==> Généralités
La loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante a fortement innové en prévoyant la possibilité pour l’entrepreneur individuel de procéder à une transmission universelle entre vifs de son patrimoine professionnel.
Le transfert universel du patrimoine professionnel peut être défini comme la cession, à titre universel et indivisible, de l’ensemble des biens, droits et obligations compris dans ce patrimoine. Elle peut être consentie à titre onéreux ou gratuit. La cession des biens et droits à une société peut également revêtir la forme d’un apport en société.
L’objectif recherché par le législateur est de faciliter la transmission d’une entreprise individuelle (par vente ou donation) ou de faciliter sa transformation en société, tout en préservant les droits des créanciers.
À cet égard, comme souligné par l’étude d’impact réalisé au stade du projet de loi, le dispositif envisagé vise à « créer un continuum permettant d’assurer la fluidité du passage d’une activité amorcée en entreprise individuelle vers l’exploitation en société pour en poursuivre le développement et la croissance ».
Le dispositif instauré par le législateur permet a priori à l’entrepreneur individuel de bénéficier d’un régime de faveur quant aux modalités de la transmission des biens et obligations composant son patrimoine qui, s’ils étaient transmis à titre particulier, seraient soumis à des règles hétérogènes et, pour certaines, contraignantes (donation, cession de créances, vente immobilière etc.).
Le dispositif de transmission universelle de patrimoine présente l’avantage de pouvoir être mise en œuvre par l’effet d’un seul acte soumis aux seules conditions attachées aux modalités de transmission propres à l’universalité[1].
I) Le principe de transmission universelle entre vifs du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel
L’article L. 526-27 du Code de commerce prévoit que « l’entrepreneur individuel peut céder à titre onéreux, transmettre à titre gratuit entre vifs ou apporter en société l’intégralité de son patrimoine professionnel, sans procéder à la liquidation de celui-ci. »
Cette disposition reconnaît donc à l’entrepreneur la faculté de céder ou de donner l’intégralité de son patrimoine et de préciser que cette transmission s’opère sans qu’il y ait lieu de procéder à une liquidation.
Cela signifie qu’il n’est pas besoin pour l’entrepreneur individuel de se libérer de ses obligations pour transmettre son patrimoine.
Elles sont transmises, sans novation, ni extinction, au bénéficiaire de la transmission, lequel se substitue à l’entrepreneur individuel dans ses rapports d’obligations.
Cette faculté de transmission universelle octroyée à l’entrepreneur individuel constitue une véritable nouveauté en ce qu’elle déroge au principe général interdisant à une personne physique de transmettre, de son vivant, son patrimoine.
Cette interdiction s’explique par le fait que « le patrimoine est la représentation pécuniaire de la personne ».
Autrement dit, si le patrimoine exprime la situation financière de son titulaire, il traduit surtout son aptitude à être titulaires de droits et d’obligations. Or cette aptitude perdure aussi longtemps que la personne est en vie.
Cette caractéristique du patrimoine emporte notamment comme conséquence son incessibilité du vivant de la personne physique.
Si rien n’empêche le titulaire – personne physique – d’un patrimoine à céder tous ses biens et/ou toutes ses dettes, il ne peut, en revanche, céder son aptitude à acquérir de nouveaux droits et contracter de nouvelles dettes.
C’est la raison pour laquelle le patrimoine d’une personne physique est incessible entre vifs. Il ne peut être transmis qu’à cause de mort.
Tel était du moins l’état du droit positif avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2022-172 du 14 février 2022 qui a instauré un dispositif permettant à un entrepreneur individuel de transmettre un ensemble d’actifs et de passifs afférents à son activité professionnelle.
Il peut être observé que contrairement à la cession d’un fonds de commerce, qui ne porte que sur un actif composé de divers biens et droits, le transfert de patrimoine professionnel peut aussi porter sur des dettes professionnelles.
De ce point de vue, le transfert d’un patrimoine professionnel ressemble très étroitement, dans son principe, à la succession d’une personne physique.
En effet, le patrimoine transmis s’analyse ici comme une universalité de droit, soit comme un ensemble constitué d’un actif et d’un passif.
Pour cette raison, la transmission universelle de patrimoine ne s’envisage que si elle vise à céder l’intégralité de l’actif et du passif de l’entrepreneur individuel présentant un caractère professionnel.
À cet égard, l’article L. 526-27 du Code de commerce précise que cette transmission s’opère sans qu’il y ait lieu de procéder à une liquidation.
Cela signifie qu’il n’est pas besoin pour l’entrepreneur individuel de se libérer de ses obligations pour céder son patrimoine.
Elles sont transmises, sans novation, ni extinction, au bénéficiaire de la transmission, lequel se substitue à l’entrepreneur individuel dans ses rapports d’obligations.
II) Le régime de la transmission universelle entre vifs du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel
A) Les modalités de transmission
L’article L. 526-27, al. 2e du Code de commerce prévoit que le transfert universel du patrimoine professionnel peut s’opérer selon trois modalités différentes :
- La cession à titre onéreux
- La donation
- L’apport en société
B) Règles applicables
Si le régime de la transmission universelle de patrimoine est, pour une large part, emprunté à celui applicable en cas de fusion de sociétés ou de réunion des parts en une seule main, il s’en distingue néanmoins en raison de la différence de situation.
En effet, à la différence de la transmission universelle du patrimoine d’une société dissoute, celle d’un patrimoine professionnel n’emporte pas disparition de la personne de l’entrepreneur individuel.
Pour cette raison, le législateur a été contraint d’opérer un certain nombre d’adaptations, à telle enseigne que certaines règles interrogent sur le caractère réellement universel de la transmission de patrimoine telle qu’envisagée pour l’entrepreneur individuel
==> Des règles propres à la transmission universelle
L’un des principaux intérêts de la transmission universelle réside pour son auteur dans la possibilité de soumettre le transfert de son patrimoine à un régime juridique unique.
Si, en effet, il avait transmis à titre particulier les éléments de ce patrimoine, chaque opération, prise individuellement, aurait été soumise à un régime juridique spécifique.
C’est d’ailleurs ce que rappelle en substance l’article L. 526-27, al. 1er du Code de commerce en prévoyant que « le transfert non intégral d’éléments de ce patrimoine demeure soumis aux conditions légales applicables à la nature dudit transfert et, le cas échéant, à celle du ou des éléments transférés. »
Ce n’est donc que si le transfert porte sur l’intégralité du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel que les règles propres à la transmission universelles peuvent jouer.
À cet égard, selon les modalités choisies par l’entrepreneur individuel pour transmettre son patrimoine, la transmission universelle obéira à des règles différentes.
La transmission universelle à titre onéreux devrait ainsi être soumise au régime de la vente, tandis que la transmission universelle à titre gratuit devrait être soumise au régime des donations.
Quant à la transmission du patrimoine au profit d’une société, elle devrait être régie par les règles de l’apport.
Afin que la transmission universelle du patrimoine de l’entrepreneur individuel puisse s’opérer efficacement et pour faciliter sa mise en œuvre, le législateur a écarté le jeu de plusieurs règles susceptibles d’interférer avec le transfert.
L’article L. 526-29 du Code de commerce prévoit ainsi que ne sont pas applicables au transfert universel du patrimoine professionnel d’un entrepreneur individuel, toute clause contraire étant réputée non écrite :
- L’article 815-14 du Code civil
- Cette disposition régit le droit de préemption dont sont titulaires les coïndivisaires d’un bien en cas de cession d’une quote-part indivise par un indivisaire à un tiers.
- L’article 1699 du Code civil
- Cette disposition régit la cession d’un droit litigieux
- Les articles L. 141-12 à L. 141-22 du Code de commerce
- Ces dispositions régissent le privilège du vendeur de fonds de commerce
Aussi, dans l’hypothèse où le patrimoine de l’entrepreneur individuel comprendrait un bien indivis ou un fonds de commerce, la transmission de ce patrimoine ne pourra ainsi pas se heurter à l’exercice du droit de préemption d’un coindivisaire ou à la mise en œuvre du privilège du vendeur.
La transmission universelle s’opèrera nonobstant ces dispositifs qui, en cas de transfert à titre particulier, feraient obstacle à la réalisation de l’opération.
==> La résurgence de règles de droit commun
Bien que le dispositif de transmission universelle d’un patrimoine présente la particularité d’être soumis à un seul et même régime juridique, l’article L. 526-27, al. 3e du Code de commerce assortit ce principe d’une exception.
Cette disposition prévoit, en effet, que « sous réserve de la présente section, les dispositions légales relatives à la vente, à la donation ou à l’apport en société de biens de toute nature sont applicables, selon le cas. Il en est de même des dispositions légales relatives à la cession de créances, de dettes et de contrats. »
Une lecture du texte suggère que, nonobstant la transmission universelle, les règles propres au transfert de chaque bien et de chaque obligation logés dans le patrimoine transmis demeureraient applicables.
La règle ainsi posée est pour le moins énigmatique dans la mesure où son application littérale conduirait à ruiner le principe même de la transmission universelle qui devrait précisément avoir pour effet de neutraliser le jeu des règles applicables à chaque opération prise individuellement.
En l’absence de dispositions qui précisent l’intention du législateur, la question de l’articulation entre les règles propres à la transmission universelle et celles propres au transfert de chaque élément du patrimoine est ouverte.
C) Les conditions de transmission
Selon les modalités choisies par l’entrepreneur individuel pour transmettre son patrimoine, les conditions applicables diffèrent.
Certaines conditions s’appliquent, en revanche, quelle que soit la modalité de transmission retenue
1. Conditions communes
La transmission universelle du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel est subordonnée à la réunion de deux conditions générales :
- Première condition
- L’article L. 526-30 du Code de commerce prévoit que « le transfert doit porter sur l’intégralité du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel, qui ne peut être scindé»
- Aussi, quand bien même l’entrepreneur individuel exercerait plusieurs activités professionnelles, interdiction lui est faite de « scinder » son patrimoine en plusieurs parties.
- La transmission ne pourra porter que sur la globalité de son patrimoine.
- Il s’agit ici d’éviter qu’une scission du patrimoine préjudicie à certains créanciers.
- Le non-respect de cette condition est sanctionné par la nullité de la transmission du patrimoine.
- Seconde condition
- L’article L. 526-27, al. 4e du Code de commerce prévoit que la transmission universelle du patrimoine n’est pas permise si l’entrepreneur individuel s’est « obligé contractuellement à ne pas céder un élément de son patrimoine professionnel ou à ne pas transférer celui-ci à titre universel».
- Le texte précise que la violation de cette règle engage la responsabilité de l’entrepreneur individuel sur l’ensemble de ses biens, sans emporter la nullité du transfert.
2. Conditions spécifiques
Selon les modalités de transmission choisies par l’entrepreneur individuel les conditions d’application diffèrent.
==> La transmission universelle à titre onéreux
Dans cette hypothèse, ce sont donc les règles de la vente qui devraient s’appliquer.
Aussi, pour être valide, la transmission devra notamment satisfaire aux conditions posées à l’article 1583 du Code civil.
Pour mémoire, cette disposition prévoit que la vente « est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé. »
Bien que s’imposant comme naturelle en cas de cession à titre onéreux du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel, l’application du régime de la vente n’est pas sans soulever des difficultés.
Il est plusieurs questions qui se posent auxquelles les textes n’apportent, pour l’heure, aucune réponse.
Ainsi, le cédant du patrimoine sera-t-il tenu aux mêmes garanties que celles du vendeur (garantie des vices cachés, garantie d’éviction) ? La rescision pour lésion sera-t-elle possible, lorsque le patrimoine professionnel comprend des biens dont la vente peut être rescindée ? Le cédant à titre onéreux jouira-t-il des divers privilèges du vendeur ?
==> La transmission universelle à titre gratuit
Dans cette hypothèse, la transmission universelle s’analysera en une donation. Elle pourra prendre la forme d’une donation ordinaire ou d’une donation-partage.
En tout état de cause, ce sont les règles des libéralités qui ont vocation à s’appliquer et plus précisément celles relatives aux donations.
Pour être valable, la transmission supposera notamment, conformément à l’article 931 du Code civil, d’établir un acte notarié.
==> La transmission universelle sous la forme d’un apport en société
Lorsque la transmission universelle prend la forme d’un apport en société, elle s’analyse en un apport en nature.
Aussi, ce sont les règles du droit des sociétés qui s’appliquent ; mais pas seulement.
Les articles L. 526-30 et L. 526-31 énoncent trois règles spécifiques applicables à la transmission universelle sous forme d’apport en société.
- Première règle
- En cas d’apport à une société nouvellement créée, l’actif disponible du patrimoine professionnel doit permettre de faire face au passif exigible sur ce même patrimoine ( L. 526-30, 2e C. com.)
- La situation contraire serait, en effet, constitutive d’une cessation des paiements et devrait donc obliger le titulaire du patrimoine professionnel à demander l’ouverture d’une procédure collective portant sur ce patrimoine.
- Deuxième règle
- Ni l’auteur, ni le bénéficiaire du transfert ne doivent avoir été frappés de faillite personnelle ou d’une peine d’interdiction prévue à l’article L. 653-8 du présent code ou à l’article 131-27 du Code pénal, par une décision devenue définitive ( L. 526-30, 3° C. com.)
- Troisième règle
- Lorsque le patrimoine professionnel apporté en société contient des biens constitutifs d’un apport en nature, il est fait recours à un commissaire aux apports ( L. 526-31 C. com.)
III) Les effets de la transmission universelle entre vifs du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel
A) Les effets de la transmission universelle entre les parties
L’article L. 526-27, al. 2e du Code de commerce prévoit que « le transfert universel du patrimoine professionnel emporte cession des droits, biens, obligations et sûretés dont celui-ci est constitué ».
Le transfert vise ici à transférer le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel envisagé comme une universalité de droit.
Par universalité de droit il faut entendre, pour mémoire, un ensemble pécuniaire permanent qui comprend, un actif et un passif réuni autour d’une même personne et dont l’un répond de l’autre.
Aussi, est-ce l’ensemble de l’actif, mais également du passif qui sont transférés, étant précisé que ce transfert s’opère sans liquidation.
Le transfert a donc pour effet de libérer l’entrepreneur individuel de ses obligations professionnelles qui sont transmises au bénéficiaire du patrimoine.
S’agissant des sûretés constituées en garantie des obligations transférées, elles subissent le même sort en raison de leur caractère accessoire.
L’opération de transmission ne devrait donc pas avoir pour effet de libérer les cautions, ni de remettre en cause les sûretés réelles constituées sur les biens relevant du patrimoine professionnel, objet du transfert.
B) Les effets de transmission universelle à l’égard des tiers
La transmission universelle de patrimoine n’est pas sans incidence sur les tiers, en particulier sur les créanciers de l’entrepreneur individuel.
L’opération a pour effet de leur donner un nouveau débiteur, le bénéficiaire de la transmission universelle, qui se substitue à l’entrepreneur individuel.
Il en résulte que le cessionnaire, le donataire ou le bénéficiaire de l’apport en société devient débiteur des créanciers dont les droits sont nés à l’occasion de l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel, sans que cette substitution emporte novation à leur égard.
Si, à première vue, cette substitution de débiteur s’apparente à une cession de dette, à l’analyse, elle s’en distingue en ce que l’accord des créanciers cédés n’est pas requis.
Ces derniers sont donc « cédés » de plein droit par l’effet de la transmission universelle du patrimoine.
Dans le silence des textes, cette cession joue pour tous les créanciers y compris pour ceux dont la créance est issue d’un contrat intuitu personae, ce qui n’est pas sans portée atteinte au principe d’autonomie de la volonté.
Pour cette raison, le législateur a mis en place un dispositif visant à assurer la protection des créanciers antérieurs auxquels le changement le débiteur est susceptible de préjudicier.
Ce dispositif s’articule autour de deux séries de règles qui instituent :
- D’une part, un formalisme d’opposabilité
- D’autre part, un droit d’opposition
1. Le formalisme d’opposabilité aux tiers de la transmission universelle de patrimoine
==> Formalités générales
L’article L. 526-27 du Code de commerce prévoit que « le transfert de propriété ainsi opéré n’est opposable aux tiers qu’à compter de sa publicité, dans des conditions prévues par décret. »
Il ressort de cette disposition que l’opposabilité de la transmission universelle est subordonnée à l’accomplissement de formalités de publicité.
La date de ces formalités correspond, en quelque sorte, à la ligne de démarcation entre les créanciers antérieurs et les créanciers postérieurs.
À cet égard, seuls les créanciers dont la créance est née antérieurement avant la publicité du transfert de propriété peuvent former opposition au transfert du patrimoine professionnel.
S’agissant des formalités à accomplir, l’article D. 526-30 du Code de commerce prévoit que le cédant, le donateur ou l’apporteur publie, à sa diligence, le transfert universel du patrimoine professionnel, sous forme d’avis au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, au plus tard un mois après sa réalisation.
Cet avis contient les indications suivantes :
- S’agissant du cédant, du donateur ou de l’apporteur : les nom de naissance, nom d’usage, prénoms, le cas échéant nom commercial ou professionnel, l’activité professionnelle ou les activités professionnelles exercées ainsi que les numéros et codes caractérisant cette activité ou ces activités visés aux 1° à 3° de l’article R. 123-223, l’adresse de l’établissement principal ou, à défaut d’établissement, l’adresse du local d’habitation où l’entreprise est fixée et le numéro unique d’identification de l’entreprise délivré conformément à l’article D. 123-235 ;
- S’agissant du cessionnaire, du donataire ou du bénéficiaire de l’apport : les nom de naissance, nom d’usage, prénoms, le cas échéant nom commercial ou professionnel, l’adresse de l’établissement principal ou, à défaut d’établissement, l’adresse du local d’habitation où l’entreprise est fixée, le cas échéant, la raison sociale ou la dénomination sociale suivie du sigle, de la forme, de l’adresse du siège, du montant du capital et du numéro unique d’identification de l’entreprise délivré conformément à l’article D. 123-235 ainsi que, le cas échéant, les numéros et codes caractérisant l’activité ou les activités professionnelles exercées visés aux 1° à 3° de l’article R. 123-223.
L’avis publié au bulletin est accompagné d’un état descriptif des biens, droits, obligations ou sûretés composant le patrimoine professionnel, tel qu’il résulte du dernier exercice comptable clos actualisé à la date du transfert, ou, pour les entrepreneurs individuels qui ne sont pas soumis à des obligations comptables, à la date qui résulte de l’accord des parties.
L’état descriptif est établi dans des formes prévues par arrêté du ministre chargé de l’économie.
La sanction de l’absence de réalisation de ces formalités est l’inopposabilité du transfert aux tiers.
==> Formalités spéciales
En principe, les formalités accomplies au titre de la transmission universelle devraient dispenser l’entrepreneur individuel d’accomplir les formalités qui auraient été exigées s’il avait transmis, à titre particulier, les biens et obligations composant son patrimoine professionnel.
Reste que le transfert de propriété de certains biens demeure soumis à l’accomplissement de formalités spécifiques.
À tout le moins, c’est ce que l’on peut déduire de l’article L. 526-27, al. 3e du Code de commerce qui prévoit que « sous réserve de la présente section, les dispositions légales relatives à la vente, à la donation ou à l’apport en société de biens de toute nature sont applicables, selon le cas. Il en est de même des dispositions légales relatives à la cession de créances, de dettes et de contrats. »
Aussi, dans l’hypothèse où le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel comprendrait des immeubles, son transfert supposerait l’accomplissement de formalités auprès des services de la publicité foncière, conformément à l’article 28 du décret n°55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière.
2. Le droit d’opposition des tiers à la transmission universelle de patrimoine
==> L’octroi d’un droit d’opposition
L’article L. 526-28, al. 1er du Code de commerce prévoit que « les créanciers de l’entrepreneur individuel dont la créance est née avant la publicité du transfert de propriété peuvent former opposition au transfert du patrimoine professionnel »
Le législateur a ainsi octroyé la faculté aux créanciers qui s’estimeraient lésés par la transmission du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel de réagir.
Si comme précisé par l’alinéa 2 du texte, l’opposition formée par un créancier n’a pas pour effet d’interdire le transfert du patrimoine professionnel, elle vise en revanche pour le créancier à obtenir auprès d’un juge le remboursement de sa créance ou la constitution de garanties, si le cessionnaire, le donataire ou le bénéficiaire en offre et si elles sont jugées suffisantes.
==> La titularité du droit d’opposition
En application de l’article L. 526-28, al. 1er du Code de commerce, le droit d’opposition ne peut être exercé que par les seuls créanciers « dont la créance est née avant la publicité du transfert de propriété ».
S’agissant des créanciers dont les droits sont nés postérieurement au transfert, ils ne disposent d’aucun droit de gage sur l’entrepreneur individuel qui a cédé son patrimoine professionnel, raison pour laquelle ils ne peuvent pas former opposition.
S’agissant des créanciers antérieurs, le texte n’opère aucune distinction entre eux, de sorte que le droit d’opposition devrait pouvoir être exercé, tant pour les créanciers professionnels, que par les créanciers personnels de l’entrepreneur.
Comme souligné par certains auteurs, l’ouverture d’un droit d’opposition aux créanciers personnels ne se justifie en aucune manière, dans la mesure où la transmission du patrimoine professionnel de l’entrepreneur est sans incidence sur leur droit de gage qui demeure cantonné au patrimoine personnel.
Tout au plus, ils perdent la faculté, en cas d’insuffisance d’actif dans le patrimoine personnel, d’appréhender le montant du bénéfice réalisé lors du dernier exercice clos de l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel (art. L. 526-22, al. 6e C. com.).
La situation des créanciers professionnels est, au contraire, tout à fait différente. L’opération de transfert affecte directement leur droit de gage en ce qu’ils subissent un changement de débiteur.
À supposer que leur nouveau débiteur ne soit pas solvable ou se trouve en difficulté financière, ils auront tout intérêt à réclamer auprès de l’entrepreneur individuel, soit le règlement immédiat de leur créance, soit à la constitution de sûretés.
==> L’exercice du droit d’opposition
- Le délai d’exercice du droit d’opposition
- Les créanciers dont la créance est née avant la publicité du transfert de propriété doivent exercer leur droit d’opposition dans le mois suivant la publication ( D. 526-30 C. com.)
- Les modalités d’exercice du droit d’opposition
- L’exercice du droit d’opposition requiert la saisine du Tribunal compétent qui, selon la nature de l’activité exercée par l’entrepreneur individuel, sera tantôt le Tribunal judiciaire, tantôt le Tribunal de commerce
- L’issue de la procédure d’opposition
- La décision de justice statuant sur l’opposition
- Soit rejette la demande du créancier
- Soit ordonne le remboursement des créances ou la constitution de garanties, si le cessionnaire, le donataire ou le bénéficiaire en offre et si elles sont jugées suffisantes
- L’article L. 526-28, al. 4e précise que lorsque la décision de justice ordonne le remboursement des créances, l’entrepreneur individuel auteur du transfert est tenu de remplir son engagement.
- Autrement dit, dans cette hypothèse, les droits des créanciers antérieurs dont l’opposition est admise sont préservés par le fait que le transfert du patrimoine professionnel leur est inopposable en cas de défaut de remboursement des créances ou de constitution des garanties ordonnées par le juge.
- La décision de justice statuant sur l’opposition
[1] V. en ce sens N. Jullian, « La transmission du patrimoine de l’entrepreneur, de nouvelles opérations au service des entrepreneurs individuels », JCP E, n°13, mars 2022, 1137.
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Clair et précis. merci:=)