Cautionnement: l’obligation d’information relative à la défaillance du débiteur principal (art. 2303 C. civ.)

En application de l’article 2303 du Code civil, pèse sur le créancier professionnel l’obligation d’informer la caution de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement.

À l’instar de l’obligation d’information relative à l’étendue de l’engagement de caution, l’obligation d’information relative à la défaillance du débiteur a, sous l’empire du droit antérieur, fait l’objet de plusieurs consécrations.

Son régime variait néanmoins d’un texte à l’autre au gré des interventions du législateur.

==> Loi du 31 décembre 1989

L’obligation d’information relative à la défaillance du débiteur a été consacrée, pour la première fois, par la loi n°89-1010 du 31 décembre 1989 relative à la prévention et au règlement des difficultés liées au surendettement des particuliers et des familles, dite loi Neiertz.

L’objectif recherché était de renforcer la protection de la caution et plus précisément de limiter la survenance des cas de surendettement « par ricochet » résultant de la mise en œuvre du cautionnement.

Cette loi a inséré un article L. 313-9 dans le Code de la consommation qui prévoyait que « toute personne physique qui s’est portée caution à l’occasion d’une opération de crédit relevant des chapitres Ier ou II du présent titre doit être informée par l’établissement prêteur de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement caractérisé susceptible d’inscription au fichier institué à l’article L. 333-4. »

Le domaine de l’obligation visée par ce texte était limité aux opérations de crédit à la consommation et de crédit immobilier.

==> Loi du 29 juillet 1998

La loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions a, par suite, étendu l’obligation d’information relative à la défaillance du débiteur à deux catégories d’opérations :

  • Première catégorie d’opérations : les cautionnements souscrits en garantie d’une dette contractée par un entrepreneur individuel
    • La loi du 29 juillet 1998 a inséré dans la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l’initiative et à l’entreprise individuelle d’un article 47, II, al. 3e qui prévoyait que « lorsque le cautionnement est consenti par une personne physique pour garantir une dette professionnelle d’un entrepreneur individuel ou d’une entreprise constituée sous forme de société, le créancier informe la caution de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l’exigibilité de ce paiement.»
  • Seconde catégorie d’opérations : les cautionnements conclus entre un créancier professionnel et une caution personne physique
    • La loi du 29 juillet 1998 a inséré un article L. 341-1 dans le Code de la consommation (devenu L. 333-1) qui prévoyait que « sans préjudice des dispositions particulières, toute personne physique qui s’est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l’exigibilité de ce paiement.»

À l’analyse, ces deux textes conféraient une portée quasi générale à l’obligation d’information relative à la défaillance du débiteur principal.

Reste qu’ils se recoupaient entre eux ainsi qu’avec la disposition adoptée dix ans plus tôt par la loi Neiertz.

De l’avis général des auteurs, il était nécessaire de remédier à cette situation, ce que le législateur a fait à l’occasion de la réforme du droit des sûretés opérée par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021.

==> Ordonnance du 15 septembre 2021

L’ordonnance du 15 septembre 2021 a, comme précisé par le rapport au Président de la République qui l’accompagnait, unifié l’obligation d’information sur la défaillance du débiteur principal.

Cette obligation a été sortie du Code de la consommation pour être insérée dans le Code civil.

Aussi, est-elle désormais envisagée par un seul texte : l’article 2303 du Code civil.

Cette disposition prévoit que « le créancier professionnel est tenu d’informer toute caution personne physique de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l’exigibilité de ce paiement, à peine de déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus entre la date de cet incident et celle à laquelle elle en a été informée. »

Afin d’appréhender le régime de cette obligation dont est créancière la caution, il convient d’envisager successivement son domaine d’application, son contenu, sa mise en œuvre et la sanction du défaut de son exécution.

I) Domaine de l’obligation relative à la défaillance du débiteur principal

A) Domaine quant aux personnes

Il ressort de l’article 2303 du Code civil que l’obligation d’information relative à la défaillance du débiteur s’applique aux cautionnements conclus entre :

  • D’une part, une caution personne physique
  • D’autre part, un créancier professionnel

S’agissant de la caution, il est donc indifférent qu’elle soit avertie ou profane. Ce qui importe, c’est qu’il s’agisse d’une personne morale.

L’obligation d’information relative à la défaillance du débiteur principal n’a donc pas vocation à s’appliquer en présence d’une caution personne morale.

S’agissant du créancier, l’article 2302 du Code civil exige qui endosse la qualité de professionnel.

Pour mémoire, au sens du droit de la consommation, le professionnel est défini par l’article liminaire du Code de la consommation comme « toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel. »

Le professionnel peut donc indistinctement être, une personne physique, une personne morale, une personne privée, une personne publique ou encore une personne investie d’un pouvoir de représentation.

Dans un arrêt du 9 juillet 2009, la Cour de cassation a, précisé, au sujet d’un cautionnement, que « le créancier professionnel s’entend de celui dont la créance est née dans l’exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n’est pas principale » (Cass. 1ère civ. 9 juill. 2009, n°08-15.910).

C’est donc le critère du rapport direct entre le cautionnement et l’activité exercée par le créancier qui permet de déterminer si celui-ci endosse la qualité de professionnel, faute de quoi il sera considéré, soit comme un consommateur, soit comme un non-professionnel.

B) Domaine quant aux opérations

En application de l’article 2325 du Code civil, l’obligation d’information relative à la défaillance du débiteur s’applique, tant aux cautionnements personnels, qu’aux cautionnements réels.

A l’instar de l’obligation d’information annuelle, cette obligation n’a pas vocation à s’appliquer en matière d’aval (Cass. com. 16 juin 2009, n°08-14.532).

II) Contenu de l’obligation relative à la défaillance du débiteur principal

L’information due à la caution en application de l’article 2303 du Code civil porte sur « le premier incident de paiement ».

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir ce que l’on doit entendre par cette formule. Qu’est-ce qu’un premier incident de paiement ?

Le texte apporte une précision sur ce point. Il indique que constitue un incident de paiement ce qui n’est pas « régularisé dans le mois de l’exigibilité de ce paiement ».

Cela signifie que passé le délai d’un mois à compter de la date d’exigibilité de l’obligation principale, en l’absence de paiement réalisé par le débiteur, le créancier doit en informer la caution.

III) La mise en œuvre de l’obligation relative à la défaillance du débiteur principal

L’article 2303 du Code civil n’impose aucune forme s’agissant de la notification de l’information due à la caution.

Reste que le créancier devra se prémunir de toute contestation quant à la délivrance de l’information, raison pour laquelle l’envoi d’un courrier recommandé avec accusé de réception est préconisé.

Quant au délai d’envoi, le texte est également silencieux sur ce point. Il se limite à indiquer que l’information doit être notifiée à la caution consécutivement au premier incident de paiement non régularisé.

On en déduit que le créancier devra agir dans un délai raisonnable et donc ne pas attendre qu’un deuxième incident de paiement survienne.

En tout état de cause, il devra être en mesure de prouver, tant la date d’envoi du courrier, que son contenu, ce qui soulève les mêmes difficultés que la preuve de la délivrance de l’information annuelle prescrite à l’article 2302 du Code civil.

IV) La sanction de l’obligation relative à la défaillance du débiteur principal

L’article 2303 du Code civil prévoit que le manquement à l’obligation d’information relative à la défaillance du débiteur est sanctionné par la déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus entre la date de l’incident de paiement et celle à laquelle la caution en a été informée.

Autrement dit, le créancier sera privé de la possibilité de réclamer à la caution le paiement des intérêts pour la période comprise entre le premier incident de paiement et la date à laquelle il a régularisé sa situation.

À cet égard, l’alinéa 2 du texte ajoute que « dans les rapports entre le créancier et la caution, les paiements effectués par le débiteur pendant cette période sont imputés prioritairement sur le principal de la dette. »

À l’analyse, la sanction applicable est ici sensiblement la même que pour la violation de l’obligation d’information annuelle, à la nuance près que la déchéance couvre non seulement les intérêts contractuels, mais également les pénalités éventuellement dues par le débiteur.

Dans un arrêt du 3 octobre 2018, la Cour de cassation a précisé que « la déchéance du droit aux intérêts prévue en cas de manquement par la banque à son obligation d’information envers la caution dès le premier incident de paiement n’est pas subordonnée à la preuve d’un préjudice » (Cass. com. 3 oct. 2018, n°17-19.514).

Cautionnement: l’information annuelle due à la caution (art. 2302 C. civ.)

À compter du milieu des années 1980, le législateur a été animé par la volonté de conférer une protection aux cautions.

La démarche engagée s’est appuyée sur le double constat suivant :

  • Premier constat
    • Le cautionnement est une sûreté dangereuse en ce qu’elle permet à un établissement de crédit de poursuivre l’exécution d’une dette due par un tiers sur l’ensemble du patrimoine de la caution.
    • Or nonobstant ce danger, un grand nombre de dirigeants d’entreprises, au moment de la cessation de leurs fonctions, ou même des particuliers, omettent de révoquer un cautionnement à durée illimitée.
  • Second constat
    • Le cautionnement, acte unilatéral par excellence, n’étant pas établi en double exemplaire, le document constatant cet engagement est détenu par la banque et non par la caution, ce qui peut, notamment, poser de graves difficultés lors de l’ouverture d’une succession, les héritiers acceptant la succession sans connaître l’existence de ce cautionnement.

Pour remédier à cette situation qui exposait les cautions à lourdes conséquences financières, le législateur a décidé de créer une obligation d’information imposant aux banques de faire connaître à la caution, à partir de la fin de chaque exercice, le montant en principal, intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir à la clôture de l’exercice au titre de l’engagement bénéficiant de la caution.

==> Loi du 1er mars 1984

Cette obligation a, pour la première fois, été instituée par la loi n° 84-148 du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises a été le premier texte à mettre à la charge du créancier une obligation d’information au profit de la caution.

Elle a introduit dans le Code monétaire et financier un article L. 313-22 qui prévoyait que « les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant de la caution ainsi que le terme de cet engagement sanctions*. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l’établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette ».

==> Loi du 11 février 1994

Soucieux d’aménager le régime du cautionnement des dettes professionnelles contractées par un entrepreneur individuel, le législateur a, dix ans plus tard, étendu, au profit de ces derniers, le domaine de l’obligation d’information créée par la loi du 1er mars 1984.

La loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l’initiative et à l’entreprise individuelle a, par suite, a ainsi édicté une disposition prévoyant que « en cas de cautionnement à durée indéterminée consenti par une personne physique pour garantir une dette professionnelle d’un entrepreneur individuel, le créancier doit respecter les dispositions prévues à l’article 48 de la loi no 84-148 du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises. »

==> Loi du 29 juillet 1998

Dans le droit fil de ses interventions précédentes, le législateur a souhaité étendre un peu plus le domaine de l’obligation d’information des cautions sur l’évolution de la créance garantie et de ses accessoires.

Aussi, à l’occasion de l’adoption de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, a-t-il introduit cette obligation dans le Code civil aux fins de généraliser son application à l’ensemble des cautionnements indéfinis consentis par une personne physique.

Cela s’est traduit par l’ajout d’un second alinéa à l’ancien article 2016 du Code civil qui prévoyait que « lorsque ce cautionnement est contracté par une personne physique, celle-ci est informée par le créancier de l’évolution du montant de la créance garantie et de ces accessoires au moins annuellement à la date convenue entre les parties ou, à défaut, à la date anniversaire du contrat, sous peine de déchéance de tous les accessoires de la dette, frais et pénalités. »

==> Loi du 1er août 2003

Le mouvement tendant à renforcer la protection des cautions s’est poursuivi avec l’adoption de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique, dite loi Dutreil.

Ce texte a introduit dans le Code de la consommation une disposition semblable à celle qu’il avait insérée dans le Code monétaire et financier, visant à obliger le créancier professionnel à informer chaque année la caution personne physique du montant de la dette (principal, intérêts, commissions, frais et accessoires), le terme de l’engagement ou, s’il est à durée indéterminée, la faculté de révocation et les conditions d’exercice de celle-ci.

La règle insérée à l’article L. 341-6 du code de la consommation était néanmoins pourvue d’un domaine d’application plus étendue, puisque faisant peser l’obligation d’information sur l’ensemble des créanciers professionnels et plus seulement sur les établissements de crédit.

==> Ordonnance du 21 septembre 2021

Si la création d’une obligation d’information annuelle au profit de la caution procède d’une intention des plus louables, la multiplication des textes n’est pas sans avoir fait l’objet de nombreuses critiques de la part de la doctrine.

Les différentes réformes législatives intervenues entre 1984 et 2003 ont, en effet, progressivement étendu le domaine d’application de l’obligation d’information sans pour autant abroger corrélativement les dispositions préexistantes.

Il en est résulté un empilement des textes, ce qui était de nature à nuire à leur compréhension et, par voie de conséquence, à porter atteinte à la sécurité juridique des parties à l’opération de cautionnement.

Conscient de la nécessité de mettre un terme à cette situation, le législateur a saisi l’occasion de la réforme du droit des sûretés pour remettre à plat le système mis en place.

Pour ce faire, l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 a introduit un article 2302 dans le Code civil qui unifie et précise les dispositions relatives à l’obligation d’information annuelle de la caution qui, jusque-là, étaient dispersées entre le code civil, le code de la consommation, le code monétaire et financier et la loi du 11 février 1994 relative à l’initiative et à l’entreprise individuelle.

Afin d’appréhender le régime de cette obligation dont est créancière la caution, il convient d’envisager successivement son domaine d’application, son contenu, sa mise en œuvre et la sanction du défaut de son exécution.

I) Domaine de l’obligation d’information relative à l’étendue de l’engagement de la caution

Il ressort de l’article 2302 du Code civil que l’obligation d’information relative à l’étendue de l’engagement de la caution s’applique à deux catégories de cautionnements :

  • D’une part, les cautionnements souscrits par une personne physique envers un créancier professionnel
  • D’autre part, les cautionnements souscrits par une personne morale envers un établissement de crédit ou une société de financement en garantie d’un concours financier accordée à une entreprise

Dans les deux cas, l’obligation d’information annuelle sera applicable, par extension, au cautionnement réel, conformément à l’article 2325 du Code civil.

Dans un arrêt du 16 juin 2009, la Cour de cassation a, revanche, exclu du domaine d’application de cette obligation l’aval au motif qu’il garantit le paiement d’un titre cambiaire et que, à ce titre, il « ne constitue pas le cautionnement d’un concours financier accordé par un établissement de crédit à une entreprise » (Cass. com. 16 juin 2009, n°08-14.532).

A) S’agissant des cautionnements souscrits par une personne physique envers un créancier professionnel

En application de l’article 2302, al. 1er du Code civil, l’obligation d’information annuelle s’impose à tout cautionnement souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel.

Trois enseignements peuvent être retirés de cette disposition :

  • Premier enseignement
    • L’obligation d’information est nécessairement due en présence d’une caution personne physique.
    • Il est donc indifférent que la personne qui s’est obligée soit une caution avertie, tel un dirigeant de société ou une caution profane qui donc ne disposerait d’aucune compétence financière ou juridique particulière.
  • Deuxième enseignement
    • L’obligation d’information visée par l’article 2302, al. 1er du Code civil ne pèse que sur les seuls créanciers professionnels
    • La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par créancier professionnel.
    • Au sens du droit de la consommation, le professionnel est défini par l’article liminaire du Code de la consommation comme « toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel. »
    • Le premier enseignement qui peut être retiré de cette disposition c’est que, à la différence de la caution, il est indifférent que le créancier soit une personne physique ou morale.
    • Le professionnel peut, indistinctement être, une personne physique, une personne morale, une personne privée, une personne publique ou encore une personne investie d’un pouvoir de représentation.
    • En toute hypothèse, le professionnel doit nécessairement exercer une activité économique à titre indépendant.
    • Aussi, le professionnel se définit-il surtout par l’activité qu’il exerce, laquelle peut être de toute nature (commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole).
    • Le professionnel n’est donc pas nécessairement un commerçant. Il constitue une catégorie bien plus large qui transcende la distinction entre les commerçants et les non-commerçants.
    • Dans un arrêt du 9 juillet 2009, la Cour de cassation a, précisé, au sujet d’un cautionnement, que « le créancier professionnel s’entend de celui dont la créance est née dans l’exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n’est pas principale» ( 1ère civ. 9 juill. 2009, n°08-15.910).
    • C’est donc le critère du rapport direct entre le cautionnement et l’activité exercée par le créancier qui permet de déterminer si celui-ci endosse la qualité de professionnel, faute de quoi il sera qualifié, soit de consommateur, soit de non professionnel.
    • Comment ce rapport direct doit-il être apprécié ? La loi est silencieuse sur ce point.
    • Dans un arrêt du 17 juillet 1996, la Cour de cassation a estimé que l’appréciation du rapport direct relevait du pouvoir souverain des juges du fond ( 1ère civ., 17 juill. 1996, n°94-14.662).
    • Il ressort toutefois des décisions que pour apprécier l’existence d’un rapport, cela suppose de s’interroger sur la finalité de l’opération.
    • Plus précisément la question que le juge va se poser est de savoir si l’accomplissement de l’acte a servi l’exercice de l’activité professionnel.
    • Si le contrat a été conclu à la faveur exclusive de l’activité professionnelle, l’existence du lien direct sera établie.
    • Dans l’hypothèse où l’acte ne profitera que partiellement à l’exercice de l’activité professionnelle, plus délicate sera alors l’établissement du rapport direct.
    • La question centrale est : l’activité professionnelle a-t-elle tirée un quelconque bénéficie de l’accomplissement de l’acte.
    • S’il n’est pas nécessaire que le bénéfice retiré par le créancier du cautionnement relève de son activité principale, comme indiqué par la Cour de cassation dans l’arrêt du 9 juillet 2009, il doit néanmoins entretenir un rapport direct avec l’une des activités exercées par le créancier à titre professionnel (V. en ce sens com. 10 janv. 2012, n°10-26.630; Cass. 1ère civ., 15 oct. 2014, n° 13-20.919 ; Cass. 1ère civ., 25 juin 2009, n° 07-21.506).
    • Dans un arrêt du 27 septembre 2017, la Chambre commerciale a été jusqu’à reconnaître la qualité de créancier professionnel à une association sans but lucratif qui exerçait l’activité de fourniture de la garantie financière prévue par l’article L. 211-18 II (a) du code du tourisme, nécessaire à l’obtention de la licence d’agent de voyages ( com. 27 sept. 2017, n°15-24.895).
    • Cette décision révèle l’approche pour le moins extensive de la notion de créancier professionnelle adoptée par la jurisprudence qui est manifestement animée par la volonté d’étendre dans la limite du possible le dispositif protecteur dont jouissent les cautions.
  • Troisième enseignement
    • La nature de l’opération garantie est sans incidence sur l’obligation d’information, laquelle s’applique dès lors que le cautionnement est souscrit par une personne physique au profit d’un créancier professionnel.
    • Il importe peu, par ailleurs, que le cautionnement présente un caractère civil ou commercial, l’article 2302, al. 1er n’opérant aucune distinction.

B) S’agissant des cautionnements souscrits par une personne morale envers un établissement de crédit ou une société de financement en garantie d’un concours financier accordée à une entreprise

Inspiré de l’ancien article L. 313-22 du Code monétaire et financier, le nouvel article 2302, al. 3e du Code civil étend le domaine de l’obligation d’information annuelle aux cautionnements souscrits par une personne morale envers un établissement de crédit ou une société de financement en garantie d’un concours financier accordée à une entreprise.

Il ressort de cette disposition que les personnes morales ne sont pas tout à fait exclues du dispositif institué par le premier alinéa du texte.

Pour être créancières de l’obligation d’information annuelle au même titre que les cautions personnes physiques, les personnes morales doivent néanmoins avoir souscrit un cautionnement devant répondre à trois conditions cumulatives :

==> Première condition

En application de l’article 2302, al. 3e du Code civil, le cautionnement doit avoir été contracté au profit d’un établissement de crédit ou une société de financement.

La question qui alors se pose est de savoir ce que recouvrent ces deux catégories d’entreprises.

  • S’agissant des établissements de crédit, ils sont définis par l’article 4 du règlement (UE) n° 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 comme « une entreprise dont l’activité consiste à recevoir du public des dépôts ou d’autres fonds remboursables et à octroyer des crédits pour son propre compte»
  • S’agissant des sociétés financement, il s’agit au sens de l’article L. 511-1, II du Code monétaire et financier, de « personnes morales, autres que des établissements de crédit, qui effectuent à titre de profession habituelle et pour leur propre compte des opérations de crédit dans les conditions et limites définies par leur agrément».

De façon générale tous les établissements titulaires d’un agrément les autorisant à octroyer des concours financiers sont soumis à l’obligation d’information annuelle.

À cet égard, dans un arrêt du 26 octobre 1999, la Cour de cassation a refusé d’appliquer l’obligation d’information annuelle aux compagnies d’assurances au motif qu’elles « ne sont pas habilitées à pratiquer des opérations de crédit et ne peuvent consentir des prêts aux collectivités locales que par une dérogation légale particulière » (Cass. com. 26 oct. 1999, n°96-14.123).

==> Deuxième condition

L’article 2302, al. 3e du Code civil subordonne l’application de l’obligation d’information annuelle à la souscription d’un cautionnement en garantie d’un concours financier.

Que doit-on entendre par concours financier ? Les textes ne fournissent aucune définition de cette notion.

Il en va de même pour la jurisprudence qui n’a toujours pas adopté de véritable critère permettant d’identifier les opérations s’analysant à des concours financiers.

Dans une acception large, le concours financier consiste a priori en un crédit, lequel se définit comme l’« opération par laquelle une personne met ou fait mettre une somme d’argent à disposition d’une autre personne en raison de la confiance qu’elle lui fait »[1].

À cet égard, comme relevé par François Grua, le crédit « peut se réaliser de trois manières différentes : soit par la mise à disposition de fonds, soit par l’octroi d’un délai de paiement, soit par un engagement de garantie d’une dette »[2].

C’est là une différence avec le contrat de prêt qui ne connaît, quant à lui, qu’une seule forme : la mise à disposition de fonds ; encore que dans cette configuration, le prêt ne se recoupe que partiellement avec la notion de crédit.

Tandis que le crédit par mise à disposition de fonds peut consister, soit en la remise immédiate d’une somme d’argent, soit en une avance éventuelle de fonds, soit en une mobilisation de créances, le prêt ne se conçoit que sous la première de ces modalités.

S’agissant du concours financier, la Cour de cassation semble considérer qu’il y a lieu de l’envisager, moins comme une opération de crédit, que comme un prêt.

Pour exemple, dans un arrêt du 30 novembre 1993, la Chambre commerciale a jugé que les établissements de crédit-bail n’étaient pas soumis à l’obligation d’information annuelle, dans la mesure où, selon elle, le crédit preneur s’acquitterait, non pas d’une échéance de remboursement de prêt, mais de loyers, de sorte que l’opération garantie ne s’analyserait pas en un véritable concours financier (Cass. com. 30 nov. 1993, n°91-12.123).

Elle a statué dans le même sens dans un arrêt du 28 janvier 2014 dans une affaire où le cautionnement avait été souscrit en garantie d’une opération de location avec option d’achat (Cass. com. 28 janv. 2014, n°12-24.592).

Le point commun entre l’opération de crédit-bail et l’opération de location avec option d’achat réside dans l’absence de mise à disposition des fonds au bénéficiaire du crédit.

Est-ce le critère retenu par la Cour de cassation permettant de déterminer si l’on est ou non en présence d’un concours financier au sens de l’ancien article L. 313-22 du Code monétaire et financier ?

À l’analyse, s’il s’agit là d’un critère dont il est tenu compte par la Haute juridiction, certaines solutions adoptées par cette dernière suggèrent que l’absence de mise à disposition n’est pas exclusive de la qualification de concours financier.

Dans un arrêt du 30 novembre 1993, la Cour de cassation a, par exemple, étendu le domaine de l’obligation d’information annuelle pesant sur les établissements de crédit et les sociétés de financement aux sociétés d’affacturage (V. en ce sens Cass. com. 30 nov. 1993, n°91-14.856).

L’opération d’affacturage ne suppose pourtant pas de mise à disposition de fonds : elle consiste seulement pour un créancier, l’adhérent, à transférer à un établissement de crédit, le factor, des créances commerciales par le jeu d’une subrogation personnelle moyennant le paiement d’une commission.

Au bilan, il est difficile de dégager un critère du concours financier, la Cour de cassation raisonnant pour l’heure au cas par cas.

==> Troisième condition

L’article 2302, al. 3e du Code civil ne s’applique qu’à la condition que le concours financier cautionné soit « accordé à une entreprise ».

Si intuitivement l’on se représente assez facilement ce qu’est une entreprise, étonnement il s’agit là d’une notion qui n’est définie par aucun texte.

Tout au plus l’administration fiscale définit l’entreprise comme d’une unité économique autonome :

  • D’une part, qui est gérée et détenue par une ou plusieurs personnes physiques n’ayant pas constitué entre elles une société et regroupant des moyens d’exploitation et une clientèle propres.
  • D’autre part, qui dispose d’un bilan fiscal où sont inscrits les éléments d’actif et de passif, affectés à l’exercice d’une activité professionnelle de nature industrielle, commerciale, artisanale, libérale ou agricole ainsi que ceux que l’exploitant a décidé d’y porter dans le cadre de la liberté de gestion qui, le cas échéant, lui est reconnue par la loi.

Cette définition rejoint celle retenue en droit européen. L’entreprise a été définie par la Cour de justice de l’Union européenne comme « toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement » (CJCE, 23 avril 1991, Höfner, aff. C-41/90).

Le critère de l’entreprise est donc matériel, puisqu’il tient à l’exercice d’une activité économique.

Pour être qualifiée d’entreprise, il est donc indifférent que l’activité exercée par l’entité, personne morale ou personne physique, soit commerciale, artisanale, libérale ou agricole. Ce qui importe c’est qu’il s’agisse d’une activité économique.

À cet égard, dans un arrêt du 25 octobre 2001, la CJCE a jugé que « constitue une activité économique toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné » (CJCE, 25 octobre 2001, Ambulanz Glöckner, aff. C-475/99).

Le caractère économique d’une activité se déduit donc de la capacité d’une entité à offrir des biens et services sur un marché pertinent. Le marché peut être réel ou simplement potentiel, et l’activité en cause doit répondre aux lois du marché.

Pour la Commission européenne toutes les activités peuvent être qualifiées d’économiques à l’exception de celles relevant de prérogatives de puissance publique telles que la surveillance antipollution d’un port, la police, etc.

Ceci étant posé, l’obligation d’information annuelle mise à la charge des établissements de crédit et des sociétés de financement par l’article 2302, al. 3e du Code civil n’aura vocation à s’appliquer que dans l’hypothèse où l’entité bénéficiaire du concours financier cautionné exerce une activité économique.

Dans un arrêt du 9 mai 1996 la Cour de cassation a, par exemple, exclu l’application de l’obligation d’information au motif que le cautionnement portait non pas sur un crédit consenti à une entreprise, mais sur une ouverture de crédit en compte courant octroyé à un notaire à titre personnel (Cass. 1ère civ. 9 mai 1996, n°94-12.258).

En sens inverse, la Première chambre civile a jugé dans un arrêt du 29 juin 2004, que l’obligation d’information annuelle était due par un établissement de crédit qui avait consenti un concours financier à deux particuliers, dès lors que ces derniers avaient informé la banque de leur intention d’affecter les fonds prêtés à l’augmentation du capital social d’une société commerciale (Cass. 1ère civ. 29 juin 2004, n°02-19.445).

Le critère déterminant c’est donc l’affectation finale du concours financier à une entreprise.

En pratique, ce qui soulèvera le plus de difficulté, ce ne sera pas tant d’établir la destination des fonds ; mais de démontrer que l’entité bénéficiaire du concours financier exerce une activité économique et que donc elle peut être qualifiée d’entreprise.

La question s’est notamment posée pour les SCI constituées aux fins de gestion d’un patrimoine immobilier.

Peut-on considérer que la poursuite de cet objet social s’analyse en une activité économique ?

En pareille hypothèse, la jurisprudence semble plutôt répondre par la négative (V. en ce sens CA paris 23 juin 1998, n°96/05089). Cette solution est majoritairement approuvée par la doctrine.

Lorsque, en revanche, il est démontré que la SCI exerce une réelle activité économique, la Cour de cassation estime qu’il n’y a aucune raison d’écarter l’application de l’obligation d’information annuelle (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 5 mai 2004, n°01-12.278 ; Cass. 1ère civ. 15 mars 2005, n°02-20.335).

La Première chambre civile a, dans un arrêt du 12 mars 2002, retenu la même solution pour les associations qui, dès lors qu’elles exercent une activité économique, y compris à titre accessoire, sont susceptibles d’endosser la qualification d’entreprise (Cass. 1ère civ. 12 mars 2002, n°99-17.209).

II) Contenu de l’obligation d’information relative à l’étendue de l’engagement de la caution

L’article 2302 du Code civil prévoit que le créancier professionnel doit fournir à la caution deux séries d’informations.

Tandis que la première série d’informations tient au montant de l’engagement de caution, la seconde est relative à sa durée.

==> Les informations relatives au montant de l’engagement de caution

L’article 2302 du Code civil prévoit que le créancier professionnel est tenu « de faire faire connaître à toute caution personne physique le montant du principal de la dette, des intérêts et autres accessoires restant dus au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation garantie ».

Il ressort de cette disposition que l’information fournie à la caution devra être précise, en ce sens qu’elle devra décomposer le montant de l’engagement restant dû entre :

  • D’une part, le principal de la dette
  • D’autre part, les intérêts
  • Enfin, les accessoires

L’exigence ne serait donc pas satisfaite si le créancier se limitait à fournir à la caution une information sur le montant global restant dû (V. en ce sens Cass. com. 22 juin 1993, n°91-14.741).

==> Les informations relatives à la durée de l’engagement de caution

L’article 2302 du Code civil prévoit que le créancier professionnel doit rappeler :

  • Si le cautionnement est à durée déterminée le terme de l’engagement de caution

OU

  • Si le cautionnement est à durée indéterminée, la faculté de résiliation de la caution à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci peut être exercée.

III) Mise en œuvre de l’obligation d’information relative à l’étendue de l’engagement de la caution

A) Date de la délivrance de l’information

L’article 2302, al. 1er du Code civil prévoit que l’information due par le créancier professionnel doit être délivrée à la caution « avant le 31 mars de chaque année ».

Dans un arrêt du 2 novembre 1993, la Cour de cassation a précisé que cette information devait être fournie dès lors que la dette cautionnée existe au 31 décembre de l’année précédente.

L’obligation d’information doit, par ailleurs, être exécutée « jusqu’à l’extinction de la dette » (Cass. com. 2 nov. 1993, n°91-17.256).

Dans un arrêt du 17 novembre 2006, la Chambre mixte a ajouté que l’information devait être fournie à la caution jusqu’à extinction de la dette garantie par le cautionnement, quand bien même cette dernière aurait fait l’objet d’une condamnation définitive au paiement de l’obligation principale (Cass. ch. Mixte, 17 nov. 2006, n°04-12.863).

Cette position a été reconduite, à plusieurs reprises, par la Haute juridiction (Cass. com. 16 nov. 2010, n°09-71.935 ; Cass. com. 13 déc. 2017, n°16-14.404).

B) Forme de la délivrance de l’information

L’article 2302 du Code civil ne prescrit aucune forme particulière quant à la délivrance de l’information due par le créancier professionnel, de sorte qu’il est indifférent qu’elle soit notifiée à la caution par lettre simple ou par lettre recommandée avec accusé de réception.

Cette absence d’exigence de formalisme est toutefois un leurre dans la mesure où la charge de la preuve de la délivrance de l’information pèse sur le créancier professionnel.

C) Preuve de la délivrance de l’information

C’est donc au créancier qu’il appartient d’établir que les informations énoncées à l’article 2302 du Code civil ont été dûment fournies à la caution.

À cet égard, dans un arrêt du 17 octobre 2000, la Cour de cassation a jugé que « l’information de la caution constitue un fait qui peut être prouvé par tous moyens et qu’il n’incombe pas à l’établissement de crédit de prouver que la caution a effectivement reçu » (Cass. com. 17 oct. 2000, n°97-18.746).

Cette liberté de la preuve dont bénéficie le créancier ne le dispense pas d’établir :

  • D’une part, que l’information a été délivrée à la caution avant le 31 mars de chaque année
  • D’autre part, que l’information délivrée répondait aux exigences posées par l’article 2302 du Code civil quant à son contenu

==> S’agissant de la preuve de la date de délivrance de l’information

Il appartient donc au créancier de prouver, en cas de litige, qu’il a bien notifié l’information due à la caution avant le 31 mars de chaque année.

Pratiquement, cela signifie qu’il devra démontrer que le courrier a été envoyé avant cette date.

Dans un arrêt du 25 novembre 1997, la Première chambre civile est venue préciser qu’il n’incombait pas, en revanche, au créancier « de prouver que la caution a effectivement reçu l’information envoyée » (Cass. 1ère civ. 25 nov. 1997, n°96-10.527).

Afin d’établir que l’information a été délivrée dans les délais, le moyen le plus efficace est, sans aucun doute, la notification de l’information par voie de lettre recommandée avec accusé de réception.

Reste que cette modalité de délivrance de l’information est particulièrement couteuse, raison pour laquelle la plupart des établissements de crédit privilégient, compte tenu du volume des notifications à traiter, l’envoi par lettre simple.

Dans plusieurs arrêts la Cour de cassation a toutefois averti que « la seule production de la copie d’une lettre ne suffit pas à justifier de son envoi » (V. en ce sens Cass. com. 9 févr. 2016, n°14-22.179 ; Cass. com. 5 déc. 2018, n°17-21.489 ).

Elle a estimé que la preuve de cet envoi n’était pas non plus rapportée en cas de fourniture d’un document constatant un prélèvement effectué par la banque sur le compte de la société débitrice d’une somme au titre des frais d’information annuelle de la caution (Cass. com. 19 janv. 2022, 20-17.553).

La Chambre commerciale a encore jugé insuffisant comme élément de preuve la production d’un tableau d’amortissement (CA Metz 15 mars 1991), d’un relevé de compte (Cass. com. 5 oct. 1993) ou encore d’une attestation de commissaire aux comptes, assortie d’un constat d’huissier de la mise sous pli et de l’affranchissement du courrier (Cass. com. 11 avr. 1995, n°93-10.575).

En réaction à l’exigence probatoire fixée par la Cour de cassation, les établissements de crédit ont opté pour une technique consistant à faire constater par un huissier de justice, d’une part, les relevés informatiques de l’ensemble des lettres d’information envoyées aux cautions en mars de chaque année et, d’autre part, l’envoi global des envois annuels.

Cette technique de preuve semble avoir été admise par la Chambre commerciale dans deux arrêts rendus le 17 novembre 2015 et le 4 mai 2017 (Cass. com. 17 nov. 2015, n°14-28.359 ; Cass. com. 4 mai 2017, n°15-20.352).

==> S’agissant de la preuve du contenu de l’information délivrée

Outre la preuve de la date de délivrance de l’information due à la caution, le créancier doit démontrer que le contenu du courrier envoyé était conforme aux exigences légales.

Dans un arrêt du 17 novembre 1998, elle a ainsi approuvé une Cour d’appel qui pour considérer qu’un établissement bancaire avait manqué à son obligation d’information a jugé que « si les documents produits permettaient d’établir qu’une lettre avait bien été adressée à M. X…, caution, ils ne démontraient pas que celle-ci contenait les informations exigées par l’article 48 de la loi du 1er mars 1984 » (Cass. 1ère civ. 17 nov. 1998, n°96-22.455).

Il ressort de cette décision que la preuve de l’envoi du courrier ne permet pas de démontrer le contenu de l’information délivrée.

La Cour de cassation admet en revanche que la preuve de ce contenu puisse être rapportée au moyen de la production de la copie de la lettre adressée à la caution (Cass. com. 17 oct. 2000, n°97-18.746).

D) Coût de la délivrance de l’information

L’article 2302 du Code civil prévoit que le coût de la délivrance de l’information doit être supporté par le créancier professionnel.

Sous l’empire du droit antérieur, ce dernier avait seulement interdiction de facturer les frais de notification à la caution.

Les établissements bancaires en avaient tiré la conséquence qu’ils pouvaient faire supporter cette charge financière sur le débiteur principal.

Cette pratique est désormais interdite : le créancier professionnel doit délivrer l’information due à la caution à ses seuls frais.

IV) Sanction du défaut d’exécution de l’obligation d’information relative à l’étendue de l’engagement de la caution

L’article 2302 du Code civil prévoit que le non-respect de l’obligation d’information est sanctionné par la « déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus depuis la date de la précédente information et jusqu’à celle de la communication de la nouvelle information ».

Cette disposition qui ne fait que reprendre les solutions en vigueur antérieurement à l’adoption de l’ordonnance du 15 septembre 2021, appelle plusieurs remarques :

==> Sur le domaine de la déchéance

Dans un arrêt du 9 décembre 1997 la Cour de cassation a jugé que la déchéance encourue en cas de manquement à l’obligation d’information ne concernait que les intérêts conventionnels appliqués à l’obligation principale et ne pouvait donc pas « être étendue aux intérêts au taux légal auxquels […] la caution est tenue, à titre personnel, à compter de la première mise en demeure qu’elle reçoit » (Cass. 1ère civ. 9 déc. 1997, n°95-19.940).

Dans le droit fil de cette décision, la Chambre commerciale a jugé dans un arrêt du 6 mars 2019, que la déchéance ne couvrait pas non plus les accessoires de la dette principale, tels que notamment les pénalités et autres intérêts de retard (Cass. com. 6 mars 2019, n°17-21.571).

==> Sur l’invocation de la déchéance

S’agissant de l’invocation de la déchéance des intérêts, la Cour de cassation a affirmé, dans un arrêt remarqué, qu’elle pouvait intervenir nonobstant l’existence d’une décision passée en force jugée rendue à l’encontre du débiteur principal au motif que la caution solidaire peut opposer au créancier toutes les exceptions qui lui sont personnelles.

Au cas particulier, il s’agissait de l’admission définitive par le Juge-commissaire d’une créance à la procédure collective d’un débiteur.

Au soutien de sa décision, la Chambre commerciale avance que la décision d’admission de la créance, passée en force de chose jugée, n’interdisait pas aux cautions solidaires, d’invoquer l’exception personnelle tirée de l’inobservation par la banque des obligations dont elle était tenue à leur égard (Cass. com. 22 avr. 1997, n°94-12.862).

==> Sur la durée de la déchéance

Dans un arrêt du 22 juin 1993, la Cour de cassation a jugé que, en cas de notification tardive de l’information due à la caution, la déchéance des intérêts était encourue seulement pour la période comprise entre la date butoir fixée par la loi et la date de régularisation de la situation du créancier (Cass. com. 22 juin 1993, n°91-14.741).

Si donc l’information est délivrée le 30 juin de l’année en cours au lieu du 31 mars, la déchéance couvrira trois mois d’intérêts.

À cet égard, en cas de non-respect de l’obligation d’information, la déchéance prend effet non pas au jour de la souscription du cautionnement, mais à compter de la date à laquelle l’information devait être délivrée au plus tard, soit avant le 31 mars de chaque année (Cass. com. 17 oct. 2000, n°97-18.746).

==> Dérogation au principe d’imputation des paiements

En présence d’une dette unique qui produit des intérêts, l’article 1343-1 du Code civil prévoit que « le paiement partiel s’impute d’abord sur les intérêts. »

Dans un arrêt du 11 juin 1996, la Cour de cassation a précisé que « l’imputation légalement faite du paiement effectué par le débiteur principal est opposable à la caution » (Cass. com., 11 juin 1996, n° 94-15.097).

Il en résulte que l’imputation prioritaire des paiements effectués par le débiteur principal sur les intérêts générés par l’obligation garantie s’impose à la caution.

L’article 2302 du Code civil apporte une dérogation à ce principe en disposant que « dans les rapports entre le créancier et la caution, les paiements effectués par le débiteur pendant cette période sont imputés prioritairement sur le principal de la dette. »

Pratiquement cela signifie que le créancier sera déchu de l’intégralité des intérêts échus tant que le défaut d’information subsistera dans la mesure où les paiements du débiteur principal ne s’imputeront d’abord sur le capital restant dû.

Cette sanction est de nature à inciter le créancier à régulariser au plus vite sa situation, faute de quoi le règlement de ses intérêts ne sera pas garanti.

[1] G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, 7e éd., 2005, p. 249, v. « crédit ».

[2] F. Grua, Les contrats de base de la pratique bancaire, Litec, 2001, n°324.

Cautionnement: les obligations d’information pesant sur le créancier (art. 2302 et 2303 C. civ.)

Le rapport qui se noue entre le créancier et la caution procède de l’engagement de cette dernière à payer l’obligation principale en cas de défaillance du débiteur.

On touche là au principal effet du cautionnement : la réalisation de la sûreté et plus précisément, l’octroi d’un droit de poursuite au créancier à l’encontre de la caution.

Est-ce à dire que, en l’absence de défaillance du débiteur, le cautionnement ne produirait aucun effet ? Il n’en est rien.

À l’instar de n’importe quelle sûreté, le cautionnement procure au créancier une garantie et, par voie de conséquence, permet au débiteur cautionné d’accéder au crédit.

Il est indifférent que la caution ait ou non été appelée en paiement : dès sa formation, le cautionnement produit un premier effet.

Là n’est pas le seul effet qu’il engendre en l’absence de défaillance du débiteur.

Animé par le souci de conférer une protection aux cautions, le législateur a fait peser sur la tête du créancier plusieurs obligations d’information qu’il doit exécuter, nonobstant la situation du débiteur et, ce, jusqu’à l’extinction du cautionnement.

Aussi, dans les rapports entre le créancier et la caution, on distingue classiquement les effets permanents du cautionnement de ceux qui n’interviennent qu’en cas de défaillance du débiteur.

Nous nous focaliserons ici sur les premier effets.

Depuis le milieu des années 1980, le législateur a multiplié les interventions visant à mettre à la charge des créanciers des obligations d’information.

Les obligations instituées par ce dernier sont au nombre de deux :

  • L’obligation d’information annuelle relative à l’étendue de l’engagement de la caution
  • L’obligation d’information relative à la défaillance du débiteur principal

I) L’obligation d’information relative à l’étendue de l’engagement de la caution

À compter du milieu des années 1980, le législateur a donc été animé par la volonté de conférer une protection aux cautions.

La démarche engagée s’est appuyée sur le double constat suivant :

  • Premier constat
    • Le cautionnement est une sûreté dangereuse en ce qu’elle permet à un établissement de crédit de poursuivre l’exécution d’une dette due par un tiers sur l’ensemble du patrimoine de la caution.
    • Or nonobstant ce danger, un grand nombre de dirigeants d’entreprises, au moment de la cessation de leurs fonctions, ou même des particuliers, omettent de révoquer un cautionnement à durée illimitée.
  • Second constat
    • Le cautionnement, acte unilatéral par excellence, n’étant pas établi en double exemplaire, le document constatant cet engagement est détenu par la banque et non par la caution, ce qui peut, notamment, poser de graves difficultés lors de l’ouverture d’une succession, les héritiers acceptant la succession sans connaître l’existence de ce cautionnement.

Pour remédier à cette situation qui exposait les cautions à lourdes conséquences financières, le législateur a décidé de créer une obligation d’information imposant aux banques de faire connaître à la caution, à partir de la fin de chaque exercice, le montant en principal, intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir à la clôture de l’exercice au titre de l’engagement bénéficiant de la caution.

==> Loi du 1er mars 1984

Cette obligation a, pour la première fois, été instituée par la loi n° 84-148 du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises a été le premier texte à mettre à la charge du créancier une obligation d’information au profit de la caution.

Elle a introduit dans le Code monétaire et financier un article L. 313-22 qui prévoyait que « les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant de la caution ainsi que le terme de cet engagement sanctions*. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l’établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette ».

==> Loi du 11 février 1994

Soucieux d’aménager le régime du cautionnement des dettes professionnelles contractées par un entrepreneur individuel, le législateur a, dix ans plus tard, étendu, au profit de ces derniers, le domaine de l’obligation d’information créée par la loi du 1er mars 1984.

La loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l’initiative et à l’entreprise individuelle a, par suite, a ainsi édicté une disposition prévoyant que « en cas de cautionnement à durée indéterminée consenti par une personne physique pour garantir une dette professionnelle d’un entrepreneur individuel, le créancier doit respecter les dispositions prévues à l’article 48 de la loi no 84-148 du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises. »

==> Loi du 29 juillet 1998

Dans le droit fil de ses interventions précédentes, le législateur a souhaité étendre un peu plus le domaine de l’obligation d’information des cautions sur l’évolution de la créance garantie et de ses accessoires.

Aussi, à l’occasion de l’adoption de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, a-t-il introduit cette obligation dans le Code civil aux fins de généraliser son application à l’ensemble des cautionnements indéfinis consentis par une personne physique.

Cela s’est traduit par l’ajout d’un second alinéa à l’ancien article 2016 du Code civil qui prévoyait que « lorsque ce cautionnement est contracté par une personne physique, celle-ci est informée par le créancier de l’évolution du montant de la créance garantie et de ces accessoires au moins annuellement à la date convenue entre les parties ou, à défaut, à la date anniversaire du contrat, sous peine de déchéance de tous les accessoires de la dette, frais et pénalités. »

==> Loi du 1er août 2003

Le mouvement tendant à renforcer la protection des cautions s’est poursuivi avec l’adoption de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique, dite loi Dutreil.

Ce texte a introduit dans le Code de la consommation une disposition semblable à celle qu’il avait insérée dans le Code monétaire et financier, visant à obliger le créancier professionnel à informer chaque année la caution personne physique du montant de la dette (principal, intérêts, commissions, frais et accessoires), le terme de l’engagement ou, s’il est à durée indéterminée, la faculté de révocation et les conditions d’exercice de celle-ci.

La règle insérée à l’article L. 341-6 du code de la consommation était néanmoins pourvue d’un domaine d’application plus étendue, puisque faisant peser l’obligation d’information sur l’ensemble des créanciers professionnels et plus seulement sur les établissements de crédit.

==> Ordonnance du 21 septembre 2021

Si la création d’une obligation d’information annuelle au profit de la caution procède d’une intention des plus louables, la multiplication des textes n’est pas sans avoir fait l’objet de nombreuses critiques de la part de la doctrine.

Les différentes réformes législatives intervenues entre 1984 et 2003 ont, en effet, progressivement étendu le domaine d’application de l’obligation d’information sans pour autant abroger corrélativement les dispositions préexistantes.

Il en est résulté un empilement des textes, ce qui était de nature à nuire à leur compréhension et, par voie de conséquence, à porter atteinte à la sécurité juridique des parties à l’opération de cautionnement.

Conscient de la nécessité de mettre un terme à cette situation, le législateur a saisi l’occasion de la réforme du droit des sûretés pour remettre à plat le système mis en place.

Pour ce faire, l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 a introduit un article 2302 dans le Code civil qui unifie et précise les dispositions relatives à l’obligation d’information annuelle de la caution qui, jusque-là, étaient dispersées entre le code civil, le code de la consommation, le code monétaire et financier et la loi du 11 février 1994 relative à l’initiative et à l’entreprise individuelle.

Afin d’appréhender le régime de cette obligation dont est créancière la caution, il convient d’envisager successivement son domaine d’application, son contenu, sa mise en œuvre et la sanction du défaut de son exécution.

A) Domaine de l’obligation d’information relative à l’étendue de l’engagement de la caution

Il ressort de l’article 2302 du Code civil que l’obligation d’information relative à l’étendue de l’engagement de la caution s’applique à deux catégories de cautionnements :

  • D’une part, les cautionnements souscrits par une personne physique envers un créancier professionnel
  • D’autre part, les cautionnements souscrits par une personne morale envers un établissement de crédit ou une société de financement en garantie d’un concours financier accordée à une entreprise

Dans les deux cas, l’obligation d’information annuelle sera applicable, par extension, au cautionnement réel, conformément à l’article 2325 du Code civil.

Dans un arrêt du 16 juin 2009, la Cour de cassation a, revanche, exclu du domaine d’application de cette obligation l’aval au motif qu’il garantit le paiement d’un titre cambiaire et que, à ce titre, il « ne constitue pas le cautionnement d’un concours financier accordé par un établissement de crédit à une entreprise » (Cass. com. 16 juin 2009, n°08-14.532).

1. S’agissant des cautionnements souscrits par une personne physique envers un créancier professionnel

En application de l’article 2302, al. 1er du Code civil, l’obligation d’information annuelle s’impose à tout cautionnement souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel.

Trois enseignements peuvent être retirés de cette disposition :

  • Premier enseignement
    • L’obligation d’information est nécessairement due en présence d’une caution personne physique.
    • Il est donc indifférent que la personne qui s’est obligée soit une caution avertie, tel un dirigeant de société ou une caution profane qui donc ne disposerait d’aucune compétence financière ou juridique particulière.
  • Deuxième enseignement
    • L’obligation d’information visée par l’article 2302, al. 1er du Code civil ne pèse que sur les seuls créanciers professionnels
    • La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par créancier professionnel.
    • Au sens du droit de la consommation, le professionnel est défini par l’article liminaire du Code de la consommation comme « toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel. »
    • Le premier enseignement qui peut être retiré de cette disposition c’est que, à la différence de la caution, il est indifférent que le créancier soit une personne physique ou morale.
    • Le professionnel peut, indistinctement être, une personne physique, une personne morale, une personne privée, une personne publique ou encore une personne investie d’un pouvoir de représentation.
    • En toute hypothèse, le professionnel doit nécessairement exercer une activité économique à titre indépendant.
    • Aussi, le professionnel se définit-il surtout par l’activité qu’il exerce, laquelle peut être de toute nature (commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole).
    • Le professionnel n’est donc pas nécessairement un commerçant. Il constitue une catégorie bien plus large qui transcende la distinction entre les commerçants et les non-commerçants.
    • Dans un arrêt du 9 juillet 2009, la Cour de cassation a, précisé, au sujet d’un cautionnement, que « le créancier professionnel s’entend de celui dont la créance est née dans l’exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n’est pas principale» ( 1ère civ. 9 juill. 2009, n°08-15.910).
    • C’est donc le critère du rapport direct entre le cautionnement et l’activité exercée par le créancier qui permet de déterminer si celui-ci endosse la qualité de professionnel, faute de quoi il sera qualifié, soit de consommateur, soit de non professionnel.
    • Comment ce rapport direct doit-il être apprécié ? La loi est silencieuse sur ce point.
    • Dans un arrêt du 17 juillet 1996, la Cour de cassation a estimé que l’appréciation du rapport direct relevait du pouvoir souverain des juges du fond ( 1ère civ., 17 juill. 1996, n°94-14.662).
    • Il ressort toutefois des décisions que pour apprécier l’existence d’un rapport, cela suppose de s’interroger sur la finalité de l’opération.
    • Plus précisément la question que le juge va se poser est de savoir si l’accomplissement de l’acte a servi l’exercice de l’activité professionnel.
    • Si le contrat a été conclu à la faveur exclusive de l’activité professionnelle, l’existence du lien direct sera établie.
    • Dans l’hypothèse où l’acte ne profitera que partiellement à l’exercice de l’activité professionnelle, plus délicate sera alors l’établissement du rapport direct.
    • La question centrale est : l’activité professionnelle a-t-elle tirée un quelconque bénéficie de l’accomplissement de l’acte.
    • S’il n’est pas nécessaire que le bénéfice retiré par le créancier du cautionnement relève de son activité principale, comme indiqué par la Cour de cassation dans l’arrêt du 9 juillet 2009, il doit néanmoins entretenir un rapport direct avec l’une des activités exercées par le créancier à titre professionnel (V. en ce sens com. 10 janv. 2012, n°10-26.630; Cass. 1ère civ., 15 oct. 2014, n° 13-20.919 ; Cass. 1ère civ., 25 juin 2009, n° 07-21.506).
    • Dans un arrêt du 27 septembre 2017, la Chambre commerciale a été jusqu’à reconnaître la qualité de créancier professionnel à une association sans but lucratif qui exerçait l’activité de fourniture de la garantie financière prévue par l’article L. 211-18 II (a) du code du tourisme, nécessaire à l’obtention de la licence d’agent de voyages ( com. 27 sept. 2017, n°15-24.895).
    • Cette décision révèle l’approche pour le moins extensive de la notion de créancier professionnelle adoptée par la jurisprudence qui est manifestement animée par la volonté d’étendre dans la limite du possible le dispositif protecteur dont jouissent les cautions.
  • Troisième enseignement
    • La nature de l’opération garantie est sans incidence sur l’obligation d’information, laquelle s’applique dès lors que le cautionnement est souscrit par une personne physique au profit d’un créancier professionnel.
    • Il importe peu, par ailleurs, que le cautionnement présente un caractère civil ou commercial, l’article 2302, al. 1er n’opérant aucune distinction.

2. S’agissant des cautionnements souscrits par une personne morale envers un établissement de crédit ou une société de financement en garantie d’un concours financier accordée à une entreprise

Inspiré de l’ancien article L. 313-22 du Code monétaire et financier, le nouvel article 2302, al. 3e du Code civil étend le domaine de l’obligation d’information annuelle aux cautionnements souscrits par une personne morale envers un établissement de crédit ou une société de financement en garantie d’un concours financier accordée à une entreprise.

Il ressort de cette disposition que les personnes morales ne sont pas tout à fait exclues du dispositif institué par le premier alinéa du texte.

Pour être créancières de l’obligation d’information annuelle au même titre que les cautions personnes physiques, les personnes morales doivent néanmoins avoir souscrit un cautionnement devant répondre à trois conditions cumulatives :

==> Première condition

En application de l’article 2302, al. 3e du Code civil, le cautionnement doit avoir été contracté au profit d’un établissement de crédit ou une société de financement.

La question qui alors se pose est de savoir ce que recouvrent ces deux catégories d’entreprises.

  • S’agissant des établissements de crédit, ils sont définis par l’article 4 du règlement (UE) n° 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 comme « une entreprise dont l’activité consiste à recevoir du public des dépôts ou d’autres fonds remboursables et à octroyer des crédits pour son propre compte»
  • S’agissant des sociétés financement, il s’agit au sens de l’article L. 511-1, II du Code monétaire et financier, de « personnes morales, autres que des établissements de crédit, qui effectuent à titre de profession habituelle et pour leur propre compte des opérations de crédit dans les conditions et limites définies par leur agrément».

De façon générale tous les établissements titulaires d’un agrément les autorisant à octroyer des concours financiers sont soumis à l’obligation d’information annuelle.

À cet égard, dans un arrêt du 26 octobre 1999, la Cour de cassation a refusé d’appliquer l’obligation d’information annuelle aux compagnies d’assurances au motif qu’elles « ne sont pas habilitées à pratiquer des opérations de crédit et ne peuvent consentir des prêts aux collectivités locales que par une dérogation légale particulière » (Cass. com. 26 oct. 1999, n°96-14.123).

==> Deuxième condition

L’article 2302, al. 3e du Code civil subordonne l’application de l’obligation d’information annuelle à la souscription d’un cautionnement en garantie d’un concours financier.

Que doit-on entendre par concours financier ? Les textes ne fournissent aucune définition de cette notion.

Il en va de même pour la jurisprudence qui n’a toujours pas adopté de véritable critère permettant d’identifier les opérations s’analysant à des concours financiers.

Dans une acception large, le concours financier consiste a priori en un crédit, lequel se définit comme l’« opération par laquelle une personne met ou fait mettre une somme d’argent à disposition d’une autre personne en raison de la confiance qu’elle lui fait »[1].

À cet égard, comme relevé par François Grua, le crédit « peut se réaliser de trois manières différentes : soit par la mise à disposition de fonds, soit par l’octroi d’un délai de paiement, soit par un engagement de garantie d’une dette »[2].

C’est là une différence avec le contrat de prêt qui ne connaît, quant à lui, qu’une seule forme : la mise à disposition de fonds ; encore que dans cette configuration, le prêt ne se recoupe que partiellement avec la notion de crédit.

Tandis que le crédit par mise à disposition de fonds peut consister, soit en la remise immédiate d’une somme d’argent, soit en une avance éventuelle de fonds, soit en une mobilisation de créances, le prêt ne se conçoit que sous la première de ces modalités.

S’agissant du concours financier, la Cour de cassation semble considérer qu’il y a lieu de l’envisager, moins comme une opération de crédit, que comme un prêt.

Pour exemple, dans un arrêt du 30 novembre 1993, la Chambre commerciale a jugé que les établissements de crédit-bail n’étaient pas soumis à l’obligation d’information annuelle, dans la mesure où, selon elle, le crédit preneur s’acquitterait, non pas d’une échéance de remboursement de prêt, mais de loyers, de sorte que l’opération garantie ne s’analyserait pas en un véritable concours financier (Cass. com. 30 nov. 1993, n°91-12.123).

Elle a statué dans le même sens dans un arrêt du 28 janvier 2014 dans une affaire où le cautionnement avait été souscrit en garantie d’une opération de location avec option d’achat (Cass. com. 28 janv. 2014, n°12-24.592).

Le point commun entre l’opération de crédit-bail et l’opération de location avec option d’achat réside dans l’absence de mise à disposition des fonds au bénéficiaire du crédit.

Est-ce le critère retenu par la Cour de cassation permettant de déterminer si l’on est ou non en présence d’un concours financier au sens de l’ancien article L. 313-22 du Code monétaire et financier ?

À l’analyse, s’il s’agit là d’un critère dont il est tenu compte par la Haute juridiction, certaines solutions adoptées par cette dernière suggèrent que l’absence de mise à disposition n’est pas exclusive de la qualification de concours financier.

Dans un arrêt du 30 novembre 1993, la Cour de cassation a, par exemple, étendu le domaine de l’obligation d’information annuelle pesant sur les établissements de crédit et les sociétés de financement aux sociétés d’affacturage (V. en ce sens Cass. com. 30 nov. 1993, n°91-14.856).

L’opération d’affacturage ne suppose pourtant pas de mise à disposition de fonds : elle consiste seulement pour un créancier, l’adhérent, à transférer à un établissement de crédit, le factor, des créances commerciales par le jeu d’une subrogation personnelle moyennant le paiement d’une commission.

Au bilan, il est difficile de dégager un critère du concours financier, la Cour de cassation raisonnant pour l’heure au cas par cas.

==> Troisième condition

L’article 2302, al. 3e du Code civil ne s’applique qu’à la condition que le concours financier cautionné soit « accordé à une entreprise ».

Si intuitivement l’on se représente assez facilement ce qu’est une entreprise, étonnement il s’agit là d’une notion qui n’est définie par aucun texte.

Tout au plus l’administration fiscale définit l’entreprise comme d’une unité économique autonome :

  • D’une part, qui est gérée et détenue par une ou plusieurs personnes physiques n’ayant pas constitué entre elles une société et regroupant des moyens d’exploitation et une clientèle propres.
  • D’autre part, qui dispose d’un bilan fiscal où sont inscrits les éléments d’actif et de passif, affectés à l’exercice d’une activité professionnelle de nature industrielle, commerciale, artisanale, libérale ou agricole ainsi que ceux que l’exploitant a décidé d’y porter dans le cadre de la liberté de gestion qui, le cas échéant, lui est reconnue par la loi.

Cette définition rejoint celle retenue en droit européen. L’entreprise a été définie par la Cour de justice de l’Union européenne comme « toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement » (CJCE, 23 avril 1991, Höfner, aff. C-41/90).

Le critère de l’entreprise est donc matériel, puisqu’il tient à l’exercice d’une activité économique.

Pour être qualifiée d’entreprise, il est donc indifférent que l’activité exercée par l’entité, personne morale ou personne physique, soit commerciale, artisanale, libérale ou agricole. Ce qui importe c’est qu’il s’agisse d’une activité économique.

À cet égard, dans un arrêt du 25 octobre 2001, la CJCE a jugé que « constitue une activité économique toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné » (CJCE, 25 octobre 2001, Ambulanz Glöckner, aff. C-475/99).

Le caractère économique d’une activité se déduit donc de la capacité d’une entité à offrir des biens et services sur un marché pertinent. Le marché peut être réel ou simplement potentiel, et l’activité en cause doit répondre aux lois du marché.

Pour la Commission européenne toutes les activités peuvent être qualifiées d’économiques à l’exception de celles relevant de prérogatives de puissance publique telles que la surveillance antipollution d’un port, la police, etc.

Ceci étant posé, l’obligation d’information annuelle mise à la charge des établissements de crédit et des sociétés de financement par l’article 2302, al. 3e du Code civil n’aura vocation à s’appliquer que dans l’hypothèse où l’entité bénéficiaire du concours financier cautionné exerce une activité économique.

Dans un arrêt du 9 mai 1996 la Cour de cassation a, par exemple, exclu l’application de l’obligation d’information au motif que le cautionnement portait non pas sur un crédit consenti à une entreprise, mais sur une ouverture de crédit en compte courant octroyé à un notaire à titre personnel (Cass. 1ère civ. 9 mai 1996, n°94-12.258).

En sens inverse, la Première chambre civile a jugé dans un arrêt du 29 juin 2004, que l’obligation d’information annuelle était due par un établissement de crédit qui avait consenti un concours financier à deux particuliers, dès lors que ces derniers avaient informé la banque de leur intention d’affecter les fonds prêtés à l’augmentation du capital social d’une société commerciale (Cass. 1ère civ. 29 juin 2004, n°02-19.445).

Le critère déterminant c’est donc l’affectation finale du concours financier à une entreprise.

En pratique, ce qui soulèvera le plus de difficulté, ce ne sera pas tant d’établir la destination des fonds ; mais de démontrer que l’entité bénéficiaire du concours financier exerce une activité économique et que donc elle peut être qualifiée d’entreprise.

La question s’est notamment posée pour les SCI constituées aux fins de gestion d’un patrimoine immobilier.

Peut-on considérer que la poursuite de cet objet social s’analyse en une activité économique ?

En pareille hypothèse, la jurisprudence semble plutôt répondre par la négative (V. en ce sens CA paris 23 juin 1998, n°96/05089). Cette solution est majoritairement approuvée par la doctrine.

Lorsque, en revanche, il est démontré que la SCI exerce une réelle activité économique, la Cour de cassation estime qu’il n’y a aucune raison d’écarter l’application de l’obligation d’information annuelle (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 5 mai 2004, n°01-12.278 ; Cass. 1ère civ. 15 mars 2005, n°02-20.335).

La Première chambre civile a, dans un arrêt du 12 mars 2002, retenu la même solution pour les associations qui, dès lors qu’elles exercent une activité économique, y compris à titre accessoire, sont susceptibles d’endosser la qualification d’entreprise (Cass. 1ère civ. 12 mars 2002, n°99-17.209).

B) Contenu de l’obligation d’information relative à l’étendue de l’engagement de la caution

L’article 2302 du Code civil prévoit que le créancier professionnel doit fournir à la caution deux séries d’informations.

Tandis que la première série d’informations tient au montant de l’engagement de caution, la seconde est relative à sa durée.

==> Les informations relatives au montant de l’engagement de caution

L’article 2302 du Code civil prévoit que le créancier professionnel est tenu « de faire faire connaître à toute caution personne physique le montant du principal de la dette, des intérêts et autres accessoires restant dus au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation garantie ».

Il ressort de cette disposition que l’information fournie à la caution devra être précise, en ce sens qu’elle devra décomposer le montant de l’engagement restant dû entre :

  • D’une part, le principal de la dette
  • D’autre part, les intérêts
  • Enfin, les accessoires

L’exigence ne serait donc pas satisfaite si le créancier se limitait à fournir à la caution une information sur le montant global restant dû (V. en ce sens Cass. com. 22 juin 1993, n°91-14.741).

==> Les informations relatives à la durée de l’engagement de caution

L’article 2302 du Code civil prévoit que le créancier professionnel doit rappeler :

  • Si le cautionnement est à durée déterminée le terme de l’engagement de caution

OU

  • Si le cautionnement est à durée indéterminée, la faculté de résiliation de la caution à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci peut être exercée.

C) Mise en œuvre de l’obligation d’information relative à l’étendue de l’engagement de la caution

1. Date de la délivrance de l’information

L’article 2302, al. 1er du Code civil prévoit que l’information due par le créancier professionnel doit être délivrée à la caution « avant le 31 mars de chaque année ».

Dans un arrêt du 2 novembre 1993, la Cour de cassation a précisé que cette information devait être fournie dès lors que la dette cautionnée existe au 31 décembre de l’année précédente.

L’obligation d’information doit, par ailleurs, être exécutée « jusqu’à l’extinction de la dette » (Cass. com. 2 nov. 1993, n°91-17.256).

Dans un arrêt du 17 novembre 2006, la Chambre mixte a ajouté que l’information devait être fournie à la caution jusqu’à extinction de la dette garantie par le cautionnement, quand bien même cette dernière aurait fait l’objet d’une condamnation définitive au paiement de l’obligation principale (Cass. ch. Mixte, 17 nov. 2006, n°04-12.863).

Cette position a été reconduite, à plusieurs reprises, par la Haute juridiction (Cass. com. 16 nov. 2010, n°09-71.935 ; Cass. com. 13 déc. 2017, n°16-14.404).

2. Forme de la délivrance de l’information

L’article 2302 du Code civil ne prescrit aucune forme particulière quant à la délivrance de l’information due par le créancier professionnel, de sorte qu’il est indifférent qu’elle soit notifiée à la caution par lettre simple ou par lettre recommandée avec accusé de réception.

Cette absence d’exigence de formalisme est toutefois un leurre dans la mesure où la charge de la preuve de la délivrance de l’information pèse sur le créancier professionnel.

3. Preuve de la délivrance de l’information

C’est donc au créancier qu’il appartient d’établir que les informations énoncées à l’article 2302 du Code civil ont été dûment fournies à la caution.

À cet égard, dans un arrêt du 17 octobre 2000, la Cour de cassation a jugé que « l’information de la caution constitue un fait qui peut être prouvé par tous moyens et qu’il n’incombe pas à l’établissement de crédit de prouver que la caution a effectivement reçu » (Cass. com. 17 oct. 2000, n°97-18.746).

Cette liberté de la preuve dont bénéficie le créancier ne le dispense pas d’établir :

  • D’une part, que l’information a été délivrée à la caution avant le 31 mars de chaque année
  • D’autre part, que l’information délivrée répondait aux exigences posées par l’article 2302 du Code civil quant à son contenu

==> S’agissant de la preuve de la date de délivrance de l’information

Il appartient donc au créancier de prouver, en cas de litige, qu’il a bien notifié l’information due à la caution avant le 31 mars de chaque année.

Pratiquement, cela signifie qu’il devra démontrer que le courrier a été envoyé avant cette date.

Dans un arrêt du 25 novembre 1997, la Première chambre civile est venue préciser qu’il n’incombait pas, en revanche, au créancier « de prouver que la caution a effectivement reçu l’information envoyée » (Cass. 1ère civ. 25 nov. 1997, n°96-10.527).

Afin d’établir que l’information a été délivrée dans les délais, le moyen le plus efficace est, sans aucun doute, la notification de l’information par voie de lettre recommandée avec accusé de réception.

Reste que cette modalité de délivrance de l’information est particulièrement couteuse, raison pour laquelle la plupart des établissements de crédit privilégient, compte tenu du volume des notifications à traiter, l’envoi par lettre simple.

Dans plusieurs arrêts la Cour de cassation a toutefois averti que « la seule production de la copie d’une lettre ne suffit pas à justifier de son envoi » (V. en ce sens Cass. com. 9 févr. 2016, n°14-22.179 ; Cass. com. 5 déc. 2018, n°17-21.489 ).

Elle a estimé que la preuve de cet envoi n’était pas non plus rapportée en cas de fourniture d’un document constatant un prélèvement effectué par la banque sur le compte de la société débitrice d’une somme au titre des frais d’information annuelle de la caution (Cass. com. 19 janv. 2022, 20-17.553).

La Chambre commerciale a encore jugé insuffisant comme élément de preuve la production d’un tableau d’amortissement (CA Metz 15 mars 1991), d’un relevé de compte (Cass. com. 5 oct. 1993) ou encore d’une attestation de commissaire aux comptes, assortie d’un constat d’huissier de la mise sous pli et de l’affranchissement du courrier (Cass. com. 11 avr. 1995, n°93-10.575).

En réaction à l’exigence probatoire fixée par la Cour de cassation, les établissements de crédit ont opté pour une technique consistant à faire constater par un huissier de justice, d’une part, les relevés informatiques de l’ensemble des lettres d’information envoyées aux cautions en mars de chaque année et, d’autre part, l’envoi global des envois annuels.

Cette technique de preuve semble avoir été admise par la Chambre commerciale dans deux arrêts rendus le 17 novembre 2015 et le 4 mai 2017 (Cass. com. 17 nov. 2015, n°14-28.359 ; Cass. com. 4 mai 2017, n°15-20.352).

==> S’agissant de la preuve du contenu de l’information délivrée

Outre la preuve de la date de délivrance de l’information due à la caution, le créancier doit démontrer que le contenu du courrier envoyé était conforme aux exigences légales.

Dans un arrêt du 17 novembre 1998, elle a ainsi approuvé une Cour d’appel qui pour considérer qu’un établissement bancaire avait manqué à son obligation d’information a jugé que « si les documents produits permettaient d’établir qu’une lettre avait bien été adressée à M. X…, caution, ils ne démontraient pas que celle-ci contenait les informations exigées par l’article 48 de la loi du 1er mars 1984 » (Cass. 1ère civ. 17 nov. 1998, n°96-22.455).

Il ressort de cette décision que la preuve de l’envoi du courrier ne permet pas de démontrer le contenu de l’information délivrée.

La Cour de cassation admet en revanche que la preuve de ce contenu puisse être rapportée au moyen de la production de la copie de la lettre adressée à la caution (Cass. com. 17 oct. 2000, n°97-18.746).

4. Coût de la délivrance de l’information

L’article 2302 du Code civil prévoit que le coût de la délivrance de l’information doit être supporté par le créancier professionnel.

Sous l’empire du droit antérieur, ce dernier avait seulement interdiction de facturer les frais de notification à la caution.

Les établissements bancaires en avaient tiré la conséquence qu’ils pouvaient faire supporter cette charge financière sur le débiteur principal.

Cette pratique est désormais interdite : le créancier professionnel doit délivrer l’information due à la caution à ses seuls frais.

D) Sanction du défaut d’exécution de l’obligation d’information relative à l’étendue de l’engagement de la caution

L’article 2302 du Code civil prévoit que le non-respect de l’obligation d’information est sanctionné par la « déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus depuis la date de la précédente information et jusqu’à celle de la communication de la nouvelle information ».

Cette disposition qui ne fait que reprendre les solutions en vigueur antérieurement à l’adoption de l’ordonnance du 15 septembre 2021, appelle plusieurs remarques :

==> Sur le domaine de la déchéance

Dans un arrêt du 9 décembre 1997 la Cour de cassation a jugé que la déchéance encourue en cas de manquement à l’obligation d’information ne concernait que les intérêts conventionnels appliqués à l’obligation principale et ne pouvait donc pas « être étendue aux intérêts au taux légal auxquels […] la caution est tenue, à titre personnel, à compter de la première mise en demeure qu’elle reçoit » (Cass. 1ère civ. 9 déc. 1997, n°95-19.940).

Dans le droit fil de cette décision, la Chambre commerciale a jugé dans un arrêt du 6 mars 2019, que la déchéance ne couvrait pas non plus les accessoires de la dette principale, tels que notamment les pénalités et autres intérêts de retard (Cass. com. 6 mars 2019, n°17-21.571).

==> Sur l’invocation de la déchéance

S’agissant de l’invocation de la déchéance des intérêts, la Cour de cassation a affirmé, dans un arrêt remarqué, qu’elle pouvait intervenir nonobstant l’existence d’une décision passée en force jugée rendue à l’encontre du débiteur principal au motif que la caution solidaire peut opposer au créancier toutes les exceptions qui lui sont personnelles.

Au cas particulier, il s’agissait de l’admission définitive par le Juge-commissaire d’une créance à la procédure collective d’un débiteur.

Au soutien de sa décision, la Chambre commerciale avance que la décision d’admission de la créance, passée en force de chose jugée, n’interdisait pas aux cautions solidaires, d’invoquer l’exception personnelle tirée de l’inobservation par la banque des obligations dont elle était tenue à leur égard (Cass. com. 22 avr. 1997, n°94-12.862).

==> Sur la durée de la déchéance

Dans un arrêt du 22 juin 1993, la Cour de cassation a jugé que, en cas de notification tardive de l’information due à la caution, la déchéance des intérêts était encourue seulement pour la période comprise entre la date butoir fixée par la loi et la date de régularisation de la situation du créancier (Cass. com. 22 juin 1993, n°91-14.741).

Si donc l’information est délivrée le 30 juin de l’année en cours au lieu du 31 mars, la déchéance couvrira trois mois d’intérêts.

À cet égard, en cas de non-respect de l’obligation d’information, la déchéance prend effet non pas au jour de la souscription du cautionnement, mais à compter de la date à laquelle l’information devait être délivrée au plus tard, soit avant le 31 mars de chaque année (Cass. com. 17 oct. 2000, n°97-18.746).

==> Dérogation au principe d’imputation des paiements

En présence d’une dette unique qui produit des intérêts, l’article 1343-1 du Code civil prévoit que « le paiement partiel s’impute d’abord sur les intérêts. »

Dans un arrêt du 11 juin 1996, la Cour de cassation a précisé que « l’imputation légalement faite du paiement effectué par le débiteur principal est opposable à la caution » (Cass. com., 11 juin 1996, n° 94-15.097).

Il en résulte que l’imputation prioritaire des paiements effectués par le débiteur principal sur les intérêts générés par l’obligation garantie s’impose à la caution.

L’article 2302 du Code civil apporte une dérogation à ce principe en disposant que « dans les rapports entre le créancier et la caution, les paiements effectués par le débiteur pendant cette période sont imputés prioritairement sur le principal de la dette. »

Pratiquement cela signifie que le créancier sera déchu de l’intégralité des intérêts échus tant que le défaut d’information subsistera dans la mesure où les paiements du débiteur principal ne s’imputeront d’abord sur le capital restant dû.

Cette sanction est de nature à inciter le créancier à régulariser au plus vite sa situation, faute de quoi le règlement de ses intérêts ne sera pas garanti.

II) L’obligation d’information relative à la défaillance du débiteur principal

En application de l’article 2303 du Code civil, pèse sur le créancier professionnel l’obligation d’informer la caution de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement.

À l’instar de l’obligation d’information relative à l’étendue de l’engagement de caution, l’obligation d’information relative à la défaillance du débiteur a, sous l’empire du droit antérieur, fait l’objet de plusieurs consécrations.

Son régime variait néanmoins d’un texte à l’autre au gré des interventions du législateur.

==> Loi du 31 décembre 1989

L’obligation d’information relative à la défaillance du débiteur a été consacrée, pour la première fois, par la loi n°89-1010 du 31 décembre 1989 relative à la prévention et au règlement des difficultés liées au surendettement des particuliers et des familles, dite loi Neiertz.

L’objectif recherché était de renforcer la protection de la caution et plus précisément de limiter la survenance des cas de surendettement « par ricochet » résultant de la mise en œuvre du cautionnement.

Cette loi a inséré un article L. 313-9 dans le Code de la consommation qui prévoyait que « toute personne physique qui s’est portée caution à l’occasion d’une opération de crédit relevant des chapitres Ier ou II du présent titre doit être informée par l’établissement prêteur de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement caractérisé susceptible d’inscription au fichier institué à l’article L. 333-4. »

Le domaine de l’obligation visée par ce texte était limité aux opérations de crédit à la consommation et de crédit immobilier.

==> Loi du 29 juillet 1998

La loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions a, par suite, étendu l’obligation d’information relative à la défaillance du débiteur à deux catégories d’opérations :

  • Première catégorie d’opérations : les cautionnements souscrits en garantie d’une dette contractée par un entrepreneur individuel
    • La loi du 29 juillet 1998 a inséré dans la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l’initiative et à l’entreprise individuelle d’un article 47, II, al. 3e qui prévoyait que « lorsque le cautionnement est consenti par une personne physique pour garantir une dette professionnelle d’un entrepreneur individuel ou d’une entreprise constituée sous forme de société, le créancier informe la caution de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l’exigibilité de ce paiement.»
  • Seconde catégorie d’opérations : les cautionnements conclus entre un créancier professionnel et une caution personne physique
    • La loi du 29 juillet 1998 a inséré un article L. 341-1 dans le Code de la consommation (devenu L. 333-1) qui prévoyait que « sans préjudice des dispositions particulières, toute personne physique qui s’est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l’exigibilité de ce paiement.»

À l’analyse, ces deux textes conféraient une portée quasi générale à l’obligation d’information relative à la défaillance du débiteur principal.

Reste qu’ils se recoupaient entre eux ainsi qu’avec la disposition adoptée dix ans plus tôt par la loi Neiertz.

De l’avis général des auteurs, il était nécessaire de remédier à cette situation, ce que le législateur a fait à l’occasion de la réforme du droit des sûretés opérée par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021.

==> Ordonnance du 15 septembre 2021

L’ordonnance du 15 septembre 2021 a, comme précisé par le rapport au Président de la République qui l’accompagnait, unifié l’obligation d’information sur la défaillance du débiteur principal.

Cette obligation a été sortie du Code de la consommation pour être insérée dans le Code civil.

Aussi, est-elle désormais envisagée par un seul texte : l’article 2303 du Code civil.

Cette disposition prévoit que « le créancier professionnel est tenu d’informer toute caution personne physique de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l’exigibilité de ce paiement, à peine de déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus entre la date de cet incident et celle à laquelle elle en a été informée. »

Afin d’appréhender le régime de cette obligation dont est créancière la caution, il convient d’envisager successivement son domaine d’application, son contenu, sa mise en œuvre et la sanction du défaut de son exécution.

A) Domaine de l’obligation relative à la défaillance du débiteur principal

1. Domaine quant aux personnes

Il ressort de l’article 2303 du Code civil que l’obligation d’information relative à la défaillance du débiteur s’applique aux cautionnements conclus entre :

  • D’une part, une caution personne physique
  • D’autre part, un créancier professionnel

S’agissant de la caution, il est donc indifférent qu’elle soit avertie ou profane. Ce qui importe, c’est qu’il s’agisse d’une personne morale.

L’obligation d’information relative à la défaillance du débiteur principal n’a donc pas vocation à s’appliquer en présence d’une caution personne morale.

S’agissant du créancier, l’article 2302 du Code civil exige qui endosse la qualité de professionnel.

Pour mémoire, au sens du droit de la consommation, le professionnel est défini par l’article liminaire du Code de la consommation comme « toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel. »

Le professionnel peut donc indistinctement être, une personne physique, une personne morale, une personne privée, une personne publique ou encore une personne investie d’un pouvoir de représentation.

Dans un arrêt du 9 juillet 2009, la Cour de cassation a, précisé, au sujet d’un cautionnement, que « le créancier professionnel s’entend de celui dont la créance est née dans l’exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n’est pas principale » (Cass. 1ère civ. 9 juill. 2009, n°08-15.910).

C’est donc le critère du rapport direct entre le cautionnement et l’activité exercée par le créancier qui permet de déterminer si celui-ci endosse la qualité de professionnel, faute de quoi il sera considéré, soit comme un consommateur, soit comme un non-professionnel.

2. Domaine quant aux opérations

En application de l’article 2325 du Code civil, l’obligation d’information relative à la défaillance du débiteur s’applique, tant aux cautionnements personnels, qu’aux cautionnements réels.

A l’instar de l’obligation d’information annuelle, cette obligation n’a pas vocation à s’appliquer en matière d’aval (Cass. com. 16 juin 2009, n°08-14.532).

B) Contenu de l’obligation relative à la défaillance du débiteur principal

L’information due à la caution en application de l’article 2303 du Code civil porte sur « le premier incident de paiement ».

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir ce que l’on doit entendre par cette formule. Qu’est-ce qu’un premier incident de paiement ?

Le texte apporte une précision sur ce point. Il indique que constitue un incident de paiement ce qui n’est pas « régularisé dans le mois de l’exigibilité de ce paiement ».

Cela signifie que passé le délai d’un mois à compter de la date d’exigibilité de l’obligation principale, en l’absence de paiement réalisé par le débiteur, le créancier doit en informer la caution.

C) La mise en œuvre de l’obligation relative à la défaillance du débiteur principal

L’article 2303 du Code civil n’impose aucune forme s’agissant de la notification de l’information due à la caution.

Reste que le créancier devra se prémunir de toute contestation quant à la délivrance de l’information, raison pour laquelle l’envoi d’un courrier recommandé avec accusé de réception est préconisé.

Quant au délai d’envoi, le texte est également silencieux sur ce point. Il se limite à indiquer que l’information doit être notifiée à la caution consécutivement au premier incident de paiement non régularisé.

On en déduit que le créancier devra agir dans un délai raisonnable et donc ne pas attendre qu’un deuxième incident de paiement survienne.

En tout état de cause, il devra être en mesure de prouver, tant la date d’envoi du courrier, que son contenu, ce qui soulève les mêmes difficultés que la preuve de la délivrance de l’information annuelle prescrite à l’article 2302 du Code civil.

D) La sanction de l’obligation relative à la défaillance du débiteur principal

L’article 2303 du Code civil prévoit que le manquement à l’obligation d’information relative à la défaillance du débiteur est sanctionné par la déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus entre la date de l’incident de paiement et celle à laquelle la caution en a été informée.

Autrement dit, le créancier sera privé de la possibilité de réclamer à la caution le paiement des intérêts pour la période comprise entre le premier incident de paiement et la date à laquelle il a régularisé sa situation.

À cet égard, l’alinéa 2 du texte ajoute que « dans les rapports entre le créancier et la caution, les paiements effectués par le débiteur pendant cette période sont imputés prioritairement sur le principal de la dette. »

À l’analyse, la sanction applicable est ici sensiblement la même que pour la violation de l’obligation d’information annuelle, à la nuance près que la déchéance couvre non seulement les intérêts contractuels, mais également les pénalités éventuellement dues par le débiteur.

Dans un arrêt du 3 octobre 2018, la Cour de cassation a précisé que « la déchéance du droit aux intérêts prévue en cas de manquement par la banque à son obligation d’information envers la caution dès le premier incident de paiement n’est pas subordonnée à la preuve d’un préjudice » (Cass. com. 3 oct. 2018, n°17-19.514).

 

[1] G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, 7e éd., 2005, p. 249, v. « crédit ».

[2] F. Grua, Les contrats de base de la pratique bancaire, Litec, 2001, n°324.

Le nouveau statut de l’entrepreneur individuel

==> Ratio legis

Lorsqu’un entrepreneur individuel exerce, en nom propre, son activité professionnelle, il s’expose à ce que la totalité de son patrimoine – professionnel et personnel – soit saisie en cas de difficultés financières.

Jusque récemment, le seul moyen pour un entrepreneur de préserver son patrimoine personnel en limitant le gage des créanciers aux biens exploités à titre professionnel était de créer une société.

En effet, le recours à la forme sociétale répond parfaitement au souci de distinguer patrimoine professionnel et patrimoine personnel, dettes professionnelles et dettes personnelles.

Une société, personne morale distincte de l’entrepreneur, dispose d’un patrimoine propre et répond des dettes résultant de son activité. Quant au patrimoine personnel de l’entrepreneur, il demeure extérieur à l’activité professionnelle et, par conséquent, est protégé de ses aléas.

La création d’une personne morale se révèle néanmoins parfois inadaptée à l’exercice d’une activité professionnelle à titre individuel en raison de la lourdeur du formalisme et des obligations qui pèsent sur le chef d’entreprise.

Par ailleurs, des études ont révélé que la vulnérabilité de leur statut ou plutôt de leur absence de statut, ne suffisait pas à inciter les entrepreneurs individuels à faire le choix systématique de la forme sociétale. Ils sont en proie à des « freins psychologiques », que l’on peut résumer en une réticence de l’entrepreneur à constituer une personne morale distincte.

==> De l’EURL à l’EIRL

Fort de ce constat, le législateur a cherché à encourager les entrepreneurs à se tourner vers la forme sociale en simplifiant les règles de création et de fonctionnement des sociétés :

  • La loi n° 85-697 du 11 juillet 1985 relative à l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée et à l’exploitation agricole à responsabilité limitée a rompu avec le principe de l’affectio societatis, selon lequel une société résulte de la volonté de collaborer d’au moins deux associés, en permettant à un entrepreneur individuel de constituer seul une société ;
  • La loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l’initiative et à l’entreprise individuelle a procédé à une refonte des formalités et obligations auxquelles étaient soumises les entreprises, dans le but de les simplifier ;
  • La loi du 1er août 2003 pour l’initiative économique a d’abord institué le mécanisme d’insaisissabilité de la résidence principale aux articles L. 526-1 à L. 526-5 du code de commerce, constituant une entorse au droit de gage général posé aux articles 2284 et 2285 du code civil. Elle a ensuite supprimé le capital minimum dans les SARL, rompant ainsi avec le principe de capitalisation des sociétés ;
  • La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie a procédé à de nouvelles simplifications dans le fonctionnement des entreprises et étendu l’insaisissabilité à tous les biens fonciers non affectés à l’usage professionnel.

Nonobstant ces réformes successives qui visaient à encourager l’exercice de l’entreprenariat individuel au moyen d’une forme sociale, ni l’EURL ni l’insaisissabilité de la résidence principale n’ont attiré les entrepreneurs.

Le législateur en a tiré la conséquence, qu’il convenait de changer de paradigme et d’ouvrir une brèche dans le sacro-saint principe de l’unicité du patrimoine.

Pour mémoire, ce principe théorisé au début du XIXe siècle par Charles Aubry et Charles-Frédéric Rau, signifie qu’une personne ne peut être titulaire que d’un seul patrimoine. Aussi, parle-t-on, d’unicité ou d’indivisibilité du patrimoine.

  • Positivement, il en résulte que le passif répond du passif et que l’ensemble des dettes sont exécutoires sur l’ensemble des biens, conformément aux articles 2284 et 2285 du Code civil : « qui s’oblige, oblige le sien»
  • Négativement, il se déduit qu’il est interdit d’isoler certains éléments du patrimoine, pour constituer une universalité distincte du reste du patrimoine

Ainsi, une personne qui affecterait certains biens à l’exercice d’une activité professionnelle n’aurait, par principe, pas pour effet de créer un ensemble de biens et de dettes séparé de son patrimoine personnel, sauf à créer une personne morale ou à accomplir les formalités aux fins de constituer un patrimoine professionnel.

Très tôt le principe d’unicité du patrimoine a été critiqué par la doctrine en ce qu’elle exposait l’entrepreneur individuel à des risques financiers importants sur son patrimoine personnel pour des dettes nées dans le cadre de son activité professionnelle.

Jusque récemment, la seule solution qui s’offrait à lui pour contourner le principe d’unicité du patrimoine était de créer une société, laquelle serait titulaire d’un patrimoine distinct de son propre patrimoine.

À cet égard, tout entrepreneur individuel, qu’il soit commerçant, artisan, indépendant ou agriculteur, peut créer une société unipersonnelle à responsabilité limitée et opérer de cette manière une distinction entre son patrimoine personnel et son patrimoine professionnel.

L’EURL n’a toutefois pas obtenu le succès escompté, les entrepreneurs individuels préférant majoritairement exercer leur activité en nom propre.

Par souci de justice sociale et de protection de la famille des entrepreneurs ayant adopté cette seconde modalité – risquée – d’exercice, le législateur a finalement décidé d’ouvrir une brèche dans le principe d’unicité du patrimoine en créant, par la loi n° 2010-658 du 15 juin 2010, le statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL).

La particularité de ce statut – et c’est la révolution opérée par ce texte – est qu’il permet à l’entrepreneur individuel, tout à la fois d’exercer son activité en nom propre et de créer un patrimoine d’affectation.

Pour la première fois, l’entrepreneur individuel était ainsi autorisé à affecter un patrimoine à l’exercice de son activité professionnelle de façon à protéger son patrimoine personnel et familial, sans créer de personne morale distincte de sa personne.

À l’analyse, la création d’un patrimoine d’affectation déroge aux règles posées aux articles 2284 et 2285 du Code civil, en établissant que les créances personnelles de l’entrepreneur ne sont gagées que sur le patrimoine non affecté, et les créances professionnelles sur le patrimoine affecté.

L’admission de la constitution d’un patrimoine d’affectation opère donc une rupture profonde avec le dogme de l’unicité du patrimoine organisé jusqu’alors par le droit civil français.

Le bénéfice du régime de l’EIRL était toutefois subordonné à l’observation d’un formalisme rigoureux visant à garantir la sécurité juridique de l’entrepreneur lui-même et des tiers.

Pour créer un patrimoine d’affectation, l’entrepreneur devait notamment :

  • D’une part, procéder à une déclaration d’affectation
  • D’autre part, tenir une comptabilité séparée

Là encore, à l’instar de l’EURL, l’EIRL n’a pas rencontré un franc succès chez les entrepreneurs individuels.

Selon une étude réalisée par le Conseil d’État, en 2021, seuls 97 000 chefs d’entreprise étaient soumis au régime de l’EIRL alors que, à la même époque, on comptait près de 3 millions de travailleurs indépendants.

Les raisons de cet échec doivent sans doute être recherchées dans la complexité des formalités administratives et comptables requises pour créer une EIRL, quoiqu’elles aient été progressivement simplifiées, notamment par la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises dite « PACTE ».

C’est dans ce contexte, qu’il est à nouveau apparu nécessaire de réformer le statut de l’entrepreneur individuel.

==> La création d’un statut unique d’entrepreneur individuel

Animé par la volonté de renforcer la protection des travailleurs indépendants, le législateur est intervenu en 2022 aux fins de créer un statut unique d’entrepreneur individuel.

À cet effet, la loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante a innové en instaurant une séparation de plein droit entre le patrimoine personnel et le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel.

Il n’est désormais plus nécessaire que celui-ci procède à une déclaration préalable d’affectation.

Dès lors qu’une personne exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes, elle est titulaire de deux patrimoines :

  • Un patrimoine professionnel constitué des biens, droits, obligations et sûretés dont l’entrepreneur est titulaire et qui sont utiles à son activité ou à ses activités professionnelles indépendantes
  • Un patrimoine personnel constitué des éléments du patrimoine de l’entrepreneur individuel non compris dans le patrimoine professionnel

Outre la consécration d’une séparation de plein droit des patrimoines de l’entrepreneur individuel, la loi du 14 février 2022 a instauré un dispositif permettant la transmission universelle du patrimoine professionnel entre vifs, y compris sous la forme d’un apport en société.

Ce dispositif déroge au principe selon lequel une personne physique ne peut, de son vivant, transmettre son patrimoine.

Pour cette catégorie de personnes, il est seulement permis de transmettre des biens et des obligations à titre particulier.

Le régime de cette transmission universelle de patrimoine instauré par la loi du 14 février 2022 est largement emprunté à celui applicable en cas de fusion de sociétés ou de réunion des parts sociales en une seule main.

À cet égard, bien qu’ouvert désormais aux personnes physiques, ce nouveau dispositif, à l’instar de la séparation des patrimoines professionnel et personnel, ne peut bénéficier qu’aux seuls entrepreneurs individuels.

Aussi, convient-il, avant d’envisager un à un chacun de ces dispositifs, d’aborder les conditions du statut d’entrepreneur individuel qui diffèrent sensiblement de celles anciennement requises pour accéder au statut d’EIRL.

Section 1 : Les conditions du statut unique d’entrepreneur individuel

§1: Les conditions d’éligibilité au statut d’entrepreneur individuel

Le statut institué par la loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante ne bénéficie qu’aux seuls entrepreneurs individuels.

L’article L. 526-22 du Code de commerce définit l’entrepreneur individuel comme « une personne physique qui exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes. »

Il ressort de cette disposition que la qualité d’entrepreneur individuel requiert la réunion de plusieurs éléments cumulatifs :

  • Premier élément
    • L’entrepreneur individuel est nécessairement une personne physique.
    • Et pour cause, le statut unique d’entrepreneur individuel a précisément été créé pour les personnes qui ne souhaitaient pas, pour diverses raisons, exercer leur activité professionnelle par l’entremise d’une société.
    • Aussi, le statut d’entrepreneur individuel ne saurait être sollicité par une personne morale.
    • Une société est donc strictement assujettie au principe d’unicité de son patrimoine sans possibilité pour elle d’y déroger.
  • Deuxième élément
    • L’entrepreneur individuel exerce nécessairement en son nom propre, ce qui signifie qu’il agit pour son propre compte.
    • Il n’intervient donc pas en représentation d’une tierce personne, de sorte qu’il est personnellement tenu aux engagements qu’il souscrit.
  • Troisième élément
    • Pour se prévaloir du statut d’entrepreneur individuel, il est nécessaire, précise l’article L. 526-22 du Code de commerce, d’exercer « une ou plusieurs activités professionnelles».
    • La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « activité professionnelle».
    • Aussi, l’activité exercée par l’entrepreneur doit constituer une profession.
    • Par profession, il faut entendre selon le doyen Riper « le fait de consacrer d’une façon principale et habituelle son activité à l’accomplissement d’une tâche dans le dessein d’en tirer profit »
    • En d’autres termes, pour qu’une activité constitue une profession, cela suppose qu’elle soit, pour son auteur, sa principale source de revenus et, surtout, lui permette d’assurer la pérennité de son entreprise
  • Quatrième élément
    • Le statut d’entrepreneur individuel ne peut bénéficier qu’aux personnes qui exercent une activité indépendante.
    • L’indépendance dont il s’agit est juridique et non économique.
    • Il en résulte que les membres d’un réseau de distribution ou un franchisé peuvent parfaitement endosser le statut d’entrepreneur individuel.
    • Les personnes en revanche exclues du bénéfice de ce statut sont :
      • Les salariés qui agissent pour le compte de leur employeur.
      • Les dirigeants sociaux qui agissent au nom et pour le compte d’une société.
      • Les mandataires, tels que les agents commerciaux qui représentent un commerçant

Il ressort de ces quatre éléments constitutifs de la notion d’entrepreneur individuel que le statut attaché à cette qualité est ouvert à de nombreux agents économiques au nombre desquels figurent notamment les commerçants, les artisans, les agriculteurs et plus généralement tous les autres professionnels indépendants, qu’ils relèvent ou nom d’une profession réglementée.

À cet égard, comme indiqué par les travaux parlementaires, l’immatriculation à un registre de publicité légale professionnelle n’est pas une condition pour bénéficier du statut d’entrepreneur individuel : ce statut peut donc bénéficier à un entrepreneur individuel dont la profession n’est pas soumise à une réglementation qui lui est propre et qui n’est donc pas inscrit sur un registre spécifique ou un ordre particulier.

§2: Les conditions d’exercice du statut d’entrepreneur individuel

==> La dénomination professionnelle

L’article R. 526-27 du Code de commerce issu du décret n° 2022-725 du 28 avril 2022, pose deux exigences s’agissant de la dénomination professionnelle adoptée par l’entrepreneur individuel :

  • Première exigence
    • Pour l’exercice de son activité professionnelle l’entrepreneur individuel utilise une dénomination incorporant son nom ou nom d’usage précédé ou suivi immédiatement des mots : “ entrepreneur individuel ” ou des initiales : “ EI ”.
    • Cette restriction de la liberté de choisir une dénomination professionnelle se justifie par la protection des tiers auxquels le statut de l’entrepreneur individuel doit être porté à leur connaissance.
  • Seconde exigence
    • La dénomination choisie par l’entrepreneur individuel doit figurer sur tous les documents et correspondances à usage professionnel de l’intéressé.

À ces deux exigences énoncées par l’article R. 526-27 du Code de commerce, il convient d’en compter une troisième lorsque l’entrepreneur individuel exerce une activité commerciale.

En effet, l’article R. 123-237 du Code de commerce prévoit que toute personne immatriculée au registre du commerce et des sociétés est tenu d’indiquer sur ses factures, notes de commande, tarifs et documents publicitaires ainsi que sur toutes correspondances et tous récépissés concernant son activité et signés par elle ou en son nom la dénomination utilisée pour l’exercice de l’activité professionnelle incorporant son nom ou nom d’usage précédé ou suivi immédiatement des mots : “ entrepreneur individuel ” ou des initiales : “ EI ”.

Il devra indiquer, en outre, sur son site internet la mention RCS suivie du nom de la ville où se trouve le greffe où elle est immatriculée.

==> Le compte bancaire

Sous l’empire du droit antérieur, l’article L. 526-13 du Code de commerce imposait à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL) d’« ouvrir dans un établissement de crédit un ou plusieurs comptes bancaires exclusivement dédiés à l’activité à laquelle le patrimoine a été affecté ».

Le décret n° 2022-725 du 28 avril 2022 a mis fin à cette obligation, de sorte que l’entrepreneur individuel n’est plus tenu d’ouvrir un compte bancaire exclusivement dédié à son activité professionnelle.

L’article R. 526-27 du Code de commerce prévoit seulement que « chaque compte bancaire dédié à son activité professionnelle ouvert par l’entrepreneur individuel doit contenir la dénomination dans son intitulé. »

Section 2 : Le contenu du statut unique d’entrepreneur individuel

Le statut de l’entrepreneur individuel repose sur trois dispositifs spécifiques :

  • La séparation de plein droit des patrimoines professionnel et personnel
  • La faculté de transmission universelle du patrimoine professionnel
  • Le principe d’insaisissabilité de la résidence principale

§1 : La séparation de plein droit des patrimoines professionnel et personnel de l’entrepreneur individuel

I) Le principe de séparation de plein droit des patrimoines professionnel et personnel

==> Patrimoine professionnel et patrimoine personnel

La loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante a donc instauré un principe de séparation de plein droit des patrimoines professionnel et personnel de l’entrepreneur individuel.

Cela signifie que toute personne endossant le statut d’entrepreneur individuel est désormais titulaire, de plein droit, soit sans qu’il soit nécessaire d’accomplir un quelconque acte de volonté ou toute autre formalité, de deux patrimoines distincts :

  • Un patrimoine professionnel constitué des biens, droits, obligations et sûretés dont l’entrepreneur est titulaire et qui sont utiles à son activité ou à ses activités professionnelles indépendantes
  • Un patrimoine personnel constitué des éléments du patrimoine de l’entrepreneur individuel non compris dans le patrimoine professionnel

Sous l’empire du droit antérieur, la ligne de démarcation entre le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel de l’entrepreneur exerçant en EIRL procédait d’une déclaration d’affectation.

Pratiquement cette déclaration consistait pour l’entrepreneur à désigner les biens qu’il jugeait nécessaire à l’exercice de son activité professionnelle.

Désormais, la consistance de l’un et l’autre patrimoine est déterminée par un critère fixé par la loi : le critère de « l’utilité ».

==> Le critère de l’utilité

En application de l’article L. 526-22 du Code de commerce, le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel serait donc constitué – automatiquement – de l’ensemble des biens, droits, obligations et sûretés « utiles » à l’exercice de son activité professionnelle.

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir ce que l’on doit entendre par « utile ». Il s’agit là d’une notion qui occupe une place centrale dans le dispositif mis en place par le législateur.

Aussi, afin de garantir la sécurité juridique de l’entrepreneur individuel, de ses ayants droit, mais également des tiers, le décret n° 2022-725 du 28 avril 2022 est venu préciser la notion d’utilité en dressant une liste des biens, droits et obligations réputés utiles à l’exercice de l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel.

L’article R. 526-26 du Code de commerce, issu de ce décret, prévoit en ce sens :

En premier lieu, que les biens, droits, obligations et sûretés dont l’entrepreneur individuel est titulaire, utiles à l’activité professionnelle, s’entendent de ceux qui, par nature, par destination ou en fonction de leur objet, servent à cette activité, tels que :

  • Le fonds de commerce, le fonds artisanal, le fonds agricole, tous les biens corporels ou incorporels qui les constituent et les droits y afférents et le droit de présentation de la clientèle d’un professionnel libéral ;
  • Les biens meubles comme la marchandise, le matériel et l’outillage, le matériel agricole, ainsi que les moyens de mobilité pour les activités itinérantes telles que la vente et les prestations à domicile, les activités de transport ou de livraison ;
  • Les biens immeubles servant à l’activité, y compris la partie de la résidence principale de l’entrepreneur individuel utilisée pour un usage professionnel ; lorsque ces immeubles sont détenus par une société dont l’entrepreneur individuel est actionnaire ou associé et qui a pour activité principale leur mise à disposition au profit de l’entrepreneur individuel, les actions ou parts d’une telle société ;
  • Les biens incorporels comme les données relatives aux clients, les brevets d’invention, les licences, les marques, les dessins et modèles, et plus généralement les droits de propriété intellectuelle, le nom commercial et l’enseigne ;
  • Les fonds de caisse, toute somme en numéraire conservée sur le lieu d’exercice de l’activité professionnelle, les sommes inscrites aux comptes bancaires dédiés à cette activité, notamment au titre des articles L. 613-10 du code de la sécurité sociale et L. 123-24 du présent code, ainsi que les sommes destinées à pourvoir aux dépenses courantes relatives à cette même activité.

En second lieu, que lorsque l’entrepreneur individuel est tenu à des obligations comptables légales ou réglementaires, son patrimoine professionnel est présumé comprendre au moins l’ensemble des éléments enregistrés au titre des documents comptables, sous réserve qu’ils soient réguliers et sincères et donnent une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l’entreprise. Sous la même réserve, les documents comptables sont présumés identifier la rémunération tirée de l’activité professionnelle indépendante, qui est comprise dans le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel.

==> Sort des biens mixtes

À l’occasion des travaux parlementaires, le Sénat avait relevé que le projet de loi examiné était silencieux sur le sort des biens mixtes, soit ceux utilisés à la fois à des fins professionnelles ou personnelles.

La question qui est alors susceptible de se poser est de savoir à quelle masse de biens ce type de bien appartient, à tout le moins comment articuler le droit de gage des créanciers professionnel et personnel.

Afin d’apporter une meilleure protection à l’entrepreneur individuel les sénateurs ont proposé de limiter les biens relevant du patrimoine professionnel à ceux « exclusivement utiles » à l’exercice de l’activité professionnelle.

De cette façon, les biens à usage mixte seraient nécessairement compris dans le patrimoine personnel.

En contrepartie, il a été imaginé que le droit de gage des créanciers professionnels soit étendu au patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel à hauteur de la valeur d’un droit d’usage des biens mixtes, correspondant à leur utilisation effective dans un cadre professionnel pour une durée d’une année.

L’illustration a été donnée du local dont l’entrepreneur individuel est propriétaire ou locataire qui serait utilisé à des fins professionnelles et personnelles. Les créanciers professionnels seraient en droit de saisir sur le patrimoine personnel de l’entrepreneur l’équivalent des sommes dues pour une mise à disposition non exclusive du local pendant un an.

Bien que séduisante, cette proposition n’a finalement pas été retenue par l’Assemblée nationale au motif qu’elle aurait conduit à ajouter de la complexité au critère de l’utilité.

Faute de précision dans la version finale de la loi du sort des biens mixtes, la Conseil d’État a suggéré qu’un décret soit adopté afin de pallier cette carence qui est de nature à affecter la sécurité juridique de l’entrepreneur individuel.

==> Charge de la preuve

L’article L. 526-22, al. 6e du Code de commerce prévoit que la charge de la preuve incombe à l’entrepreneur individuel pour toute contestation de mesures d’exécution forcée ou de mesures conservatoires qu’il élève concernant l’inclusion ou non de certains éléments d’actif dans le périmètre du droit de gage général du créancier.

Aussi, appartiendra-t-il à l’entrepreneur, pour échapper aux poursuites de ses créanciers, de prouver que le bien appréhendé :

  • Soit est utile à son activité professionnelle s’il prétend que la dette poursuivie n’est pas née à l’occasion de son activité professionnelle
  • Soit n’est pas utile à son activité professionnelle s’il prétend que la dette poursuivie est née à l’occasion de son activité professionnelle.

Le texte ajoute que la responsabilité du créancier saisissant peut être recherchée pour abus de saisie lorsqu’il a procédé à une mesure d’exécution forcée ou à une mesure conservatoire sur un élément d’actif ne faisant manifestement pas partie de son gage général.

Avant d’appréhender un ou plusieurs biens de l’entrepreneur individuel, le créancier devra donc s’assurer que le bien convoité relève du patrimoine sur lequel s’exerce son droit de gage général. À défaut, il s’expose à engager sa responsabilité.

II) Les effets du principe de séparation de plein droit des patrimoines professionnel et personnel

A) La date de prise d’effet du principe de séparation de plein droit des patrimoines professionnel et personnel

L’article L. 526-23 du Code de commerce régit la prise d’effet du principe de séparation des patrimoines dont la mise en œuvre consiste pour l’entrepreneur individuel à ne répondre de ses dettes contractées dans le cadre de son activité professionnelle que sur son seul patrimoine professionnel.

L’enjeu pour le législateur était de permettre aux tiers de savoir au moment où ils contractent avec un entrepreneur individuel s’il est ou non tenu de répondre de ses engagements sur l’ensemble de ses biens.

Afin de satisfaire à cet objectif, le législateur a subordonné la limitation du droit de gage des créanciers de l’entrepreneur individuel à la condition que son activité professionnelle ait fait l’objet, à la date de naissance de la créance, d’une mesure de publicité adéquate : immatriculation à un registre de publicité légale, inscription sur une liste ou au tableau d’un ordre etc.

Dans l’hypothèse toutefois où aucune obligation d’immatriculation ne pèse sur l’entrepreneur individuel, la date de prise d’effet est fixée au jour de l’accomplissement du premier acte matérialisant le commencement d’activité professionnelle.

Pratiquement, la prise d’effet du principe de séparation des patrimoines diffère donc selon que pèse ou non sur l’entrepreneur individuel une obligation d’immatriculation.

  • L’entrepreneur est assujetti à une obligation d’immatriculation
    • Dans cette hypothèse, le principe de séparation des patrimoines prend effet à compter de l’immatriculation au registre dont relève l’entrepreneur individuel pour son activité (registre du commerce et des sociétés, répertoires des métiers etc.).
    • Lorsque celui-ci relève de plusieurs registres, la dérogation prend effet à compter de la date d’immatriculation la plus ancienne.
    • À cet égard, lorsque la date d’immatriculation est postérieure à la date déclarée du début d’activité, le principe de séparation des patrimoines prend effet à compter de la date déclarée du début d’activité, dans les conditions prévues par décret en Conseil d’État.
  • L’entrepreneur n’est pas assujetti à une obligation d’immatriculation
    • Dans cette hypothèse, l’article L. 526-23 du Code de commerce prévoit que la séparation des patrimoines opère à compter du premier acte que l’entrepreneur exerce en qualité d’entrepreneur individuel.
    • Pour déterminer cette date, il conviendra, suggère le texte, de se reporter aux documents et correspondances éventuellement établis par l’entrepreneur individuel dans la mesure à sa qualité doit obligatoirement y être mentionnée.

B) Le déploiement des effets du principe de séparation de plein droit des patrimoines professionnel et personnel

1. Dans les rapports entre l’entrepreneur et les créanciers professionnels

1.1 Principe

L’article L. 526-22, al. 3e du Code de commerce prévoit que « par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil et sans préjudice des dispositions légales relatives à l’insaisissabilité de certains biens, notamment la section 1 du présent chapitre et l’article L. 526-7 du présent code, l’entrepreneur individuel n’est tenu de remplir son engagement à l’égard de ses créanciers dont les droits sont nés à l’occasion de son exercice professionnel que sur son seul patrimoine professionnel, sauf sûretés conventionnelles ou renonciation dans les conditions prévues à l’article L. 526-25. »

Il ressort de cette disposition que l’entrepreneur individuel répond des dettes contractées dans le cadre de son activité professionnelle sur son seul patrimoine professionnel.

C’est là la conséquence directe du principe de séparation des patrimoines qui donc limite le gage des créanciers professionnels qui ne pourront donc pas exercer leurs poursuites sur le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel.

La séparation entre les patrimoines professionnel et personnel n’est toutefois pas absolue ; elle souffre de quelques tempéraments visant tantôt à octroyer de la souplesse quant à la mise en œuvre du dispositif, tantôt à protéger certains créanciers.

1.2 Tempéraments

Le législateur a assorti le principe de séparation des patrimoines de deux tempéraments afin de faciliter l’accès au crédit de l’entrepreneur individuel dans ses rapports avec les créanciers professionnels.

a. Constitution de sûretés sur le patrimoine personnel

L’article L. 526-22, al. 4e du Code de commerce autorise l’entrepreneur individuel, nonobstant le principe de séparation des patrimoines, à consentir à ses créanciers professionnels des sûretés constituées sur des biens relevant de son patrimoine personnel.

Par exemple, il peut constituer une hypothèque sur un bien immobilier personnel en garantie d’un prêt contracté auprès d’un établissement de crédit aux fins de financer son activité professionnelle.

L’alinéa 3 du texte précise, en revanche, que « la distinction des patrimoines personnel et professionnel de l’entrepreneur individuel ne l’autorise pas à se porter caution en garantie d’une dette dont il est débiteur principal. »

Cette règle qui interdit à l’entrepreneur individuel de s’auto-cautionner trouve sa racine dans l’économie générale de l’opération de cautionnement qui requiert que la caution soit une personne distincte du débiteur principal.

Déjà sous l’empire du droit antérieur, la Cour de cassation avait jugé dans un arrêt du 28 avril 1964 qu’un entrepreneur individuel ne pouvait pas cautionner les dettes souscrites au titre de son activité professionnelle.

Au soutien de sa décision, elle avait avancé que « celui qui est débiteur d’une obligation à titre principal ne peut être tenu de la même obligation comme caution » (Cass. com. 28 avr. 1964). Était ainsi posée l’interdiction de l’engagement de caution souscrit pour soi-même.

Il en résulte que la faculté pour l’entrepreneur principal de consentir à ses créanciers professionnels des garanties conventionnelles n’opère que pour les sûretés réelles.

Il peut enfin être observé que cette faculté n’est prévue par la loi qu’au bénéfice des créanciers professionnels.

Aucune disposition de ce type n’est prévue en sens inverse, au profit des créanciers personnels.

Il s’en déduit qu’il est fait interdiction à l’entrepreneur individuel de constituer une sûreté sur un bien relevant de son patrimoine professionnel aux fins de garantir une dette personnelle.

b. Renonciation à la séparation des patrimoines

b.1 Principe de la renonciation

Afin de ne pas limiter les capacités de financement de l’entrepreneur individuel, la loi l’autorise à renoncer purement et simplement au principe de séparation des patrimoines.

En exerçant ce droit, l’entrepreneur permet ainsi à ses créanciers d’étendre leur droit de gage sur tout ou partie de son patrimoine personnel.

Concrètement, le créancier poursuivant pourra ainsi saisir les biens personnels de l’entrepreneur individuel pour obtenir le recouvrement de sa créance, à l’exclusion de ceux frappés d’insaisissabilités telle que la résidence principale.

Cette faculté de renonciation a été prévue par le législateur afin de ne pas empêcher les entrepreneurs qui n’ont que peu de garanties à proposer d’accéder plus facilement au crédit.

Comme relevé lors de débats parlementaires, il s’agit là d’une grande avancée par rapport au statut de l’EIRL, qui ne permettait pas une renonciation spécifique : c’était « tout ou rien ».

b.2 Modalités de la renonciation

La renonciation étant un acte grave, dont les conséquences peuvent être ruineuses pour l’entrepreneur, sa validité est subordonnée à l’observation d’un certain nombre de modalités fixées par la loi.

i. Une demande formulée par le créancier professionnel

L’article L. 526-25 du Code de commerce prévoit que la renonciation de l’entrepreneur au principe de séparation des patrimoines n’est valable que si, au préalable, le créancier professionnel en a fait la demande.

Cette demande, formulée par le créancier professionnel doit être écrite

Le créancier professionnel devra s’assurer qu’elle a bien été réceptionnée par l’entrepreneur individuel, dans la mesure où la réception de la demande de renonciation fait courir au délai de réflexion.

ii. L’observation d’un délai de réflexion 

  • Principe
    • À réception de la demande de renonciation formulée par le créancier professionnel, l’entrepreneur individuel dispose d’un délai de réflexion de sept jours francs.
    • Cela signifie que l’acte de renonciation ne peut produire ses effets avant l’expiration de ce délai.
  • Tempérament
    • L’article L. 526-25, al. 2e du Code de commerce prévoit la possibilité de réduire le délai de réflexion à trois jours francs Si l’entrepreneur individuel fait précéder sa signature d’une mention manuscrite dont les termes sont fixés par l’article D. 526-28, IV du Code de commerce.
    • Cette disposition prévoit que Lorsque l’entrepreneur individuel et le bénéficiaire de la renonciation entendent réduire le délai de réflexion au terme duquel la renonciation intervient, dans les conditions prévues au second alinéa de l’article L. 526-25, l’acte de renonciation porte, de la main de l’entrepreneur individuel, la mention manuscrite suivante :
      • « Je déclare par la présente renoncer au bénéfice du délai de réflexion de sept jours francs, fixé conformément aux dispositions de l’article L. 526-25 du code de commerce. En conséquence, ledit délai est réduit à trois jours francs. »
    • La possibilité de réduire le délai de réflexion à 3 jours procède d’un amendement proposé par les sénateurs qui ont fait valoir que le délai de sept jours pourrait apparaître long en cas de besoin urgent pour l’entrepreneur individuel d’accéder au crédit et notamment obtenir un crédit court terme pour faire face à une baisse voire à une interruption imprévue de son activité.

iii. L’établissement d’un acte de renonciation

?: Conditions de fond 

  • Une renonciation spéciale
    • L’article L. 526-25 du Code de commerce prévoit que l’entrepreneur individuel ne peut renoncer au principe de séparation des patrimoines que « pour un engagement spécifique dont il doit rappeler le terme et le montant, qui doit être déterminé ou déterminable. »
    • À la différence de l’entrepreneur qui exerçait en EIRL, l’entrepreneur individuel ne pourra donc pas opter pour une renonciation globale, soit qui opérerait pour l’ensemble des dettes contractées.
    • Pratiquement, l’acte de renonciation devra donc :
      • D’une part, désigner l’engagement spécifique concerné
      • D’autre part, préciser le terme et le montant de cet engagement
    • À défaut, la renonciation encourt la nullité
  • Une renonciation éclairée
    • L’article D 526-28 du Code de commerce met à la charge du bénéficiaire de la renonciation une obligation d’information sur les conséquences de celle-ci sur les patrimoines de l’entrepreneur individuel.
    • L’information délivrée doit ainsi permettre à ce dernier d’apprécier la portée de cette renonciation, laquelle est susceptible d’emporter de lourdes conséquences sur le patrimoine personnel de l’entrepreneur. Individuel, puisque réintégré dans l’assiette du droit de gage général des créanciers professionnels.
    • Cette obligation d’information n’est toutefois assortie d’aucune sanction.
    • Aussi, est-ce à la jurisprudence qu’il reviendra de préciser ce point et notamment de déterminer si le défaut d’information doit être sanctionné par la nullité de la renonciation ou par l’octroi de dommages et intérêts.

?: Conditions de forme

==> Remise d’un modèle d’acte

L’article D. 526-29 du Code de commerce prévoit que « si le bénéficiaire de la renonciation est un établissement de crédit ou une société de financement au sens de l’article L. 511-1 du code monétaire et financier, il remet gratuitement un exemplaire du modèle type à l’entrepreneur individuel qui en fait la demande. »

À cet effet, un modèle type d’acte de renonciation a été approuvé par l’arrêté du 12 mai 2022 relatif à certaines formalités concernant l’entrepreneur individuel et ses patrimoines (accessible à partir du lien suivant : modèle de renonciation)

==> Les mentions figurant dans l’acte

L’article L. 526-25 du Code de commerce prévoit que la renonciation par l’entrepreneur individuel au principe de séparation des patrimoines « doit respecter, à peine de nullité, des formes prescrites par décret. »

Il y a donc lieu de se reporter à l’article D. 526-28 issu du décret n° 2022-799 du 12 mai 2022 afin de déterminer les formes devant être observées par l’acte de renonciation.

Cette disposition prévoit que doivent figurer plusieurs sortes de mentions sur l’acte de renonciation :

  • En ce qui concerne l’entrepreneur individuel renonçant à la protection de son patrimoine personnel
    • Les nom de naissance, nom d’usage, prénoms, nationalité, date et lieu de naissance et domicile de l’entrepreneur individuel ;
    • L’activité ou les activités professionnelles et, s’il en est utilisé, le nom commercial et l’enseigne ainsi que les numéros et codes caractérisant l’activité ou les activités visés aux 1° à 3° de l’article R. 123-223 ;
    • L’adresse de l’établissement principal où est exercée l’activité professionnelle, ou, à défaut d’établissement, l’adresse du local d’habitation où l’entreprise est fixée ;
    • Le numéro unique d’identification de l’entreprise, délivré conformément à l’article D. 123-235 si l’entrepreneur est déjà immatriculé, ou, lorsqu’elle est antérieure à la date d’immatriculation, la date déclarée du début d’activité ;
  • En ce qui concerne le bénéficiaire de la renonciation
    • Si le bénéficiaire de la renonciation est une personne physique :
      • les nom de naissance, nom d’usage, prénoms, date, lieu de naissance et domicile du bénéficiaire de la renonciation ;
      • le cas échéant, l’activité ou les activités professionnelles exercées, l’adresse de l’établissement principal où est exercée l’activité professionnelle, ou, à défaut d’établissement, l’adresse du local d’habitation où l’entreprise est fixée et, s’il en est utilisé, le nom commercial et l’enseigne ainsi que les numéros et codes caractérisant l’activité ou les activités visés aux 1° à 3° de l’article R. 123-223 et le numéro unique d’identification de l’entreprise délivré conformément à l’article D. 123-235 ;
    • Si le bénéficiaire de la renonciation est une personne morale :
      • la raison sociale ou la dénomination sociale, suivie, le cas échéant, du sigle et de la forme ;
      • l’adresse du siège social ou de l’établissement, ou, à défaut, l’adresse du local d’habitation où l’entreprise est fixée ;
      • le numéro unique d’identification de l’entreprise, délivré conformément à l’article D. 123-235 ;
      • l’indication que le bénéficiaire de la renonciation est un établissement de crédit ou une société de financement au sens de l’article L. 511-1 du code monétaire et financier.
  • En ce qui concerne l’engagement au titre duquel la renonciation est sollicitée
    • La date de l’engagement ;
    • L’objet de l’engagement ;
    • La date d’échéance de l’engagement, c’est-à-dire la date contractuelle prévue pour le remboursement total des sommes dues au titre de l’engagement, étant précisé que celle-ci peut être prorogée soit par un accord des parties soit par une décision judiciaire ;
    • Le montant de l’engagement ou les éléments permettant de le déterminer ; ces éléments, une fois spécifiés dans l’acte de renonciation fixent définitivement le plafond pour lequel une même renonciation vaut ;
    • La date de demande de la renonciation.

==> La signature de l’acte de renonciation

L’article D. 526-28 du Code de commerce prévoit que, à peine de nullité, l’entrepreneur individuel et le bénéficiaire de la renonciation apposent leur signature sur l’acte, ainsi que la date et le lieu.

Ce texte précise qu’il peut être fait usage d’une signature électronique qualifiée répondant aux exigences du décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique.

c. L’inopposabilité de la séparation des patrimoines aux créanciers publics

L’article L. 526-24 du Code de commerce prévoit une dérogation au principe de séparation des patrimoines au profit des créanciers publics et plus précisément de l’administration fiscale et des organismes de recouvrement de la sécurité sociale.

Cette disposition prévoit que « le droit de gage de l’administration fiscale et des organismes de sécurité sociale porte sur l’ensemble des patrimoines professionnel et personnel de l’entrepreneur individuel en cas de manœuvres frauduleuses ou d’inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales, dans les conditions prévues aux I et II de l’article L. 273 B du livre des procédures fiscales, ou d’inobservation grave et répétée dans le recouvrement des cotisations et contributions sociales, dans les conditions prévues à l’article L. 133-4-7 du code de la sécurité sociale ».

Ainsi, la dissociation des patrimoines ne sera pas opposable à l’administration fiscale et aux organismes de sécurité sociale en cas de manœuvres frauduleuses ou d’inobservation grave et répétée des obligations fiscales ou sociales.

Le texte ajoute que cette inopposabilité joue également pour les impositions mentionnées au III de l’article L. 273 B du livre des procédures fiscales.

Pour mémoire, cette disposition prévoit que « le recouvrement de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux ainsi que de la taxe foncière afférente aux biens immeubles utiles à l’activité professionnelle dont est redevable la personne physique exerçant une activité professionnelle en tant qu’entrepreneur individuel ou son foyer fiscal peut être recherché sur l’ensemble des patrimoines professionnel et personnel. Le présent III n’est pas applicable au recouvrement de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux lorsque l’entrepreneur individuel a opté pour l’impôt sur les sociétés dans les conditions prévues à l’article 1655 sexies du code général des impôts. »

Enfin, l’article L. 526-24 du Code de commerce précise, s’agissant spécifiquement des organismes de sécurité sociale, que la séparation des patrimoines professionnels et personnels de l’entrepreneur individuel leur est inopposable pour les impositions et contributions mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 133-4-7 du même code.

2. Dans les rapports entre l’entrepreneur et les créanciers personnels

a. Principe

L’article L. 526-22, al. 6e du Code de commerce prévoit que « seul le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel constitue le gage général des créanciers dont les droits ne sont pas nés à l’occasion de son exercice professionnel ».

Il ressort de cette disposition que l’entrepreneur individuel répond des dettes contractées en dehors du cadre de son activité professionnelle sur son seul patrimoine personnel.

Il en résulte que les biens relevant du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel sont hors de portée de ses créanciers personnels dont le gage est limité aux seuls biens qui ne sont pas utiles à l’activité professionnelle.

Ce principe n’est toutefois pas absolu. Le législateur l’a assorti de tempéraments.

b. Tempéraments

En application du principe de séparation des patrimoines, parce qu’il existe une corrélation entre les dettes contractées par l’entrepreneur individuel et le passif engagé, les tempéraments dont ce principe est assorti devraient, en toute logique, jouer symétriquement à la faveur tant des créanciers professionnels que des créanciers personnels.

Telle n’est toutefois pas la voie empruntée par le législateur qui a institué une différence de traitement entre les deux catégories de créanciers.

Les possibilités offertes aux créanciers personnels de l’entrepreneur individuel de se soustraire à l’application du principe de séparation des patrimoines sont, en effet, bien plus limitées que celles dont bénéficient les créanciers professionnels.

==> Tempéraments retenus

Le principe de séparation des patrimoines souffre de deux tempéraments en faveur des créanciers personnels

  • Premier tempérament
    • L’article L. 526-22, al. 6e du Code de commerce prévoit que, par exception au principe de séparation des patrimoines, « si le patrimoine personnel est insuffisant, le droit de gage général des créanciers peut s’exercer sur le patrimoine professionnel, dans la limite du montant du bénéfice réalisé lors du dernier exercice clos. »
    • Pratiquement, dans l’hypothèse où la réalisation de l’actif relevant du patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel ne permettrait pas désintéresser totalement ses créanciers personnels, ces derniers seront autorisés à appréhender le bénéfice éventuellement réalisé par leur débiteur dans le cadre de son activité professionnelle.
    • S’agissant de prendre pour point de référence le dernier exercice clos pour calculer le montant du bénéfice saisissable par les créanciers personnels, les travaux parlementaires justifient ce choix par l’impossibilité de déterminer en cours d’exercice quel montant a vocation à être prélevé par l’entrepreneur pour son usage personnel, autrement dit à rejoindre le patrimoine personnel.
    • À l’analyse, le montant maximal susceptible d’être prélevé par l’entrepreneur étant celui du bénéfice annuel, la seule solution est de se reporter au dernier exercice clos.
  • Second tempérament
    • L’article L. 526-22, al. 6e du Code de commerce prévoit que les sûretés réelles consenties par l’entrepreneur individuel avant le commencement de son activité ou de ses activités professionnelles indépendantes conservent leur effet, quelle que soit leur assiette.
    • Il en résulte que dans l’hypothèse où une sûreté serait constituée sur un bien devenu utile à l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel en garantie d’une dette personnelle, le bénéficiaire de la sûreté sera autorisé à saisir le bien grevé, nonobstant le principe de séparation des patrimoines.

==> Tempéraments exclus

Deux tempéraments au principe de séparation des patrimoines qui jouent en faveur des créanciers professionnels ne bénéficient pas aux créanciers personnels.

  • Première exclusion
    • Bien que la loi soit silencieuse sur ce point, il est fait interdiction à l’entrepreneur individuel de renoncer à la séparation des patrimoines en faveur de ses créanciers personnels.
    • Cette renonciation ne peut jouer qu’au profit des seuls créanciers professionnels.
    • Le gage des créanciers personnels sera, dans ces conditions, nécessairement cantonné aux biens composant le patrimoine personnel de l’entrepreneur
  • Seconde exclusion
    • Comme précisé dans le rapport établi par Christophe-André Frassa, si la loi ménage expressément la faculté, pour l’entrepreneur individuel, de consentir à ses créanciers professionnels des sûretés conventionnelles assises sur des biens compris dans son patrimoine personnel, « aucune disposition de ce type n’est prévue, en sens inverse, au bénéfice des créanciers personnels».
    • Il est donc fait interdiction à l’entrepreneur individuel d’accorder à ses créanciers personnels une sûreté qui serait constituée sur un bien relevant de son patrimoine professionnel.

Ainsi, comme relevé dans les travaux parlementaires, une nette dissymétrie oppose les créanciers professionnels aux créanciers personnels.

Les premiers, pour assurer le recouvrement de leur créance, pourront saisir dans certaines conditions tout ou partie des biens compris dans le patrimoine personnel, soit qu’ils soient titulaires d’une sûreté conventionnelle assise sur l’un de ces biens, soit qu’ils bénéficient d’une renonciation à la séparation des patrimoines.

Les seconds, en revanche, ne pourront exercer leur droit de gage général sur le patrimoine professionnel qu’à titre subsidiaire et dans la limite du montant du bénéfice du dernier exercice clos.

Les biens à usage professionnel sont donc mis hors de portée des créanciers personnels, comme s’ils étaient logés dans une société.

Selon Christophe-André Frassa, cette dissymétrie peut se justifier. En effet, alors que le patrimoine professionnel est défini limitativement, ce n’est pas le cas du patrimoine personnel, qui comprend tous les biens et droits non compris dans l’autre patrimoine.

En outre, parmi les biens de l’entrepreneur individuel, les plus précieux (notamment, le cas échéant, sa résidence principale) seraient le plus souvent compris dans son patrimoine personnel et pourraient donc être appréhendés par ses créanciers personnels.

Afin de ne pas diminuer excessivement les droits des créanciers professionnels, il est donc légitime de ne pas autoriser, au profit des créanciers personnels, la constitution de sûretés sur des biens professionnels ou la renonciation à la séparation des patrimoines.

III) L’extinction des effets du principe de séparation de plein droit des patrimoines professionnel et personnel

L’article L. 526-22 du Code de commerce prévoit deux cas de réunion des patrimoines professionnels et personnels :

  • Premier cas : la cessation d’activité
    • Dans le cas où un entrepreneur individuel cesse toute activité professionnelle indépendante, le texte prévoit que le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel sont réunis.
    • Il en résulte que les créanciers antérieurs recouvrent un droit de gage général sur l’ensemble des biens de leur débiteur.
    • Cette solution diffère manifestement de celle applicable à l’EIRL.
    • En effet, sous ce statut, le gage général des créanciers antérieurs demeurait limité aux seuls biens qui relevaient du patrimoine d’affectation de l’entrepreneur.
    • Ce « gel » du gage des créanciers antérieurs était toutefois possible en raison de la déclaration d’affectation réalisée par l’entrepreneur individuel qui consistait à dresser une liste exhaustive des biens affectés à l’exercice de son activité professionnelle.
    • Tel n’est pas le cas de l’entrepreneur individuel qui exerce sous le nouveau statut.
    • Aucun texte ne l’oblige à réaliser un inventaire des biens qui composent son patrimoine professionnel.
    • Aussi, leur identification au moment de la cessation d’activité de l’entrepreneur individuel – laquelle est susceptible d’intervenir plusieurs années après leur entrée dans le patrimoine professionnel – s’avérerait complexe sinon impossible.
    • C’est la raison pour laquelle le législateur a préféré n’opérer aucune distinction : le droit de gage des créanciers antérieur s’exerce sur l’ensemble des biens de l’entrepreneur individuel qui a cessé son activité.
  • Second cas : le décès
    • En application de l’article L. 526-22 du Code de commerce, le décès de l’entrepreneur individuel a pour effet de réunir les patrimoines professionnels et personnels.
    • Comme pour le cas de la cessation d’activité, s’est posée la question du cantonnement du gage des créanciers antérieurs aux biens relevant du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel.
    • La raison en est que la réunion des patrimoines professionnels et personnels pour former un patrimoine successoral unique fait peser un risque important sur les héritiers et autres successeurs à titre universel, qui sont susceptibles de se voir transmettre l’intégralité des dettes de l’entrepreneur individuel au jour de son décès sans que le droit de gage des créanciers ne soit limité.
    • Aussi, comme souligné par Christophe-André Frassa, « la protection des héritiers repose alors entièrement sur leur droit d’option : dans le cas où des dettes trop lourdes grèveraient le patrimoine successoral, ils pourraient renoncer à la succession ou ne l’accepter qu’à concurrence de l’actif net (la liquidation portant alors sur l’ensemble du patrimoine successoral, issu de la réunion des patrimoines professionnel et personnel).»

§2 : Le dispositif de transmission universelle du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel

==> Généralités

La loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante a fortement innové en prévoyant la possibilité pour l’entrepreneur individuel de procéder à une transmission universelle entre vifs de son patrimoine professionnel.

Le transfert universel du patrimoine professionnel peut être défini comme la cession, à titre universel et indivisible, de l’ensemble des biens, droits et obligations compris dans ce patrimoine. Elle peut être consentie à titre onéreux ou gratuit. La cession des biens et droits à une société peut également revêtir la forme d’un apport en société.

L’objectif recherché par le législateur est de faciliter la transmission d’une entreprise individuelle (par vente ou donation) ou de faciliter sa transformation en société, tout en préservant les droits des créanciers.

À cet égard, comme souligné par l’étude d’impact réalisé au stade du projet de loi, le dispositif envisagé vise à « créer un continuum permettant d’assurer la fluidité du passage d’une activité amorcée en entreprise individuelle vers l’exploitation en société pour en poursuivre le développement et la croissance ».

Le dispositif instauré par le législateur permet a priori à l’entrepreneur individuel de bénéficier d’un régime de faveur quant aux modalités de la transmission des biens et obligations composant son patrimoine qui, s’ils étaient transmis à titre particulier, seraient soumis à des règles hétérogènes et, pour certaines, contraignantes (donation, cession de créances, vente immobilière etc.).

Le dispositif de transmission universelle de patrimoine présente l’avantage de pouvoir être mise en œuvre par l’effet d’un seul acte soumis aux seules conditions attachées aux modalités de transmission propres à l’universalité[1].

I) Le principe de transmission universelle entre vifs du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel

L’article L. 526-27 du Code de commerce prévoit que « l’entrepreneur individuel peut céder à titre onéreux, transmettre à titre gratuit entre vifs ou apporter en société l’intégralité de son patrimoine professionnel, sans procéder à la liquidation de celui-ci. »

Cette disposition reconnaît donc à l’entrepreneur la faculté de céder ou de donner l’intégralité de son patrimoine et de préciser que cette transmission s’opère sans qu’il y ait lieu de procéder à une liquidation.

Cela signifie qu’il n’est pas besoin pour l’entrepreneur individuel de se libérer de ses obligations pour transmettre son patrimoine.

Elles sont transmises, sans novation, ni extinction, au bénéficiaire de la transmission, lequel se substitue à l’entrepreneur individuel dans ses rapports d’obligations.

Cette faculté de transmission universelle octroyée à l’entrepreneur individuel constitue une véritable nouveauté en ce qu’elle déroge au principe général interdisant à une personne physique de transmettre, de son vivant, son patrimoine.

Cette interdiction s’explique par le fait que « le patrimoine est la représentation pécuniaire de la personne ».

Autrement dit, si le patrimoine exprime la situation financière de son titulaire, il traduit surtout son aptitude à être titulaires de droits et d’obligations. Or cette aptitude perdure aussi longtemps que la personne est en vie.

Cette caractéristique du patrimoine emporte notamment comme conséquence son incessibilité du vivant de la personne physique.

Si rien n’empêche le titulaire – personne physique – d’un patrimoine à céder tous ses biens et/ou toutes ses dettes, il ne peut, en revanche, céder son aptitude à acquérir de nouveaux droits et contracter de nouvelles dettes.

C’est la raison pour laquelle le patrimoine d’une personne physique est incessible entre vifs. Il ne peut être transmis qu’à cause de mort.

Tel était du moins l’état du droit positif avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2022-172 du 14 février 2022 qui a instauré un dispositif permettant à un entrepreneur individuel de transmettre un ensemble d’actifs et de passifs afférents à son activité professionnelle.

Il peut être observé que contrairement à la cession d’un fonds de commerce, qui ne porte que sur un actif composé de divers biens et droits, le transfert de patrimoine professionnel peut aussi porter sur des dettes professionnelles.

De ce point de vue, le transfert d’un patrimoine professionnel ressemble très étroitement, dans son principe, à la succession d’une personne physique.

En effet, le patrimoine transmis s’analyse ici comme une universalité de droit, soit comme un ensemble constitué d’un actif et d’un passif.

Pour cette raison, la transmission universelle de patrimoine ne s’envisage que si elle vise à céder l’intégralité de l’actif et du passif de l’entrepreneur individuel présentant un caractère professionnel.

À cet égard, l’article L. 526-27 du Code de commerce précise que cette transmission s’opère sans qu’il y ait lieu de procéder à une liquidation.

Cela signifie qu’il n’est pas besoin pour l’entrepreneur individuel de se libérer de ses obligations pour céder son patrimoine.

Elles sont transmises, sans novation, ni extinction, au bénéficiaire de la transmission, lequel se substitue à l’entrepreneur individuel dans ses rapports d’obligations.

II) Le régime de la transmission universelle entre vifs du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel

A) Les modalités de transmission

L’article L. 526-27, al. 2e du Code de commerce prévoit que le transfert universel du patrimoine professionnel peut s’opérer selon trois modalités différentes :

  • La cession à titre onéreux
  • La donation
  • L’apport en société

B) Règles applicables

Si le régime de la transmission universelle de patrimoine est, pour une large part, emprunté à celui applicable en cas de fusion de sociétés ou de réunion des parts en une seule main, il s’en distingue néanmoins en raison de la différence de situation.

En effet, à la différence de la transmission universelle du patrimoine d’une société dissoute, celle d’un patrimoine professionnel n’emporte pas disparition de la personne de l’entrepreneur individuel.

Pour cette raison, le législateur a été contraint d’opérer un certain nombre d’adaptations, à telle enseigne que certaines règles interrogent sur le caractère réellement universel de la transmission de patrimoine telle qu’envisagée pour l’entrepreneur individuel

==> Des règles propres à la transmission universelle

L’un des principaux intérêts de la transmission universelle réside pour son auteur dans la possibilité de soumettre le transfert de son patrimoine à un régime juridique unique.

Si, en effet, il avait transmis à titre particulier les éléments de ce patrimoine, chaque opération, prise individuellement, aurait été soumise à un régime juridique spécifique.

C’est d’ailleurs ce que rappelle en substance l’article L. 526-27, al. 1er du Code de commerce en prévoyant que « le transfert non intégral d’éléments de ce patrimoine demeure soumis aux conditions légales applicables à la nature dudit transfert et, le cas échéant, à celle du ou des éléments transférés. »

Ce n’est donc que si le transfert porte sur l’intégralité du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel que les règles propres à la transmission universelles peuvent jouer.

À cet égard, selon les modalités choisies par l’entrepreneur individuel pour transmettre son patrimoine, la transmission universelle obéira à des règles différentes.

La transmission universelle à titre onéreux devrait ainsi être soumise au régime de la vente, tandis que la transmission universelle à titre gratuit devrait être soumise au régime des donations.

Quant à la transmission du patrimoine au profit d’une société, elle devrait être régie par les règles de l’apport.

Afin que la transmission universelle du patrimoine de l’entrepreneur individuel puisse s’opérer efficacement et pour faciliter sa mise en œuvre, le législateur a écarté le jeu de plusieurs règles susceptibles d’interférer avec le transfert.

L’article L. 526-29 du Code de commerce prévoit ainsi que ne sont pas applicables au transfert universel du patrimoine professionnel d’un entrepreneur individuel, toute clause contraire étant réputée non écrite :

  • L’article 815-14 du Code civil
    • Cette disposition régit le droit de préemption dont sont titulaires les coïndivisaires d’un bien en cas de cession d’une quote-part indivise par un indivisaire à un tiers.
  • L’article 1699 du Code civil
    • Cette disposition régit la cession d’un droit litigieux
  • Les articles L. 141-12 à L. 141-22 du Code de commerce
    • Ces dispositions régissent le privilège du vendeur de fonds de commerce

Aussi, dans l’hypothèse où le patrimoine de l’entrepreneur individuel comprendrait un bien indivis ou un fonds de commerce, la transmission de ce patrimoine ne pourra ainsi pas se heurter à l’exercice du droit de préemption d’un coindivisaire ou à la mise en œuvre du privilège du vendeur.

La transmission universelle s’opèrera nonobstant ces dispositifs qui, en cas de transfert à titre particulier, feraient obstacle à la réalisation de l’opération.

==> La résurgence de règles de droit commun

Bien que le dispositif de transmission universelle d’un patrimoine présente la particularité d’être soumis à un seul et même régime juridique, l’article L. 526-27, al. 3e du Code de commerce assortit ce principe d’une exception.

Cette disposition prévoit, en effet, que « sous réserve de la présente section, les dispositions légales relatives à la vente, à la donation ou à l’apport en société de biens de toute nature sont applicables, selon le cas. Il en est de même des dispositions légales relatives à la cession de créances, de dettes et de contrats. »

Une lecture du texte suggère que, nonobstant la transmission universelle, les règles propres au transfert de chaque bien et de chaque obligation logés dans le patrimoine transmis demeureraient applicables.

La règle ainsi posée est pour le moins énigmatique dans la mesure où son application littérale conduirait à ruiner le principe même de la transmission universelle qui devrait précisément avoir pour effet de neutraliser le jeu des règles applicables à chaque opération prise individuellement.

En l’absence de dispositions qui précisent l’intention du législateur, la question de l’articulation entre les règles propres à la transmission universelle et celles propres au transfert de chaque élément du patrimoine est ouverte.

C) Les conditions de transmission

Selon les modalités choisies par l’entrepreneur individuel pour transmettre son patrimoine, les conditions applicables diffèrent.

Certaines conditions s’appliquent, en revanche, quelle que soit la modalité de transmission retenue

1. Conditions communes

La transmission universelle du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel est subordonnée à la réunion de deux conditions générales :

  • Première condition
    • L’article L. 526-30 du Code de commerce prévoit que « le transfert doit porter sur l’intégralité du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel, qui ne peut être scindé»
    • Aussi, quand bien même l’entrepreneur individuel exercerait plusieurs activités professionnelles, interdiction lui est faite de « scinder » son patrimoine en plusieurs parties.
    • La transmission ne pourra porter que sur la globalité de son patrimoine.
    • Il s’agit ici d’éviter qu’une scission du patrimoine préjudicie à certains créanciers.
    • Le non-respect de cette condition est sanctionné par la nullité de la transmission du patrimoine.
  • Seconde condition
    • L’article L. 526-27, al. 4e du Code de commerce prévoit que la transmission universelle du patrimoine n’est pas permise si l’entrepreneur individuel s’est « obligé contractuellement à ne pas céder un élément de son patrimoine professionnel ou à ne pas transférer celui-ci à titre universel».
    • Le texte précise que la violation de cette règle engage la responsabilité de l’entrepreneur individuel sur l’ensemble de ses biens, sans emporter la nullité du transfert.

2. Conditions spécifiques

Selon les modalités de transmission choisies par l’entrepreneur individuel les conditions d’application diffèrent.

==> La transmission universelle à titre onéreux

Dans cette hypothèse, ce sont donc les règles de la vente qui devraient s’appliquer.

Aussi, pour être valide, la transmission devra notamment satisfaire aux conditions posées à l’article 1583 du Code civil.

Pour mémoire, cette disposition prévoit que la vente « est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé. »

Bien que s’imposant comme naturelle en cas de cession à titre onéreux du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel, l’application du régime de la vente n’est pas sans soulever des difficultés.

Il est plusieurs questions qui se posent auxquelles les textes n’apportent, pour l’heure, aucune réponse.

Ainsi, le cédant du patrimoine sera-t-il tenu aux mêmes garanties que celles du vendeur (garantie des vices cachés, garantie d’éviction) ? La rescision pour lésion sera-t-elle possible, lorsque le patrimoine professionnel comprend des biens dont la vente peut être rescindée ? Le cédant à titre onéreux jouira-t-il des divers privilèges du vendeur ?

==> La transmission universelle à titre gratuit

Dans cette hypothèse, la transmission universelle s’analysera en une donation. Elle pourra prendre la forme d’une donation ordinaire ou d’une donation-partage.

En tout état de cause, ce sont les règles des libéralités qui ont vocation à s’appliquer et plus précisément celles relatives aux donations.

Pour être valable, la transmission supposera notamment, conformément à l’article 931 du Code civil, d’établir un acte notarié.

==> La transmission universelle sous la forme d’un apport en société

Lorsque la transmission universelle prend la forme d’un apport en société, elle s’analyse en un apport en nature.

Aussi, ce sont les règles du droit des sociétés qui s’appliquent ; mais pas seulement.

Les articles L. 526-30 et L. 526-31 énoncent trois règles spécifiques applicables à la transmission universelle sous forme d’apport en société.

  • Première règle
    • En cas d’apport à une société nouvellement créée, l’actif disponible du patrimoine professionnel doit permettre de faire face au passif exigible sur ce même patrimoine ( L. 526-30, 2e C. com.)
    • La situation contraire serait, en effet, constitutive d’une cessation des paiements et devrait donc obliger le titulaire du patrimoine professionnel à demander l’ouverture d’une procédure collective portant sur ce patrimoine.
  • Deuxième règle
    • Ni l’auteur, ni le bénéficiaire du transfert ne doivent avoir été frappés de faillite personnelle ou d’une peine d’interdiction prévue à l’article L. 653-8 du présent code ou à l’article 131-27 du Code pénal, par une décision devenue définitive ( L. 526-30, 3° C. com.)
  • Troisième règle
    • Lorsque le patrimoine professionnel apporté en société contient des biens constitutifs d’un apport en nature, il est fait recours à un commissaire aux apports ( L. 526-31 C. com.)

III) Les effets de la transmission universelle entre vifs du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel

A) Les effets de la transmission universelle entre les parties

L’article L. 526-27, al. 2e du Code de commerce prévoit que « le transfert universel du patrimoine professionnel emporte cession des droits, biens, obligations et sûretés dont celui-ci est constitué ».

Le transfert vise ici à transférer le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel envisagé comme une universalité de droit.

Par universalité de droit il faut entendre, pour mémoire, un ensemble pécuniaire permanent qui comprend, un actif et un passif réuni autour d’une même personne et dont l’un répond de l’autre.

Aussi, est-ce l’ensemble de l’actif, mais également du passif qui sont transférés, étant précisé que ce transfert s’opère sans liquidation.

Le transfert a donc pour effet de libérer l’entrepreneur individuel de ses obligations professionnelles qui sont transmises au bénéficiaire du patrimoine.

S’agissant des sûretés constituées en garantie des obligations transférées, elles subissent le même sort en raison de leur caractère accessoire.

L’opération de transmission ne devrait donc pas avoir pour effet de libérer les cautions, ni de remettre en cause les sûretés réelles constituées sur les biens relevant du patrimoine professionnel, objet du transfert.

B) Les effets de transmission universelle à l’égard des tiers

La transmission universelle de patrimoine n’est pas sans incidence sur les tiers, en particulier sur les créanciers de l’entrepreneur individuel.

L’opération a pour effet de leur donner un nouveau débiteur, le bénéficiaire de la transmission universelle, qui se substitue à l’entrepreneur individuel.

Il en résulte que le cessionnaire, le donataire ou le bénéficiaire de l’apport en société devient débiteur des créanciers dont les droits sont nés à l’occasion de l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel, sans que cette substitution emporte novation à leur égard.

Si, à première vue, cette substitution de débiteur s’apparente à une cession de dette, à l’analyse, elle s’en distingue en ce que l’accord des créanciers cédés n’est pas requis.

Ces derniers sont donc « cédés » de plein droit par l’effet de la transmission universelle du patrimoine.

Dans le silence des textes, cette cession joue pour tous les créanciers y compris pour ceux dont la créance est issue d’un contrat intuitu personae, ce qui n’est pas sans portée atteinte au principe d’autonomie de la volonté.

Pour cette raison, le législateur a mis en place un dispositif visant à assurer la protection des créanciers antérieurs auxquels le changement le débiteur est susceptible de préjudicier.

Ce dispositif s’articule autour de deux séries de règles qui instituent :

  • D’une part, un formalisme d’opposabilité
  • D’autre part, un droit d’opposition

1. Le formalisme d’opposabilité aux tiers de la transmission universelle de patrimoine

==> Formalités générales

L’article L. 526-27 du Code de commerce prévoit que « le transfert de propriété ainsi opéré n’est opposable aux tiers qu’à compter de sa publicité, dans des conditions prévues par décret. »

Il ressort de cette disposition que l’opposabilité de la transmission universelle est subordonnée à l’accomplissement de formalités de publicité.

La date de ces formalités correspond, en quelque sorte, à la ligne de démarcation entre les créanciers antérieurs et les créanciers postérieurs.

À cet égard, seuls les créanciers dont la créance est née antérieurement avant la publicité du transfert de propriété peuvent former opposition au transfert du patrimoine professionnel.

S’agissant des formalités à accomplir, l’article D. 526-30 du Code de commerce prévoit que le cédant, le donateur ou l’apporteur publie, à sa diligence, le transfert universel du patrimoine professionnel, sous forme d’avis au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, au plus tard un mois après sa réalisation.

Cet avis contient les indications suivantes :

  • S’agissant du cédant, du donateur ou de l’apporteur : les nom de naissance, nom d’usage, prénoms, le cas échéant nom commercial ou professionnel, l’activité professionnelle ou les activités professionnelles exercées ainsi que les numéros et codes caractérisant cette activité ou ces activités visés aux 1° à 3° de l’article R. 123-223, l’adresse de l’établissement principal ou, à défaut d’établissement, l’adresse du local d’habitation où l’entreprise est fixée et le numéro unique d’identification de l’entreprise délivré conformément à l’article D. 123-235 ;
  • S’agissant du cessionnaire, du donataire ou du bénéficiaire de l’apport : les nom de naissance, nom d’usage, prénoms, le cas échéant nom commercial ou professionnel, l’adresse de l’établissement principal ou, à défaut d’établissement, l’adresse du local d’habitation où l’entreprise est fixée, le cas échéant, la raison sociale ou la dénomination sociale suivie du sigle, de la forme, de l’adresse du siège, du montant du capital et du numéro unique d’identification de l’entreprise délivré conformément à l’article D. 123-235 ainsi que, le cas échéant, les numéros et codes caractérisant l’activité ou les activités professionnelles exercées visés aux 1° à 3° de l’article R. 123-223.

L’avis publié au bulletin est accompagné d’un état descriptif des biens, droits, obligations ou sûretés composant le patrimoine professionnel, tel qu’il résulte du dernier exercice comptable clos actualisé à la date du transfert, ou, pour les entrepreneurs individuels qui ne sont pas soumis à des obligations comptables, à la date qui résulte de l’accord des parties.

L’état descriptif est établi dans des formes prévues par arrêté du ministre chargé de l’économie.

La sanction de l’absence de réalisation de ces formalités est l’inopposabilité du transfert aux tiers.

==> Formalités spéciales

En principe, les formalités accomplies au titre de la transmission universelle devraient dispenser l’entrepreneur individuel d’accomplir les formalités qui auraient été exigées s’il avait transmis, à titre particulier, les biens et obligations composant son patrimoine professionnel.

Reste que le transfert de propriété de certains biens demeure soumis à l’accomplissement de formalités spécifiques.

À tout le moins, c’est ce que l’on peut déduire de l’article L. 526-27, al. 3e du Code de commerce qui prévoit que « sous réserve de la présente section, les dispositions légales relatives à la vente, à la donation ou à l’apport en société de biens de toute nature sont applicables, selon le cas. Il en est de même des dispositions légales relatives à la cession de créances, de dettes et de contrats. »

Aussi, dans l’hypothèse où le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel comprendrait des immeubles, son transfert supposerait l’accomplissement de formalités auprès des services de la publicité foncière, conformément à l’article 28 du décret n°55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière.

2. Le droit d’opposition des tiers à la transmission universelle de patrimoine

==> L’octroi d’un droit d’opposition

L’article L. 526-28, al. 1er du Code de commerce prévoit que « les créanciers de l’entrepreneur individuel dont la créance est née avant la publicité du transfert de propriété peuvent former opposition au transfert du patrimoine professionnel »

Le législateur a ainsi octroyé la faculté aux créanciers qui s’estimeraient lésés par la transmission du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel de réagir.

Si comme précisé par l’alinéa 2 du texte, l’opposition formée par un créancier n’a pas pour effet d’interdire le transfert du patrimoine professionnel, elle vise en revanche pour le créancier à obtenir auprès d’un juge le remboursement de sa créance ou la constitution de garanties, si le cessionnaire, le donataire ou le bénéficiaire en offre et si elles sont jugées suffisantes.

==> La titularité du droit d’opposition

En application de l’article L. 526-28, al. 1er du Code de commerce, le droit d’opposition ne peut être exercé que par les seuls créanciers « dont la créance est née avant la publicité du transfert de propriété ».

S’agissant des créanciers dont les droits sont nés postérieurement au transfert, ils ne disposent d’aucun droit de gage sur l’entrepreneur individuel qui a cédé son patrimoine professionnel, raison pour laquelle ils ne peuvent pas former opposition.

S’agissant des créanciers antérieurs, le texte n’opère aucune distinction entre eux, de sorte que le droit d’opposition devrait pouvoir être exercé, tant pour les créanciers professionnels, que par les créanciers personnels de l’entrepreneur.

Comme souligné par certains auteurs, l’ouverture d’un droit d’opposition aux créanciers personnels ne se justifie en aucune manière, dans la mesure où la transmission du patrimoine professionnel de l’entrepreneur est sans incidence sur leur droit de gage qui demeure cantonné au patrimoine personnel.

Tout au plus, ils perdent la faculté, en cas d’insuffisance d’actif dans le patrimoine personnel, d’appréhender le montant du bénéfice réalisé lors du dernier exercice clos de l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel (art. L. 526-22, al. 6e C. com.).

La situation des créanciers professionnels est, au contraire, tout à fait différente. L’opération de transfert affecte directement leur droit de gage en ce qu’ils subissent un changement de débiteur.

À supposer que leur nouveau débiteur ne soit pas solvable ou se trouve en difficulté financière, ils auront tout intérêt à réclamer auprès de l’entrepreneur individuel, soit le règlement immédiat de leur créance, soit à la constitution de sûretés.

==> L’exercice du droit d’opposition

  • Le délai d’exercice du droit d’opposition
    • Les créanciers dont la créance est née avant la publicité du transfert de propriété doivent exercer leur droit d’opposition dans le mois suivant la publication ( D. 526-30 C. com.)
  • Les modalités d’exercice du droit d’opposition
    • L’exercice du droit d’opposition requiert la saisine du Tribunal compétent qui, selon la nature de l’activité exercée par l’entrepreneur individuel, sera tantôt le Tribunal judiciaire, tantôt le Tribunal de commerce
  • L’issue de la procédure d’opposition
    • La décision de justice statuant sur l’opposition
      • Soit rejette la demande du créancier
      • Soit ordonne le remboursement des créances ou la constitution de garanties, si le cessionnaire, le donataire ou le bénéficiaire en offre et si elles sont jugées suffisantes
    • L’article L. 526-28, al. 4e précise que lorsque la décision de justice ordonne le remboursement des créances, l’entrepreneur individuel auteur du transfert est tenu de remplir son engagement.
    • Autrement dit, dans cette hypothèse, les droits des créanciers antérieurs dont l’opposition est admise sont préservés par le fait que le transfert du patrimoine professionnel leur est inopposable en cas de défaut de remboursement des créances ou de constitution des garanties ordonnées par le juge.

§3 : L’insaisissabilité de la résidence principale et des biens immobiliers non affectés à l’usage professionnel

I) Principe de l’insaisissabilité

Autre entorse faite par le législateur au principe d’unicité du patrimoine : l’adoption de textes qui visent à rendre insaisissable de la résidence principale et plus généralement les biens immobiliers détenus par l’entrepreneur individuel.

Les biens couverts par cette insaisissabilité sont, en effet, exclus du gage général des créanciers, ce qui revient à créer une masse de biens protégée au sein même du patrimoine de l’entrepreneur individuel.

Cette protection patrimoniale dont jouit ce dernier a été organisée par une succession de lois qui, au fil des réformes, ont non seulement assoupli les conditions de l’insaisissabilité de la résidence principale, mais encore ont étendu son assiette aux autres biens immobiliers non affectés à l’activité professionnelle.

  • Première étape : la loi n° 2003-271 du 1er août 2003 sur l’initiative économique avait permis à l’entrepreneur individuel de rendre insaisissables les droits qu’il détient sur l’immeuble lui servant de résidence principale.
  • Deuxième étape: la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, dite loi de modernisation de l’économie (LME) a étendu le bénéfice de l’insaisissabilité aux droits détenus par l’entrepreneur individuel sur tout bien foncier bâti ou non bâti non affecté à un usage professionnel.
  • Troisième étape: la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière a limité les effets de la déclaration d’insaisissabilité en prévoyant que celle-ci n’est pas opposable à l’administration fiscale lorsqu’elle relève, à l’encontre du déclarant, soit des manœuvres frauduleuses, soit l’inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales au sens de l’article 1729 du code général des impôts.
  • Quatrième étape: la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a rendu, de plein droit, insaisissable la résidence principale de l’entrepreneur individuel

Ainsi, cette dernière loi a-t-elle renforcé la protection de ce dernier qui n’est plus obligé d’accomplir une déclaration pour bénéficier du dispositif d’insaisissabilité.

Reste que cette insaisissabilité, de droit, ne vaut que pour la résidence principale. S’agissant, en effet, des autres biens immobiliers détenus par l’entrepreneur et non affectés à son activité professionnelle, leur insaisissabilité est subordonnée à l’accomplissement d’un acte de déclaration.

II) Domaine

En application de l’article L. 526-1 du Code de commerce le dispositif ne bénéficie qu’aux seuls entrepreneurs immatriculés à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante.

Il convient ainsi d’opérer une distinction entre les entrepreneurs individuels pour lesquels le texte exige qu’ils soient immatriculés et ceux qui ne sont pas assujettis à cette obligation

  • Les entrepreneurs assujettis à l’obligation d’immatriculation
    • Les commerçants doivent s’immatriculer au Registre du commerce et des sociétés
    • Les artisans doivent s’immatriculer au Répertoire des métiers
    • Les agents commerciaux doivent s’immatriculer au registre national des agents commerciaux s’il est commercial.
    • Concomitamment à cette immatriculation, l’article L. 526-4 du Code de commerce prévoit que « lors de sa demande d’immatriculation à un registre de publicité légale à caractère professionnel, la personne physique mariée sous un régime de communauté légale ou conventionnelle doit justifier que son conjoint a été informé des conséquences sur les biens communs des dettes contractées dans l’exercice de sa profession. »
  • Les entrepreneurs non assujettis à l’obligation d’immatriculation
    • Les agriculteurs n’ont pas l’obligation de s’immatriculer au registre de l’agriculture pour bénéficier du dispositif d’insaisissabilité
    • Il en va de même pour les professionnels exerçant à titre indépendant, telles que les professions libérales (avocats, architectes, médecins etc.)

Au total, le dispositif d’insaisissabilité bénéficie aux entrepreneurs individuels, au régime réel comme au régime des microentreprises, aux entrepreneurs individuels à responsabilité limitée propriétaires de biens immobiliers exerçant une activité commerciale, artisanale, libérale ou agricole, ainsi qu’aux entrepreneurs au régime de la microentreprise et aux entrepreneurs individuels à responsabilité limitée (EIRL).

III) Régime

Désormais, le régime de l’insaisissabilité des biens immobiliers détenus par l’entrepreneur individuel diffère, selon qu’il s’agit de sa résidence principale ou de ses autres biens immobiliers.

==> L’insaisissabilité de la résidence principale

L’article L. 526-1, al. 1er du Code de commerce dispose désormais en ce sens que « les droits d’une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale sont de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle de la personne ».

Il ressort de cette disposition que l’insaisissabilité de la résidence principale est de droit, de sorte qu’elle n’est pas subordonnée à l’accomplissement d’une déclaration.

Le texte précise que lorsque la résidence principale est utilisée en partie pour un usage professionnel, la partie non utilisée pour un usage professionnel est de droit insaisissable, sans qu’un état descriptif de division soit nécessaire.

==> L’insaisissabilité des biens immobiliers autres que la résidence principale

L’article L. 526-1, al. 2e du Code de commerce prévoit que « une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante peut déclarer insaisissables ses droits sur tout bien foncier, bâti ou non bâti, qu’elle n’a pas affecté à son usage professionnel. »

Ainsi, si les biens immobiliers autres que la résidence principale peuvent bénéficier du dispositif de l’insaisissabilité, c’est à la double condition que l’entrepreneur individuel accomplisse, outre les formalités d’immatriculation le cas échéant requises, qu’il accomplisse une déclaration d’insaisissabilité et qu’il procède aux formalités de publication.

  • Sur l’établissement de la déclaration d’insaisissabilité
    • L’article L. 526-2 du Code de commerce précise qu’elle doit être reçue par notaire sous peine de nullité.
    • C’est donc par acte notarié que la déclaration d’insaisissabilité doit être établie
    • En outre, elle doit contenir la description détaillée des biens et l’indication de leur caractère propre, commun ou indivis.
    • Par ailleurs, l’article L. 526-1 du Code de commerce prévoit que lorsque le bien foncier n’est pas utilisé en totalité pour un usage professionnel, la partie non affectée à un usage professionnel ne peut faire l’objet de la déclaration qu’à la condition d’être désignée dans un état descriptif de division.
  • Sur la publicité de la déclaration d’insaisissabilité
    • Une fois établie, la déclaration d’insaisissabilité doit faire l’objet de deux formalités de publicité
      • En premier lieu, elle doit être publiée au fichier immobilier ou, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, au livre foncier, de sa situation.
      • En second lieu, elle doit :
        • Soit, lorsque la personne est immatriculée dans un registre de publicité légale à caractère professionnel, y être mentionnée.
        • Soit, lorsque la personne n’est pas tenue de s’immatriculer dans un registre de publicité légale, être publié sous la forme d’extrait dans un support habilité à recevoir des annonces légales dans le département dans lequel est exercée l’activité professionnelle pour que cette personne puisse se prévaloir du bénéfice de l’insaisissabilité.

Enfin, il convient d’observer que la déclaration d’insaisissabilité ne peut porter que sur les biens immobiliers non affectés à l’usage professionnel.

Aussi, elle se distingue de la déclaration d’affection du patrimoine du régime de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, laquelle porte obligatoirement sur les biens, droits, obligations ou sûretés nécessaires à l’exercice de l’activité professionnelle et facultativement sur les biens, droits, obligations ou sûretés utilisés dans ce cadre (cette dernière, permet d’exclure du patrimoine professionnel tous les biens mobiliers et les droits qui ne peuvent être protégés par la déclaration d’insaisissabilité).

Il en résulte que, l’entrepreneur d’une EIRL peut limiter l’étendue de la responsabilité en constituant un patrimoine d’affectation, destiné à l’activité professionnelle, sans constituer de société, étant précisé que les deux déclarations peuvent être cumulées.

IV) Effets

S’agissant de la résidence principale de l’entrepreneur individuel, l’article L. 526-1 du Code de commerce prévoit que l’insaisissabilité, qui est ici de droit, ne produit ses effets qu’à l’encontre des créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle de la personne.

Dès lors que la dette est contractée dans le cadre de l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel, il bénéficie du dispositif d’insaisissabilité de sa résidence principale. La date de la créance est ici indifférente.

S’agissant des biens immobiliers autres que la résidence principale, l’article L. 526-1 du Code de commerce prévoit que la déclaration d’insaisissabilité n’a d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent, après sa publication, à l’occasion de l’activité professionnelle du déclarant.

Il en résulte que les dettes à caractère professionnel contractées antérieurement à la publication de la déclaration d’insaisissabilité, elles demeurent exécutoires sur l’ensemble des biens immobiliers détenus par l’entrepreneur individuel, y compris sur sa résidence principale.

En toute hypothèse, seules les dettes contractées dans le cadre d’une activité professionnelle autorisent l’entrepreneur individuel à se prévaloir de l’insaisissabilité de ses biens immobiliers.

En outre, en application de l’article L. 526-1, al. 3 du Code de commerce, l’insaisissabilité n’est jamais opposable à l’administration fiscale lorsque celle-ci relève, à l’encontre de la personne, soit des manœuvres frauduleuses, soit l’inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales.

Par ailleurs, les effets de l’insaisissabilité et ceux de la déclaration subsistent après la dissolution du régime matrimonial lorsque l’entrepreneur est attributaire du bien. Ils subsistent également en cas de décès jusqu’à la liquidation de la succession.

Enfin, en cas de cession des droits immobiliers sur la résidence principale, le prix obtenu demeure insaisissable, sous la condition du remploi dans le délai d’un an des sommes à l’acquisition par l’entrepreneur individuel d’un immeuble où est fixée sa résidence principale.

V) La renonciation

À l’analyse le dispositif d’insaisissabilité mis en place par le législateur peut avoir un impact sur l’accès au crédit, dans la mesure où la résidence principale ne fait plus d’emblée partie du gage de l’ensemble des créanciers.

C’est la raison pour laquelle le législateur a prévu que l’entrepreneur individuel puisse, afin de ne pas limiter ses capacités de financement, d’y renoncer.

==> Principe

L’article L. 526-3 du Code de commerce prévoit que « l’insaisissabilité des droits sur la résidence principale et la déclaration d’insaisissabilité portant sur tout bien foncier, bâti ou non bâti, non affecté à l’usage professionnel peuvent, à tout moment, faire l’objet d’une renonciation soumise aux conditions de validité et d’opposabilité prévues à l’article L. 526-2 ».

Il ressort de cette disposition que l’insaisissabilité qui protège les biens immobiliers de l’entrepreneur individuel peut, sur sa décision, être levée à la faveur de créanciers avec lesquels il aurait contracté dans le cadre de son activité professionnelle.

Cette faculté de renonciation dont jouit l’entrepreneur individuel peut porter sur tout ou partie des biens.

Elle peut également être faite au bénéfice d’un ou de plusieurs créanciers désignés par l’acte authentique de renonciation.

Afin d’obtenir un prêt, il est donc possible à l’entrepreneur individuel de renoncer au profit d’une banque à l’insaisissabilité de sa résidence principale.

==> Conditions

Tout d’abord, la renonciation au dispositif d’insaisissabilité doit être effectuée au moyen d’un acte notarié à l’instar de la déclaration d’insaisissabilité.

Ensuite, l’article R. 526-2 du Code de commerce prévoir que cette renonciation doit dans un délai d’un mois, faire l’objet d’une demande d’inscription modificative au registre du commerce et des sociétés.

Enfin, lorsque le bénéficiaire de cette renonciation cède sa créance, le cessionnaire peut se prévaloir de celle-ci.

==> Révocation

La renonciation peut néanmoins, à tout moment, être révoquée dans les mêmes conditions de validité et d’opposabilité que celles prévues pour la déclaration d’insaisissabilité.

Il s’agit là d’une faculté qui peut être exercée discrétionnairement par l’entrepreneur individuel, sans que les créanciers puissent former opposition.

Cette révocation n’aura toutefois d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits sont nés postérieurement à sa publication.

[1] V. en ce sens N. Jullian, « La transmission du patrimoine de l’entrepreneur, de nouvelles opérations au service des entrepreneurs individuels », JCP E, n°13, mars 2022, 1137.

Protection de l’entrepreneur individuel: l’insaisissabilité de la résidence principale

I) Principe de l’insaisissabilité

Autre entorse faite par le législateur au principe d’unicité du patrimoine : l’adoption de textes qui visent à rendre insaisissable de la résidence principale et plus généralement les biens immobiliers détenus par l’entrepreneur individuel.

Les biens couverts par cette insaisissabilité sont, en effet, exclus du gage général des créanciers, ce qui revient à créer une masse de biens protégée au sein même du patrimoine de l’entrepreneur individuel.

Cette protection patrimoniale dont jouit ce dernier a été organisée par une succession de lois qui, au fil des réformes, ont non seulement assoupli les conditions de l’insaisissabilité de la résidence principale, mais encore ont étendu son assiette aux autres biens immobiliers non affectés à l’activité professionnelle.

  • Première étape : la loi n° 2003-271 du 1er août 2003 sur l’initiative économique avait permis à l’entrepreneur individuel de rendre insaisissables les droits qu’il détient sur l’immeuble lui servant de résidence principale.
  • Deuxième étape: la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, dite loi de modernisation de l’économie (LME) a étendu le bénéfice de l’insaisissabilité aux droits détenus par l’entrepreneur individuel sur tout bien foncier bâti ou non bâti non affecté à un usage professionnel.
  • Troisième étape: la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière a limité les effets de la déclaration d’insaisissabilité en prévoyant que celle-ci n’est pas opposable à l’administration fiscale lorsqu’elle relève, à l’encontre du déclarant, soit des manœuvres frauduleuses, soit l’inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales au sens de l’article 1729 du code général des impôts.
  • Quatrième étape: la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a rendu, de plein droit, insaisissable la résidence principale de l’entrepreneur individuel

Ainsi, cette dernière loi a-t-elle renforcé la protection de ce dernier qui n’est plus obligé d’accomplir une déclaration pour bénéficier du dispositif d’insaisissabilité.

Reste que cette insaisissabilité, de droit, ne vaut que pour la résidence principale. S’agissant, en effet, des autres biens immobiliers détenus par l’entrepreneur et non affectés à son activité professionnelle, leur insaisissabilité est subordonnée à l’accomplissement d’un acte de déclaration.

II) Domaine

En application de l’article L. 526-1 du Code de commerce le dispositif ne bénéficie qu’aux seuls entrepreneurs immatriculés à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante.

Il convient ainsi d’opérer une distinction entre les entrepreneurs individuels pour lesquels le texte exige qu’ils soient immatriculés et ceux qui ne sont pas assujettis à cette obligation

  • Les entrepreneurs assujettis à l’obligation d’immatriculation
    • Les commerçants doivent s’immatriculer au Registre du commerce et des sociétés
    • Les artisans doivent s’immatriculer au Répertoire des métiers
    • Les agents commerciaux doivent s’immatriculer au registre national des agents commerciaux s’il est commercial.
    • Concomitamment à cette immatriculation, l’article L. 526-4 du Code de commerce prévoit que « lors de sa demande d’immatriculation à un registre de publicité légale à caractère professionnel, la personne physique mariée sous un régime de communauté légale ou conventionnelle doit justifier que son conjoint a été informé des conséquences sur les biens communs des dettes contractées dans l’exercice de sa profession. »
  • Les entrepreneurs non assujettis à l’obligation d’immatriculation
    • Les agriculteurs n’ont pas l’obligation de s’immatriculer au registre de l’agriculture pour bénéficier du dispositif d’insaisissabilité
    • Il en va de même pour les professionnels exerçant à titre indépendant, telles que les professions libérales (avocats, architectes, médecins etc.)

Au total, le dispositif d’insaisissabilité bénéficie aux entrepreneurs individuels, au régime réel comme au régime des microentreprises, aux entrepreneurs individuels à responsabilité limitée propriétaires de biens immobiliers exerçant une activité commerciale, artisanale, libérale ou agricole, ainsi qu’aux entrepreneurs au régime de la microentreprise et aux entrepreneurs individuels à responsabilité limitée (EIRL).

III) Régime

Désormais, le régime de l’insaisissabilité des biens immobiliers détenus par l’entrepreneur individuel diffère, selon qu’il s’agit de sa résidence principale ou de ses autres biens immobiliers.

==> L’insaisissabilité de la résidence principale

L’article L. 526-1, al. 1er du Code de commerce dispose désormais en ce sens que « les droits d’une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale sont de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle de la personne ».

Il ressort de cette disposition que l’insaisissabilité de la résidence principale est de droit, de sorte qu’elle n’est pas subordonnée à l’accomplissement d’une déclaration.

Le texte précise que lorsque la résidence principale est utilisée en partie pour un usage professionnel, la partie non utilisée pour un usage professionnel est de droit insaisissable, sans qu’un état descriptif de division soit nécessaire.

==> L’insaisissabilité des biens immobiliers autres que la résidence principale

L’article L. 526-1, al. 2e du Code de commerce prévoit que « une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante peut déclarer insaisissables ses droits sur tout bien foncier, bâti ou non bâti, qu’elle n’a pas affecté à son usage professionnel. »

Ainsi, si les biens immobiliers autres que la résidence principale peuvent bénéficier du dispositif de l’insaisissabilité, c’est à la double condition que l’entrepreneur individuel accomplisse, outre les formalités d’immatriculation le cas échéant requises, qu’il accomplisse une déclaration d’insaisissabilité et qu’il procède aux formalités de publication.

  • Sur l’établissement de la déclaration d’insaisissabilité
    • L’article L. 526-2 du Code de commerce précise qu’elle doit être reçue par notaire sous peine de nullité.
    • C’est donc par acte notarié que la déclaration d’insaisissabilité doit être établie
    • En outre, elle doit contenir la description détaillée des biens et l’indication de leur caractère propre, commun ou indivis.
    • Par ailleurs, l’article L. 526-1 du Code de commerce prévoit que lorsque le bien foncier n’est pas utilisé en totalité pour un usage professionnel, la partie non affectée à un usage professionnel ne peut faire l’objet de la déclaration qu’à la condition d’être désignée dans un état descriptif de division.
  • Sur la publicité de la déclaration d’insaisissabilité
    • Une fois établie, la déclaration d’insaisissabilité doit faire l’objet de deux formalités de publicité
      • En premier lieu, elle doit être publiée au fichier immobilier ou, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, au livre foncier, de sa situation.
      • En second lieu, elle doit :
        • Soit, lorsque la personne est immatriculée dans un registre de publicité légale à caractère professionnel, y être mentionnée.
        • Soit, lorsque la personne n’est pas tenue de s’immatriculer dans un registre de publicité légale, être publié sous la forme d’extrait dans un support habilité à recevoir des annonces légales dans le département dans lequel est exercée l’activité professionnelle pour que cette personne puisse se prévaloir du bénéfice de l’insaisissabilité.

Enfin, il convient d’observer que la déclaration d’insaisissabilité ne peut porter que sur les biens immobiliers non affectés à l’usage professionnel.

Aussi, elle se distingue de la déclaration d’affection du patrimoine du régime de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, laquelle porte obligatoirement sur les biens, droits, obligations ou sûretés nécessaires à l’exercice de l’activité professionnelle et facultativement sur les biens, droits, obligations ou sûretés utilisés dans ce cadre (cette dernière, permet d’exclure du patrimoine professionnel tous les biens mobiliers et les droits qui ne peuvent être protégés par la déclaration d’insaisissabilité).

Il en résulte que, l’entrepreneur d’une EIRL peut limiter l’étendue de la responsabilité en constituant un patrimoine d’affectation, destiné à l’activité professionnelle, sans constituer de société, étant précisé que les deux déclarations peuvent être cumulées.

IV) Effets

S’agissant de la résidence principale de l’entrepreneur individuel, l’article L. 526-1 du Code de commerce prévoit que l’insaisissabilité, qui est ici de droit, ne produit ses effets qu’à l’encontre des créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle de la personne.

Dès lors que la dette est contractée dans le cadre de l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel, il bénéficie du dispositif d’insaisissabilité de sa résidence principale. La date de la créance est ici indifférente.

S’agissant des biens immobiliers autres que la résidence principale, l’article L. 526-1 du Code de commerce prévoit que la déclaration d’insaisissabilité n’a d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent, après sa publication, à l’occasion de l’activité professionnelle du déclarant.

Il en résulte que les dettes à caractère professionnel contractées antérieurement à la publication de la déclaration d’insaisissabilité, elles demeurent exécutoires sur l’ensemble des biens immobiliers détenus par l’entrepreneur individuel, y compris sur sa résidence principale.

En toute hypothèse, seules les dettes contractées dans le cadre d’une activité professionnelle autorisent l’entrepreneur individuel à se prévaloir de l’insaisissabilité de ses biens immobiliers.

En outre, en application de l’article L. 526-1, al. 3 du Code de commerce, l’insaisissabilité n’est jamais opposable à l’administration fiscale lorsque celle-ci relève, à l’encontre de la personne, soit des manœuvres frauduleuses, soit l’inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales.

Par ailleurs, les effets de l’insaisissabilité et ceux de la déclaration subsistent après la dissolution du régime matrimonial lorsque l’entrepreneur est attributaire du bien. Ils subsistent également en cas de décès jusqu’à la liquidation de la succession.

Enfin, en cas de cession des droits immobiliers sur la résidence principale, le prix obtenu demeure insaisissable, sous la condition du remploi dans le délai d’un an des sommes à l’acquisition par l’entrepreneur individuel d’un immeuble où est fixée sa résidence principale.

V) La renonciation

À l’analyse le dispositif d’insaisissabilité mis en place par le législateur peut avoir un impact sur l’accès au crédit, dans la mesure où la résidence principale ne fait plus d’emblée partie du gage de l’ensemble des créanciers.

C’est la raison pour laquelle le législateur a prévu que l’entrepreneur individuel puisse, afin de ne pas limiter ses capacités de financement, d’y renoncer.

==> Principe

L’article L. 526-3 du Code de commerce prévoit que « l’insaisissabilité des droits sur la résidence principale et la déclaration d’insaisissabilité portant sur tout bien foncier, bâti ou non bâti, non affecté à l’usage professionnel peuvent, à tout moment, faire l’objet d’une renonciation soumise aux conditions de validité et d’opposabilité prévues à l’article L. 526-2 ».

Il ressort de cette disposition que l’insaisissabilité qui protège les biens immobiliers de l’entrepreneur individuel peut, sur sa décision, être levée à la faveur de créanciers avec lesquels il aurait contracté dans le cadre de son activité professionnelle.

Cette faculté de renonciation dont jouit l’entrepreneur individuel peut porter sur tout ou partie des biens.

Elle peut également être faite au bénéfice d’un ou de plusieurs créanciers désignés par l’acte authentique de renonciation.

Afin d’obtenir un prêt, il est donc possible à l’entrepreneur individuel de renoncer au profit d’une banque à l’insaisissabilité de sa résidence principale.

==> Conditions

Tout d’abord, la renonciation au dispositif d’insaisissabilité doit être effectuée au moyen d’un acte notarié à l’instar de la déclaration d’insaisissabilité.

Ensuite, l’article R. 526-2 du Code de commerce prévoir que cette renonciation doit dans un délai d’un mois, faire l’objet d’une demande d’inscription modificative au registre du commerce et des sociétés.

Enfin, lorsque le bénéficiaire de cette renonciation cède sa créance, le cessionnaire peut se prévaloir de celle-ci.

==> Révocation

La renonciation peut néanmoins, à tout moment, être révoquée dans les mêmes conditions de validité et d’opposabilité que celles prévues pour la déclaration d’insaisissabilité.

Il s’agit là d’une faculté qui peut être exercée discrétionnairement par l’entrepreneur individuel, sans que les créanciers puissent former opposition.

Cette révocation n’aura toutefois d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits sont nés postérieurement à sa publication.

La transmission universelle du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel: régime

==> Généralités

La loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante a fortement innové en prévoyant la possibilité pour l’entrepreneur individuel de procéder à une transmission universelle entre vifs de son patrimoine professionnel.

Le transfert universel du patrimoine professionnel peut être défini comme la cession, à titre universel et indivisible, de l’ensemble des biens, droits et obligations compris dans ce patrimoine. Elle peut être consentie à titre onéreux ou gratuit. La cession des biens et droits à une société peut également revêtir la forme d’un apport en société.

L’objectif recherché par le législateur est de faciliter la transmission d’une entreprise individuelle (par vente ou donation) ou de faciliter sa transformation en société, tout en préservant les droits des créanciers.

À cet égard, comme souligné par l’étude d’impact réalisé au stade du projet de loi, le dispositif envisagé vise à « créer un continuum permettant d’assurer la fluidité du passage d’une activité amorcée en entreprise individuelle vers l’exploitation en société pour en poursuivre le développement et la croissance ».

Le dispositif instauré par le législateur permet a priori à l’entrepreneur individuel de bénéficier d’un régime de faveur quant aux modalités de la transmission des biens et obligations composant son patrimoine qui, s’ils étaient transmis à titre particulier, seraient soumis à des règles hétérogènes et, pour certaines, contraignantes (donation, cession de créances, vente immobilière etc.).

Le dispositif de transmission universelle de patrimoine présente l’avantage de pouvoir être mise en œuvre par l’effet d’un seul acte soumis aux seules conditions attachées aux modalités de transmission propres à l’universalité[1].

I) Le principe de transmission universelle entre vifs du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel

L’article L. 526-27 du Code de commerce prévoit que « l’entrepreneur individuel peut céder à titre onéreux, transmettre à titre gratuit entre vifs ou apporter en société l’intégralité de son patrimoine professionnel, sans procéder à la liquidation de celui-ci. »

Cette disposition reconnaît donc à l’entrepreneur la faculté de céder ou de donner l’intégralité de son patrimoine et de préciser que cette transmission s’opère sans qu’il y ait lieu de procéder à une liquidation.

Cela signifie qu’il n’est pas besoin pour l’entrepreneur individuel de se libérer de ses obligations pour transmettre son patrimoine.

Elles sont transmises, sans novation, ni extinction, au bénéficiaire de la transmission, lequel se substitue à l’entrepreneur individuel dans ses rapports d’obligations.

Cette faculté de transmission universelle octroyée à l’entrepreneur individuel constitue une véritable nouveauté en ce qu’elle déroge au principe général interdisant à une personne physique de transmettre, de son vivant, son patrimoine.

Cette interdiction s’explique par le fait que « le patrimoine est la représentation pécuniaire de la personne ».

Autrement dit, si le patrimoine exprime la situation financière de son titulaire, il traduit surtout son aptitude à être titulaires de droits et d’obligations. Or cette aptitude perdure aussi longtemps que la personne est en vie.

Cette caractéristique du patrimoine emporte notamment comme conséquence son incessibilité du vivant de la personne physique.

Si rien n’empêche le titulaire – personne physique – d’un patrimoine à céder tous ses biens et/ou toutes ses dettes, il ne peut, en revanche, céder son aptitude à acquérir de nouveaux droits et contracter de nouvelles dettes.

C’est la raison pour laquelle le patrimoine d’une personne physique est incessible entre vifs. Il ne peut être transmis qu’à cause de mort.

Tel était du moins l’état du droit positif avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2022-172 du 14 février 2022 qui a instauré un dispositif permettant à un entrepreneur individuel de transmettre un ensemble d’actifs et de passifs afférents à son activité professionnelle.

Il peut être observé que contrairement à la cession d’un fonds de commerce, qui ne porte que sur un actif composé de divers biens et droits, le transfert de patrimoine professionnel peut aussi porter sur des dettes professionnelles.

De ce point de vue, le transfert d’un patrimoine professionnel ressemble très étroitement, dans son principe, à la succession d’une personne physique.

En effet, le patrimoine transmis s’analyse ici comme une universalité de droit, soit comme un ensemble constitué d’un actif et d’un passif.

Pour cette raison, la transmission universelle de patrimoine ne s’envisage que si elle vise à céder l’intégralité de l’actif et du passif de l’entrepreneur individuel présentant un caractère professionnel.

À cet égard, l’article L. 526-27 du Code de commerce précise que cette transmission s’opère sans qu’il y ait lieu de procéder à une liquidation.

Cela signifie qu’il n’est pas besoin pour l’entrepreneur individuel de se libérer de ses obligations pour céder son patrimoine.

Elles sont transmises, sans novation, ni extinction, au bénéficiaire de la transmission, lequel se substitue à l’entrepreneur individuel dans ses rapports d’obligations.

II) Le régime de la transmission universelle entre vifs du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel

A) Les modalités de transmission

L’article L. 526-27, al. 2e du Code de commerce prévoit que le transfert universel du patrimoine professionnel peut s’opérer selon trois modalités différentes :

  • La cession à titre onéreux
  • La donation
  • L’apport en société

B) Règles applicables

Si le régime de la transmission universelle de patrimoine est, pour une large part, emprunté à celui applicable en cas de fusion de sociétés ou de réunion des parts en une seule main, il s’en distingue néanmoins en raison de la différence de situation.

En effet, à la différence de la transmission universelle du patrimoine d’une société dissoute, celle d’un patrimoine professionnel n’emporte pas disparition de la personne de l’entrepreneur individuel.

Pour cette raison, le législateur a été contraint d’opérer un certain nombre d’adaptations, à telle enseigne que certaines règles interrogent sur le caractère réellement universel de la transmission de patrimoine telle qu’envisagée pour l’entrepreneur individuel

==> Des règles propres à la transmission universelle

L’un des principaux intérêts de la transmission universelle réside pour son auteur dans la possibilité de soumettre le transfert de son patrimoine à un régime juridique unique.

Si, en effet, il avait transmis à titre particulier les éléments de ce patrimoine, chaque opération, prise individuellement, aurait été soumise à un régime juridique spécifique.

C’est d’ailleurs ce que rappelle en substance l’article L. 526-27, al. 1er du Code de commerce en prévoyant que « le transfert non intégral d’éléments de ce patrimoine demeure soumis aux conditions légales applicables à la nature dudit transfert et, le cas échéant, à celle du ou des éléments transférés. »

Ce n’est donc que si le transfert porte sur l’intégralité du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel que les règles propres à la transmission universelles peuvent jouer.

À cet égard, selon les modalités choisies par l’entrepreneur individuel pour transmettre son patrimoine, la transmission universelle obéira à des règles différentes.

La transmission universelle à titre onéreux devrait ainsi être soumise au régime de la vente, tandis que la transmission universelle à titre gratuit devrait être soumise au régime des donations.

Quant à la transmission du patrimoine au profit d’une société, elle devrait être régie par les règles de l’apport.

Afin que la transmission universelle du patrimoine de l’entrepreneur individuel puisse s’opérer efficacement et pour faciliter sa mise en œuvre, le législateur a écarté le jeu de plusieurs règles susceptibles d’interférer avec le transfert.

L’article L. 526-29 du Code de commerce prévoit ainsi que ne sont pas applicables au transfert universel du patrimoine professionnel d’un entrepreneur individuel, toute clause contraire étant réputée non écrite :

  • L’article 815-14 du Code civil
    • Cette disposition régit le droit de préemption dont sont titulaires les coïndivisaires d’un bien en cas de cession d’une quote-part indivise par un indivisaire à un tiers.
  • L’article 1699 du Code civil
    • Cette disposition régit la cession d’un droit litigieux
  • Les articles L. 141-12 à L. 141-22 du Code de commerce
    • Ces dispositions régissent le privilège du vendeur de fonds de commerce

Aussi, dans l’hypothèse où le patrimoine de l’entrepreneur individuel comprendrait un bien indivis ou un fonds de commerce, la transmission de ce patrimoine ne pourra ainsi pas se heurter à l’exercice du droit de préemption d’un coindivisaire ou à la mise en œuvre du privilège du vendeur.

La transmission universelle s’opèrera nonobstant ces dispositifs qui, en cas de transfert à titre particulier, feraient obstacle à la réalisation de l’opération.

==> La résurgence de règles de droit commun

Bien que le dispositif de transmission universelle d’un patrimoine présente la particularité d’être soumis à un seul et même régime juridique, l’article L. 526-27, al. 3e du Code de commerce assortit ce principe d’une exception.

Cette disposition prévoit, en effet, que « sous réserve de la présente section, les dispositions légales relatives à la vente, à la donation ou à l’apport en société de biens de toute nature sont applicables, selon le cas. Il en est de même des dispositions légales relatives à la cession de créances, de dettes et de contrats. »

Une lecture du texte suggère que, nonobstant la transmission universelle, les règles propres au transfert de chaque bien et de chaque obligation logés dans le patrimoine transmis demeureraient applicables.

La règle ainsi posée est pour le moins énigmatique dans la mesure où son application littérale conduirait à ruiner le principe même de la transmission universelle qui devrait précisément avoir pour effet de neutraliser le jeu des règles applicables à chaque opération prise individuellement.

En l’absence de dispositions qui précisent l’intention du législateur, la question de l’articulation entre les règles propres à la transmission universelle et celles propres au transfert de chaque élément du patrimoine est ouverte.

C) Les conditions de transmission

Selon les modalités choisies par l’entrepreneur individuel pour transmettre son patrimoine, les conditions applicables diffèrent.

Certaines conditions s’appliquent, en revanche, quelle que soit la modalité de transmission retenue

1. Conditions communes

La transmission universelle du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel est subordonnée à la réunion de deux conditions générales :

  • Première condition
    • L’article L. 526-30 du Code de commerce prévoit que « le transfert doit porter sur l’intégralité du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel, qui ne peut être scindé»
    • Aussi, quand bien même l’entrepreneur individuel exercerait plusieurs activités professionnelles, interdiction lui est faite de « scinder » son patrimoine en plusieurs parties.
    • La transmission ne pourra porter que sur la globalité de son patrimoine.
    • Il s’agit ici d’éviter qu’une scission du patrimoine préjudicie à certains créanciers.
    • Le non-respect de cette condition est sanctionné par la nullité de la transmission du patrimoine.
  • Seconde condition
    • L’article L. 526-27, al. 4e du Code de commerce prévoit que la transmission universelle du patrimoine n’est pas permise si l’entrepreneur individuel s’est « obligé contractuellement à ne pas céder un élément de son patrimoine professionnel ou à ne pas transférer celui-ci à titre universel».
    • Le texte précise que la violation de cette règle engage la responsabilité de l’entrepreneur individuel sur l’ensemble de ses biens, sans emporter la nullité du transfert.

2. Conditions spécifiques

Selon les modalités de transmission choisies par l’entrepreneur individuel les conditions d’application diffèrent.

==> La transmission universelle à titre onéreux

Dans cette hypothèse, ce sont donc les règles de la vente qui devraient s’appliquer.

Aussi, pour être valide, la transmission devra notamment satisfaire aux conditions posées à l’article 1583 du Code civil.

Pour mémoire, cette disposition prévoit que la vente « est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé. »

Bien que s’imposant comme naturelle en cas de cession à titre onéreux du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel, l’application du régime de la vente n’est pas sans soulever des difficultés.

Il est plusieurs questions qui se posent auxquelles les textes n’apportent, pour l’heure, aucune réponse.

Ainsi, le cédant du patrimoine sera-t-il tenu aux mêmes garanties que celles du vendeur (garantie des vices cachés, garantie d’éviction) ? La rescision pour lésion sera-t-elle possible, lorsque le patrimoine professionnel comprend des biens dont la vente peut être rescindée ? Le cédant à titre onéreux jouira-t-il des divers privilèges du vendeur ?

==> La transmission universelle à titre gratuit

Dans cette hypothèse, la transmission universelle s’analysera en une donation. Elle pourra prendre la forme d’une donation ordinaire ou d’une donation-partage.

En tout état de cause, ce sont les règles des libéralités qui ont vocation à s’appliquer et plus précisément celles relatives aux donations.

Pour être valable, la transmission supposera notamment, conformément à l’article 931 du Code civil, d’établir un acte notarié.

==> La transmission universelle sous la forme d’un apport en société

Lorsque la transmission universelle prend la forme d’un apport en société, elle s’analyse en un apport en nature.

Aussi, ce sont les règles du droit des sociétés qui s’appliquent ; mais pas seulement.

Les articles L. 526-30 et L. 526-31 énoncent trois règles spécifiques applicables à la transmission universelle sous forme d’apport en société.

  • Première règle
    • En cas d’apport à une société nouvellement créée, l’actif disponible du patrimoine professionnel doit permettre de faire face au passif exigible sur ce même patrimoine ( L. 526-30, 2e C. com.)
    • La situation contraire serait, en effet, constitutive d’une cessation des paiements et devrait donc obliger le titulaire du patrimoine professionnel à demander l’ouverture d’une procédure collective portant sur ce patrimoine.
  • Deuxième règle
    • Ni l’auteur, ni le bénéficiaire du transfert ne doivent avoir été frappés de faillite personnelle ou d’une peine d’interdiction prévue à l’article L. 653-8 du présent code ou à l’article 131-27 du Code pénal, par une décision devenue définitive ( L. 526-30, 3° C. com.)
  • Troisième règle
    • Lorsque le patrimoine professionnel apporté en société contient des biens constitutifs d’un apport en nature, il est fait recours à un commissaire aux apports ( L. 526-31 C. com.)

III) Les effets de la transmission universelle entre vifs du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel

A) Les effets de la transmission universelle entre les parties

L’article L. 526-27, al. 2e du Code de commerce prévoit que « le transfert universel du patrimoine professionnel emporte cession des droits, biens, obligations et sûretés dont celui-ci est constitué ».

Le transfert vise ici à transférer le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel envisagé comme une universalité de droit.

Par universalité de droit il faut entendre, pour mémoire, un ensemble pécuniaire permanent qui comprend, un actif et un passif réuni autour d’une même personne et dont l’un répond de l’autre.

Aussi, est-ce l’ensemble de l’actif, mais également du passif qui sont transférés, étant précisé que ce transfert s’opère sans liquidation.

Le transfert a donc pour effet de libérer l’entrepreneur individuel de ses obligations professionnelles qui sont transmises au bénéficiaire du patrimoine.

S’agissant des sûretés constituées en garantie des obligations transférées, elles subissent le même sort en raison de leur caractère accessoire.

L’opération de transmission ne devrait donc pas avoir pour effet de libérer les cautions, ni de remettre en cause les sûretés réelles constituées sur les biens relevant du patrimoine professionnel, objet du transfert.

B) Les effets de transmission universelle à l’égard des tiers

La transmission universelle de patrimoine n’est pas sans incidence sur les tiers, en particulier sur les créanciers de l’entrepreneur individuel.

L’opération a pour effet de leur donner un nouveau débiteur, le bénéficiaire de la transmission universelle, qui se substitue à l’entrepreneur individuel.

Il en résulte que le cessionnaire, le donataire ou le bénéficiaire de l’apport en société devient débiteur des créanciers dont les droits sont nés à l’occasion de l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel, sans que cette substitution emporte novation à leur égard.

Si, à première vue, cette substitution de débiteur s’apparente à une cession de dette, à l’analyse, elle s’en distingue en ce que l’accord des créanciers cédés n’est pas requis.

Ces derniers sont donc « cédés » de plein droit par l’effet de la transmission universelle du patrimoine.

Dans le silence des textes, cette cession joue pour tous les créanciers y compris pour ceux dont la créance est issue d’un contrat intuitu personae, ce qui n’est pas sans portée atteinte au principe d’autonomie de la volonté.

Pour cette raison, le législateur a mis en place un dispositif visant à assurer la protection des créanciers antérieurs auxquels le changement le débiteur est susceptible de préjudicier.

Ce dispositif s’articule autour de deux séries de règles qui instituent :

  • D’une part, un formalisme d’opposabilité
  • D’autre part, un droit d’opposition

1. Le formalisme d’opposabilité aux tiers de la transmission universelle de patrimoine

==> Formalités générales

L’article L. 526-27 du Code de commerce prévoit que « le transfert de propriété ainsi opéré n’est opposable aux tiers qu’à compter de sa publicité, dans des conditions prévues par décret. »

Il ressort de cette disposition que l’opposabilité de la transmission universelle est subordonnée à l’accomplissement de formalités de publicité.

La date de ces formalités correspond, en quelque sorte, à la ligne de démarcation entre les créanciers antérieurs et les créanciers postérieurs.

À cet égard, seuls les créanciers dont la créance est née antérieurement avant la publicité du transfert de propriété peuvent former opposition au transfert du patrimoine professionnel.

S’agissant des formalités à accomplir, l’article D. 526-30 du Code de commerce prévoit que le cédant, le donateur ou l’apporteur publie, à sa diligence, le transfert universel du patrimoine professionnel, sous forme d’avis au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, au plus tard un mois après sa réalisation.

Cet avis contient les indications suivantes :

  • S’agissant du cédant, du donateur ou de l’apporteur : les nom de naissance, nom d’usage, prénoms, le cas échéant nom commercial ou professionnel, l’activité professionnelle ou les activités professionnelles exercées ainsi que les numéros et codes caractérisant cette activité ou ces activités visés aux 1° à 3° de l’article R. 123-223, l’adresse de l’établissement principal ou, à défaut d’établissement, l’adresse du local d’habitation où l’entreprise est fixée et le numéro unique d’identification de l’entreprise délivré conformément à l’article D. 123-235 ;
  • S’agissant du cessionnaire, du donataire ou du bénéficiaire de l’apport : les nom de naissance, nom d’usage, prénoms, le cas échéant nom commercial ou professionnel, l’adresse de l’établissement principal ou, à défaut d’établissement, l’adresse du local d’habitation où l’entreprise est fixée, le cas échéant, la raison sociale ou la dénomination sociale suivie du sigle, de la forme, de l’adresse du siège, du montant du capital et du numéro unique d’identification de l’entreprise délivré conformément à l’article D. 123-235 ainsi que, le cas échéant, les numéros et codes caractérisant l’activité ou les activités professionnelles exercées visés aux 1° à 3° de l’article R. 123-223.

L’avis publié au bulletin est accompagné d’un état descriptif des biens, droits, obligations ou sûretés composant le patrimoine professionnel, tel qu’il résulte du dernier exercice comptable clos actualisé à la date du transfert, ou, pour les entrepreneurs individuels qui ne sont pas soumis à des obligations comptables, à la date qui résulte de l’accord des parties.

L’état descriptif est établi dans des formes prévues par arrêté du ministre chargé de l’économie.

La sanction de l’absence de réalisation de ces formalités est l’inopposabilité du transfert aux tiers.

==> Formalités spéciales

En principe, les formalités accomplies au titre de la transmission universelle devraient dispenser l’entrepreneur individuel d’accomplir les formalités qui auraient été exigées s’il avait transmis, à titre particulier, les biens et obligations composant son patrimoine professionnel.

Reste que le transfert de propriété de certains biens demeure soumis à l’accomplissement de formalités spécifiques.

À tout le moins, c’est ce que l’on peut déduire de l’article L. 526-27, al. 3e du Code de commerce qui prévoit que « sous réserve de la présente section, les dispositions légales relatives à la vente, à la donation ou à l’apport en société de biens de toute nature sont applicables, selon le cas. Il en est de même des dispositions légales relatives à la cession de créances, de dettes et de contrats. »

Aussi, dans l’hypothèse où le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel comprendrait des immeubles, son transfert supposerait l’accomplissement de formalités auprès des services de la publicité foncière, conformément à l’article 28 du décret n°55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière.

2. Le droit d’opposition des tiers à la transmission universelle de patrimoine

==> L’octroi d’un droit d’opposition

L’article L. 526-28, al. 1er du Code de commerce prévoit que « les créanciers de l’entrepreneur individuel dont la créance est née avant la publicité du transfert de propriété peuvent former opposition au transfert du patrimoine professionnel »

Le législateur a ainsi octroyé la faculté aux créanciers qui s’estimeraient lésés par la transmission du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel de réagir.

Si comme précisé par l’alinéa 2 du texte, l’opposition formée par un créancier n’a pas pour effet d’interdire le transfert du patrimoine professionnel, elle vise en revanche pour le créancier à obtenir auprès d’un juge le remboursement de sa créance ou la constitution de garanties, si le cessionnaire, le donataire ou le bénéficiaire en offre et si elles sont jugées suffisantes.

==> La titularité du droit d’opposition

En application de l’article L. 526-28, al. 1er du Code de commerce, le droit d’opposition ne peut être exercé que par les seuls créanciers « dont la créance est née avant la publicité du transfert de propriété ».

S’agissant des créanciers dont les droits sont nés postérieurement au transfert, ils ne disposent d’aucun droit de gage sur l’entrepreneur individuel qui a cédé son patrimoine professionnel, raison pour laquelle ils ne peuvent pas former opposition.

S’agissant des créanciers antérieurs, le texte n’opère aucune distinction entre eux, de sorte que le droit d’opposition devrait pouvoir être exercé, tant pour les créanciers professionnels, que par les créanciers personnels de l’entrepreneur.

Comme souligné par certains auteurs, l’ouverture d’un droit d’opposition aux créanciers personnels ne se justifie en aucune manière, dans la mesure où la transmission du patrimoine professionnel de l’entrepreneur est sans incidence sur leur droit de gage qui demeure cantonné au patrimoine personnel.

Tout au plus, ils perdent la faculté, en cas d’insuffisance d’actif dans le patrimoine personnel, d’appréhender le montant du bénéfice réalisé lors du dernier exercice clos de l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel (art. L. 526-22, al. 6e C. com.).

La situation des créanciers professionnels est, au contraire, tout à fait différente. L’opération de transfert affecte directement leur droit de gage en ce qu’ils subissent un changement de débiteur.

À supposer que leur nouveau débiteur ne soit pas solvable ou se trouve en difficulté financière, ils auront tout intérêt à réclamer auprès de l’entrepreneur individuel, soit le règlement immédiat de leur créance, soit à la constitution de sûretés.

==> L’exercice du droit d’opposition

  • Le délai d’exercice du droit d’opposition
    • Les créanciers dont la créance est née avant la publicité du transfert de propriété doivent exercer leur droit d’opposition dans le mois suivant la publication ( D. 526-30 C. com.)
  • Les modalités d’exercice du droit d’opposition
    • L’exercice du droit d’opposition requiert la saisine du Tribunal compétent qui, selon la nature de l’activité exercée par l’entrepreneur individuel, sera tantôt le Tribunal judiciaire, tantôt le Tribunal de commerce
  • L’issue de la procédure d’opposition
    • La décision de justice statuant sur l’opposition
      • Soit rejette la demande du créancier
      • Soit ordonne le remboursement des créances ou la constitution de garanties, si le cessionnaire, le donataire ou le bénéficiaire en offre et si elles sont jugées suffisantes
    • L’article L. 526-28, al. 4e précise que lorsque la décision de justice ordonne le remboursement des créances, l’entrepreneur individuel auteur du transfert est tenu de remplir son engagement.
    • Autrement dit, dans cette hypothèse, les droits des créanciers antérieurs dont l’opposition est admise sont préservés par le fait que le transfert du patrimoine professionnel leur est inopposable en cas de défaut de remboursement des créances ou de constitution des garanties ordonnées par le juge.

[1] V. en ce sens N. Jullian, « La transmission du patrimoine de l’entrepreneur, de nouvelles opérations au service des entrepreneurs individuels », JCP E, n°13, mars 2022, 1137.

Statut de l’entrepreneur individuel: la séparation des patrimoines personnel et professionnel (principe et effets)

Animé par la volonté de renforcer la protection des travailleurs indépendants, le législateur est intervenu en 2022 aux fins de créer un statut unique d’entrepreneur individuel.

À cet effet, la loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante a innové en instaurant une séparation de plein droit entre le patrimoine personnel et le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel.

Il n’est désormais plus nécessaire que celui-ci procède à une déclaration préalable d’affectation.

Dès lors qu’une personne exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes, elle est titulaire de deux patrimoines :

  • Un patrimoine professionnel constitué des biens, droits, obligations et sûretés dont l’entrepreneur est titulaire et qui sont utiles à son activité ou à ses activités professionnelles indépendantes
  • Un patrimoine personnel constitué des éléments du patrimoine de l’entrepreneur individuel non compris dans le patrimoine professionnel

Après avoir envisagé le principe de séparation des patrimoines, nous aborderons ses effets.

I) Le principe de séparation de plein droit des patrimoines professionnel et personnel

==> Patrimoine professionnel et patrimoine personnel

La loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante a donc instauré un principe de séparation de plein droit des patrimoines professionnel et personnel de l’entrepreneur individuel.

Cela signifie que toute personne endossant le statut d’entrepreneur individuel est désormais titulaire, de plein droit, soit sans qu’il soit nécessaire d’accomplir un quelconque acte de volonté ou toute autre formalité, de deux patrimoines distincts :

  • Un patrimoine professionnel constitué des biens, droits, obligations et sûretés dont l’entrepreneur est titulaire et qui sont utiles à son activité ou à ses activités professionnelles indépendantes
  • Un patrimoine personnel constitué des éléments du patrimoine de l’entrepreneur individuel non compris dans le patrimoine professionnel

Sous l’empire du droit antérieur, la ligne de démarcation entre le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel de l’entrepreneur exerçant en EIRL procédait d’une déclaration d’affectation.

Pratiquement cette déclaration consistait pour l’entrepreneur à désigner les biens qu’il jugeait nécessaire à l’exercice de son activité professionnelle.

Désormais, la consistance de l’un et l’autre patrimoine est déterminée par un critère fixé par la loi : le critère de « l’utilité ».

==> Le critère de l’utilité

En application de l’article L. 526-22 du Code de commerce, le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel serait donc constitué – automatiquement – de l’ensemble des biens, droits, obligations et sûretés « utiles » à l’exercice de son activité professionnelle.

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir ce que l’on doit entendre par « utile ». Il s’agit là d’une notion qui occupe une place centrale dans le dispositif mis en place par le législateur.

Aussi, afin de garantir la sécurité juridique de l’entrepreneur individuel, de ses ayants droit, mais également des tiers, le décret n° 2022-725 du 28 avril 2022 est venu préciser la notion d’utilité en dressant une liste des biens, droits et obligations réputés utiles à l’exercice de l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel.

L’article R. 526-26 du Code de commerce, issu de ce décret, prévoit en ce sens :

En premier lieu, que les biens, droits, obligations et sûretés dont l’entrepreneur individuel est titulaire, utiles à l’activité professionnelle, s’entendent de ceux qui, par nature, par destination ou en fonction de leur objet, servent à cette activité, tels que :

  • Le fonds de commerce, le fonds artisanal, le fonds agricole, tous les biens corporels ou incorporels qui les constituent et les droits y afférents et le droit de présentation de la clientèle d’un professionnel libéral ;
  • Les biens meubles comme la marchandise, le matériel et l’outillage, le matériel agricole, ainsi que les moyens de mobilité pour les activités itinérantes telles que la vente et les prestations à domicile, les activités de transport ou de livraison ;
  • Les biens immeubles servant à l’activité, y compris la partie de la résidence principale de l’entrepreneur individuel utilisée pour un usage professionnel ; lorsque ces immeubles sont détenus par une société dont l’entrepreneur individuel est actionnaire ou associé et qui a pour activité principale leur mise à disposition au profit de l’entrepreneur individuel, les actions ou parts d’une telle société ;
  • Les biens incorporels comme les données relatives aux clients, les brevets d’invention, les licences, les marques, les dessins et modèles, et plus généralement les droits de propriété intellectuelle, le nom commercial et l’enseigne ;
  • Les fonds de caisse, toute somme en numéraire conservée sur le lieu d’exercice de l’activité professionnelle, les sommes inscrites aux comptes bancaires dédiés à cette activité, notamment au titre des articles L. 613-10 du code de la sécurité sociale et L. 123-24 du présent code, ainsi que les sommes destinées à pourvoir aux dépenses courantes relatives à cette même activité.

En second lieu, que lorsque l’entrepreneur individuel est tenu à des obligations comptables légales ou réglementaires, son patrimoine professionnel est présumé comprendre au moins l’ensemble des éléments enregistrés au titre des documents comptables, sous réserve qu’ils soient réguliers et sincères et donnent une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l’entreprise. Sous la même réserve, les documents comptables sont présumés identifier la rémunération tirée de l’activité professionnelle indépendante, qui est comprise dans le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel.

==> Sort des biens mixtes

À l’occasion des travaux parlementaires, le Sénat avait relevé que le projet de loi examiné était silencieux sur le sort des biens mixtes, soit ceux utilisés à la fois à des fins professionnelles ou personnelles.

La question qui est alors susceptible de se poser est de savoir à quelle masse de biens ce type de bien appartient, à tout le moins comment articuler le droit de gage des créanciers professionnel et personnel.

Afin d’apporter une meilleure protection à l’entrepreneur individuel les sénateurs ont proposé de limiter les biens relevant du patrimoine professionnel à ceux « exclusivement utiles » à l’exercice de l’activité professionnelle.

De cette façon, les biens à usage mixte seraient nécessairement compris dans le patrimoine personnel.

En contrepartie, il a été imaginé que le droit de gage des créanciers professionnels soit étendu au patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel à hauteur de la valeur d’un droit d’usage des biens mixtes, correspondant à leur utilisation effective dans un cadre professionnel pour une durée d’une année.

L’illustration a été donnée du local dont l’entrepreneur individuel est propriétaire ou locataire qui serait utilisé à des fins professionnelles et personnelles. Les créanciers professionnels seraient en droit de saisir sur le patrimoine personnel de l’entrepreneur l’équivalent des sommes dues pour une mise à disposition non exclusive du local pendant un an.

Bien que séduisante, cette proposition n’a finalement pas été retenue par l’Assemblée nationale au motif qu’elle aurait conduit à ajouter de la complexité au critère de l’utilité.

Faute de précision dans la version finale de la loi du sort des biens mixtes, la Conseil d’État a suggéré qu’un décret soit adopté afin de pallier cette carence qui est de nature à affecter la sécurité juridique de l’entrepreneur individuel.

==> Charge de la preuve

L’article L. 526-22, al. 6e du Code de commerce prévoit que la charge de la preuve incombe à l’entrepreneur individuel pour toute contestation de mesures d’exécution forcée ou de mesures conservatoires qu’il élève concernant l’inclusion ou non de certains éléments d’actif dans le périmètre du droit de gage général du créancier.

Aussi, appartiendra-t-il à l’entrepreneur, pour échapper aux poursuites de ses créanciers, de prouver que le bien appréhendé :

  • Soit est utile à son activité professionnelle s’il prétend que la dette poursuivie n’est pas née à l’occasion de son activité professionnelle
  • Soit n’est pas utile à son activité professionnelle s’il prétend que la dette poursuivie est née à l’occasion de son activité professionnelle.

Le texte ajoute que la responsabilité du créancier saisissant peut être recherchée pour abus de saisie lorsqu’il a procédé à une mesure d’exécution forcée ou à une mesure conservatoire sur un élément d’actif ne faisant manifestement pas partie de son gage général.

Avant d’appréhender un ou plusieurs biens de l’entrepreneur individuel, le créancier devra donc s’assurer que le bien convoité relève du patrimoine sur lequel s’exerce son droit de gage général. À défaut, il s’expose à engager sa responsabilité.

II) Les effets du principe de séparation de plein droit des patrimoines professionnel et personnel

A) La date de prise d’effet du principe de séparation de plein droit des patrimoines professionnel et personnel

L’article L. 526-23 du Code de commerce régit la prise d’effet du principe de séparation des patrimoines dont la mise en œuvre consiste pour l’entrepreneur individuel à ne répondre de ses dettes contractées dans le cadre de son activité professionnelle que sur son seul patrimoine professionnel.

L’enjeu pour le législateur était de permettre aux tiers de savoir au moment où ils contractent avec un entrepreneur individuel s’il est ou non tenu de répondre de ses engagements sur l’ensemble de ses biens.

Afin de satisfaire à cet objectif, le législateur a subordonné la limitation du droit de gage des créanciers de l’entrepreneur individuel à la condition que son activité professionnelle ait fait l’objet, à la date de naissance de la créance, d’une mesure de publicité adéquate : immatriculation à un registre de publicité légale, inscription sur une liste ou au tableau d’un ordre etc.

Dans l’hypothèse toutefois où aucune obligation d’immatriculation ne pèse sur l’entrepreneur individuel, la date de prise d’effet est fixée au jour de l’accomplissement du premier acte matérialisant le commencement d’activité professionnelle.

Pratiquement, la prise d’effet du principe de séparation des patrimoines diffère donc selon que pèse ou non sur l’entrepreneur individuel une obligation d’immatriculation.

  • L’entrepreneur est assujetti à une obligation d’immatriculation
    • Dans cette hypothèse, le principe de séparation des patrimoines prend effet à compter de l’immatriculation au registre dont relève l’entrepreneur individuel pour son activité (registre du commerce et des sociétés, répertoires des métiers etc.).
    • Lorsque celui-ci relève de plusieurs registres, la dérogation prend effet à compter de la date d’immatriculation la plus ancienne.
    • À cet égard, lorsque la date d’immatriculation est postérieure à la date déclarée du début d’activité, le principe de séparation des patrimoines prend effet à compter de la date déclarée du début d’activité, dans les conditions prévues par décret en Conseil d’État.
  • L’entrepreneur n’est pas assujetti à une obligation d’immatriculation
    • Dans cette hypothèse, l’article L. 526-23 du Code de commerce prévoit que la séparation des patrimoines opère à compter du premier acte que l’entrepreneur exerce en qualité d’entrepreneur individuel.
    • Pour déterminer cette date, il conviendra, suggère le texte, de se reporter aux documents et correspondances éventuellement établis par l’entrepreneur individuel dans la mesure à sa qualité doit obligatoirement y être mentionnée.

B) Le déploiement des effets du principe de séparation de plein droit des patrimoines professionnel et personnel

1. Dans les rapports entre l’entrepreneur et les créanciers professionnels

1.1 Principe

L’article L. 526-22, al. 3e du Code de commerce prévoit que « par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil et sans préjudice des dispositions légales relatives à l’insaisissabilité de certains biens, notamment la section 1 du présent chapitre et l’article L. 526-7 du présent code, l’entrepreneur individuel n’est tenu de remplir son engagement à l’égard de ses créanciers dont les droits sont nés à l’occasion de son exercice professionnel que sur son seul patrimoine professionnel, sauf sûretés conventionnelles ou renonciation dans les conditions prévues à l’article L. 526-25. »

Il ressort de cette disposition que l’entrepreneur individuel répond des dettes contractées dans le cadre de son activité professionnelle sur son seul patrimoine professionnel.

C’est là la conséquence directe du principe de séparation des patrimoines qui donc limite le gage des créanciers professionnels qui ne pourront donc pas exercer leurs poursuites sur le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel.

La séparation entre les patrimoines professionnel et personnel n’est toutefois pas absolue ; elle souffre de quelques tempéraments visant tantôt à octroyer de la souplesse quant à la mise en œuvre du dispositif, tantôt à protéger certains créanciers.

1.2 Tempéraments

Le législateur a assorti le principe de séparation des patrimoines de deux tempéraments afin de faciliter l’accès au crédit de l’entrepreneur individuel dans ses rapports avec les créanciers professionnels.

a. Constitution de sûretés sur le patrimoine personnel

L’article L. 526-22, al. 4e du Code de commerce autorise l’entrepreneur individuel, nonobstant le principe de séparation des patrimoines, à consentir à ses créanciers professionnels des sûretés constituées sur des biens relevant de son patrimoine personnel.

Par exemple, il peut constituer une hypothèque sur un bien immobilier personnel en garantie d’un prêt contracté auprès d’un établissement de crédit aux fins de financer son activité professionnelle.

L’alinéa 3 du texte précise, en revanche, que « la distinction des patrimoines personnel et professionnel de l’entrepreneur individuel ne l’autorise pas à se porter caution en garantie d’une dette dont il est débiteur principal. »

Cette règle qui interdit à l’entrepreneur individuel de s’auto-cautionner trouve sa racine dans l’économie générale de l’opération de cautionnement qui requiert que la caution soit une personne distincte du débiteur principal.

Déjà sous l’empire du droit antérieur, la Cour de cassation avait jugé dans un arrêt du 28 avril 1964 qu’un entrepreneur individuel ne pouvait pas cautionner les dettes souscrites au titre de son activité professionnelle.

Au soutien de sa décision, elle avait avancé que « celui qui est débiteur d’une obligation à titre principal ne peut être tenu de la même obligation comme caution » (Cass. com. 28 avr. 1964). Était ainsi posée l’interdiction de l’engagement de caution souscrit pour soi-même.

Il en résulte que la faculté pour l’entrepreneur principal de consentir à ses créanciers professionnels des garanties conventionnelles n’opère que pour les sûretés réelles.

Il peut enfin être observé que cette faculté n’est prévue par la loi qu’au bénéfice des créanciers professionnels.

Aucune disposition de ce type n’est prévue en sens inverse, au profit des créanciers personnels.

Il s’en déduit qu’il est fait interdiction à l’entrepreneur individuel de constituer une sûreté sur un bien relevant de son patrimoine professionnel aux fins de garantir une dette personnelle.

b. Renonciation à la séparation des patrimoines

b.1 Principe de la renonciation

Afin de ne pas limiter les capacités de financement de l’entrepreneur individuel, la loi l’autorise à renoncer purement et simplement au principe de séparation des patrimoines.

En exerçant ce droit, l’entrepreneur permet ainsi à ses créanciers d’étendre leur droit de gage sur tout ou partie de son patrimoine personnel.

Concrètement, le créancier poursuivant pourra ainsi saisir les biens personnels de l’entrepreneur individuel pour obtenir le recouvrement de sa créance, à l’exclusion de ceux frappés d’insaisissabilités telle que la résidence principale.

Cette faculté de renonciation a été prévue par le législateur afin de ne pas empêcher les entrepreneurs qui n’ont que peu de garanties à proposer d’accéder plus facilement au crédit.

Comme relevé lors de débats parlementaires, il s’agit là d’une grande avancée par rapport au statut de l’EIRL, qui ne permettait pas une renonciation spécifique : c’était « tout ou rien ».

b.2 Modalités de la renonciation

La renonciation étant un acte grave, dont les conséquences peuvent être ruineuses pour l’entrepreneur, sa validité est subordonnée à l’observation d’un certain nombre de modalités fixées par la loi.

i. Une demande formulée par le créancier professionnel

L’article L. 526-25 du Code de commerce prévoit que la renonciation de l’entrepreneur au principe de séparation des patrimoines n’est valable que si, au préalable, le créancier professionnel en a fait la demande.

Cette demande, formulée par le créancier professionnel doit être écrite

Le créancier professionnel devra s’assurer qu’elle a bien été réceptionnée par l’entrepreneur individuel, dans la mesure où la réception de la demande de renonciation fait courir au délai de réflexion.

ii. L’observation d’un délai de réflexion 

  • Principe
    • À réception de la demande de renonciation formulée par le créancier professionnel, l’entrepreneur individuel dispose d’un délai de réflexion de sept jours francs.
    • Cela signifie que l’acte de renonciation ne peut produire ses effets avant l’expiration de ce délai.
  • Tempérament
    • L’article L. 526-25, al. 2e du Code de commerce prévoit la possibilité de réduire le délai de réflexion à trois jours francs Si l’entrepreneur individuel fait précéder sa signature d’une mention manuscrite dont les termes sont fixés par l’article D. 526-28, IV du Code de commerce.
    • Cette disposition prévoit que Lorsque l’entrepreneur individuel et le bénéficiaire de la renonciation entendent réduire le délai de réflexion au terme duquel la renonciation intervient, dans les conditions prévues au second alinéa de l’article L. 526-25, l’acte de renonciation porte, de la main de l’entrepreneur individuel, la mention manuscrite suivante :
      • « Je déclare par la présente renoncer au bénéfice du délai de réflexion de sept jours francs, fixé conformément aux dispositions de l’article L. 526-25 du code de commerce. En conséquence, ledit délai est réduit à trois jours francs. »
    • La possibilité de réduire le délai de réflexion à 3 jours procède d’un amendement proposé par les sénateurs qui ont fait valoir que le délai de sept jours pourrait apparaître long en cas de besoin urgent pour l’entrepreneur individuel d’accéder au crédit et notamment obtenir un crédit court terme pour faire face à une baisse voire à une interruption imprévue de son activité.

iii. L’établissement d’un acte de renonciation

?: Conditions de fond 

  • Une renonciation spéciale
    • L’article L. 526-25 du Code de commerce prévoit que l’entrepreneur individuel ne peut renoncer au principe de séparation des patrimoines que « pour un engagement spécifique dont il doit rappeler le terme et le montant, qui doit être déterminé ou déterminable. »
    • À la différence de l’entrepreneur qui exerçait en EIRL, l’entrepreneur individuel ne pourra donc pas opter pour une renonciation globale, soit qui opérerait pour l’ensemble des dettes contractées.
    • Pratiquement, l’acte de renonciation devra donc :
      • D’une part, désigner l’engagement spécifique concerné
      • D’autre part, préciser le terme et le montant de cet engagement
    • À défaut, la renonciation encourt la nullité
  • Une renonciation éclairée
    • L’article D 526-28 du Code de commerce met à la charge du bénéficiaire de la renonciation une obligation d’information sur les conséquences de celle-ci sur les patrimoines de l’entrepreneur individuel.
    • L’information délivrée doit ainsi permettre à ce dernier d’apprécier la portée de cette renonciation, laquelle est susceptible d’emporter de lourdes conséquences sur le patrimoine personnel de l’entrepreneur. Individuel, puisque réintégré dans l’assiette du droit de gage général des créanciers professionnels.
    • Cette obligation d’information n’est toutefois assortie d’aucune sanction.
    • Aussi, est-ce à la jurisprudence qu’il reviendra de préciser ce point et notamment de déterminer si le défaut d’information doit être sanctionné par la nullité de la renonciation ou par l’octroi de dommages et intérêts.

?: Conditions de forme

==> Remise d’un modèle d’acte

L’article D. 526-29 du Code de commerce prévoit que « si le bénéficiaire de la renonciation est un établissement de crédit ou une société de financement au sens de l’article L. 511-1 du code monétaire et financier, il remet gratuitement un exemplaire du modèle type à l’entrepreneur individuel qui en fait la demande. »

À cet effet, un modèle type d’acte de renonciation a été approuvé par l’arrêté du 12 mai 2022 relatif à certaines formalités concernant l’entrepreneur individuel et ses patrimoines (accessible à partir du lien suivant : modèle de renonciation)

==> Les mentions figurant dans l’acte

L’article L. 526-25 du Code de commerce prévoit que la renonciation par l’entrepreneur individuel au principe de séparation des patrimoines « doit respecter, à peine de nullité, des formes prescrites par décret. »

Il y a donc lieu de se reporter à l’article D. 526-28 issu du décret n° 2022-799 du 12 mai 2022 afin de déterminer les formes devant être observées par l’acte de renonciation.

Cette disposition prévoit que doivent figurer plusieurs sortes de mentions sur l’acte de renonciation :

  • En ce qui concerne l’entrepreneur individuel renonçant à la protection de son patrimoine personnel
    • Les nom de naissance, nom d’usage, prénoms, nationalité, date et lieu de naissance et domicile de l’entrepreneur individuel ;
    • L’activité ou les activités professionnelles et, s’il en est utilisé, le nom commercial et l’enseigne ainsi que les numéros et codes caractérisant l’activité ou les activités visés aux 1° à 3° de l’article R. 123-223 ;
    • L’adresse de l’établissement principal où est exercée l’activité professionnelle, ou, à défaut d’établissement, l’adresse du local d’habitation où l’entreprise est fixée ;
    • Le numéro unique d’identification de l’entreprise, délivré conformément à l’article D. 123-235 si l’entrepreneur est déjà immatriculé, ou, lorsqu’elle est antérieure à la date d’immatriculation, la date déclarée du début d’activité ;
  • En ce qui concerne le bénéficiaire de la renonciation
    • Si le bénéficiaire de la renonciation est une personne physique :
      • les nom de naissance, nom d’usage, prénoms, date, lieu de naissance et domicile du bénéficiaire de la renonciation ;
      • le cas échéant, l’activité ou les activités professionnelles exercées, l’adresse de l’établissement principal où est exercée l’activité professionnelle, ou, à défaut d’établissement, l’adresse du local d’habitation où l’entreprise est fixée et, s’il en est utilisé, le nom commercial et l’enseigne ainsi que les numéros et codes caractérisant l’activité ou les activités visés aux 1° à 3° de l’article R. 123-223 et le numéro unique d’identification de l’entreprise délivré conformément à l’article D. 123-235 ;
    • Si le bénéficiaire de la renonciation est une personne morale :
      • la raison sociale ou la dénomination sociale, suivie, le cas échéant, du sigle et de la forme ;
      • l’adresse du siège social ou de l’établissement, ou, à défaut, l’adresse du local d’habitation où l’entreprise est fixée ;
      • le numéro unique d’identification de l’entreprise, délivré conformément à l’article D. 123-235 ;
      • l’indication que le bénéficiaire de la renonciation est un établissement de crédit ou une société de financement au sens de l’article L. 511-1 du code monétaire et financier.
  • En ce qui concerne l’engagement au titre duquel la renonciation est sollicitée
    • La date de l’engagement ;
    • L’objet de l’engagement ;
    • La date d’échéance de l’engagement, c’est-à-dire la date contractuelle prévue pour le remboursement total des sommes dues au titre de l’engagement, étant précisé que celle-ci peut être prorogée soit par un accord des parties soit par une décision judiciaire ;
    • Le montant de l’engagement ou les éléments permettant de le déterminer ; ces éléments, une fois spécifiés dans l’acte de renonciation fixent définitivement le plafond pour lequel une même renonciation vaut ;
    • La date de demande de la renonciation.

==> La signature de l’acte de renonciation

L’article D. 526-28 du Code de commerce prévoit que, à peine de nullité, l’entrepreneur individuel et le bénéficiaire de la renonciation apposent leur signature sur l’acte, ainsi que la date et le lieu.

Ce texte précise qu’il peut être fait usage d’une signature électronique qualifiée répondant aux exigences du décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique.

c. L’inopposabilité de la séparation des patrimoines aux créanciers publics

L’article L. 526-24 du Code de commerce prévoit une dérogation au principe de séparation des patrimoines au profit des créanciers publics et plus précisément de l’administration fiscale et des organismes de recouvrement de la sécurité sociale.

Cette disposition prévoit que « le droit de gage de l’administration fiscale et des organismes de sécurité sociale porte sur l’ensemble des patrimoines professionnel et personnel de l’entrepreneur individuel en cas de manœuvres frauduleuses ou d’inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales, dans les conditions prévues aux I et II de l’article L. 273 B du livre des procédures fiscales, ou d’inobservation grave et répétée dans le recouvrement des cotisations et contributions sociales, dans les conditions prévues à l’article L. 133-4-7 du code de la sécurité sociale ».

Ainsi, la dissociation des patrimoines ne sera pas opposable à l’administration fiscale et aux organismes de sécurité sociale en cas de manœuvres frauduleuses ou d’inobservation grave et répétée des obligations fiscales ou sociales.

Le texte ajoute que cette inopposabilité joue également pour les impositions mentionnées au III de l’article L. 273 B du livre des procédures fiscales.

Pour mémoire, cette disposition prévoit que « le recouvrement de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux ainsi que de la taxe foncière afférente aux biens immeubles utiles à l’activité professionnelle dont est redevable la personne physique exerçant une activité professionnelle en tant qu’entrepreneur individuel ou son foyer fiscal peut être recherché sur l’ensemble des patrimoines professionnel et personnel. Le présent III n’est pas applicable au recouvrement de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux lorsque l’entrepreneur individuel a opté pour l’impôt sur les sociétés dans les conditions prévues à l’article 1655 sexies du code général des impôts. »

Enfin, l’article L. 526-24 du Code de commerce précise, s’agissant spécifiquement des organismes de sécurité sociale, que la séparation des patrimoines professionnels et personnels de l’entrepreneur individuel leur est inopposable pour les impositions et contributions mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 133-4-7 du même code.

2. Dans les rapports entre l’entrepreneur et les créanciers personnels

a. Principe

L’article L. 526-22, al. 6e du Code de commerce prévoit que « seul le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel constitue le gage général des créanciers dont les droits ne sont pas nés à l’occasion de son exercice professionnel ».

Il ressort de cette disposition que l’entrepreneur individuel répond des dettes contractées en dehors du cadre de son activité professionnelle sur son seul patrimoine personnel.

Il en résulte que les biens relevant du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel sont hors de portée de ses créanciers personnels dont le gage est limité aux seuls biens qui ne sont pas utiles à l’activité professionnelle.

Ce principe n’est toutefois pas absolu. Le législateur l’a assorti de tempéraments.

b. Tempéraments

En application du principe de séparation des patrimoines, parce qu’il existe une corrélation entre les dettes contractées par l’entrepreneur individuel et le passif engagé, les tempéraments dont ce principe est assorti devraient, en toute logique, jouer symétriquement à la faveur tant des créanciers professionnels que des créanciers personnels.

Telle n’est toutefois pas la voie empruntée par le législateur qui a institué une différence de traitement entre les deux catégories de créanciers.

Les possibilités offertes aux créanciers personnels de l’entrepreneur individuel de se soustraire à l’application du principe de séparation des patrimoines sont, en effet, bien plus limitées que celles dont bénéficient les créanciers professionnels.

==> Tempéraments retenus

Le principe de séparation des patrimoines souffre de deux tempéraments en faveur des créanciers personnels

  • Premier tempérament
    • L’article L. 526-22, al. 6e du Code de commerce prévoit que, par exception au principe de séparation des patrimoines, « si le patrimoine personnel est insuffisant, le droit de gage général des créanciers peut s’exercer sur le patrimoine professionnel, dans la limite du montant du bénéfice réalisé lors du dernier exercice clos. »
    • Pratiquement, dans l’hypothèse où la réalisation de l’actif relevant du patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel ne permettrait pas désintéresser totalement ses créanciers personnels, ces derniers seront autorisés à appréhender le bénéfice éventuellement réalisé par leur débiteur dans le cadre de son activité professionnelle.
    • S’agissant de prendre pour point de référence le dernier exercice clos pour calculer le montant du bénéfice saisissable par les créanciers personnels, les travaux parlementaires justifient ce choix par l’impossibilité de déterminer en cours d’exercice quel montant a vocation à être prélevé par l’entrepreneur pour son usage personnel, autrement dit à rejoindre le patrimoine personnel.
    • À l’analyse, le montant maximal susceptible d’être prélevé par l’entrepreneur étant celui du bénéfice annuel, la seule solution est de se reporter au dernier exercice clos.
  • Second tempérament
    • L’article L. 526-22, al. 6e du Code de commerce prévoit que les sûretés réelles consenties par l’entrepreneur individuel avant le commencement de son activité ou de ses activités professionnelles indépendantes conservent leur effet, quelle que soit leur assiette.
    • Il en résulte que dans l’hypothèse où une sûreté serait constituée sur un bien devenu utile à l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel en garantie d’une dette personnelle, le bénéficiaire de la sûreté sera autorisé à saisir le bien grevé, nonobstant le principe de séparation des patrimoines.

==> Tempéraments exclus

Deux tempéraments au principe de séparation des patrimoines qui jouent en faveur des créanciers professionnels ne bénéficient pas aux créanciers personnels.

  • Première exclusion
    • Bien que la loi soit silencieuse sur ce point, il est fait interdiction à l’entrepreneur individuel de renoncer à la séparation des patrimoines en faveur de ses créanciers personnels.
    • Cette renonciation ne peut jouer qu’au profit des seuls créanciers professionnels.
    • Le gage des créanciers personnels sera, dans ces conditions, nécessairement cantonné aux biens composant le patrimoine personnel de l’entrepreneur
  • Seconde exclusion
    • Comme précisé dans le rapport établi par Christophe-André Frassa, si la loi ménage expressément la faculté, pour l’entrepreneur individuel, de consentir à ses créanciers professionnels des sûretés conventionnelles assises sur des biens compris dans son patrimoine personnel, « aucune disposition de ce type n’est prévue, en sens inverse, au bénéfice des créanciers personnels».
    • Il est donc fait interdiction à l’entrepreneur individuel d’accorder à ses créanciers personnels une sûreté qui serait constituée sur un bien relevant de son patrimoine professionnel.

Ainsi, comme relevé dans les travaux parlementaires, une nette dissymétrie oppose les créanciers professionnels aux créanciers personnels.

Les premiers, pour assurer le recouvrement de leur créance, pourront saisir dans certaines conditions tout ou partie des biens compris dans le patrimoine personnel, soit qu’ils soient titulaires d’une sûreté conventionnelle assise sur l’un de ces biens, soit qu’ils bénéficient d’une renonciation à la séparation des patrimoines.

Les seconds, en revanche, ne pourront exercer leur droit de gage général sur le patrimoine professionnel qu’à titre subsidiaire et dans la limite du montant du bénéfice du dernier exercice clos.

Les biens à usage professionnel sont donc mis hors de portée des créanciers personnels, comme s’ils étaient logés dans une société.

Selon Christophe-André Frassa, cette dissymétrie peut se justifier. En effet, alors que le patrimoine professionnel est défini limitativement, ce n’est pas le cas du patrimoine personnel, qui comprend tous les biens et droits non compris dans l’autre patrimoine.

En outre, parmi les biens de l’entrepreneur individuel, les plus précieux (notamment, le cas échéant, sa résidence principale) seraient le plus souvent compris dans son patrimoine personnel et pourraient donc être appréhendés par ses créanciers personnels.

Afin de ne pas diminuer excessivement les droits des créanciers professionnels, il est donc légitime de ne pas autoriser, au profit des créanciers personnels, la constitution de sûretés sur des biens professionnels ou la renonciation à la séparation des patrimoines.

III) L’extinction des effets du principe de séparation de plein droit des patrimoines professionnel et personnel

L’article L. 526-22 du Code de commerce prévoit deux cas de réunion des patrimoines professionnels et personnels :

  • Premier cas : la cessation d’activité
    • Dans le cas où un entrepreneur individuel cesse toute activité professionnelle indépendante, le texte prévoit que le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel sont réunis.
    • Il en résulte que les créanciers antérieurs recouvrent un droit de gage général sur l’ensemble des biens de leur débiteur.
    • Cette solution diffère manifestement de celle applicable à l’EIRL.
    • En effet, sous ce statut, le gage général des créanciers antérieurs demeurait limité aux seuls biens qui relevaient du patrimoine d’affectation de l’entrepreneur.
    • Ce « gel » du gage des créanciers antérieurs était toutefois possible en raison de la déclaration d’affectation réalisée par l’entrepreneur individuel qui consistait à dresser une liste exhaustive des biens affectés à l’exercice de son activité professionnelle.
    • Tel n’est pas le cas de l’entrepreneur individuel qui exerce sous le nouveau statut.
    • Aucun texte ne l’oblige à réaliser un inventaire des biens qui composent son patrimoine professionnel.
    • Aussi, leur identification au moment de la cessation d’activité de l’entrepreneur individuel – laquelle est susceptible d’intervenir plusieurs années après leur entrée dans le patrimoine professionnel – s’avérerait complexe sinon impossible.
    • C’est la raison pour laquelle le législateur a préféré n’opérer aucune distinction : le droit de gage des créanciers antérieur s’exerce sur l’ensemble des biens de l’entrepreneur individuel qui a cessé son activité.
  • Second cas : le décès
    • En application de l’article L. 526-22 du Code de commerce, le décès de l’entrepreneur individuel a pour effet de réunir les patrimoines professionnels et personnels.
    • Comme pour le cas de la cessation d’activité, s’est posée la question du cantonnement du gage des créanciers antérieurs aux biens relevant du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel.
    • La raison en est que la réunion des patrimoines professionnels et personnels pour former un patrimoine successoral unique fait peser un risque important sur les héritiers et autres successeurs à titre universel, qui sont susceptibles de se voir transmettre l’intégralité des dettes de l’entrepreneur individuel au jour de son décès sans que le droit de gage des créanciers ne soit limité.
    • Aussi, comme souligné par Christophe-André Frassa, « la protection des héritiers repose alors entièrement sur leur droit d’option : dans le cas où des dettes trop lourdes grèveraient le patrimoine successoral, ils pourraient renoncer à la succession ou ne l’accepter qu’à concurrence de l’actif net (la liquidation portant alors sur l’ensemble du patrimoine successoral, issu de la réunion des patrimoines professionnel et personnel).»

[1] V. en ce sens N. Jullian, « La transmission du patrimoine de l’entrepreneur, de nouvelles opérations au service des entrepreneurs individuels », JCP E, n°13, mars 2022, 1137.

Le statut de l’entrepreneur individuel: règles générales et conditions

==> Ratio legis

Lorsqu’un entrepreneur individuel exerce, en nom propre, son activité professionnelle, il s’expose à ce que la totalité de son patrimoine – professionnel et personnel – soit saisie en cas de difficultés financières.

Jusque récemment, le seul moyen pour un entrepreneur de préserver son patrimoine personnel en limitant le gage des créanciers aux biens exploités à titre professionnel était de créer une société.

En effet, le recours à la forme sociétale répond parfaitement au souci de distinguer patrimoine professionnel et patrimoine personnel, dettes professionnelles et dettes personnelles.

Une société, personne morale distincte de l’entrepreneur, dispose d’un patrimoine propre et répond des dettes résultant de son activité. Quant au patrimoine personnel de l’entrepreneur, il demeure extérieur à l’activité professionnelle et, par conséquent, est protégé de ses aléas.

La création d’une personne morale se révèle néanmoins parfois inadaptée à l’exercice d’une activité professionnelle à titre individuel en raison de la lourdeur du formalisme et des obligations qui pèsent sur le chef d’entreprise.

Par ailleurs, des études ont révélé que la vulnérabilité de leur statut ou plutôt de leur absence de statut, ne suffisait pas à inciter les entrepreneurs individuels à faire le choix systématique de la forme sociétale. Ils sont en proie à des « freins psychologiques », que l’on peut résumer en une réticence de l’entrepreneur à constituer une personne morale distincte.

==> De l’EURL à l’EIRL

Fort de ce constat, le législateur a cherché à encourager les entrepreneurs à se tourner vers la forme sociale en simplifiant les règles de création et de fonctionnement des sociétés :

  • La loi n° 85-697 du 11 juillet 1985 relative à l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée et à l’exploitation agricole à responsabilité limitée a rompu avec le principe de l’affectio societatis, selon lequel une société résulte de la volonté de collaborer d’au moins deux associés, en permettant à un entrepreneur individuel de constituer seul une société ;
  • La loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l’initiative et à l’entreprise individuelle a procédé à une refonte des formalités et obligations auxquelles étaient soumises les entreprises, dans le but de les simplifier ;
  • La loi du 1er août 2003 pour l’initiative économique a d’abord institué le mécanisme d’insaisissabilité de la résidence principale aux articles L. 526-1 à L. 526-5 du code de commerce, constituant une entorse au droit de gage général posé aux articles 2284 et 2285 du code civil. Elle a ensuite supprimé le capital minimum dans les SARL, rompant ainsi avec le principe de capitalisation des sociétés ;
  • La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie a procédé à de nouvelles simplifications dans le fonctionnement des entreprises et étendu l’insaisissabilité à tous les biens fonciers non affectés à l’usage professionnel.

Nonobstant ces réformes successives qui visaient à encourager l’exercice de l’entreprenariat individuel au moyen d’une forme sociale, ni l’EURL ni l’insaisissabilité de la résidence principale n’ont attiré les entrepreneurs.

Le législateur en a tiré la conséquence, qu’il convenait de changer de paradigme et d’ouvrir une brèche dans le sacro-saint principe de l’unicité du patrimoine.

Pour mémoire, ce principe théorisé au début du XIXe siècle par Charles Aubry et Charles-Frédéric Rau, signifie qu’une personne ne peut être titulaire que d’un seul patrimoine. Aussi, parle-t-on, d’unicité ou d’indivisibilité du patrimoine.

  • Positivement, il en résulte que le passif répond du passif et que l’ensemble des dettes sont exécutoires sur l’ensemble des biens, conformément aux articles 2284 et 2285 du Code civil : « qui s’oblige, oblige le sien»
  • Négativement, il se déduit qu’il est interdit d’isoler certains éléments du patrimoine, pour constituer une universalité distincte du reste du patrimoine

Ainsi, une personne qui affecterait certains biens à l’exercice d’une activité professionnelle n’aurait, par principe, pas pour effet de créer un ensemble de biens et de dettes séparé de son patrimoine personnel, sauf à créer une personne morale ou à accomplir les formalités aux fins de constituer un patrimoine professionnel.

Très tôt le principe d’unicité du patrimoine a été critiqué par la doctrine en ce qu’elle exposait l’entrepreneur individuel à des risques financiers importants sur son patrimoine personnel pour des dettes nées dans le cadre de son activité professionnelle.

Jusque récemment, la seule solution qui s’offrait à lui pour contourner le principe d’unicité du patrimoine était de créer une société, laquelle serait titulaire d’un patrimoine distinct de son propre patrimoine.

À cet égard, tout entrepreneur individuel, qu’il soit commerçant, artisan, indépendant ou agriculteur, peut créer une société unipersonnelle à responsabilité limitée et opérer de cette manière une distinction entre son patrimoine personnel et son patrimoine professionnel.

L’EURL n’a toutefois pas obtenu le succès escompté, les entrepreneurs individuels préférant majoritairement exercer leur activité en nom propre.

Par souci de justice sociale et de protection de la famille des entrepreneurs ayant adopté cette seconde modalité – risquée – d’exercice, le législateur a finalement décidé d’ouvrir une brèche dans le principe d’unicité du patrimoine en créant, par la loi n° 2010-658 du 15 juin 2010, le statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL).

La particularité de ce statut – et c’est la révolution opérée par ce texte – est qu’il permet à l’entrepreneur individuel, tout à la fois d’exercer son activité en nom propre et de créer un patrimoine d’affectation.

Pour la première fois, l’entrepreneur individuel était ainsi autorisé à affecter un patrimoine à l’exercice de son activité professionnelle de façon à protéger son patrimoine personnel et familial, sans créer de personne morale distincte de sa personne.

À l’analyse, la création d’un patrimoine d’affectation déroge aux règles posées aux articles 2284 et 2285 du Code civil, en établissant que les créances personnelles de l’entrepreneur ne sont gagées que sur le patrimoine non affecté, et les créances professionnelles sur le patrimoine affecté.

L’admission de la constitution d’un patrimoine d’affectation opère donc une rupture profonde avec le dogme de l’unicité du patrimoine organisé jusqu’alors par le droit civil français.

Le bénéfice du régime de l’EIRL était toutefois subordonné à l’observation d’un formalisme rigoureux visant à garantir la sécurité juridique de l’entrepreneur lui-même et des tiers.

Pour créer un patrimoine d’affectation, l’entrepreneur devait notamment :

  • D’une part, procéder à une déclaration d’affectation
  • D’autre part, tenir une comptabilité séparée

Là encore, à l’instar de l’EURL, l’EIRL n’a pas rencontré un franc succès chez les entrepreneurs individuels.

Selon une étude réalisée par le Conseil d’État, en 2021, seuls 97 000 chefs d’entreprise étaient soumis au régime de l’EIRL alors que, à la même époque, on comptait près de 3 millions de travailleurs indépendants.

Les raisons de cet échec doivent sans doute être recherchées dans la complexité des formalités administratives et comptables requises pour créer une EIRL, quoiqu’elles aient été progressivement simplifiées, notamment par la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises dite « PACTE ».

C’est dans ce contexte, qu’il est à nouveau apparu nécessaire de réformer le statut de l’entrepreneur individuel.

==> La création d’un statut unique d’entrepreneur individuel

Animé par la volonté de renforcer la protection des travailleurs indépendants, le législateur est intervenu en 2022 aux fins de créer un statut unique d’entrepreneur individuel.

À cet effet, la loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante a innové en instaurant une séparation de plein droit entre le patrimoine personnel et le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel.

Il n’est désormais plus nécessaire que celui-ci procède à une déclaration préalable d’affectation.

Dès lors qu’une personne exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes, elle est titulaire de deux patrimoines :

  • Un patrimoine professionnel constitué des biens, droits, obligations et sûretés dont l’entrepreneur est titulaire et qui sont utiles à son activité ou à ses activités professionnelles indépendantes
  • Un patrimoine personnel constitué des éléments du patrimoine de l’entrepreneur individuel non compris dans le patrimoine professionnel

Outre la consécration d’une séparation de plein droit des patrimoines de l’entrepreneur individuel, la loi du 14 février 2022 a instauré un dispositif permettant la transmission universelle du patrimoine professionnel entre vifs, y compris sous la forme d’un apport en société.

Ce dispositif déroge au principe selon lequel une personne physique ne peut, de son vivant, transmettre son patrimoine.

Pour cette catégorie de personnes, il est seulement permis de transmettre des biens et des obligations à titre particulier.

Le régime de cette transmission universelle de patrimoine instauré par la loi du 14 février 2022 est largement emprunté à celui applicable en cas de fusion de sociétés ou de réunion des parts sociales en une seule main.

À cet égard, bien qu’ouvert désormais aux personnes physiques, ce nouveau dispositif, à l’instar de la séparation des patrimoines professionnel et personnel, ne peut bénéficier qu’aux seuls entrepreneurs individuels.

§1: Les conditions d’éligibilité au statut d’entrepreneur individuel

Le statut institué par la loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante ne bénéficie qu’aux seuls entrepreneurs individuels.

L’article L. 526-22 du Code de commerce définit l’entrepreneur individuel comme « une personne physique qui exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes. »

Il ressort de cette disposition que la qualité d’entrepreneur individuel requiert la réunion de plusieurs éléments cumulatifs :

  • Premier élément
    • L’entrepreneur individuel est nécessairement une personne physique.
    • Et pour cause, le statut unique d’entrepreneur individuel a précisément été créé pour les personnes qui ne souhaitaient pas, pour diverses raisons, exercer leur activité professionnelle par l’entremise d’une société.
    • Aussi, le statut d’entrepreneur individuel ne saurait être sollicité par une personne morale.
    • Une société est donc strictement assujettie au principe d’unicité de son patrimoine sans possibilité pour elle d’y déroger.
  • Deuxième élément
    • L’entrepreneur individuel exerce nécessairement en son nom propre, ce qui signifie qu’il agit pour son propre compte.
    • Il n’intervient donc pas en représentation d’une tierce personne, de sorte qu’il est personnellement tenu aux engagements qu’il souscrit.
  • Troisième élément
    • Pour se prévaloir du statut d’entrepreneur individuel, il est nécessaire, précise l’article L. 526-22 du Code de commerce, d’exercer « une ou plusieurs activités professionnelles».
    • La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « activité professionnelle».
    • Aussi, l’activité exercée par l’entrepreneur doit constituer une profession.
    • Par profession, il faut entendre selon le doyen Riper « le fait de consacrer d’une façon principale et habituelle son activité à l’accomplissement d’une tâche dans le dessein d’en tirer profit »
    • En d’autres termes, pour qu’une activité constitue une profession, cela suppose qu’elle soit, pour son auteur, sa principale source de revenus et, surtout, lui permette d’assurer la pérennité de son entreprise
  • Quatrième élément
    • Le statut d’entrepreneur individuel ne peut bénéficier qu’aux personnes qui exercent une activité indépendante.
    • L’indépendance dont il s’agit est juridique et non économique.
    • Il en résulte que les membres d’un réseau de distribution ou un franchisé peuvent parfaitement endosser le statut d’entrepreneur individuel.
    • Les personnes en revanche exclues du bénéfice de ce statut sont :
      • Les salariés qui agissent pour le compte de leur employeur.
      • Les dirigeants sociaux qui agissent au nom et pour le compte d’une société.
      • Les mandataires, tels que les agents commerciaux qui représentent un commerçant

Il ressort de ces quatre éléments constitutifs de la notion d’entrepreneur individuel que le statut attaché à cette qualité est ouvert à de nombreux agents économiques au nombre desquels figurent notamment les commerçants, les artisans, les agriculteurs et plus généralement tous les autres professionnels indépendants, qu’ils relèvent ou nom d’une profession réglementée.

À cet égard, comme indiqué par les travaux parlementaires, l’immatriculation à un registre de publicité légale professionnelle n’est pas une condition pour bénéficier du statut d’entrepreneur individuel : ce statut peut donc bénéficier à un entrepreneur individuel dont la profession n’est pas soumise à une réglementation qui lui est propre et qui n’est donc pas inscrit sur un registre spécifique ou un ordre particulier.

§2: Les conditions d’exercice du statut d’entrepreneur individuel

==> La dénomination professionnelle

L’article R. 526-27 du Code de commerce issu du décret n° 2022-725 du 28 avril 2022, pose deux exigences s’agissant de la dénomination professionnelle adoptée par l’entrepreneur individuel :

  • Première exigence
    • Pour l’exercice de son activité professionnelle l’entrepreneur individuel utilise une dénomination incorporant son nom ou nom d’usage précédé ou suivi immédiatement des mots : “ entrepreneur individuel ” ou des initiales : “ EI ”.
    • Cette restriction de la liberté de choisir une dénomination professionnelle se justifie par la protection des tiers auxquels le statut de l’entrepreneur individuel doit être porté à leur connaissance.
  • Seconde exigence
    • La dénomination choisie par l’entrepreneur individuel doit figurer sur tous les documents et correspondances à usage professionnel de l’intéressé.

À ces deux exigences énoncées par l’article R. 526-27 du Code de commerce, il convient d’en compter une troisième lorsque l’entrepreneur individuel exerce une activité commerciale.

En effet, l’article R. 123-237 du Code de commerce prévoit que toute personne immatriculée au registre du commerce et des sociétés est tenu d’indiquer sur ses factures, notes de commande, tarifs et documents publicitaires ainsi que sur toutes correspondances et tous récépissés concernant son activité et signés par elle ou en son nom la dénomination utilisée pour l’exercice de l’activité professionnelle incorporant son nom ou nom d’usage précédé ou suivi immédiatement des mots : “ entrepreneur individuel ” ou des initiales : “ EI ”.

Il devra indiquer, en outre, sur son site internet la mention RCS suivie du nom de la ville où se trouve le greffe où elle est immatriculée.

==> Le compte bancaire

Sous l’empire du droit antérieur, l’article L. 526-13 du Code de commerce imposait à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL) d’« ouvrir dans un établissement de crédit un ou plusieurs comptes bancaires exclusivement dédiés à l’activité à laquelle le patrimoine a été affecté ».

Le décret n° 2022-725 du 28 avril 2022 a mis fin à cette obligation, de sorte que l’entrepreneur individuel n’est plus tenu d’ouvrir un compte bancaire exclusivement dédié à son activité professionnelle.

L’article R. 526-27 du Code de commerce prévoit seulement que « chaque compte bancaire dédié à son activité professionnelle ouvert par l’entrepreneur individuel doit contenir la dénomination dans son intitulé. »

Formalisme du cautionnement: l’exigence de signature

À la différence des anciennes dispositions du Code de la consommation, l’article 2297 du Code civil est silencieux sur l’exigence de signature de l’acte de cautionnement par la caution.

Est-ce à dire que cette exigence n’est plus une condition de validité de l’engagement de caution ? Il n’en est rien.

Il s’agit là d’une maladresse du législateur qui ne remet nullement en cause l’importance que revêt la signature, laquelle remplit deux fonctions principales :

  • Elle permet d’identifier la personne qui souscrit l’engagement de caution
  • Elle permet d’exprimer la volonté de la caution de s’obliger à garantir l’obligation principale

Non seulement la signature est requise à titre de preuve, conformément à l’article 1376 du Code civil, mais encore elle constitue une condition de validité du cautionnement.

Dans un arrêt du 22 janvier 2013, la Cour de cassation a ainsi annulé un cautionnement au motif il « contrevenait à l’exigence, prévue à peine de nullité, selon laquelle l’engagement manuscrit doit précéder la signature » (Cass. com., 22 janv. 2013, n° 11-22.831).

À cet égard, depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés il est désormais admis que la signature soit apposée sur l’acte par voie électronique, pourvu qu’elle satisfasse les exigences posées à l’article 1367, al. 2e du Code civil.

Cette disposition prévoit que « lorsqu’elle est électronique, elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. »

S’agissant de l’endroit où la signature doit figurer sur l’acte, les anciennes dispositions du Code de la consommation exigeaient que la mention manuscrite précède la signature de la caution.

Sous l’empire du droit antérieur, la Cour de cassation en a déduit qu’il y avait lieu d’annuler tous les cautionnements qui ne satisfaisaient pas à cette exigence (Cass. com. 17 sept. 2013, n°12-13.577).

Dans un arrêt du 1er avril 2014 elle a ainsi censuré une Cour d’appel qui avait validé un cautionnement alors que la signature avait été apposée sur l’acte avant la mention manuscrite (Cass. com. 1er avr. 2014, 13-15.735).

Dans un arrêt du 22 septembre 2016, la Première chambre civile a adopté une solution plus nuancée en admettant que les paraphes qui suivaient la mention manuscrite puissent sauver l’irrégularité de la signature qui avait été apposée avant ladite mention (Cass. 1ère civ. 22 sept. 2016, n°15-19.543).

L’exigence d’apposition de la signature après la mention reproduite par la caution est-elle toujours d’actualité aujourd’hui ?

L’article 2297 étant silencieux sur cette exigence, il est probable que le positionnement de la signature sur l’acte est désormais indifférent.

Peu importe donc qu’elle précède ou suive la mention reproduite par la caution. La seule contrainte est qu’elle soit effectivement présente sur l’acte.

Formalisme du cautionnement: l’exigence de mention manuscrite à titre de validité (domaine, contenu, sanction)

Animé par la volonté de renforcer la protection des cautions aux fins de lutter contre le phénomène d’insolvabilité et de surendettement des ménages, le législateur a, depuis la fin des années 1980, institué, aux côtés du formalisme ad probationem, un formalisme ad validitatem.

Le durcissement des conditions de forme du cautionnement s’est notamment traduit par la création d’une obligation imposant aux cautions d’apposer sur l’acte constatant leur engagement d’une mention manuscrite dont les termes étaient dictés par la loi et dont l’absence ou l’irrégularité était sanctionnée par la nullité de la garantie.

L’instauration de cette exigence – purement formelle – visait à favoriser la prise de conscience chez les cautions, au moment où elles s’obligent, de l’étendue de l’engagement souscrit.

L’idée sous-jacente est que la reproduction, à la main et par la caution elle-même, d’une formule sacramentelle la contraint, a minima, à prendre connaissance de l’objet de son obligation. Est-ce suffisant pour en assimiler le périmètre ? Sans doute pas, mais cela y participe.

On peut ainsi lire dans les travaux parlementaires qui ont conduit à l’adoption de la loi Dutreil que « la présence sur le contrat de cautionnement de mentions manuscrites attestent que la personne est parfaitement informée des conséquences susceptibles de résulter pour elle du défaut du débiteur principal. »

1. Le domaine de l’exigence de formalisme requis à titre de validité

1.1 L’extension du domaine du formalisme exigé ad validitatem

==> La loi Neiertz

C’est la loi n°89-1010 du 31 décembre 1989 relative à la prévention et au règlement des difficultés liées au surendettement, dite Neiertz, qui, pour la première fois, a soumis le cautionnement conclu sous seing privé par une personne physique à l’exigence d’apposition sur l’acte d’une mention manuscrite.

L’objectif affiché par le législateur est, à l’époque, l’organisation d’une meilleure information des cautions en imposant une clause normalisée devant être rédigée de leur main avant toute signature de leur engagement.

Si une telle mesure ne paraît pas ressortir, à l’évidence, du domaine de la loi eu égard à son degré de précision, elle présente toutefois l’avantage, pour les rédacteurs du texte « d’annoncer à une opinion publique sensibilisée par la question que le législateur ne reste pas indifférent aux drames qu’une caution donnée sans connaissance de l’engagement souscrit peut entraîner. »

Sont ainsi introduits dans le Code de la consommation des articles L. 313-7 et L. 313-8, devenus les articles L. 314-15 et L. 314-16 du même Code (aujourd’hui abrogés), qui prévoient que la personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution pour l’une des opérations de crédit à la consommation ou de crédit immobilier doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci :

« En me portant caution de X…, dans la limite de la somme de … couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de …, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X… n’y satisfait pas lui-même ».

Alors que le cautionnement a toujours été envisagé comme un contrat consensuel, la loi Neiertz a amorcé leur transformation en contrat solennel.

==> Loi du 21 juillet 1994

Le législateur a, par suite, repris l’exigence de reproduction d’une mention manuscrite sur l’acte constatant le cautionnement d’une dette de crédit à la consommation ou de crédit immobilier, pour l’appliquer aux baux d’habitation.

La loi n° 94-624 du 21 juillet 1994 relative à l’habitat a ainsi introduit un article 22-1 dans la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs.

Cette disposition prévoit, en son second alinéa, que « la personne qui se porte caution fait précéder sa signature de la reproduction manuscrite du montant du loyer et des conditions de sa révision tels qu’ils figurent au contrat de location, de la mention manuscrite exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance qu’elle a de la nature et de l’étendue de l’obligation qu’elle contracte et de la reproduction manuscrite de l’alinéa précédent. »

==> La loi Dutreil

Toujours animé par le souci de renforcer la protection des cautions, le législateur a décidé, lors de l’adoption de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique, dite « Dutreil », d’étendre le dispositif institué au profit des emprunteurs particuliers par la loi Neiertz aux entrepreneurs individuels.

Il justifie cette extension par la précarité de la situation des proches de l’entrepreneur qui se retrouvent fréquemment dans une position critique à la suite d’une défaillance du débiteur principal en raison d’engagements dont ils n’avaient pas toujours mesuré la portée.

Aussi, est-ce pour prévenir ce type de situation qu’il a été prévu de subordonner la validité du cautionnement à l’apposition sur l’acte d’une mention manuscrite attestant que la caution était parfaitement informée, au moment où elle s’est engagée, des conséquences susceptibles de résulter pour elle du défaut du débiteur principal.

Cette exigence a donc été étendu à tous les cautionnements souscrits par une personne physique sous seing privé au profit d’un créancier professionnel, peu importe la nature de l’opération cautionnée.

Les anciens articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation, devenus les articles L. 331-1 et L. 331-2 du même Code (aujourd’hui abrogés) prévoyaient en ce sens que :

  • Toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante et uniquement de celle-ci :
    • « En me portant caution de X.., dans la limite de la somme de… couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de…, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X… n’y satisfait pas lui-même.»
  • Lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante :
    • « En renonçant au bénéfice de discussion défini à l’article 2298 du code civil et en m’obligeant solidairement avec X je m’engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu’il poursuive préalablement X».

Depuis l’adoption de cette loi, les auteurs s’accordent à dire que le cautionnement doit désormais être regardé comme un contrat solennel, le législateur ayant érigé le formalisme en principe et reléguer le consensualisme au rang des exceptions.

==> L’ordonnance du 21 septembre 2021

La réforme opérée par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 a confirmé le mouvement initié par la loi Neiertz tendant à assortir le cautionnement d’un formalisme ad validitatem se traduisant par l’instauration d’une mention manuscrite.

À cet égard, l’article 2297 du Code civil issu de cette ordonnance unifie et simplifie les règles relatives à la mention devant être apposée par la caution personne physique qui, sous l’empire du droit antérieur, étaient dispersées dans le Code de la consommation.

Par ailleurs, non seulement, l’exigence de mention manuscrite constitue toujours une condition de validité du cautionnement, mais encore la règle s’applique désormais à tous les cautionnements souscrits par des personnes physiques quelle que soit la qualité du créancier (professionnel ou non professionnel)

Le nouveau texte apporte toutefois plusieurs modifications importantes par rapport au droit antérieur :

  • Tout d’abord, il n’est plus exigé la reproduction par la caution d’une mention strictement prédéterminée
  • Ensuite, le champ d’application de l’exigence de mention manuscrite est étendu : elle s’impose désormais pour tous les cautionnements souscrits par une personne physique même lorsque le créancier n’est pas un professionnel.
  • Enfin, il n’est plus nécessaire que la mention soit manuscrite : il est seulement exigé qu’elle soit apposée par la caution, de sorte que rien ne fait plus obstacle à ce que le cautionnement soit conclu par voie électronique

1.2 L’étendue du domaine du formalisme exigé ad validitatem

L’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés est entrée en vigueur le 1er janvier 2022.

Il en résulte que seuls les cautionnements conclus après cette date sont soumis aux nouvelles exigences – allégées – tenant à la mention manuscrite.

Les règles de forme applicables à un cautionnement diffèrent donc selon que l’engagement de caution a été souscrit avant ou après le 1er janvier 2022.

a. Les cautionnements conclus avant le 1er janvier 2022

Sous l’empire du droit antérieur, il est trois catégories de cautionnements qui étaient soumises à l’exigence de reproduction d’une mention manuscrite.

Par exception, il a été admis que ces mêmes cautionnements pouvaient, à certaines conditions, être dispensés de mention manuscrite.

i. Les cautionnements soumis à l’exigence de reproduction d’une mention manuscrite

==> Les cautionnements conclus sous seing privé en garantie d’une dette de crédit à la consommation ou de crédit immobilier

C’est donc la loi n°89-1010 du 31 décembre 1989 relative à la prévention et au règlement des difficultés liées au surendettement, dite Neiertz, qui, pour la première fois, a soumis le cautionnement conclu sous seing privé par une personne physique à l’exigence d’apposition sur l’acte d’une mention manuscrite.

En application des anciens articles L. 313-7 et L. 313-8 du Code de la consommation, devenus les articles L. 314-15 et L. 314-16 du même Code (aujourd’hui abrogés), le champ d’application de cette mention était toutefois cantonné aux cautionnements remplissant trois conditions cumulatives :

  • Première condition
    • La mention manuscrite prévue par les anciens articles L. 314-15 et 314-16 du Code de la consommation était exigée pour les seuls cautionnements conclus par voie d’acte sous seing privé.
    • Pour mémoire, l’acte sous seing privé est défini comme « l’écrit établi (sur papier ou sur support électronique) par les parties elles-mêmes sous leur seule signature (seing privé) sans l’intervention d’un officier public»[2].
    • Lorsque dès, lors le cautionnement a été conclu en la forme authentique ou par acte d’avocat, sa validité n’est pas subordonnée à la reproduction de la mention manuscrite.
    • Dans un arrêt du 24 février 2004, la Cour de cassation avait jugé en ce sens que « les articles L. 313-7 et L. 313-8 du Code de la consommation sont seulement applicables aux cautionnements consentis par acte sous seing privé» ( 1ère civ. 24 févr. 2004, n°01-13.930).
  • Deuxième condition
    • Il s’infère de l’ancien article L. 314-15 du Code de la consommation que le formalisme relatif à la mention manuscrite n’était requis ad validitatem que pour les engagements de caution souscrits par une personne physique.
    • Il est donc indifférent que la personne qui s’est obligée soit une caution profane ou avertie.
    • Ce qui importe, c’est qu’il s’agisse d’une personne physique.
    • Les personnes morales ont été exclues du champ de la mention manuscrite en raison de la finalité de la loi Neiertz qui visait à prévenir les difficultés liées au surendettement des particuliers.
    • Il n’était donc pas question en 1989 d’alourdir le formalisme des cautionnements souscrits par une personne morale.
    • L’objectif pour le législateur était d’octroyer une protection aux seules personnes qui en avaient besoin.
    • Or les personnes physiques sont réputées, a priori, être les plus vulnérables.
  • Troisième condition
    • La mention manuscrite prévue par les anciens articles L. 314-15 et 314-16 du Code de la consommation était exigée pour les seuls cautionnements garantissant les opérations « relevant des chapitres II ou III du présent titre».
    • Autrement dit, les opérations visées n’étaient autres que :
      • D’une part, les crédits à la consommation
      • D’autre part, les crédits immobiliers
    • Le champ de la mention manuscrite instaurée par la loi Neiertz était ainsi circonscrit à des opérations très limitées.
    • Aucune mention n’était ainsi requise pour le cautionnement garantissant un crédit professionnel, quand bien même il serait souscrit par une personne physique.

==> Les cautionnements conclus sous seing privé entre une personne physique et un créancier professionnel

La loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique, dite « Dutreil », a étendu le dispositif de mention manuscrite institué au profit des emprunteurs particuliers par la loi Neiertz aux entrepreneurs individuels.

Plus précisément, le formalisme requis à titre de validité a été généralisé pour tous les cautionnements souscrits par une personne physique sous seing privé au profit d’un créancier professionnel, peu importe la nature de l’opération cautionnée.

Trois conditions cumulatives doivent être réunies pour que l’exigence de mention manuscrite prescrite par les anciens articles L. 331-1 et L. 331-2 du Code de la consommation soit applicable :

  • Première condition
    • À l’instar du formalisme institué par la loi Neiertz, la mention manuscrite prévue par la loi Dutreil n’est exigée à titre de validité que pour les cautionnements conclus par voie d’acte sous seing privé.
    • Dans un arrêt du 6 juillet 2010, la Cour de cassation en a déduit que « les dispositions de l’article L. 341-3 du code de la consommation ne s’appliquent pas aux cautionnements consentis par acte authentique» ( com. 6 juill. 2010, n°08-21.760).
  • Deuxième condition
    • La reproduction de la mention manuscrite prévue par les anciens articles L. 331-1 et 331-2 du Code de la consommation n’était exigée qu’en présence d’un cautionnement souscrit par une personne physique.
    • Dans un arrêt – remarqué – du 10 janvier 2012, la Cour de cassation a précisé qu’il était indifférent que la caution, personne physique, « soit ou non avertie» ( com. 10 janv. 2012, n°10-26.630).
    • Il en résulte que le formalisme requis à titre de validité s’appliquait aux engagements de caution souscrits par des dirigeants de sociétés, pourvu qu’il s’agisse de personnes physiques.
    • Dans un arrêt du 8 mars 2012, la Cour de cassation a ainsi censuré une Cour d’appel qui, pour déclarer un cautionnement souscrit par des époux dont la mention manuscrite faisait défaut sur l’acte, a retenu que cette exigence de forme n’était pas applicable aux cautions en raison de leur qualité d’associés et de gérants des sociétés garanties.
    • Cette analyse est remise en cause par la Première chambre civile qui affirme que « la mention manuscrite prévue par ce texte doit être inscrite par toute personne physique qui s’engage en qualité de caution par acte sous seing privé envers un créancier professionnel».
    • La qualité de dirigeant ou d’associé de la société cautionnée est donc indifférente ( 1ère civ. 8 mars 2012, n°09-12.246).
    • À cet égard, l’ancien article L. 331-1 du Code de la consommation vise expressément « les personnes physiques», sans opérer de distinction entre elles.
    • Il n’est donc aucune raison de distinguer comme se sont employées à le faire – à tort – certaines juridictions du fond.
  • Troisième condition
    • La mention manuscrite prévue par les anciens articles L. 331-1 et 331-2 du Code de la consommation n’est exigée que pour les engagements de caution souscrits au profit de créanciers professionnels.
    • La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par créancier professionnel.
    • Au sens du droit de la consommation, le professionnel est défini par l’article liminaire du Code de la consommation comme « toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel. »
    • Le premier enseignement qui peut être retiré de cette disposition c’est que, à la différence de la caution, il est indifférent que le créancier soit une personne physique ou morale.
    • Le professionnel peut, indistinctement être, une personne physique, une personne morale, une personne privée, une personne publique ou encore une personne investie d’un pouvoir de représentation.
    • En toute hypothèse, le professionnel doit nécessairement exercer une activité économique à titre indépendant.
    • Aussi, le professionnel se définit-il surtout par l’activité qu’il exerce, laquelle peut être de toute nature (commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole).
    • Le professionnel n’est donc pas nécessairement un commerçant. Il constitue une catégorie bien plus large qui transcende la distinction entre les commerçants et les non-commerçants.
    • Dans un arrêt du 9 juillet 2009, la Cour de cassation a, précisé, au sujet d’un cautionnement, que « le créancier professionnel s’entend de celui dont la créance est née dans l’exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n’est pas principale» ( 1ère civ. 9 juill. 2009, n°08-15.910).
    • C’est donc le critère du rapport direct entre le cautionnement et l’activité exercée par le créancier qui permet de déterminer si celui-ci endosse la qualité de professionnel, faute de quoi il sera considéré, soit de consommateur, soit de non professionnel.
    • Comment ce rapport direct doit-il être apprécié ? La loi est silencieuse sur ce point.
    • Dans un arrêt du 17 juillet 1996, la Cour de cassation estime que l’appréciation du rapport direct relève du pouvoir souverain des juges du fond ( 1ère civ., 17 juill. 1996, n°94-14.662).
    • Il ressort toutefois des décisions que pour apprécier l’existence d’un rapport, cela suppose de s’interroger sur la finalité de l’opération.
    • Plus précisément la question que le juge va se poser est de savoir si l’accomplissement de l’acte a servi l’exercice de l’activité professionnel.
    • Si le contrat a été conclu à la faveur exclusive de l’activité professionnelle, l’existence du lien direct sera établie.
    • Dans l’hypothèse où l’acte ne profitera que partiellement à l’exercice de l’activité professionnelle, plus délicate sera alors l’établissement du rapport direct.
    • La question centrale est : l’activité professionnelle a-t-elle tirée un quelconque bénéficie de l’accomplissement de l’acte.
    • S’il n’est pas nécessaire que le bénéfice retiré par le créancier du cautionnement relève de son activité principale, comme indiqué par la Cour de cassation dans l’arrêt du 9 juillet 2009, il doit néanmoins entretenir un rapport direct avec l’une des activités exercées par le créancier à titre professionnel (V. en ce sens com. 10 janv. 2012, n°10-26.630; Cass. 1ère civ., 15 oct. 2014, n° 13-20.919 ; Cass. 1ère civ., 25 juin 2009, n° 07-21.506).
    • Dans un arrêt du 27 septembre 2017, la Chambre commerciale a été jusqu’à reconnaître la qualité de créancier professionnel à une association sans but lucratif qui exerçait l’activité de fourniture de la garantie financière prévue par l’article L. 211-18 II (a) du code du tourisme, nécessaire à l’obtention de la licence d’agent de voyages ( com. 27 sept. 2017, n°15-24.895).
    • Cette décision révèle l’approche pour le moins extensive de la notion de créancier professionnelle adoptée par la jurisprudence qui est manifestement animée par la volonté d’étendre dans la limite du possible le dispositif protecteur de la mention manuscrite institué au profit des cautions personnes physiques.

En dehors de ces trois conditions exposées ci-dessus, il peut être observé que la nature du cautionnement ou l’objet de l’opération garantie sont indifférents.

  • S’agissant de la nature cautionnement
    • La loi Dutreil ne distingue pas selon que le cautionnement conclu est civil ou commercial.
    • Dans les deux cas, la mention manuscrite devra être apposée sur l’acte dès lors que l’engagement de caution est souscrit par une personne physique au profit d’un créancier professionnel.
    • Dans son arrêt du 10 janvier 2012, la Cour de cassation a jugé en ce sens, au visa des anciens articles L. 341-2 et 341-3 du code de la consommation que « toute personne physique, qu’elle soit ou non avertie, doit, dès lors qu’elle s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel, faire précéder sa signature, à peine de nullité de son engagement, qu’il soit commercial ou civil, des mentions manuscrites exigées par les textes susvisés» (Cass. com. 10 janv. 2012, n°10-26.630).
    • La Chambre commerciale a réitéré cette solution à plusieurs reprises et notamment dans un arrêt du 29 janvier 2017 où elle était interrogée sur la validité d’un aval ( com. 29 nov. 2017, n°16-.597).
  • S’agissant de l’objet de l’opération garantie
    • La formule sacramentelle énoncée par l’ancien article L. 331-1 du Code de la consommation laisse à penser que seuls les cautionnements garantissant un crédit seraient assujettis à l’exigence de mention manuscrite.
    • Ce texte contraint, en effet, la caution à écrire à la main « je m’engage à rembourser au prêteur».
    • Pourquoi cette référence au « prêteur » ? Doit-on y voir une limitation du domaine de la mention manuscrite aux opérations de prêt ?
    • Il n’en est rien. La Cour de cassation a admis que l’exigence de mention était applicable à des cautionnements garantissant des opérations autres qu’un crédit.
    • Il peut s’agir de garantir un bail ( 1ère civ. 15 oct. 2014, n°13-20.919) ou encore d’un contrat de fourniture de matériaux (Cass. com. 10 janv. 2012, n°10-26.630)

ii. Les cautionnements dispensés de satisfaire à l’exigence de mention manuscrite

==> Les cautionnements conclus par voie d’acte notarié

Il est admis que le cautionnement puisse être régularisé par voie d’acte authentique.

En pareille hypothèse, l’acte est alors instrumenté par un notaire.

Or celui-ci est assujetti à une obligation de conseil, ce qui implique notamment qu’il éclaire la caution sur la portée de son engagement.

Pour cette raison l’article 1369 du Code civil prévoit que lorsqu’un acte authentique « est reçu par un notaire, il est dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi. »

Appliquée au cautionnement, cette règle signifie que qu’il n’est pas nécessaire que figure sur l’acte de cautionnement conclu en la forme authentique la mention manuscrite requise ad validitatem par les anciens articles L. 331-1 et L. 331-2 du Code de la consommation.

Dans un arrêt du 24 février 2004, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « les articles L. 313-7 et L. 313-8 du Code de la consommation sont seulement applicables aux cautionnements consentis par acte sous seing privé » (Cass. 1ère civ. 24 févr. 2004, n°01-13.930).

La Chambre commerciale a adopté la même solution dans un arrêt du 6 juillet 2010, aux termes duquel elle a considéré que « les dispositions de l’article L. 341-3 du code de la consommation ne s’appliquent pas aux cautionnements consentis par acte authentique » (Cass. com. 6 juill. 2010, n°08-21.760).

À cet égard, dans un arrêt du 4 octobre 2017, la Première chambre civile a précisé qu’en présence d’un cautionnement établi initialement par acte authentique prorogé par voie d’avenant sous seing privé, il n’était pas nécessaire que la mention manuscrite soit reproduite sur cet avenant, dès lors que « les modifications apportées n’entraînaient aucune novation » (Cass. 1ère civ. 4 oct. 2017, n°16-22.577).

==> Les cautionnements conclus par acte sous signature privée contresigné par avocat

La loi n°2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées a créé, aux côtés de l’acte sous seing privé et de l’acte authentique, un acte sous contreseing d’avocat.

L’objectif poursuivi est celui d’une plus grande sécurité juridique pour les actes conclus entre les parties, grâce à l’intervention d’un avocat, en sa qualité d’auxiliaire de justice.

Non seulement cet acte atteste du conseil reçu par les parties, mais encore il est pourvu d’une force probante spécifique entre ces dernières et à l’égard de leurs ayants cause.

Surtout, l’article 1374, al. 3e du Code civil prévoit que l’acte sous signature privée contresigné par avocat « est dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi ».

Il en résulte que lorsqu’un cautionnement est établi par voie d’acte d’avocat, il n’est pas soumis à l’exigence de mention manuscrite prescrite ad validitatem par les anciens articles L. 331-1 et L. 331-2 du Code de la consommation.

Le législateur a estimé, que l’intervention d’un avocat, à l’instar d’un notaire, pour conseiller les parties garantissait pleinement qu’elles seront informées de la portée de l’engagement qu’elles concluent, ce qui dès lors rend inutile de maintenir l’exigence de mention manuscrite.

b. Les cautionnements conclus après le 1er janvier 2022

==> Le formalisme attaché au cautionnement proprement dit

L’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés a purement et simplement abrogé les dispositions du Code de la consommation qui subordonnaient la validité de certains cautionnements à l’apposition d’une mention manuscrite.

Ont ainsi été supprimées :

  • D’une part, l’exigence de reproduction d’une mention manuscrite sur les actes de cautionnement garantissant un crédit à la consommation ou un crédit immobilier ( art. L. 314-15 et L. 314-16 C. conso).
  • D’autre part, l’exigence de reproduction d’une mention manuscrite sur les actes de cautionnement garantissant un engagement de caution souscrit par une personne physique au profit d’un créancier professionnel ( art. L. 331-1 et L. 332-2 C. conso).

Est-ce à dire que la conclusion d’un cautionnement ne requiert plus l’observation d’un formalisme ad validitatem ? Le législateur n’a pas souhaité franchir le pas.

Tout au contraire, il a été animé par une volonté d’unification et de simplification de règles dispersées dans le Code de la consommation relatives à la mention manuscrite devant être apposée par la caution personne physique.

Comme sous l’empire du droit antérieur, une mention apposée par la caution elle-même est imposée. Il s’agit d’une condition de validité même du cautionnement, dans un but de protection de la caution.

Le nouvel article 2297 du Code civil prévoit en ce sens que « à peine de nullité de son engagement, la caution personne physique appose elle-même la mention qu’elle s’engage en qualité de caution à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de celui-ci, dans la limite d’un montant en principal et accessoires exprimé en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, le cautionnement vaut pour la somme écrite en toutes lettres. »

L’une des principales modifications opérées par l’ordonnance du 21 septembre 2021 réside dans l’extension du domaine d’application de la mention manuscrite.

Désormais, elle doit figurer sur tous les cautionnements souscrits par une personne physique, y compris lorsque le créancier n’est pas un professionnel.

Aussi, seules deux conditions doivent être remplies pour que l’engagement de caution soit assujetti à l’exigence de mention manuscrite :

  • Première condition
    • Il doit s’agir d’un cautionnement conclu par acte sous seing privé.
    • Lorsque, en effet, l’engagement de caution est souscrit par voie d’acte d’authentique ou par acte d’avocat, la loi prévoit une dispense de mention manuscrite ( 1369 C. civ. pour les actes authentiques et art. 1374 C. civ. pour les actes d’avocat).
  • Seconde condition
    • L’exigence de mention manuscrite ne s’applique qu’en présence d’un cautionnement souscrit par une personne physique.
    • À cet égard, il y a lieu de reconduire la jurisprudence de la Cour de cassation qui, à de nombreuses reprises, a rappelé qu’il était indifférent que la caution « soit ou non avertie», pourvu qu’il s’agisse d’une personne physique ( com. 10 janv. 2012, n°10-26.630).
    • Les cautions dirigeantes continuent ainsi à bénéficier de la protection assurée par l’exigence de mention manuscrite ( 1ère civ. 8 mars 2012, n°09-12.246).

S’agissant de la qualité du créancier, à la différence des dispositions du Code de la consommation abrogées par l’ordonnance du 21 septembre 2021, l’article 2297 du Code civil n’exige plus que le bénéficiaire du cautionnement soit un professionnel.

La mention manuscrite sera ainsi requise à titre de validité en présence d’un cautionnement conclu entre deux consommateurs.

Contrairement à la caution, le créancier peut néanmoins être une personne morale, tel un établissement de crédit ou une société de financement.

==> Le formalisme attaché au mandat de se porter caution

Sous l’empire du droit antérieur, dans le silence des textes, la Cour de cassation exigeait que la mention manuscrite requise à titre de validité par les dispositions du Code de la consommation soit reproduite, non seulement sur l’acte de cautionnement, mais également sur le mandat de se porter caution et ce quand bien même le cautionnement est conclu par acte authentique.

Au visa des anciens articles L. 313-7 et L. 313-8 du code de la consommation, la Première chambre civile avait ainsi jugé dans un arrêt du 8 décembre 2009 que « le mandat sous seing privé de se porter caution pour l’une des opérations relevant des chapitres I ou II du titre premier du livre troisième du code de la consommation doit répondre aux exigences des articles L. 313-7 et L. 313-8 de ce code ; que l’irrégularité qui entache le mandat s’étend au cautionnement subséquent donné sous la forme authentique » (Cass. 1ère civ. 8 déc. 2009, n°08-17.531).

À l’occasion de la réforme des sûretés opérée par l’ordonnance du 21 septembre 2021, le législateur a reconduit cette jurisprudence.

L’article 2297, al. 3e du Code civil prévoit que « la personne physique qui donne mandat à autrui de se porter caution doit respecter les dispositions du présent article. »

2. Le contenu de l’exigence de formalisme requis à titre de validité

2.1 La forme de la mention manuscrite

==> Les cautionnements conclus avant le 1er janvier 2022

Sous l’empire du droit antérieur, les textes exigeaient que la mention reproduite par la caution sur l’acte soit « manuscrite ».

Par manuscrit, il fallait entendre « écrit à la main », ce qui dès lors excluait l’apposition de la mention par voie électronique.

L’article 1174, al. 2e du Code civil prévoit pourtant que « lorsqu’est exigée une mention écrite de la main même de celui qui s’oblige, ce dernier peut l’apposer sous forme électronique si les conditions de cette apposition sont de nature à garantir qu’elle ne peut être effectuée que par lui-même. »

Le principe posé par cette disposition était toutefois assorti d’une exception. L’article 1175, 2e du Code civil interdisait, en effet, d’emprunter la voie électronique pour « les actes sous signature privée relatifs à des sûretés personnelles ou réelles, de nature civile ou commerciale. »

La mention manuscrite exigée à titre de validité pour les cautionnements soumis aux dispositions du Code de la consommation devait donc nécessairement être reproduite par la caution elle-même (Cass. com. 13 mars 2012, n° 10-27.814) et surtout de sa main (V. en ce sens CA Lyon, 2 sept. 2015, n° 12/00411).

Seule exception à cette exigence, l’hypothèse où l’acte sous seing privé constatant le cautionnement est accompli par une personne physique « pour les besoins de sa profession » (art. 1175, al.2e in fine).

En pareil cas, il est admis que la mention manuscrite puisse être reproduite par voie électronique. En dehors de cette situation, la mention doit être manuscrite.

Il peut être observé que dans l’hypothèse où la caution se trouverait dans l’incapacité de reproduire la mention à la main, car illettrée par exemple ou mal voyante la Cour de cassation n’admet, par principe, aucune dispense.

Dans un arrêt du 9 juillet 2015 la Première chambre civile a jugé que « la personne physique qui ne se trouve pas en mesure de faire précéder sa signature des mentions manuscrites exigées par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation destinées à assurer sa protection et son consentement éclairé, ne peut valablement s’engager que par acte authentique en qualité de caution envers un créancier professionnel » (Cass. 1ère civ. 9 juill. 2015, n°14-21.763).

En cas d’incapacité pour la caution de reproduire la mention manuscrite sur l’acte, elle n’a donc d’autre choix que de s’attacher les services d’un notaire aux fins de faire établir le cautionnement en la forme authentique.

Lorsque, toutefois, la caution, bien qu’illettrée, a reproduit elle-même la mention sur l’acte, la Cour de cassation admet la validité du cautionnement, alors même que le recours à l’acte authentique semblait s’imposer.

Dans un arrêt du 19 septembre 2018, elle a ainsi jugé, s’agissant d’une caution qui se présentait comme pratiquement analphabète, que dès lors que cette dernière était « en mesure de faire précéder sa signature de la mention manuscrite exigée par la loi, il n’était pas nécessaire de recourir à un acte authentique » (Cass. com. 19 sept. 2018, n°17-15.617).

À cet égard, dans un arrêt du 20 septembre 2017, la Cour de cassation a été plus loin en admettant, dans une affaire où la caution maîtrisait mal la langue française, que la mention manuscrite requise ad validitatem puisse être reproduite par un tiers.

Au soutien de sa décision, elle relève que la caution, qui était accompagnée de sa secrétaire, avait signé l’acte après que cette dernière eut inscrit la mention manuscrite.

Pour la Chambre commerciale « ces circonstances établissent que la conscience et l’information de la caution sur son engagement étaient autant assurées que si elle avait été capable d’apposer cette mention de sa main, dès lors qu’il avait été procédé à sa rédaction, à sa demande et en sa présence ».

Elle en déduit qu’un mandat avait été valablement donné par la caution à sa secrétaire, de sorte que le cautionnement litigieux était parfaitement valable (Cass. com. 20 sept. 2017, n° 12-18.364).

==> Les cautionnements conclus après le 1er janvier 2002

L’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés n’a pas seulement étendu le domaine d’application de la mention manuscrite, elle en a modifié la forme.

En effet, il n’est désormais plus requis que la mention devant figurer sur l’acte de cautionnement soit reproduite de la main de la caution.

L’article 2297 du Code civil prévoit seulement que « la caution personne physique appose elle-même la mention ».

Il en résulte que, dans l’hypothèse, où la mention serait reproduite par un tiers, le cautionnement encourt la nullité.

Est-ce à dire que les solutions retenues par la Cour de cassation en présence d’une caution illettrée ou maîtrisant mal la langue française sont remises en cause ? Les commentateurs de la réforme ne le pensent pas[3]. Elles devraient, selon eux, être reconduite par la jurisprudence (V. en ce sens Cass. com. 20 sept. 2017, n° 12-18.364).

Comme souligné par le rapport au Président de la République accompagnant l’ordonnance, cette nouvelle exigence – allégée ne peut plus obstacle à ce que le cautionnement soit conclu par voie électronique – selon les modalités prévues pour la validité des actes passés par voie électronique – dès lors que le processus par lequel l’acte est renseigné par la caution garantit que l’apposition de la mention résulte d’une démarche qu’elle a elle-même réalisée, comme prévu par le deuxième alinéa de l’article 1174 du code civil.

Pour mémoire, cette disposition prévoit que « lorsqu’est exigée une mention écrite de la main même de celui qui s’oblige, ce dernier peut l’apposer sous forme électronique si les conditions de cette apposition sont de nature à garantir qu’elle ne peut être effectuée que par lui-même. »

Par souci de cohérence, il peut être observé que le 2e de l’article 1175 du Code civil, qui prévoyait une exception à la possibilité d’apposer sur un acte par voie électronique une mention dont la reproduction manuscrite était imposée par la loi, a été supprimé.

Désormais, un cautionnement peut ainsi être établi sous forme électronique. Cette mesure procède d’une règle plus générale, instituée par l’article 26 de l’ordonnance du 21 septembre 2021, qui autorise la dématérialisation des sûretés même en dehors du cadre professionnel.

2.2 Le contenu de la mention manuscrite

a. Les cautionnements conclus avant le 1er janvier 2022

==> Formulation des mentions manuscrites

Sous l’empire du droit antérieur, les dispositions du Code de la consommation prescrivant un formalisme ad validitatem exigeaient la reproduction :

  • Soit d’une seule mention en présence d’un cautionnement simple
  • Soit de deux mentions en présence d’un cautionnement solidaire

En pratique, les établissements bancaires exigeront systématiquement que le cautionnement dont ils sont bénéficiaires soit assorti d’une clause de solidarité.

Aussi, sont-ce deux mentions manuscrites qui devront, le plus souvent, être reproduites dans l’acte par la caution.

  • Première mention
    • Cette mention – qui devait figurer, tant dans les cautionnements simples, dans les cautionnements solidaires – était formulée comme suit :
      • « En me portant caution de X, dans la limite de la somme de […] couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de […], je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X n’y satisfait pas lui-même. »
  • Seconde mention
    • Cette mention ne devait être reproduite sur l’acte par la caution qu’en présence d’un cautionnement solidaire.
    • Elle était formulée comme suit :
      • « En renonçant au bénéfice de discussion défini à l’article 2298 du code civil et en m’obligeant solidairement avec X je m’engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu’il poursuive préalablement X»

==> Articulation entre les deux mentions manuscrites

Les mentions manuscrites prévues par les dispositions du Code de la consommation sont exigées à titre de validité du cautionnement.

En présence d’un cautionnement solidaire, qui dès lors requiert la reproduction des deux mentions, la question s’est posée de savoir si l’irrégularité de l’une se répercutait par contamination sur l’autre et, par voie de conséquence, emportait nullité du cautionnement.

À l’analyse, lorsque c’est la première mention qui comporte une irrégularité, la validité du cautionnement s’en trouve nécessairement affectée.

Cette mention exprime, en effet, l’existence et l’étendue de l’engagement de caution. Or il s’agit là d’un prérequis indispensable sans lequel le cautionnement ne saurait prospérer.

Lorsque, en revanche, l’irrégularité frappe la seconde mention, soit celle qui exprime la solidarité de l’engagement de caution, cela est sans incidence sur la validité du cautionnement.

Dans un arrêt du 8 mars 2011, la Cour de cassation a ainsi approuvé une Cour d’appel qui, après avoir constaté que « l’engagement de caution avait été souscrit dans le respect des dispositions de l’article L. 341-2 du code de la consommation […] a retenu que la sanction de l’inobservation de la mention imposée par l’article L. 341-3 du même code ne pouvait conduire qu’à l’impossibilité pour la banque de se prévaloir de la solidarité et en a exactement déduit que l’engagement souscrit par la caution demeurait valable en tant que cautionnement simple » (Cass. com. 8 mars 2011, n°10-10.699).

La chambre commerciale a réitéré cette solution dans un arrêt du 10 mai 2012, aux termes duquel elle a affirmé que « l’engagement de caution solidaire, souscrit dans le respect des dispositions de l’article L. 341-2 du code de la consommation, ne comportant pas la mention manuscrite exigée par l’article L. 341-3 de ce code, demeure valable en tant que cautionnement simple » (Cass. com. 10 mai 2012, n°11-17.671).

i. Principe général

Les mentions manuscrites prescrites par les dispositions du Code de la consommation étant prédéterminées par la loi, la question s’est rapidement posée de savoir si elles devaient être reproduites à l’identique sur l’acte de cautionnement ou si les parties pouvaient prendre quelques libertés quant aux termes choisis, voire adapter la formulation de la mention.

Les textes fournissaient un premier élément de réponse puisque commandant à la caution de faire « précéder sa signature de la mention manuscrite suivante et uniquement de celle-ci ».

Par la formule « et uniquement de celle-ci », les juridictions ont compris, dans un premier temps, que la mention manuscrite dictée par les textes devait être reproduite par la caution à l’identique sur l’acte de cautionnement.

Toute altération, omission ou ajout était donc, a priori, de nature à justifier l’annulation du cautionnement (V. en ce sens CA Paris, 5 mars 2009, n° 07/08612 ; CA Rennes, 22 janv. 2010).

Bien que conforme à la lettre de la loi, cette position rigoureuse, sinon orthodoxe a progressivement été atténuée par la Cour de cassation qui a admis que la mention manuscrite reproduite sur l’acte de cautionnement puisse comporter quelques écarts avec celle énoncée par les textes.

Aussi, dans un arrêt du 5 avril 2011, la Cour de cassation a apporté un premier tempérament à la position adoptée par les juridictions du fond en affirmant que « la nullité d’un engagement de caution souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel est encourue du seul fait que la mention manuscrite portée sur l’engagement de caution n’est pas identique aux mentions prescrites par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, à l’exception de l’hypothèse dans laquelle ce défaut d’identité résulterait d’erreur matérielle » (Cass. com. 5 avr. 2011, n°09-14.358).

Si donc la mention figurant sur l’acte de cautionnement doit, par principe, être strictement fidèle au modèle prédéfini par la loi, la chambre commerciale réserve le cas de l’erreur matérielle qui est sans incidence sur la validité de l’engagement de caution.

Que faut-il entendre par erreur matérielle ? La haute juridiction ne fournit aucune définition. L’analyse des décisions rendues conduisent à considérer qu’il s’agit d’une erreur commise par inadvertance par la caution et qui, surtout, n’affecte pas le sens et la portée de la mention manuscrite.

Il pourra ainsi s’agir d’une erreur portant sur un numéro d’article du Code civil, d’une interversion de termes de la mention, encore de l’omission d’une virgule.

Dans un arrêt du 31 janvier 2017, la Cour de cassation a, par exemple, jugé s’agissant d’une contradiction entre deux dates que « la validité de l’engagement n’était pas affectée par la contradiction entre ces deux dates, dès lors que l’une des mentions manuscrites était conforme à celles prescrites par la loi » (Cass. com. 31 janv. 2017, n°15-15.890).

Dans un arrêt du 9 novembre 2004, elle a encore décidé que « l’omission de la conjonction de coordination “et” entre, d’une part, la formule définissant le montant et la teneur de l’engagement, d’autre part, celle relative à la durée de celui-ci, n’affecte ni le sens, ni la portée de la mention manuscrite prescrite par l’article L. 313-7 du Code de la consommation » en conséquence de quoi le cautionnement qui lui était déféré était parfaitement valide (Cass. 1ère civ. 9 nov. 2004, n°02-17.028).

Dans un arrêt du 5 avril 2011, elle a, par ailleurs, estimé que « l’apposition d’une virgule entre la formule caractérisant l’engagement de caution et celle relative à la solidarité [en substitution d’un point] n’affecte pas la portée des mentions manuscrites conformes aux dispositions légales » (Cass. com. 5 avr. 2011, n°10-16.426).

Dans le même sens, elle a jugé dans un arrêt du 11 septembre 2013 que « ni l’omission d’un point ni la substitution d’une virgule à un point entre la formule caractérisant l’engagement de caution et celle relative à la solidarité, ni l’apposition d’une minuscule au lieu d’une majuscule au début de la seconde de ces formules, n’affectent la portée des mentions manuscrites conformes pour le surplus aux dispositions légales » (Cass. 1ère civ. 11 sept. 2013, n°12-19.094).

Par suite, la Haute juridiction a un peu plus assoupli sa position en admettant que des écarts dépassant la simple erreur matérielle n’affectent pas la validité du cautionnement.

À titre d’illustration, dans un arrêt du 4 novembre 2014 elle a statué sur la validité d’une mention manuscrite qui contenait l’ajout, en tête de paragraphe de la formule « je reconnais être parfaitement informé de la situation tant juridique que financière du cautionné ».

Dans cette affaire, la Chambre commerciale reproche aux juges du fond de n’avoir pas recherché si « cet ajout modifiait la formule légale ou en rendait la compréhension plus difficile pour la caution » (Cass. com. 4 nov. 2014, n°13-23.130).

A l’analyse, si la Cour de cassation admet que la mention manuscrite reproduite sur l’acte de cautionnement puisse ne peut être totalement identique à celle énoncée par les dispositions du Code de la consommation, c’est à la condition que les divergences constatées soient minimes.

Dans un arrêt du 16 mai 2012, elle a, par exemple, censuré une Cour d’appel à laquelle elle reprochait d’avoir validé un cautionnement alors que la mention manuscrite figurant sur l’acte comportait des écarts importants avec la formulation légale.

Pour justifier leur décision, les juges du fond avaient retenu que si la rédaction de la mention n’était pas strictement conforme aux prescriptions légales, il en ressortait cependant que la caution avait, au travers des mentions portées, une parfaite connaissance de l’étendue et de la durée de son engagement et que, en outre la caution, tenue de recopier la formule prévue par la loi, ne saurait invoquer, pour tenter d’échapper à ses engagements, ses propres errements dans le copiage de cette formule.

Cette analyse n’a pas convaincu la Première chambre civile qui estime que la mention litigieuse, bien que faisant état de l’engagement en toute connaissance de cause de la caution, n’était pas conforme aux exigences légales (Cass. 1ère civ. 16 mai 2012, n°11-47.411).

L’enseignement qu’il y avait lieu de retirer de cette décision c’est que seuls des petits écarts avec la mention dictée par la loi étaient admis par la Cour de cassation. Lorsque la divergence était trop importante, le cautionnement encourait la nullité.

Au bilan, la Cour de cassation a plutôt opté pour approche souple de l’exigence de reproduction de la mention manuscrite sur l’acte de cautionnement.

Si elle admet que cette mention puisse comporter des écarts avec la formule dictée par les textes, c’est à la double condition :

  • D’une part, que les divergences soient minimes
  • D’autre part, que lesdites divergences n’affectent ni le sens, ni la portée de la mention

Lorsque dès lors les écarts constatés seront trop importants, le cautionnement encourra la nullité, sauf à ce qu’il soit établi que la caution a intentionnellement cherché à altérer la mention manuscrite afin de se soustraire à ses engagements (V. en ce sens Cass. com. 5 mai 2021, n°19-21.468).

ii. Mise en œuvre

Si donc la Cour de cassation admet que la mention reproduite ne soit pas strictement identique à celle dictée par les dispositions du Code de la consommation, sa tolérance varie néanmoins selon la nature de l’écart constaté.

Tantôt elle estimera que cet écart justifiera la nullité du cautionnement, tantôt elle considérera que la divergence emportera réduction de l’engagement de caution ou requalification en cautionnement simple.

==> Écarts portant sur l’identité du débiteur principal

  • Omission de l’identité du débiteur principal
    • Lorsque l’identité du débiteur principal fait purement et simplement défaut dans la mention reproduite sur l’acte de cautionnement, la Cour de cassation estime que l’engagement de caution est nul.
    • Dans un arrêt du 24 mai 2018, elle a, par exemple, affirmé que « la lettre X de la formule légale doit être remplacée, dans la mention manuscrite apposée par la caution, par le nom ou la dénomination sociale du débiteur garanti» ( com. 24 mai 2018, n°16-24.400).
    • Dans un arrêt du 21 octobre 2020, elle a encore jugé que « le formalisme des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016, n’a pas été respecté, dès lors que la mention manuscrite litigieuse ne comporte ni la durée du cautionnement, ni l’identité du débiteur principal et ne précise pas le sens de l’engagement, ni n’indique ce que signifie son caractère solidaire». ( com. 21 oct. 2020, n°19-11.700).
  • Imprécision quant à la désignation du débiteur principal
    • Il est des cas où l’identité du débiteur ne sera pas renseignée avec suffisamment de précision.
    • Dans un arrêt du 9 juillet 2019, la Cour de cassation a, par exemple, censuré une Cour d’appel à laquelle elle reprochait de n’avoir pas recherché « si la mention manuscrite de l’acte de cautionnement permettait d’identifier le débiteur garanti, sans qu’il soit nécessaire de se référer à des éléments extérieurs à cette mention, quand ce débiteur doit être désigné dans la mention manuscrite apposée par la caution par son nom ou sa dénomination sociale, et ne peut l’être par une enseigne» ( com. 9 juill. 2019, n°17-22.626).
    • À l’inverse, dans un arrêt du 21 novembre 2018, elle a admis la validité d’un cautionnement alors que la mention manuscrite figurant sur l’acte n’indiquait que la forme sociale du débiteur principal sans autre précision.
    • La Chambre commerciale, pour justifier sa décision, a relevé que la caution avait fait figurer dans la mention « à trois reprises la dénomination sociale du débiteur principal garanti, en précisant qu’il s’engageait à rembourser au prêteur les sommes dues “si SARL ELYXIR n’y satisfait pas”, et en déclarant s’obliger solidairement “avec SARL ELYXIR” et à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu’il poursuive préalablement “SARL ELYXIR».
    • Constatant ainsi que l’identité du débiteur était bien indiquée dans la mention manuscrite, certes à un autre endroit que celui prévu par la loi, elle en déduit que le débiteur principal était bien identifié dans la mention ( com. 21 nov. 2018, n°16-25.128).
  • Adjonctions se rapportant à l’identité du débiteur principal
    • Dans un arrêt du 16 octobre 2012, la Cour de cassation a jugé comme valide la mention qui outre la désignation de la société débitrice, contenait toutes une série d’informations sur celle-ci, non requises par le texte (forme sociale, montant du capital social, adresse du siège social, numéro au registre du commerce et des sociétés).
    • Pour la Chambre commerciale dès lors que la mention prévue l’article L. 341-2 du code de la consommation avait été intégralement et correctement reproduite et que les précisions concernant la désignation du débiteur, qui ne sont pas formellement interdites par l’article L. 341-2 du code de la consommation, ne modifiaient en rien la formule légale ni n’en rendaient sa compréhension plus difficile pour la caution, le cautionnement litigieux n’encourait pas la nullité ( com. 16 oct. 2012, 11-23.623).

==> Écarts portant sur le montant de l’engagement de caution

Les dispositions du Code de la consommation exigent que la mention manuscrite contienne le montant de l’engagement de caution.

Il en résulte que, lorsque le cautionnement est conclu entre une personne physique et un créancier professionnel, l’engagement de caution ne saurait être illimité ; un plafond doit nécessairement être déterminé par les parties et être indiqué dans la mention.

Dans un arrêt du 31 janvier 2017, la Cour de cassation a précisé que lorsque la mention manuscrite rendait compte tout à la fois d’un engagement limité pour les dettes déjà nées et d’un engagement illimité pour les dettes à venir, celle-ci « n’était pas conforme à celle prévue par la loi, de sorte que l’engagement était nul pour le tout » (Cass. com. 31 janv. 2017, n°14-27.185).

La seule solution pour contourner la prohibition des cautionnements illimités est d’établir l’acte par voie d’acte notarié.

Lorsque, en revanche, le cautionnement est conclu sous seing privé, l’omission du montant de l’engagement est sanctionnée par la nullité (V. en ce sens CA Chambéry, 10 mars 2015, n°13/02734).

À la différence de la mention requise à titre probatoire par l’article 1376 du Code civil, la mention exigée à titre de validité n’implique pas l’indication du montant de l’engagement de caution en chiffres et en lettres.

Dans un arrêt du 18 janvier 2017, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « l’article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 14 mars 2016, n’impose pas la mention du montant de l’engagement de la caution à la fois en chiffres et en lettres » (Cass. com. 18 janv. 2017, n°14-26.604).

À cet égard, la jurisprudence exige que la mention indique le montant de l’engagement de caution chiffré. Un renvoi à l’acte constatant l’opération garantie est insuffisant de même que l’indication d’un pourcentage du prêt garanti (V. en ce sens CE 3e 25 mai 2018, 406332).

Par ailleurs, le montant de l’engagement de caution figurant dans la mention doit être suivi de la précision « couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard ».

Dans un arrêt du 24 mai 2018, la Chambre commerciale a estimé que l’omission de cette précision était de nature à affecter le sens et la portée de la mention manuscrite (Cass. com. 24 mai 2018, n°17-11.144).

Dans un arrêt du 4 novembre 2014, elle a, en revanche, estimé que l’omission du terme intérêt « n’avait pour conséquence que de limiter l’étendue du cautionnement au principal de la dette sans en affecter la validité » (Cass. com. 4 nov. 2014, n°13-24.706).

Elle a adopté la même position s’agissant de l’omission de la formule « dans la limite de » (Cass. com. 10 janv. 2018, n°15-26.324).

==> Écarts portant sur la durée de l’engagement de caution

À l’instar du montant de l’engagement de caution, la durée de cet engagement doit également être reprise par la mention manuscrite.

Dans un arrêt du 21 octobre 2020, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « le formalisme des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016, n’a pas été respecté, dès lors que la mention manuscrite litigieuse ne comporte ni la durée du cautionnement, ni l’identité du débiteur principal et ne précise pas le sens de l’engagement, ni n’indique ce que signifie son caractère solidaire » (Cass. com. 21 oct. 2020, n°19-11.700).

L’omission de la durée dans la mention manuscrite est ainsi de nature à justifier la nullité du cautionnement.

Quelques années plutôt, la Première chambre civile avait précisé dans un arrêt du 9 juillet 2015 que « les dispositions de l’article L. 341-2 du code de la consommation ne précisent pas la manière dont la durée de l’engagement de caution doit être exprimée dans la mention manuscrite, il n’en demeure pas moins que, s’agissant d’un élément essentiel permettant à la caution de mesurer la portée exacte de son engagement, cette mention devait être exprimée sans qu’il soit nécessaire de se reporter aux clauses imprimées de l’acte » (Cass. 1ère civ. 9 juill. 2015, n°14-24.287).

Il ressort de cette décision que la durée de l’engagement de caution doit nécessairement figurer dans la mention manuscrite. Il ne saurait être renvoyé à l’acte constatant l’opération principale.

S’agissant du libellé de cette durée, il doit permettre à la caution « de connaître, au moment de son engagement, la date limite de celui-ci » (Cass. com. 13 déc. 2017, 15-24.294).

En présence d’un cautionnement conclu entre une personne physique et un créancier professionnel, la durée de l’engagement de caution doit ainsi nécessairement être déterminée, à l’instar du montant.

Dans un arrêt du 13 décembre 2017, la Chambre commerciale a affirmé, par exemple, que « la mention “pour la durée de…” qu’impose, pour un cautionnement à durée déterminée, l’article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016, implique l’indication d’une durée précise ».

Elle en déduit que « les mentions des différents actes de cautionnement, stipulant un engagement de la caution jusqu’au 31 janvier 2014 “ou toute autre date reportée d’accord” entre le créancier et le débiteur principal, ne permettaient pas à la caution de connaître, au moment de son engagement, la date limite de celui-ci », de sorte que, au cas particulier, l’annulation du cautionnement était pleinement justifiée (Cass. com. 13 déc. 2017, n°15-24.294).

La durée doit donc être indiquée avec précision dans la mention manuscrite, ce qui implique que la caution l’exprime en unités de temps.

Dans un arrêt du 26 janvier 2016, la Cour de cassation a ainsi confirmé l’annulation d’un cautionnement au motif que la durée était exprimée en nombre de mensualités de crédit.

Au soutien de sa décision, elle affirme que « si l’article L. 341-2 du code de la consommation ne précise pas la manière d’indiquer la durée de l’engagement de la caution, la cour d’appel n’a pas ajouté à ce texte une condition qu’il ne prévoit pas en imposant que la mention manuscrite se réfère sur ce point à une durée, ce qui n’est pas le cas d’une formule manuscrite se référant à cent huit mensualités et non à cent huit mois » (Cass. com. 26 janv. 2016, n°14-20.202).

Dans un arrêt du 4 mai 2017, elle a toutefois jugé valable la mention aux termes de laquelle la caution s’était engagée « dans la limite de la somme de 49 995 € quarante neuf mille neuf cent quatre vingt quinze euros pendant 9 mois, puis à hauteur de 43 333 € quarante trois mille trois cent trente trois euros pendant la durée restante du crédit » (Cass. com. 4 mai 2017, n°15-18.493).

==> Écarts portant sur l’étendue du gage du gage des créanciers

Pour mémoire, la dernière partie de la mention manuscrite est formulée comme suit : « je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si n’y satisfait pas lui-même. »

Ainsi est-il abordé l’étendue du gage des créanciers qui pourront poursuivre la caution sur ses revenus et ses biens.

La question s’est alors posée de savoir si le cautionnement encourait la nullité dans l’hypothèse où la caution ne se référerait qu’à ses seuls biens ou qu’à ses revenus, la portée de son engagement n’étant alors pas le même en cas d’omission de l’un ou l’autre terme.

Dans un arrêt du 1er octobre 2013, la Cour de cassation a eu à connaître d’une affaire où la caution avait omis, en reproduisant la mention manuscrite sur l’acte de cautionnement, les termes « mes biens ».

Cette omission était-elle de nature à justifier l’annulation du cautionnement ? La Chambre commerciale répond par la négative. Elle estime, au cas particulier, que « l’omission des termes “mes biens” n’avait pour conséquence que de limiter le gage de la banque aux revenus de la caution et n’affectait pas la validité du cautionnement » (Cass. com. 1er oct. 2013, n°12-20.278).

En cas d’omission des termes « mes biens », c’est donc une réduction du gage des créanciers qui est encourue et non une annulation de l’engagement de caution.

À l’analyse, la même solution devrait être retenue en cas d’omission des termes « mes revenus ».

Lorsque, en revanche, la conjonction de coordination « et » est substitué par « ou » ma Cour de cassation estime que c’est bien la validité du cautionnement qui s’en trouve affectée.

Dans un arrêt du 26 janvier 2016, elle a jugé en ce sens, après avoir relevé que la formule écrite de la main de la caution prévoyait que celle-ci s’engageait sur ses revenus ou ses biens et non sur ses revenus et ses biens, conformément à la mention manuscrite légale, que cette substitution « en modifiait le sens et la portée quant à l’assiette du gage du créancier », de sorte que l’engagement de caution était nul (Cass.com. 26 janv. 2016, n°14-20.868).

==> Écarts divers consistant en des omissions, substitutions, adjonctions

  • Omissions
    • Dans un arrêt du 7 février 2018, la Cour de cassation a estimé que l’omission de la conjonction « si », bien que constituant une erreur purement matérielle, était de nature à justifier l’annulation du cautionnement « en ce qu’elle rendait la mention manuscrite légale inintelligible, en affectait le sens et la portée» ( com. 7 févr. 2018, n°16-20.586).
  • Adjonctions
    • Dès lors qu’ils n’affectent pas le sens et la portée de la mention manuscrite, la Cour de cassation estime que les adjonctions sont sans incidence sur la validité du cautionnement.
    • Dans un arrêt du 27 janvier 2015, elle a, par exemple, approuvé une Cour d’appel qui après avoir constaté qu’à la formule de l’article L. 341-2 du code de la consommation, la banque avait fait ajouter, après la mention « au prêteur », les mots suivants : « ou à toute personne qui lui sera substituée en cas de fusion, absorption, scission ou apports d’actifs », a considéré que cet ajout, portant exclusivement sur la personne du prêteur, ne dénaturait pas l’acte de caution et n’en rendait pas plus difficile la compréhension.
    • Les juges du fond en déduisent que l’ajout litigieux n’avait pas altéré la compréhension par les cautions du sens et de la portée de leurs engagements de sorte que le cautionnement n’encourait pas la nullité ( com. 27 janv. 2015, n°13-24.778).
    • Dans un arrêt du 10 février 2013, la Première chambre civile a, de son côté, estimé que « l’évocation du caractère « personnel et solidaire » du cautionnement, d’une part, la substitution du terme « banque » à ceux de « prêteur » et de « créancier », d’autre part, n’affectaient ni le sens ni la portée des mentions manuscrites prescrites par les articles L. 341-2 et suivant du code de la consommation» ( 1ère civ. 10 avr. 2013, n°12-18.544).
    • La Chambre commerciale a adopté la même solution dans un arrêt du 8 juillet 2014 ( com. 8 juill. 2014, n°13-20.621).
    • Enfin, plus récemment, la Haute juridiction a estimé que « l’interposition, entre les mentions légalement prescrites et la signature de la caution, de la formule « bon pour consentement exprès au présent cautionnement », n’affectait ni le sens ni la portée de ces mentions, dont la loi n’impose pas qu’elles précèdent immédiatement la signature de la caution» ( 1ère civ. 22 janv. 2020, n°18-14.860).
  • Substitutions
    • En cas de substitution d’un terme prévu par la loi par un autre, la Cour de cassation fait plutôt preuve de tolérance.
    • Dans un arrêt du 27 novembre 2013, elle a, par exemple, jugé que la substitution du numéro « 2021 » au numéro « 2298 » dans celle relative à la solidarité, n’affectaient pas la portée des mentions manuscrites ( 1ère civ. 27 nov. 2013, n°12-21.393).
    • Dans un arrêt du 10 avril 2013, elle a adopté la même solution s’agissant cette fois-ci de la substitution du terme « prêteur » par le terme « banque » ( 1ère civ. 10 avr. 2013, n°12-18.544).

Au bilan, la jurisprudence de la Cour de cassation s’est considérablement assouplie au fil des décisions rendues.

Non seulement elle admet que la mention manuscrite reproduite sur l’acte puisse comporter des écarts avec celle prédéterminée par le Code de la consommation, mais encore elle tolère que ces écarts puissent être de nature à modifier la portée de l’engagement de caution.

En pareille hypothèse, au lieu de prononcer la nullité du cautionnement, elle préfère, en effet, réduire, tantôt le gage des créanciers, tantôt le montant de l’engagement.

L’exigence posée par la Cour de cassation est moins que la mention manuscrite soit conforme aux textes du Code de la consommation, qu’elle soit intelligible, soit permette de rendre compte de la compréhension, par la caution, du sens et de la portée de son engagement.

Cette approche libérale pour laquelle la Haute juridiction a progressivement opté a conduit certains auteurs à soutenir que « le droit positif ne correspondait plus aux principes posés dans le Code de la consommation ».

Lors de la réforme du droit des sûretés, le législateur en a tiré toutes les conséquences en assouplissant les règles de reproduction de la mention manuscrite.

b. Les cautionnements conclus après le 1er janvier 2022

L’ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés ne s’est pas limitée à étendre le champ d’application de la mention manuscrite, elle a également modifié les règles relatives à son formalisme.

Pour mémoire, le nouvel article 2297 du Code civil prévoit que « à peine de nullité de son engagement, la caution personne physique appose elle-même la mention qu’elle s’engage en qualité de caution à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de celui-ci, dans la limite d’un montant en principal et accessoires exprimé en toutes lettres et en chiffres ».

Il ressort de cette disposition que le formalisme attaché à la mention devant – toujours – figurer sur l’acte de cautionnement est allégé s’agissant, tant de la formulation de cette mention, que de son contenu.

i. Sur la formulation de la mention

En premier lieu, à la différence des anciens textes du Code de la consommation, aucune mention prédéfinie n’est imposée par le nouveau texte.

La seule exigence instituée par le législateur réside dans l’obligation pour la caution d’apposer une mention qui exprime avec suffisamment de précision la nature et la portée de son engagement.

En cas de contestation, il appartiendra alors au juge d’apprécier le caractère suffisant de la mention.

Le rapport au Président de la République accompagnant l’ordonnance précise que « la reprise de la mention qui figure aujourd’hui dans le code de la consommation serait indiscutablement de nature à satisfaire cette exigence. ».

Aussi, afin de prévenir tout risque de litige, il peut apparaît prudent, sinon avisé pour le bénéficiaire d’un cautionnement d’exiger de la caution qu’elle reproduise sur l’acte l’ancienne formule sacramentelle.

En second lieu, l’allègement du formalisme opéré par l’ordonnance du 21 septembre 2021 ne concerne pas seulement la mention exprimant le montant de l’engagement de caution ; il intéresse également la mention devant figurer sur l’acte en cas de souscription d’un cautionnement solidaire.

En pareille hypothèse, comme sous l’empire du droit antérieur, une mention spécifique devra être reproduite par la caution aux termes de laquelle elle reconnaît « ne pouvoir exiger du créancier qu’il poursuive d’abord le débiteur ou qu’il divise ses poursuites entre les cautions ».

Aucune mention prédéterminée n’est donc, là encore, prescrite par l’article 2297 du Code civil. La formule figurant sur l’acte devra néanmoins exprimer avec suffisamment de précision la volonté de la caution à s’obliger solidairement, soit à renoncer à ses bénéfices de discussion et de division.

À défaut, l’article 2297 précise que l’engagement souscrit sera, non pas nul, mais requalifié en cautionnement simple.

ii. Sur le contenu de la mention

La nouvelle règle instituée par l’article 2297 du Code civil invite à formuler deux observations qui tiennent, d’une part, au montant de l’engagement de caution et, d’autre part, à sa durée.

==> Sur le montant de l’engagement de caution

  • S’agissant de la désignation du montant en principal couvert par le cautionnement
    • Le nouveau texte exige toujours que la mention devant être reproduite sur l’acte indique le montant de l’engagement de caution.
    • La conséquence en est l’impossibilité pour une personne physique de souscrire un cautionnement indéfini par voie d’acte sous seing privé.
    • Un tel cautionnement devra donc nécessairement être conclu en la forme authentique
    • S’agissant du montant de l’engagement qui doit être repris par la mention, l’article 2297 exige qu’il soit exprimé « en toutes lettres et en chiffres».
    • C’est là une différence avec les anciennes dispositions du Code de la consommation qui étaient silencieuses sur ce point.
    • Cette nouvelle exigence procède, à l’évidence, d’un rapprochement avec l’article 1376 du Code civil qui requiert, à titre de preuve, que le montant de l’engagement de caution contenu dans la mention soit exprimé en chiffres et en lettres.
    • Le rapprochement est d’autant plus flagrant que, à l’instar de l’article 1376, l’article 2297 précise que « en cas de différence, le cautionnement vaut pour la somme écrite en toutes lettres. »
  • S’agissant de la désignation des accessoires de la dette principale couverts par le cautionnement
    • La question ici se pose de savoir si la mention doit indiquer les accessoires éventuellement couverts par le cautionnement souscrit.
      • D’un côté, l’article 2295 prévoit que les accessoires sont couverts, de plein droit, par le cautionnement, de sorte que leur indication dans la mention est a priori
      • D’un autre côté, l’article 2297 prévoit que la mention figurant sur l’acte doit indiquer que la caution s’engage à garantir le créancier « dans la limite d’un montant en principal et accessoires», ce qui laisse à penser que les accessoires doivent être visés dans cette mention
    • Cette question n’ayant, pour l’heure, pas encore été tranchée par la jurisprudence, il est difficile de déterminer la solution qui sera retenue par les juridictions.
    • Pour Dominique Legeais, il y a lieu de considérer que l’indication des accessoires dans la mention n’est pas nécessaire[4].
    • On peut toutefois objecter que la mention prescrite par l’article 2297 du Code civil a pour finalité de permettre à la caution de s’engager en toute connaissance de cause et plus précisément de mesurer la portée de son engagement.
    • Or l’absence de précision sur la couverture ou non des accessoires de la dette principale par le cautionnement souscrit est de nature à altérer son appréciation.

==> Sur la durée de l’engagement de caution

À la différence des anciennes dispositions du Code de la consommation, l’article 2297 du Code civil n’exige plus que la mention précise la durée de l’engagement de caution.

Il en résulte que, désormais, une caution personne physique est autorisée à souscrire un cautionnement pour une durée indéterminée par voie d’acte sous seing privé, ce qui n’était pas le cas sous l’empire du droit antérieur.

Il ne sera donc plus nécessaire d’établir un acte authentique pour régulariser ce type d’engagement qui est particulièrement fréquent lorsqu’il s’agit de garantir le solde d’un compte courant ouvert dans les livres d’un établissement bancaire.

La caution devra néanmoins être informée, chaque année, par le créancier de son droit à résiliation.

3. La sanction de l’exigence de formalisme requis à titre de validité

==> La sanction de l’irrégularité de la mention portant sur l’étendue de l’engagement de caution

En application de l’article 2297 du Code civil, l’irrégularité de la mention devant exprimer l’étendue de l’engagement de caution est sanctionnée par la nullité du cautionnement.

Il s’agit là d’une reprise de la sanction qui s’appliquait déjà sous l’empire du droit antérieur en cas de non-respect des anciens articles L. 314-15 et L. 331-1 du Code de la consommation.

Dans un arrêt du 31 janvier 2017, la Cour de cassation a précisé qu’il s’agissait d’une nullité totale, en ce sens qu’elle anéantit l’engagement de caution pour le tout (Cass. com. 31 janv. 2017, n°14-27.185).

Quant à la nature de la nullité, dans un arrêt du 5 février 2013, la Cour de cassation a jugé que « la violation du formalisme des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, qui a pour finalité la protection des intérêts de la caution, est sanctionnée par une nullité relative » (Cass. com. 5 févr. 2013, n°12-11.720).

Il en résulte que :

  • D’une part, la nullité ne peut être invoquée que par la caution à l’exclusion de toute autre personne ( 1181 C. civ.)
  • D’autre part, la caution peut renoncer à se prévaloir de la nullité par une exécution volontaire de son engagement irrégulier, ce qui emporte confirmation du cautionnement ( 1182 C. civ.)

==> La sanction de l’irrégularité de la mention portant sur la solidarité de l’engagement de caution

Lorsque l’irrégularité affecte la mention portant sur la solidarité de l’engagement de caution, il est admis que la sanction applicable était, non pas la nullité de la garantie, mais la requalification de l’engagement en cautionnement simple.

Dans un arrêt du 8 mars 2011, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « la sanction de l’inobservation de la mention imposée par l’article L. 341-3 du même code ne pouvait conduire qu’à l’impossibilité pour la banque de se prévaloir de la solidarité et en a exactement déduit que l’engagement souscrit par la caution demeurait valable en tant que cautionnement simple » (Cass. com. 8 mars 2011, n°10-10.699).

Cette solution, discutée sous l’empire du droit antérieure, a été consacrée par le législateur lors de l’adoption de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés.

Le nouvel article 2297 du Code civil prévoit désormais que, en cas de non-respect respect du formalisme exigé en cas de souscription d’un cautionnement solidaire, la caution conserve le droit de se prévaloir des bénéfices de discussion et de division.