Le financement de la sécurité sociale par les marchés financiers et la loi spéciale

Résumé.

Après que l’Assemblée nationale a voté la censure du Gouvernement, il est affirmé que les pouvoirs publics peuvent tout à fait se passer d’une loi de financement de la sécurité sociale. C’était mal connaître les modalités de financement de notre système de sécurité sociale et le rôle décisif des banques centrales et des marchés financiers.

Article.

Après que la responsabilité du Gouvernement sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 a été engagée le 04 décembre 2024 et que la motion de censure a été adoptée, nous avons renoué, pour la troisième fois depuis 1958, avec un government shutdown à la française, qui signale sinon un arrêt des activités gouvernementales à tout le moins un ralentissement net à la suite d’un désaccord sur le budget à l’exception des services dits essentiels à savoir, pour ce qui nous concerne, la sécurité sociale.

Pour prévenir l’aggravation de la crise politique et rassurer tout un chacun, les pouvoirs publics affirment qu’il n’y a pas lieu de s’alarmer, que les engagements contractés par les administrations de sécurité sociale seraient tenus, que les professionnels de santé seraient payés de leurs diligences, que les usagers seraient remboursés. Et d’ajouter que l’absence de LFSS n’est pas si problématique qu’on l’imagine dans la mesure où il s’agit techniquement moins de voter les recettes et les dépenses que leur hauteur probable et souhaitable. La précision est certes vraie. Seulement voilà les prestations de sécurité sociale ne peuvent être servies avec le produit des seules cotisations, impôts et taxes affectés ni les dépenses de fonctionnement assumées malgré l’ingénierie tout à fait remarquable qui a été inventée pour garantir au quotidien l’alimentation en trésorerie des organismes (art. D. 225-1 et s. css). Pour le dire autrement, le modèle de protection sociale que nous avons choisi ne peut se passer de tiers financeurs, à savoir les banques centrales et les opérateurs de marchés financiers (ni des organismes complémentaires d’assurance maladie qui seront mis à plus forte contribution encore sur la période). Or l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), qui pilote la trésorerie des caisses (art. L. 225-1 css), ne peut se fournir en argent sur les marchés (au moyen de l’émission de dettes à terme) qu’avec l’autorisation du Parlement (art. LO 111-3-4, e et L. 139-3 css). Où l’on constate que prester ou payer à crédit complique passablement l’affaire dans le contexte.

Après qu’il a fallu s’assurer qu’un Gouvernement démissionnaire avait la capacité juridique de procéder (CE, avis, 9 déc. 2024, n° 409081, points 5 et 6)., une loi spéciale aux fins de continuation de la vie nationale et du fonctionnement régulier des services publics est adoptée en urgence (Ass. natio., 12 déc. 2024, rapport de Courson, n° 719). Pareille loi ne remplace certes pas le budget mais elle autorise la perception des impôts et des ressources publiques nécessaires au financement des dépenses publiques essentielles. En application de l’articles 47, alinéa 4 de la Constitution du 4 octobre 1958 et de l’article 45 de la LOLF, des organismes de sécurité sociale sont autorisés à « recourir à des ressources non permanentes dans la seule mesure nécessaire à la couverture de leurs besoins de trésorerie » (loi n° 2024-1188 du 20 déc. 2024 spéciale prévue par l’article 45 de la loi organique du 1er aout 2001 rel. aux lois de finances, art. 4. Loi faite à Mamoudzou où quand une crise chasse l’autre). Pour l’année 2025, et pour ce qui concerne l’ACOSS, le projet de loi de financement de la sécurité sociale fixe le plafond d’emprunts à 65 milliards d’euros (art. 13). A titre de comparaison, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 avait plafonné l’encourt à 45 milliards d’euros (art. 35 de la loi n° 2023-1250 du 26 déc. 2023).

La « financiarisation » est le troisième levier d’abondement en argent des organismes, institutions et opérateurs de sécurité sociale avec le prélèvement de cotisations sociales et l’imposition. Ce n’est pas toujours bien su mais la France est l’un des premiers émetteurs mondiaux de titres financiers. C’est la raison pour laquelle il importe de rassurer les bailleurs de fonds, qui sont sensibles aux évaluations qui sont faites des risques contractés par la France (Moody’s, Standard and poor’s, Fitch) et à la volonté politique de contenir la dette publique dans laquelle la dette des administrations de sécurité pèse près de 10 %. Bailleurs tout à fait avisés du patrimoine économique national, qui se monte tout de même à plus de 18 600 milliards d’euros (https://www.insee.fr/fr/statistiques/8305990).

L’abondement en argent des organismes de sécurité sociale et des organismes partenaires (900 en tout) est quotidien car la thésaurisation des caisses prestataires est proscrite (art. D. 225-1 et D. 225-2-1, al. 2 c. sécu. soc.). C’est par voie de conséquence une préoccupation qui oblige. S’il arrivait que la résilience de l’assureur public des risques et charges de l’existence était prise en défaut, que la garantie des travailleurs et de leurs familles, souscrite le 04 octobre 1945 par l’Etat, devait être défaillante, que les employeurs n’étaient plus accompagnés dans leurs efforts de développement économique, la confiance serait rompue et la paix sociale vacillante. Il importe donc aux femmes et hommes en responsabilité de trouver les fonds en toute circonstance (aux meilleures conditions) peu important que l’environnement soit incertain, que les risques pleuvent tous azimuts : risques géopolitiques du fait de l’augmentation des conflits ; risques économiques du fait de l’inflation ; risques financiers du fait de la variation des taux d’intérêt et du stress des opérateurs et des marchés.

Il faut se rendre compte que l’ACOSS a la responsabilité de plus de 2.500 milliards d’euros de flux annuels, de 750 millions d’opérations réalisés par un pool bancaires constitué de 20 partenaires. Charge pour chacun des partenaires concernés d’assurer la couverture des risques : prévention du défaut de liquidités et de la défaillance des systèmes d’information financiers. Un enjeu : sécuriser la trésorerie quelques semaines durant. Où l’on comprend alors combien le transfert du gros de la dette, qui a été accumulée, vers la CADES est également pensé pour améliorer ladite trésorerie.

L’on pense assez souvent que la Caisse d’amortissement de la caisse sociale fonctionnerait à la manière d’un compte en banque sur lequel les éléments d’actif et de passif enregistrés se compenseraient simplement. Seulement voilà le produit de la contribution au remboursement de la dette sociale, qui est affecté à la caisse nationale est très insuffisant pour couvrir l’encours de dette. Aux instruments de financement de la dette (que sont notamment les obligations), il faut alors ajouter les instruments de placements financiers dont les rendements ont précisément pour objet l’extinction de la dette sociale. Au résultat, La CADES a désormais amorti 258 milliards d’euros sur les 396 milliards d’euros repris depuis sa création en 1996, soit les deux tiers de la dette sociale qui lui a été transférée.

En résumé, aussi importante que soit la dette sociale, qui a été accumulée (276,6 milliards d’euros / 2024T1), elle n’est structurellement pas un empêchement rédhibitoire car elle tient pour une bonne part à des considérations très conjoncturelles et qu’en tout état de cause les pouvoirs publics ont les moyens de l’amortir, à tout les moins les ont-ils encore.

(Article publié in l’Argus de l’assurance, janv. 2025)

Civ. 2, 30 janv. 2025, n° 22-19.660 : Expatriation et couverture de la faute inexcusable de l’employeur

Résumé

La Caisse des Français de l’étranger n’est pas une caisse de sécurité sociale comme les autres. Pour preuve, si un salarié expatrié est victime de la faute inexcusable de son employeur, qui a participé à la maladie dont il est atteint, alors la CFE n’a pas à faire l’avance des indemnités majorée. En bref, le salarié privé de toute solidarité de métier se retrouve à devoir supporter seul les dépenses afférentes aux suites de la maladies professionnelles et possiblement à la sauvegarde de sa dignité. Il aura fallu deux décisions rendues par la Cour de cassation dans la même affaire pour imposer la solution à la Cour d’appel de Rennes entrée en opposition frontale avec la cour régulatrice.

Commentaire.

En l’espèce, un salarié déclare une maladie qui renseigne une exposition à l’amiante dont le caractère professionnel est reconnu par la caisse de sécurité sociale. Il introduit dans la foulée une action en reconnaissance du caractère inexcusable de la faute commise par son employeur. Dans le cas particulier, la victime est un salarié expatrié, qui a souscrit une assurance volontaire (au sens de l’article L. 762-8 c. sécu. soc.) « accident du travail et maladies professionnelles » auprès de la Caisse des Français de l’étranger (CFE). C’est la variable de complication de l’affaire.

Comprenons bien : le salarié concerné n’étant plus soumis à la législation française de sécurité sociale (en application du principe de territorialité de l’article L. 111-2-2 c. sécu. soc.), l’intéressé était tout à fait libre de contracter avec l’assureur privé ou public de son choix pour autant qu’il satisfasse naturellement les conditions fixées au contrat projeté ou bien les dispositions légales édictées par le pays d’accueil aux fins de couverture du risque professionnel. Dans le cas particulier, le salarié préfère exercer la faculté qui lui est offerte de s’assurer volontairement contre les risques professionnels auprès de la CFE (art. L. 762-2 c. sécu. soc.). I

Le différend, qui a nécessité que la Cour de cassation se prononce à deux reprises dans cette affaire, est né du refus de la CFE de faire l’avance des indemnités majorées en raison de la faute inexcusable de l’employeur, ce qui est pourtant une obligation qui pèse sur les caisses primaires d’assurance maladie ( L. 452-2, al. 6 c. sécu. soc.) et les mutualités sociales agricoles (art. L. 452-2, al. 6 c. sécu. soc. sur renvoi de l’art. L. 751-7 c. rur.).

La question est donc posée de savoir au fond si la CFE est une caisse de sécurité sociale comme les autres ou pas ?

Saisie, la Cour d’appel de Rennes répond dans un premier arrêt par l’affirmative (9e ch., 26 sept. 2018). Et de conclure par voie de conséquence à l’obligation faite à la CFE de payer la majoration due tout en privant en revanche cette dernière de son droit à récupérer le capital représentatif auprès de l’employeur. Qu’on ne se méprenne pas : la Cour d’appel de Rennes ne prive pas discrétionnairement la CFE d’un droit subjectif au remboursement. L’infraction à l’article L. 452-2, al. 6 c. sécu. soc. aurait été bien trop frontale. Non, il s’avère simplement (ou pas) que les règles qui fixent l’organisation et le fonctionnement de la CFE, qui sont renfermées dans un titre IV du Livre VII « Régime divers – dispositions diverses » du Code de la sécurité sociale, n’accorde aucune subrogation légale à la caisse. Dans la mesure où, il ne saurait y avoir de paiement par subrogation sans texte (art. 1346 c.civ.), et que manifestement aucune subrogation conventionnelle n’a été stipulée, la Cour d’appel de Rennes semble articuler convenablement le régime d’indemnisation des risques professionnels, les règles spéciales de couverture des salariés expatriés victimes d’une maladie et les principes directeurs du droit civil des obligations.

Dans un arrêt rendu le 16 juillet 2000 (n° 18-24.942), la Cour de cassation n’est pourtant pas de cet avis, qui casse une première fois l’arrêt au visa de l’article au visa des articles L. 762-1 et L. 762-8 c. sécu. soc. en ce que si l’assurance volontaire qui a été souscrite donne droit à l’ensemble des prestations prévues par le livre IV, c’est à l’exclusion de l’indemnisation des conséquences de la faute inexcusable de l’employeur. Et la deuxième Chambre civile de se réunir en formation de section et d’ordonner qu’une large diffusion soit donnée à sa décision (FS-P+B+I). Désignée en qualité de cour de renvoi, la Cour d’appel de Rennes s’obstine pourtant dans son analyse et entre en voie de résistance manifeste (CA Rennes (9e ch., 1er juin 2022).

C’est la raison pour laquelle – fait suffisamment rare pour être souligné – la Cour de cassation tranche définitivement le litige et ne renvoie pas une seconde fois l’affaire pour qu’il soit jugé au fond. Au vu de la situation particulière, la deuxième Chambre civile aurait peut-être gagné à enrichir sa décision et ne pas se contenter ou presque de reproduire mot à mot le chapeau intérieur. L’exercice tenant trop sûrement de la gageure, l’arrêt est promis au rapport annuel. L’occasion sera donc donnée de revenir sur le cas particulier.

C’est que le raisonnement de la victime tiré d’une application par analogie des textes applicables aux caisses primaires d’assurance maladie et mutualités sociales agricoles, qui a convaincu la Cour d’appel de Rennes, était assez séduisant. Un article D. 461-24 c. sécu. soc. dispose en effet : « conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 431-1 et des articles L. 432-1 et L. 461-1, la charge des prestations, indemnités et rentes incombe à la caisse d’assurance maladie ou à l’organisation spéciale de sécurité sociale à laquelle la victime est affiliée (…) » tandis qu’un second texte – l’article L. 762-8, alinéa 2 du code de la sécurité sociale – dispose que « l’assurance volontaire accidents du travail et maladies professionnelles donne droit à l’ensemble des prestations prévues par le livre IV ». L’application cumulée semblait fonder la condamnation de la CFE à faire l’avance des indemnités majorée (pendant que les textes relevés plus haut semblaient bien la priver de toute subrogation).

Mais c’est une autre combinaison qui a été choisie, qui tient compte de l’économie générale de la Caisse des Français de l’étranger, qui a été possiblement omise au nombre des variables qu’il s’agissait d’articuler, ou dont la considération a été jugée moins déterminante que le triste sort réservé au salarié concerné en l’espèce.

A la différence d’une caisse primaire d’assurance maladie ou bien d’une mutualité sociale agricole, la CFE est gestionnaire d’une assurance volontairement contractée par le salarié expatrié, qui est seul tenu au paiement de la dette de cotisation à l’exclusion de l’employeur par voie de conséquence. Que ce dernier décide spontanément de payer la dette du salarié (Soc., 27 nov. 2013, n° 12-23.603, inédit) ou bien qu’une convention collective l’y contraigne (Soc., 19 sept. 2007, n° 05-41.156, inédit – 26 juin 2013, n° 12-13.046, inédit), cela n’a pas pour effet de lier juridiquement la CFE et l’employeur. La solution serait du reste la même si le salarié ne disposait pas de la totalité des ressources nécessaires pour acquitter sa cotisation et que la CFE décidait de prendre en charge le reliquat sur son budget de l’action sanitaire et sociale (art. L. 762-6-5, al. 1 c. sécu. soc.. V. par ex. arr. du 21 déc. 2018 fixant le niveau de prise en charge des cotisations par le budget de l’action sanitaire et sociale de la Caisse des Français de l’étranger pour la troisième catégorie de cotisants : soit 1/3 de la cotisation).

En bref, il n’appartient donc pas à la caisse de couvrir le risque accident ou maladie aggravé par la faute inexcusable de l’employeur, risque qui n’est pas entré dans le champ contractuel. Et si aucune subrogation légale n’a été accordée à la CFE, c’est très précisément parce que cette dernière ne paie pas la dette de l’employeur mais la sienne propre née de la conclusion du contrat d’assurance.

Ceci étant dit, et le commentaire ne devrait pas plus convaincre la Cour d’appel de Rennes que la décision sous étude : le caractère sui generis de la CFE tourne au préjudice du salarié, qui est la partie faible au contrat qu’il s’agit pourtant de protéger. En pratique, c’est bien le salarié qui va supporter le risque d’opposition de son employeur voire le risque d’insolvabilité. La Cour de cassation, qui complète ici sa décision au regard du premier arrêt, indique que le salarié « dispose (…) du droit d’agir à l’encontre de son employeur, sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile contractuelle, pour obtenir la réparation des préjudices causés par le manquement de ce dernier à son obligation de sécurité » (point n° 9). Pour le dire autrement : c’est donc sur ses derniers propres qu’un salarié victime d’une exposition à l’amiante devra supporter les suites de la faute inexcusable de son employeur tant qu’un accord n’aura pas été trouvé ou bien une décision passée en force de chose jugée n’aura pas été rendue.

Cette situation n’est pas du tout conforme au droit des risques professionnels. Non seulement, le salarié victime d’une maladie professionnelle, en situation de fragilité relative du fait de l’expatriation, n’est pas traité à l’identique de ses collègues relativement aux risques professionnels, qui doit faire l’avance des fonds nécessaires à la sauvegarde de sa dignité, mais il peut en outre se retrouver en situation de transiger tandis qu’il n’est pas dans une position égale en termes de puissance avec son co-contractant, le tout en violation de l’article. L. 482-4, al. 1 c. sécu. soc. qui dispose que « toute convention contraire au présent livre (IV) est nulle de plein droit ».

La CFE est en capacité de garantir le salarié contre sa propre difficulté financière au stade de la conclusion du contrat. Pour quelle raison ne serait-elle pas en capacité de le garantir contre l’insolvabilité du tiers responsable au jour de l’exécution du contrat d’assurance ? A ces questions, il sera répondu que la CFE n’en a tout simplement pas les moyens car le régime, qui doit être équilibré en recettes et dépenses (art. R. 766-57 c. sécu. soc.) est abondé en argent grâce aux seules cotisations payées par les adhérents salariés (art. R. 766-58 c. sécu. soc.), exception faite d’une subvention annuelle qui contribue au financement du budget de l’action sanitaire et sociale art. R. 766-58-1 c. sécu. soc. Admettons. Au fond, s’il est une raison à cette solution sévère pour le salarié, elle n’est pas exclusivement d’ordre technique. Pour paraphraser une formule usitée par le Conseil constitutionnel, il s’avère que la Cour de cassation ne dispose (très vraisemblablement) pas d’un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement (J. Bourdoiseau, L’évolution de la responsabilité de l’entreprise dans la survenance du risque professionnel d’une dette d’argent de l’employeur à une créance de réparation du salarié ? Dr. social févr. 2025.178). Charge revient donc au législateur tout à fait informé à présent de remettre ou pas l’ouvrage sur le métier.

(Article publié in Dalloz actualité févr. 2025)

La sécurité sociale : le financement

Mission impossible ?- Le financement de la protection sociale et plus particulièrement des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale est un défi ! Très longtemps assuré par le recouvrement essentiellement de cotisations, il est désormais assuré par le prélèvement de l’impôt et le recours à la finance. Les difficultés financières sont bien connues.

Il faut dire que le spectre des prestations servies est très large. En 2019, les dépenses de sécurité sociale se chiffrent à 470 milliards d’euros (tandis que, par comparaison, le budget de l’État se monte à 350 milliards), soit 25 % de la richesse nationale. Comme on l’imagine volontiers, c’est la branche maladie qui pèse le plus lourdement dans les dépenses du régime général (51,9 %). Un rapide focus sur les dépenses de santé permettra de se rendre un peu mieux compte de ce qui se joue en général. Chose faite, les leviers qui sont actionnés pour assurer le financement de la sécurité sociale devraient être plus faciles à comprendre.

Dépenses de santé.- Le rythme de croissance des dépenses de santé n’a cessé de croître depuis 1950. La part de la consommation de soins et de biens médicaux (CSBM) dans le PIB a plus que triplé, passant de 2,6% en 1950 à 8,9 % en 2014. Ce rythme n’a pas été continu. La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), dont le job est de fournir aux décideurs publics, aux citoyens, et aux responsables économiques et sociaux des informations fiables et des analyses sur les populations et les politiques sanitaires et sociales, distingue deux périodes.

1950-1985 : développement de l’offre de soins et élargissement du financement des dépenses de santé dans le contexte économique très favorable des Trente glorieuses. Le financement public joue un rôle central dans le développement du système de santé. La couverture maladie se généralise. Les composantes de la CSBM sont dynamiques, comme on dit dans les ministères. La dépense hospitalière connaît un fort taux de croissance : on construit des hôpitaux, le nombre de médecins augmente, le recours aux spécialistes est plus important, les innovations technologiques sont nombreuses. La demande est mieux solvabilisée grâce au développement des assurances complémentaires. Les volumes de consommation des médicaments font un bond (10,4 % en moyenne annuelle).

1986-2014 : recherche d’une meilleure maîtrise du système et de son financement dans un contexte de croissance économique ralentie. Années 1970, c’est le retournement de la conjoncture. Les pays exportateurs de pétrole prennent conscience de leur position de force. Le prix du baril s’envole. À la fin de l’année 1973, au lendemain de la guerre du Kippour entre Israël et les états voisins, les pays du Golf réduisent leur production en guise de rétorsion. En quelques semaines, le baril de pétrole passera de 4 à 16 dollars. Les économies occidentales ne parviennent pas à compenser une telle augmentation. C’est le 1er choc pétrolier. La croissance s’effondre et le chômage de masse fait son apparition. Les recettes sont moindres tandis que, dans le même temps, les patients sont mieux pris en charge notamment en affection de longue durée (ALD) pendant que le vieillissement de la population pèse sur les dépenses. L’effet de ciseau est imparable. Les comptes de l’assurance maladie se retrouvent régulièrement en déficit. Années 1980, les plans de redressement se succèdent. Les cotisations augmentent. Des mesures de régulation de la dépense sont prises. L’évolution de la CSBM alterne des périodes de croissance et de stabilisation. Entre 1985 et 1995, la croissance de la CSBM est soutenue : le secteur 2 se développe pour les médecins spécialistes (et les dépassements d’honoraires par la même occasion), le nombre de patients en ALD augmente. La tendance est notablement haussière. En 1996 (ordonnances dites Juppé), on invente l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) qui cape l’augmentation de la dépense. 2004, mise en place de la tarification à l’activité pour les soins hospitaliers (T2A – les ressources allouées par le ministère à chaque établissement de santé sont calculées à partir d’une mesure de l’activité produite conduisant à une estimation de recettes), instauration de participations forfaitaires et de franchises pour les soins de ville, déremboursement de médicaments, renforcement de la maîtrise médicalisée. En 2019, la CSBM s’élevait à 208 milliards d’euros (dépense hospitalière 47 % soit 91 milliards. Soins de ville 56,5 milliards d’euros. Médicaments prescrits en ambulatoire 32,6 milliards). Ceci étant, le taux de croissance de la consommation de soins et de biens médicaux se stabilise autour de 2%.

À noter que l’ONDAM n’est pas simplement qu’un vulgaire objectif de dépenses à ne pas dépasser en matière de soins de ville et d’hospitalisation (annexe 7 du projet de loi de financement de la sécurité sociale). Un comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie veille. Et il doit alerter le Parlement, le Gouvernement, les caisses nationales et l’union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire (UNOCAM) en cas d’évolution des dépenses incompatibles avec le respect de l’objectif voté par le Parlement (art. L. 114-4-1 css). L’affaire se complique si le comité considère qu’il existe un risque sérieux que les dépenses dépassent l’objectif assigné : les caisses d’assurance maladie doivent alors proposer aussitôt des mesures de redressement.

On imagine sans peine la hauteur des ressources qu’il faut trouver chaque année pour couvrir les dépenses de sécurité sociales. Le financement du système français de sécurité sociale est traditionnellement fondé sur des cotisations. Il fait désormais appel, pour une part qui va crescendo, à l’impôt. C’est que le régime général est confronté à de grandes difficultés financières. La Cour des comptes, dans le cadre de sa mission constitutionnelle d’assistance du Parlement et du Gouvernement, s’en inquiète chaque année à l’occasion de la publication de son rapport annuel sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale (Code des juridictions fin., art. L.O. 132-3 ; C. sécu. soc., art. L.O. 111-3, al. 8). La fiscalité affectée au financement des organismes de sécurité sociale est demeurée longtemps marginale. Elle atteint une dimension significative à partir des années 2000, lesquelles années ont été marquées par l’impact croissant des allègements et exonérations de cotisations et/ou de contributions sociales sur les recettes de la sécurité sociale. Dans ce cas de figure, la loi oblige l’État à compenser intégralement les réductions de charges sociales et patronales qu’il a consenties (art. L. 131-7 css in mesure visant à garantir les ressources de la sécurité sociale). Seulement voilà : il s’est abstenu….

Depuis 2006, on constate une constante progression des impôts et taxes affectés au financement de la sécurité sociale (ITAF). Ceci étant, le prélèvement social prime encore le prélèvement fiscal. Dit autrement, les cotisations sociales occupent toujours une place prépondérante dans le financement de la protection sociale (61,4 % soit près de 400 milliards d’euros).

1.- Les cotisations

L’assiette des cotisations (1.1). La charge des cotisations (1.2).

1.1.- L’assiette des cotisations

Inclusion.- Traditionnellement, les cotisations ont pour assiette (c’est-à-dire les valeurs de référence qui servent au calcul des cotisations de sécurité sociale) les salaires ou rémunérations.

Le siège de la matière est le très prolixe article L. 242-1 css. : « pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail, et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail ». Et l’article de viser une liste non exhaustive de rémunérations. C’est ce texte – qui fait office de clef de voute en quelque sorte – qui fonde le fameux contrôle comptable d’assiette des inspecteurs chargés du recouvrement (Urssaf).

Largement formulé, le texte atteste la volonté du législateur d’étendre autant que possible les bases du financement de la sécurité sociale. Les marqueurs d’extension que renferme ce texte ne sont pas sans rappeler la rédaction de l’article L. 311-2 css (voy. l’article « Les assurés sociaux et les régimes de protection sociale »). Il faut y voir le rappel sans équivoque de la volonté globalisante du système de sécurité sociale.

La notion de rémunération a donné lieu à un abondant contentieux. Soucieuse de respecter l’esprit de la loi, la Cour de cassation a interprété largement la notion. Aux termes d’un arrêt rendu en Assemblée plénière, la Cour régulatrice considère qu’« est considérée comme une rémunération (…) toute somme allouée aux travailleurs d’une entreprise, même à titre bénévole ou à l’occasion de circonstance totalement étrangères au travail, dans la mesure où le versement est effectué en raison de la seule qualité de salarié des intéressés » (Ass. Plén., 31 mai 1989, Bull. n° 1). Les cotisations frappent donc le salaire proprement dit, mais aussi tous les avantages en espèce, à savoir toutes les primes ou gratifications qui sont liées aux conditions de travail ou d’emploi ou à l’appartenance du salarié à l’entreprise.

L’assiette est comprise le plus largement possible. L’interprétation constante de l’article L. 242-1 css ne limite pas les prélèvements sociaux à l’hypothèse ordinaire où c’est l’employeur qui verse les rémunérations. Toutes les primes versées par un tiers sont réintégrées dans l’assiette des cotisations…à la condition bien entendu qu’elles constituent pour les salariés un complément de rémunération. Ainsi, les avantages en espèce servis par un comité social et économique, qui le sont à raison de l’appartenance du salarié à l’entreprise et qui sont servis à l’occasion du travail relèvent en principe des cotisations. Les avantages en nature – à tout le moins ceux accordés par l’employeur (mise à disposition d’un bien ou d’un service à titre gratuit ou moyennant une participation du salarié inférieure à la sa valeur réelle) – n’échappent pas à la règle. Ils sont soumis à cotisation. La difficulté en la matière consiste à les évaluer. Leur traduction pécuniaire est un préalable au calcul des cotisations. Un ensemble de circulaires règle le sort de ces avantages[1]. Tantôt, la cotisation est réelle. Elle consiste alors à évaluer l’avantage en nature au plus près de valeur réelle (Arr. 10 déc. 2002). Tantôt, elle est forfaitaire (ex. : mise à disposition d’un logement ou d’un véhicule, fourniture de nourriture par ex.).

Exclusion.- Des sommes sont toutefois exclues de l’assiette des cotisations. C’est le cas des indemnisations à condition qu’elles aient pour objet de compenser un préjudice : indemnité de licenciement (sous certaines conditions) et indemnités allouées à l’occasion de la réduction du temps de travail notamment. On compte aussi les frais professionnels, les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de retraite et de prévoyance. L’article L. 242-1 css est en ce sens. Sont encore exclues de l’assiette des cotisations les sommes allouées au titre de l’intéressement ou de la participation (art. L. 3312-4 c. trav.).

1.2. La charge des cotisations

Les cotisations assises sur les revenus professionnels et de remplacement ont historiquement été supportées par les travailleurs et les employeurs. Désormais, les cotisations ne sont plus partagées mais sont exclusivement supportées par les uns ou les autres. Subsiste une exception à la règle : les cotisations d’assurance vieillesse. Faisons un premier tour d’horizon des cotisations de sécurité sociale.

Cotisations des assurances sociales. – La charge partagée était la règle pour le paiement des cotisations d’assurance maladie, maternité, invalidité et décès (art. D. 242-3 css) – c’est la règle qui a été décidée lorsque le législateur a organisé la généralisation de la complémentaire santé en 2013 (loi n° 2013-504 de sécurisation de l’emploi 14 juin 2013) – . C’est que, à l’origine, les assurances sociales étaient réservées aux travailleurs les plus modestes, qui étaient dans l’incapacité matérielle d’assumer seuls la charge des cotisations. Un partage était alors fait, qui était à parts égales. Pour le dire autrement, le taux des cotisations patronales et salariales était identique (4 %). Avant que le partage ne soit supprimé et qu’il soit décidé que cette charge serait supportée par les seuls employeurs (loi n° 2017-1836 du 30 déc. 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018, art. 8), le partage était pour le moins inégal. L’article D. 242-3, al. 1er css disposait que « le taux de cotisation des assurances sociales (…) est fixé à 13,55 %, soit 12,80 à la charge de l’employeur et 0,75 % à la charge du salarié ou assimilé, sur la totalité des rémunérations ou gains de l’intéressé ». Le taux de cotisation des assurances sociales affectée aux risques maladie, maternité, invalidité et décès est désormais fixé à 13%. Il est de 7% au titre des rémunérations annuelles ne dépassant pas 2,5 smic.

À noter que des individus, qui se retrouvent dans une situation particulière, restent très exceptionnellement tenus au paiement de cette cotisation (taux aux alentours de 5,5 %). Ils sont visés à l’article D. 242-3, al. 2 css. Ce sont notamment les personnes qui, sans être sans droit ni titre sur le territoire (qui relèveraient alors de l’AME. Voy. l’article « Les assurés sociaux »), ne remplissent pas les conditions de résidence de l’article L. 136-1 et qui bénéficient pourtant, à titre obligatoire, de la PUMa. C’est le cas des personnes non domiciliés fiscalement en France et des « salariés non résidents actifs ».

Une autre catégorie de personnes reste tenue au paiement des cotisations des assurances sociales. Ce sont les salariés qui résident dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. Le régime local de couverture des risques et charges de l’existence y est particulier (2020 : part salariale : 1,5% / part patronale : 13%). C’est en quelque sorte la survivance du régime bismarkien. Pour mémoire, ces territoires ont été rattachés à l’empire Allemand de 1871 à 1918. La population a donc bénéficié des lois de Bismarck (voy. l’article « La sécurité sociale : tour d’horizon »). Le décret n° 46-1428 du 12 juin 1946 a maintenu ce régime à titre provisoire. La loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991 l’a pérennisé (voy. not. F. Kesler, L’assurance maladie en Alsace-Moselle : des origines à nos jours, 2ème éd., IRJS éd., 2013).

Cotisations d’accidents du travail et maladies professionnelles. – Les employeurs supportent seuls la charge des cotisations dues au titre des AT-MP (art. L. 241-5, al. 1er css). Des raisons historiques et logiques imposent ce sort. Les accidents du travail (AT) et les maladies professionnelles (MP) sont un risque créé par l’entreprise. À ce titre, il ne paraît pas incongru d’en faire supporter le poids aux employeurs.

La loi réserve toutefois à ce dernier nombre de facilités pour alléger sa lourde charge. La prévention de la survenance du risque de dommage est récompensée par une diminution du coût des cotisations, par un bonus. Il s’agit plus précisément d’une ristourne sur la cotisation qui peut être accordée par les caisses d’assurance retraite et de santé au travail  (CARSAT), qui a pour effet de minorer les cotisations patronales de sécurité sociale. L’exercice n’est pas toujours des plus évidents. Les employeurs peuvent se faire assister parce qu’on appelle des préventeurs. Une fédération des acteurs de la prévention existe par ailleurs.

Le taux de cotisation est fixé annuellement par établissement par les Carsat (www.carsat-région.fr / art. D. 242-6 css) et la caisse régionale d’assurance maladie d’île de France (CRAMIF). La tarification des AT-MP correspond à un système dit « de répartition des capitaux de couverture ». Le principe est le suivant : les cotisations sont fixées à titre conservatoire pour couvrir l’ensemble des charges liées aux accidents susceptibles de survenir dans l’année. Chaque établissement est classé par le service de tarification de la caisse compétente par branche d’activité et par risque professionnel. Le taux de cotisation est ensuite calculé par l’organisme privé chargé d’une mission de service public en considération de l’effectif de l’entreprise. Il existe, plus précisément trois modes de tarification selon la taille de l’entreprise (art. D. 242-6-2 css) : une tarification individuelle (pour les entreprises de 150 salariés et plus), une tarification collective (pour les entreprises de moins de 20 salariés) une tarification mixte (pour les entreprises de 20 à 150 salariés).

Le mode de tarification et la fixation du taux de cotisation sont une préoccupation majeure pour les employeurs, qui recherchent à minimiser les charges en générale et les cotisations de sécurité sociale plus particulièrement. Ils y sont aidés par des opérateurs pointus qui sont tantôt des avocats tantôt des juristes très expérimentés (voy. par ex. https://www.prevantis.fr).

Il reste une cotisation supplémentaire à payer au gré des circonstances. La notion de bonus va de paire avec celle de malus. Il est des circonstances qui fondent la Carsat à infliger à l’employeur la cotisation supplémentaire pour risques exceptionnels de l’art. L. 242-7 css (v. aussi art. 452-5, al. 4 css). Il en va ainsi lorsque l’employeur ou un copréposé s’est rendu coupable d’une faute intentionnelle qui a occasionné l’accident de travail ou qui est à l’origine de la maladie professionnelle (voy. l’article : « Les accidents du travail »).

Cotisations d’allocations familiales. – Les employeurs supportent également seuls la charge des cotisations d’allocations familiales (art. L. 241-6, 1 css) dont le taux est fixé à 5,25 % pour les rémunérations supérieures à 3,5 smic (2020). Le paiement d’un supplément familial de salaire à raison de charges de famille date du second empire (1860). Quelques initiatives (aussi remarquables que peu répandues) seront prises un peu plus tard notamment par Léon Hamel. Des caisses de compensation apparaîtront dans les années 20 tandis que les années 30 le paiement de ce qu’on appelle plus volontiers désormais un revenu de complément (accordé à ce jour par les caisses d’allocations familiales) sera généralisé. Ce sont ces cotisations dont les employeurs réclament régulièrement l’allégement voire l’exonération.

Les cotisations – il y en a bien d’autres (…) – sont nécessaires au financement de notre système de protection sociale, mais elles sont insuffisantes. Il faut compter sur la fiscalisation autrement dit les impôts.

2.- Les impôts

Les impositions de toutes natures sont pléthoriques – il fallait bien çà. Pêle-mêle, dans le désordre : droit de consommation sur les tabacs. Droit de consommation sur les alcools (Tva et régimes sectoriels). Contribution de solidarité sur les sociétés (C3S). Prélèvement social sur les produits de placements. Prélèvement social sur les revenus du patrimoine. Contribution sociale sur les bénéfices. Forfait social. Taxe sur les véhicules de société. Contribution sur les contrats d’assurance en matière de circulation de véhicules terrestres à moteur. Taxe de solidarité additionnelle afférente aux garanties de protection complémentaire en matière de frais de soins de santé (TSA). Taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA). Taxe exceptionnelle sur la réserve de capitalisation. Etc. La lecture de la table d’exposition du code de la sécurité sociale révèle l’étendue desdites impositions (art. L. 136-1 et s. css).

CSG.- L’expression la plus symbolique de la fiscalisation est la contribution sociale généralisée. Créée, sous le gouvernement Rocard pour diversifier le financement de la sécurité sociale (loi de finances pour 1991 n° 90-1168 du 29 déc. 1990, art. 127-135), la CSG fait partie des impositions de toutes natures (à tout le moins en droit interne – cons. constit. décisions n°90-285 DC du 28 décembre 1990, n° 96-384 DC du 19 décembre 1996, n° 96-384 DC du 19 décembre 1996 – , car en droit de l’Union européenne la CSG est assimilée à une cotisation sociale en raison de son affectation au financement de la sécurité sociale). Cet impôt participe au financement de la sécurité sociale. Il contribue plus précisément à financer les branches maladie, famille, retraite ; son taux est fixé à 9,20 % (art. L. 136-8 css). La contribution sociale généralisée se compose de quatre prélèvements distincts. Elle frappe 1° les revenus d’activités comme ceux de remplacement ; 2° les revenus du patrimoine et revenus assimilés ; 3° les produits de placement ainsi que 4° les produits réalisés à l’occasion de jeux (art. L. 136-1 à L. 136-9 css). À l’origine, le taux de la CSG était de 1,1%… Il fallait bien vendre l’impôt aux contribuables !

CRDS.- On doit la Contribution au remboursement de la dette sociale à une ordonnance adoptée sous le gouvernement Juppé n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale. L’idée qui a présidé à son invention est simple : apurer la dette sociale accumulée pour un impôt spécifique et temporaire (prière de ne pas sourire) dont le produit est l’occasion pour l’établissement public en responsabilité de s’employer à la titrisation (vente de titres obligataires émis sur les marchés financiers). Pour ce faire, le gouvernement habilité par le législateur crée un établissement public national à caractère administratif : la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES). Le produit des contributions au remboursement de la dette sociale lui est affecté (et quelques points de CSG pour faire bonne mesure). C’est que l’ordonnance frappe les revenus de l’activité, les revenus du patrimoine, les produits de placement, les ventes de métaux et objets précieux, les gains de jeu. Le taux de chaque prélèvement est plus modéré que celui pratiqué sur le fondement de la CSG. Il est de 0,5 %. Une imposition temporaire promettait le législateur… L’article 1er de l’ordonnance n° 96-50 disposait que la CADES devait disparaître 13 ans et un mois à compter de son entrée en vigueur (1er janv. 1996 – effet rétroactif de la loi – sans commentaire…), soit en février 2009. Mais la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie a substitué à ce terme extinctif certain un terme à échéance incertaine. La loi dispose depuis que la durée de vie de la CADES est prolongée « jusqu’à extinction de des missions mentionnées à l’article 4 » (art. 76, II)…à savoir l’apurement de la dette sociale…autrement dit (il faut le craindre) ad vitam aeternam !

TVA sociale.- Techniquement, il s’agit d’affecter une part du produit de la TVA au financement de la protection sociale. Économiquement, cela consiste à faire supporter une part du financement de la protections sociale par le consommateur dans le dessein de réduire, à due proportion, le coût du travail et, par voie de conséquence, d’améliorer la compétitivité des entreprises (à raison de la baisse théorique du prix hors taxe des produits et des services). En bref, c’est un dispositif commode qui permet de compenser les allègements de cotisations. Tout est bien décrit dans le code général des impôts (Partie 1 – Impôts d’État. Titre 2 – Taxe sur le chiffre d’affaires et taxes assimilées. Chap. 1 – TVA, art. 256-0 et s. Section 5 – Calcul de la taxe. I – Taux. A – Taux normal). En son temps, le gouvernement Fillon avait dans l’idée d’alléger, à compter du 1er oct. 2012, les charges patronales d’allocations familiales sur les bas salaires. Pour pallier la perte mécanique de recettes de la Caisse nationale des allocations familiales, la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012 majorait le taux normal de la TVA, en le portant à 21,20 % (art. 2, V, A). La hausse du point aurait été affecté à la CNAF. Mais cette réforme ne vit pas le jour. Quelques jours après l’élection de François Hollande à la présidence de la République, une loi de finances rectificative n° 2012-958 du 16 août 2012 était votée : la TVA était ramenée au taux normal (de l’époque) de 19,60 % (art. 1, IV, B) ! C’est que les cotisations n’avaient pas été allégées ou pas encore…


[1](Arr. 20 déc. 2002 rel. frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale ; Circ. min. 7 janv. 2003 ; Arr. 25 juill. 2005 modif. Arr. 20 déc. 2002 ; Lettre circ. Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale 25 août 2005 ; Circ. intermin. 28 janv. 2009 rel. Aux frais de transport entre la résidence habituelle et le lieu de travail des salariés).