Le prêt à usage : les obligations du prêteur

Contrat synallagmatique imparfait.- L’idée en la matière est que seul l’emprunteur est débiteur d’obligations : le prêteur, qui rend service est laissé en paix par le code civil. Ceci concourt à le qualifier un peu vite de contrat unilatéral. La réalité est un peu plus complexe, dans la mesure où le prêteur supporte lui aussi quelques obligations, minimalistes il est vrai. Le prêt n’est donc pas tout à fait un contrat synallagmatique, ni vraiment un contrat unilatéral : il est un contrat synallagmatique imparfait en quelque sorte.

1.- La garantie des vices de la chose

Le désintéressement du prêteur justifie que le Code civil ne lui impose pas une obligation bien sévère. Ce dernier n’est donc tenu de garantir l’emprunteur contre les vices cachés – ceux qui ne sont pas apparents – que s’il les connaissait et qu’il a oublié d’en avertir l’emprunteur (art. 1891 c.civ.). L’idée est qu’il ne commet de faute que s’il a fait sciemment prendre un risque à l’emprunteur.

Ex. prêter une Méhari ou un Solex dont on sait que les freins ne marchent plus.

2.- Le remboursement des dépenses de conservation

L’article 1890 c.civ. dispose que si, pendant la durée du prêt, l’emprunteur a été obligé, pour la conservation de la chose, à quelque dépense extraordinaire, nécessaire, et tellement urgente qu’il n’ait pas pu en prévenir le prêteur, celui-ci sera tenu de la lui rembourser. En bref, c’est le Canada dry de la gestion d’affaire (art. nouv. 1301 s. c.civ. / art. 1372 et s. anc. c.civ.) !

À noter que cette disposition ne vise pas les dépenses d’utilisation de la chose que sont par exemple l’essence de la voiture ou l’avoine du cheval, qui sont logiquement à la charge de l’emprunteur. C’est le sens du terme « extraordinaire ».

Sont donc visées les dépenses urgentes indispensables au sauvetage de la chose. Par exemple, les soins vétérinaires à prodiguer au cheval emprunté, accidenté et sur le point de périr (v. not en ce sens, Cass. 1ère civ., 13 juill. 2016, n° 15-10.474, P+B).

Le prêt à usage : la conclusion du contrat

1.- La formation du prêt à usage

Fond.- Aucune particularité quand au fond n’est à signaler : le consentement, la capacité, l’objet ou la cause – le contenu devrait-on dire depuis la réforme du droit commun des contrats – ne posent en la matière aucun problème. Tout au plus précisera-t-on que l’objet du prêt étant de conférer un droit personnel d’usage, le prêteur, qui ne transfère rien, n’a pas à attester de la qualité de propriétaire de la chose prêtée. Un locataire peut tout à fait prêter la chose qu’il loue…à condition bien sûr que le contrat ne le lui interdise pas (voy. l’article « Le bail de droit commun : les obligations du preneur »). Ceci vaut, plus largement, pour tout détenteur d’un droit d’usage sur une chose (on exclut donc – mais il n’y a là, finalement, qu’un simple problème conjoint d’opposabilité et d’inexécution – tous ceux qui détiennent une chose sans avoir le droit de s’en servir comme par exemple le dépositaire – voy. l’article « Le contrat de dépôt : les obligations du dépositaires »).

Forme.- L’intérêt de se préoccuper de la formation du prêt à usage est ailleurs. Il réside dans la forme du prêt : le prêt est un contrat réel, qui ne se forme que par la remise de la chose. Cela veut dire que cette remise est exigée en plus du consentement. Si les parties se sont accordées pour que telle ou telle chose soit prêtée mais que l’emprunteur n’a pas été mis en possession, il s’agit d’une promesse de prêt tout au plus. Une précision s’impose : le prêt est un contrat réel qui suppose la remise de la chose pourvu qu’il ne soit pas consenti par un établissement de crédit, car dans ce cas de figure le prêt est considéré être un contrat consensuel (Cass. 1ère civ., 19 juin 2008).

2.- La preuve du prêt à usage

Objet de la preuve : la remise… et l’obligation de restituer.- L’hypothèse est la suivante. L’un se prétend propriétaire d’une chose qui se trouve entre les mains d’un autre et affirme que celui-ci ne la détient qu’à titre de prêt. Il affirme donc être prêteur et réclame la restitution. C’est sur lui, dit l’article 1353 nouv. c.civ. (art. 1315 anc.), que pèse la charge de la preuve du contrat.

Mais cette preuve est complexe, à bien y réfléchir. Car il faut non seulement prouver la remise de la chose, mais également que la remise s’est effectuée à charge de restitution. Car celui qui se dit créancier d’une obligation – ici, de restitution – doit prouver l’existence de celle-ci. Or la simple remise ne prouve pas l’existence de cette obligation de restitution. Cette exigence inhérente au droit de la preuve revient en pratique à présumer que la remise s’est faite à titre de donation. Pour le droit positif, si quelqu’un détient la chose qu’un autre lui a remise, c’est que cette chose lui a été donnée. Cette position est celle d’une jurisprudence constante.

Modes de preuve.- En ce qui concerne la manière de rapporter cette preuve, le droit commun des articles 1353 et s. nouv. c.civ. (anc. art. 1341 et s.) s’applique sans particularité notable, si ce n’est que le prêt étant gratuit par essence et traditionnellement cantonné aux relations d’amitié, la jurisprudence admet ici plus facilement que dans d’autres matières l’existence d’une impossibilité morale d’exiger un écrit (art. 1360 nouv. c.civ. / art. 1348 anc.).