La notion de société

==> Définition

L’article 1832 du Code civil dispose :

« La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter.

Aussi, ressort-il très clairement de cette définition que la société s’apparente à un contrat.

Est-ce à dire que la notion de contrat permet, à elle seule, de rendre compte de la nature de la société ?

Autrement dit, la société est-elle réductible à « un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations. » (Art. 1101 C. civ.) ?

Une rapide lecture de l’article 1832 permet d’en douter.

Cette disposition prévoit, en effet, à son alinéa 2, qu’une société « peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l’acte de volonté d’une seule personne ».

Une société peut dès lors être créée en dehors du cadre de la formation d’un contrat. Sa création peut, en effet, procéder de l’accomplissement d’un acte unilatéral.

Qui plus est, comment la notion de contrat permet-elle d’appréhender la personnalité morale dont est susceptible d’être pourvue la société ?

La thèse du contrat ne permet pas, en effet, de rendre compte de la personnalité juridique dont jouit la société.

Ainsi, la question de la nature de la société se pose.

Deux qualifications sont classiquement débattues à ce sujet :

  • La qualification de contrat
  • La qualification d’institution

Qu’est-ce qu’une institution ?

Selon le doyen Houriou, une institution consiste en l’adhésion, par la majorité des membres d’un groupe de personnes, à une organisation sociale en vue de la poursuivre un intérêt commun.

==> La société : contrat ou institution ?

  • Arguments pour la qualification de contrat
    • L’article 1832 du Code civil vise expressément la qualification de contrat
    • L’acte fondateur de la société réside dans la manifestation de volonté des associés
    • L’autonomie de la volonté préside à l’élaboration du pacte social, en ce sens que les associés déterminent librement le contenu des statuts
    • La société peut être dissoute par le seul effet de la volonté des associés
    • Pour être valide, la société doit satisfaire aux mêmes exigences que celles posées en matière de contrat (capacité, consentement et objet)
  • Arguments pour la qualification d’institution
    • La société n’est pas un contrat, car il s’agit d’un acte multilatéral, voire unilatéral.
    • Le choix de la forme sociale (SARL, SNC, SA etc.) est rigoureusement encadré par la loi.
    • La constitution de la société doit satisfaire à un certain nombre d’exigences légales, de sorte que la validité d’une société n’est pas subordonnée à la seule manifestation de volonté des associés.
    • De nombreuses obligations d’origine légale s’imposent aux associés quant à la rédaction des statuts
    • La plupart des règles qui régissent le fonctionnement des assemblées et des organes de direction et de gestion sont d’ordre public
    • Une société ne saurait être instituée en vue de poursuivre une fin étrangère à celle prévue par la loi : le partage de bénéfices et/ou la réalisation d’économies.
    • La société est une personne morale.

Au total, il apparaît que les arguments qui plaident en faveur de la nature contractuelle de la société sont aussi nombreux que ceux qui mettent en exergue sa dimension institutionnelle.

Aussi, la société est probablement de nature hybride.

Comme le relèvent en ce sens des auteurs, « la société n’est tout à fait ni un contrat ni une institution mais une entité au sein de laquelle coexistent des règles contractuelles et des règles de type institutionnel » (MM. Mercadal et Janin, Sociétés commerciales, Mémento pratique F. Lefebvre, 1996, n° 27, p. 18).

Certains auteurs relèvent, néanmoins, l’émergence d’un mouvement de contractualisation de la société (V. en ce sens J.-P. Bertel, « Liberté contractuelle et sociétés – Essai d’une théorie du « juste milieu » en droit des sociétés », RTD Com. 1996 p.595)

Les manifestations de l’émergence de ce mouvement sont multiples :

  • L’institution par la loi n° 94-1 du 3 janvier 1994 des sociétés par actions simplifiée, qui confère aux associés une grande liberté quant à l’organisation du fonctionnement des assemblées d’actionnaires et des organes de direction et de gestion.
  • Assouplissement des règles relatives à la conclusion de pactes d’actionnaires, lesquels permettent de parachever l’organisation de la société.

Il peut, par ailleurs, être observé que la Cour de justice de l’Union européenne participe à l’émergence de ce mouvement.

Dans un arrêt du 10 mars 1992, elle de la sorte affirmé que « les statuts d’une société doivent être considérés, pour l’application de la Convention de Bruxelles, comme un contrat régissant à la fois les rapports entre les actionnaires et les rapports entre ceux-ci et la société qu’ils créent » (CJUE, 10 mars 1992, Powell Duffryn plc c/ Wolfgang Petereit)

Pour conclure, il apparaît, comme le relève Thibaut Massart, que « les analyses contractuelle et institutionnelle se rejoignent sur un point. Pour l’une comme pour l’autre, la société est au fond un groupement organisé. Mais, pour l’analyse contractuelle, il s’agit d’un groupement organisé par le contrat, alors que pour l’analyse institutionnelle, il s’agit d’un groupement organisé par la loi » (Th. Massart, « le contrat de société », Rép. Droit des Sociétés)

==> La finalité de la société

Aux termes de l’article 1832 du Code civil, « La société est instituée […] en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter. »

Deux objectifs sont ainsi assignés par la loi à la société :

  • Le partage de bénéfices
  • Le partage de l’économie qui pourra en résulter.

Que doit-on entendre par bénéfices ?

La loi donne en donne plusieurs définitions :

  • L’article L. 232-11 du Code de commerce dispose que « le bénéfice distribuable est constitué par le bénéfice de l’exercice, diminué des pertes antérieures, ainsi que des sommes à porter en réserve en application de la loi ou des statuts, et augmenté du report bénéficiaire.»
  • L’article 38, 2 du Code général des impôts définit, quant à lui, le bénéfice comme « la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l’impôt diminuée des suppléments d’apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l’exploitant ou par les associés. L’actif net s’entend de l’excédent des valeurs d’actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ».

En raison de leur trop grande spécificité, aucune de ces définitions légales des bénéfices ne permet de distinguer la société des autres groupements.

Pour ce faire, c’est vers la jurisprudence qu’il convient de se tourner.

Dans un célèbre arrêt Caisse rurale de la commune de Manigod c/ Administration de l’enregistrement rendu en date du 11 mars 1914, la Cour de cassation définit les bénéfices comme « tout gain pécuniaire ou tout gain matériel qui ajouterait à la fortune des intéressés ».

L’adoption d’une définition des bénéfices par la Cour de cassation procède, manifestement, d’une volonté de distinguer la société des autres groupements tels que :

  • Les groupements d’intérêt économique
  • Les associations

==> L’inclusion des groupements d’intérêt économique dans le champ de la qualification de société

Bien que la définition des bénéfices posée par la Cour de cassation ait le mérite d’exister, elle n’en a pas moins été jugée trop restrictive.

En estimant que les bénéfices ne pouvaient consister qu’en un gain pécuniaire ou matériel, cette définition implique que les groupements qui se sont constitués en vue, non pas de réaliser un profit, mais de générer des économies sont privés de la possibilité d’adopter une forme sociale.

Or la structure sociétaire présente de très nombreux avantages.

Aussi, afin de permettre aux groupements d’intérêt économique, dont l’objet est la réalisation d’économies, de se constituer en société, le législateur a-t-il décidé d’intervenir.

La loi du 4 janvier 1978 a, de la sorte, modifié l’article 1832 du Code civil en précisant qu’une société peut être instituée « en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter. »

Si, cet élargissement de la notion de société a permis aux groupements d’intérêt économique d’adopter une forme sociale, il a corrélativement contribué à flouer la distinction entre les sociétés et les groupements dont le but est autre que la réalisation de bénéfices.

Ainsi, la frontière entre les sociétés et les associations est parfois difficile à déterminer.

==> L’exclusion des associations du champ de la qualification de société

Quelle est la distinction entre une société et une association ?

La différence entre ces deux groupements tient à leur finalité.

  • Conformément à l’article 1832 du Code civil, « la société est instituée […] en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter. »
  • Aux termes de l’article 1er de la loi du 1er juillet 1901 « l’association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices».

Ainsi, le critère de la distinction entre la société et l’association est le partage des bénéfices.

Tandis que la société se constitue dans un but exclusivement lucratif, l’association poursuit, en principe, un but non-lucratif

En apparence, ce critère ne semble pas soulever de difficultés. Sa mise est œuvre n’est, cependant, pas aussi aisée qu’il y paraît.

En effet, si l’on procède à une lecture attentive de la loi du 1er juillet 1901, il ressort de l’alinéa 1er que ce qui est interdit pour une association, ce n’est pas la réalisation de bénéfices, mais leur distribution entre ses membres.

Dans ces conditions, rien n’empêche une association de se constituer dans un but à vocation exclusivement lucrative.

Aussi, lorsque cette situation se rencontre, la différence entre l’association et la société est pour le moins ténue.

Cette différence est d’autant plus ténue que, dans certaines circonstances, le droit commercial est applicable aux associations.

==> Application du droit commercial aux associations

Dans un arrêt du 17 mars 1981, la Cour de cassation a admis que le droit commercial puisse s’appliquer à une association (Cass. com., 17 mars 1981).

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Faits :

  • Groupement associatif qui crée un commerce de vente de produits alimentaires (viande Halal)
  • Approvisionnement auprès d’un boucher qui, par la suite, ne sera pas réglé de sa créance

Demande :

Le créancier impayé assigne l’association en paiement

Procédure :

  • Dispositif de la décision rendue au fond:
    • Par un arrêt du 9 mai 1979, la Cour d’appel de Paris accède à la requête du créancier
  • Motivation des juges du fond:
    • Les juges du fond estiment que dans la mesure où l’association effectuait des actes de commerce (achat pour la revente) dans le cadre du magasin de produits alimentaires qu’elle avait créé, elle pouvait se voir opposer les livres de commerce lesquels ont permis au fournisseur de prouver l’existence de sa créance

Moyens des parties :

  • Contenu du moyen:
    • Les juges du fond auraient dû se demander si l’association exerçait bien une activité commerciale, ce qu’elle n’a pas fait
    • Les livres de commerce ne sont opposables qu’aux commerçants. Or une association n’est pas un commerçant

Problème de droit :

Une association qui exploite un magasin de vente de produits alimentaires peut-elle se voir opposer par un créancier ses livres de commerce ?

Solution de la Cour de cassation :

  • Dispositif de l’arrêt:
    • Par un arrêt du 17 mars 1981, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’association
  • Sens de l’arrêt:
    • La Cour de cassation valide l’analyse de la Cour d’appel tendant à dire que l’association exerçait une activité de nature commerciale dans le cadre l’exploitation de son magasin d’alimentation
      • Accomplissement de façon habituelle d’actes de commerce (achat pour la revente)
    • La chambre commerciale en déduit que les livres de commerce du créancier étaient opposables à l’association
    • Il en résulte plus généralement que, pour la Cour de cassation, le droit commercial est applicable à l’association, dès lors qu’elle accomplit des actes de commerce.

Analyse de l’arrêt

Pour mémoire, aux termes, de l’article L. 121-1 du Code de commerce, « sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle ».

Tout l’enjeu pour le créancier était donc de démontrer que, dans la mesure où l’association accomplissait de façon habituelle des actes de commerce dans le cadre de l’exploitation de son magasin, le droit commercial lui était applicable.

Cela lui permettait, dès lors, de pouvoir lui opposer ses livres de commerce afin de prouver l’existence de sa créance.

Pour mémoire, l’ancien article 1380 du Code civil disposait que « les livres des marchands font preuve contre eux ; mais celui qui en veut tirer avantage ne peut les diviser en ce qu’ils contiennent de contraire à sa prétention. »

Au total, il apparaît que le fait pour une association d’accomplir de façon habituelle des actes de commerce, ne suffit pas à la requalifier en société, dès lors que la loi de 1901 lui interdit seulement de partager le profit réalisé entre ses membres.

C’est uniquement en présence d’un tel partage des bénéfices que l’association se trouverait exposée à une requalification en société.

Rien ne fait obstacle, par ailleurs, à ce que le droit commercial s’applique à une association.

Dans la présente espèce, son application ne soulevait guère de difficulté, dans la mesure où le magasin exploité par l’association avait un but lucratif.

Quid dans l’hypothèse où une association accomplit des actes de commerce en vue de financer un but non-lucratif ?

==> Le critère d’application du droit commercial aux associations

En principe, le droit commercial ne devrait s’appliquer qu’aux seules associations qui poursuivent un but lucratif.

Pour rappel, conformément à la théorie de l’accessoire, un acte commercial par nature peut parfaitement être qualifié d’acte civil par accessoire, s’il se rattache à une opération civile principale.

Tel est le cas pour les actes de commerce par nature qui seraient accomplis par un non-commerçant dans le cadre de l’exercice de son activité civile.

On peut en déduire que le droit commercial n’a pas vocation à s’appliquer à une association à but non-lucratif qui accomplit des actes de commerce par nature.

L’accomplissement desdits actes doit cependant demeurer accessoire à l’activité statutaire civile de l’association.

C’est seulement si l’activité commerciale de l’association activité revêt un caractère spéculatif répété au point de primer l’objet statutaire que le droit commercial lui sera applicable.

Bien que la Cour de cassation ait régulièrement recours à la théorie de l’accessoire afin de déterminer si une société est ou non soumise au droit commercial, un arrêt du 14 février 2006 a semé le trouble quant à l’application de cette théorie aux associations (Cass. com., 14 févr. 2006).

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Faits :

  • Une association offre de manière permanente aux particuliers un site Internet destiné à favoriser les « échanges d’immeubles »
  • Dans le cadre d’un litige avec une autre association, elle se voit assigner par cette dernière devant le Tribunal de commerce

Procédure :

  • Dispositif de la décision rendue au fond:
    • Par un arrêt du 1er février 2005, la Cour d’appel estime le tribunal de commerce saisi compétent
  • Motivation des juges du fond:
    • Les juges du fond estiment que dans la mesure où l’association assignée avait pour activité principale la mise à disposition d’une plate-forme permettant aux internautes l’échange d’immeubles, le tribunal de commerce était bien compétent

Moyens des parties :

  • Contenu du moyen:
  • L’activité exercée par l’association en l’espèce ne s’apparente pas à celle d’intermédiaire, conformément à l’article L. 110-1 du C. com, car elle est relative à l’échange d’immeubles. Or l’échange d’immeubles n’est pas visé à l’article L. 110-1 c.com/
    • L’article L. 110-1 du Code de commerce prévoit en ce sens que :
      • « La loi répute actes de commerce […]3° Toutes opérations d’intermédiaire pour l’achat, la souscription ou la vente d’immeubles, de fonds de commerce, d’actions ou parts de sociétés immobilières»
    • L’enjeu était donc ici pour l’auteur de pourvoi d’exclure cette qualification d’intermédiaire afin d’écarter la compétence du Tribunal de commerce
  • La Cour d’appel aurait dû se demander si l’activité revêtait un caractère spéculatif répété au point de primer l’objet statutaire
    • Autrement dit, pour l’auteur du pourvoi, dans la mesure où l’objet principal de l’association était purement civil, conformément à la théorie de l’accessoire, les actes de commerce accomplis devaient également être qualifiés de civils.

Problème de droit :

Un litige relatif à la mise à disposition sur internet par une association d’une plate-forme permettant aux internautes l’échange d’immeubles relève-t-il de la compétence du tribunal de commerce ?

Solution de la Cour de cassation :

Dispositif de l’arrêt:

  • Par un arrêt du 14 février 2006, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’association initialement assignée

Sens de l’arrêt:

  • La cour de cassation valide le raisonnement tenu par les juges du fond
  • D’une part, elle estime que, compte tenu de la teneur du service fourni par l’association, cette dernière s’apparentait bien à un intermédiaire au sens de l’article L. 110-1 du Code de commerce
    • Pour la Cour de cassation, le fait de mettre à disposition une plate-forme permettant aux internautes de favoriser l’échange d’immeubles constitue un acte de commerce par nature, quand bien même cet acte n’est pas expressément visé par l’article L. 110-1 du Code de commerce.
  • D’autre part, la Cour de cassation considère, et c’est là que réside tout l’intérêt de l’arrêt, que « la cour d’appel […] n’avait pas à effectuer la recherche inopérante visée par la seconde branche du moyen»
    • Autrement dit, pour la chambre commerciale, les juges du fond n’avaient pas à rechercher si l’activité exercée par l’association « revêtait un caractère spéculatif répété au point de primer l’objet statutaire»

Analyse de l’arrêt

==> Sur la notion d’acte de commerce par nature

En l’espèce, l’association offre de manière permanente aux particuliers un site Internet destiné à favoriser les échanges d’immeubles.

Or cette activité n’est pas expressément visé par l’article L. 110-1 du Code de commerce.

Cette disposition qualifie d’actes de commerce  « toutes opérations d’intermédiaire pour l’achat, la souscription ou la vente d’immeubles, de fonds de commerce, d’actions ou de parts de sociétés immobilières ».

En l’espèce, l’association peut certes être qualifiée d’intermédiaire. Cependant, son activité a pour objet « l’échange d’immeuble », et non « l’achat, la souscription ou la vente d’immeubles »

D’où la thèse défendue par l’auteur du pourvoi consistant à dire que les actes accomplis par l’association ne sauraient être qualifiés d’actes de commerce par nature.

Plusieurs arguments peuvent néanmoins être opposés à cette thèse :

  • Premier argument
    • Techniquement, l’opération d’échange ne s’apparente pas à un achat ou à une vente.
    • Aux termes de l’article 1702 du Code civil « l’échange est un contrat par lequel les parties se donnent respectivement une chose pour une autre. »
    • Cependant, le contrat d’échange opère, au même titre que le contrat de vente, un transfert de propriété.
    • Dès lors, s’il est vrai que la Cour de cassation s’est écartée, dans son interprétation de l’article L. 110-1 du Code de commerce, de la lettre du texte, elle ne s’en est pas moins conformée à son esprit.
    • La Cour de cassation relève d’ailleurs que l’association « offrait une prestation permettant la rencontre de l’offre et de la demande en vue de la vente et de l’achat d’immeubles»
  • Second argument
    • L’énumération des actes de commerce par nature à laquelle se livre l’article L. 110-1 du Code de commerce est non-exhaustive.
    • Il résulte que le juge est libre de découvrir de nouveaux actes de commerce par nature.
    • Il n’est pas lié à la liste établie dans le Code de commerce, laquelle liste n’est pas figée.

==> Sur la commercialité de l’activité exercée par l’association

La Cour de cassation considère dans cette décision que les juges du fond n’avaient pas à rechercher si l’activité exercée par l’association « revêtait un caractère spéculatif répété au point de primer l’objet statutaire ».

De toute évidence, cette affirmation de la chambre commerciale force l’attention, sinon à l’interrogation.

L’association en l’espèce n’endossait pas en l’espèce la qualité de commerçant. Or en principe, les actes de commerce par nature accomplis par une personne non-commerçante ne donnent pas lieu à l’application du droit commercial, conformément à la théorie de l’accessoire.

La décision rendue en l’espèce par la Cour de cassation nous donne, de toute évidence, l’impression du contraire.

Dans son attendu, la chambre commerciale laisse entendre, en dispensant les juges du fond de vérifier si l’activité réelle de l’association primait sur son objet statutaire civil, que le droit commercial serait susceptible de s’appliquer du seul fait de l’accomplissement, par l’association, d’un acte de commerce.

Si l’association avait accompli un acte de commerce par la forme, tel qu’une lettre de change, la solution de la Cour de cassation ne prêterait pas à discussion.

Toutefois, en l’espèce, l’acte effectué par l’association était un acte de commerce par nature.

Or un tel acte de commerce n’implique pas, par principe, l’application du droit commercial, ce pour deux raisons :

  • L’acte de commerce par nature ne confère pas à son auteur la qualité de commerçant
  • L’acte de commerce par nature conduit à l’application du droit commercial uniquement s’il est accompli à titre habituel

Dès lors, quelle portée donner à l’arrêt de la Cour de cassation ? Comment justifier la solution adoptée ?

Pour Hervé Lecuyer, la chambre commerciale a peut-être estimé que l’acte accompli par l’association n’était autre qu’un acte de commerce par l’objet[1]

L’acte de commerce par objet est un acte dont l’accomplissement est réservé aux commerçants.

Aussi, une personne non-commerçante qui accomplirait un acte de commerce par l’objet s’exposerait à l’application du droit commercial, dans la mesure elle empiéterait sur le monopole des commerçants[2].

Dans cette catégorie des actes de commerce par l’objet figurent notamment :

  • Le cautionnement commercial
  • Les opérations portant sur le fonds de commerce
  • La cession de contrôle d’une société

Qu’en est-il de l’activité consistant à offrir « offrait de manière permanente aux particuliers un site internet visant à favoriser les échanges d’immeubles » ?

Peut-elle être qualifiée d’activité commerciale pour son objet ?

Le doute est permis, dans la mesure où les actes portant sur des immeubles sont, par nature, purement civils.

En tout état de cause, l’association exerçant une activité commerciale de manière permanente, ce qui explique, sans aucun doute la solution retenue, bien que la motivation retenue par la Cour de cassation peine à convaincre.

Au total, il apparaît que la Cour de cassation fait reposer la compétence du tribunal de commerce, non pas sur la qualité de commerçant, mais sur l’accomplissement d’actes de commerce.

Est-ce à dire qu’une association pourrait, malgré tout, endosser la qualité de commerçant ?

==> Qualité de commerçant et associations

Dans l’arrêt du 17 mars 1981 la Cour de cassation reconnaît indéniablement à l’association qui se livrait, de façon habituelle, à l’accomplissement d’actes de commerce par nature, la qualité de commerçant de fait.

C’est la raison pour laquelle, elle considère que le droit commercial lui était applicable.

Peut-on en déduire que les associations sont éligibles à la qualification de commerçant de droit ?

La Cour de cassation n’y semble pas favorable, comme en témoigne un arrêt de la chambre commerciale du 1er mars 1994 (Cass. com. 1er mars 1984).

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Faits :

  • Association qui a en charge la gestion d’un restaurant
  • Demande le remboursement de la TVA suite à la réalisation de travaux de réhabilitation des locaux
  • L’association demande, en parallèle, son inscription au RCS
  • Cette inscription lui est néanmoins refusée par le greffier du TC

Demande :

Inscription de l’association au RCS

Procédure :

  • Dispositif de la décision rendue au fond:
    • Par un arrêt du 13 février 1992, la Cour d’appel de Paris déboute l’association de sa demande
  • Motivation des juges du fond:
    • Les juges du fond relèvent que l’association ne rentre dans aucune des catégories de groupements qui ont l’obligation de s’inscrire au RCS

Moyens des parties :

  • Contenu du moyen:
    • Inscription au RCS constituerait une faculté pour les groupements qui exerceraient une activité commerciale, bien que non visés par la loi.

Problème de droit :

Une association qui exerce une activité commerciale est-elle fondée à revendiquer son inscription au RCS

Solution de la Cour de cassation :

Dispositif de l’arrêt:

  • Par un arrêt du 1er mars 1994, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’association

Sens de l’arrêt:

La Cour de cassation estime que dans la mesure où l’association ne rentre dans aucune des catégories de groupements qui ont pour obligation de s’inscrire au RCS, l’association n’était pas fondée à revendiquer son inscription

Analyse de l’arrêt

Pourquoi l’association revendique-t-elle la possibilité de s’inscrire au RCS ?

Tout simplement, car elle revendique le statut de commerçant, compte tenu de la nature de son activité : commerciale !

Or l’inscription au RCS est obligatoire pour les commerçants.

Si l’on met le présent arrêt en perspective avec la précédente décision (Cass. com., 17 mars 1981), il en ressort un paradoxe :

  • Dans l’arrêt du 17 mars 1981, la Cour de cassation considère l’association comme un commerçant de fait, dans la mesure où elle accomplissait, à titre habituel, des actes de commerce
  • Dans la présente décision, plus récente, la Cour de cassation refuse à l’association de s’inscrire au RCS, soit d’endosser la qualité de commerçant de droit

Est-ce à dire que la Cour de cassation considère que les associations peuvent revêtir la qualité de commerçant, mais qu’elles doivent demeurer confinées au statut de commerçant de fait ?

La question qui alors se pose est de savoir, pourquoi refuser aux associations la possibilité de s’inscrire au RCS ?

La loi de 1901 dans son art. 1er précise que : « l’association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun d’une façon permanente leurs connaissances ou leurs activités dans un but autre que de partager des bénéfices ».

Certes, le domaine privilégié des associations consiste en l’exercice d’activités non lucratives. Toutefois, rien dans la lettre, ni dans l’esprit de la loi du 1er juillet 1901 ne permet de leur interdit, d’une part d’accomplir des actes de commerce, ni d’accéder au statut de commerçant.

À la vérité, en refusant aux associations la possibilité de s’inscrire au RCS tout en les autorisant à exercer une activité commerciale, cela revient à les condamner à demeurer des commerçants de fait !

Pour ce faire, la Cour de cassation se livre à une lecture littérale de l’article 1er du décret n°84-406 du 30 mai 1984 relatif au registre du commerce et des sociétés, lequel établit une liste exhaustive des personnes assujetties à l’immatriculation au RCS.

Or les associations ne figurent pas parmi les personnes visées par cette disposition.

La Cour de cassation en déduit que les associations ne peuvent pas s’inscrire au RCS.

[1] H. Lecuyer, « Commercialité des opérations d’intermédiation via Internet en matière immobilière », CCE n° 7-8, Juillet 2006,  comm. 113

[2] G. Ripert et R. Roblot, par L Vogel, Traité de droit commercial : LJDG 1998, t. 1, vol. 1, 17e éd., n° 325 et s

Le pouvoir politique

Que l’on prenne une famille, une entreprise, un clan, un gang ou une association, dans tous ces groupes sociaux se superposent, inéluctablement, aux rapports horizontaux de solidarité, des liens verticaux « de commandement-obéissance »[1], d’où il résulte l’exercice d’une domination par le pouvoir que détiennent des gouvernants sur des gouvernés[2]. Comme s’accordent à le dire les auteurs, « à partir du moment où il existe un groupe, si petit soit-il, des phénomènes de pouvoir se manifestent parce que certains vont commander, d’autres vont obéir, ou se soumettre »[3]. Présent dans tout agrégat humain pouvant être qualifié de société, sous bien des formes le pouvoir se manifeste. Tantôt, il prendra l’apparence d’un père de famille, tantôt celle d’un roi, d’un empereur, ou bien encore d’une assemblée. Bref, il est de nombreux cadres dans lesquels le pouvoir peut s’exercer. De nos jours, le cadre que l’on considère comme le plus sophistiqué n’est autre que celui qui sert de support au pouvoir politique : il s’agit de l’État. Les constitutionnalistes affirment qu’il est « la forme sociale la plus perfectionnée »[4]. Sans doute, cela explique-t-il pourquoi le cadre étatique a été adopté par l’ensemble des sociétés d’aujourd’hui. Comment en est-on arrivé là ? Selon Georges Burdeau, « le pouvoir produit le social »[5] en ce qu’il assure l’organisation du système que constitue le groupe[6]. Si le pouvoir produit le social, il convient alors de se demander pourquoi les hommes se réunissent-ils en société. Beaucoup sont ceux qui pensent qu’il n’est pas dans la nature de l’Homme de se plier à quelque pouvoir que ce soit[7]. Pour quelle raison serait-il, par conséquent, enclin à se soumettre à celui dont l’exercice est inhérent à la vie en société ? Jusqu’à présent, c’est, toujours, en ces termes, que s’est posée la question de la naissance des sociétés humaines. Dès lors, afin d’appréhender le pouvoir dans toutes ses dimensions, nous faut-il prendre pour point de départ la problématique relative à la constitution des groupes humains[8].

Naissance du contractualisme. Jadis, les auteurs de la chrétienté opinaient tous à reconnaître une origine divine au pouvoir politique. Pour eux, cette forme de pouvoir a été créée par Dieu[9], qui aurait laissé, selon les mots de Saint Thomas d’Aquin, le soin aux hommes de l’organiser[10]. Telle est la thèse qui, pendant très longtemps, fut soutenue pour légitimer le pouvoir que détenait le Roi entre ses mains seules. À partir du XVIe siècle, certains penseurs, en particulier les monarchomaques, ont cherché, néanmoins, à « libérer le pouvoir royal de la tutelle de l’église en donnant une origine humaine à ce qui était jusqu’alors présenté comme la volonté de Dieu »[11]. Durant cette période, certains ont commencé à s’écarter de la théorie classique et se sont, peu à peu, attelés à poser les bases d’un nouveau courant de pensée : la doctrine contractualiste. Pour les fondateurs de cette théorie, qui ne sont autres que Théodore de Bèze[12], Althusius[13], Grotius[14] ou encore Pufendorf[15], le pouvoir dont est investi le monarque ne peut trouver sa source que dans la seule volonté de ses sujets qui, sur le modèle du lien vassalique[16], auraient accepté de lui prêter obéissance en échange de sa protection[17]. Dans la droite ligne de cette pensée, quelques années plus tard, Hobbes[18], Locke[19] et Rousseau[20] tentent, à leur tour, de s’illustrer en démontrant que c’est un véritable pacte, un « contrat social », qui aurait été conclu entre les hommes, lesquels auraient consenti d’une part, à s’unir en société et, d’autre part, à se soumettre à une autorité souveraine.

La thèse contractualiste. Plus concrètement, pour ces illustres penseurs, avant que le pouvoir politique ne divise les hommes entre gouvernants et gouvernés – Duguit qualifie ce phénomène de « différenciation politique »[21] –, ils auraient vécu à l’état de nature[22], état dans lequel ils étaient libres[23] et égaux[24], mais inéluctablement soumis à la loi du plus fort[25]. Tandis que pour Hobbes, cet état de nature consiste en un état de guerre permanent, la « guerre de tous contre tous »[26], soit la pire des anarchies[27], pour Locke et Rousseau celui-ci serait plutôt un état de paix dans lequel l’Homme connaîtrait de façon innée « les devoirs de la civilité »[28]. Ces deux derniers auteurs rejoignent, cependant, Hobbes en concédant, qu’à terme, l’état de nature conduit inévitablement à l’état de guerre[29]. Autrement dit, pour les contractualistes, à l’état de nature règne la force[30]. Or la force est une menace pour la sécurité des plus faibles affirme Hobbes ; un risque pesant sur la sûreté des biens des propriétaires pense Locke ; un danger pour la liberté et la propriété dira enfin Rousseau. Pour ces auteurs, afin de se prémunir contre les effets néfastes et pervers susceptibles d’être générés par l’état de nature, tel un mal qui se répandrait sans qu’il soit possible de l’arrêter, les êtres humains auraient choisi, en guise d’antidote, de quitter cet état de nature et de se réunir en société en concluant un pacte[31]. Par ce pacte, l’Homme aurait consenti à renoncer complètement à la liberté illimitée que lui conférait, de manière illusoire, son état de nature pour gagner, en retour, une liberté, certes, limitée, mais réelle, puisque reconnue par tous[32]. En d’autres termes, c’est par leur commune volonté que ceux, associés en vertu du contrat social, auraient institué un pouvoir extérieur et accepté de s’y soumettre[33]. Ce pouvoir leur garantirait la paix civile et la justice.

Les critiques du contractualisme. Fort logiquement, le contractualisme a essuyé bien des critiques[34]. La première d’entre elles tend à objecter aux défenseurs de cette pensée, que le contrat social « est sans rapport avec les faits »[35], car dépourvu de toute réalité historique[36]. Par ailleurs, revient souvent l’argument tenant à la notion de contrat qui aurait complètement été dévoyée. D’une part, celle-ci n’aurait de sens que dans la sphère privée dit Hegel[37], d’autre part, si pacte il y a eu, « il n’est pas le principe d’explication de l’origine du status civilis, mais de la façon dont il doit être » affirme Kant[38]. Enfin, il est une dernière critique dont on peut faire état. Elle consiste à dire que la formation des sociétés ne procède nullement de la commune volonté des hommes[39] et que, s’ils étaient libres, comment savoir ce que leur liberté serait réellement[40]. En somme, pour les pourfendeurs du contractualisme, le contrat social n’est que pure fiction. Et elle ne parviendrait pas à remplir l’objectif qui lui a été assigné : justifier l’établissement des sociétés humaines et l’existence entre leurs membres de rapports de pouvoir. Ces critiques formulées à l’encontre de la doctrine contrastualiste sont, pour le moins, convaincantes. Est-ce à dire qu’il faut rejet en bloc le concept de pacte social, comme socle des sociétés humaines ? On ne saurait, manifestement, être aussi excessif. Plusieurs raisons peuvent être avancées au soutien de cette position.

L’autre approche du contractualisme. Tout d’abord, ce à quoi font référence les contractualises doit être considéré, non pas comme une théorie, mais plutôt comme une parabole. Le pacte social qu’ils évoquent s’apparente moins en une description de la réalité qu’en un outil conceptuel – tel que peut l’être le réseau ou le système – pour décrire cette réalité. Ensuite, comme le souligne Edmund Burke, le contrat social doit être compris, pour faire sens, comme consistant en « un partenariat non seulement entre les vivants, mais entre les vivants, les morts et ceux qui vont naître »[41]. Pour Burke, qui se démarque, sur ce point, de Rousseau, le vrai contrat social est celui conclu entre les différentes générations d’une nation. Selon lui, « une Nation n’est pas une idée qui soit seulement d’une portée locale et un agrégat individuel et momentané ; mais c’est une idée continue, qui s’étend dans le temps aussi bien que dans l’espace et le nombre. Elle est un choix non d’un seul jour, ou d’un seul corps de personnes, ni un choix agité et étourdi ; elle est le choix délibéré des époques successives […] »[42]. Appréhendé sous cet angle-là, soit sous l’angle de la verticalité et non de l’horizontalité, le contrat social apparaît bien plus en phase avec la réalité que lorsqu’il est présenté comme le produit d’une association d’individus qui, subitement, se seraient réunis autour d’une table pour négocier les conditions de création d’une société. À la vérité, la formation des groupes humains est le fruit d’une lente évolution qui s’étale sur plusieurs milliers d’années. Si, dès lors, il doit être recouru à la figure du contrat pour expliquer la constitution des sociétés, la conclusion de leur acte fondateur doit être regardée comme s’échelonnant dans le temps. En le comprenant dans ce sens, le concept de contrat social peut, de la sorte, être sauvé. Maintenant identifiée le mécanisme de formation des sociétés humaines, il convient désormais de s’interroger sur la genèse du pouvoir. Cela suppose de se demander, pourquoi dans n’importe quel groupement humain se créent, inéluctablement, des rapports de pouvoir entre les agents.

La source des rapports de pouvoir. De prime abord, on pourrait être tenté de justifier leur existence en invoquant le fait qu’il est deux sortes d’êtres dans la nature : les dominants et les dominés. Pour Ramsay, « certains hommes naissent, propres à gouverner, tandis qu’une infinité d’autres semblent nés pour obéir »[43]. Le phénomène de pouvoir s’expliquerait donc par la différence de tempéraments qui existe, nécessairement, entre les membres d’une même société. Mais alors, s’il arrive qu’à l’occasion d’un rassemblement d’individus personne ne possède les caractères d’un dominant, est-ce à dire qu’aucun rapport de domination ne saurait se créer ? Assurément non. Il serait naturellement absurde de penser que, parce qu’un regroupement humain serait exclusivement composé d’agents au tempérament passif, il serait impossible de voir l’un d’eux exercer un pouvoir sur les autres et que, à ce titre, il devrait être dénié à cet ensemble la qualité de société. Cela est d’autant plus improbable que l’attribution de cette qualité ne dépend pas, comme démontré, du tempérament que possèdent les membres du groupe, mais de l’existence de relations de solidarité entre eux[44]. En vérité, la raison pour laquelle se créent, inexorablement, au sein de tout groupe, des rapports de commandement-obéissance doit être recherchée ailleurs. Et, si cette raison ne saurait être trouvée dans les différentes individualités qui composent le groupe, peut-être réside-t-elle dans la totalité qu’il constitue. Et l’on en revient, une fois encore, à la notion de système. Si l’on ramène le groupe à un système, la réponse à notre problématique s’impose alors d’elle-même.

Le groupe, vu comme le fruit d’une organisation. Par définition, un système est le fruit d’une organisation[45]. En tenant pour acquis le fait qu’un groupe est un système, il ne peut être qu’organisé. Pour le psychologue Kurt Lewin qui, dès les années quarante, compare le groupe à un système, il est nécessairement un tout structuré[46]. Sans un minimum d’organisation, un ensemble de personnes ne forme pas un groupe, mais un simple agrégat. L’organisation crée le lien social, qui unit les membres du groupe. Elle est donc la première des propriétés que doit revêtir le groupe pour exister. Cette organisation ne saurait, cependant, se produire sans fait générateur. Pour tout système, elle doit être provoquée et maintenue par une force. Dans la nature, cette force est, selon les croyances, appelée hasard, probabilité, ou bien encore providence. Lorsqu’elle est associée au système que constitue le groupe humain, un seul nom lui est attribué : le pouvoir[47]. Il s’agit, ici, du pouvoir qu’exercent des gouvernants sur des gouvernés. Certains constitutionnalistes avancent, à propos du pouvoir politique, qu’il est le pouvoir d’organiser[48]. Ainsi, est-ce le pouvoir que possèdent certains individus sur d’autres qui va engendrer l’organisation d’un groupe[49]. Georgres Burdeau affirme, dans le droit fil de cette idée, que le pouvoir n’est autre qu’une « puissance organisatrice de la vie sociale »[50] et que « ce qu’[il] apporte à la société c’est l’être »[51]. Parce qu’un groupe est, en tant que système, nécessairement généré par l’organisation, les rapports de domination qui se nouent entre ses membres sont, a priori, consubstantiels de son existence[52]. C’est, assurément là, la seule et unique raison pour laquelle des relations de pouvoir ont pu, jusqu’alors, être observées dans n’importe quelle société humaine. La distinction entre gouvernants et gouvernés tient donc à l’essence même du groupe qui n’existe qu’à travers son organisation.

Pouvoir politique et perpétuation du groupe social. Dans les sociétés primitives, cette organisation est assurée par le pouvoir dont est investi un chef de famille ou de clan[53], qui est devenu roi ou empereur lorsque le groupe à la tête duquel il se trouvait s’est progressivement agrandi[54]. Ce pouvoir n’avait d’autre finalité que de « préserver la cohésion sociale »[55]. Toutefois, cette cohésion demeure extrêmement fragile. Le pouvoir politique qui en assure le maintien est, lui-même, frappé d’une grande précarité. Qu’il soit transmis par hérédité ou conféré par une assemblée, ce pouvoir est attaché à la personne de son titulaire de sorte que, à sa mort, il l’emporte avec lui dans sa tombe. Selon l’expression consacrée par Grégoire de Tours, qui raconte l’épisode de Soissons : nos ipsi tuo sumus dominio subjugati, soit « tout ce que nous voyons ici est à toi, glorieux roi, et nous sommes nous-mêmes soumis à ton autorité »[56]. En d’autres termes, le regnum francorum est le butin du roi. Il l’a acquis, au fil de ses conquêtes, par la lame de son glaive. Conséquemment, il lui appartient en propre, et gare à ceux qui s’aviseraient de lui contester la propriété du moindre vase. Soudain, on voit alors poindre les difficultés sous-jacentes d’une telle conception du pouvoir. Une fois le roi mort, qui pour assurer la cohésion du groupe, le pouvoir du souverain s’évanouissant avec lui ? Remémorons-nous la succession de Louis le Pieux, fils de Charlemagne, qui se solda par une division du royaume entre ses trois fils[57]. Une dislocation du groupe dynastique que formaient les carolingiens s’en est suivie. Partant, la conception personnelle du pouvoir, héritée de la tradition germanique, avait pour effet de mettre en danger la cohésion du groupe, chaque fois que le souverain décédait, et ce, parce que durant la période de transmission du trône, il n’y avait rien ni personne pour maintenir l’organisation du système[58]. En réaction à ce désordre récurrent, qui s’est perpétré tout au long des époques mérovingiennes et carolingiennes, l’idée a commencé à germer, à partir du Xe siècle, que le pouvoir détenu par le Roi ne lui appartenait peut-être pas, du moins pas dans le sens où l’entendaient les prédécesseurs d’Hugues Capet[59].

Translation du pouvoir politique du Roi vers l’État. Les écrits de Suger de Saint-Denis sont très explicites là-dessus. Pour cet homme d’Église, le Roi doit fidélité et allégeance à la Couronne. Cet auteur laisse entendre, dès le XIIe siècle, que la Couronne serait le véritable titulaire du pouvoir exercé par les Capétiens dans le royaume. Pour les historiens du droit, « au-dessus de la pyramide des hommes, se trouve le roi et, sur son chef, la couronne, qui à la fois le rehausse et le dépasse, en donnant à la fonction royale sa nécessaire continuité »[60]. Continuité du pouvoir politique, voilà ce qui était désormais recherché par la royauté. Plus précisément, se posait à elle la question de savoir comment mettre définitivement un terme aux luttes intestines, qui affaiblissaient considérablement le royaume. Il fallait trouver un moyen de placer en sureté ce qui maintenait ce dernier en vie, soit ce fameux pouvoir politique dont dépendait l’organisation de tout le système. Le passé ayant démontré que la personne du Roi était loin d’être l’endroit le plus idoine, parce que mortelle, il devait en être trouvé un autre, plus sûr, et surtout immuable. Or quel meilleur endroit que la couronne pour parvenir à cette fin ? Ses porteurs peuvent se succéder, sans que celle-ci reste inchangée. En la choisissant comme réceptacle du pouvoir politique, il cesserait d’être discontinu, pour devenir permanent. C’est ainsi, que l’on assiste, peu à peu, à une translation de la titularité du pouvoir politique, dont était dépositaire le Roi en sa personne, vers sa couronne. On dit alors que le pouvoir politique s’institutionnalise. Au XVIe siècle, période à partir de laquelle la dévolution de la couronne est entièrement gouvernée par les lois fondamentales du royaume[61], un nouveau bouleversement s’opère. La Couronne va, en quelque sorte, se dématérialiser pour devenir l’entité abstraite que l’on désigne couramment par le nom d’État[62].

L’irréductible distinction entre gouvernants et gouvernés. Fondamentalement, la notion d’État moderne, que nous connaissons aujourd’hui, ne diverge pas de celle de Couronne. Toutes deux renvoient à la même chose : le socle inamovible sur lequel repose, désormais, toute autorité politique[63]. Selon les termes de Georges Burdeau l’État est « le titulaire abstrait et permanent du pouvoir »[64]. À ce titre, il a, pareillement à la Couronne, pour fonction d’assurer la cohésion sociale. C’est là, la charge naturelle dévolue à n’importe quel détenteur de pouvoir dont la mission première est, il faut le rappeler, de maintenir organisé le système humain à la tête duquel il se trouve. Aussi, revenons à notre réflexion initiale portant sur la nécessaire existence de phénomènes de pouvoir au sein des sociétés humaines. De tout ce qui précède, on peut d’ores et déjà relever que, lorsque le pouvoir est placé, tant entre les mains d’une personne physique, que sous l’égide d’une entité abstraite, dans les deux cas la distinction entre gouvernants et gouvernés demeure. Pis, si elle tendait à disparaître, en raison de l’absence de dépositaire, c’est l’organisation du groupe tout entier qui serait mise à mal, c’est-à-dire son existence. Fort légitimement, la prédiction aurait pu être faite, que cette distinction entre ceux qui dirigent et ceux qui obéissent se serait atténuée à partir du moment où le pouvoir politique s’incarne dans l’État, et non plus dans la personne d’un chef. Il n’en a rien été. Comme le souligne un auteur, « les hommes ont inventé l’État pour ne pas obéir aux hommes »[65]. Autrement dit, parce que « l’État n’est pas un être réel, psychologique ou social »[66], parce qu’il est le résultat d’une pure « opération intellectuelle »[67], pour que s’exerce le pouvoir dont il est investi, il doit se faire représenter. Or cette représentation suppose la désignation de gouvernants, lesquels entretiennent nécessairement des rapports de domination avec les gouvernés.

[1] V. Constantinesco et S. Pierré-Caps, Droit constitutionnel, PUF, coll. « Thémis Droit », 2011, pp. 5-6, n° 2.

[2] Pour Dominique Turpin « dans toute société un tant soit peu organisée, existe une distinction, plus ou moins avouée ou masquée, entre le petit nombre des gouvernants et la masse des gouvernés, entre détenteurs et destinataires de l’autorité, ceux qui savent (ou sont supposés tels) et ceux qui suivent, de force ou de leur plein gré (voire à l’insu du) » (D. Turpin, Droit constitutionnel, PUF, coll. « Quadrige Manuels », 2007, p. 15). Dans le droit fil de cette idée Duguit soutient qu’« il est d’évidence que dans presque toutes les sociétés humaines, chez les plus humbles et les plus barbares, comme chez les plus civilisés, nous apercevons des individus qui apparaissent commander à d’autres individus et qui imposent l’exécution de leurs ordres apparents par l’emploi de la contrainte matérielle lorsque besoin est » (L. Duguit, op. cit. note 6, p. 15, n° 8).

[3] Ch. Debbasch et J.-M. Pontier, Introduction à la politique, 5e. éd., Dalloz, coll. « précis droit public », 2000, p. 27, n° 36.

[4] J. Gicquel et J.- E. Gicquel, Droit constitutionnel et institutions politiques, Montchrestien, coll. « Domat droit public », 2012, n° 79, p. 55. V. également Ch. Debbasch et J.-M. Pontier, op. préc., p. 28, n° 37.

[5] G. Burdeau, Traité de science politique : présentation de l’univers politique, LGDJ, 1980, T. 1, vol. 2, p. 3, n° 2.

[6] V. infra, n° 110 et s.

[7] V. en ce sens Kelsen pour qui « si nous devons être dominés, alors nous voulons être dominés uniquement par nous-mêmes. » (H. Kelsen, « Les rapports de système entre le droit interne et le droit international public », RCADI, T. XLII, 1932-IV, pp. 121-351).

[8] Pour Duguit, entreprendre pareille démarche est peine perdue. Pour cet auteur, « démontrer comment un homme peut avoir légitimement, en vertu d’une qualité propre, le pouvoir d’imposer par la force sa volonté à un autre homme ». Il s’agit là, selon lui, d’un problème insoluble (L. Duguit, op. cit. note 6, p. 15).

[9] Saint-Paul est à l’origine de la maxime nulla potestas nisi Deo, ce qui signifie « il n’est pas de pouvoir qui ne vienne de Dieu », (Saint-Paul, Rom. XIII, 1, cité in S. Goyard-Fabre, Qu’est-ce que la politique ? : Bodin, Rousseau et Aron, Vrin, coll. « Pré-textes », 2002, p. 34).

[10] Il existe une divergence de point de vue entre les doctrines, que Duguit appelle, « du droit divin surnaturel » et celles « du droit divin providentiel ». Selon la première thèse, nous dit Duguit, « une puissance supérieure, Dieu, aurait non seulement créé le pouvoir politique pris en lui-même, mais encore désigné la personne ou les personnes, la dynastie, par exemple, qui, dans un pays donné, doivent être investies du pouvoir politique ». Selon la thèse « du droit divin providentiel », en revanche, ce n’est pas Dieu qui va décider de la personne à qui le pouvoir doit revenir. Ce sont les circonstances, les volontés humaines qui doivent le déterminer (L. Duguit, op. cit. note 6, pp. 16-17).

[11] T. L’Aminot, « Rousseau et l’état du contrat », in S. Goyard-Fabre (dir) et alii, L’État moderne, Regards sur la pensée politique de l’Europe occidentale entre 1715 et 1848, Vrin, coll. « Histoire des idées & doctrines », 2000, p. 105.

[12] V. en ce sens, Th. de Bèze, Du droit des magistrats sur leurs sujets, Marabuto, 1968, 110 p.

[13] G. Demelemestre, Introduction à la Politica methodice digesta de Johannes Althusius, Cerf, coll. « Humanités », 2012, 111 p.

[14] V. en ce sens H. Grotius, Le droit de la guerre et de la paix, PUF, coll. « Quadrige », 2012, 894 p.

[15] S. Pufendorf, Le droit de la nature et des gens : Ou, Système général des principes les plus importants de la morale, de la jurisprudence et de la politique, Presses Universitaires de Caen, coll. « Bibliothèque de philosophie politique et juridique », 2010, T.1-2.

[16] V. en ce sens V. Constantinesco et S. Pierré-Caps, op. cit. note 22, p. 24, n° 27.

[17] Diderot affirmera par exemple dans l’Encyclopédie que « le consentement des hommes réunis en société est le fondement du pouvoir. Celui qui ne s’est établi que par la force ne peut subsister que par la force » (D. Diderot, Œuvres complètes, Paris, 1818, T. 3, 1re part., p. 384).

[18] V. en ce sens T. Hobbes, Léviathan, Folio, coll. « Folio essais », 2000, 1024 p.

[19] V. en ce sens, J. Locke, Traité du gouvernement civil, 2e éd., Flammarion, coll. « Garnier Flammarion », 2000, 381 p.

[20] V. en ce sens, J.- J. Rousseau, Du contrat social, Flammarion, coll. « Garnier Flammarion », 1968, 180 p.

[21] L. Duguit, op. cit. note 6, p. 535.

[22] Rousseau consent à l’idée que « les philosophes qui ont examiné les fondements de la société ont tous senti la nécessité de remonter jusqu’à l’état de nature » (J.- J. Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, Flammarion, 1971, p. 158).

[23] Pufendorf affirme que « le principal droit de l’État de nature, c’est une entière indépendance de tout autre que Dieu ; à cause de quoi on donne à cet état le nom de Liberté Naturelle, en tant que l’on y conçoit chacun comme maître de soi-même, et ne relevant de l’empire d’aucun Homme, tant qu’il n’a pas été assujetti par quelque acte humain » (S. Pufendorf, Devoirs de l’homme et du citoyen, Presses Universitaires de Caen, coll. « philosophie », 1998, liv. II, Chap. I, §8).

[24] Pour Rousseau « il est aisé de voir que c’est dans ces changements successifs de la constitution qu’il faut chercher la première origine des différences qui distinguent les hommes ; lesquels, d’un commun aveu, sont naturellement aussi égaux entre eux que l’étaient les animaux de chaque espèce avant que diverses causes physiques eussent introduit dans quelques-unes les variétés que nous y remarquons ». Discours sur l’inégalité I

[25] Pour Rousseau « le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître, s’il ne transforme sa force en droit, et l’obéissance en devoir. De là le droit du plus fort ». J.- J. Rousseau, Du Contrat social, op. préc., liv. I, ch. III.

[26] T. Hobbes, op. cit. note 40, pp. 224-231.

[27] D’où la célèbre affirmation de Hobbes : « à l’état de nature l’homme est un loup pour l’homme » (Ibid., pp. 281-282). Celui-ci ajoutera par ailleurs que « aussi longtemps que les hommes vivent sans un pouvoir commun qui les tient en respect, ils sont dans cette condition qui se nomme guerre, la guerre de chacun contre chacun » (Ibid., pp. 288-289).

[28] J.-J. Rousseau, Manuscrit de Genève, liv. I, chap. II.

[29] Pour Rousseau, l’état de nature conduit « au plus horrible état de guerre » car « les usurpations des riches, les brigandages des pauvres, les passions effrénées de tous, étouffant la pitié naturelle et la voix encore faible de la justice, rendirent les hommes avares, ambitieux et méchants. Il s’élevait entre le droit du plus fort et le droit du premier occupant un conflit perpétuel qui ne se terminait que par des combats et des meurtres » (J.-J. Rousseau, Manuscrit de Genève, liv. I, chap VI). Dans le droit fil de cette idée, pour Locke, « le désir d’éviter cet état de guerre (où l’on ne peut avoir recours qu’au ciel et qui, en l’absence d’une autorité capable d’arbitrer les conflits, peut surgir à la suite du moindre différend) a été le grand motif qui a engagé les hommes à former des sociétés et à abandonner l’état de nature » (J. Locke, op. cit. note 41, §21).

[30] Pour Arthur Schopenhauer, par exemple, « Le droit en lui-même est impuissant ; par nature, règne la force. Le problème de l’art de gouverner, c’est d’associer la force et le droit afin qu’au moyen de la force, ce soit le droit qui règne. Et c’est un problème difficile si l’on songe à l’égoïsme illimité qui loge dans presque chaque poitrine humaine » (A. Schopenhauer, Parerga & Paralipomena, CODA, 2005, liv. II, §127).

[31] Pour Rousseau il faut ainsi « trouver une forme d’association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun s’unissant à tous n’obéisse pourtant qu’à lui-même et reste aussi libre qu’auparavant » (J.- J. Rousseau, Du contrat social, op. cit. note 42, liv. I, chap. VI, p. 51).

[32] Ainsi pour Rousseau « ce que l’homme perd par le contrat social, c’est la liberté naturelle et un droit illimité à tout ce qui le tente et qu’il peut atteindre, ce qu’il gagne c’est la liberté civile et la propriété de tout ce qu’il possède » (Ibid., liv. I, chap. VIII, p. 55).

[33] Diderot écrira en ce sens dans l’Encyclopédie que « le consentement des hommes réunis en société est le fondement du pouvoir. Celui qui ne s’est établi que par la force ne peut subsister que par la force » (D. Diderot, op. cit. note 39, p. 384).

[34] Parmi les plus célèbres contradicteurs de la doctrine contractualiste on peut citer Hegel, Kant ou encore Hume.

[35] E. Durkheim, De la division du travail social, op. cit. note 8, p. 179.

[36] Bossuet dira en ce sens « qu’on ne voit point d’érections de monarchies qui ne se soient faites par des traités » (Cité in F. Strowski, Bossuet et les extraits de ses œuvres diverses, Paris, Librairie Victor Lecoffre, 1901, p. 373).

[37] G.- W. Hegel, Encyclopédie des sciences philosophiques, Vrin, coll. « Textes Philosophiques », 2000, p. 384.

[38] E. Kant, Réflexions sur le droit, n° 7740, AK, XIX. Cité in S. Goyard-Fabre, La philosophie du droit de Kant, Vrin, 1996, p. 172.

[39] V. en ce sens L. Duguit, op. cit. note 6, p. 20.

[40] Pour une critique de l’état de nature, voir celle formulée par Joseph De Maistre dans son plaidoyer contre la théorie du contrat social (J. De Maistre, Contre Rousseau : De l’état de nature, Fayard/Mille et une nuits, coll. « La Petite Collection », 2008, 96 p.).

[41] E. Burke, Reform of Representation in the house of Commons, 1782, cité in G. H. Sabine, A history of Political Theory, New York, Holt Rinehart and Winston, 1961, p. 565.

[42] Ibid., p. 559.

[43] A.-M. Ramsay, Essai philosophique sur le gouvernement civil, chap IV, cité in R. Derathé, op. cit. note 66, p. 127. Dans cet ordre d’idée se reporter également à Bossuet pour qui « les hommes naissent tous sujet : et l’empire paternel qui les accoutume à obéir, les accoutume en même temps à n’avoir qu’un chef » (J.-B. Bossuet, Politique tirée des propres paroles de l’Écriture Sainte, Dalloz, coll. « Bibliothèque Dalloz », 2003, liv. II, art. I, prop. VII).

[44] V. supra, n° 96.

[45] V. supra, n° 8.

[46] K. Lewin, Psychologie dynamique : Les relations humaines, PUF, 1959.

[47] V. en ce sens G. Burdeau, op. préc., p. 3

[48] Ainsi, Bernard Chantebout, définit-il le pouvoir politique comme « le pouvoir d’organiser la société en fonction des fins qu’on lui suppose » (B. Chantebout, Droit constitutionnel, Dalloz-Sirey, 2009, p. 6).

[49] Pour Jacques Chevallier par exemple, pareil pouvoir existait déjà dans les sociétés primitives, en tant que principe de cohésion du groupe (J. Chevallier, Institutions politiques, L.G.D.J, coll. « Systèmes », 1996, p. 43). V. également Bertrand de Jouvenel qui définit le pouvoir comme « l’activité constructive, consolidatrice et conservatrice d’agrégats humains » (B. de Jouvenel, De la souveraineté. À la recherche du bien politique, éd. Génin, Librairie de Médicis, 1955, p. 33).

[50] G. Burdeau, op. préc., p. 9.

[51] Ibid., p. 5

[52] Pour Georges Burdeau le pouvoir politique est « consubstantiel à l’organisation sociale » (Ibid.) ; V. également, pour approfondir cette question, P. Castres, La Société contre l’État : Recherches d’anthropologie politique, Les Editions de Minuit, coll. « Reprise », 2011, 185 P. ; L. Lévy-Bruhl, L’âme primitive, PUF, 1996, 451 p.

[53] Norbert Rouland affirme en ce sens que, au cours de la période néolithique, « l’examen du matériel funéraire prouve que certains individus disposent d’un pouvoir de décision et d’une autorité très supérieure aux autres » (N. Rouland, Anthropologie juridique, PUF, coll. « Droit fondamental », 1988, p. 126).

[54] Jean Gaudemet montre très clairement que, chez les romains, l’empereur dispose d’un quasi-monopole législatif, tout autant que, chez les francs, l’édiction de la loi est une fonction royale (J. Gaudemet, Les naissances du droit, Le temps, Le pouvoir et la science au service du droit, Montchrestien, coll. « Domat droit public », 2006, p. 91).

[55] J. Chevallier, op. préc., p. 44.

[56]G. De Tours, De l’Histoire des Francs, liv. II, chap. 27, cité in F. De Coulanges, Histoire des institutions politiques de l’ancienne France : La monarchie franque, Hachette et Cie, 1912, p. 66.

[57] En août 843, les trois petits-fils de Charlemagne se partagent, dans le cadre du Traité de Verdun, les territoires l’Empire. Charles le Chauve hérite de la Francie occidentale. Lothaire 1er reçoit la Francie médiane. Enfin, la Francie orientale échoit à Louis le Germanique.

[58] Ainsi Georges Burdeau avance-t-il que, « incarné dans un homme, le pouvoir disparaît avec lui. Jointe au défaut de légitimité, cette absence de continuité créé une situation fâcheuse aussi bien pour les gouvernants, dont l’autorité peut toujours être menacée par des rivaux, que pour les gouvernés, toujours victimes des luttes dont le titre au commandement est l’enjeu » (G. Burdeau, Traité de science politique : l’État, op. cit. note 65, p. 582.

[59] V. en ce sens Fr. Olivier-Martin, Histoire du droit français ; des origines à la révolution, Paris, CNRS éditions, coll. « HC Droit », 2005, n° 147, p. 203.

[60] J.-L. Harouel, J. Barbley, et alii, Histoire des institutions de l’époque franque à la révolution, PUF, coll. « Droit Fondamental », 2006, n° 233, p. 232.

[61] Pour se faire une idée de ce que représentent les lois fondamentales du royaume V. Fr. Olivier-Martin, op. préc., p. 324.

[62] Etymologiquement, le terme « état » vient du latin stare (demeurer), ce qui évoque l’idée de stabilité et de permanence.

[63] Pour J. Russ « quand l’institution se transforme en support, en titulaire du pouvoir, nous saisissons l’acte de naissance de l’État moderne » (J. Russ, Les théories du pouvoir, Paris, Poche, 1994, p. 72).

[64]G. Burdeau, L’État, Seuil, Paris, 1970, p. 15.

[65] Ibid., p. 15. Burdeau ajoute, à ce propos, que « L’état n’est donc pas un phénomène naturel comme le clan, la tribu, ou la nation. Il est construit par l’intelligence humaine à titre d’exploitation et de justification du fait social qu’est le pouvoir politique. Il n’a de réalité que conceptuelle » (G. Burdeau, op. cit. note 65, p. 582).

[66] M. Troper, Pour une théorie juridique de l’État, PUF, coll. « Léviathan », 1994, p. 149.

[67] V. Constantinesco et S. Pierre-Caps, op. cit. note 22, n° 12, p. 11.