RGPD: le principe d’accountability ou l’abandon – partiel – du système des formalités préalables

==> La loi du 6 janvier 1978

Dans sa version initiale, la loi informatique et libertés prévoyait des formalités préalables différentes selon la qualité du responsable du traitement

  • Principe
    • Les traitements automatisés de données à caractère personnel opérés pour le compte de l’Etat, des établissements publics, des collectivités territoriales et des personnes morales de droit privé gérant un service public étaient présumés dangereux et requéraient, à ce titre, un avis de la CNIL, puis un acte réglementaire d’autorisation.
      • Cet avis était réputé favorable au terme d’un délai de deux mois, renouvelable une fois.
      • S’il était défavorable, il ne pouvait être passé outre que par un décret pris sur avis conforme du Conseil d’Etat ou, s’agissant des collectivités territoriales, en vertu d’une décision de l’organe délibérant approuvée par décret pris sur avis conforme du Conseil d’Etat (article 15)
  • Exception
    • Les traitements des autres personnes morales (notamment les sociétés civiles ou commerciales et les associations) étaient soumis à un simple régime de déclaration associé à un engagement de conformité du traitement aux exigences de la loi.

==> La loi du 6 août 2004

Transposant la directive européenne du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, la loi du 6 août 2004 a mis un terme à la distinction fondé sur le critère organique (secteur public / secteur privé) quant à déterminer les formalités à accomplir préalablement à la mise en œuvre d’un traitement.

Désormais, la loi établit une distinction, fondée sur un critère matériel, entre les données, en prévoyant que les formalités peuvent être allégées pour « les catégories les plus courantes de traitements à caractère public ou privé, qui ne comportent manifestement pas d’atteinte à la vie privée ou aux libertés ».

Ainsi, ce qui est pris en considération, c’est le risque que représente le traitement à l’égard du droit des personnes.

Tandis que les traitements de données non sensibles sont soumis à un régime de déclaration, les traitements de données sensibles sont soumis à un régime d’autorisation.

  • Principe : le régime de déclaration
    • Pour les données non sensibles, une simple déclaration de conformité aux normes simplifiées élaborées par la CNIL était exigée.
    • La LIL est allée plus loin en prévoyant qu’une dispense de déclaration pouvait être accordée en cas de désignation, par le responsable du traitement, d’un correspondant chargé d’assurer « d’une manière indépendante», l’application de la loi en matière de données à caractère personnel et garantissant que les traitements ne sont pas « susceptibles de porter atteinte aux droits et libertés des personnes concernées. »
    • La dispense de déclaration ainsi introduite était néanmoins soumise à certaines conditions censées en garantir l’efficacité tout en contrôlant sa portée :
      • Le champ d’application de l’exonération ne s’applique pas dans l’hypothèse où un transfert de données à destination d’un État non membre de l’union européenne est envisagé mais concerne, en revanche, les traitements relevant de la procédure de l’autorisation préalable, ce qui ne semble pas souhaitable compte tenu de leur nature et de leurs risques, supposés ou réels, pour les libertés individuelles.
      • Le correspondant avait pour obligation de « tenir un registre des traitements effectués immédiatement accessibles à toute personne en faisant la demande». L’intérêt de l’introduction de ce correspondant était de limiter les fichiers clandestins puisque la tenue du registre conduirait à « révéler » à l’autorité de contrôle les fichiers auparavant non déclarés ;
      • Le correspondant ne pouvait faire l’objet « d’aucune sanction de la part de l’employeur du fait de l’accomplissement de ses missions», bien qu’il ne s’agisse pas juridiquement d’un salarié « protégé » au sens du droit du travail
      • Le correspondant pouvait saisir la CNIL des difficultés qu’il rencontrait dans l’exercice de sa mission, celle-ci devant se voir notifier toute désignation d’un correspondant
      • En cas de manquement à ses devoirs, le correspondant pouvait être révoqué « sur demande ou après consultation» de la CNIL.
  • Exception : le régime d’autorisation
    • Lorsque le traitement concernait des données à caractère personnel pouvant être qualités de sensibles, celui-ci était soumis à un régime d’autorisation :
      • La mise en œuvre de traitements d’informations relatives aux origines raciales, opinions politiques, philosophiques ou religieuses, appartenances syndicales ou mœurs était subordonnée au consentement exprès de l’intéressé ou à l’existence d’un motif d’intérêt public sur proposition ou avis conforme de la CNIL après décret en Conseil d’Etat ;
      • L’utilisation à des fins de traitement nominatif du numéro de sécurité sociale était soumise à autorisation par décret en Conseil d’Etat, après avis de la CNIL
      • Les informations sur les condamnations pénales ne pouvaient être utilisées que par des juridictions et autorités publiques agissant dans le cadre de leurs attributions légales ou par des personnes morales gérant un service public sur avis conforme de la CNIL (article 30) ;
      • Les données médicales, bien que ne constituant pas des données sensibles interdites, étaient soumises à des régimes particuliers.

==> La loi du 20 juin 2018

Transposant le Règlement général sur a protection des données (RGPD), la loi du 20 juin 2018 simplifie, en les supprimant la plupart du temps, les formalités préalables imposées par la loi de 1978, qu’il s’agisse des obligations de déclaration ou d’autorisation.

Ces formalités sont remplacées par l’obligation, pour le responsable du traitement, d’effectuer préalablement une analyse d’impact en cas de risque élevé pour les droits et libertés de la personne concernée et, le cas échéant, de consulter la CNIL.

Toutefois, comme l’autorise le règlement, la loi maintient des formalités préalables pour certains traitements.

Pour les données les plus sensibles, leur traitement est purement et simplement interdit par la loi informatique et libertés

Au bilan, trois sortes de régimes juridiques sont applicables aux traitements de données à caractère personnel :

  • Un régime de responsabilité
  • Un régime d’autorisation
  • Un régime de d’interdiction

==> Le principe d’accountability

L’apport majeur du RGPD est d’avoir renforcé les droits des personnes concernées par un traitement de données à caractère personnel au moyen d’un bouleversement des principes s’imposant aux acteurs.

Ainsi, a-t-on assisté au passage d’une logique de formalités préalables (déclarations et autorisations) à une logique de conformité et de responsabilité.

Le changement de paradigme ainsi opéré combiné à l’appel à des outils de droit souple tels que les référentiels, les codes de bonne conduite et les packs de conformité, est un gage d’allègement des démarches administratives et de réduction des délais de mise en œuvre pour les entreprises.

Cet allègement des formalités introduit par le RGPD a pour contrepartie l’établissement de nouvelles obligations pesant sur les responsables de traitements et sous-traitants telles que :

  • La mise en œuvre d’outils de protection des données personnelles dès la conception du traitement ou par défaut (article 25)
  • L’obligation de tenir une documentation, en particulier au travers d’un registre des activités de traitement (article 30)
  • La notification des violations de données personnelles à l’autorité de protection et, dans certains cas, à la personne concernée (articles 33 et 34)
  • La désignation d’un délégué à la protection des données (article 37)
  • L’adhésion à des codes de bonne conduite (articles 40 et 41)
  • La participation à des mécanismes de certification (articles 42 et 43)

Ainsi le RGPD se fonde-t-il sur une logique de responsabilisation des acteurs qui mettent en œuvre des traitements de données à caractère personnel en introduisant le principe d’accountability.

Bien qu’il soit difficile de définir avec précision le sens de ce principe dans la pratique, on peut toutefois avancer qu’il met l’accent, en substance, sur la manière dont la responsabilité (responsability) est assumée et sur la manière de le vérifier.

En anglais, les termes « responsibility » et « accountability » sont comme l’avers et le revers d’une médaille et sont tous deux des éléments essentiels de la bonne gouvernance.

On ne peut inspirer une confiance suffisante que s’il est démontré que la responsabilité (responsability) est efficacement assumée dans la pratique.

Au fond, le principe d’« accountability » s’articule autour de deux axes :

  • D’une part, la nécessité pour le responsable du traitement des données de prendre des mesures appropriées et efficaces pour mettre en œuvre les principes de protection des données
  • D’autre part, la nécessité pour le responsable du traitement de démontrer, sur demande, que des mesures appropriées et efficaces ont été prises.

Pour atteindre ces deux objectifs, il appartient au responsable du traitement de se doter d’une politique de gestion de la conformité, ce qui doit se traduire par la mise en œuvre de procédures internes visant à mettre en application les principes de la protection des données.

Dans cette perspective, les mesures prises par le responsable du traitement doivent être adaptées aux circonstances. En somme, les mesures spécifiques à appliquer doivent être arrêtées selon les faits et circonstances de chaque cas particulier, compte tenu, en particulier, du risque associé au traitement et aux types de données.

L’adéquation des mesures doit donc être établie au cas par cas et plus précisément selon le niveau de risque : plus le traitement de données est sensible et plus les mesures prises pour assurer la protection des personnes concernées devront être renforcées.

Afin d’orienter le responsable du traitement dans cette voie et de lui permettre de définir et mettre en œuvre les mesures requises pour garantir la conformité de ses opérations avec les principes et obligations du RGPD et en fassent vérifier l’efficacité de manière périodique, le législateur a mis à sa charge un certain nombre d’obligations qu’il convient d’examiner.

RGPD: les exceptions au principe du consentement

Si le consentement joue un rôle important dans la mise en œuvre d’un traitement de données à caractère personnel, cela n’exclut pas la possibilité que, compte tenu du contexte, d’autres fondements juridiques puissent être jugés plus appropriés par le responsable du traitement ou la personne concernée.

Le RGPD et la LIL prévoient 5 autres fondements juridiques sur la base desquels un traitement de données à caractère personnel peut être mise en œuvre.

Au nombre de ces fondements juridiques figurent :

  • Le respect d’une obligation légale incombant au responsable du traitement ;
  • La sauvegarde de la vie de la personne concernée ;
  • L’exécution d’une mission de service public dont est investi le responsable ou le destinataire du traitement ;
  • L’exécution, soit d’un contrat auquel la personne concernée est partie, soit de mesures précontractuelles prises à la demande de celle-ci ;
  • La réalisation de l’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement ou par le destinataire, sous réserve de ne pas méconnaître l’intérêt ou les droits et libertés fondamentaux de la personne concernée.

Une distinction peut ainsi être établie entre le cas où le traitement des données à caractère personnel se fonde sur le consentement indubitable de la personne concernée et les cinq autres cas.

En résumé, ces derniers décrivent des scénarios où le traitement peut se révéler nécessaire dans un contexte spécifique, comme l’exécution d’un contrat conclu avec la personne concernée, le respect d’une obligation légale imposée au responsable du traitement, etc.

Dans l’hypothèse où le consentement de la personne est requis, ce sont les personnes concernées elles-mêmes qui autorisent le traitement de leurs données à caractère personnel.

Il leur appartient de décider si elles permettent que leurs données soient traitées. Le consentement n’élimine pas pour autant la nécessité de respecter les principes énoncés par la LIL.

De plus, le consentement doit encore remplir certaines conditions essentielles pour être légitime. Dès lors que le traitement des données de l’utilisateur est, en définitive, laissé à sa discrétion, tout dépend de la validité et de la portée du consentement de la personne concernée.

Autrement dit, le premier motif, mentionné à l’article 6 a) du RGPD (le consentement) a trait à l’autodétermination de la personne concernée comme fondement de la légitimité.

Tous les autres motifs, en revanche, autorisent le traitement – moyennant des garanties et des mesures définies – dans des situations où, indépendamment du consentement, il est approprié et nécessaire de traiter les données dans un certain contexte pour servir un intérêt légitime spécifique.

En toute hypothèse, c’est au responsable du traitement des données qu’il revient initialement d’apprécier si les critères énoncés à l’article 7, points a) à f), sont remplis, sous réserve du respect du droit applicable et des orientations relatives à la façon dont ce droit doit être appliqué.

Ensuite, la légitimité du traitement peut faire l’objet d’une autre évaluation, et éventuellement être contestée, par les personnes concernées, par d’autres parties prenantes, par les autorités chargées de la protection des données, et en définitive la question peut être tranchée par les tribunaux.

I) Le respect d’une obligation légale

Ce fondement juridique renvoie à l’hypothèse où le traitement de données à caractère personnel est imposé au responsable du traitement par une obligation légale.

Il pourrait, par exemple, s’agir d’un texte qui impose aux employeurs de communiquer des données relatives aux rémunérations de leurs salariés à la sécurité sociale ou à l’administration fiscale, ou lorsque les institutions financières sont tenues de signaler certaines opérations suspectes aux autorités compétentes en vertu de règles visant à lutter contre le blanchiment d’argent. I

Pour que ce fondement juridique, puisse s’appliquer, l’obligation à laquelle est soumis le responsable du traitement doit satisfaire à un certain nombre de conditions :

  • Une obligation légale ou réglementaire
    • L’obligation sur le fondement de laquelle le traitement est mis en œuvre, doit être imposée par la loi ou par un texte réglementaire et non, par exemple, par une cause contractuelle.
    • A cet égard, le texte légal doit remplir toutes les conditions requises pour rendre l’obligation valable et contraignante, et doit aussi être conforme au droit applicable en matière de protection des données, notamment aux principes de nécessité, de proportionnalité et de limitation de la finalité.
  • Une obligation édictée par l’Union européenne ou un État membre
    • Il importe de souligner que l’obligation légale dont se prévaut le responsable du traitement doit se rapporter aux lois de l’Union européenne ou d’un État membre.
    • Les obligations imposées par les lois de pays tiers (comme, par exemple, l’obligation de mettre en place des mécanismes de dénonciation des dysfonctionnements, instaurée en 2002 par la loi Sarbanes-Oxley aux États-Unis) ne relèvent pas de ce motif.
  • Une obligation à laquelle le responsable du traitement ne peut pas déroger
    • Le responsable du traitement ne doit pas avoir le choix de se conformer ou non à l’obligation.
    • Les engagements volontaires unilatéraux et les partenariats public-privé qui supposent le traitement de données au-delà de ce qui est requis par la loi n’entrent donc pas dans le champ d’application de l’article 7, point 1° de la LIL.
    • Par exemple, si un fournisseur de services internet décide – sans y être contraint par une obligation légale claire et précise – de surveiller ses utilisateurs afin de lutter contre le téléchargement illégal, l’article 7, 1°, ne pourra pas être invoqué comme fondement juridique approprié à cet effet.
  • Une obligation suffisamment claire et précise
    • L’obligation légale elle-même doit être suffisamment claire à propos du traitement de données à caractère personnel qu’elle requiert.
    • En conséquence, l’article 7, point 1°, s’applique sur la base de dispositions juridiques mentionnant explicitement la nature et l’objet du traitement.
    • Le responsable du traitement ne doit pas avoir de marge d’appréciation injustifiée quant à la façon de se conformer à l’obligation légale.

II) La sauvegarde de la vie de la personne concernée

Pour que ce fondement juridique puisse servir de base à un traitement de données à caractère personnel, il est nécessaire que le responsable du traitement justifie de la nécessité de protéger un intérêt essentiel à la vie de la personne concernée ou à celle d’une autre personne physique.

Le traitement de données à caractère personnel fondé sur l’intérêt vital d’une autre personne physique ne devrait en principe avoir lieu que lorsque le traitement ne peut manifestement pas être fondé sur une autre base juridique.

Selon le Groupe de l’article 29, l’expression « intérêt vital » semble limiter l’application de ce motif à des questions de vie ou de mort, ou, à tout le moins, à des menaces qui comportent un risque de blessure ou une autre atteinte à la santé de la personne concernée.

A cet égard, le considérant 31 de la Directive du 24 octobre 1995 confirme que l’objectif de ce fondement juridique est de « protéger un intérêt essentiel à la vie de la personne concernée ».

Ni la directive, ni le RGPD ne précise, néanmoins, si la menace doit être immédiate. Ce silence, n’est pas sans soulever des questions quant à la portée de la collecte de données, par exemple, à titre de mesure préventive ou à grande échelle, comme la collecte des données relatives aux passagers transportés par une compagnie aérienne en cas de risque d’épidémie ou d’incident de sûreté.

Le groupe de l’article 29 considère qu’il convient de donner une interprétation restrictive à cette disposition. Bien que l’article 7, 2° de la LIL, ne limite pas expressément l’utilisation de ce motif à des situations où le consentement ne peut servir de fondement juridique, il est raisonnable de supposer que, lorsqu’il est possible et nécessaire de demander un consentement valable, il y a effectivement lieu d’obtenir ce consentement chaque fois que les conditions le permettent.

Cette disposition voit ainsi son application limitée à une analyse au cas par cas et elle ne peut normalement servir à légitimer, ni la collecte massive de données à caractère personnel, ni leur traitement.

III) L’exécution d’une mission de service public

Lorsqu’une personne exécute une mission de service public, l’article 7, 3° de l’autorise à mettre en œuvre un traitement de données à caractère personnel, sans qu’il soit besoin qu’elle recueille, au préalable, le consentement de la personne concernée.

Encore faut-il que la mission confiée au responsable du traitement porte bien sur une mission de service public, ce qui implique qu’elle relève de l’exercice d’une autorité publique conférée en vertu d’un texte légal ou réglementaire.

Ce fondement juridique couvre deux situations :

  • Première situation
    • Il concerne des situations où le responsable du traitement est lui-même investi d’une autorité publique ou d’une mission d’intérêt public (sans nécessairement être lui aussi soumis à une obligation légale de traiter des données) et où le traitement est nécessaire à l’exercice de cette autorité ou de cette mission.
    • Par exemple, une administration fiscale peut collecter et traiter la déclaration de revenus d’une personne afin d’établir et de vérifier le montant de l’impôt à payer.
  • Seconde situation
    • Ce fondement juridique couvre aussi des situations où le responsable du traitement n’est pas investi d’une autorité publique, mais est invité à communiquer des données à un tiers investi d’une telle autorité.
    • Par exemple, un agent d’un service public compétent pour enquêter sur un crime peut demander au responsable du traitement sa coopération dans le cadre d’une enquête en cours, plutôt que de lui ordonner de se soumettre à une demande de coopération spécifique.

En toute hypothèse, pour être licite, il faut que le traitement soit « nécessaire à l’exécution d’une mission de service public », ou encore que le responsable du traitement ou le tiers auquel il communique les données soit investi d’une autorité publique et que le traitement des données soit nécessaire à l’exercice de cette autorité.

Si, toutefois, le traitement suppose une ingérence dans la vie privée ou si le droit national l’exige par ailleurs afin de garantir la protection des personnes concernées, la base juridique encadrant le genre de traitement de données qui peut être autorisé devra être suffisamment précise et spécifique.

L’article 7, 3°, a potentiellement un champ d’application très large, ce qui plaide en faveur d’une interprétation stricte et d’une définition précise, au cas par cas, de l’intérêt public en jeu et de l’autorité publique justifiant le traitement.

IV) L’exécution, d’un contrat ou de mesures précontractuelles

L’article 7, 4° prévoit que le consentement de la personne concernée n’est pas requis lorsque le traitement de données à caractère personnel procède de l’exécution :

  • Soit d’un contrat auquel la personne concernée est partie
  • Soit de mesures précontractuelles prises à la demande de celle-ci

==> Sur l’exécution d’un contrat

Le fondement juridique de l’article 7, 4° vise d’abord les situations dans lesquelles le traitement est nécessaire à l’exécution d’un contrat auquel la personne concernée est partie.

Pour exemple :

  • Il couvre, par exemple, la collecte de données à caractère personnel dans le cadre des formulaires bancaires que doit remplir la personne demandant l’ouverture d’un compte.
  • Il peut encore s’agir du traitement de son adresse pour que des produits achetés en ligne puissent être livrés, ou du traitement des informations figurant sur une carte de crédit afin d’effectuer une transaction.
  • Dans le contexte des relations de travail, ce motif peut autoriser, par exemple, le traitement des informations relatives aux salaires et des coordonnées de comptes bancaires pour que les salariés puissent être payés.

Comme le relève le Groupe de l’article 29, ce fondement juridique doit être interprétée de façon restrictive et ne couvre pas les situations dans lesquelles le traitement n’est pas véritablement nécessaire à l’exécution d’un contrat, mais plutôt imposé unilatéralement à la personne concernée par le responsable du traitement.

Le fait qu’un certain traitement de données soit couvert par un contrat ne signifie pas non plus automatiquement que le traitement soit nécessaire à son exécution.

Par exemple, l’article 7, 4° de la LIL ne peut pas servir de fondement juridique pour établir un profil des goûts et du mode de vie de l’utilisateur à partir de son historique de navigation sur un site internet et des articles achetés.

En effet, le responsable du traitement des données n’a pas été chargé, dans le contrat, d’établir un profil mais de fournir des produits et des services, par exemple.

Même si ces activités de traitement sont expressément mentionnées en petits caractères dans le contrat, elles n’en deviennent pas pour autant « nécessaires » à l’exécution de ce dernier.

Il existe donc ici un lien évident entre l’appréciation de la nécessité et le respect du principe de limitation de la finalité.

Il importe de déterminer la raison d’être exacte du contrat, c’est-à-dire sa substance et son objectif fondamental, car c’est ce qui permettra de vérifier si le traitement des données est nécessaire à l’exécution du contrat.

==> Sur l’exécution de mesures précontractuelles

Le recueil du consentement préalable de la personne concernée n’est pas non plus requis en cas d’exécution de mesures précontractuelles, soit celles prises avant la conclusion du contrat.

Il peut donc s’appliquer aux relations précontractuelles, pour autant que les démarches soient accomplies à la demande de la personne concernée, plutôt qu’à l’initiative du responsable du traitement ou d’un tiers.

Par exemple, si une personne demande à un détaillant de lui faire une offre de prix pour un produit, le traitement de données effectué à cette fin, tel que la conservation, pour une durée limitée, de l’adresse et des informations à propos de ce qui est demandé, pourra s’appuyer sur ce fondement juridique.

De même, si quelqu’un demande un devis à un assureur pour sa voiture, l’assureur est en droit de traiter les données nécessaires, par exemple, la marque et l’âge de la voiture, ainsi que d’autres données pertinentes et proportionnées, afin d’établir le devis.

En revanche, des vérifications détaillées comme, par exemple, le traitement de données d’examens médicaux par une compagnie d’assurances avant de proposer une assurance maladie ou une assurance vie ne seraient pas considérées comme une étape nécessaire accomplie à la demande de la personne concernée.

Le traitement à des fins de prospection commerciale sur l’initiative du responsable du traitement ne pourra pas non plus s’appuyer sur ce motif.

V) La réalisation d’un intérêt légitime

Dernier fondement juridique susceptible de servir de base à la mise en œuvre d’un traitement de données à caractère personnel : la réalisation de l’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement ou par le destinataire, sous réserve de ne pas méconnaître l’intérêt ou les droits et libertés fondamentaux de la personne concernée.

Ce fondement juridique, d’une portée exceptionnellement générale, est issue de la directive du 24 octobre 1995.

Cette directive ne donnait toutefois aucun critère. Son considérant 30 se bornait à donner des exemples pouvant fonder la licéité de traitements :

  • Les activités de gestion courante des entreprises et autres organismes
  • La prospection commerciale
  • La prospection par une association à but caritatif ou par d’autres associations ou fondations, par exemple à caractère politique

La directive précisait que les traitements devaient, en tout état de cause, être mis en œuvre dans le respect des dispositions visant à permettre aux personnes concernées de s’opposer sans devoir indiquer leurs motifs et sans frais au traitement de données les concernant.

Sans préciser ce que l’on doit entendre par la notion d’« intérêt légitime », le RGPD énonce, dans son considérant 47 que « les intérêts légitimes d’un responsable du traitement, y compris ceux d’un responsable du traitement à qui les données à caractère personnel peuvent être communiquées, ou d’un tiers peuvent constituer une base juridique pour le traitement, à moins que les intérêts ou les libertés et droits fondamentaux de la personne concernée ne prévalent, compte tenu des attentes raisonnables des personnes concernées fondées sur leur relation avec le responsable du traitement ».

Le texte ajoute que l’existence d’un intérêt légitime devrait faire l’objet d’une évaluation attentive, notamment afin de déterminer si une personne concernée peut raisonnablement s’attendre, au moment et dans le cadre de la collecte des données à caractère personnel, à ce que celles-ci fassent l’objet d’un traitement à une fin donnée.

Les intérêts et droits fondamentaux de la personne concernée pourraient, en particulier, prévaloir sur l’intérêt du responsable du traitement lorsque des données à caractère personnel sont traitées dans des circonstances où les personnes concernées ne s’attendent raisonnablement pas à un traitement ultérieur.

Bien que le RGPD apporte des précisions sur le fondement de l’intérêt légitime, il ne définit pas la notion, de sorte qu’il y a lieu de se reporter à l’avis émis par le Groupe de l’article 29 en date du 9 avril 2014.

Selon ce Groupe, pour déterminer si un traitement de données à caractère personnel peut être mise en œuvre sur le fondement de l’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement, il convient de procéder par étape

A) Première étape

Elle consiste à déterminer si l’intérêt poursuivi par le responsable du traitement est légitime.

Il convient, tout d’abord, de noter que la notion d’intérêt légitime doit être distinguée de la notion de finalité.

  • La finalité est la raison spécifique pour laquelle les données sont traitées : le but de leur traitement
  • L’intérêt, quant à lui, est l’enjeu plus large poursuivi par le responsable du traitement, ou le bénéfice qu’il tire – ou que la société pourrait tirer – du traitement.

La question qui alors se pose est de savoir ce qui rend un intérêt légitime ou illégitime. Il s’agit, autrement dit, de déterminer le seuil de ce qui constitue un intérêt légitime.

Pour le Groupe de l’article 29, un intérêt peut être considéré comme légitime dès lors que le responsable du traitement est en mesure de poursuivre cet intérêt dans le respect de la législation sur la protection des données et d’autres législations.

Autrement dit, un intérêt légitime doit être « acceptable au regard du droit ».

Aussi, un « intérêt légitime » doit donc :

  • Être licite (c’est-à-dire conforme au droit en vigueur dans l’Union et dans le pays concerné)
  • Être formulé en termes suffisamment clairs pour permettre l’application du critère de mise en balance avec l’intérêt et les droits fondamentaux de la personne concernée (c’est-à-dire suffisamment précis)
  • Constituer un intérêt réel et présent (c’est-à-dire non hypothétique)

Le fait que le responsable du traitement poursuive un tel intérêt légitime en traitant certaines données ne signifie pas qu’il puisse nécessairement invoquer l’article 7, 5°, comme fondement juridique justifiant le traitement.

La légitimité de l’intérêt poursuivi n’est qu’un point de départ. La possibilité d’invoquer ce fondement juridique dépend du résultat de la mise en balance entre l’intérêt du responsable du traitement avec l’intérêt ou les droits et libertés fondamentaux de la personne concernée.

À titre d’illustration : des responsables du traitement peuvent avoir un intérêt légitime à connaître les préférences de leurs clients pour être en mesure de mieux personnaliser leurs offres et, en fin de compte, de proposer des produits et des services qui correspondent mieux aux besoins et aux désirs des clients.

Dans cette perspective, l’article 7, 5°, peut constituer un fondement juridique approprié pour certains types d’activités de prospection, en ligne ou hors ligne, pour autant qu’il existe des garanties appropriées, incluant, entre autres, un mécanisme fonctionnel permettant de s’opposer à ce traitement

Cela ne signifie pas pour autant que les responsables du traitement pourraient invoquer l’article 7, 5°, pour surveiller indûment les activités en ligne ou hors ligne de leurs clients, pour compiler d’importants volumes de données à leur propos en provenance de différentes sources, collectées à l’origine dans d’autres contextes et à des fins différentes, et pour créer des profils complexes concernant la personnalité et les préférences des clients, sans les en informer, ni mettre à leur disposition un mécanisme fonctionnel permettant d’exprimer leur opposition, pour ne rien dire de leur consentement éclairé.

Une telle activité de profilage risque de constituer une violation grave de la vie privée du client et, dans ce cas, l’intérêt et les droits de la personne concernée prévaudraient sur l’intérêt poursuivi par le responsable du traitement.

B) Deuxième étape

Il s’agit ici de déterminer si le traitement de données à caractère personnel que le responsable envisage de mettre en œuvre est nécessaire à la réalisation de l’intérêt poursuivi.

Cette exigence a notamment été rappelée par la CJUE dans un arrêt du 13 mai 2014 aux termes duquel elle a considéré que l’article 7 de la directive du 24 octobre 1995 (devenu l’article 6 du RGPD), « permet le traitement de données à caractère personnel lorsqu’il est nécessaire à la réalisation de l’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement ou par le ou les tiers auxquels les données sont communiquées, à condition que ne prévalent pas l’intérêt ou les libertés et les droits fondamentaux de la personne concernée, notamment son droit au respect de sa vie privée à l’égard du traitement des données à caractère personnel » (CJUE, 13 mai 2014, aff. C-131/12).

Lorsque, dès lors, le traitement n’est pas absolument nécessaire à la poursuite de l’intérêt légitime du responsable, le fondement de l’article 6 du RGPD n’est pas applicable.

C) Troisième étape

A supposer que le traitement de données à caractère personnel soit nécessaire à la réalisation de l’intérêt légitime du responsable, encore faut-il, pour être licite, que cet intérêt ne porte pas atteinte à l’intérêt et aux droits et libertés fondamentaux de la personne concernée. Aussi, cela implique-t-il d’opérer une mise en balance.

A cet égard, comme le souligne le Groupe de l’article 29, il importe de relever qu’à la différence de l’«intérêt» du responsable du traitement, l’«intérêt» des personnes concernées n’est pas suivi ici de l’adjectif «légitime».

Cela suppose que la protection de l’intérêt et des droits des individus a une portée plus vaste. Même les personnes qui se livrent à des activités illégales ne devraient pas faire l’objet d’une ingérence disproportionnée dans l’exercice de leurs droits et de leurs intérêts.

Par exemple, un individu qui peut avoir commis un vol dans un supermarché pourrait encore voir son intérêt prévaloir contre la publication par le propriétaire du magasin de sa photo et de son adresse privée sur les murs du supermarché ou et/ou sur l’internet.

En toute hypothèse, il apparaît que l’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement et les incidences sur l’intérêt et les droits de la personne concernée se présentent sous la forme d’un spectre.

L’intérêt légitime peut être, selon les cas, minime, relativement important ou impérieux.

De même, les incidences sur l’intérêt et les droits des personnes concernées peuvent présenter plus ou moins de gravité et peuvent être anodines ou très préoccupantes.

  • L’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement, quand il est peu important, ne prévaudra généralement sur l’intérêt et les droits des personnes concernées que dans les cas où les incidences sont encore plus insignifiantes.
  • D’un autre côté, un intérêt légitime impérieux peut justifier, dans certains cas et sous réserve de garanties et de mesures adéquates, une ingérence même grave dans la vie privée ou d’autres conséquences importantes pour l’intérêt ou les droits des personnes concernées.

Il importe ici de souligner le rôle essentiel que les garanties peuvent jouer pour réduire les incidences injustifiées sur les personnes concernées et, partant, modifier l’équilibre des droits et des intérêts, au point que ceux de ces personnes ne prévalent plus sur l’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement des données.

Le recours à des garanties ne suffit bien sûr pas à justifier, à lui seul, n’importe quel traitement dans toutes les situations envisageables.

Il faut en outre que les garanties en question soient adéquates et suffisantes, et qu’elles réduisent indubitablement et sensiblement les incidences sur les personnes concernées.

La mise en balance des intérêts en présence suppose de confronter les deux plateaux de la balance :

==> Sur le premier plateau de la balance

S’agissant du premier plateau de la balance, il convient d’apprécier l’intérêt légitime du responsable du traitement.

S’il est impossible de porter des jugements de valeur à l’égard de toutes les formes d’intérêt légitime envisageables, il est possible de formuler certaines orientations.

Comme indiqué précédemment, cet intérêt peut être insignifiant ou impérieux, manifeste ou plus controversé.

Pour apprécier la teneur de cet intérêt, plusieurs facteurs doivent être pris en compte :

  • L’exercice d’un droit fondamental par le responsable du traitement
    • Pour que l’intérêt légitime du responsable du traitement prévale, le traitement des données doit être « nécessaire » et « proportionné » à l’exercice du droit fondamental concerné.
    • À titre d’illustration, selon les circonstances, il peut s’avérer nécessaire et proportionné qu’un journal publie certains éléments incriminants à propos du train de vie d’un haut fonctionnaire impliqué dans un scandale de corruption présumé.
    • Il n’est pas question, néanmoins, de donner aux médias toute latitude de publier sans motif valable n’importe quel détail sur la vie privée des personnalités publiques.
  • Intérêt public/intérêt de la collectivité
    • Dans certains cas, le responsable du traitement peut choisir d’invoquer l’intérêt public ou l’intérêt de la collectivité (que ce soit prévu ou non par les lois ou les réglementations nationales).
    • Par exemple, des données à caractère personnel peuvent être traitées par une association caritative aux fins de la recherche médicale, ou par une organisation sans but lucratif dans le cadre d’une action de mobilisation contre la corruption.
    • Il peut aussi arriver que l’intérêt commercial d’une société privée coïncide dans une certaine mesure avec un intérêt public.
    • Cela peut être le cas, par exemple, pour lutter contre la fraude financière ou l’utilisation abusive de services
    • En général, le fait qu’un responsable du traitement agisse non seulement dans son propre intérêt légitime (commercial, par exemple), mais aussi dans l’intérêt de la collectivité, peut donner plus de « poids » à cet intérêt.
  • Autres intérêts légitimes
    • Dans certains cas, le contexte dans lequel un intérêt légitime apparaît peut se rapprocher de ceux où certains autres fondements juridiques peuvent être retenus
    • Par exemple, il se peut qu’une activité de traitement des données ne soit pas strictement nécessaire, mais qu’elle reste néanmoins pertinente pour l’exécution d’un contrat, comme il est possible qu’une loi autorise, le traitement de certaines données, sans pour autant l’exiger.

==> Le second plateau de la balance

L’autre plateau de la balance, à savoir l’incidence du traitement sur l’intérêt ou les droits et libertés fondamentaux de la personne concernée, constitue un critère crucial.

Pour apprécier l’incidence du traitement, il convient de prendre en considération les conséquences aussi bien positives que négatives.

Il peut s’agir notamment de décisions ou de mesures éventuelles qui seront prises ultérieurement par des tiers et de situations où le traitement peut aboutir à l’exclusion de certaines personnes, à une discrimination à leur encontre, à de la diffamation ou, plus généralement, de situations qui comportent un risque de nuire à la réputation, au pouvoir de négociation ou à l’autonomie de la personne concernée.

En plus des conséquences négatives qui peuvent être spécifiquement prévues, il faut aussi tenir compte des répercussions morales, comme l’irritation, la crainte et le désarroi qui peuvent résulter de la perte du contrôle exercé par la personne concernée sur ses informations à caractère personnel, ou de la découverte d’une utilisation abusive ou d’une compromission effective ou potentielle de ces informations – du fait, par exemple, de leur divulgation sur l’internet.

L’effet dissuasif sur un comportement protégé, comme la liberté de recherche ou la liberté d’expression, qui peut résulter d’une surveillance constante ou d’un traçage, doit aussi être dûment pris en considération.

Afin d’évaluer l’incidence du traitement de données à caractère personnel sur la personnel concernée, le Groupe de l’article 29 préconise de prendre en compte un certain nombre de facteurs :

  • La nature des données
    • En général, plus les informations sont sensibles, plus les conséquences qu’elles peuvent avoir pour la personne concernée sont importantes.
    • Cela ne veut pas dire, cependant, qu’il est permis de traiter librement des données qui, en elles-mêmes, peuvent paraître anodines.
    • En effet, selon la façon dont elles sont traitées, même ces données peuvent avoir une incidence importante sur les individus
  • La façon dont les données sont traitées
    • L’analyse d’impact au sens large peut consister notamment à examiner si les données ont été publiées ou rendues accessibles par quelque autre moyen à un grand nombre de personnes, ou si des volumes considérables de données à caractère personnel sont traités ou combinés avec d’autres données (par exemple, en cas d’établissement de profils, à des fins commerciales, judiciaires, ou autres).
    • Le traitement à grande échelle de données apparemment anodines et leur combinaison avec d’autres données peuvent parfois permettre des inférences à propos de données plus sensibles.
  • Les attentes raisonnables de la personne concernée
    • Les attentes raisonnables de la personne concernée quant à l’utilisation et à la divulgation des données doivent être prises en compte dans la mise en balance.
    • A cet égard, il est important d’examiner si le statut du responsable du traitement des données, la nature de la relation ou du service fourni ou les obligations légales ou contractuelles applicables (ou d’autres engagements pris lors de la collecte) pourraient susciter des attentes raisonnables de confidentialité plus stricte et de limitations plus strictes en cas d’utilisation ultérieure.
  • Le statut du responsable du traitement des données et de la personne concernée
    • Le statut de la personne concernée et du responsable du traitement des données est aussi pertinent pour apprécier l’incidence du traitement.
    • Selon que le responsable du traitement des données est un individu ou une petite organisation, une grande multinationale, ou un organisme du secteur public et en fonction des circonstances, le rapport de force avec la personne concernée peut être plus ou moins grand.
    • Une grande multinationale dispose, par exemple, de ressources et d’un pouvoir de négociation considérables vis-à-vis d’une personne concernée, à titre individuel, et elle peut par conséquent être à même d’imposer ce qu’elle considère comme son « intérêt légitime » à la personne concernée, surtout si l’entreprise occupe une position dominante sur le marché.
    • D’un autre côté, le statut de la personne concernée a aussi son importance. Si, en principe, il y a lieu d’appliquer le critère de mise en balance par rapport à un individu moyen, certaines situations spécifiques appellent plutôt une approche au cas par cas : par exemple, il serait pertinent de prendre en considération le fait que la personne concernée est un enfant ou appartient à une catégorie de population plus vulnérable qui requiert une protection spéciale, comme, par exemple, les malades mentaux, les demandeurs d’asile ou les personnes âgées.

D) Quatrième étape

Afin de déterminer si le traitement de données à caractère personne peut être mis en œuvre sur le fondement juridique de l’intérêt légitime du responsable du traitement, c’est l’appréciation générale de la mise en balance qui déterminera si le résultat est acceptable ou non.

Plus l’incidence sur la personne concernée est significative, plus faudra prêter attention aux garanties qu’il convient de mettre en place.

Après une analyse et un examen attentif de tous les aspects du problème, un bilan provisoire peut être établi : une conclusion préliminaire peut être tirée afin de déterminer si l’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement prévaut sur les droits et les intérêts des personnes concernées.

Il peut cependant y avoir des cas où le résultat de la mise en balance n’est pas clair et où il subsiste un doute quant à la question de savoir si l’intérêt légitime du responsable du traitement (ou du tiers) prévaut et si le traitement peut se fonder sur l’article 7, 5°.

C’est pourquoi il importe de procéder à une évaluation complémentaire dans le cadre de l’exercice de mise en balance.

À ce stade, le responsable du traitement peut envisager d’introduire d’autres mesures, qui vont au-delà du respect des dispositions horizontales de la directive, afin de contribuer à protéger les personnes concernées.

Les garanties supplémentaires destinées à prévenir toute incidence indue sur les personnes concernées peuvent notamment inclure :

  • La minimisation des données (par exemple, une limitation stricte du volume de données collectées, ou la suppression immédiate des données après utilisation)
  • Des mesures techniques et organisationnelles garantissant les données ne peuvent servir à la prise de décisions ou d’autres mesures à l’endroit des individus («séparation fonctionnelle»)
  • Un large recours aux techniques d’anonymisation, l’agrégation des données, les technologies renforçant la protection de la vie privée, la prise en compte du respect de la vie privée dès la conception, les analyses d’impact relatives à la vie privée et à la protection des données
  • Une transparence accrue, un droit général et inconditionnel de refuser le traitement, la portabilité des données et autres mesures connexes visant à renforcer le pouvoir des personnes concernées.

Lorsque les garanties prises par le responsable du traitement sont insuffisantes, la CNIL n’hésite pas à prononcer des sanctions à son encontre.

Tel avait été le cas dans le cadre d’une délibération rendue 19 juillet 2012 (CNIL, délib. n°2012-214 du 19 juillet 2012)

  • Les faits
    • Il s’agissait d’une société (la FNAC) qui avait pour activité la vente à distance sur catalogue.
    • Elle exploitait, plus précisément, un site de e-commerce
    • Lors du contrôle diligenté par la CNIL dans les locaux de cette société, il a été établi que dans les bases de la société figuraient notamment les données sur les produits commandés ainsi que sur les transactions commerciales effectuées, une table de cette base étant par ailleurs réservée aux coordonnées bancaires des clients.
    • Dans cette table apparaissaient les noms des porteurs des cartes bancaires, leurs numéros et leurs dates d’expiration, qui correspondent à environ 10 millions de cartes bancaires en cours de validité ainsi qu’à un grand nombre de cartes bancaires dont la date de validité est expirée.
    • La finalité de la conservation de ces données, qui permet aux clients de la société de ne pas avoir à les ressaisir lors d’une prochaine commande, consistait donc à leur offrir une prestation de portefeuille électronique.
  • Moyens de défense de la FNAC
    • Pour justifier cette pratique, la FNAC soutenait que la conservation de ces coordonnées bancaires dans ses bases était conforme aux conditions posées par les articles 7-4° et 7-5° de la loi du 6 janvier 1978 modifiée, qui prévoient qu’il n’est pas nécessaire de recueillir le consentement des personnes quand le traitement est lié
      • Soit à l’exécution d’un contrat auquel la personne concernée est partie
      • Soit à la réalisation de l’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement ou par le destinataire, sous réserve de ne pas méconnaître l’intérêt ou les droits et libertés fondamentaux de la personne concernée
    • A cet égard, elle soutenait
      • D’une part, que la conservation des données bancaires était conforme à la finalité annoncée au client
      • D’une part, que cette prestation faisait pleinement partie du service qui est proposé par l’e-commerçant
      • Enfin, qu’elle a en outre adopté une approche transparente à l’égard des visiteurs sur son site, où la conservation du numéro de carte bancaire et la possibilité de le supprimer sont mentionnés à plusieurs reprises.
  • Décision
    • Bien que pertinents, les arguments avancés n’ont pas suffi à emporter la conviction de la CNIL.
    • La Commission rejette notamment l’argument tenant à l’invocation du fondement de l’intérêt légitime poursuivi par la FNAC.
    • Celui-ci consistait, en l’espèce, à faciliter la réalisation d’un ou de plusieurs paiements successifs dans la durée, et par conséquent en l’optimisation des transactions commerciales effectuées sur son site.
    • Si la CNIL ne nie pas l’existence de cet intérêt légitime, elle rappelle, néanmoins, que doit être effectuée une balance entre les intérêts poursuivis par la société et ceux des personnes concernées.
    • A cet égard, la FNAC soutenait que les personnes étaient amplement informées de la conservation de leurs données bancaires ainsi que de la possibilité de les supprimer en se connectant à son compte client après chaque transaction effectuée sur son site.
    • Pour la Commission, sur ce point, si l’intérêt légitime de la société justifie parfaitement la conservation de données commerciales habituelles (nom, adresse, numéro de téléphone, etc.) en contrepartie d’une information adéquate des personnes, la fourniture d’un service de portefeuille électronique, en revanche, doit être entourée de garanties renforcées.
    • En l’occurrence, compte tenu de la sensibilité toute particulière que revêtent leurs données bancaires pour les personnes concernées, de seules mesures d’information sur la conservation de ces données associées à une faculté d’effacement ex post ne sauraient constituer de telles garanties.
    • Pour la CNIL c’est bien au titre des garanties minimales qu’il incombait à la FNAC de de recueillir le consentement des personnes au stockage de leurs coordonnées bancaires au-delà de la réalisation de la transaction, ce qu’elle n’a pas fait.
    • Elle estime par ailleurs que l’argument tiré d’une meilleure ergonomie du site ne pouvait pas prospérer.

Au bilan, il ressort de cette délibération de la CNIL que lorsqu’à l’issue de la mise en balance il apparaît que l’impact du traitement sur la personne concernée s’avère négatif, il appartient au responsable de mettre en place des garanties appropriée, sinon renforcées, afin de rééquilibrer la balance.

Les sources du droit de la protection des données à caractère personnel

Section 1 : le droit international

§1 : Principes directeurs de l’ONU

Dans le cadre de sa résolution A/RES/45/95, l’Assemblée générale des Nations Unis a adopté, le 14 décembre 1990, des « principes directeurs pour la réglementation des fichiers personnels informatisés »

Ce texte envisage un certain nombre de garanties minimales qui doivent être prévues par les États membres, étant précisé que, contrairement aux décisions prises par le Conseil de sécurité, les résolutions adoptées par l’Assemblée générale des Nations Unis sont dépourvues de force contraignante.

Les principes directeurs énoncés par la résolution ainsi adoptée sont au nombre de 10 :

A) Champ d’application

Les présents principes s’appliquent :

  • D’une part, à tous les fichiers informatisés publics et privés et, par voie d’extension facultative et sous réserve des adaptations adéquates, aux fichiers traités manuellement.
  • D’autre part, si cela est expressément prévu par les législations nationales, aux fichiers de personnes morales, notamment lorsqu’ils contiennent pour partie des informations concernant des personnes physiques.

B) Principe de licéité et de loyauté

Les données concernant les personnes ne doivent pas être obtenues ou traitées à l’aide de procédés illicites ou déloyaux, ni utilisées à des fins contraires aux buts et aux principes de la Charte des Nations Unies.

C) Principe d’exactitude

Les personnes responsables de l’établissement d’un fichier ou celles responsables de leur mise en œuvre doivent être tenues de vérifier l’exactitude et la pertinence des données enregistrées et de veiller à ce qu’elles demeurent aussi complètes que possible pour éviter les erreurs par omission et qu’elles soient mises à jour, périodiquement ou lors de l’utilisation des informations contenues dans un dossier, tant qu’elles font l’objet d’un traitement.

D) Principe de finalité

La finalité en vue de laquelle est créé un fichier et son utilisation en fonction de cette finalité doivent être spécifiées, justifiées et, lors de sa mise en œuvre, faire l’objet d’une mesure de publicité ou être portées à la connaissance de la personne concernée, afin qu’il soit ultérieurement possible de vérifier :

  • Si toutes les données personnelles collectées et enregistrées restent pertinentes par rapport à la finalité poursuivie ;
  • Si aucune desdites données personnelles n’est utilisée ou divulguée, sauf accord de la personne concernée, à des fins incompatibles avec celles ainsi spécifiées ;
  • Si la durée de conservation des données personnelles n’excède pas celle permettant d’atteindre la finalité pour laquelle elles ont été enregistrées.

E) Principe de l’accès par les personnes concernées

Toute personne justifiant de son identité a le droit de savoir si des données la concernant font l’objet d’un traitement, d’en avoir communication sous une forme intelligible, sans délais ou frais excessifs, d’obtenir les rectifications ou destructions adéquates en cas d’enregistrements illicites, injustifiés ou inexacts, et, lorsqu’elles sont communiquées, d’en connaître les destinataires.

Une voie de recours doit être prévue, le cas échéant, auprès de l’autorité de contrôle prévue.

En cas de rectification, le coût devrait être à la charge du responsable du fichier.

Il est souhaitable que les dispositions de ce principe s’appliquent à toute personne, quelle que soit sa nationalité ou sa résidence.

F) Principe de non-discrimination

Sous réserve des cas de dérogations limitativement prévus sous le principe 6, les données pouvant engendrer une discrimination illégitime ou arbitraire, notamment les informations sur l’origine raciale ou ethnique, la couleur, la vie sexuelle, les opinions politiques, les convictions religieuses, philosophiques ou autres, ainsi que l’appartenance à une association ou un syndicat, ne doivent pas être collectées.

G) Faculté de dérogation

Deux catégories de dérogations doivent être distinguées :

  • Les dérogations relatives aux principes de licéité et de loyauté, d’exactitude, de finalité et de libre accès peuvent faire l’objet de dérogations.
    • Ces dérogations peuvent être envisagées par les États à la double condition
      • D’une part, que ces dérogations soient nécessaires pour protéger la sécurité nationale, l’ordre public, la santé ou la moralité publique ainsi que, notamment, les droits et libertés d’autrui, spécialement de personnes persécutées (clause humanitaire)
      • D’autre part, que ces dérogations soient expressément prévues par la loi ou par une réglementation équivalente prise en conformité avec le système juridique interne qui en fixe expressément les limites et édicte des garanties appropriées.
  • Les dérogations relatives au principe de la prohibition de la discrimination
    • Outre qu’elles doivent être soumises aux mêmes garanties que celles prévues pour les dérogations précédentes, elles ne peuvent être autorisées que dans les limites prévues par la Charte internationale des droits de l’homme et les autres instruments pertinents dans le domaine de la protection des droits de l’homme et de la lutte contre les discriminations.

H) Principe de sécurité

Des mesures appropriées doivent être prises pour protéger les fichiers tant contre les risques naturels, tels que la perte accidentelle ou la destruction par sinistre, que les risques humains, tels que l’accès non autorisé, l’utilisation détournée de données ou la contamination par des virus informatiques.

I) Contrôle et sanctions

Chaque législation doit désigner l’autorité qui, en conformité avec le système juridique interne, est chargée de contrôler le respect des principes précités.

Cette autorité doit présenter des garanties d’impartialité, d’indépendance à l’égard des personnes ou organismes responsables des traitements et de leur mise en œuvre, et de compétence technique.

En cas de violation des dispositions de la loi interne mettant en œuvre les principes précités, des sanctions pénales ou autres doivent être prévues ainsi que des recours individuels appropriés.

J) Flux transfrontières de données

Lorsque la législation de deux ou plusieurs pays, concernés par un flux transfrontière de données, présente des garanties comparables au regard de la protection de la vie privée, les informations doivent pouvoir circuler aussi librement qu’à l’intérieur de chacun des territoires concernés.

En l’absence de garanties comparables, des limitations à cette circulation ne peuvent être imposées indûment et seulement dans la stricte mesure où la protection de la vie privée l’exige.

§2 : Les lignes directrices de l’OCDE

A) Ratio legis

Par décision du 23 septembre 1980, l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) a adopté des lignes directrices régissant la protection de la vie privée et les flux transfrontières de données de caractère personnel.

Les États membre de cette organisation internationale sont partis du constat, dès 1980, que le traitement automatique de l’information, qui permet de transmettre de vastes quantités de données en quelques secondes à travers les frontières nationales et même à travers les continents tendait à se généraliser et à prendre un essor qui n’aurait de cesse de s’accroître.

Il a encore été relevé que, en réaction, des législations relatives à la protection de la vie privée ont été adoptées en vue de prévenir des actes considérés comme constituant des violations des droits fondamentaux de l’homme, tels que le stockage illicite de données de caractère personnel qui sont inexactes, l’utilisation abusive ou la divulgation non autorisée de ces données.

L’OCDE y a vu le risque que des disparités se créent dans les législations nationales et qu’elles entravent la libre circulation des données de caractère personnel à travers les frontières.

Des restrictions imposées à ces flux pourraient, en effet, entraîner de graves perturbations dans d’importants secteurs de l’économie, tels que la banque et les assurances.

C’est pourquoi, les pays Membres de l’OCDE ont jugé nécessaire d’élaborer des lignes directrices qui permettraient d’harmoniser les législations nationales relatives à la protection de la vie privée et qui, tout en contribuant au maintien de ces droits de l’homme, empêcheraient que les flux internationaux de données ne subissent des interruptions.

Ces lignes directrices sont l’expression d’un consensus sur des principes fondamentaux qui peuvent être intégrés à la législation nationale en vigueur ou servir de base à une législation dans les pays qui ne sont pas encore dotés.

B) Énoncé des principes

Deux catégories de principes sont envisagées par les Lignes directrices de l’OCDE

?Les principes fondamentaux applicables au plan national

  • Principe de la limitation en matière de collecte
    • Il convient d’assigner des limites à la collecte des données de caractère personnel et toute donnée de ce type devrait être obtenue par des moyens licites et loyaux et, le cas échéant, après en avoir informé la personne concernée ou avec son consentement.
  • Principe de la qualité des données
    • Les données de caractère personnel doivent être pertinentes par rapport aux finalités en vue desquelles elles doivent être utilisées et, dans la mesure où ces finalités l’exigent, elles doivent être exactes, complètes et tenues à jour.
  • Principe de la spécification des finalités
    • Les finalités en vue desquelles les données de caractère personnel sont collectées doivent être déterminées au plus tard au moment de la collecte des données et lesdites données ne doivent être utilisées par la suite que pour atteindre ces finalités ou d’autres qui ne soient pas incompatibles avec les précédentes et qui seraient déterminées dès lors qu’elles seraient modifiées.
  • Principe de la limitation de l’utilisation
    • Les données de caractère personnel ne doivent pas être divulguées, ni fournies, ni utilisées à des fins autres que celles spécifiées conformément au paragraphe 9, si ce n’est :
      • Avec le consentement de la personne concernée
      • Lorsqu’une règle de droit le permet.
  • Principe des garanties de sécurité
    • Il convient de protéger les données de caractère personnel, grâce à des garanties de sécurité raisonnables, contre des risques tels que la perte des données ou leur accès, destruction, utilisation, ou divulgation non autorisés.
  • Principe de la transparence
    • Il convient d’assurer, d’une façon générale, la transparence des progrès, pratiques et politiques, ayant trait aux données de caractère personnel.
    • Il doit être possible de se procurer aisément les moyens de déterminer l’existence et la nature des données de caractère personnel, et les finalités principales de leur utilisation, de même que l’identité du maître du fichier et le siège habituel de ses activités.
  • Principe de la participation individuelle
    • Toute personne physique doit avoir le droit :
      • D’obtenir du maître d’un fichier, ou par d’autres voies, confirmation du fait que le maître du fichier détient ou non des données la concernant ;
      • De se faire communiquer les données la concernant :
        • Dans un délai raisonnable ;
        • Moyennant, éventuellement, une redevance modérée ;
        • Selon des modalités raisonnables ;
        • Sous une forme qui lui soit aisément intelligible ;
      • D’être informée des raisons pour lesquelles une demande quelle aurait présentée est rejetée et de pouvoir contester un tel rejet,
      • De contester les données la concernant et, si la contestation est fondée, de les faire effacer, rectifier, compléter ou corriger.
  • Principe de la responsabilité
    • Tout maître de fichier devrait être responsable du respect des mesures donnant effet aux principes énoncés ci-dessus.

? Les principes fondamentaux applicables au plan international

  • Libre circulation
    • Les pays Membres doivent prendre en considération les conséquences pour d’autres pays Membres d’un traitement effectué sur leur propre territoire et de la réexportation des données de caractère personnel
    • Les pays Membres doivent prendre toutes les mesures raisonnables et appropriées pour assurer que les flux transfrontières de données de caractère personnel, et notamment le transit par un pays Membre, aient lieu sans interruption et en toute sécurité.
    • Un pays Membre doit s’abstenir de limiter les flux transfrontières de données de caractère personnel entre son territoire et celui d’un autre pays Membre, sauf lorsqu’un ce dernier ne se conforme pas encore pour l’essentiel aux Lignes directrices ou lorsque la réexportation desdites données permettrait de contourner sa législation interne sur la protection de la vie privée et des libertés individuelles.
  • Restrictions légitimes
    • Un pays Membre peut imposer des restrictions à l’égard de certaines catégories de données de caractère personnel pour lesquelles sa législation interne sur la protection de la vie privée et les libertés individuelles prévoit des réglementations spécifiques en raison de la nature de ces données et pour lesquelles l’autre pays Membre ne prévoit pas de protection équivalente.
    • Les pays Membres doivent néanmoins éviter d’élaborer des lois, des politiques et des procédures, qui, sous couvert de la protection de la vie privée et des libertés individuelles, créeraient des obstacles à la circulation transfrontière des données de caractère personnel qui iraient au-delà des exigences propres à cette protection.

§3 : La convention STE 108

?Adoption de la convention

Les pays membres du Conseil de l’Europe ont adopté le 28 janvier 1981 la Convention pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, dite Convention STE 108.

Cette convention fut, indéniablement, le premier instrument international juridique contraignant dans le domaine de la protection des données.

Il a été convenu, entre ses signataires, qu’ils devaient prendre toutes les mesures nécessaires en droit interne pour en appliquer les principes afin d’assurer, sur leur territoire, le respect des droits fondamentaux de la personne humaine au regard de l’application de la protection des données.

Concrètement, le but poursuivi par la Convention STE 108 est de garantir, sur le territoire des États membres, à toute personne physique, quelles que soient sa nationalité ou sa résidence, le respect de ses droits et de ses libertés fondamentales, et notamment de son droit à la vie privée, à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel la concernant.

?Applicabilité directe

Dans un arrêt du 18 novembre 1992, la Conseil d’État a reconnu l’applicabilité directe de la Convention STE 108 (CE, 18 nov. 1992, n° 115367)

?Évolution de la convention

  • Amendements à la Convention 108 permettant l’adhésion des Communautés Européennes
    • Le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a adopté, le 15 juin 1999, des amendements permettant l’adhésion des Communautés Européennes à la Convention
    • L’adhésion des Communautés correspondait à la volonté de l’Union européenne de renforcer la coopération avec le Conseil de l’Europe et de contribuer au renforcement d’un large forum international en matière de protection des données, notamment à l’égard des pays tiers.
    • Selon le texte initial, seuls les États pouvaient en devenir Parties.
    • C’est la raison pour laquelle il a été nécessaire de procéder par voie d’amendements
  • Protocole additionnel à la Convention 108 sur les autorités de contrôle et les flux transfrontières de données (STE N°181)
    • Le Protocole additionnel, ouvert à la signature le 8 novembre 2001 à Strasbourg, exige des parties la mise en place des autorités de contrôle, exerçant leurs fonctions en parfaite indépendance, et qui sont un élément de la protection effective des individus au regard du traitement des données personnelles.
    • Avec l’accroissement des échanges de données personnelles à travers les frontières nationales, il est nécessaire d’assurer la protection effective des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et en particulier du droit à la vie privée par rapport à de tels échanges de données personnelles.
    • Ce texte renforce la protection des données personnelles et de la vie privée, en complétant la Convention de 1981 (STE n° 108) sur deux points.
      • Premier point
        • Il prévoit tout d’abord l’établissement d’autorités de contrôle chargées d’assurer le respect des lois ou règlements introduits par les États en application de la Convention concernant la protection des données personnelles et les flux transfrontières de données.
      • Second point
        • Il prévoit que les flux transfrontières de données vers des pays tiers ne peuvent être transférées que si elles bénéficient dans l’État ou l’organisation internationale destinataire, d’un niveau de protection adéquat.

?Contenu de la convention

Plusieurs principes ont été posés dans la Convention STE n°108:

  • Sur la qualité des données
    • Les données à caractère personnel faisant l’objet d’un traitement automatisé sont :
      • Obtenues et traitées loyalement et licitement ;
      • Enregistrées pour des finalités déterminées et légitimes et ne sont pas utilisées de manière incompatible avec ces finalités ;
      • Adéquates, pertinentes et non excessives par rapport aux finalités pour lesquelles elles sont enregistrées ;
      • Exactes et si nécessaire mises à jour ;
      • Conservées sous une forme permettant l’identification des personnes concernées pendant une durée n’excédant pas celle nécessaire aux finalités pour lesquelles elles sont enregistrées.
  • Sur les catégories particulières de données
    • Les données à caractère personnel révélant l’origine raciale, les opinions politiques, les convictions religieuses ou autres convictions, ainsi que les données à caractère personnel relatives à la santé ou à la vie sexuelle, ne peuvent être traitées automatiquement à moins que le droit interne ne prévoie des garanties appropriées.
    • Il en est de même des données à caractère personnel concernant des condamnations pénales.
  • Sur la sécurité des données
    • Des mesures de sécurité appropriées sont prises pour la protection des données à caractère personnel enregistrées dans des fichiers automatisés contre la destruction accidentelle ou non autorisée, ou la perte accidentelle, ainsi que contre l’accès, la modification ou la diffusion non autorisés.
  • Sur les droits d’accès et de rectification
    • Toute personne doit pouvoir :
      • Connaître l’existence d’un fichier automatisé de données à caractère personnel, ses finalités principales, ainsi que l’identité et la résidence habituelle ou le principal établissement du maître du fichier ;
      • Obtenir à des intervalles raisonnables et sans délais ou frais excessifs la confirmation de l’existence ou non dans le fichier automatisé, de données à caractère personnel la concernant ainsi que la communication de ces données sous une forme intelligible ;
      • Obtenir, le cas échéant, la rectification de ces données ou leur effacement lorsqu’elles ont été traitées en violation des dispositions du droit interne donnant effet aux principes de base énoncés dans les articles 5 et 6 de la présente Convention ;
      • Disposer d’un recours s’il n’est pas donné suite à une demande de confirmation ou, le cas échéant, de communication, de rectification ou d’effacement, visée aux paragraphes b et c du présent article.

§4 : La Convention européenne des droits de l’homme

A) Le silence du texte

La Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne comporte aucune stipulation relative à la protection des données à caractère personnel.

Ce silence du texte n’a, toutefois, pas empêché la Cour européenne des droits de l’homme de veiller à garantir aux ressortissants des États membres une protection à l’égard des traitements automatisés de données à caractère personnel.

Pour ce faire, elle se fonde essentielle sur l’article 8 de la Convention relatif au respect de la vie privée et familiale

Aux termes de cette disposition « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance »

Dans un arrêt du 7 août 1997, la Cour européenne des droits de l’homme a affirmé que « la protection des données à caractère personnel […] revêt une importance fondamentale pour l’exercice du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l’article 8 de la Convention » (CEDH, 27 août 1997, aff. 20837/92,  M. S. c/ Suède)

Encore, dans un arrêt du 4 décembre 2008, elle a précisé que « la protection des données à caractère personnel joue un rôle fondamental pour l’exercice du droit au respect de la vie privée et familiale consacré par l’article 8. La législation interne doit donc ménager des garanties appropriées pour empêcher toute utilisation de données à caractère personnel qui ne serait pas conforme aux garanties prévues dans cet article (…). La nécessité de disposer de telles garanties se fait d’autant plus sentir lorsqu’il s’agit de protéger les données à caractère personnel soumises à un traitement automatique, en particulier lorsque ces données sont utilisées à des fins policières. Le droit interne doit notamment assurer que ces données soient pertinentes et non excessives par rapport aux finalités pour lesquelles elles sont enregistrées, et qu’elles soient conservées sous une forme permettant l’identification des personnes concernées pendant une durée n’excédant pas celle nécessaire aux finalités pour lesquelles elles sont enregistrées (…). [Il] doit aussi contenir des garanties de nature à protéger efficacement les données à caractère personnel enregistrées contre les usages impropres et abusifs (…) » (CEDH, 4 déc. 1997, aff. 30562/04 S. et Marper c/ Royaume-Uni).

B) La jurisprudence

?Aff. Klass et autres c. Allemagne – 6 septembre 1978

  • Les faits
    • Dans cette affaire, les requérants, cinq avocats allemands, dénonçaient en particulier la législation allemande qui permettait aux autorités de surveiller leur correspondance et leurs communications téléphoniques sans qu’elles aient l’obligation de les informer ultérieurement des mesures prises contre eux.
  • Décision
    • La Cour a conclu à la non-violation de l’article 8 de la Convention, jugeant que le législateur allemand était fondé à considérer l’ingérence résultant de la législation litigieuse dans l’exercice du droit consacré par l’article 8 § 1 comme nécessaire, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, la défense de l’ordre et la prévention des infractions pénales (article 8 § 2).
    • La Cour a observé en particulier que le pouvoir de surveiller en secret les citoyens, caractéristique de l’État policier, n’était tolérable d’après la Convention que dans la mesure strictement nécessaire à la sauvegarde des institutions démocratiques.
    • Constatant toutefois que les sociétés démocratiques se trouvent menacées de nos jours par des formes très complexes d’espionnage et par le terrorisme, de sorte que l’État doit être capable, pour combattre efficacement ces menaces, de surveiller en secret les éléments subversifs opérant sur son territoire, elle a estimé que l’existence de dispositions législatives accordant des pouvoirs de surveillance secrète de la correspondance, des envois postaux et des télécommunications était, devant une situation exceptionnelle, nécessaire dans une société démocratique à la sécurité nationale et/ou à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales.

?Aff. Rotaru c. Roumanie – 4 mai 2000

  • Faits
    • Le requérant se plaignait de l’impossibilité de réfuter les données, selon lui contraires à la réalité, détenues dans un dossier à son sujet par le Service roumain des renseignements (SRI).
    • L’intéressé avait été condamné en 1948 à une peine d’emprisonnement d’un an pour avoir exprimé des opinions critiques à l’égard du régime communiste.
  • Décision
    • La Cour a conclu à la violation de l’article 8 de la Convention, jugeant que la détention et l’utilisation par le SRI d’informations sur la vie privée du requérant n’étaient pas prévues par la loi.
    • La Cour a observé en particulier que des données de nature publique peuvent relever de la vie privée lorsqu’elles sont, d’une manière systématique, recueillies et mémorisées dans des fichiers tenus par les pouvoirs publics.
    • Cela vaut davantage encore lorsque ces données concernent le passé lointain d’une personne.
    • Elle a ensuite relevé qu’aucune disposition de droit interne ne définissait ni le genre d’informations pouvant être consignées, ni les catégories de personnes susceptibles de faire l’objet des mesures de surveillance telles que la collecte et la conservation de données, ni les circonstances dans lesquelles pouvaient être prises ces mesures, ni la procédure à suivre.
    • De même, la loi ne fixait pas de limites quant à l’ancienneté des informations détenues et la durée de leur conservation. Enfin, il n’existait aucune disposition explicite et détaillée de droit interne sur les personnes autorisées à consulter les dossiers, la nature de ces derniers, la procédure à suivre et l’usage qui pouvait être donné aux informations ainsi obtenues.
    • Dès lors, la Cour la Cour a estimé que le droit roumain n’indiquait pas avec assez de clarté l’étendue et les modalités d’exercice du pouvoir d’appréciation des autorités dans le domaine considéré.
    • La Cour a également conclu dans cette affaire à la violation de l’article 13 (droit à un recours effectif) de la Convention, en raison de l’impossibilité pour le requérant de contester sa détention ou de réfuter la véracité des renseignements en question.

?Aff. Gaskin c. Royaume-Uni – 7 juillet 1989

  • Faits
    • Le requérant, pris en charge par les services sociaux pendant son enfance, chercha à connaître son passé à sa majorité pour surmonter ses problèmes personnels.
    • L’accès à son dossier lui fut refusé au motif qu’il contenait des informations confidentielles.
  • Décision
    • La Cour a conclu à la violation de l’article 8 de la Convention, jugeant que les procédures suivies n’avaient pas assuré à la vie privée et familiale du requérant le respect voulu par cet article.
    • Elle a observé en particulier que les personnes se trouvant dans la situation du requérant ont un intérêt primordial, protégé par la Convention, à recevoir les renseignements nécessaires pour connaître et comprendre leur enfance et leurs années de formation.
    • Cependant, le caractère confidentiel des dossiers officiels revêt de l’importance si l’on souhaite recueillir des informations objectives et dignes de foi et peut être nécessaire pour préserver des tiers.
    • Sous ce dernier aspect, un système subordonnant l’accès aux dossiers à l’acceptation des informateurs, comme alors au Royaume-Uni, peut en principe être tenu pour compatible avec l’article 8, eu égard à la marge d’appréciation de l’État.
    • La Cour a toutefois estimé qu’un tel système doit sauvegarder, quand un informateur n’est pas disponible ou refuse abusivement son accord, les intérêts de quiconque cherche à consulter des pièces relatives à sa vie privée et familiale et qu’il ne cadre avec le principe de proportionnalité que s’il charge un organe indépendant, au cas où un informateur ne répond pas ou ne donne pas son consentement, de prendre la décision finale sur l’accès.
    • Or, il n’en allait pas ainsi en l’espèce.

?Aff. Perry c. Royaume-Uni – 17 juillet 2003

  • Faits
    • Le requérant fut arrêté après qu’eut été commise une série de vols à main armée sur la personne de chauffeurs de taxi, puis relâché en attendant que se tienne une séance d’identification.
    • Comme il ne s’était pas présenté à la séance prévue ni à plusieurs autres séances ultérieures, la police sollicita l’autorisation de le filmer en secret avec une caméra vidéo. Le requérant se plaignait que la police l’avait filmé en secret en vue de l’identifier puis avait utilisé le film vidéo dans le cadre des poursuites dirigées contre lui.
  • Décision
    • La Cour a conclu à la violation de l’article 8 de la Convention.
    • Elle a relevé que rien n’indiquait que le requérant s’attendait à ce qu’on le filme au poste de police à des fins d’identification au moyen d’un enregistrement vidéo ni à ce que le film soit éventuellement utilisé comme preuve à charge lors de son procès.
    • Le stratagème adopté par la police avait outrepassé l’utilisation normale de ce type de caméra et constitué une ingérence dans l’exercice par le requérant de son droit au respect de sa vie privée.
    • Cette ingérence n’était par ailleurs pas prévue par la loi, la police n’ayant pas respecté les procédures énoncées par le code applicable : elle n’avait pas obtenu le consentement du requérant, ne l’avait pas averti de l’enregistrement vidéo et, de surcroît, ne l’avait pas informé de ses droits à cet égard.

?Aff. Z. c. Finlande – 25 février 1997

  • Faits
    • Cette affaire concernait la révélation de la séroposivité de la requérante au cours d’une procédure pénale dirigée contre son mari.
  • Décision
    • La Cour a conclu à la violation de l’article 8 de la Convention, jugeant que la divulgation de l’identité et de la séropositivité de la requérante dans le texte de l’arrêt de la cour d’appel communiqué à la presse ne se justifiait pas par quelque motif impérieux que ce soit et que la publication de ces informations avait dès lors porté atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale de la requérante.
    • La Cour a observé en particulier que le respect du caractère confidentiel des informations sur la santé constitue un principe essentiel du système juridique de toutes les Parties contractantes à la Convention et est capital non seulement pour protéger la vie privée des malades mais également pour préserver leur confiance dans le corps médical et les services de santé en général.
    • La législation interne doit donc ménager des garanties appropriées pour empêcher toute communication ou divulgation de données à caractère personnel relatives à la santé qui ne serait pas conforme aux garanties prévues à l’article 8 de la Convention.

Section 2 : Le droit de l’Union européenne

§1 : La directive du 24 octobre 1995

A) La genèse de la directive

Par l’adoption de directive 95/46 CE du 24 octobre 1995, l’Union européenne s’est, pour la première fois, dotée d’un cadre commun de protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel.

?Compétence matérielle

Il peut être observé que, lors des travaux législatifs, la question de la compétence de la Communauté européenne pour légiférer dans cette matière s’est posée, la protection des libertés et de la vie privée étant exclue de son champ de compétence.

Néanmoins, la Commission des Communautés européennes a considéré qu’il s’agissait principalement d’établir la libre circulation des données à caractère personnel, considérées comme des marchandises, ce qui explique que la directive 95/46 CE soit une directive « marché intérieur ».

Sa négociation fut longue et difficile, s’agissant d’un problème de liberté opposant des cultures différentes.

?Socle de protection minimum

Le Conseil d’État s’est prononcé en assemblée générale par un avis du 10 juin 1999 invitant le Gouvernement à veiller à ce que la directive « ne contienne pas de dispositions qui conduiraient à priver des principes de valeur constitutionnelle de la protection que leur accorde la loi du 6 janvier 1978 actuellement en vigueur » afin de prévenir « tout risque d’inconstitutionnalité de la future loi assurant la transposition de cette directive » et énumérant certaines dispositions du projet susceptibles de conduire à une régression du niveau de protection.

En outre, le Parlement a adopté des résolutions sur ce projet en application de l’article 88-4 de la Constitution issu de la révision du 25 juin 1992.

L’Assemblée nationale a estimé dans une résolution du 25 juin 1993 que l’intervention de la Communauté européenne ne devait pas nuire au haut degré de protection dont devaient bénéficier les personnes, ni assimiler ces données à de simples marchandises.

Elle craignait également que les options très larges laissées aux États membres pour la transposition ne garantissent pas l’homogénéité de cette protection dans la Communauté européenne.

Elle demandait donc au Gouvernement :

  • D’une part, de subordonner son accord au maintien intégral du niveau de protection assuré par la loi du 6 janvier 1978
  • D’autre part, de prévenir le risque de divergences dangereuses au moment de la transposition de la directive par les États membres
  • Enfin, de garantir aux États membres le pouvoir d’interdire le transfert de données à caractère personnel vers des pays tiers n’assurant pas un niveau de protection adéquat, au besoin par l’instauration d’une procédure d’urgence.

Le Sénat a adopté une résolution le 7 juin 1994, par laquelle il observait que la référence à des articles du Traité de nature économique, appliquée en l’espèce au domaine des libertés publiques conduisait à une interprétation extensive des compétences de la Communauté, mais que cette intervention était justifiée. Il appelait en outre à une harmonisation préalable de leur législation par les États membres.

Ces recommandations ont été suivies dans une large mesure.

B) Le contenu de la directive

?Champ d’application

Tout d’abord, la directive ne s’applique qu’aux traitements relevant du champ de compétences de l’Union européenne, c’est-à-dire qu’elle exclut notamment les « traitements de souveraineté » (défense, sécurité publique, sûreté de l’État, droit pénal).

En revanche, son champ d’application est élargi puisqu’elle s’étend non seulement aux traitements automatisés, mais aussi aux fichiers manuels à l’expiration d’un délai de 12 ans à compter de son adoption, c’est-à-dire en octobre 2007.

Par ailleurs, elle couvre les sons et les images à l’exclusion des traitements de vidéosurveillance mis en œuvre à des fins de sécurité publique.

?Méthodologie

Selon l’article 189 du traité instituant la Communauté européenne, « la directive lie tout État membre quant aux résultats à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens ».

De surcroît, les directives de l’Union imposent généralement aux États la mise en œuvre de leurs dispositions dans des délais qu’elles déterminent : en l’espèce, l’article 32 de la directive 95/46 impliquait que « les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard à l’issue d’une période de trois ans à compter de son adoption », soit le 24 octobre 1998.

Sans doute, la loi du 6 janvier 1978 constitue-t-elle, en quelque sorte, une « transposition anticipée » de la directive, puisque nombre de ses dispositions répondent aux exigences communautaires.

Toutefois, au-delà de principes communs, tels que la loyauté de la collecte des données, la protection des données dites sensibles, le principe de finalité des traitements ou le droit d’information, de rectification ou d’opposition des personnes, ainsi que la nécessité de l’existence d’une autorité de contrôle indépendante, des différences substantielles subsistent entre la loi du 6 janvier 1978 et la directive 95/46 qui requièrent, en conséquence, une modification de notre législation.

On remarquera, notamment, que la directive du 24 octobre 1995 retient une démarche particulière, en quatre étapes :

Elle s’attache à définir :

  • En premier lieu, les conditions générales de licéité des traitements
  • En deuxième lieu, les droits fondamentaux des personnes concernées
  • En troisième lieu, les restrictions qu’il est possible de leur apporter
  • En quatrième lieu, les procédures et les recours destinés à assurer la régularité des traitements de données à caractère personnel.

Cette organisation tient à la primauté accordée par la directive aux principes de fond sur les dispositions de forme, les États membres possédant davantage de marge de manœuvre pour transposer les secondes que les premières.

Or, tel n’est pas le choix fait par le législateur français qui a établi une distinction essentielle fondée sur la nature juridique du destinataire du traitement, dont il déduit la procédure et les règles de forme applicables.

?L’égalité de principe entre secteurs public et privé

Alors que la loi du 6 janvier 1978 retient un critère organique, la directive retient un critère matériel et soumet les traitements similaires de responsables publics et privés à une même procédure.

Ainsi, les traitements de données à caractère personnel, qu’ils soient privés ou publics, ne sont plus désormais soumis qu’à une obligation de déclaration préalable auprès de l’autorité de contrôle.

La distinction entre les régimes de la déclaration et de l’autorisation, qui subsiste, est donc désormais indépendante de la qualité du responsable.

On retrouve un tel précédent dans la loi informatique et libertés en matière de traitement de recherche dans le domaine de la santé et d’évaluation des pratiques de soins.

L’assimilation des deux secteurs ne sera néanmoins pas totale, puisque les traitements de souveraineté ne sont pas concernés par les dispositions de la directive, celle-ci ne s’appliquant qu’aux traitements relevant du champ de compétence de l’Union européenne.

?Le renforcement du contrôle a posteriori

L’article 20 de la directive indique que les États membres doivent préciser les traitements « susceptibles de présenter des risques particuliers au regard des droits et des libertés des personnes concernées et veillent à ce que ces traitements soient examinés avant leur mise en œuvre ».

À l’inverse, ceux qui « ne sont pas susceptibles de porter atteinte aux droits et libertés des personnes concernées » peuvent ne donner lieu qu’à une déclaration simplifiée ou même être exonérés de toute formalité.

Parallèlement à cette limitation des contrôles a priori, la directive invite à un recentrage des missions de la CNIL en direction du contrôle a posteriori.

L’article 28 de la directive relatif aux prérogatives de l’autorité de contrôle précise donc qu’elle doit disposer en particulier de pouvoirs d’investigations ou d’accès aux données ainsi que de pouvoirs « effectifs d’intervention » lui permettant le cas échéant d’ordonner le verrouillage, l’effacement ou la destruction des données.

Si la loi du 6 janvier 1978 comporte déjà des dispositions relatives aux pouvoirs de contrôle a posteriori de la CNIL (article 21), l’insuffisance des moyens de la CNIL et la relative indifférence des parquets et tribunaux face à une matière nouvelle et technique ont, dans les faits, largement relativisé sa portée.

?La reconnaissance de l’importance des flux internationaux de données à caractère personnel

Si la loi du 6 janvier 1978 évoque déjà la question de la circulation des données, elle ne distingue pas entre les transferts vers d’autres États membres de la Communauté européenne et ceux intervenant vers des États tiers.

Or, la mondialisation de la circulation des données a été démultipliée par l’apparition des nouvelles technologies de l’information et de la communication.

Dès son article premier, la directive affirme donc le principe de la libre circulation des données au sein des États membres de l’Union européenne.

En revanche, ne sont possibles les transferts vers des pays tiers que si ceux-ci assurent un niveau de protection adéquat. La directive prévoit des mécanismes communautaires permettant de l’évaluer (articles 25 et 26), ainsi que leur articulation avec les modalités d’intervention en la matière de l’autorité nationale de contrôle.

§2 : Le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD)

La directive 95/46/CE qui constitue l’instrument législatif central de la protection des données à caractère personnel en Europe, a posé un jalon dans l’histoire de la protection des données.

Ses objectifs, qui consistent à assurer le fonctionnement du marché unique et la protection effective des libertés et des droits fondamentaux des personnes physiques, demeurent d’actualité.

Mais elle a été adoptée il y a plus de 20 ans, soit à une époque où internet n’en était qu’à ses premiers balbutiements.

L’environnement numérique actuel et ses exigences font que les règles en vigueur ne présentent ni le degré d’harmonisation requis ni l’efficacité nécessaire pour garantir le droit à la protection des données à caractère personnel.

C’est dans ce contexte que la Commission européenne a proposé, le 25 janvier 2012, un règlement destiné à remplacer la directive 95/46/CE et qui instaure un cadre général de l’UE pour la protection des données.

La proposition de règlement modernise les principes de la directive de 1995 en les adaptant à l’ère numérique et en harmonisant la législation sur la protection des données en Europe.

La protection des données doit faire l’objet de règles strictes pour rétablir la confiance des personnes dans la manière dont leurs données à caractère personnel sont utilisées.

La proposition de règlement vise à renforcer les droits des personnes et le marché intérieur de l’UE, garantir un contrôle accru de l’application de la réglementation, simplifier les transferts internationaux de données à caractère personnel et instaurer des normes mondiales en matière de protection des données.

À l’issue de longues négociations, le Parlement européen et le Conseil ont adopté le « paquet protection des données » le 27 avril 2016, fruit d’un compromis entre les États membres de l’Union européenne.

Ce paquet se compose :

  • D’un règlement relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (règlement (UE) 2016/679)
    • Applicable notamment à la matière civile et commerciale, il constitue le cadre général de la protection des données.
    • Ce règlement abroge la directive 95/46/CE transposée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 qui avait modifié la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978. Il conforte les droits des personnes physiques sur leurs données à caractère personnel déjà garantis dans la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978.
    • Il renforce ainsi notamment le droit d’information des personnes, qui disposeront d’informations plus complètes et claires sur le traitement de leurs données, et en crée de nouveaux : droit à l’effacement ou « droit à l’oubli », droit à la portabilité des données.
    • En outre, le règlement uniformise et simplifie les règles auxquelles les organismes traitant des données sont soumis tout en renforçant les garanties offertes par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978.
    • Il prévoit en particulier la réduction des formalités préalables pour la mise en œuvre des traitements comportant le moins de risques, avec le passage d’un système de contrôle ex ante de la Commission nationale de l’informatique et des libertés par le biais des déclarations et autorisations à un contrôle ex post plus adapté aux évolutions technologiques.
    • Ce règlement est applicable à compter du 25 mai 2018.
  • D’une directive relative aux traitements mis en œuvre à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales (directive (UE) 2016/680)
    • La directive s’applique aux traitements de données à caractère personnel mis en œuvre par une autorité compétente à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution des sanctions pénales, y compris la protection contre les menaces pour la sécurité publique et la prévention de telles menaces.
    • La directive n’est pas applicable dès lors que le traitement de données est mis en œuvre pour d’autres finalités ou par une autorité qui n’est pas compétente. La directive n’est pas non plus applicable aux traitements intéressant la sûreté de l’État et la défense, qui ne relèvent pas du droit de l’Union.
    • La directive vise à faciliter le libre flux des données à caractère personnel entre les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, y compris la protection contre les menaces pour la sécurité publique et la prévention de telles menaces au sein de l’Union, et le transfert de telles données vers des pays tiers et à des organisations internationales, tout en assurant un niveau élevé de protection des données à caractère personnel.
    • Certaines dispositions de la directive sont porteuses d’un changement de philosophie du droit de la protection des données ; d’autres représentent de réelles innovations qui, sans témoigner d’un réel changement de philosophie, imposent d’importantes modifications d’ordre technique.
    • Cette directive doit être transposée d’ici le 6 mai 2018.

L’articulation entre la directive et le règlement est précisée par le considérant 12 de la directive.

Celui-ci indique notamment que relèvent de la directive les traitements concernant des « activités menées par la police ou d’autres autorités répressives [qui] sont axées principalement sur la prévention et la détection des infractions pénales et les enquêtes et les poursuites en la matière, y compris les activités de police effectuées sans savoir au préalable si un incident constitue une infraction pénale ou non».

Il précise que « ces activités peuvent également comprendre l’exercice de l’autorité par l’adoption de mesures coercitives, par exemple les activités de police lors de manifestations, de grands événements sportifs et d’émeutes », et que « parmi ces activités figure également le maintien de l’ordre public lorsque cette mission est confiée à la police ou à d’autres autorités répressives lorsque cela est nécessaire à des fins de protection contre les menaces pour la sécurité publique et pour les intérêts fondamentaux de la société protégés par la loi, et de prévention de telles menaces, qui sont susceptibles de déboucher sur une infraction pénale ».

Il indique en revanche, qu’entrent dans le champ d’application du règlement, pour autant qu’ils relèvent du droit de l’Union, les traitements par lesquels « les États membres [confient] aux autorités compétentes d’autres missions qui ne sont pas nécessairement menées à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes ou de poursuites en la matière, y compris la protection contre les menaces pour la sécurité publique et la prévention de telles menaces ».

Les nouvelles exigences posées par le législateur européen ont été transposées en droit français lors de l’adoption de la loi n° 2018-493 du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles.

Section 3 : Le droit interne

§1 : La loi du 6 janvier 1978

Les premiers travaux ayant trait au développement de l’informatique dans les administrations virent le jour, en fait, à la fin des années 1960, tant en Europe que sur le continent américain : ils mettent en évidence les risques que font peser ces nouvelles pratiques sur les libertés publiques.

En France, le Conseil d’État adressa au Gouvernement, dès 1971, une série de recommandations visant à encadrer l’usage des données personnelles. Mais la prise de conscience des enjeux liés à cette question intervint en 1974, face à un projet gouvernemental connu sous le nom de « Système automatisé des fichiers administratifs et du répertoire des individus » (SAFARI), qui prévoyait une interconnexion des fichiers publics à partir d’un identifiant unique, le numéro de sécurité sociale.

Ce dispositif suscita alors de fortes réactions, résumées, le 21 mars, par le journal Le Monde, sous le titre suivant : « Safari ou la chasse aux Français ». Ce débat a débouché sur le « rapport Tricot », issu des travaux d’une commission mise en place par le Premier ministre pour proposer des mesures tendant à garantir que le développement de l’informatique se réalise dans le respect de la vie privée et des libertés, puis sur la loi n°78-17 du 6 janvier 1978, relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

Ce texte, communément appelé « loi Informatique et libertés », fut l’un des premiers au monde à encadrer l’usage des données à caractère personnel ; il a d’ailleurs inspiré, dans une large mesure, les instruments internationaux intervenus depuis lors, y compris la directive du 24 octobre 1995 que le présent projet de loi tend à transposer en droit français.

Il se présente comme un corpus de normes destinées à assurer la défense des libertés individuelles et publiques des personnes physiques face aux technologies informationnelles.

De fait, c’est bien sur ce terrain que le législateur s’est placé en affirmant, d’emblée, dès l’article 1er, que : « L’informatique doit être au service de chaque citoyen. (…) Elle ne doit porter atteinte ni à l’identité humaine, ni aux droits de l’homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques ».

La loi du 6 janvier 1978 réglemente la collecte et l’utilisation des informations dites « nominatives », qui permettent, aux termes de son article 4, d’identifier, directement ou indirectement, des personnes physiques. Elle s’applique à deux types de procédés :

  • Le traitement automatisé desdites informations, quel que soit le support ou la technique utilisée, qui est défini, à l’article 5, comme : « tout ensemble d’opérations réalisées par les moyens automatiques, relatif à la collecte, l’enregistrement, l’élaboration, la modification, la conservation et la destruction d’informations nominatives ainsi que tout ensemble d’opérations de même nature se rapportant à l’exploitation de fichiers ou bases de données et notamment les interconnexions ou rapprochements, consultations ou communications d’informations nominatives».
  • Les fichiers manuels ou mécanographiques, qui n’étaient pourtant pas visés par le texte initial du Gouvernement : la loi ne fait d’ailleurs référence qu’à « l’informatique », tant à l’article 1er (« L’informatique doit être au service de chaque citoyen ») que dans le titre de l’institution de contrôle qu’elle crée par ailleurs (« Commission nationale de l’informatique et des libertés »). Cette extension a été réalisée à l’initiative du Parlement, qui a modifié, en conséquence, l’intitulé de la loi (« relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés »). Toutefois, ces fichiers ne sont soumis qu’à une partie des règles applicables aux traitements automatisés (notamment les dispositions relatives à la collecte, l’enregistrement et la conservation des informations, ainsi que le droit d’accès ou d’opposition), à l’exclusion de certaines obligations telles que les formalités de déclaration préalable auprès de la CNIL.

§2 : La loi du 6 août 2004

La loi n° 2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel, qui modifie la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, a pour objet d’assurer la transposition de la directive européenne du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.

Au-delà de cette transposition, il vise à adapter le droit des fichiers informatiques aux progrès technologiques et aux réalités contemporaines, dans le respect des principes fondamentaux posés par la loi du 6 janvier 1978.

Les principales dispositions du projet de loi peuvent être résumées autour de quatre axes :

  • Le renforcement des droits fondamentaux des personnes dès lors que des données, de quelque nature qu’elles soient (informations nominatives, voix, image, empreintes génétiques …), font l’objet d’un fichier, sous forme d’un traitement automatisé ou non, ainsi que le renforcement des obligations pesant sur les responsables de ces traitements. En particulier, le caractère discrétionnaire du droit d’opposition des personnes intéressées à l’encontre de la mise en œuvre de tels traitements à des fins de prospection, notamment commerciale, est reconnu
  • La consécration de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), dont la composition est, à une exception près, inchangée, comme l’autorité administrative indépendante chargée du contrôle de la mise en œuvre de la loi. La commission voit ses pouvoirs substantiellement développés ; elle sera, en particulier, dotée de pouvoirs d’investigation, d’injonction et de sanction administrative qui lui permettront d’exercer un contrôle a posteriori sur les traitements de données
  • La rationalisation des formalités préalables exigées pour la création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel : le projet de loi ne distingue plus le régime administratif applicable selon la nature publique ou privée du responsable du traitement. Le régime de droit commun sera celui de la déclaration, qui sera simplifiée pour les modèles de traitement les plus courants. Mais toutes les catégories de traitement dont les finalités ou le contenu présentent des risques particuliers au regard des droits des personnes seront soumises à l’autorisation de la CNIL.
  • Les traitements publics, dits de souveraineté, intéressant la sûreté de l’État, la défense et la sécurité publique, ou les traitements publics utilisant le numéro d’inscription des personnes au répertoire national d’identification des personnes physiques, continuent à faire l’objet d’une autorisation par un décret ou par un arrêté pris après avis de la CNIL

§3 : La loi du 20 juin 2018

La loi n° 2018-493 du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles vise à transposer le « paquet européen de protection des données » adopté par le Parlement européen et le Conseil le 27 avril 2016.

Pour mémoire, ce mémoire se compose :

  • d’un règlement (UE) 2016/679 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel. Applicable notamment à la matière civile et commerciale, il constitue le cadre général de la protection des données. Les obligations prévues par le règlement seront également applicables aux opérateurs installés hors de l’Union européenne et offrant des biens et services aux Européens. Ce règlement est applicable à compter du 25 mai 2018 ;
  • d’une directive (UE) 2016/680 relative aux traitements mis en œuvre à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales. Cette directive doit être transposée d’ici le 6 mai 2018.

Afin d’assurer la transposition de ces deux textes, le Gouvernement français a fait le choix symbolique de ne pas abroger la loi fondatrice du 6 janvier 1978.

Certes, l’adaptation du droit national au règlement et la transposition de la directive exigent de remanier plusieurs articles de cette loi, mais les principes fondateurs dégagés par le législateur il y a près de quarante ans demeurent toujours valables.

À cet égard, la loi du 20 juin 2018 retranscrit les dispositions du règlement qui conforte les droits des personnes physiques sur leurs données à caractère personnel déjà garantis dans la loi du 6 janvier 1978 (notamment le droit d’information des personnes), et en crée de nouveaux comme le droit à l’effacement ou « droit à l’oubli » et le droit à la portabilité des données.

En outre, le règlement uniformise et simplifie les règles auxquelles les organismes traitant des données sont soumis tout en renforçant les garanties offertes par la loi de 1978.

Il prévoit en particulier la réduction des formalités préalables pour la mise en œuvre des traitements comportant le moins de risques, avec le passage d’un système de contrôle a priori de la CNIL, par le biais des déclarations et autorisations, à un contrôle a posteriori plus adapté aux évolutions technologiques.

En contrepartie, la CNIL voit ses pouvoirs de contrôle et de sanctions renforcés avec la possibilité d’infliger des amendes pouvant aller jusqu’à 20 millions d’euros ou 4 % du chiffre d’affaires mondial de l’organisme concerné.

L’émergence du droit des données à caractère personnel: de la loi informatique et libertés au RGPD

I) La genèse

==> Noli me tangere

 Si, comme l’a écrit Nietzche, « notre époque se nourrit et vit des moralités du passé », depuis le début du XXe siècle les défenseurs du principe de laïcité n’ont eu de cesse de combattre ces moralités, afin qu’il soit procédé, comme l’a suggéré Georges Ripert, à « l’élimination complète de la force religieuse dans la création du droit »[1].

Il est, pourtant, une partie de cette force créatrice qui n’a pas succombé ; il s’agit de ce par quoi est maintenue la personne humaine au sommet de la pyramide des valeurs. Sans que les juristes y prêtent, pour la plupart, grande attention, le caractère sacré de la personne, est directement issu de la Genèse.

L’homme y est décrit comme une créature suprême, façonnée à l’image de Dieu. Ainsi, le vieil adage juridique Noli me tangere (ne me touche pas) est-il directement tiré de l’Evangile selon Saint Jean[2], le Christ exhortant Marie-Madelaine de ne pas le toucher afin que la croyance en sa résurrection relève de l’ordre de sa seule foi.

Cependant, comme le souligne Bernard Beigner, à la différence de l’interprétation faite par les théologiens, les juristes ont interprété ces paroles « d’une manière aussi libre et aussi peu théologique que l’adage tiré de saint Luc : « Les lis ne filent pas » pour justifier le principe de double masculinité dans la succession royale au trône de France »[3].

C’est la raison pour laquelle noli me tangere a perdu toute signification évangélique et, après avoir servi de fondement au droit romain[4], est désormais repris par notre droit pour justifier la primauté de la personne humaine sur toute autre considération[5].

En outre, en plus de cette erreur d’interprétation, les juristes se sont livrés à un amalgame, en assimilant, durant des siècles, la personne au corps humain[6], si bien que seul l’être charnel bénéficiait d’une protection juridique.

Il a fallu attendre la fin du XIXe siècle pour que « l’éminente dignité humaine en réfère aussi bien à l’animus qu’au corpus »[7]. C’est précisément à cette époque que certaines voix ont commencé à faire valoir, notamment sous l’impulsion de la doctrine germano-suisse, qu’il serait opportun de créer un droit de la personnalité soit, d’étendre la protection juridique conférée par l’adage noli me tangere, à l’être spirituel.

==> La naissance des droits de la personnalité

En France, c’est le professeur Perreau qui, le premier[8], s’est ouvertement prononcé en faveur d’une telle extension, lorsque, dans un article intitulé « Des droits de la personnalité »[9], il émet l’idée de la reconnaissance de droits – subjectifs – extrapatrimoniaux[10].

Dans un premier temps, cette position est pour le moins accueillie fraichement par la doctrine française. Roubier, par exemple, raille cette théorie de faire état de « droits fantômes conçus par des imaginations déréglées »[11]. Nombreux sont, cependant, les auteurs qui, dans un second temps, se sont ravisés, adhérant massivement à la proposition formulée par Perreau trente ans auparavant[12].

Finalement, pour reprendre une expression de Ripert, c’est la lutte « des forces sociales » qui a eu raison des querelles de juristes. Cette lutte s’est manifestée dans le courant des années soixante par une pléiade de décisions jurisprudentielles qui ont ému l’opinion publique.

À cette période, est en train de naître la presse, dite à « scandale », dans laquelle les lecteurs peuvent lire les frasques des différentes célébrités qui animent la vie publique de l’époque. Peu enclines à laisser paraitre au grand jour des évènements qu’elles jugent relever de leur intimité, certaines d’entre elles décident de requérir les services de la justice afin que cessent ces atteintes dont elles font de plus en plus fréquemment l’objet[13].

Malheureusement, les juges ne disposent guère plus que de l’inusable article 1382 du Code civil pour répondre à leurs attentes. Le vide juridique qui existe en la matière, est comparable à celui que l’on rencontre dans un trou noir[14].

Aussi, le législateur décide-t-il d’intervenir afin que ce vide qui, jusqu’alors, était comblé par les rustines du droit de la responsabilité, le soit, désormais, par le droit de la personnalité.

C’est ainsi, que, par une loi du 17 juillet 1970, a été reconnu, à l’article 9 du Code civil, le droit au respect la vie privée[15].

La protection conférée par l’adage noli me tangere à l’être charnel est étendue à l’être spirituel. Au même moment, l’informatique fait une entrée fracassante dans une société en pleine mutation et met rapidement en évidence, les limites de cette nouvelle législation.

==> Le projet SAFARI

 Bien que les textes qui consacrent le droit à la vie privée soient nombreux[16], la notion de « vie privée » n’est définie par aucun d’eux. C’est pourquoi il est revenu aux juges la tâche d’en délimiter les contours. Si, au fil de leurs décisions, ces derniers ont pu affirmer que toutes les informations relatives à la vie privée sont des informations personnelles[17], ils ont également eu l’occasion de souligner que les données à caractère personnel ne relevaient pas toutes de la vie privée[18].

Force est de constater, comme le souligne Guy Braibant, que « la notion d’atteinte à la vie privée ne permet […] pas d’épuiser tous les cas de méconnaissance des droits des personnes auxquels la mise en œuvre de traitements de données à caractère personnel est susceptible de donner lieu »[19].

La question s’est alors posée de savoir si la protection conférée par le droit au respect de la vie privée, était suffisante quant à protéger l’être informationnel dans son ensemble. Une fois encore, ce sont les forces sociales qui se sont illustrées, lorsque, dans un retentissant article publié dans le journal Le Monde, le journaliste Philippe Boucher dénonce le projet SAFARI (Système Automatisé pour les fichiers administratifs et le répertoire des individus)[20].

Ce projet avait ambition de réaliser une interconnexion générale des différents fichiers administratifs à l’aide de l’identification unique de chaque français. Comme le souligne le titre de l’article, la réalisation d’un tel dispositif aurait eu pour conséquence de sonner l’ouverture de « la chasse aux français ».

Le danger qui guettait les administrés était, en somme, qu’un ordinateur central recoupe chacune de leurs données personnelles, sans qu’ils puissent invoquer un quelconque droit à la vie privée pour l’en empêcher.

Ce droit ne peut, en effet, être exercé que s’il est porté atteinte au libre choix d’une personne de ne pas divulguer une information la concernant. Or tel n’est pas ce que prévoit le projet SAFARI. Celui-ci vise, non pas à permettre une immixtion de l’administration dans l’intimité de ses administrés, mais seulement une interconnexion des données qui lui ont volontairement été divulguées.

Dans cette perspective, Adolphe Touffait, procureur général près la Cour de cassation déclare, à l’époque, que « la dynamique du système qui tend à la centralisation des fichiers risque de porter gravement atteinte aux libertés, et même à l’équilibre des pouvoirs politiques »[21].

II) L’autonomisation du droit des données à caractère personnel

==> La loi informatique et libertés

 En réaction au vent de panique créé par le projet SAFARI, le premier ministre décide, immédiatement, de saisir le garde des sceaux afin que soit créée, en urgence, une commission chargée de formuler des propositions « tendant à garantir que le développement de l’informatique dans les secteurs publics, semi-publics et privés, se réalisera dans le respect de la vie privée, des libertés individuelles et des libertés publiques ».

Le défi lancé à la Commission informatique et libertés est de taille. Comme le fait remarquer Bernard Tricot « il est toujours difficile de bâtir une muraille de Chine juridique sur laquelle viendront s’écraser les assauts de l’informatique ».

Par chance, les travaux réalisés par la Commission sont d’une excellente facture, ce qui permet la rédaction d’un remarquable projet de loi.

Déposé en août 1976, ce projet accouche de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

Par cette loi, la protection conférée par l’adage noli me tangere est étendue à l’être informationnel dans son entier.

Désormais, c’est la personne humaine réunie dans ses trois composantes qui est protégée par le droit. Comme pour remercier le remarquable travail de la Commission qui avait fort bien œuvré, elle est instituée gardienne de la loi informatique et libertés.

À l’image d’une pierre jetée dans l’eau, l’adoption de cette législation, très innovante, a pour effet immédiat de se propager partout en Europe.

Nombre d’États souhaitent, dans le sillage de la France, protéger leurs ressortissants de l’informatique, qui dorénavant est perçue comme « une dévoreuse d’identité, elle capte l’individu sous toutes ses facettes et porte au grand jour des aspects qu’il souhaiterait conserver secret »[22].

==> La propagation internationale du mouvement de protection de la vie privée

Exception faite des États-Unis qui, pour des considérations essentiellement d’ordre économique, préfèrent fermer les yeux sur les dangers qui menacent l’intimité des citoyens américains, de nombreux pays ont, dès le début des années quatre-vingts, pris des mesures concertées, afin que l’appétit de l’ogre informatique à engloutir des données, s’arrête là où commence le droit des personnes à ne pas abandonner les éléments de leur identité.

La première de ces mesures peut être portée au crédit de l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economique), qui adopte le 23 septembre 1980 des lignes directrices destinées à régir la protection de la vie privée et les flux transfrontières de données à caractères personnel.

Quatre mois plus tard, cette organisation internationale est suivie par le Conseil de l’Europe qui adopte, le 28 janvier 1981, la convention pour la protection des personnes à l’égard du traitement des données à caractère personnel[23]. On l’appelle également la convention 108. L’objectif de ce traité est de « garantir sur le territoire de chaque partie, à toute personne physique, quelles que soient sa nationalité ou sa résidence, le respect de ses droits et de ses libertés fondamentales, et notamment de sa vie privée, à l’égard du traitement automatisé de données à caractère personnel la concernant »[24].

Enfin, par une résolution n°45/95 du 14 décembre 1990, l’assemblée générale des Nations Unies[25] apporte une touche d’universalité à ces conventions, dont la portée ne dépasse guère plus les frontières de l’Europe. Pis, seule la convention 108 présente un caractère contraignant[26]. Fort légitimement, on est alors en droit de s’interroger sur l’utilité de proclamer des grands principes, s’il n’existe aucun moyen de les faire appliquer, à plus forte raison lorsqu’il s’agit de garantir des libertés.

Indépendamment de l’impact international provoqué par la loi informatique et libertés, il doit être souligné, comme l’affirme le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 92-316 du 20 janvier 1993, que cette loi participe, avant tout, au système de protection de la liberté personnelle et individuelle[27] ce qui, sans lui conférer une valeur constitutionnelle, « l’enracine en quelque sorte dans le bloc de constitutionnalité qui la vivifie »[28].

==> Le toilettage de la loi informatique et libertés

 La loi informatique et libertés se trouve être à la croisée de nombreuses libertés fondamentales, au-delà même du droit au respect à la vie privée[29].

En témoignent les rapports étroits qu’elle entretient avec le droit bancaire, le droit de la santé, le droit de la consommation, le droit de la communication, le droit de la propriété intellectuelle, ou encore le droit social. Sont ici concernés tous les droits qui appréhendent des secteurs dans lesquels sont collectées et traitées des données à caractère personnel. L’étendue du champ d’application de la loi informatique et libertés apparaît illimitée.

C’est de là qu’est issue la très grande portée de cette loi, laquelle montre une aptitude à se saisir des situations nouvelles créées par les machines. Ces situations « s’étendent à tous les aspects de la vie publique et privée, des activités collectives et individuelles »[30].

Bien que très étendu puisse apparaître le champ d’application de la loi informatique et libertés lors de son adoption, il est, toutefois un évènement qui, assez paradoxalement, va, plus tard, le rendre trop étroit. Quel est cet évènement ? Il s’agit de la naissance de l’internet qui s’est accompagnée, nous l’avons vu, de nouvelles techniques de collectes de données à caractère personnel.

Surtout, ce qui est nouveau, c’est que, une fois collectées, les données peuvent, en quelques clics de souris, circuler d’ordinateur en ordinateur, sans compter que la menace vient désormais, moins de l’administration publique que des agents privés. Naturellement, on ne saurait reprocher au législateur de n’avoir pas anticipé ces phénomènes.

Quoi qu’il en soit, un toilettage de la loi informatique et libertés devient, rapidement, nécessaire. Contrairement, à son élaboration qui s’est faite dans un cadre national, la refonte de cette loi est impulsée par les instances communautaires, qui brandissent – de façon assez discutable – leur compétence quant à connaître de tout ce qui relève de la circulation des marchandises. Or, selon elles, les données à caractère personnel peuvent y être assimilées.

Comment, dès lors, parvenir d’une part, à une harmonisation des législations nationales et, d’autre part, à la libre circulation des données à caractère personnel, tout en garantissant un niveau élevé de protection des libertés individuelles.

 Pour le conseil d’Etat, qui se prononce en assemblée générale, dans un avis du 13 juin 1993, le texte qui va être adopté ne saurait contenir de « dispositions qui conduiraient à priver des principes de valeur constitutionnelle de la protection que leur accorde la loi du 6 janvier 1978 actuellement en vigueur »[31].

De la même manière, dans une résolution de l’assemblée nationale du 25 juin 1993, il est estimé que la Communauté européenne ne peut « justifier son intervention dans la réglementation des traitements des données à caractère personnel qu’à la condition que la réalisation de cet objectif ne nuise pas au haut degré de protection dont doivent bénéficier les personnes physiques à l’égard de ces traitements et encore moins à assimiler ces données à de simples marchandises ».

Fort heureusement, en raison de la grande considération que les instances communautaires portent à la loi informatique et libertés, les recommandations formulées par les autorités françaises, notamment par la CNIL, ont été suivies rigoureusement.

Cela s’est traduit par l’adoption d’une directive, le 24 octobre 1995, qui dispose, dans son dixième considérant, que « […] le rapprochement [des] législations ne doit pas conduire à affaiblir la protection qu’elles assurent mais doit, au contraire, avoir pour objectif de garantir un niveau élevé de protection dans la Communauté »[32]. Par ce texte communautaire est assuré « la protection des libertés et droits fondamentaux des personnes physiques, notamment de leur vie privée, à l’égard du traitement des données à caractère personnel »[33].

En France, il faut attendre près de dix ans pour que cette directive soit transposée. Elle le fut, par une loi du 6 août 2004, qui, sans remplacer la précédente du 6 juillet 1978, a simplement été intégrée à elle.

==> Le RGPD

Une proposition de règlement et une proposition de directive ont été formulées par la Commission européenne le 25 janvier 2012[34], en vue de remplacer respectivement la – déjà obsolète – directive du 24 octobre 1995 et la décision cadre 2008/977/JAI sur la protection des données dans le cadre de la coopération policière et judiciaire[35].

A cet égard, le législateur européen s’est donné pour objectif de renforcer les droits des personnes et le marché intérieur de l’UE, garantir un contrôle accru de l’application de la réglementation, simplifier les transferts internationaux de données à caractère personnel et instaurer des normes mondiales en matière de protection des données.

La France a pris une part très active dans les négociations afin de maintenir et promouvoir son modèle de protection des données qui constitue encore aujourd’hui une référence en Europe et dans le monde.

A l’issue de longues négociations, le Parlement européen et le Conseil ont adopté le « paquet protection des données » le 27 avril 2016, fruit d’un compromis entre les Etats membres de l’Union européenne.

Ce paquet se compose :

  • D’un règlement relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (règlement (UE) 2016/679).
  • D’une directive relative aux traitements mis en œuvre à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales (directive (UE) 2016/680).

Au-delà des exigences propres à la mise en conformité avec le droit européen de la protection des données à caractère personnel, le règlement prévoit plus d’une cinquantaine de marges de manœuvre qui permettent aux Etats membres de préciser certaines dispositions ou d’aller plus loin que ce que prévoit le droit européen.

Certaines de ces marges de manœuvre permettent de maintenir des dispositions déjà existantes dans notre droit national. D’autres, en revanche, peuvent être mises en œuvre afin notamment de prendre en compte l’évolution technologique et sociétale.

Le rapport annuel du Conseil d’Etat de 2014, intitulé « Le numérique et les droits fondamentaux » a souligné la nécessité de repenser la protection des droits fondamentaux afin de mettre le numérique au service des droits individuels et de l’intérêt général.

De même, le rapport d’information déposé par la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République de l’Assemblée nationale a également révélé l’importance des « incidences des nouvelles normes européennes en matière de protection des données personnelles sur la législation française »

Les nouvelles exigences posées par le législateur européen ont été transposées en droit français lors de l’adoption de la loi n° 2018-493 du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles.

[1] G. Ripert, Les forces créatrices du droit, LGDJ, coll. « reprint », 1998, p. 146.

[2] V. en ce sens G. Cornu, Linguistique juridique, Montchrestien, coll. « Domat », 2005, p. 356 ; H. Roland et L. Boyer, Adages du droit français, Litec, coll. « traités », 3éd., Paris, 1992, n°251, p. 533 ; B. Beignier, Droit de la personnalité, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1992, p. 14-15.

[3] Cité in B. Beignier, op. préc., p. 15.

[4] Ulpien affirmait « dominus membrorum suorum nemo videtur » (nul n’est propriétaire de son corps), Digeste, IX-2-13, cité in B. Beignier, op. préc., p. 76.

[5] Selon R. Andorno, « le système juridique repose sur la base de la distinction radicale personnes-choses, qui est une condition sine qua non, non seulement de l’existence du système, mais du respect dû à la personne humaine » (R. Andorno, « Procréations artificielles, personnes et choses », RRJ, 1992, n°1, pp. 13 s.).

[6] J. Carbonnier, Droit civil. Introduction, Les personnes, La famille, l’enfant, le couple, PUF, coll. « Quadrige manuels », 2004, n°4, p.19.

[7] Bernard Beigner, op. préc., p. 7.

[8] Emile Beaussire par son ouvrage « les principes du droit » publié en 1888 et A. Boistel dans son cours de philosophie du droit en 1889 avaient néanmoins déjà développé la notion de droits innés au nombre desquels figurait le droit au respect de l’individualité.

[9] E.-H. Perreau, « Des droits de la personnalité », RTDCiv, 1909, pp. 501 et s.

[10] Perreaufait, par exemple, référence au dommage moral, à la protection du corps et de l’esprit, à l’honneur ou encore au « droit à la liberté ».

[11] P. Roubier, préface in R. Nerson, Les droits extrapatrimoniaux, LGDJ, 1939.

[12] Sans doute est-ce là le résultat de l’influence de Jean Dabin, qui avance dans son ouvrage relatif aux droits subjectifs, que ces deniers incluent, tant les intérêts juridiquement protégés, que les « droits de liberté ». Dans le droit fil de cette idée Roger Nerson, élève de Roubier, écrit plus tard dans sa thèse qu’« un droit extrapatrimonial est un droit dont la fin est de satisfaire un besoin non économique : besoin souvent moral, parfois d’ordre matériel » (R. Nerson, op. préc., p. 6).

[13] V. en ce sens notamment, Aff. Marlène Dietrich, CA Paris, 16 mars 1955, D. 1955, p. 295 ; Aff. Picasso, CA Paris, 6 juill. 1965, Gaz. Pal. 1966, 1, p. 39 ; Aff. Trintignant, CA Paris, 17 mars 1966, D. 1966, p. 749; Aff. Bardot, TGI Seine, 24 nov. 1965, JCP G 1966, II, 14521, puis CA Paris, 27 févr. 1967 : D. 1967, p. 450, note Foulon-Piganiol.

[14] R. Badinter, « Le droit au respect de la vie privée », JCP G, 1968, I, 2136, n° 12.

[15] Article 9 de la loi n°70-643 du 17 juillet 1970 : « chacun a droit au respect de sa vie privée ».

[16] On peut citer l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, l’article 7 de la Chartes des droits fondamentaux de l’Union Européenne ou encore l’article 1er de la Directive Directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques JO 31 juillet 2002, L. 201, pp. 37-47.

[17] Comme le souligne Emmanuel Derieux « à défaut d’une définition légale précise de la vie privée […], c’est dans la jurisprudence, tant antérieure que postérieure à la loi de 1970 que l’on doit chercher la signification ou l’interprétation de cette notion. […] On considère généralement – encore que cela puisse varier selon les circonstances et l’identité des individus concernés – que relèvent de la vie privée d’une personne : sa vie sentimentale ; ses relations amicales ; sa situation de famille ; ses ressources et moyens d’existence ; ses loisirs […] ; sens opinions politiques ; son appartenance syndicale ou religieuse ; son état de santé ; le mode d’éducation choisi pour ses enfants ; son adresse […] » (E. Derieux, Droit des médias. Droit français, européen et international, LGDL, coll. « Manuel », 2008, n°1803-1804, p. 583).

[18] On pense notamment aux données relatives au patrimoine, à la confession ou encore à la profession.

[19] G. Braibant, Rapport Données personnelles et société de l’information. Transposition en droit français de la directive numéro 95/46, La documentation française, coll. « rapports officiels », 1998, p. 7. V. également sur la notion d’atteinte à la vie privée, B. Beignier, « Vie privée et vie publique », Légipresse, sep. 1995, n°124, pp. 67-74 ; O. d’Antin et L. Brossollet, « Le domaine de la vie privée et sa délimitation jurisprudentielle » Légicom, octobre 1999, n° 20, pp. 9-19 ; J. Curto, « La fin justifie-t-elle les moyens ? De la notion de vie privée et de la preuve déloyale » Revue Lamy Droit Civil, avr. 2012, n°92, pp. 55-56.

[20] Ph. Boucher, « Safari ou la chasse aux Français », Le Monde, 21 mars 1974.

[21] A. Touffait, Discours du 9 avril 1973 devant l’Académie des Sciences morales et politiques, cité in Ph. Boucher, art. préc.

[22] D. Pousson, « L’identité informatisée », in L’identité de la personne humaine. Étude de droit français et de droit comparé, Bruylant, Bruxelles, 2002, p. 373.

[23] Cette convention a été complétée par un amendement adopté le 15 juin 1999, lequel prévoit l’ouverture à la signature de l’Union européenne et par un protocole additionnel relatif aux autorités de contrôle des flux transfrontières de données à caractère personnel.

[24] Article 1er de la convention 108, publiée par le décret n°85-1203 du 15 novembre 1985, JO 20 nov., p. 13436

[25] Résolution 45/95 du 14 décembre 1990 adoptée par l’assemblée générale des Nations Unies relative aux principes directeurs pour la règlementation des fichiers personnels informatisés.

[26] La convention 108 prend directement sa source dans la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales laquelle est d’application directe. L’arrêt du Conseil d’État du 18 novembre 1992 semble aller en ce sens (CE, 18 nov. 1992, Licra, AJDA 1993, n°3, p. 213, note Letterson).

[27] Décision n° 92-316 DC du 20 janvier 1993, JORF n°18 du 22 janvier 1993 p. 1118.

[28] A. Lucas, J. Devèze, J. Frayssinet, op. cit. note n°100, n°41, p. 28.

[29] Ibid.

[30] P. Laroque, « Informatique et libertés publiques », in Techniques de l’Ingénieur, Fascicules H 8770, éd. Techniques, 1970.

[31] V. en ce sens, Les grands avis du Conseil d’État, Paris, LGDJ, 1997, p. 399, note de B. Stirn.

[32] Directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, JO 23 nov. 1995, L. 281, pp. 31-50.

[33] Article 1er, 1° de la directive 95/46/CE.

[34] Communication de la Commission « une approche globale de la protection des données à caractère personnel dans l’Union européenne », 4 novembre 2010, COM(2010)609 final.

[35] Décision-cadre 2008/977/JAI du Conseil du 27 novembre 2008 relative à la protection des données à caractère personnel traitées dans le cadre de la coopération policière et judiciaire en matière pénale, J.O.C.E. L 350 du 30 décembre 2008.