Les compétences d’attribution du Tribunal de commerce: tableau récapitulatif

TRIBUNAL DE COMMERCE
DomaineCompétence d'attributionTexte
Contrats commerciauxLes tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux ;Art. L. 721-3, 1° C. com.
Sociétés commercialesLes tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux sociétés commercialesArt. L. 721-3, 2° C. com.
Actes de commerceLes tribunaux de commerce connaissent des contestations aux actes de commerce entre toutes personnes.Art. L. 721-3, 3° C. com.
Procédure européenne de règlement des petits litiges transfrontaliersLes tribunaux de commerce connaissent, dans les limites de leur compétence d'attribution, des demandes formées en application du règlement (CE) n° 861/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges.Art. L. 721-3-1 C. com.
Prévention
des
difficultés
des
entreprises
Procédure d'alerteLorsqu'il résulte de tout acte, document ou procédure qu'une société commerciale, un groupement d'intérêt économique, ou une entreprise individuelle, commerciale ou artisanale connaît des difficultés de nature à compromettre la continuité de l'exploitation, ses dirigeants peuvent être convoqués par le président du tribunal de commerce pour que soient envisagées les mesures propres à redresser la situation.Art. L611-2, I C. com.
Défaut de publication des comptes annuelsLorsque les dirigeants d'une société commerciale ne procèdent pas au dépôt des comptes annuels dans les délais prévus par les textes applicables, le président du tribunal peut, le cas échéant sur demande du président d'un des observatoires mentionnés à l'article L. 910-1 A, leur adresser une injonction de le faire à bref délai sous astreinte. Art. L. 611-2, II C. com.
institution d'un mandataire ad hocLe président du tribunal peut, à la demande d'un débiteur, désigner un mandataire ad hoc dont il détermine la mission. Le débiteur peut proposer le nom d'un mandataire ad hoc. La décision nommant le mandataire ad hoc est communiquée pour information aux commissaires aux comptes lorsqu'il en a été désigné.

Le tribunal compétent est le tribunal de commerce si le débiteur exerce une activité commerciale ou artisanale et le tribunal de grande instance dans les autres cas.
Art. L. 611-3 C. com
Procédure de conciliationIl est institué, devant le tribunal de commerce, une procédure de conciliation dont peuvent bénéficier les débiteurs exerçant une activité commerciale ou artisanale qui éprouvent une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible, et ne se trouvent pas en cessation des paiements depuis plus de quarante-cinq jours.Art. L. 611-4 C. com
Traitement
des
entreprises
en difficulté
Procédure de sauvegardeLe tribunal compétent est le tribunal de commerce si le débiteur exerce une activité commerciale ou artisanale. Le tribunal de grande instance est compétent dans les autres cas.Art. L. 621-2 C. com.
Procédure de redressement judiciaireLes articles L. 621-1, L. 621-2 et L. 621-3 sont applicables à la procédure de redressement judiciaire. Art. L. 631-7 C. com.
Procédure de liquidation judiciaireLes dispositions des articles L. 621-1 et L. 621-2 ainsi que celles de l'article L. 622-6 relatives aux obligations incombant au débiteur sont applicables à la procédure de liquidation judiciaire. Art. L. 641-1, I C. com
Extension à tout ce qui concerne la faillite personnelleSans préjudice des pouvoirs attribués en premier ressort au juge-commissaire, le tribunal saisi d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire connaît de tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaires, l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L. 653-8, à l'exception des actions en responsabilité civile exercées à l'encontre de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du commissaire à l'exécution du plan ou du liquidateur qui sont de la compétence du tribunal de grande instance.Art. R. 662-3 C. com.
Billet à ordre Le tribunal de commerce connaît des billets à ordre portant en même temps des signatures de commerçants et de non-commerçants.

Toutefois, il est tenu de renvoyer au tribunal de grande instance s'il en est requis par le défendeur lorsque les billets à ordre ne portent que des signatures de non-commerçants et n'ont pas pour occasion des opérations de commerce, trafic, change, banque ou courtage.
Art. L. 721-4 C. com.
Mesures conservatoiresLe président du tribunal de commerce peut connaître concurremment avec le juge de l'exécution, lorsqu'elles tendent à la conservation d'une créance relevant de la compétence de la juridiction commerciale et qu'elles sont demandées avant tout procès, des mesures conservatoires portant sur :

1° Les meubles et immeubles dans les cas et conditions prévus par le code des procédures civiles d'exécution ;

2° Les navires dans les cas et conditions prévus par les articles L. 5114-20 et L. 5114-29 du code des transports ;

3° Les aéronefs, dans les cas et conditions prévus par le code de l'aviation civile ;

4° Les bateaux de navigation intérieure d'un tonnage égal ou supérieur à vingt tonnes, dans les cas et conditions prévus par le code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure.
Art. L. 721-7 C. com.
Rapport entre le pilote et le capitaineLes contestations entre le pilote et le capitaine ou entre le pilote et le consignataire relatives aux rémunérations dues au pilote en conformité des tarifs de pilotage, à la fixation de la rémunération spéciale prévue par l'article L. 5341-3 ou aux dommages et intérêts éventuellement dus, sont de la compétence du tribunal de commerceArt. L. 5341-6 C. trans.
ExclusionsL'activité agricole Ne sont pas de la compétence des tribunaux de commerce les actions intentées contre un propriétaire, cultivateur ou vigneron, pour vente de denrées provenant de son cru, ni les actions intentées contre un commerçant, pour paiement de denrées et marchandises achetées pour son usage particulier.

Néanmoins, les billets souscrits par un commerçant sont censés faits pour son commerce.
Art. L721-6 C. com.
L'activité artisanale" Mais attendu que l'arrêt retient que M. X... travaillait seul, sans l'apport d'une main d'oeuvre interne ou externe, qu'il exerçait de manière prépondérante une activité de production, transformation et prestation de services dont il tire l'essentiel de sa rémunération, et que l'achat pour revendre de marchandises représentait, pour l'année 2004, pour lui seulement l'équivalent d'environ 5 % de son résultat d'exploitation, c'est-à-dire était accessoire et marginale ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a fait ressortir que M. X... était un travailleur indépendant dont les gains provenaient essentiellement du produit de son travail personnel et qu'il ne spéculait ni sur les marchandises ni sur la main d'oeuvre, a pu statuer comme elle a fait "Cass. com. 11 mars 2008
L'activité libéralePar dérogation au 2° de l'article L. 721-3 et sous réserve des compétences des juridictions disciplinaires et nonobstant toute disposition contraire, les tribunaux civils sont seuls compétents pour connaître des actions en justice dans lesquelles l'une des parties est une société constituée conformément à la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ainsi que des contestations survenant entre associés d'une telle société.

Néanmoins, les associés peuvent convenir, dans les statuts, de soumettre à des arbitres les contestations qui surviendraient entre eux pour raison de leur société.
Art. L. 721-5 C. com.
Les baux commerciauxLe tribunal de grande instance a compétence exclusive dans les matières déterminées par les lois et règlements, au nombre desquelles figurent les matières suivantes :

11° Baux commerciaux à l'exception des contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, baux professionnels et conventions d'occupation précaire en matière commerciale ;
Art. R. 211-4 COJ
Les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal de grande instance ou le juge qui le remplace. Il est statué sur mémoire.

Les autres contestations sont portées devant le tribunal de grande instance qui peut, accessoirement, se prononcer sur les demandes mentionnées à l'alinéa précédent.
Art. R. 145-23 C. com.
Propriété industrielleLe tribunal de grande instance a compétence exclusive dans les matières déterminées par les lois et règlements, au nombre desquelles figurent les matières suivantes :

6°Récompenses industrielles

Art. R. 211-4 COJ

La cession de clientèle civile

S’il ne fait aucun doute que la clientèle commerciale est susceptible d’être cédée dans la mesure où elle constitue un élément essentiel du fonds de commerce, plus délicate est la question de savoir s’il en va de même de la clientèle des professions libérales que sont avocats, les médecins, les architectes, les huissiers, les notaires, les vétérinaires ou encore les experts-comptables.

L’interrogation est permise, en raison de la nature particulière de cette clientèle.

Au soutien de l’interdiction des cessions de clientèles civiles, deux arguments majeurs ont été avancés :

  • Premier argument
    • Il existe un lien de confiance personnel entre le professionnel qui exerce une activité libérale et son client, ce qui fait de cette relation particulière une chose hors du commerce au sens de l’ancien article 1128 du Code civil.
  • Second argument
    • Autoriser les cessions de clientèles civiles reviendrait à admettre qu’il soit porté atteinte à la liberté individuelle en ce que cette opération est de nature à priver les clients de la possibilité de confier leurs intérêts au professionnel de leur choix

Bien que ces arguments soient séduisants à maints égards, la jurisprudence de la Cour de cassation n’en a pas moins connu une grande évolution sur cette question :

?Première étape : le refus de reconnaître la licéité des cessions de clientèles civiles

Dans un arrêt du 7 février 1990, la Cour de cassation a censuré une Cour d’appel pour avoir validé la cession de clientèle d’un chirurgien-dentiste (Cass. 1re civ., 7 févr. 1990, n°88-18.441)

Après avoir affirmé que « lorsque l’obligation d’une partie est dépourvue d’objet, l’engagement du cocontractant est nul, faute de cause », la première chambre civile affirme que « les malades jouissant d’une liberté absolue de choix de leur médecin ou dentiste, leur ” clientèle “, attachée exclusivement et de façon toujours précaire à la personne de ce praticien, est hors du commerce et ne peut faire l’objet d’une convention ».

Pour la Haute juridiction la convention conclue en l’espèce encourait dès lors la nullité

Cass. 1re civ., 7 févr. 1990

Attendu que M. Y…, chirurgien-dentiste, après avoir remplacé pendant deux mois son confrère, M. X…, a pris en location, en décembre 1985, les locaux professionnels et le matériel de celui-ci ; qu’après s’être renseigné en mai 1986 sur les conditions de ” vente ” du cabinet de M. X… , il a accepté par écrit, le 16 juillet 1986, le prix de 270 000 francs ” en règlement du cabinet ” ; que M. Y… s’étant ensuite rétracté, un premier jugement du tribunal de grande instance d’Agen du 22 juillet 1987, fondé sur l’article 1583 du Code civil, l’a condamné ” à passer l’acte authentique de cession du cabinet de M. X… ” et à payer à celui-ci le montant du ” prix de vente ” convenu ; que M. Y… ayant alors exigé la stipulation dans le contrat d’une obligation de non-installation du vendeur pendant dix ans dans un rayon de 35 kilomètres, tandis que M. X… offrait de limiter cette obligation à un rayon de 5 kilomètres pendant deux ans à compter du 1er décembre 1985, un second jugement, du 24 novembre 1987, estimant qu’il existait un ” consensus minimal ” des parties sur une interdiction de rétablissement pendant deux ans dans un rayon de 5 kilomètres à compter du 7 août 1987, a ordonné l’inclusion de cette stipulation dans l’acte de cession ; que la cour d’appel a confirmé ces deux décisions ;.

Sur le moyen unique du pourvoi principal de M. Y…, pris en sa première branche :

Vu les articles 1128 et 1131 du Code civil ;

Attendu que lorsque l’obligation d’une partie est dépourvue d’objet, l’engagement du cocontractant est nul, faute de cause ;

Attendu que, pour déclarer parfaite la vente du cabinet de M. X… à M. Y…, l’arrêt énonce que ” la validité des cessions de clientèles civiles ne se discute pas ” ; qu’en se déterminant ainsi, alors que les malades jouissant d’une liberté absolue de choix de leur médecin ou dentiste, leur ” clientèle “, attachée exclusivement et de façon toujours précaire à la personne de ce praticien, est hors du commerce et ne peut faire l’objet d’une convention, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Et sur les deuxième et troisième branches du moyen : (sans intérêt) ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident de M. X… :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 20 juillet 1988, entre les parties, par la cour d’appel d’Agen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Toulouse

?Deuxième étape : l’admission des conventions portant sur l’obligation de présentation

Malgré l’interdiction qui frappait les cessions de clientèles civiles, la Cour de cassation a admis, en parallèle, qu’un professionnel exerçant une activité libérale puisse conclure une convention par laquelle il s’engage envers son successeur à lui présenter sa clientèle (Cass. 1re civ., 7 mars 1956).

Ainsi, par exemple, dans un arrêt du 7 juin 1995, la Cour de cassation a décidé que « si la clientèle d’un médecin ou d’un chirurgien-dentiste n’est pas dans le commerce, le droit, pour ce médecin ou ce chirurgien-dentiste, de présenter un confrère à sa clientèle, constitue un droit patrimonial qui peut faire l’objet d’une convention régie par le droit privé » (Cass. 1ère civ., 7 juin 1995, n°93-17.099).

Comme s’accordent à le dire les auteurs, cela revenait, en réalité, à admettre indirectement la licéité des cessions de clientèles civiles.

Cass. 1ère civ., 7 juin 1995

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :

Vu l’article 1128 du Code civil ;

Attendu que si la clientèle d’un médecin ou d’un chirurgien-dentiste n’est pas dans le commerce, le droit, pour ce médecin ou ce chirurgien-dentiste, de présenter un confrère à sa clientèle, constitue un droit patrimonial qui peut faire l’objet d’une convention régie par le droit privé ;

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, par un acte sous seing privé du 28 décembre 1984, M. Y…, chirurgien-dentiste, et Mlle X… ont conclu un contrat par lequel M. Y… s’engageait à ” présenter à celle-ci la moitié de sa clientèle “, moyennant le versement de la somme de 350 000 F ; que, le 20 avril 1985, était créée entre les deux praticiens une société civile de moyens ayant pour objet exclusif de favoriser leur activité professionnelle, chacun en détenant la moitié ; que Mlle X… a ensuite agi en nullité des conventions conclues avec M. Y…, et réclamé à celui-ci la restitution des sommes par elle versées, outre des dommages-intérêts ;

Attendu que pour déclarer nulles et de nul effet pour objet illicite et absence de cause les conventions signées entre les parties, l’arrêt retient qu’en l’absence de toute précision tant sur les critères de sélection de la moitié de la clientèle concernée que sur la nature des moyens susceptibles d’être mis en œuvre par le débiteur de l’obligation, le contrat signé entre les parties a, même indirectement, pour effet de mettre en échec le principe du libre choix du praticien par le patient et de revenir à céder partie d’une clientèle qui n’entre pas dans les choses du commerce ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, alors qu’il résulte de l’arrêt que M. Y… s’était seulement engagé envers son cocontractant à faire ” tout ce qui sera en son pouvoir ” pour que les clients reportent sur Mlle X… la confiance qu’ils lui témoignaient, et que la clientèle conservait donc une liberté de choix, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 10 mai 1993, entre les parties, par la cour d’appel de Limoges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Poitiers

?Troisième étape : la reconnaissance de la licéité des cessions de clientèles civiles

Dans un arrêt du 7 novembre 2000, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en décidant que « si la cession de la clientèle médicale, à l’occasion de la constitution ou de la cession d’un fonds libéral d’exercice de la profession, n’est pas illicite, c’est à la condition que soit sauvegardée la liberté de choix du patient ; qu’à cet égard, la cour d’appel ayant souverainement retenu, en l’espèce, cette liberté de choix n’était pas respectée » (Cass. 1ère civ. 7 nov. 2000, n°98-17.731).

Cass., 1ère civ. 7 novembre 2000

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu que M. Y…, chirurgien, a mis son cabinet à la disposition de son confrère, M. X…, en créant avec lui une société civile de moyens ; qu’ils ont ensuite conclu, le 15 mai 1991, une convention aux termes de laquelle M. Y… cédait la moitié de sa clientèle à M. X… contre le versement d’une indemnité de 500 000 francs ; que les parties ont, en outre, conclu une ” convention de garantie d’honoraires ” par laquelle M. Y… s’engageait à assurer à M. X… un chiffre d’affaires annuel minimum ; que M. X…, qui avait versé une partie du montant de l’indemnité, estimant que son confrère n’avait pas respecté ses engagements vis-à-vis de sa clientèle, a assigné celui-ci en annulation de leur convention ; que M. Y… a demandé le paiement de la somme lui restant due sur le montant conventionnellement fixé ;

Attendu que M. Y… fait grief à l’arrêt attaqué (Colmar, 2 avril 1998) d’avoir prononcé la nullité du contrat litigieux, de l’avoir condamné à rembourser à M. X… le montant des sommes déjà payées par celui-ci et de l’avoir débouté de sa demande en paiement du solde de l’indemnité prévue par la convention, alors, selon le moyen, d’une part, qu’en décidant que le contrat était nul comme portant atteinte au libre choix de son médecin par le malade, après avoir relevé qu’il faisait obligation aux parties de proposer aux patients une ” option restreinte au choix entre deux praticiens ou à l’acceptation d’un chirurgien différent de celui auquel ledit patient avait été adressé par son médecin traitant “, ce dont il résultait que le malade conservait son entière liberté de s’adresser à M. Y…, à M. X… ou à tout autre praticien, de sorte qu’il n’était pas porté atteinte à son libre choix, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles 1128 et 1134 du Code civil ; et alors, d’autre part, qu’en s’abstenant de rechercher comme elle y était invitée, si l’objet du contrat était en partie licite, comme faisant obligation à M. Y… de présenter M. X… à sa clientèle et de mettre à la disposition de celui-ci du matériel médical, du matériel de bureautique et du matériel de communication, de sorte que l’obligation de M. X… au paiement de l’indemnité prévue par le contrat était pour partie pourvu d’une cause, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1128, 1131 et 1134 du Code civil ;

Mais attendu que si la cession de la clientèle médicale, à l’occasion de la constitution ou de la cession d’un fonds libéral d’exercice de la profession, n’est pas illicite, c’est à la condition que soit sauvegardée la liberté de choix du patient ; qu’à cet égard, la cour d’appel ayant souverainement retenu, en l’espèce, cette liberté de choix n’était pas respectée, a légalement justifié sa décision ; d’où il suit que le moyen, mal fondé en sa première branche, est inopérant en sa seconde ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

  • Faits
    • Cession de la moitié de la clientèle d’un chirurgien à son associé en contrepartie du paiement de la somme de 500 000 francs.
    • Cette cession était assortie d’une clause par laquelle le cédant s’engageait à assurer au cessionnaire un chiffre d’affaires minimum.
    • Il s’est avéré cependant que, après avoir versé une partie du prix de la cession au cédant, le cessionnaire a reproché au cédant de n’avoir pas satisfait à son obligation de lui assurer un certain chiffre d’affaires.
  • Demande
    • Alors que le cessionnaire réclame l’annulation de la convention, le cédant revendique quant à lui le restant du prix de la cession lui étant dû.
  • Procédure
    • Par un arrêt du 2 avril 1998, la Cour d’appel de Colmar a accédé à la requête du cessionnaire en prononçant la nullité de la cession.
    • Les juges du fond ont estimé que la cession de clientèle était nulle, dans la mesure où elle portait atteinte à la liberté de choix des patients du cédant.
  • Solution
    • Par un arrêt du 7 novembre 2000, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le médecin cédant.
    • la première chambre civile estime que la cession de clientèle d’un médecin n’est licite, que si la liberté de choix du patient est préservée.
    • Or en l’espèce il s’avère que tel n’était pas le cas dans le cadre la cession litigieuse.
    • Ainsi, ressort-il de cet arrêt que la haute juridiction renverse le principe
    • La cession de clientèle civile qui était illicite avant cette décision devient licite, à la condition, toutefois, que la liberté de choix du patient soit préservée.
    • Immédiatement, la question alors se pose des garanties dont devront justifier les parties à l’opération de cession pour que la liberté de choix du patient soit préservée.
    • Il ressort de l’arrêt du 7 janvier 2000 que, non seulement la Cour de cassation ne le dit pas, mais encore elle estime qu’il s’agit là d’une question de pur fait.
    • Autrement dit, c’est jugement du fond qu’il appartiendra d’apprécier souverainement si, dans le cadre d’une cession de clientèle civile, il est ou non porté atteinte à la liberté de choix du patient.
  • Portée
    • Depuis son revirement de jurisprudence la Cour de cassation a eu l’occasion de réaffirmer le principe de licéité des cessions de clientèles civiles (V. notamment en ce sens Cass. 1re civ., 14 nov. 2012, n°11-16.439).

Cass. 1re civ., 14 nov. 2012

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Nîmes, 11 janvier 2011), que M. Y…, qui exerçait avec M. X…, son activité professionnelle au sein de la SCP notariale Michel Chapuis et Yves Lemoyne de Vernon, a cédé à son associé les parts qu’il détenait dans la société, l’acte de cession prévoyant une interdiction de réinstallation sur le territoire de certaines communes et le reversement des sommes reçues par le cédant au titre d’actes établis ou de dossiers traités pour le compte de clients de la SCP au sein d’un autre office notarial ; que, M. Y… s’étant réinstallé avec un autre confrère, au sein d’une autre société civile professionnelle, sur le territoire d’une commune autre que celles qui lui étaient interdites, M. X…, qui lui reprochait de n’avoir pas reversé les rémunérations perçues de plusieurs clients en violation des stipulations contractuelles, l’a assigné en réparation de son préjudice ; que l’arrêt le déboute de ses demandes ;

Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt attaqué de le débouter de ses demandes tendant à voir juger que M. Y… était responsable de l’inexécution de la clause de reversement souscrite le 23 juillet 1998, condamner M. Y… à réparer le préjudice subi et, avant dire droit sur le quantum, ordonner une expertise, alors selon le moyen :

[…]

Mais attendu qu’après avoir retenu, selon une interprétation, exclusive de toute dénaturation, que commandait la portée ambiguë de la clause stipulant le reversement au cessionnaire des sommes perçues de la part des anciens clients de la SCP Chapuis et Lemoyne de Vernon, que cette clause, en interdisant à M. Y… de percevoir, pour une durée de dix ans, la rémunération de son activité pour le compte des clients qui avaient fait le choix de le suivre en son nouvel office, emportait cession de la clientèle lui ayant appartenu en partie, la cour d’appel, qui a relevé que la clause litigieuse, par la sanction de la privation de toute rémunération du travail accompli, soumettait le cédant à une pression sévère de nature, sinon à refuser de prêter son ministère, du moins à tenter de convaincre le client de choisir un autre notaire, et qui a ainsi constaté que la liberté de choix de cette clientèle n’était pas respectée, en a exactement déduit que ladite clause était nulle ; que le moyen, qui manque en fait en ses deuxième et quatrième branches, n’est pas fondé en ses trois autres branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi