À compter du milieu des années 1980, le législateur a été animé par la volonté de conférer une protection aux cautions.
La démarche engagée s’est appuyée sur le double constat suivant :
- Premier constat
- Le cautionnement est une sûreté dangereuse en ce qu’elle permet à un établissement de crédit de poursuivre l’exécution d’une dette due par un tiers sur l’ensemble du patrimoine de la caution.
- Or nonobstant ce danger, un grand nombre de dirigeants d’entreprises, au moment de la cessation de leurs fonctions, ou même des particuliers, omettent de révoquer un cautionnement à durée illimitée.
- Second constat
- Le cautionnement, acte unilatéral par excellence, n’étant pas établi en double exemplaire, le document constatant cet engagement est détenu par la banque et non par la caution, ce qui peut, notamment, poser de graves difficultés lors de l’ouverture d’une succession, les héritiers acceptant la succession sans connaître l’existence de ce cautionnement.
Pour remédier à cette situation qui exposait les cautions à lourdes conséquences financières, le législateur a décidé de créer une obligation d’information imposant aux banques de faire connaître à la caution, à partir de la fin de chaque exercice, le montant en principal, intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir à la clôture de l’exercice au titre de l’engagement bénéficiant de la caution.
==> Loi du 1er mars 1984
Cette obligation a, pour la première fois, été instituée par la loi n° 84-148 du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises a été le premier texte à mettre à la charge du créancier une obligation d’information au profit de la caution.
Elle a introduit dans le Code monétaire et financier un article L. 313-22 qui prévoyait que « les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant de la caution ainsi que le terme de cet engagement sanctions*. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l’établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette ».
==> Loi du 11 février 1994
Soucieux d’aménager le régime du cautionnement des dettes professionnelles contractées par un entrepreneur individuel, le législateur a, dix ans plus tard, étendu, au profit de ces derniers, le domaine de l’obligation d’information créée par la loi du 1er mars 1984.
La loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l’initiative et à l’entreprise individuelle a, par suite, a ainsi édicté une disposition prévoyant que « en cas de cautionnement à durée indéterminée consenti par une personne physique pour garantir une dette professionnelle d’un entrepreneur individuel, le créancier doit respecter les dispositions prévues à l’article 48 de la loi no 84-148 du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises. »
==> Loi du 29 juillet 1998
Dans le droit fil de ses interventions précédentes, le législateur a souhaité étendre un peu plus le domaine de l’obligation d’information des cautions sur l’évolution de la créance garantie et de ses accessoires.
Aussi, à l’occasion de l’adoption de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, a-t-il introduit cette obligation dans le Code civil aux fins de généraliser son application à l’ensemble des cautionnements indéfinis consentis par une personne physique.
Cela s’est traduit par l’ajout d’un second alinéa à l’ancien article 2016 du Code civil qui prévoyait que « lorsque ce cautionnement est contracté par une personne physique, celle-ci est informée par le créancier de l’évolution du montant de la créance garantie et de ces accessoires au moins annuellement à la date convenue entre les parties ou, à défaut, à la date anniversaire du contrat, sous peine de déchéance de tous les accessoires de la dette, frais et pénalités. »
==> Loi du 1er août 2003
Le mouvement tendant à renforcer la protection des cautions s’est poursuivi avec l’adoption de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique, dite loi Dutreil.
Ce texte a introduit dans le Code de la consommation une disposition semblable à celle qu’il avait insérée dans le Code monétaire et financier, visant à obliger le créancier professionnel à informer chaque année la caution personne physique du montant de la dette (principal, intérêts, commissions, frais et accessoires), le terme de l’engagement ou, s’il est à durée indéterminée, la faculté de révocation et les conditions d’exercice de celle-ci.
La règle insérée à l’article L. 341-6 du code de la consommation était néanmoins pourvue d’un domaine d’application plus étendue, puisque faisant peser l’obligation d’information sur l’ensemble des créanciers professionnels et plus seulement sur les établissements de crédit.
==> Ordonnance du 21 septembre 2021
Si la création d’une obligation d’information annuelle au profit de la caution procède d’une intention des plus louables, la multiplication des textes n’est pas sans avoir fait l’objet de nombreuses critiques de la part de la doctrine.
Les différentes réformes législatives intervenues entre 1984 et 2003 ont, en effet, progressivement étendu le domaine d’application de l’obligation d’information sans pour autant abroger corrélativement les dispositions préexistantes.
Il en est résulté un empilement des textes, ce qui était de nature à nuire à leur compréhension et, par voie de conséquence, à porter atteinte à la sécurité juridique des parties à l’opération de cautionnement.
Conscient de la nécessité de mettre un terme à cette situation, le législateur a saisi l’occasion de la réforme du droit des sûretés pour remettre à plat le système mis en place.
Pour ce faire, l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 a introduit un article 2302 dans le Code civil qui unifie et précise les dispositions relatives à l’obligation d’information annuelle de la caution qui, jusque-là, étaient dispersées entre le code civil, le code de la consommation, le code monétaire et financier et la loi du 11 février 1994 relative à l’initiative et à l’entreprise individuelle.
Afin d’appréhender le régime de cette obligation dont est créancière la caution, il convient d’envisager successivement son domaine d’application, son contenu, sa mise en œuvre et la sanction du défaut de son exécution.
I) Domaine de l’obligation d’information relative à l’étendue de l’engagement de la caution
Il ressort de l’article 2302 du Code civil que l’obligation d’information relative à l’étendue de l’engagement de la caution s’applique à deux catégories de cautionnements :
- D’une part, les cautionnements souscrits par une personne physique envers un créancier professionnel
- D’autre part, les cautionnements souscrits par une personne morale envers un établissement de crédit ou une société de financement en garantie d’un concours financier accordée à une entreprise
Dans les deux cas, l’obligation d’information annuelle sera applicable, par extension, au cautionnement réel, conformément à l’article 2325 du Code civil.
Dans un arrêt du 16 juin 2009, la Cour de cassation a, revanche, exclu du domaine d’application de cette obligation l’aval au motif qu’il garantit le paiement d’un titre cambiaire et que, à ce titre, il « ne constitue pas le cautionnement d’un concours financier accordé par un établissement de crédit à une entreprise » (Cass. com. 16 juin 2009, n°08-14.532).
A) S’agissant des cautionnements souscrits par une personne physique envers un créancier professionnel
En application de l’article 2302, al. 1er du Code civil, l’obligation d’information annuelle s’impose à tout cautionnement souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel.
Trois enseignements peuvent être retirés de cette disposition :
- Premier enseignement
- L’obligation d’information est nécessairement due en présence d’une caution personne physique.
- Il est donc indifférent que la personne qui s’est obligée soit une caution avertie, tel un dirigeant de société ou une caution profane qui donc ne disposerait d’aucune compétence financière ou juridique particulière.
- Deuxième enseignement
- L’obligation d’information visée par l’article 2302, al. 1er du Code civil ne pèse que sur les seuls créanciers professionnels
- La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par créancier professionnel.
- Au sens du droit de la consommation, le professionnel est défini par l’article liminaire du Code de la consommation comme « toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel. »
- Le premier enseignement qui peut être retiré de cette disposition c’est que, à la différence de la caution, il est indifférent que le créancier soit une personne physique ou morale.
- Le professionnel peut, indistinctement être, une personne physique, une personne morale, une personne privée, une personne publique ou encore une personne investie d’un pouvoir de représentation.
- En toute hypothèse, le professionnel doit nécessairement exercer une activité économique à titre indépendant.
- Aussi, le professionnel se définit-il surtout par l’activité qu’il exerce, laquelle peut être de toute nature (commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole).
- Le professionnel n’est donc pas nécessairement un commerçant. Il constitue une catégorie bien plus large qui transcende la distinction entre les commerçants et les non-commerçants.
- Dans un arrêt du 9 juillet 2009, la Cour de cassation a, précisé, au sujet d’un cautionnement, que « le créancier professionnel s’entend de celui dont la créance est née dans l’exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n’est pas principale» ( 1ère civ. 9 juill. 2009, n°08-15.910).
- C’est donc le critère du rapport direct entre le cautionnement et l’activité exercée par le créancier qui permet de déterminer si celui-ci endosse la qualité de professionnel, faute de quoi il sera qualifié, soit de consommateur, soit de non professionnel.
- Comment ce rapport direct doit-il être apprécié ? La loi est silencieuse sur ce point.
- Dans un arrêt du 17 juillet 1996, la Cour de cassation a estimé que l’appréciation du rapport direct relevait du pouvoir souverain des juges du fond ( 1ère civ., 17 juill. 1996, n°94-14.662).
- Il ressort toutefois des décisions que pour apprécier l’existence d’un rapport, cela suppose de s’interroger sur la finalité de l’opération.
- Plus précisément la question que le juge va se poser est de savoir si l’accomplissement de l’acte a servi l’exercice de l’activité professionnel.
- Si le contrat a été conclu à la faveur exclusive de l’activité professionnelle, l’existence du lien direct sera établie.
- Dans l’hypothèse où l’acte ne profitera que partiellement à l’exercice de l’activité professionnelle, plus délicate sera alors l’établissement du rapport direct.
- La question centrale est : l’activité professionnelle a-t-elle tirée un quelconque bénéficie de l’accomplissement de l’acte.
- S’il n’est pas nécessaire que le bénéfice retiré par le créancier du cautionnement relève de son activité principale, comme indiqué par la Cour de cassation dans l’arrêt du 9 juillet 2009, il doit néanmoins entretenir un rapport direct avec l’une des activités exercées par le créancier à titre professionnel (V. en ce sens com. 10 janv. 2012, n°10-26.630; Cass. 1ère civ., 15 oct. 2014, n° 13-20.919 ; Cass. 1ère civ., 25 juin 2009, n° 07-21.506).
- Dans un arrêt du 27 septembre 2017, la Chambre commerciale a été jusqu’à reconnaître la qualité de créancier professionnel à une association sans but lucratif qui exerçait l’activité de fourniture de la garantie financière prévue par l’article L. 211-18 II (a) du code du tourisme, nécessaire à l’obtention de la licence d’agent de voyages ( com. 27 sept. 2017, n°15-24.895).
- Cette décision révèle l’approche pour le moins extensive de la notion de créancier professionnelle adoptée par la jurisprudence qui est manifestement animée par la volonté d’étendre dans la limite du possible le dispositif protecteur dont jouissent les cautions.
- Troisième enseignement
- La nature de l’opération garantie est sans incidence sur l’obligation d’information, laquelle s’applique dès lors que le cautionnement est souscrit par une personne physique au profit d’un créancier professionnel.
- Il importe peu, par ailleurs, que le cautionnement présente un caractère civil ou commercial, l’article 2302, al. 1er n’opérant aucune distinction.
B) S’agissant des cautionnements souscrits par une personne morale envers un établissement de crédit ou une société de financement en garantie d’un concours financier accordée à une entreprise
Inspiré de l’ancien article L. 313-22 du Code monétaire et financier, le nouvel article 2302, al. 3e du Code civil étend le domaine de l’obligation d’information annuelle aux cautionnements souscrits par une personne morale envers un établissement de crédit ou une société de financement en garantie d’un concours financier accordée à une entreprise.
Il ressort de cette disposition que les personnes morales ne sont pas tout à fait exclues du dispositif institué par le premier alinéa du texte.
Pour être créancières de l’obligation d’information annuelle au même titre que les cautions personnes physiques, les personnes morales doivent néanmoins avoir souscrit un cautionnement devant répondre à trois conditions cumulatives :
==> Première condition
En application de l’article 2302, al. 3e du Code civil, le cautionnement doit avoir été contracté au profit d’un établissement de crédit ou une société de financement.
La question qui alors se pose est de savoir ce que recouvrent ces deux catégories d’entreprises.
- S’agissant des établissements de crédit, ils sont définis par l’article 4 du règlement (UE) n° 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 comme « une entreprise dont l’activité consiste à recevoir du public des dépôts ou d’autres fonds remboursables et à octroyer des crédits pour son propre compte»
- S’agissant des sociétés financement, il s’agit au sens de l’article L. 511-1, II du Code monétaire et financier, de « personnes morales, autres que des établissements de crédit, qui effectuent à titre de profession habituelle et pour leur propre compte des opérations de crédit dans les conditions et limites définies par leur agrément».
De façon générale tous les établissements titulaires d’un agrément les autorisant à octroyer des concours financiers sont soumis à l’obligation d’information annuelle.
À cet égard, dans un arrêt du 26 octobre 1999, la Cour de cassation a refusé d’appliquer l’obligation d’information annuelle aux compagnies d’assurances au motif qu’elles « ne sont pas habilitées à pratiquer des opérations de crédit et ne peuvent consentir des prêts aux collectivités locales que par une dérogation légale particulière » (Cass. com. 26 oct. 1999, n°96-14.123).
==> Deuxième condition
L’article 2302, al. 3e du Code civil subordonne l’application de l’obligation d’information annuelle à la souscription d’un cautionnement en garantie d’un concours financier.
Que doit-on entendre par concours financier ? Les textes ne fournissent aucune définition de cette notion.
Il en va de même pour la jurisprudence qui n’a toujours pas adopté de véritable critère permettant d’identifier les opérations s’analysant à des concours financiers.
Dans une acception large, le concours financier consiste a priori en un crédit, lequel se définit comme l’« opération par laquelle une personne met ou fait mettre une somme d’argent à disposition d’une autre personne en raison de la confiance qu’elle lui fait »[1].
À cet égard, comme relevé par François Grua, le crédit « peut se réaliser de trois manières différentes : soit par la mise à disposition de fonds, soit par l’octroi d’un délai de paiement, soit par un engagement de garantie d’une dette »[2].
C’est là une différence avec le contrat de prêt qui ne connaît, quant à lui, qu’une seule forme : la mise à disposition de fonds ; encore que dans cette configuration, le prêt ne se recoupe que partiellement avec la notion de crédit.
Tandis que le crédit par mise à disposition de fonds peut consister, soit en la remise immédiate d’une somme d’argent, soit en une avance éventuelle de fonds, soit en une mobilisation de créances, le prêt ne se conçoit que sous la première de ces modalités.
S’agissant du concours financier, la Cour de cassation semble considérer qu’il y a lieu de l’envisager, moins comme une opération de crédit, que comme un prêt.
Pour exemple, dans un arrêt du 30 novembre 1993, la Chambre commerciale a jugé que les établissements de crédit-bail n’étaient pas soumis à l’obligation d’information annuelle, dans la mesure où, selon elle, le crédit preneur s’acquitterait, non pas d’une échéance de remboursement de prêt, mais de loyers, de sorte que l’opération garantie ne s’analyserait pas en un véritable concours financier (Cass. com. 30 nov. 1993, n°91-12.123).
Elle a statué dans le même sens dans un arrêt du 28 janvier 2014 dans une affaire où le cautionnement avait été souscrit en garantie d’une opération de location avec option d’achat (Cass. com. 28 janv. 2014, n°12-24.592).
Le point commun entre l’opération de crédit-bail et l’opération de location avec option d’achat réside dans l’absence de mise à disposition des fonds au bénéficiaire du crédit.
Est-ce le critère retenu par la Cour de cassation permettant de déterminer si l’on est ou non en présence d’un concours financier au sens de l’ancien article L. 313-22 du Code monétaire et financier ?
À l’analyse, s’il s’agit là d’un critère dont il est tenu compte par la Haute juridiction, certaines solutions adoptées par cette dernière suggèrent que l’absence de mise à disposition n’est pas exclusive de la qualification de concours financier.
Dans un arrêt du 30 novembre 1993, la Cour de cassation a, par exemple, étendu le domaine de l’obligation d’information annuelle pesant sur les établissements de crédit et les sociétés de financement aux sociétés d’affacturage (V. en ce sens Cass. com. 30 nov. 1993, n°91-14.856).
L’opération d’affacturage ne suppose pourtant pas de mise à disposition de fonds : elle consiste seulement pour un créancier, l’adhérent, à transférer à un établissement de crédit, le factor, des créances commerciales par le jeu d’une subrogation personnelle moyennant le paiement d’une commission.
Au bilan, il est difficile de dégager un critère du concours financier, la Cour de cassation raisonnant pour l’heure au cas par cas.
==> Troisième condition
L’article 2302, al. 3e du Code civil ne s’applique qu’à la condition que le concours financier cautionné soit « accordé à une entreprise ».
Si intuitivement l’on se représente assez facilement ce qu’est une entreprise, étonnement il s’agit là d’une notion qui n’est définie par aucun texte.
Tout au plus l’administration fiscale définit l’entreprise comme d’une unité économique autonome :
- D’une part, qui est gérée et détenue par une ou plusieurs personnes physiques n’ayant pas constitué entre elles une société et regroupant des moyens d’exploitation et une clientèle propres.
- D’autre part, qui dispose d’un bilan fiscal où sont inscrits les éléments d’actif et de passif, affectés à l’exercice d’une activité professionnelle de nature industrielle, commerciale, artisanale, libérale ou agricole ainsi que ceux que l’exploitant a décidé d’y porter dans le cadre de la liberté de gestion qui, le cas échéant, lui est reconnue par la loi.
Cette définition rejoint celle retenue en droit européen. L’entreprise a été définie par la Cour de justice de l’Union européenne comme « toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement » (CJCE, 23 avril 1991, Höfner, aff. C-41/90).
Le critère de l’entreprise est donc matériel, puisqu’il tient à l’exercice d’une activité économique.
Pour être qualifiée d’entreprise, il est donc indifférent que l’activité exercée par l’entité, personne morale ou personne physique, soit commerciale, artisanale, libérale ou agricole. Ce qui importe c’est qu’il s’agisse d’une activité économique.
À cet égard, dans un arrêt du 25 octobre 2001, la CJCE a jugé que « constitue une activité économique toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné » (CJCE, 25 octobre 2001, Ambulanz Glöckner, aff. C-475/99).
Le caractère économique d’une activité se déduit donc de la capacité d’une entité à offrir des biens et services sur un marché pertinent. Le marché peut être réel ou simplement potentiel, et l’activité en cause doit répondre aux lois du marché.
Pour la Commission européenne toutes les activités peuvent être qualifiées d’économiques à l’exception de celles relevant de prérogatives de puissance publique telles que la surveillance antipollution d’un port, la police, etc.
Ceci étant posé, l’obligation d’information annuelle mise à la charge des établissements de crédit et des sociétés de financement par l’article 2302, al. 3e du Code civil n’aura vocation à s’appliquer que dans l’hypothèse où l’entité bénéficiaire du concours financier cautionné exerce une activité économique.
Dans un arrêt du 9 mai 1996 la Cour de cassation a, par exemple, exclu l’application de l’obligation d’information au motif que le cautionnement portait non pas sur un crédit consenti à une entreprise, mais sur une ouverture de crédit en compte courant octroyé à un notaire à titre personnel (Cass. 1ère civ. 9 mai 1996, n°94-12.258).
En sens inverse, la Première chambre civile a jugé dans un arrêt du 29 juin 2004, que l’obligation d’information annuelle était due par un établissement de crédit qui avait consenti un concours financier à deux particuliers, dès lors que ces derniers avaient informé la banque de leur intention d’affecter les fonds prêtés à l’augmentation du capital social d’une société commerciale (Cass. 1ère civ. 29 juin 2004, n°02-19.445).
Le critère déterminant c’est donc l’affectation finale du concours financier à une entreprise.
En pratique, ce qui soulèvera le plus de difficulté, ce ne sera pas tant d’établir la destination des fonds ; mais de démontrer que l’entité bénéficiaire du concours financier exerce une activité économique et que donc elle peut être qualifiée d’entreprise.
La question s’est notamment posée pour les SCI constituées aux fins de gestion d’un patrimoine immobilier.
Peut-on considérer que la poursuite de cet objet social s’analyse en une activité économique ?
En pareille hypothèse, la jurisprudence semble plutôt répondre par la négative (V. en ce sens CA paris 23 juin 1998, n°96/05089). Cette solution est majoritairement approuvée par la doctrine.
Lorsque, en revanche, il est démontré que la SCI exerce une réelle activité économique, la Cour de cassation estime qu’il n’y a aucune raison d’écarter l’application de l’obligation d’information annuelle (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 5 mai 2004, n°01-12.278 ; Cass. 1ère civ. 15 mars 2005, n°02-20.335).
La Première chambre civile a, dans un arrêt du 12 mars 2002, retenu la même solution pour les associations qui, dès lors qu’elles exercent une activité économique, y compris à titre accessoire, sont susceptibles d’endosser la qualification d’entreprise (Cass. 1ère civ. 12 mars 2002, n°99-17.209).
II) Contenu de l’obligation d’information relative à l’étendue de l’engagement de la caution
L’article 2302 du Code civil prévoit que le créancier professionnel doit fournir à la caution deux séries d’informations.
Tandis que la première série d’informations tient au montant de l’engagement de caution, la seconde est relative à sa durée.
==> Les informations relatives au montant de l’engagement de caution
L’article 2302 du Code civil prévoit que le créancier professionnel est tenu « de faire faire connaître à toute caution personne physique le montant du principal de la dette, des intérêts et autres accessoires restant dus au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation garantie ».
Il ressort de cette disposition que l’information fournie à la caution devra être précise, en ce sens qu’elle devra décomposer le montant de l’engagement restant dû entre :
- D’une part, le principal de la dette
- D’autre part, les intérêts
- Enfin, les accessoires
L’exigence ne serait donc pas satisfaite si le créancier se limitait à fournir à la caution une information sur le montant global restant dû (V. en ce sens Cass. com. 22 juin 1993, n°91-14.741).
==> Les informations relatives à la durée de l’engagement de caution
L’article 2302 du Code civil prévoit que le créancier professionnel doit rappeler :
- Si le cautionnement est à durée déterminée le terme de l’engagement de caution
OU
- Si le cautionnement est à durée indéterminée, la faculté de résiliation de la caution à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci peut être exercée.
III) Mise en œuvre de l’obligation d’information relative à l’étendue de l’engagement de la caution
A) Date de la délivrance de l’information
L’article 2302, al. 1er du Code civil prévoit que l’information due par le créancier professionnel doit être délivrée à la caution « avant le 31 mars de chaque année ».
Dans un arrêt du 2 novembre 1993, la Cour de cassation a précisé que cette information devait être fournie dès lors que la dette cautionnée existe au 31 décembre de l’année précédente.
L’obligation d’information doit, par ailleurs, être exécutée « jusqu’à l’extinction de la dette » (Cass. com. 2 nov. 1993, n°91-17.256).
Dans un arrêt du 17 novembre 2006, la Chambre mixte a ajouté que l’information devait être fournie à la caution jusqu’à extinction de la dette garantie par le cautionnement, quand bien même cette dernière aurait fait l’objet d’une condamnation définitive au paiement de l’obligation principale (Cass. ch. Mixte, 17 nov. 2006, n°04-12.863).
Cette position a été reconduite, à plusieurs reprises, par la Haute juridiction (Cass. com. 16 nov. 2010, n°09-71.935 ; Cass. com. 13 déc. 2017, n°16-14.404).
B) Forme de la délivrance de l’information
L’article 2302 du Code civil ne prescrit aucune forme particulière quant à la délivrance de l’information due par le créancier professionnel, de sorte qu’il est indifférent qu’elle soit notifiée à la caution par lettre simple ou par lettre recommandée avec accusé de réception.
Cette absence d’exigence de formalisme est toutefois un leurre dans la mesure où la charge de la preuve de la délivrance de l’information pèse sur le créancier professionnel.
C) Preuve de la délivrance de l’information
C’est donc au créancier qu’il appartient d’établir que les informations énoncées à l’article 2302 du Code civil ont été dûment fournies à la caution.
À cet égard, dans un arrêt du 17 octobre 2000, la Cour de cassation a jugé que « l’information de la caution constitue un fait qui peut être prouvé par tous moyens et qu’il n’incombe pas à l’établissement de crédit de prouver que la caution a effectivement reçu » (Cass. com. 17 oct. 2000, n°97-18.746).
Cette liberté de la preuve dont bénéficie le créancier ne le dispense pas d’établir :
- D’une part, que l’information a été délivrée à la caution avant le 31 mars de chaque année
- D’autre part, que l’information délivrée répondait aux exigences posées par l’article 2302 du Code civil quant à son contenu
==> S’agissant de la preuve de la date de délivrance de l’information
Il appartient donc au créancier de prouver, en cas de litige, qu’il a bien notifié l’information due à la caution avant le 31 mars de chaque année.
Pratiquement, cela signifie qu’il devra démontrer que le courrier a été envoyé avant cette date.
Dans un arrêt du 25 novembre 1997, la Première chambre civile est venue préciser qu’il n’incombait pas, en revanche, au créancier « de prouver que la caution a effectivement reçu l’information envoyée » (Cass. 1ère civ. 25 nov. 1997, n°96-10.527).
Afin d’établir que l’information a été délivrée dans les délais, le moyen le plus efficace est, sans aucun doute, la notification de l’information par voie de lettre recommandée avec accusé de réception.
Reste que cette modalité de délivrance de l’information est particulièrement couteuse, raison pour laquelle la plupart des établissements de crédit privilégient, compte tenu du volume des notifications à traiter, l’envoi par lettre simple.
Dans plusieurs arrêts la Cour de cassation a toutefois averti que « la seule production de la copie d’une lettre ne suffit pas à justifier de son envoi » (V. en ce sens Cass. com. 9 févr. 2016, n°14-22.179 ; Cass. com. 5 déc. 2018, n°17-21.489 ).
Elle a estimé que la preuve de cet envoi n’était pas non plus rapportée en cas de fourniture d’un document constatant un prélèvement effectué par la banque sur le compte de la société débitrice d’une somme au titre des frais d’information annuelle de la caution (Cass. com. 19 janv. 2022, 20-17.553).
La Chambre commerciale a encore jugé insuffisant comme élément de preuve la production d’un tableau d’amortissement (CA Metz 15 mars 1991), d’un relevé de compte (Cass. com. 5 oct. 1993) ou encore d’une attestation de commissaire aux comptes, assortie d’un constat d’huissier de la mise sous pli et de l’affranchissement du courrier (Cass. com. 11 avr. 1995, n°93-10.575).
En réaction à l’exigence probatoire fixée par la Cour de cassation, les établissements de crédit ont opté pour une technique consistant à faire constater par un huissier de justice, d’une part, les relevés informatiques de l’ensemble des lettres d’information envoyées aux cautions en mars de chaque année et, d’autre part, l’envoi global des envois annuels.
Cette technique de preuve semble avoir été admise par la Chambre commerciale dans deux arrêts rendus le 17 novembre 2015 et le 4 mai 2017 (Cass. com. 17 nov. 2015, n°14-28.359 ; Cass. com. 4 mai 2017, n°15-20.352).
==> S’agissant de la preuve du contenu de l’information délivrée
Outre la preuve de la date de délivrance de l’information due à la caution, le créancier doit démontrer que le contenu du courrier envoyé était conforme aux exigences légales.
Dans un arrêt du 17 novembre 1998, elle a ainsi approuvé une Cour d’appel qui pour considérer qu’un établissement bancaire avait manqué à son obligation d’information a jugé que « si les documents produits permettaient d’établir qu’une lettre avait bien été adressée à M. X…, caution, ils ne démontraient pas que celle-ci contenait les informations exigées par l’article 48 de la loi du 1er mars 1984 » (Cass. 1ère civ. 17 nov. 1998, n°96-22.455).
Il ressort de cette décision que la preuve de l’envoi du courrier ne permet pas de démontrer le contenu de l’information délivrée.
La Cour de cassation admet en revanche que la preuve de ce contenu puisse être rapportée au moyen de la production de la copie de la lettre adressée à la caution (Cass. com. 17 oct. 2000, n°97-18.746).
D) Coût de la délivrance de l’information
L’article 2302 du Code civil prévoit que le coût de la délivrance de l’information doit être supporté par le créancier professionnel.
Sous l’empire du droit antérieur, ce dernier avait seulement interdiction de facturer les frais de notification à la caution.
Les établissements bancaires en avaient tiré la conséquence qu’ils pouvaient faire supporter cette charge financière sur le débiteur principal.
Cette pratique est désormais interdite : le créancier professionnel doit délivrer l’information due à la caution à ses seuls frais.
IV) Sanction du défaut d’exécution de l’obligation d’information relative à l’étendue de l’engagement de la caution
L’article 2302 du Code civil prévoit que le non-respect de l’obligation d’information est sanctionné par la « déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus depuis la date de la précédente information et jusqu’à celle de la communication de la nouvelle information ».
Cette disposition qui ne fait que reprendre les solutions en vigueur antérieurement à l’adoption de l’ordonnance du 15 septembre 2021, appelle plusieurs remarques :
==> Sur le domaine de la déchéance
Dans un arrêt du 9 décembre 1997 la Cour de cassation a jugé que la déchéance encourue en cas de manquement à l’obligation d’information ne concernait que les intérêts conventionnels appliqués à l’obligation principale et ne pouvait donc pas « être étendue aux intérêts au taux légal auxquels […] la caution est tenue, à titre personnel, à compter de la première mise en demeure qu’elle reçoit » (Cass. 1ère civ. 9 déc. 1997, n°95-19.940).
Dans le droit fil de cette décision, la Chambre commerciale a jugé dans un arrêt du 6 mars 2019, que la déchéance ne couvrait pas non plus les accessoires de la dette principale, tels que notamment les pénalités et autres intérêts de retard (Cass. com. 6 mars 2019, n°17-21.571).
==> Sur l’invocation de la déchéance
S’agissant de l’invocation de la déchéance des intérêts, la Cour de cassation a affirmé, dans un arrêt remarqué, qu’elle pouvait intervenir nonobstant l’existence d’une décision passée en force jugée rendue à l’encontre du débiteur principal au motif que la caution solidaire peut opposer au créancier toutes les exceptions qui lui sont personnelles.
Au cas particulier, il s’agissait de l’admission définitive par le Juge-commissaire d’une créance à la procédure collective d’un débiteur.
Au soutien de sa décision, la Chambre commerciale avance que la décision d’admission de la créance, passée en force de chose jugée, n’interdisait pas aux cautions solidaires, d’invoquer l’exception personnelle tirée de l’inobservation par la banque des obligations dont elle était tenue à leur égard (Cass. com. 22 avr. 1997, n°94-12.862).
==> Sur la durée de la déchéance
Dans un arrêt du 22 juin 1993, la Cour de cassation a jugé que, en cas de notification tardive de l’information due à la caution, la déchéance des intérêts était encourue seulement pour la période comprise entre la date butoir fixée par la loi et la date de régularisation de la situation du créancier (Cass. com. 22 juin 1993, n°91-14.741).
Si donc l’information est délivrée le 30 juin de l’année en cours au lieu du 31 mars, la déchéance couvrira trois mois d’intérêts.
À cet égard, en cas de non-respect de l’obligation d’information, la déchéance prend effet non pas au jour de la souscription du cautionnement, mais à compter de la date à laquelle l’information devait être délivrée au plus tard, soit avant le 31 mars de chaque année (Cass. com. 17 oct. 2000, n°97-18.746).
==> Dérogation au principe d’imputation des paiements
En présence d’une dette unique qui produit des intérêts, l’article 1343-1 du Code civil prévoit que « le paiement partiel s’impute d’abord sur les intérêts. »
Dans un arrêt du 11 juin 1996, la Cour de cassation a précisé que « l’imputation légalement faite du paiement effectué par le débiteur principal est opposable à la caution » (Cass. com., 11 juin 1996, n° 94-15.097).
Il en résulte que l’imputation prioritaire des paiements effectués par le débiteur principal sur les intérêts générés par l’obligation garantie s’impose à la caution.
L’article 2302 du Code civil apporte une dérogation à ce principe en disposant que « dans les rapports entre le créancier et la caution, les paiements effectués par le débiteur pendant cette période sont imputés prioritairement sur le principal de la dette. »
Pratiquement cela signifie que le créancier sera déchu de l’intégralité des intérêts échus tant que le défaut d’information subsistera dans la mesure où les paiements du débiteur principal ne s’imputeront d’abord sur le capital restant dû.
Cette sanction est de nature à inciter le créancier à régulariser au plus vite sa situation, faute de quoi le règlement de ses intérêts ne sera pas garanti.
[1] G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, 7e éd., 2005, p. 249, v. « crédit ».
[2] F. Grua, Les contrats de base de la pratique bancaire, Litec, 2001, n°324.
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