant pas extinction du rapport d’obligation entre le délégant et le délégué
      • En matière de cession de créance, le cessionnaire ne dispose que d’un seul débiteur, la cession ayant pour effet de désintéresser le cédant dans son rapport avec le débiteur cédé.
  • Inopposabilité des exceptions
    • La cession de créance
      • Le débiteur cédé est autorisé à opposer au cessionnaire toutes les exceptions qu’il pouvait opposer au créancier cédant.
      • Il s’agit tant des exceptions inhérentes à la dette (exception d’inexécutions) que des exceptions qui lui sont extérieures (compensation légale).
      • La raison en est que la créance qui entre dans le patrimoine du cessionnaire par l’effet de la cession, est exactement la même que celle dont était titulaire le créancier cédant.
    • La délégation
      • Contrairement à la cession de créance, il n’y pas ici de transfert de la créance dont est titulaire le délégant contre le délégué.
      • La délégation a pour effet de créer un nouveau rapport d’obligation entre le délégué et le délégataire qui dispose alors de deux débiteurs.
      • Il en résulte que le délégué, en consentant à la délégation, renonce à se prévaloir des exceptions tirées du rapport qui le lie au délégant.
      • Il y a un principe d’inopposabilité des exceptions.
      • L’article 1336, al. 2 du Code civil dispose en ce sens que « le délégué ne peut, sauf stipulation contraire, opposer au délégataire aucune exception tirée de ses rapports avec le délégant ou des rapports entre ce dernier et le délégataire.»
  • Consentement
    • Contrairement à la cession de créance qui ne suppose pas le consentement du débiteur cédé, tiers à l’opération, la délégation exige toujours le consentement des trois parties à l’opération, notamment du délégataire qui doit accepter un nouveau débiteur.

Schéma 1

==> Délégation et cession de dette

Plusieurs différences opposent radicalement la délégation de la cession de dette.

  • Définition
    • Délégation et cession de dette se rejoignent en ce que ces deux opérations consistent en une substitution de débiteur
    • Lorsque toutefois la délégation est simple, il s’agit moins d’une substitution que d’un ajout de débiteur, le délégant n’étant pas déchargé de son obligation envers le délégataire.
  • Objet de l’opération
    • À la différence de la cession de dette, la délégation n’opère pas de transfert de créance : elle a seulement pour effet de créer un nouveau rapport d’obligation entre le délégué et le délégataire.
    • Il en résulte que :
      • En matière de délégation, le délégataire dispose de deux débiteurs, cette opération n’opérant pas extinction du rapport d’obligation entre le délégant et le délégué
      • En matière de cession de dette, le cessionnaire ne dispose que d’un seul débiteur, la cession ayant pour effet de désintéresser le cédant dans son rapport avec le débiteur cédé.
  • Consentement du tiers
    • La délégation exige toujours le consentement des trois parties à l’opération, notamment du délégataire qui doit accepter un nouveau débiteur.
    • En cela, la délégation se rapproche de la cession de dette.
    • Toutefois, elle s’en distingue dans la mesure où la dette du délégant envers le délégataire n’est nullement transférée au délégué
    • La délégation opère seulement la création d’un nouveau rapport d’obligation entre le délégué et le délégataire.

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==> Délégation et indication de paiement

L’article 1340 du Code civil prévoit que « la simple indication faite par le débiteur d’une personne désignée pour payer à sa place n’emporte ni novation, ni délégation. Il en est de même de la simple indication faite, par le créancier, d’une personne désignée pour recevoir le paiement pour lui. »

L’indication de paiement consiste ainsi pour un débiteur ou un créancier à désigner une tierce personne quant à effectuer le paiement de la dette.

Contrairement à la délégation, l’indication de paiement ne crée aucun rapport d’obligation entre le délégué et le délégataire.

Cette opération assure simplement le règlement de la dette du débiteur.

L’indication de paiement se rapproche ainsi du mandat de payer qui peut prendre la forme, par exemple, d’une autorisation de prélèvement.

L’indication adressée au créancier ou au débiteur vaut seulement information de ce que la dette sera payée par un tiers désigné.

Elle n’emporte en rien opposabilité, ni novation de l’obligation.

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==> Délégation et subrogation personnelle

  • Définition
    • La délégation et la subrogation personnelle se rejoignent sur un point majeur
    • En effet, ces deux opérations consistent en un paiement par une personne autre (le délégué) que le débiteur (le délégant) de sa dette.
    • L’intention des parties est donc ici d’éteindre, par le paiement, un rapport d’obligation.
  • Objet de l’opération
    • contrairement à la subrogation personnelle, la délégation n’opère pas de transfert de la créance détenue par le délégant contre le délégué à la faveur du délégataire.
    • Lorsqu’elle est personnelle, la subrogation produit les mêmes effets que la cession de créance : le créancier subrogé devient titulaire de la même créance que le créancier subrogeant ce qui revient à réaliser un transfert de ladite créance de l’un à l’autre.
    • En matière de délégation, aucun transfert de créance ne se réalise.
    • L’opération opère seulement la création d’un nouveau rapport d’obligation entre le délégué et le délégataire.
  • Inopposabilité des exceptions
    • La subrogation personnelle
      • Le débiteur est autorisé à opposer au subrogé toutes les exceptions qu’il pouvait opposer au subrogeant.
      • Il s’agit tant des exceptions inhérentes à la dette (exception d’inexécutions) que des exceptions qui lui sont extérieures (compensation légale).
      • La raison en est que la créance qui entre dans le patrimoine du cessionnaire par l’effet de la subrogation, est exactement la même que celle dont était titulaire le créancier cédant.
    • La délégation
      • Contrairement à la subrogation, il n’y pas ici de transfert de la créance dont est titulaire le délégant contre le délégué.
      • La délégation a pour effet de créer un nouveau rapport d’obligation entre le délégué et le délégataire qui dispose alors de deux débiteurs.
      • Il en résulte que le délégué, en consentant à la délégation, renonce à se prévaloir des exceptions tirées du rapport qui le lie au délégant.
      • Il y a un principe d’inopposabilité des exceptions.
      • L’article 1336, al. 2 du Code civil dispose en ce sens que « le délégué ne peut, sauf stipulation contraire, opposer au délégataire aucune exception tirée de ses rapports avec le délégant ou des rapports entre ce dernier et le délégataire.»
  • Consentement
    • À la différence de délégation qui requiert toujours le consentement des trois parties à l’opération, notamment du délégataire qui doit accepter un nouveau débiteur, la subrogation peut, tantôt exiger le consentement du débiteur, tantôt l’accord du créancier.
    • Tout dépend du type de subrogation (légale ou conventionnelle).

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L’affacturage

L’affacturage consiste en l’opération par laquelle un créancier, l’adhérent, transfert à un établissement de crédit, le factor qualifié également d’affactureur, des créances commerciales par le jeu d’une subrogation personnelle moyennant le paiement d’une commission.

Ainsi, l’affactureur s’engage-t-il à régler, par anticipation, tout ou partie des créances qui lui sont transférées par l’adhérent ce qui permet à ce dernier d’être réglé immédiatement des créances à court terme qu’il détient contre ses propres clients.

L’une des principales caractéristiques de l’affacturage réside dans l’engagement pris par le factor de garantir à la faveur de l’adhérent le paiement des créances qui lui sont transférées.

Autrement dit, le factor s’engage à supporter le risque d’impayé en lieu et place de l’adhérent.

L’affacturage se distingue, dès lors, de l’escompte, du contrat de mandat ou encore de l’assurance-crédit.

Afin de cerner au mieux l’opération d’affacturage nous étudierons successivement :

– La convention d’affacturage
– La transmission des créances par le jeu de la subrogation personnelle
– Le recouvrement des créances transmises

I) La convention d’affacturage

A) Les obligations de l’adhérent

  • Obligation d’exclusivité
    • L’adhérent s’engage envers le factor à lui transférer toutes les créances qu’il détient contre ses clients. C’est ce que l’on appelle la clause de globalité.
    • Cette obligation est une conséquence logique de l’opération d’affacturage
      • L’adhérent ne saurait transmettre au factor que les créances douteuses se réservant le bénéfice des créances saines.
      • La clause de globalité a vocation à garantir le bon équilibre de l’opération d’affacturage
  • Obligation d’information
    • L’adhérent a l’obligation de renseigner le factor sur sa clientèle
      • Solvabilité
      • Créances douteuses
      • Informations commerciales
    • L’adhérent doit informer sa clientèle de la conclusion du contrat d’affacturage afin d’orienter les paiements de ses clients vers l’affactureur
  • Obligation de garantie
    • L’adhérent garantit à l’affactureur l’existence des créances transférées
    • En cas de présentation de fausses factures, l’adhérent s’expose à être poursuivi pour escroquerie

B) Les obligations de l’affactureur

  • Obligation de règlement des créances transférées par l’adhérent
  • En cas de défaut de paiement d’une créance transférée, l’affactureur supporte intégralement la charge de l’impayé. Il ne dispose, en principe, d’aucun recours contre l’adhérent.
    • C’est là la supériorité de l’affacturage sur l’opération d’escompte de la lettre de change
      • En matière de lettre de change, le signataire de la traite (tireur ou endosseur) est garant – cambiaire – du paiement de la créance transférée
      • Tel n’est pas le cas de l’adhérent qui ne garantit pas le paiement des créances dont il transfert la titularité au factor.
      • C’est tout au contraire le factor qui garantit à l’adhérent le bon recouvrement des créances transférées
      • L’affacturage présente un double avantage pour l’adhérent :
        • Il ne dispose plus que d’un débiteur unique
        • Son débiteur est solvable

C) L’approbation des créances transférées

Le principe de globalité commande à l’adhérent de transférer au factor toutes les créances qu’il détient contre ses clients.

Toutefois, l’affactureur peut refuser de se voir transmettre certaines créances, s’il juge qu’elles sont trop douteuses. Son pouvoir de sélection est discrétionnaire.

Ainsi, le factor dispose-t-il de deux options :

  • Soit il approuve les créances qui lui sont présentées
  • Soit il n’approuve pas les créances qui lui sont présentées

1. Les créances approuvées par le factor

  • Le factor est libre de choisir parmi les créances qui lui sont proposées, celles qu’il approuve. En contrepartie, il assume le risque de non-recouvrement pour les créances qu’il approuve.
    • Ainsi, s’agissant des créances que le factor sélectionne, il est tenu à une obligation de garantie de paiement
  • Le factor prend un engagement chiffré de paiement contre subrogation.
  • L’agrément ou l’approbation préalable ne vaut que pour les débiteurs désignés.
    • L’adhérent doit donc faire des demandes d’agrément débiteur par débiteur.
    • À cette fin, il doit communiquer au factor les coordonnées précises du débiteur et le chiffre d’affaires prévisible.
  • Le factor donne son agrément avec un montant d’encours précis sur ce client.

2. Les créances non approuvées par le factor

Le factor est libre de refuser certaines créances proposées par l’adhérent.

Dans ce cas, il n’en avance pas le montant et il n’assume pas le risque de l’impayé.

Il peut, cependant, se charger de leur recouvrement.

Il intervient alors en qualité de mandataire de l’adhérent.

Le factor est tenu d’une obligation de moyen dans sa mission de recouvrement.

II) La transmission des créances par le jeu de la subrogation personnelle

L’opération d’affacturage repose sur le mécanisme de la subrogation personnelle.

Classiquement, la subrogation personnelle se définit comme la « substitution d’une personne à une autre dans un rapport de droit en vue de permettre à la première d’exercer tout ou partie des droits qui appartiennent à la seconde » (G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, 2005).

Ainsi, la subrogation a-t-elle pour effet de transférer la créance dont était titulaire le subrogeant au subrogé.

L’opération d’affacturage se déroule de la manière suivante :

L’affactureur (créancier subrogé) paie l’adhérent (créancier subrogeant) qui, en contrepartie, lui transmet la titularité de la créance qu’il détient contre son client (débiteur subrogataire).

Schéma 1

==> Conditions de validité de la subrogation

  • Des créances transmissibles
    • Il peut s’agir de :
      • Créances exigibles
      • Créances à terme
      • Créances certaines ou conditionnelles
    • Sont exclues du champ d’application de la subrogation les créances fictives
  • L’existence d’un paiement
    • Le créancier subrogé (factor) doit effectuer un paiement direct à la faveur du créancier subrogeant (adhérent)
    • Le créancier subrogé ne doit pas se contenter de fournir au débiteur les fonds nécessaires au paiement
  • La concomitance du paiement à la subrogation
    • La subrogation ne saurait être consentie antérieurement ou postérieurement au paiement.
      • Avant le paiement, il ne peut s’agit que d’une cession de créance, de sorte que doivent être satisfaites les conditions posées à l’article 1690 du Code civil (signification de la cession au débiteur cédé par exploit d’huissier ou acceptation par acte authentique)
      • Après le paiement, le paiement a produit son effet extinctif si bien que la créance ne peut survivre
    • La concomitance sera établie lorsqu’immédiatement après que la créance a été approuvée par le factor, celui-ci crédite le compte de l’adhérent du montant de la créance transférée.
  • La subrogation doit être expresse
    • La convention conclue entre le factor et l’adhérent doit mentionner l’opération de subrogation.
    • Aucune formule sacramentelle n’est exigée. Il ne doit simplement pas y avoir de doute sur la volonté de l’adhérent de subroger dans ses droits et actions le factor qui l’a réglé.

==> L’opposabilité de la subrogation

  • Date du paiement
    • Pour être opposable aux tiers, la subrogation ne suppose pas que le débiteur subrogataire soit informé de l’opération
    • Ainsi, la subrogation est-elle opposable aux tiers à compter de la date du paiement, lequel se matérialisera par la remise d’une quittance subrogative
  • Exigence de notification
    • Bien que la subrogation soit opposable aux tiers à compter de la date du paiement subrogatoire, une notification de l’opération est nécessaire en matière d’affacturage
    • Cette notification n’est pas une condition d’opposabilité de la subrogation au débiteur subrogataire, en ce sens qu’elle n’est pas l’équivalent des formalités de l’article 1690 du code civil et ne constitue pas une forme de publicité.
    • La notification vise seulement à interdire au débiteur de payer un autre que l’affactureur, sous peine d’être de mauvaise foi
    • En effet, le débiteur n’est tenu de payer entre les mains du créancier subrogé que s’il a reçu une notification écrite précisant l’identité des créances et du cessionnaire, et s’il n’a pas connaissance de droit préférable.
    • La notification joue en quelque sorte le même rôle que la notification en matière de cession Dailly
    • Après notification, un paiement du débiteur entre les mains de l’adhérent ne serait donc plus libératoire (Cass. com. 4 oct. 1982)
      • « Qui paie mal paie deux fois »
    • En revanche, la forme de la notification est entièrement libre (téléphone, télex, etc.)

III) Le recouvrement des créances transmises

Dans le cadre du recouvrement des créances transmises, deux recours sont susceptibles d’être exercés par l’affactureur :

– Le recours contre le débiteur subrogataire
– Le recours contre l’adhérent subrogeant

A) Le recours de l’affactureur contre le débiteur subrogataire

Par le jeu de la subrogation, l’affactureur devient titulaire des créances qui lui ont été transférées par l’adhérent moyennant paiement.

Il en résulte que le débiteur subrogataire ne peut valablement se libérer qu’entre les mains du factor, sauf à ce que l’opération de subrogation ne lui ait pas été notifiée.

En toutes hypothèses, l’affactureur acquiert tous les droits et actions dont était titulaire l’adhérent.

Il peut ainsi les exercer en lieu et place de l’adhérent.

Si, toutefois, la subrogation a pour effet de substituer un créancier à un autre, elle ne change pas la créance.

Il en résulte que le créancier subrogé ne saurait acquérir plus de droits que n’en avait le créancier subrogeant.

L’adage nemo plus juris ad alium transfere potest quam ipse habet a ainsi vocation à s’appliquer en matière de subrogation.

La conséquence en est que le débiteur subrogataire est fondé à opposer au créancier subrogé (le factor) les mêmes exceptions que celles qu’il pouvait opposer au créancier subrogeant (l’adhérent).

Encore faut-il déterminer quelles sont les exceptions invocables.

  • Les exceptions inhérentes à la créance : elles sont toujours opposables
    • Le débiteur subrogataire est fondé à invoquer contre l’affactureur les exceptions nées avant la subrogation et qu’il pouvait opposer à l’adhérent.
    • Dès lors que les exceptions sont inhérentes à la créance, elles sont opposables même si elles se manifestent plus tard, car l’affactureur a acquis la créance avec ses qualités, mais aussi ses vices, quel que soit le moment de leur révélation
  • Les exceptions extérieures à la créance : elles sont parfois opposables
    • Principe : les exceptions extérieures ne sont prises en considération que si elles ont pris naissance avant la subrogation.
      • Ce moment est généralement celui de la remise de la quittance subrogative
      • Le débiteur pourra par exemple opposer à l’affactureur la compensation de sa dette avec les créances nées à son profit contre son fournisseur avant la subrogation, car cette compensation a opéré un double paiement
        • La dette dont le règlement lui est demandé est donc éteinte
        • elle n’a donc pu être transmise à l’affactureur.
      • Cette solution repose sur la transposition à la subrogation des règles admises pour les exceptions de compensation en matière de cession de créance
        • Pour rappel, l’article 1295, al. 2 du Code civil prévoit que « À l’égard de la cession qui n’a point été acceptée par le débiteur, mais qui lui a été signifiée, elle n’empêche que la compensation des créances postérieures à cette notification. »
    • Exception : le débiteur ne sera pas fondé à opposer les exceptions extérieures à la créance si elles sont nées après la subrogation
      • Toutefois, s’agissant de la compensation, il est admis que le débiteur peut opposer une compensation qui se réaliserait postérieurement à la subrogation, si sa créance est « connexe » à celle que le fournisseur a contre lui.
      • Pour mémoire, la jurisprudence retient une conception large de la connexité, en l’admettant dans trois hypothèses :
        • lorsque les créances prennent leur source dans un seul et même acte juridique créant des obligations à la fois pour le débiteur et pour le créancier.
        • lorsque les créances prennent leur source dans un accord-cadre régissant l’ensemble des rapports des parties.
        • lorsque les créances naissent d’une opération économique globale donnant lieu à une série de contrats dépendant d’un même accord contractuel.

B) Le recours de l’affactureur contre l’adhérent subrogeant

En principe, l’affactureur ne dispose d’aucun recours contre l’adhérent en cas de non-paiement du débiteur subrogataire.

Et pour cause, car pèse sur l’affactureur une obligation de garantie ! C’est là tout l’intérêt de l’affacturage pour l’adhérent.

L’adhérent n’en demeure pas moins garant de l’existence de la créance transférée au factor.

Comme en matière de cession de créance, l’adhérent subrogeant répond de l’existence et de la licéité de la créance transmise.

Ainsi, en cas de transmission d’une créance fictive, l’affactureur dispose d’un recours en répétition de l’indu contre l’adhérent (Cass. com. 7 juin 1994, no 93-11.340 , Bull. civ. IV, no 202).