Procédure de divorce: les passerelles

Dans un souci de pacification de la procédure, le législateur a souhaité, en 2004, faciliter l’évolution de l’instance vers une forme plus consensuelle et à interdire toute évolution vers une forme plus contentieuse, sauf le cas particulier prévu à l’article 247-2 du code civil.

Ainsi, est-il désormais permis aux époux de modifier le fondement de leur demande en divorce au moyen de passerelles instituées aux articles 247 et 247-1 du Code civil

==> Passerelle conduisant au divorce par consentement mutuel conventionnel

L’article 247, 1° prévoit que, à tout moment de la procédure, les époux peuvent divorcer par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire

Concrètement cela signifie que qu’il existe une passerelle entre le divorce par consentement mutuel conventionnel et

  • Le divorce pour faute
  • Le divorce pour altération définitive du lien conjugal
  • Le divorce accepté

Ces passerelles sont toutefois à sens unique : elles ne peuvent être empruntées que pour aller d’un divorce contentieux vers un divorce par consentement mutuel.

La demande aux fins de passerelle peut intervenir tant qu’aucune décision sur le fond n’a été rendue.

Elle peut donc être formulée dès après l’ordonnance de non-conciliation et postérieurement à la clôture.

==> Passerelle conduisant du divorce par consentement mutuel judiciaire

L’article 247, 2° prévoit que dans l’hypothèse où la voie du divorce par consentement mutuel conventionnel est fermée en raison de la demande d’audition d’un enfant mineur par le juge, les époux peuvent toujours basculer vers le divorce par consentement mutuel judiciaire.

À cette fin, il leur appartient de demander au juge de constater leur accord pour voir prononcer le divorce par consentement mutuel en lui présentant une convention réglant les conséquences de celui-ci.

==> Passerelle conduisant au divorce accepté

L’article 247-1 du Code civil prévoit que les époux peuvent également, à tout moment de la procédure, lorsque le divorce aura été demandé pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute, demander au juge de constater leur accord pour voir prononcer le divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage.

Cette passerelle peut ainsi être empruntée à partir :

  • Du divorce pour faute
  • Du divorce pour altération définitive du lien conjugal

Cette demande doit être formulée de façon expresse et concordante dans les conclusions respectives des époux.

Chaque époux aura préalablement signé une déclaration d’acceptation qui sera annexée aux conclusions de son avocat, conformément aux prescriptions de l’article 1123 alinéa 5 du Code de procédure civile, et rappellera qu’elle n’est pas susceptible de rétractation.

==> Passerelle conduisant au divorce pour faute

L’article 247-2 du Code civil envisage une passerelle qui ne peut être empruntée que par une seule partie :

L’époux qui a choisi d’introduire l’instance sur le fondement de l’altération définitive du lien conjugal (art. 237 C. civ.) peut modifier sa demande en la fondant sur la faute (art. 242 C. civ.) si son conjoint a lui-même formé une demande reconventionnelle en divorce pour faute.

L’objectif de ce mécanisme est d’encourager la volonté de pacification de l’époux demandeur qui choisit d’introduire l’instance pour altération définitive du lien conjugal.

Il conserve ainsi la possibilité de revenir à un divorce plus contentieux, au vu de la réaction procédurale de son conjoint.

Procédure de divorce: les demandes reconventionnelles

==> Fondement

La demande reconventionnelle peut, à l’instar de la demande principale, être fondée sur l’un quelconque des cas de divorce prévu par l’article 257-1 du code civil soit :

  • Le divorce pour altération définitive du lien conjugal,
  • Le divorce pour faute
  • Le divorce accepté

Lorsque toutefois, l’acceptation des époux sur le principe de la rupture sans considération des faits à son origine a été constatée lors de l’audience de conciliation dans les formes requises par l’article 1123 du nouveau code de procédure civile, le divorce est automatiquement prononcé sur le fondement de L’article 233 du code civil.

Le principe énoncé à l’article 1077 du nouveau code de procédure civile aux termes duquel la demande ne peut être fondée que sur un cas de divorce et toute demande formée à titre subsidiaire sur un autre cas étant irrecevable, est applicable à la demande reconventionnelle.

==> Ordre d’examen des demandes

L’article 246 al. 1er du code civil contient une disposition essentielle s’agissant de l’ordre d’examen, par le juge, des demandes en divorce respectivement formées par les parties.

Aux termes de cette disposition, le juge n’examine plus systématiquement, en premier lieu, la demande principale en divorce.

En effet, lorsqu’une demande pour altération définitive du lien conjugal et une demande pour faute sont concurremment présentées, la demande pour faute sera toujours examinée en premier, même si celle-ci est présentée à titre reconventionnel.

En application de cette règle de primauté de l’examen de la demande de divorce pour faute deux situations doivent être distinguées :

  • La demande en divorce pour faute est formée à tire principale
    • La demande en divorce pour faute est accueillie
      • Le divorce est prononcé aux torts exclusifs du conjoint sans que le juge n’ait à examiner la demande fondée sur l’article 237 du code civil.
    • La demande en divorce pour faute est rejetée
      • L’article 246, al. 2 prévoit alors que le juge statue sur la demande reconventionnelle en divorce pour altération définitive du lien conjugal
      • Le divorce sera prononcé sur ce fondement quelle que soit la durée de séparation, ce en application de l’article 238, al. 2 du Code civil
  • La demande en divorce pour faute est formée à titre reconventionnel
    • La demande en divorce pour faute prime sur la demande en divorce pour altération du lien conjugal formée à titre principal
    • Toutefois, l’article 247-2 du Code civil autorise le demandeur à invoquer les fautes de son conjoint pour modifier le fondement de sa demande
    • Ainsi, peut-il basculer sur une demande en divorce pour faute, par dérogation à l’article 1077 qui interdit de former des demandes subsidiaires
    • Dans un arrêt du 11 septembre 2013, la Cour de cassation a considéré en ce sens que « l’article 247-2 du code civil ouvre au demandeur la possibilité de solliciter le prononcé du divorce aux torts partagés pour le cas où la demande reconventionnelle en divorce pour faute de son conjoint serait admise, sans le contraindre à renoncer à sa demande principale en divorce pour altération du lien conjugal, pour le cas où cette demande reconventionnelle serait rejetée, de sorte que la demande de M. X… tendant au prononcé du divorce aux torts partagés ne pouvait être regardée comme une demande formée à titre subsidiaire au sens de l’article 1077, alinéa 1, du code de procédure civile» ( 1ère civ. 11 sept. 2013)
    • Cette solution se justifie par la nécessité de permettre au demandeur principal qui se voit opposer un divorce pour faute à titre reconventionnel de se défendre et de ne pas encourir le risque d’être condamné à ses torts exclusifs.

Procédure de divorce: l’instance

I) L’introduction de l’instance

==> Délais

  • Le délai de trois mois
    • L’article 1113 du Code de procédure civile prévoit que pendant les trois mois suivant le prononcé de l’ordonnance de non-conciliation, seul l’époux qui a présenté la requête initiale peut assigner
    • À l’expiration de ce délai, cette faculté est ouverte à l’époux le plus diligent.
    • En effet, l’autorisation d’introduire l’instance accordée par le juge dans l’ordonnance de non-conciliation vise désormais les deux époux et non plus seulement celui des deux qui a déposé la requête initiale
    • Il convient toutefois d’observer que le premier alinéa de l’article 1113 ne vise que « l’assignation» en divorce formée par un époux et non « l’introduction de l’instance ».
    • Ainsi, le privilège reconnu au requérant pour assigner dans les trois mois de l’ordonnance de non-conciliation ne s’applique pas à la requête conjointe, laquelle peut être présentée par les époux immédiatement après l’ordonnance de non-conciliation.
  • Le délai de trente mois
    • L’article 1113, al. 2 du Code de procédure civile prévoit que, en cas de réconciliation des époux, ou si l’instance n’a pas été introduite dans les trente mois du prononcé de l’ordonnance, toutes ses dispositions sont caduques, y compris l’autorisation d’introduire l’instance.
    • Ainsi, l’instance doit être introduite dans le délai maximum de trente mois, à défaut de quoi l’ordonnance de non-conciliation devient caduque, y compris l’autorisation d’assigner
    • Il appartiendra alors aux époux de déposer une nouvelle requête initiale

==> L’acte introductif d’instance

L’introduction de l’instance peut, conformément aux dispositions prévues en matière contentieuse devant le tribunal de grande instance, s’effectuer :

  • par assignation
  • par requête conjointe

Cette dernière présente un intérêt particulier en matière de divorce accepté.

Le recours à la requête conjointe est même obligatoire lorsque les époux s’accordent après l’ordonnance de non-conciliation sur le prononcé d’un divorce sans considération des faits à l’origine de la rupture

==> Choix du cas de divorce

  • Liberté de choix
    • Principe
      • Les époux sont libres de choisir le cas de divorce sur le fondement duquel ils envisagent d’assigner
      • Cette liberté est renforcée par l’article 252-4 du code civil qui prévoit que « ce qui a été dit ou écrit à l’occasion d’une tentative de conciliation, sous quelque forme qu’elle ait eu lieu, ne pourra pas être invoqué pour ou contre un époux ou un tiers dans la suite de la procédure. »
    • Exception
      • Il n’existe qu’une seule exception à la liberté de choisir le cas de divorce.
      • Si, lors de l’audience de conciliation, ou à tout autre moment de la procédure, les époux ont déclaré accepter le principe de la rupture du mariage et le prononcé du divorce sur le fondement de l’article 233 du code civil, l’instance ne peut être introduite que sur ce fondement
      • La voie du divorce pour faute ou pour altération définitive du lien conjugal leur sera fermée.
  • Exclusivité du cas de divorce
    • L’article 1077 du Code de procédure civile prévoit que la demande ne peut être fondée que sur un seul des cas prévus au troisième à sixième alinéas de l’article 229 du code civil.
    • Aussi, toute demande formée à titre subsidiaire sur un autre cas est irrecevable.

==> Proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux

L’article 257-2 du Code civil prévoit que « à peine d’irrecevabilité, la demande introductive d’instance comporte une proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux ».

L’objectif recherché est, sans retarder à l’excès l’engagement de la procédure, de permettre au juge d’appréhender, dès ce stade, la réalité de la situation patrimoniale des époux.

L’article 1115 du Code de procédure civile précise la nature de cette proposition en indiquant qu’elle contient un descriptif sommaire du patrimoine des époux et les intentions du demandeur quant à la liquidation de la communauté ou de l’indivision, et, le cas échéant, quant à la répartition des biens :

  • Contenu de la proposition
    • La description du patrimoine doit comporter les éléments aussi bien actifs que passifs qui le composent.
    • Elle doit viser les biens communs et indivis des époux mais également les biens propres du demandeur.
    • S’agissant de la description du patrimoine propre du défendeur, cette exigence doit s’apprécier en fonction des difficultés pratiques, voire des obstacles, que le demandeur peut rencontrer.
    • Le caractère sommaire du descriptif ne doit pas dispenser le demandeur d’une obligation de sincérité, en particulier pour les biens dont il a la connaissance particulière à raison de l’usage qu’il en fait.
    • Cette obligation de sincérité résulte directement du principe de loyauté procédurale.
  • Nature de la proposition
    • Afin que les « intentions » du demandeur ne puissent s’analyser comme des demandes au sens processuel du terme, l’article 1115, al. 2 précise que cette proposition ne constitue pas une prétention au sens de l’article 4 du nouveau code de procédure civile.
    • Le juge n’a donc pas à statuer
      • ni sur les intentions du demandeur quant à la liquidation
      • ni sur les moyens que la partie adverse aurait pu exposer pour les contredire
  • Sanction
    • Pour éviter toute manœuvre dilatoire, l’exception d’irrecevabilité doit être invoquée avant toute défense au fond.
    • Dans la mesure où elle ne constitue pas une exception d’ordre public, elle ne peut être soulevée d’office par le juge.

II) La demande reconventionnelle

==> Fondement

La demande reconventionnelle peut, à l’instar de la demande principale, être fondée sur l’un quelconque des cas de divorce prévu par l’article 257-1 du code civil soit :

  • Le divorce pour altération définitive du lien conjugal,
  • Le divorce pour faute
  • Le divorce accepté

Lorsque toutefois, l’acceptation des époux sur le principe de la rupture sans considération des faits à son origine a été constatée lors de l’audience de conciliation dans les formes requises par l’article 1123 du nouveau code de procédure civile, le divorce est automatiquement prononcé sur le fondement de L’article 233 du code civil.

Le principe énoncé à l’article 1077 du nouveau code de procédure civile aux termes duquel la demande ne peut être fondée que sur un cas de divorce et toute demande formée à titre subsidiaire sur un autre cas étant irrecevable, est applicable à la demande reconventionnelle.

==> Ordre d’examen des demandes

L’article 246 al. 1er du code civil contient une disposition essentielle s’agissant de l’ordre d’examen, par le juge, des demandes en divorce respectivement formées par les parties.

Aux termes de cette disposition, le juge n’examine plus systématiquement, en premier lieu, la demande principale en divorce.

En effet, lorsqu’une demande pour altération définitive du lien conjugal et une demande pour faute sont concurremment présentées, la demande pour faute sera toujours examinée en premier, même si celle-ci est présentée à titre reconventionnel.

En application de cette règle de primauté de l’examen de la demande de divorce pour faute deux situations doivent être distinguées :

  • La demande en divorce pour faute est formée à tire principale
    • La demande en divorce pour faute est accueillie
      • Le divorce est prononcé aux torts exclusifs du conjoint sans que le juge n’ait à examiner la demande fondée sur l’article 237 du code civil.
    • La demande en divorce pour faute est rejetée
      • L’article 246, al. 2 prévoit alors que le juge statue sur la demande reconventionnelle en divorce pour altération définitive du lien conjugal
      • Le divorce sera prononcé sur ce fondement quelle que soit la durée de séparation, ce en application de l’article 238, al. 2 du Code civil
  • La demande en divorce pour faute est formée à titre reconventionnel
    • La demande en divorce pour faute prime sur la demande en divorce pour altération du lien conjugal formée à titre principal
    • Toutefois, l’article 247-2 du Code civil autorise le demandeur à invoquer les fautes de son conjoint pour modifier le fondement de sa demande
    • Ainsi, peut-il basculer sur une demande en divorce pour faute, par dérogation à l’article 1077 qui interdit de former des demandes subsidiaires
    • Dans un arrêt du 11 septembre 2013, la Cour de cassation a considéré en ce sens que « l’article 247-2 du code civil ouvre au demandeur la possibilité de solliciter le prononcé du divorce aux torts partagés pour le cas où la demande reconventionnelle en divorce pour faute de son conjoint serait admise, sans le contraindre à renoncer à sa demande principale en divorce pour altération du lien conjugal, pour le cas où cette demande reconventionnelle serait rejetée, de sorte que la demande de M. X… tendant au prononcé du divorce aux torts partagés ne pouvait être regardée comme une demande formée à titre subsidiaire au sens de l’article 1077, alinéa 1, du code de procédure civile» ( 1ère civ. 11 sept. 2013)
    • Cette solution se justifie par la nécessité de permettre au demandeur principal qui se voit opposer un divorce pour faute à titre reconventionnel de se défendre et de ne pas encourir le risque d’être condamné à ses torts exclusifs.

III) Les passerelles

Dans un souci de pacification de la procédure, le législateur a souhaité, en 2004, faciliter l’évolution de l’instance vers une forme plus consensuelle et à interdire toute évolution vers une forme plus contentieuse, sauf le cas particulier prévu à l’article 247-2 du code civil.

Ainsi, est-il désormais permis aux époux de modifier le fondement de leur demande en divorce au moyen de passerelles instituées aux articles 247 et 247-1 du Code civil

==> Passerelle conduisant au divorce par consentement mutuel conventionnel

L’article 247, 1° prévoit que, à tout moment de la procédure, les époux peuvent divorcer par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire

Concrètement cela signifie que qu’il existe une passerelle entre le divorce par consentement mutuel conventionnel et

  • Le divorce pour faute
  • Le divorce pour altération définitive du lien conjugal
  • Le divorce accepté

Ces passerelles sont toutefois à sens unique : elles ne peuvent être empruntées que pour aller d’un divorce contentieux vers un divorce par consentement mutuel.

La demande aux fins de passerelle peut intervenir tant qu’aucune décision sur le fond n’a été rendue.

Elle peut donc être formulée dès après l’ordonnance de non-conciliation et postérieurement à la clôture.

==> Passerelle conduisant du divorce par consentement mutuel judiciaire

L’article 247, 2° prévoit que dans l’hypothèse où la voie du divorce par consentement mutuel conventionnel est fermée en raison de la demande d’audition d’un enfant mineur par le juge, les époux peuvent toujours basculer vers le divorce par consentement mutuel judiciaire.

À cette fin, il leur appartient de demander au juge de constater leur accord pour voir prononcer le divorce par consentement mutuel en lui présentant une convention réglant les conséquences de celui-ci.

==> Passerelle conduisant au divorce accepté

L’article 247-1 du Code civil prévoit que les époux peuvent également, à tout moment de la procédure, lorsque le divorce aura été demandé pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute, demander au juge de constater leur accord pour voir prononcer le divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage.

Cette passerelle peut ainsi être empruntée à partir :

  • Du divorce pour faute
  • Du divorce pour altération définitive du lien conjugal

Cette demande doit être formulée de façon expresse et concordante dans les conclusions respectives des époux.

Chaque époux aura préalablement signé une déclaration d’acceptation qui sera annexée aux conclusions de son avocat, conformément aux prescriptions de l’article 1123 alinéa 5 du Code de procédure civile, et rappellera qu’elle n’est pas susceptible de rétractation.

==> Passerelle conduisant au divorce pour faute

L’article 247-2 du Code civil envisage une passerelle qui ne peut être empruntée que par une seule partie :

L’époux qui a choisi d’introduire l’instance sur le fondement de l’altération définitive du lien conjugal (art. 237 C. civ.) peut modifier sa demande en la fondant sur la faute (art. 242 C. civ.) si son conjoint a lui-même formé une demande reconventionnelle en divorce pour faute.

L’objectif de ce mécanisme est d’encourager la volonté de pacification de l’époux demandeur qui choisit d’introduire l’instance pour altération définitive du lien conjugal.

Il conserve ainsi la possibilité de revenir à un divorce plus contentieux, au vu de la réaction procédurale de son conjoint.

Procédure de divorce: les mesures provisoires

Si le mariage subsiste jusqu’au prononcé du divorce, il est évident que la procédure engagée rend impossible une vie familiale normale.

Prescrites par le juge aux affaires familiales dans l’ordonnance de non-conciliation dans le cadre d’un divorce contentieux, les mesures provisoires ont vocation à régler la vie du couple et des enfants jusqu’à la date à laquelle le jugement prend force de chose jugée.

Elles sont, malgré leur caractère provisoire, essentielles à plus d’un titre :

Tout d’abord, parce qu’elles peuvent parfois se prolonger durant de nombreuses années.

En effet, ces mesures s’appliquent tant que la procédure est en cours mais également jusqu’à ce que le jugement prononçant le divorce ne soit plus susceptible de recours suspensif ; or le pourvoi en cassation suspend l’exécution de l’arrêt prononçant le divorce.

En outre, ces mesures provisoires présentent une particulière importance pour les parties en ce qu’elles préfigurent souvent les solutions définitives qui seront retenues lors du prononcé du divorce, par exemple en matière d’attribution du logement.

Enfin, elles ont un contenu très varié, la liste de mesures provisoires susceptibles d’être prescrites par le juge qui figure à l’article 255 du code civil n’étant pas limitative.

I) Objet des mesures provisoires

Conformément à l’article 254 du Code civil, les mesures provisoires sont celles « nécessaires » pour assurer l’existence des époux et des enfants « jusqu’à la date à laquelle le jugement passe en force de chose jugée ».

Si l’autorité compétente pour prescrire ces mesures provisoires demeure le juge aux affaires familiales, il est précisé que ce sera « en considération des accords éventuels des époux ».

Cette précision fait écho à l’article 1117 du Code de procédure civile qui prévoit que « lorsqu’il ordonne des mesures provisoires, le juge peut prendre en considération les arrangements que les époux ont déjà conclus entre eux ».

Prudente, la formulation retenue à l’article 254 laisse au juge toute faculté d’appréciation sur les accords que lui soumettent les parties mais marque une nouvelle fois la sollicitude de la loi à l’égard des solutions négociées entre époux.

II) Contenu des mesures provisoires

Deux séries de mesures doivent être distinguées :

  • Les mesures quant aux époux
  • Les mesures quant aux enfants

A) Les mesures provisoires quant aux époux

Les mesures provisoires susceptibles d’être prescrites par le Juge quant aux époux sont énoncées à l’article 255 du Code civil.

En application de cette disposition le Juge peut notamment :

==> Initier une médiation familiale

Cette invitation peut consister pour le Juge :

  • Soit à proposer aux époux une mesure de médiation et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder
  • Soit à enjoindre aux époux de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l’objet et le déroulement de la médiation

Ces mesures sont susceptibles d’être prises par le Juge sont conformes à la logique de la médiation qui, reposant sur le volontariat des parties, ne peut être imposée aux parties, à l’exception d’une séance d’information à ce sujet.

Constituant l’occasion de rétablir un dialogue entre les époux, la médiation présente un intérêt renouvelé compte tenu d’une part, de la possibilité de soumettre à l’homologation du juge, dans un divorce contentieux, des conventions sur les conséquences du divorce et, d’autre part, de la possibilité de passer en cours de procédure vers un divorce moins contentieux voire vers un divorce par consentement mutuel

==> Statuer sur les modalités de la résidence séparée des époux

  • Le juge n’autorise plus les époux à résider séparément.
  • Il organise leur vie séparée.
  • Il s’agit ainsi de tenir compte du fait que cette séparation est souvent, en pratique, déjà réalisée lorsqu’ils se présentent à l’audience de conciliation.

==> Attribuer à l’un d’eux la jouissance du logement et du mobilier du ménage ou partager entre eux cette jouissance

  • Il appartient au Juge, au titre de cette mesure, de préciser son caractère gratuit ou non, et le cas échéant, en constatant l’accord des époux sur le montant d’une indemnité d’occupation
  • Ces précisions sont indispensables pour prévenir tout litige ultérieur dans le cadre des opérations de liquidation du régime matrimonial.
  • En effet, si le logement appartient aux deux époux, celui qui l’occupe est en principe débiteur d’une indemnité d’occupation, à moins que la jouissance ait été concédée à titre gratuit, en tant que modalité d’exercice du devoir de secours qui subsiste entre les époux jusqu’au prononcé du divorce.
  • Si le juge n’a rien précisé sur ce point, le bénéficiaire s’expose à se voir réclamer, lors de la liquidation du régime matrimonial, une indemnité d’occupation pour la période postérieure à l’assignation en divorce, celle-ci étant la date à laquelle le divorce prend ses effets entre les époux en ce qui concerne leurs biens.
  • Il est alors nécessaire de se pencher rétrospectivement sur l’ordonnance de non-conciliation en examinant les autres dispositions ordonnées (notamment l’existence d’une pension alimentaire pour voir si celle-ci n’a pas été minorée pour tenir compte de l’attribution du logement commun ; dans ce cas, on peut en effet présumer que l’attribution est faite à titre gratuit) et l’état des ressources des ex-époux.
  • Les effets du divorce entre les époux en ce qui concerne leurs biens remontant désormais à l’ordonnance de non-conciliation, l’indemnité d’occupation pourra théoriquement être due à compter de cette date ; si la jouissance est gratuite, c’est donc que la jouissance du logement correspondra à l’exécution d’une obligation légale.

==> Ordonner la remise des vêtements et objets personnels

==> Fixer la pension alimentaire et la provision pour frais d’instance que l’un des époux devra verser à son conjoint, désigner celui ou ceux des époux qui devront assurer le règlement de tout ou partie des dettes

Le juge peut désigner celui ou ceux des époux qui devront assurer le règlement provisoire de tout ou partie des dettes.

Dans cette hypothèse, le Juge devra préciser si ce règlement est effectué au titre du devoir de secours ou si celui-ci donnera lieu à récompense dans le cadre des opérations de liquidation de la communauté ou à créance dans le cas d’un régime séparatiste.

==> Accorder à l’un des époux des provisions à valoir sur ses droits dans la liquidation du régime matrimonial si la situation le rend nécessaire

==> Statuer sur l’attribution de la jouissance ou de la gestion de biens communs ou indivis autres que ceux visés au 4°, sous réserve des droits de chacun des époux dans la liquidation du régime matrimonial

La jouissance ou la gestion des biens autres que le domicile conjugal et le mobilier du ménage peut être attribuée à l’un des époux.

Cette disposition concerne notamment le cas de la résidence secondaire ou la gestion de biens mobiliers.

Cependant, seuls peuvent faire l’objet de cette mesure les biens communs ou indivis et non les biens propres.

==> Désigner tout professionnel qualifié en vue de dresser un inventaire estimatif ou de faire des propositions quant au règlement des intérêts pécuniaires des époux

==> Désigner un notaire en vue d’élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial et de formation des lots à partager

Il convient de relever qu’une telle mesure présente un intérêt particulier lorsque la liquidation porte sur un bien soumis à la publicité foncière, l’intervention du notaire étant alors obligatoire.

En l’absence d’un tel bien, la loi a simplifié le formalisme de la liquidation du régime matrimonial qui peut faire désormais l’objet, pendant l’instance en divorce, d’une convention non notariée, préparée par les parties et leurs conseils, et soumise à l’homologation du juge.

B) Les mesures provisoires quant aux enfants

L’article 256 du Code civil prévoit que les mesures provisoires relatives aux enfants sont réglées selon les dispositions du chapitre Ier du titre IX du présent livre.

Aussi convient-il de se reporter, en particulier, aux articles 373-2-6 et suivants du Code civil.

==> Sur la résidence de l’enfant

L’article 373-2-9 du Code civil prévoit que la résidence de l’enfant peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l’un d’eux.

La détermination de la résidence de l’enfant dépendra en grande partie de la conclusion d’un accord entre les parents:

  • En présence d’un accord
    • Le juge homologue la convention sauf s’il constate qu’elle ne préserve pas suffisamment l’intérêt de l’enfant ou que le consentement des parents n’a pas été donné librement.
  • En l’absence d’accord
    • À la demande de l’un des parents ou en cas de désaccord entre eux sur le mode de résidence de l’enfant, le juge peut ordonner à titre provisoire une résidence en alternance dont il détermine la durée.
    • Au terme de celle-ci, le juge statue définitivement sur la résidence de l’enfant en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l’un d’eux.

Il ressort de l’article 373-2-9 du Code civil que le législateur n’a pas entendu ériger en principe un mode de garde en particulier.

Deux modalités de garde sont envisageables :

  • La garde alternée
    • Si la possibilité d’envisager la résidence alternée est prévue dans la loi, en cas de désaccord des parents, le Juge n’est en aucune façon obligé de la prononcer.
    • Il demeure libre de fixer la résidence habituelle de l’enfant chez l’un des parents
  • La garde exclusive
    • Lorsque la résidence de l’enfant est fixée au domicile de l’un des parents, le juge aux affaires familiales statue sur les modalités du droit de visite de l’autre parent.
    • Ce droit de visite, lorsque l’intérêt de l’enfant le commande, peut, par décision spécialement motivée, être exercé dans un espace de rencontre désigné par le juge.
    • Lorsque l’intérêt de l’enfant le commande ou lorsque la remise directe de l’enfant à l’autre parent présent un danger pour l’un d’eux, le juge en organise les modalités pour qu’elle présente toutes les garanties nécessaires.
    • Il peut prévoir qu’elle s’effectue dans un espace de rencontre qu’il désigne, ou avec l’assistance d’un tiers de confiance ou du représentant d’une personne morale qualifiée.

Lorsque le Juge se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, l’article 373-2-11 du Code civil enjoint au juge de prendre en considération plusieurs éléments :

  • La pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords qu’ils avaient pu antérieurement conclure
  • Les sentiments exprimés par l’enfant mineur dans les conditions prévues à l’article 388-1
  • L’aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l’autre
  • Le résultat des expertises éventuellement effectuées, tenant compte notamment de l’âge de l’enfant
  • Les renseignements qui ont été recueillis dans les éventuelles enquêtes et contre-enquêtes sociales prévues à l’article 373-2-12
  • Les pressions ou violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l’un des parents sur la personne de l’autre

==> Sur la pension alimentaire

L’article 372-2-2 du Code civil prévoit que, en cas de séparation entre les parents, ou entre ceux-ci et l’enfant, la contribution à son entretien et à son éducation prend la forme d’une pension alimentaire versée, selon le cas, par l’un des parents à l’autre, ou à la personne à laquelle l’enfant a été confié.

Les modalités et les garanties de cette pension alimentaire sont fixées par la convention homologuée visée à l’article 373-2-7 ou, à défaut, par le juge.

Cette convention ou, à défaut, le juge peut prévoir le versement de la pension alimentaire par virement bancaire ou par tout autre moyen de paiement.

Cette pension peut en tout ou partie prendre la forme d’une prise en charge directe de frais exposés au profit de l’enfant.

Elle peut être en tout ou partie servie sous forme d’un droit d’usage et d’habitation.

III) Le régime des mesures provisoires

==> Durée des mesures provisoires

L’article 1113, al. 2 du Code de procédure civile prévoit que si l’instance n’a pas été introduite dans les trente mois du prononcé de l’ordonnance, toutes ses dispositions sont caduques, y compris l’autorisation d’introduire l’instance.

Ainsi, le délai de validité de des mesures provisoires est de trente mois afin de permettre, le cas échéant, à l’époux demandeur, une fois l’ordonnance de non-conciliation rendue, d’attendre l’expiration du délai prévu pour satisfaire aux conditions du divorce pour altération définitive du lien conjugal (deux années de séparation).

Passé le délai de trente mois, toutes les dispositions de l’ordonnance sont caduques, y compris l’autorisation d’introduire l’instance.

Les mesures provisoires sont également caduques en cas de réconciliation des époux.

La jurisprudence avait pu considérer, sous l’empire de la législation antérieure, que l’autorisation d’assigner était soumise à la règle de péremption biennale.

La nouvelle rédaction écarte dorénavant une telle interprétation. En effet la péremption n’affecte que les actes diligentés en cours d’instance.

Or il ne fait désormais aucun doute que, du strict point de vue procédural, l’instance ne commence qu’à l’assignation et non à la requête en divorce.

==> Appel des mesures provisoires

L’article 1119 du Code de procédure civile prévoit que la décision relative aux mesures provisoires est susceptible d’appel dans les quinze jours de sa notification.

==> Modification des mesures provisoires

L’article 1118 du Code de procédure civile dispose que, postérieurement au prononcé de l’ordonnance de non-conciliation, le juge aux affaires familiales peut, jusqu’au dessaisissement de la juridiction, supprimer, modifier ou compléter les mesures provisoires qu’il a prescrites, en cas de survenance d’un fait nouveau.

L’alinéa 2 précise que lorsque la demande est formée avant l’introduction de l’instance, elle est instruite et jugée selon les modalités de droit commun applicables aux procédures autres que le divorce et relevant du juge aux affaires familiales.

Le juge devra par conséquent être saisi en la forme des référés ou par requête.

En cas d’appel, cette compétence est dévolue, selon le cas, au Premier Président de la Cour d’appel ou au conseiller de la mise en état.