L’extinction de l’instance

Les incidents d’instance sont envisagés par le Titre XI du Livre 1er du Code de procédure civile consacré aux dispositions communes à toutes les juridictions.

À défaut de définition légale, ils peuvent être définis comme les événements qui modifient le cours de l’instance, soit en ce qu’ils affectent sa continuité (suspension ou interruption), soit en ce qu’ils provoquent son extinction (péremption, désistement, acquiescement, etc.).

Le Code de procédure civile énumère aux articles 367 à 410 quatre sortes d’incidents, au nombre desquels figurent :

  • La jonction et la disjonction d’instance
  • L’interruption de l’instance
  • La suspension de l’instance
  • L’extinction de l’instance

Nous nous focaliserons ici sur l’extinction de l’instance

Le jugement est l’issue normale de tous les procès. Cependant une instance peut s’éteindre d’autres manières. Il est des cas où l’instance s’éteint accessoirement à l’action.

Ce sont : la transaction, l’acquiescement, le désistement d’action, ou, dans les actions non transmissibles, le décès d’une partie (art. 384 CPC).

Mais il est également des cas où l’instance s’éteint à titre principal par l’effet de la péremption, du désistement d’instance ou de la caducité de la citation.

L’action proprement dite n’en est pas affectée de sorte qu’une nouvelle instance pourrait être introduite s’il n’y a pas prescription (art. 385 CPC).

A) Péremption d’instance

?Définition

L’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans (art. 386 CPC).

En d’autres termes, la péremption d’instance est l’anéantissement de l’instance par suite de l’inaction des plaideurs.

Son double fondement s’est manifestement inversé avec la réforme de la procédure civile de 1975. Initialement conçue comme un mécanisme présumant surtout l’intention des parties d’abandonner l’instance, dans le strict respect du principe dispositif, la péremption est clairement devenue à titre principal, avec le nouveau code de procédure civile, une sanction de la carence des plaideurs de plus de deux ans dans la conduite de l’instance qui leur incombe, justifiée par une bonne administration de la justice.

La péremption d’instance vise à « sanctionner le défaut de diligence des parties » (Cass. com., 9 nov. 2004, n°01-16.726).

La péremption d’instance est régie aux articles 386 à 393 du Code de procédure civile.

?Domaine de la péremption

La péremption d’instance concerne toutes les juridictions (première instance, cour d’appel, Cour de cassation), sauf les juridictions pénales lorsqu’elles statuent sur intérêts civils (Cass. 2e civ., 20 mai 1992, n° 90-15.496).

Elle concerne, en principe, toutes les instances.

?Conditions de la péremption

  • Le délai
    • La péremption d’instance peut être sollicitée à l’expiration d’un délai de deux ans, dans l’hypothèse où, durant ce délai, aucun acte de procédure n’a été accompli par les parties.
    • Le délai court à compter de la dernière diligence procédurale des parties ou à compter du dernier acte de procédure suivant les cas (Cass. 1ère civ., 7 avr. 1999, n° 97-13.647).
    • Au cours de l’instance, il appartient donc aux parties d’effectuer toutes les diligences utiles à l’avancement de l’affaire, sous peine de péremption laquelle s’apparente à une sanction.
  • L’interruption du délai
    • Pour que le délai de péremption de l’instance commence à courir encore faut-il que pèse sur les parties l’obligation d’accomplir des diligences.
    • Lorsque, en effet, au cours d’une instance, un temps de procédure échappe aux diligences des parties (Cass. 3e civ., 26 janv. 2011, n°09-71.734), et tant qu’aucun événement leur redonnant prise sur l’instance n’intervient le délai de péremption est interrompu.
    • Tel est le cas, par exemple, pendant le délibéré.
    • Le délai de péremption est également interrompu dès que le juge de la mise en état a fixé l’affaire en état à une audience des plaidoiries (Cass. 2e civ., 12 février 2004, n°01-17.565).
    • De même, le délai est interrompu dès que le juge de la mise en état, sans surseoir à statuer, a radié l’affaire du rôle dans l’attente d’une décision pénale (Cass. 2e civ., 6 avr. 2006, n° 04-14.298).
    • Enfin, il cesse également de courir durant la période de transmission d’un dossier d’une juridiction à une autre après décision d’incompétence, jusqu’à la réception de la lettre du greffe prévue à l’article 97 du code de procédure civile (Cass. 2e civ., 15 janv. 2009, n° 07-22.074).
    • Conséquence de la qualification d’« interruption » de la péremption, c’est un nouveau délai de deux ans qui recommence à courir lorsque, intervient un événement, qui redonne aux parties une possibilité d’agir sur la procédure, tel que la révocation de l’ordonnance de clôture (Cass. 2e civ., 28 juin 2006, n°04-17.992), ou la décision du juge ordonnant le retrait du rôle à la demande des parties (Cass. 2e civ., 15 mai 2014, pourvoi n°13-17.294).
  • Les incidents affectant le délai de péremption
    • Il ressort des textes que certains événements ont pour effet d’affecter le délai de la péremption d’instance
    • Il en va ainsi des événements suivants :
      • L’interruption de l’instance
        • L’article 392, al. 1er du CPC prévoit que l’interruption de l’instance emporte celle du délai de péremption.
        • Ainsi, pour tous les cas d’interruption de l’instance prévus par la loi, le délai de péremption est interrompu.
        • Dès lors que le délai de péremption de l’instance est interrompu, un nouveau délai ne commence pas à courir immédiatement.
        • Un effet, l’interruption du délai de péremption dure aussi longtemps que l’interruption de l’instance.
        • Comme indiqué par la Cour de cassation dans un arrêt du 5 avril 1993, l’interruption du délai de péremption « ne prend fin que par la reprise de l’instance » (Cass. 2e civ. 5 avr. 1993, n°91-18.734).
        • Autrement dit, le délai de péremption ne recommence à courir qu’à compter de la reprise de l’instance.
        • Il peut être observé que lorsque l’instance a été interrompue par la conclusion d’une convention de procédure participative aux fins de mise en état, l’alinéa 3e de l’article 392 du CPC précise que le nouveau délai de péremption court à compter de l’extinction de cette convention.
        • Lorsque, par ailleurs, l’instance a été interrompue par la décision de convocation des parties à une audience de règlement amiable, l’alinéa 4e de l’article 392 du CPC, prévoit que le nouveau délai de péremption de l’instant court, quant à lui, « à compter de la première audience fixée postérieurement devant le juge saisi de l’affaire. »
      • La suspension de l’instance
        • En cas de suspension de l’instance, l’article 392, al. 2e du CPC prévoit que le délai de péremption continue à courir.
        • La radiation ou le retrait de l’affaire du rôle sont, dès lors, sans incidence sur le délai de péremption de l’instance dans la mesure où l’efficacité de ces événements n’est assortie d’aucun terme, ni d’aucune condition.
        • Par exception, la suspension de l’instance affecte le délai de péremption lorsqu’elle intervient pour un temps ou jusqu’à la survenance d’un événement déterminé.
        • Pour ces derniers cas, un nouveau délai court à compter de l’expiration de ce temps ou de la survenance de cet événement.

?Procédure

  • Une instance en cours
    • Pour que la question de la péremption puisse être posée, il faut que l’instance soit en cours, ce qui a conduit la jurisprudence des années 1980 à préciser que le point de départ de l’instance est fixé à la date de la saisine de la juridiction (puisqu’il est nécessaire que le juge soit saisi de l’instance en cause), date qui peut donc varier
    • Classiquement, on considère que c’est l’enrôlement de l’assignation qui opère la saisine de la juridiction et non sa signification (V. en ce sens Cass. 2e civ., 29 février 1984, n° 82-12.259).
    • Dans l’hypothèse spécifique d’une cassation avec renvoi, le délai court à compter du prononcé de l’arrêt de la Cour de cassation lorsque celui-ci est contradictoire (Cass. 2e civ., 27 juin 1990, n° 89-14.276), et à compter de la saisine de la cour d’appel de renvoi lorsqu’il a été rendu par défaut.
    • Le point d’arrivée est le prononcé du jugement, dès lors qu’il dessaisit le juge de la contestation qu’il tranche, ce qui donne lieu à un contentieux chaque fois qu’une voie de recours est exercée plus de deux ans après le prononcé d’une décision non signifiée.
    • Si l’irrecevabilité d’un appel ne résulte pas de l’expiration du délai pour l’interjeter, elle ne peut résulter de la péremption de l’instance de première instance, ni de celle de l’instance d’appel (Cass. 2e civ., 12 mars 1986, n° 84-16.642).
    • De même, l’instance au fond n’étant pas la suite de l’instance en référé-expertise, l’instance au fond intentée plus de deux ans après le dépôt du rapport d’expertise n’est pas périmée puisque l’ordonnance de référé a dessaisi le juge (Cass. 3e civ., 8 octobre 1997, n° 92-21.483).
    • Il s’ensuit également que le juge n’étant pas dessaisi par un jugement avant dire droit ou partiellement avant dire droit, le délai de péremption continue à courir, notamment durant les opérations d’expertise (Cass. 2e civ., 18 octobre 2001, n°99-21.883), sauf en cas d’indivisibilité des chefs de dispositif définitif et avant dire droit du jugement mixte (par exemple, la péremption de l’instance en indemnisation après expertise rend sans objet l’autorité de la chose jugée sur la responsabilité).
  • Les parties
    • L’article 387 du CPC prévoit que « la péremption peut être demandée par l’une quelconque des parties. »
    • Tant le demandeur que le défendeur peuvent ainsi faire constater par le Juge la péremption de l’instance.
  • Forme de la demande
    • La péremption d’instance peut être demandée à titre principal soit au moyen d’une assignation, soit par voie de conclusions selon les situations
    • L’article 387, al. 2e du CPC précise que la péremption de l’instance peut être opposée par voie d’exception à la partie qui accomplit un acte après l’expiration du délai de péremption.
  • Moment de la demande
    • L’article 388 du CPC prévoit que « la péremption doit, à peine d’irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen ; elle est de droit »
    • Cela signifie qu’à l’expiration du délai de deux ans, la partie qui entend se prévaloir de la péremption de l’instance a l’obligation de soulever cette cause d’extinction de l’instance avant
      • Les exceptions de procédure
      • Les fins de non-recevoir
      • Les défenses au fond
    • La sanction de la règle est l’irrecevabilité de la demande de péremption de l’instance.
  • Rôle du Juge
    • Depuis l’entrée en vigueur du décret n°2017-892 du 6 mai 2017 la péremption d’instance peut être soulevée d’office par le juge ce qui n’était pas le cas sous l’empire du droit antérieur.
    • Reste que la péremption d’instance étant de droit lorsqu’elle est demandée, le juge n’est investi d’aucun pouvoir d’appréciation s’il constate que la péremption est acquise (Cass. 2e civ., 13 janv. 2000, n° 98-10.709).

?Effets de la péremption

  • Extinction de l’instance
    • L’article 389 du CPC prévoit que « la péremption n’éteint pas l’action ; elle emporte seulement extinction de l’instance sans qu’on puisse jamais opposer aucun des actes de la procédure périmée ou s’en prévaloir. »
    • Cela signifie que pour poursuivre l’action engagée, il conviendra d’introduire une nouvelle instance, soit de faire délivrer une nouvelle assignation, à supposer que l’action ne soit pas prescrite.
  • Survie de l’action
    • Il ressort de l’article 389 du CPC que lorsque l’instance est éteinte par la péremption, le droit d’agir subsiste néanmoins, ce qui autorise le demandeur à renouveler le procès par une nouvelle assignation (Cass. 2e civ., 11 février 2010, n° 08-20.154).
    • Devant la Cour de cassation, lorsque le pourvoi est radié du rôle en application des articles 1009-1 et suivants du code de procédure civile, un nouveau délai de péremption recommence à courir.
  • Acquisition de la force jugée du jugement
    • L’article 390 du CPC prévoit que la péremption en cause d’appel ou d’opposition confère au jugement la force de la chose jugée, même s’il n’a pas été notifié.
    • Lorsque, de la sorte, la péremption intervient au stade de l’appel, elle a pour effet de conférer au jugement rendu en première instance la force de chose jugée.
    • Cette décision ne pourra donc plus être remise en cause.
  • Opposabilité de la péremption d’instance
    • L’article 391 du CPC prévoit que le délai de péremption court contre toutes personnes physiques ou morales, même mineures ou majeures protégées, sauf leur recours contre leur représentant légal ou la personne chargée de la mesure de protection juridique.
  • Les frais d’instance
    • L’article 393 du CPC prévoit que les frais de l’instance périmée sont supportés par celui qui a introduit cette instance
    • Le demandeur aura, dans ces conditions, tout intérêt à éviter la péremption d’instance, sous peine de supporter les dépens et les frais irrépétibles.

B) Désistement d’instance

?Définition

Le désistement d’instance est l’offre faite par le demandeur au défendeur, qui l’accepte, d’arrêter le procès sans attendre le jugement.

Le désistement d’instance ne doit pas être confondu avec le désistement d’action

  • Le désistement d’instance
    • Ce désistement consiste seulement à renoncer à une demande en justice afin de mettre fin à l’instance.
    • La conséquence en est qu’une nouvelle demande pourra être introduite en justice, ce qui supposera d’engager une nouvelle instance
    • Ainsi, la partie qui se désiste à une instance ne renonce pas à l’action en justice dont elle demeure titulaire.
  • Le désistement d’action
    • Ce désistement consiste à renoncer, non pas à une demande en justice, mais à l’exercice du droit substantiel objet de la demande
    • Il en résulte que le titulaire de ce droit se prive, pour la suite, de la possibilité d’exercer une action en justice
    • En pareil cas, il y a donc renonciation définitive à agir en justice sur le fondement du droit auquel il a été renoncé

S’agissant du désistement d’instance, le Code de procédure civile distingue selon que le désistement d’instance intervient au stade de la première instance ou en appel et/ou opposition.

1. Le désistement en première instance

?Domaine

L’article 394 du CPC prévoit que le demandeur peut, en toute matière, se désister de sa demande en vue de mettre fin à l’instance.

Il n’y a donc a priori aucune restriction pour faire jouer un désistement d’instance. Il est donc indifférent que les règles mobilisées dans le cadre de l’instance relèvent de l’ordre public.

?Conditions

  • Un acte de volonté
    • Principe
      • L’article 395 du CPC dispose que le désistement n’est parfait que par l’acceptation du défendeur.
      • Deux enseignements peuvent être retirés de cette disposition
        • Premier enseignement, le désistement est un acte de volonté, de sorte que le demandeur doit justifier de sa pleine capacité
        • Second enseignent, le désistement ne peut être que le produit d’une rencontre des volontés, de sorte que défendeur doit consentir au désistement du demandeur.
      • S’agissant de l’expression du désistement, il peut être exprès ou tacite
    • Exceptions
      • Le principe posé à l’article 395 du CPC est assorti de deux exceptions.
      • En effet, l’acceptation n’est pas nécessaire si, au moment où le demandeur se désiste, le défendeur n’a présenté
        • Soit aucune défense au fond
        • Soit aucune fin de non-recevoir
  • Une décision
    • L’article 396 du CPC prévoit que le juge déclare le désistement parfait si la non-acceptation du défendeur ne se fonde sur aucun motif légitime.
    • Ainsi, appartient-il au juge de s’assurer
      • D’une part, l’existence d’un accord entre les parties
      • D’autre part, en cas de désaccord, l’existence d’un motif légitime du défendeur, telle qu’une demande reconventionnelle
    • L’instance prendra fin, non pas sous l’effet du jugement, mais par l’accord des parties.
    • Le jugement constatant l’accord (de donner acte) est une mesure d’administration judiciaire dépourvue de l’autorité de la chose jugée et insusceptible de faire l’objet d’une voie de recours.

?Effets

  • Exception de l’instance
    • L’article 398 du CPC prévoit que le désistement d’instance n’emporte pas renonciation à l’action, mais seulement extinction de l’instance.
    • La conséquence est alors double :
      • Tous les actes de procédure accomplis depuis la demande sont rétroactivement anéantis
      • Les parties conservent la possibilité d’introduire une nouvelle instance, tant que l’action n’est pas prescrite.
  • Les frais d’instance
    • L’article 399 du CPC dispose que le désistement emporte, sauf convention contraire, soumission de payer les frais de l’instance éteinte.
    • Ces frais devront, en principe, être supportés par l’auteur du désistement
    • Les parties demeurent libres de prévoir une répartition des frais différente, la règle n’étant pas d’ordre public.

2. Le désistement de l’appel ou de l’opposition

?Domaine

À l’instar du désistement en première instance, l’article 400 du CPC prévoit que « le désistement de l’appel ou de l’opposition est admis en toutes matières, sauf dispositions contraires. »

Il n’y a donc, s’agissant de la matière dont relève le litige, aucune restriction s’agissant du désistement dans le cadre d’un appel ou d’une opposition, sauf à ce qu’un texte en dispose autrement.

A l’examen, le cas de désistement se singularise, s’agissant de ces conditions de mise en œuvre diffèrent de celles applicables au désistement en première instance.

?Conditions

  • Les conditions de fond
    • Il convient de distinguer selon que le désistement porte sur un appel ou sur une opposition
      • S’agissant du désistement de l’appel
        • L’article 401 du CPC prévoit qu’il n’a besoin d’être accepté qu’à la condition :
          • Soit qu’il comporte des réserves, c’est-à-dire qu’il soit subordonné à la satisfaction par l’autre partie de conditions
          • Soit si la partie à l’égard de laquelle il est fait a préalablement formé un appel incident ou une demande incidente.
        • En dehors de ces deux cas, l’acceptation du désistement par le défendeur n’est pas requise.
      • S’agissant du désistement de l’opposition
        • L’article 402 du CPC prévoit qu’il n’a besoin d’être accepté que si le demandeur initial a préalablement formé une demande additionnelle.
        • À défaut, il ne sera nullement besoin de solliciter l’acceptation de la partie adverse
    • À l’examen, il apparaît que, contrairement au désistement en première instance, l’acceptation du défendeur n’est, par principe pas requise.
    • Ce n’est que par exception que les textes exigent que le défendeur accepte le désistement de la partie adverse.
  • Les conditions de forme
    • Comme le désistement en première instance, le désistement de l’appel ou de l’opposition peut être exprès ou tacite
    • De la même manière, il doit être constaté par un juge qui doit déclarer le désistement parfait, dès lors que les conditions requises par les articles 401 et 402 du CPC sont réunies.

?Effets

Le désistement de l’appel ou de l’opposition produit plusieurs effets :

  • Premier effet
    • Le désistement dessaisi le juge qui ne pourra dès lors plus statuer au fond, ni confirmer le jugement rendu en première instance.
    • L’instance est alors définitivement éteinte, sauf à ce que, consécutivement au désistement, un appel soit interjeté par la partie adverse
  • Deuxième effet
    • Le désistement, a encore pour effet d’emporter acquiescement au jugement.
    • Lorsque, toutefois, le désistement porte sur un appel, l’article 403 du CPC précise qu’« il est non avenu si, postérieurement, une autre partie interjette elle-même régulièrement appel. »
    • Autrement dit, en cas d’appel incident interjeté par la partie adverse, l’auteur du désistement est autorisé à revenir sur son désistement.
    • Cette faculté qui lui est offerte se justifie par la nécessité de lui permettre de se défendre et de faire échec à la voie de recours exercée contre lui.
  • Troisième effet
    • Comme pour le désistement en première instance, le désistement de l’appel ou de l’opposition emporte pour son auteur et sauf convention contraire, soumission de payer les frais de l’instance éteinte.

C) L’acquiescement

?Notion

Il ressort des articles 408 et 409 du CPC qu’il y a lieu de distinguer l’acquiescement à la demande de l’acquiescement au jugement

  • S’agissant de l’acquiescement à la demande
    • C’est le fait, de la part d’une partie, ordinairement le défendeur, de reconnaître le bien-fondé des prétentions de l’adversaire (art. 408 CPC).
    • À la différence de la péremption d’instance ou du désistement, l’acquiescement à la demande emporte non seulement annulation de la procédure mais également renonciation à l’action.
  • S’agissant de l’acquiescement au jugement
    • Il se distingue de l’acquiescement à la demande en ce qu’il emporte soumission aux chefs de celui-ci et renonciation aux voies de recours.
    • L’acquiescement au jugement se rapproche, en quelque sorte, du désistement de l’appel.

?Conditions

  • Conditions communes
    • Principe : un acte de volonté
      • Tant l’acquiescement à la demande que l’acquiescement au jugement supposent l’accomplissement d’un acte de volonté de son auteur qui donc doit disposer de sa pleine capacité à consentir.
      • L’article 410, al. 1er du CPC prévoit que l’acquiescement peut être exprès ou implicite
    • Exception : l’effet de la loi
      • L’alinéa 2 de l’article 410 du CPC prévoit, s’agissant de l’acquiescement au jugement que l’exécution sans réserve d’un jugement non exécutoire vaut acquiescement, hors les cas où celui-ci n’est pas permis.
      • Il ressort de cette disposition que pour valoir acquiescement :
        • D’une part, l’exécution doit porter sur un jugement non exécutoire, soit non passé en force de chose jugée ou non assortie de l’exécution provisoire
        • D’autre part, elle ne doit pas être équivoque, en ce sens qu’elle ne doit laisser aucun doute quant à l’intention de la partie qui exécute la décision.
  • Conditions spécifiques
    • S’agissant de l’acquiescement à la demande
      • L’article 408 dispose qu’« il n’est admis que pour les droits dont la partie a la libre disposition. »
      • Ainsi, par exemple, en matière de filiation, l’article 323 du Code civil prévoit expressément que les actions, en ce domaine, ne peuvent faire l’objet de renonciation. Le caractère d’ordre public de la matière rend donc les droits indisponibles.
    • S’agissant de l’acquiescement au jugement
      • L’article 409 du CPC prévoit qu’« il est toujours admis sauf disposition contraire » en premier et dernier ressort
      • S’il ne connaît, par principe, aucune limite, des dispositions légales peuvent malgré tout prohiber l’acquiescement au jugement.
      • Tel est le cas de l’article 1122 du CPC qui dispose que « un majeur protégé ne peut acquiescer au jugement de divorce, ou se désister de l’appel, qu’avec l’autorisation du juge des tutelles. »

?Effets

  • L’acquiescement à la demande
    • Il produit deux effets majeurs
      • D’une part, il emporte reconnaissance par le plaideur, du bien-fondé des prétentions de son adversaire
      • D’autre part, il vaut renonciation à contester et entraîne extinction de l’instance
  • L’acquiescement au jugement
    • Il emporte
      • D’une part, soumission aux chefs de la décision
        • L’effet de l’acquiescement demeure néanmoins relatif en ce qu’il n’est pas opposable aux autres parties contre lesquelles le jugement a été rendu
      • D’autre part, renonciation aux voies de recours
        • Dans l’hypothèse, toutefois où postérieurement à l’acquiescement, une autre partie forme régulièrement un recours, son auteur dispose de la faculté de revenir sur son acquiescement.
        • En dehors de cette hypothèse, l’acquiescement est définitif, de sorte qu’il rend toute voie de recours irrecevable, exception faite de l’action en rectification d’erreur matérielle (Cass. 2e civ., 7 juill. 2011, n° 10-21.061)

D) Caducité de la citation

?Généralités

La caducité fait partie de ces notions juridiques auxquelles le législateur et le juge font régulièrement référence sans qu’il existe pour autant de définition arrêtée. Si, quelques études lui ont bien été consacrées[1], elles sont si peu nombreuses que le sujet est encore loin d’être épuisé.

En dépit du faible intérêt qu’elle suscite, les auteurs ne manquent pas de qualificatifs pour décrire ce que la caducité est supposée être. Ainsi, pour certains l’acte caduc s’apparenterait à « un fruit parfaitement mûr […] tombé faute d’avoir été cueilli en son temps »[2]. Pour d’autres, la caducité évoquerait « l’automne d’un acte juridique, une mort lente et sans douleur »[3].

D’autres encore voient dans cette dernière un acte juridique frappé accidentellement de « stérilité »[4]. L’idée générale qui ressort de ces descriptions, est que l’action du temps aurait eu raison de l’acte caduc de sorte qu’il s’en trouverait privé d’effet. De ce point de vue, la caducité se rapproche de la nullité, laquelle a également pour conséquence l’anéantissement de l’acte qu’elle affecte. Est-ce à dire que les deux notions se confondent ? Assurément non.

?Caducité et nullité

C’est précisément en s’appuyant sur la différence qui existe entre les deux que les auteurs définissent la caducité. Tandis que la nullité sanctionnerait l’absence d’une condition de validité d’un acte juridique lors de sa formation, la caducité s’identifierait, quant à elle, à l’état d’un acte régulièrement formé initialement, mais qui, en raison de la survenance d’une circonstance postérieure, perdrait un élément essentiel à son existence.

La caducité et la nullité ne viseraient donc pas à sanctionner les mêmes défaillances. Cette différence d’objet ne saurait toutefois occulter les rapports étroits qu’entretiennent les deux notions, ne serait-ce parce que le vice qui affecte l’acte caduc aurait tout aussi bien pu être source de nullité s’il était apparu lors de la formation dudit acte. Sans doute est-ce d’ailleurs là l’une des raisons du regain d’intérêt pour la caducité ces dernières années.

?La caducité en matière civile

Lorsqu’elle a été introduite dans le Code civil, l’usage de cette notion est limité au domaine des libéralités. Plus précisément il est recouru à la caducité pour sanctionner la défaillance de l’une des conditions exigées pour que le legs, la donation ou le testament puisse prospérer utilement telles la survie[5] ou la capacité [6] du bénéficiaire ou bien encore la non-disparition du bien légué[7].

Ce cantonnement de la caducité au domaine des actes à titre gratuit va s’estomper peu à peu avec les métamorphoses que connaît le droit des contrats. Comme le souligne Véronique Wester-Ouisse « alors que la formation du contrat était le seul souci réel des rédacteurs du Code civil, le contrat, aujourd’hui, est davantage examiné au stade de son exécution »[8] si bien que l’appropriation de la notion de caducité par les spécialistes du droit des contrats prend alors tout son sens[9]. Là ne s’arrête pas son expansion. La caducité fait également son apparition en droit judiciaire privé.

?La caducité en matière procédurale

Bien que les auteurs soient partagés sur la question de savoir s’il s’agit de la même caducité que celle rencontrée en droit civil[10], tous s’accordent à dire qu’elle intervient comme une véritable sanction.

En droit judiciaire privé la caducité aurait, en effet, pour fonction de sanctionner l’inaction des parties qui n’auraient pas effectué les diligences requises dans le délai prescrit par la loi[11].

À l’examen, c’est à cette caducité-là que fait référence l’article 406 du CPC, lequel envisage la caducité de la citation comme une cause d’extinction de l’instance.

Plus précisément, ce type de caducité intervient pour sanctionner le non-accomplissement d’un acte subséquent à l’acte introductif d’instance et qui lui est essentiel dans un certain délai.

1. Les causes de caducité

Classiquement, on recense trois causes de caducité de la citation en justice

  • La caducité pour défaut de saisine du Juge
    • Cette cause de caducité concerne toutes les procédures contentieuses
      • En première instance
        • L’article 754 du CPC prévoit que l’assignation est caduque si une copie n’en a pas été remise au greffe dans les délais énoncés par le texte (2 mois ou 15 jours).
        • Il s’agit d’une sanction radicale puisque, comme le prévoit l’article 385 du CPC, elle entraîne l’extinction de l’instance, et fait donc encourir à la partie négligente le risque de perdre son action, sauf le droit d’introduire une nouvelle instance si l’action n’est pas éteinte par ailleurs (Cass. 2e civ., 12 juin 2008, n° 07-14.443).
        • Cette règle se retrouve pour la procédure à jour fixe (art. 843 CPC).
      • En appel
        • La récente réforme de la procédure civile d’appel a donné un regain d’actualité à la notion de caducité, mise en exergue par les décrets n° 2009-1524 du 9 décembre 2009 relatif à la procédure d’appel avec représentation obligatoire en matière civile et n° 2010-1647 du 28 décembre 2010 modifiant la procédure d’appel avec représentation obligatoire en matière civile, ayant pour objet d’en améliorer la célérité et l’efficacité.
        • En application de l’article 902 du code de procédure civile, la déclaration d’appel est caduque si elle n’est pas signifiée à l’intimé n’ayant pas constitué avocat dans le mois de l’avis donné par le greffe à l’appelant d’avoir à effectuer cette formalité.
        • Et l’article 908 du code de procédure civile prévoit la caducité de la déclaration d’appel si l’appelant n’a pas conclu dans les trois mois de celle-ci.
  • La caducité pour défaut de comparution
    • La non-comparution à l’audience du demandeur est sanctionnée par la caducité de la citation.
    • Cette sanction est encourue devant toutes les juridictions, quelle que soit la procédure engagée.
    • L’article 468 du CPC prévoit en ce sens que si, sans motif légitime, le demandeur ne comparaît pas deux alternatives sont envisageables :
      • Première alternative
        • Le défendeur peut requérir un jugement sur le fond qui sera contradictoire, sauf la faculté du juge de renvoyer l’affaire à une audience ultérieure.
      • Seconde alternative
        • Le juge peut, même d’office, déclarer la citation caduque.
        • La déclaration de caducité peut être rapportée si le demandeur fait connaître au greffe dans un délai de quinze jours le motif légitime qu’il n’aurait pas été en mesure d’invoquer en temps utile.
        • Dans ce cas, les parties sont convoquées à une audience ultérieure.
  • La caducité pour défaut d’accomplissement d’une formalité
    • L’article 469 du CPC, applicables devant toutes les juridictions de l’ordre judiciaire, dispose que si, après avoir comparu, l’une des parties s’abstient d’accomplir les actes de la procédure dans les délais requis deux alternatives sont là encore envisageables :
      • Première Alternative
        • Le juge statue par jugement contradictoire au vu des éléments dont il dispose.
      • Seconde alternative
        • Le défendeur peut cependant demander au juge de déclarer la citation caduque
    • Ici, le choix est laissé au défendeur qui peut soit laisser le juger rendre sa décision, soit se prévaloir de la caducité de la citation du demandeur.

2. Le prononcé de la caducité

?Décision

  • Le pouvoir du juge
    • Il convient de distinguer ici selon les causes de la caducité
      • La caducité de la citation résulte du défaut de saisine du Juge
        • Dans cette hypothèse, tant en première instance qu’en appel, le Juge est investi du pouvoir de se saisir d’office
          • En première instance
            • L’article 754 du CPC prévoit que dans l’hypothèse où l’assignation n’est pas placée dans le délai de 2 mois ou 15 jours, selon le cas, à compter de sa signification, la caducité de l’assignation est constatée d’office par ordonnance du juge, ou, à défaut, à la requête d’une partie.
            • Il en va de même pour la procédure à jour fixe (art. 843 CPC).
          • En appel
            • Le juge peut la prononcer d’office, même si le texte ne le prévoit pas explicitement.
            • La Cour de cassation en a récemment jugé ainsi dans le cas de la caducité de la déclaration d’appel, faute de notification par l’appelant de la déclaration d’appel dans le mois suivant l’avis du greffe l’invitant à cette diligence, alors même que l’article 902 du code de procédure civile prescrivant cette diligence ne prévoyait pas, à la différence des autres diligences prescrites par la réforme de la procédure d’appel, le pouvoir pour le juge de la relever d’office (Cass. 2e Civ., 26 juin 2014, n°13-20.868).
            • Comme la caducité de l’assignation, celle de la déclaration d’appel doit être prononcée sur le seul constat de l’absence de la formalité requise dans le délai fixé, sans que le juge dispose à cet égard d’un pouvoir de modération lui permettant de tenir compte de circonstances particulières, et même en l’absence de grief.
      • La caducité résulte du défaut de comparution du demandeur
        • L’article 468 du CPC prévoit que, dans cette hypothèse, le juge peut déclarer d’office la citation.
        • Il s’agit néanmoins d’une simple faculté
        • Aucune obligation ne pèse donc sur le Juge qui peut décider de ne pas prononcer la caducité de la citation, sauf à ce que la demande soit formulée par le défendeur
      • La caducité résulte du défaut d’accomplissement d’une formalité
        • Ici, le juge ne dispose pas de relever d’office la caducité de la citation.
        • L’article 469 dispose en ce sens que « le défendeur peut cependant demander au juge de déclarer la citation caduque. »
        • Si donc le défendeur décide de ne pas se prévaloir de la caducité de la citation, le juge sera contraint de rendre une décision.
  •  

?Voies de recours

L’article 407 du CPC prévoit que « la décision qui constate la caducité de la citation peut être rapportée, en cas d’erreur, par le juge qui l’a rendue. »

Autrement dit, les parties disposent de la faculté de solliciter la rétractation de la décision prise par le juge qui constate la caducité de la citation.

S’agissant du délai pour exercer la voie de recours, les textes sont silencieux sur ce point, de sorte que les parties ne sont pas menacées par la forclusion en cas de recours tardif. Pour que celui-ci prospère, il leur appartiendra, néanmoins, de saisir le Juge dans un délai raisonnable.

3. Les effets de la caducité

Lorsqu’elle est prononcée ou constatée, la caducité produit des effets :

  • Pour l’avenir
  • Pour le passé

?Pour l’avenir : extinction de l’instance

Lorsque la caducité frappe la citation en justice, elle a pour effet de mettre fin à l’instance engagée par le demandeur. Le juge est alors immédiatement dessaisi de l’affaire.

Cet effet de la caducité est énoncé à l’article 385 du CPC qui dispose que « l’instance s’éteint à titre principal par l’effet de la péremption, du désistement d’instance ou de la caducité de la citation. »

Reste que si l’instance est éteinte par l’effet de la caducité, l’action subsiste, de sorte qu’une nouvelle procédure pourra toujours être engagée sur le même fondement.

L’alinéa 2 de l’article 385 du CPC prévoit en ce sens que « la constatation de l’extinction de l’instance et du dessaisissement de la juridiction ne met pas obstacle à l’introduction d’une nouvelle instance, si l’action n’est pas éteinte par ailleurs. »

?Pour le passé : anéantissement rétroactif des actes de procédure

Traditionnellement, la caducité est perçue comme étant dépourvue d’effet rétroactif ; elle éteint seulement l’acte qu’elle affecte pour l’avenir. Rana Chaaban analyse cette perception – encore majoritaire aujourd’hui – en relevant que, « dans la conception originelle, le domaine de la caducité était limité aux actes juridiques qui n’ont reçu aucune exécution »[12].

C’est la raison pour laquelle, pendant longtemps, la rétroactivité de la caducité n’a pas été envisagée[13]. Il eût, en effet, été absurde de faire rétroagir la caducité en vue d’anéantir un acte qui n’a encore produit aucun effet.

Bien que la non-rétroactivité soit toujours considérée comme une caractéristique indissociable de la caducité, les données du problème ont pourtant changé. La caducité n’est plus cantonnée au domaine des legs : elle a été importée en droit des contrats et en droit judiciaire privé[14]. Il en résulte qu’elle est, désormais, susceptible de frapper des actes qui ont reçu une exécution partielle voire totale[15].

Partant, la question de sa rétroactivité s’est inévitablement posée. Plus précisément, on s’est interrogé sur la question de savoir s’il est des situations engendrées par la caducité qui justifieraient que l’on recourt à la fiction juridique qu’est la rétroactivité laquelle, on le rappelle, consiste à substituer « une situation nouvelle à une situation antérieure de telle sorte que tout se passe comme si celle-ci n’avait jamais existé »[16].

Comme le souligne Jean Deprez autant il est normal « qu’une situation juridique soit détruite pour l’avenir par l’intervention d’un acte ou d’un événement qui en opère l’extinction, autant il est anormal de détruire les effets qu’elle a produits dans le passé »[17].

Aussi, la rétroactivité, poursuit-il, n’est « justifiable que dans la mesure où cette protection en nécessite le mécanisme »[18]. En l’absence de textes régissant les effets de la caducité, c’est tout naturellement au juge qu’il est revenu le soin de déterminer si l’on pouvait attacher à la caducité un effet rétroactif.

Si, manifestement, les juridictions sont régulièrement amenées à statuer sur cette question, il ressort de la jurisprudence qu’il n’existe, pour l’heure, aucun principe général applicable à tous les cas de caducité. Comme elle le fait souvent pour les notions dont elle peine à se saisir, la jurisprudence agit de façon désordonnée, par touches successives.

À défaut d’unité du régime juridique de la caducité, une partie de la doctrine voit néanmoins, dans les dernières décisions rendues en matière de caducité d’actes de procédure, l’ébauche d’une règle qui gouvernerait ses effets. Les contours de cette règle demeurent toutefois encore mal définis.

Remontons, pour avoir une vue d’ensemble du tableau, à l’époque où l’idée selon laquelle la caducité serait nécessairement dépourvue de rétroactivité a évolué. La question de la rétroactivité de la caducité affectant un acte de procédure s’est tout d’abord posée lorsque l’on s’est demandé si l’on pouvait confondre l’assignation caduque avec l’assignation frappée de nullité. En les assimilant, cela permettait d’attraire l’assignation caduque dans le giron de l’ancien article 2247 du Code civil qui énonçait les cas dans lesquels l’interruption de prescription était non avenue.

Pendant longtemps, la jurisprudence s’est refusée à procéder à pareille assimilation[19]. En un sens, cela pouvait se comprendre dans la mesure où, techniquement, la caducité se distingue nettement de la nullité. Or la liste des cas prévus à l’ancien article 2247 du Code civil était exhaustive.

Cet obstacle textuel n’a cependant pas empêché la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, de revenir sur sa position dans un arrêt du 3 avril 1987[20]. Dans cette décision, les juges du Quai de l’Horloge ont estimé que, quand bien même la caducité de l’assignation ne figurait pas parmi les circonstances visées par la loi, elle était, comme la nullité, insusceptible d’« interrompre le cours de la prescription ». De cette décision, les auteurs en ont alors déduit que la caducité pouvait avoir un effet rétroactif.

Si, ce revirement de jurisprudence a été confirmé par la suite[21] ; on est légitimement en droit de se demander si elle est toujours valable. Le nouvel article 2243 du Code civil, introduit par la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, ne fait plus référence à la nullité de l’assignation.

Est-ce à dire que l’assignation nulle conserverait son effet interruptif de prescription et que, par voie de conséquence, il en irait de même pour l’assignation caduque ? Un auteur prédit que la solution adoptée par l’assemblée plénière sera maintenue[22]. S’il se trompe, cela ne remettra toutefois pas en cause le mouvement tendant à reconnaître à la caducité un effet rétroactif.

  1. V. en ce sens Y. Buffelan-Lanore, Essai sur la notion de caducité des actes juridiques en droit civil, LGDJ, 1963; N. Fricero-Goujon, La caducité en droit judiciaire privé : thèse Nice, 1979 ; C. Pelletier, La caducité des actes juridiques en droit privé, L’Harmattan, coll. « logiques juridiques », 2004 ; R. Chaaban, La caducité des actes juridiques, LGDJ, 2006. ?
  2. R. Perrot, « Titre exécutoire : caducité d’une ordonnance d’homologation sur la pension alimentaire », RTD Civ., 2004, p. 559. ?
  3. M.-C. Aubry, « Retour sur la caducité en matière contractuelle », RTD Civ., 2012, p. 625. ?
  4. H. roland et L. Boyer, Introduction au droit, Litec, coll. « Traités », 2002, n°102, p. 38. ?
  5. Article 1089 du Code civil. ?
  6. Article 1043 du Code civil. ?
  7. Article 1042, alinéa 1er du Code civil. ?
  8. V. Wester-Ouisse, « La caducité en matière contractuelle : une notion à réinventer », JCP G, n°4, Janv. 2001, I 290. ?
  9. V. en ce sens F. Garron, La caducité du contrat : étude de droit privé, PU Aix-Marseille, 2000. ?
  10. Pour Caroline Pelletier la caducité envisagée par les civilistes et la caducité que l’on rencontre en droit judiciaire privé forment une seule et même notion (C. Pelletier, op. cit., n°402, p.494-495). À l’inverse, Rana Chaaban estime qu’il s’agit là de caducités différentes (R. Chaaban, op. cit., n°29, p. 20). Elle estime en ce sens que, « contrairement à la caducité judiciaire, la caducité de droit civil éteint un droit substantiel, et non un élément processuel ». ?
  11. V. en ce sens S. Guinchard, «Le temps dans la procédure civile », in XVe Colloque des instituts d’études judiciaires, Clermont-Ferrand, 13-14-15 octobre 1983, Annales de la faculté de droit et de science politique de Clermont-Ferrand, 1983, p. 65-76. ?
  12. R. Chaaban, op. cit., n°371, p. 333. ?
  13. Pierre Hébraud affirme en ce sens que les effets de l’acte caduc « se concentrent dans cette chute, sans rayonner au-delà, sans s’accompagner, notamment de rétroactivité » (P. Hébraud, Préface de la thèse de Y. Buffelan-Lanore, Essai sur la notion de caducité des actes juridiques en droit civil, LGDJ, 1963, p. VI). ?
  14. Dès 1971 la notion de caducité fait son apparition en droit des contrats. Dans trois arrêts remarqués, la Cour de cassation juge, par exemple, caduque une stipulation contractuelle qui ne satisfaisait plus, en cours d’exécution d’un contrat, à l’exigence de déterminabilité du prix (Cass. com., 27 avr. 1971, n° 69-10.843, n° 70-10.752 et n° 69-12.329 : Gaz. Pal. 1971, 2, p. 706, [3 arrêts] ; JCP G 1972, II, 16975 note J. Boré ; D. 1972, p. 353, note J. Ghestin, W. Rabinovitch). ?
  15. Caroline Pelletier note que le cantonnement de la caducité aux actes juridiques non entrés en vigueur « ne reflète plus l’état du droit positif et [qu’elle] peut, aussi, sans inconvénient, résulter d’un fait générateur intervenant après le début de l’exécution de l’acte juridique » (C. Pelletier, op. cit., n°3, p. 17). ?
  16. R. Houin, « Le problème des fictions en droit civil », Travaux de l’association H. Capitant, 1947, p. 247. ?
  17. J. Deprez, La rétroactivité dans les actes juridiques : Thèse, Rennes, 1953, n°1. ?
  18. Ibid., n°61. ?
  19. Cass. 2e civ., 2 déc. 1982 : Bull. civ. 1982, II, n° 158 ; RTD civ. 1983, p. 593, obs. R. Perrot; Cass. 2e civ., 13 févr. 1985 : JCP G 1985, IV, 15. ?
  20. Cass. ass. plén., 3 avr. 1987 : JCP G 1987, II, 20792, concl. M. Cabannes ; Gaz. Pal. 1987, 2, somm. p. 173, note H. Croze et Ch. Morel ; RTD civ. 1987, p. 401, obs. R. Perrot ; D. 1988, Somm. p. 122, obs. P. Julien. ?
  21. Cass. soc., 21 mai 1996 : D. 1996, inf. rap. p. 154 ; Civ. 2e, 3 mai 2001, n° 99-13.592, D. 2001. 1671; RTD civ. 2001. 667, obs. R. Perrot, Bull. civ. II, n° 89 ; Cass. 2e civ., 11 oct. 2001, n° 99-16.269: Bull. civ. 2001, II, n° 153; Com. 14 mars 2006, n° 03-10.945. ?
  22. V. en ce sens L. Miniato, « La loi du 17 juin 2008 rend-elle caduque la jurisprudence de l’assemblée plénière de la Cour de cassation ? », Dalloz, 2008, p. 2592. ?

La suspension de l’instance

Les incidents d’instance sont envisagés par le Titre XI du Livre 1er du Code de procédure civile consacré aux dispositions communes à toutes les juridictions.

À défaut de définition légale, ils peuvent être définis comme les événements qui modifient le cours de l’instance, soit en ce qu’ils affectent sa continuité (suspension ou interruption), soit en ce qu’ils provoquent son extinction (péremption, désistement, acquiescement, etc.).

Le Code de procédure civile énumère aux articles 367 à 410 quatre sortes d’incidents, au nombre desquels figurent :

  • La jonction et la disjonction d’instance
  • L’interruption de l’instance
  • La suspension de l’instance
  • L’extinction de l’instance

Nous nous focaliserons ici sur la suspension de l’instance.

L’instance se trouve suspendue lorsque certains événements étrangers à la situation personnelle des parties ou à celle de leur représentant, viennent arrêter son cours.

Tel est le cas pour :

  • Le sursis à statuer
  • La radiation de l’affaire
  • Le retrait du rôle

A) Le sursis à statuer

?Notion de sursis à statuer

Le sursis à statuer est défini à l’article 378 du CPC comme la décision qui « suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine. »

Classiquement, on distingue deux sortes de sursis à statuer : le sursis à statuer obligatoire et le sursis à statuer facultatif.

  • S’agissant du sursis à statuer obligatoire
    • Il s’agit du sursis à statuer qui s’impose au juge, tel que prévu à l’article 108 du CPC.
    • Cette disposition prévoit que le juge doit suspendre l’instance lorsque la partie qui le demande jouit :
      • Soit d’un délai pour faire inventaire et délibérer
      • Soit d’un bénéfice de discussion ou de division
      • Soit de quelque autre délai d’attente en vertu de la loi.
  • S’agissant du sursis à statuer facultatif
    • Il s’agit du sursis à statuer qui résulte d’un événement que le juge a déterminé
    • Les articles 109 et 110 du CPC prévoient, en ce sens, que le juge peut suspendre l’instance :
      • Soit pour accorder un délai au défendeur pour appeler un garant
      • Soit lorsque l’une des parties invoque une décision, frappée de tierce opposition, de recours en révision ou de pourvoi en cassation
    • D’autres cas de sursis à statuer facultatif que ceux prévus par la loi ont été découverts par la jurisprudence tels que la formulation d’une question préjudicielle ou l’existence d’un litige pendant devant le Juge pénal

?Nature du sursis à statuer

En dépit de l’apparente clarté de cette dichotomie, la doctrine s’est rapidement interrogée sur la nature du sursis à statuer.

En effet, le Code de procédure civile aborde le sursis à statuer à deux endroits différents :

  • Tantôt, le sursis à statuer est envisagé aux articles 108 et suivants du CPC comme une exception dilatoire, laquelle n’est autre qu’une variété d’exception de procédure dont le régime est fixé par le chapitre II relevant d’un Titre V consacré aux moyens de défense des parties
  • Tantôt, le sursis à statuer est envisagé aux articles 378 et suivants du CPC comme une variété d’incident d’instance, incident dont la particularité est d’avoir pour effet de suspendre le cours de l’instance

La question qui alors se pose est de savoir à quelle catégorie le sursis à statuer appartient-il ? De la réponse à cette question dépend le régime applicable. Or selon que le sursis à statuer est qualifié d’exception de procédure ou d’incident d’instance le régime applicable n’est pas le même.

  • Si l’on retient la qualification d’exception de procédure, il en résultera une conséquence majeure :
    • En application de l’article 789 du CPC le Juge de la mise en état est seul compétent pour connaître du sursis à statuer
    • L’exception doit donc être soulevée devant lui avant toute défense au fond et fin de non-recevoir (Art. 74 CPC).
    • La demande de sursis à statuer est alors irrecevable devant la formation de jugement, lors de l’ouverture des débats (art. 799 in fine CPC).
    • Reste que si le sursis à statuer est sollicité dans le cadre d’une demande incidente, il pourra être soulevé en tout état de cause, les demandes incidences échappant au régime des exceptions de procédure.
    • Autre conséquence de la qualification d’exception de procédure : les voies de recours.
    • L’article 794 du CPC prévoit que « les ordonnances du juge de la mise en état n’ont pas, au principal, l’autorité de la chose jugée à l’exception de celles statuant sur les exceptions de procédure, sur les fins de non-recevoir, sur les incidents mettant fin à l’instance et sur la question de fond tranchée en application des dispositions du 6° de l’article 789. »
    • Aussi, des voies de recours différentes sont prévues par les articles 795 et 914 du CPC selon que la décision du juge a ou non autorité de chose jugée.
  • Si l’on retient la qualification d’incident d’instance ne mettant pas fin à l’instance, la conséquence sera radicalement différente
    • La demande de sursis à statuer pourra être présentée pour la première fois devant la juridiction de jugement
    • S’agissant de la voie de recours, en application de l’article 380 du CPC la décision statuant sur l’incident ne peut être frappée d’appel que sur autorisation du premier président de la cour d’appel s’il est justifié d’un motif grave et légitime.

Quelle est la qualification retenue par la jurisprudence ?

Selon le service de documentation et d’études de la Cour de cassation « si les demandes de sursis à statuer font partie d’un titre du code consacré aux incidents d’instance, la jurisprudence les soumet néanmoins au régime des exceptions de procédure, de sorte que (…) ces demandes paraissent relever de la compétence du juge de la mise en état ».

À l’examen, la grande majorité des décisions émanant des cours d’appel qualifient le sursis à statuer d’exception de procédure, en se fondant notamment sur la définition large de l’article 73 du CPC. En revanche, certains arrêts réfutent cette qualification, mettant notamment en avant le plan du code, en ce que le sursis à statuer se situe sous le Titre XI relatif aux incidents d’instance.

Certains arrêts de cours d’appel (CA Toulouse, 15 juin 2007, RG 03/02229 ; CA Douai, 14 juin 2007, RG 07/00197 ; CA Versailles, 5 avril 2007, RG 06/01963 ; CA Versailles, 5 janvier 2006, RG 04/08622), rejoignant ainsi certaines études doctrinales, distinguent selon que le sursis est obligatoire ou facultatif.

La distinction est notamment fondée sur l’article 108 du CPC (« délai d’attente en vertu de la loi ») et sur le rôle du juge.

  • Lorsque le sursis est impératif, ne laissant au juge aucun pouvoir d’appréciation, il s’agirait d’une exception de procédure relevant du magistrat chargé de la mise en état.
  • Lorsque le sursis est facultatif, le juge a un rôle plus actif en ce qu’il doit rechercher si l’événement invoqué a une incidence sur l’affaire qui lui est soumise. Ce faisant, le magistrat est amené à examiner le fond de l’affaire qui relèverait de la seule formation de jugement.

Certains auteurs se sont penchés sur cette dichotomie estimant qu’une distinction pourrait être utilement faite entre :

  • Le sursis impératif prévu par la loi, qu’il est logique d’assimiler à une exception dilatoire au sens de l’article 108 du CPC in fine qui dispose : « le juge doit suspendre l’instance lorsque la partie qui le demande jouit (…) d’un délai d’attente en vertu de la loi » et qui relèverait de la compétence exclusive du magistrat de la mise en état, comme exception de procédure,
  • Et le sursis facultatif qui conduit le juge à analyser les incidences de l’événement sur le jugement de l’affaire au fond avant de se prononcer, cas où le sursis pourrait conserver sa nature d’incident ne mettant pas fin à l’instance et échapperait à la compétence exclusive du magistrat de la mise en état.

L’exemple utilisé à cette fin est le sursis sollicité au titre de l’article 4 du code de procédure pénale, lequel offre, depuis la réforme du 5 mars 2007, deux possibilités :

  • L’alinéa 2 : la suspension de l’instance civile s’impose dès lors que l’action civile a pour objet de demander réparation du dommage causé par l’infraction dont est saisi le juge répressif ; il s’agit ici d’un cas de sursis imposé au juge ;
  • L’alinéa 3 : la suspension soumise à l’appréciation du juge civil au regard de l’influence que pourra exercer la décision pénale sur l’infraction, mais alors que l’action civile a un autre objet que la réparation de l’infraction ; il s’agit ici d’un cas de sursis facultatif.

Dans le premier cas, le sursis relèverait de la compétence du magistrat de la mise en état, dans le second, il ressortirait à la compétence de la seule formation de jugement, même avant dessaisissement du magistrat de la mise en état (CA Paris, 13 juin 2006, JurisData n° 2006-311819).

Mais cette dualité de juge pose bien des difficultés, notamment celle soulevée par Mme Fricero : n’est-il pas paradoxal que pour un sursis imposé par la loi, il ne soit plus possible de le soulever devant le juge du fond en raison de l’irrecevabilité prévue par l’article 789 du code de procédure civile, alors que l’empêchement disparaîtrait pour un sursis facultatif ?

Ne serait-il pas plus cohérent de le soumettre au même juge, le magistrat de la mise en état, qui serait compétent pour statuer, quelle que soit la cause de la demande de sursis, et purger la procédure de tous ses aléas ?

Il sera observé que l’article 789, 1° du CPC, ne fait aucune distinction entre des exceptions de procédure qui seraient impératives et d’autres qui seraient facultatives pour le juge.

Bien avant la réforme de décembre 2005, certains praticiens exprimaient déjà leur souhait qu’une révision du code de procédure civile soumette à un même régime tout moyen de procédure ayant pour objet d’entraîner un sursis à statuer.

La distinction entre sursis obligatoire et sursis facultatif ne paraît pas adaptée aux exigences de la pratique.

Quoi qu’il en soit, sollicitée sur la question de la nature du sursis à statuer, dans un avis n°0080007P du 29 septembre 2008 la Cour de cassation a considéré « la demande de sursis à statuer constitue une exception de procédure ». Il y a donc lieu de lui appliquer le régime juridique attaché aux exceptions de procédure, en particulier la règle exigeant qu’elles soient soulevées in limine litis, soit avant toute demande au fond.

1. Les causes du sursis à statuer

Il convient de distinguer les cas de suspension de l’instance expressément visés par la loi, de ceux qui ne sont le sont pas.

?Les cas de suspension visés par la loi

Il ressort de la combinaison des articles 108, 109 et 110 que plusieurs cas de suspension de l’instance sont prévus par la loi.

  • Le délai d’option successorale
    • L’article 108 du CPC prévoit que « le juge doit suspendre l’instance lorsque la partie qui le demande jouit soit d’un délai pour faire inventaire et délibérer ».
    • Manifestement, c’est le délai d’option successorale qui est envisagé par ce texte.
    • L’article 771 du Code civil prévoit que l’héritier ne peut être contraint à opter avant l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de l’ouverture de la succession.
    • Ainsi, le bénéficiaire de ce délai peut solliciter du juge un sursis à statuer pendant afin de prendre le temps d’opter.
    • À l’expiration du délai de 4 mois, l’héritier pourra être sommé d’exercer son option successorale, ce qui ouvrira un nouveau délai de deux mois.
  • Le bénéfice de discussion ou de division
    • L’article 108 prévoit encore que « le juge doit suspendre l’instance lorsque la partie qui le demande jouit […] d’un bénéfice de discussion ou de division », étant précisé que ces mécanismes se rencontrent dans le cadre d’un engagement de caution.
      • Le bénéfice de la discussion prévu à l’article 2298 du Code civil permet à la caution d’exiger du créancier qu’il saisisse et fasse vendre les biens du débiteur avant de l’actionner en paiement.
      • Le bénéfice de division quant à lui, prévu à l’article 2303 du Code civil autorise la caution à exiger du créancier qu’il divise préalablement son action, et la réduise à la part et portion de chaque caution.
    • Tant le bénéfice de discussion que le bénéfice de division sont envisagés par le Code de procédure civile comme des exceptions dilatoires.
    • La caution est donc fondée à s’en prévaloir afin de solliciter un sursis à statuer.
    • Tel sera le cas lorsqu’elle sera poursuivie par le créancier, sans que celui-ci n’ait préalablement actionné en paiement le débiteur principal ou divisé ses poursuites en autant d’actions qu’il y a de cautions.
  • Le délai d’appel à un garant
    • L’article 109 du CPC prévoit que « le juge peut accorder un délai au défendeur pour appeler un garant. »
    • Le texte fait ici référence à la faculté pour l’une des parties de solliciter la mise en œuvre d’une garantie simple ou formelle.
    • À cet égard, l’article 334 du CPC prévoit que la garantie est simple ou formelle selon que le demandeur en garantie est lui-même poursuivi comme personnellement obligé ou seulement comme détenteur d’un bien.
    • Dans les deux cas, le demandeur peut avoir besoin de temps pour appeler à la cause le garant.
    • C’est précisément là la fonction de l’article 109 du CPC que d’autoriser le juge à octroyer au demandeur ce temps nécessaire à l’organisation de sa défense.
  • Délai nécessaire à l’exercice d’une voie de recours extraordinaire
    • L’article 110 du CPC prévoit que « le juge peut également suspendre l’instance lorsque l’une des parties invoque une décision, frappée de tierce opposition, de recours en révision ou de pourvoi en cassation. »
    • Ainsi, lorsque l’une des parties entend se prévaloir d’une décision frappée par l’une de ces voies de recours, elle peut solliciter du juge un sursis à statuer.
    • Celui-ci accédera à la demande qui lui est présentée lorsque la décision dont se prévaut le demandeur est susceptible d’avoir une incidence sur la solution du litige qui lui est soumis.
    • L’objectif visé par cette règle est d’éviter que des décisions contradictoires puissent être rendues, raison pour laquelle il convient que la décision frappée d’une voie de recours extraordinaire soit définitive.

?Les cas de suspension non visés par la loi

L’article 108 du CPC prévoit outre les exceptions dilatoires tenant au délai d’option successorale ou aux bénéfices de discussion et de division, « le juge doit suspendre l’instance lorsque la partie qui le demande jouit […]de quelque autre délai d’attente en vertu de la loi. »

Il ressort de cette disposition que la liste des exceptions dilatoires énoncée aux articles 108, 109 et 110 du CPC n’est pas exhaustive. Elle demeure ouverte.

Reste à déterminer quels sont les autres cas de suspension de l’instance en dehors de ceux expressément par la loi.

L’examen de la jurisprudence révèle que les principaux cas admis au rang des exceptions dilatoires sont :

  • La formulation d’une question préjudicielle adressée au Juge administratif
    • Dans cette hypothèse, l’article 49, al. 2 du CPC prévoit que « lorsque la solution d’un litige dépend d’une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente en application du titre Ier du livre III du code de justice administrative. Elle sursoit à statuer jusqu’à la décision sur la question préjudicielle. »
  • La formulation d’une question prioritaire de constitutionnalité
    • La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a introduit dans la Constitution du 4 octobre 1958 un article 61-1 disposant que « lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. »
    • Pour permettre le contrôle par le Conseil constitutionnel, par voie d’exception, des dispositions législatives promulguées, la réforme instaure un dispositif qui comprend une suspension d’instance.
    • En effet, à l’occasion d’une instance en cours, une partie peut désormais soulever un moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.
    • Ce moyen est qualifié par la loi organique de question prioritaire de constitutionnalité.
    • Lorsqu’une telle question est posée devant une juridiction judiciaire, il incombe à celle-ci de statuer sans délai sur sa transmission à la Cour de cassation.
    • Cette transmission doit être ordonnée dès lors que la disposition législative contestée est applicable au litige ou à la procédure ou constitue le fondement des poursuites, qu’elle n’a pas déjà, sauf changement des circonstances, été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel et que la question n’est pas dépourvue de caractère sérieux.
    • Cette transmission impose, en principe, à la juridiction initialement saisie de surseoir à statuer sur le fond de l’affaire dans l’attente de la décision sur la question prioritaire de constitutionnalité.
  • Le criminel tient le civil en l’état
    • L’ancien article 4 du CPC prévoyait un sursis obligatoire à statuer de l’action civile « tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement sur l’action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement ».
    • Ce sursis au jugement de l’action civile reposait sur le principe prétorien selon lequel « le criminel tient le civil en l’état ».
    • La primauté de la décision pénale s’expliquait notamment en raison des moyens d’investigation plus efficaces dont dispose le juge répressif, ainsi que par le nécessaire respect de la présomption d’innocence.
    • Ce principe ne valait toutefois que pour les actions civiles engagées pendant ou après la mise en mouvement de l’action publique, et en aucun cas pour celles ayant déjà été tranchées lorsque celle-ci est mise en mouvement.
    • En outre, l’action publique et l’action civile devaient être relatives aux mêmes faits.
    • Ainsi en était-il par exemple d’une action civile exercée en réparation du dommage causé par l’infraction pour laquelle est engagée une procédure pénale.
    • La Cour de cassation avait interprété assez largement ce principe et considéré que le sursis à statuer devait être prononcé dès lors que le même fait avait servi de fondement à l’action publique et à l’action civile, sans pour autant que cette dernière corresponde à la réparation du préjudice subi du fait de l’infraction (V. en ce sens Cass., civ., 11 juin 1918).
    • La Cour de cassation considérait donc que le sursis à statuer devait être prononcé lorsque la décision prise sur l’action publique était « susceptible d’influer sur celle de la juridiction civile ».
    • Cette règle visait principalement à assurer une primauté de la chose jugée par le pénal sur le civil et à éviter ainsi une divergence de jurisprudence.
    • Au fil du temps, une pratique s’est toutefois installée, laquelle consistait à mettre en mouvement une action publique devant le juge pénal dans le seul objectif de suspendre un procès civil.
    • Afin de mettre un terme aux abus, la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale a considérablement limité la portée de la règle selon laquelle « le criminel tient le civil en l’état » en cantonnant son application aux seules actions civiles exercées en réparation du dommage causé par l’infraction.
    • Ainsi, désormais, le sursis à statuer ne peut être sollicité que dans l’hypothèse où l’action civile est exercée en réparation d’un dommage causé par une infraction pour laquelle une action publique aurait été mise en mouvement devant le juge pénal.

2. Les effets du sursis à statuer

L’article 378 du CPC prévoit que « la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine »

Il ressort de cette disposition que le sursis à statuer a pour effet de suspendre l’instance :

  • Soit pendant un temps fixé par le Juge
  • Soit jusqu’à la survenance d’un événement déterminé

En tout état de cause, il appartient au Juge de prévoir le fait générateur de la reprise de l’instance.

Le sursis à statuer ne dessaisit pas le Juge, de sorte qu’il dispose de la faculté de revenir sur sa décision, à tout le moins d’abréger ou de proroger le délai fixé.

À l’expiration du sursis, l’instance est poursuivie à l’initiative des parties ou à la diligence du juge, sauf la faculté d’ordonner, s’il y a lieu, un nouveau sursis.

Ainsi, tant les parties que le Juge peuvent provoquer la reprise de l’instance, à l’instar de l’interruption d’instance. Aucun acte formel n’est exigé par l’article 379 du CPC pour que la reprise de l’instance soit opérante.

Suivant les circonstances, le Juge peut encore révoquer le sursis ou en abréger le délai initialement fixé, en particulier s’il considère que ce délai n’est plus justifié.

3. Les recours contre la décision de sursis à statuer

L’article 380 du CPC prévoit en ce sens que la décision de sursis peut être frappée d’appel sur autorisation du premier président de la cour d’appel s’il est justifié d’un motif grave et légitime.

Pratiquement, la partie qui veut faire appel saisit le premier président, qui statue selon la procédure accélérée au fond. L’assignation doit être délivrée dans le mois de la décision.

S’il accueille la demande, le premier président fixe, par une décision insusceptible de pourvoi, le jour où l’affaire sera examinée par la cour, laquelle est saisie et statue comme en matière de procédure à jour fixe ou comme il est dit à l’article 948, selon le cas.

Lorsque la décision de sursis à statuer est rendue en dernier ressort, elle peut être attaquée par la voie du pourvoi en cassation, mais seulement pour violation de la règle de droit.

B) La radiation de l’affaire

?Les causes de radiation du rôle

L’article 381 du CPC prévoit que « la radiation sanctionne dans les conditions de la loi le défaut de diligence des parties ».

À l’examen, les causes de radiation du rôle sont nombreuses :

  • Si les avocats s’abstiennent d’accomplir les actes de la procédure dans les délais impartis, le juge de la mise en état peut, d’office, après avis donné aux avocats, prendre une ordonnance de radiation motivée non susceptible de recours (art. 801 CPC).
  • Lorsque devant la juridiction désignée les parties sont tenues de se faire représenter, l’affaire est d’office radiée si aucune d’elles n’a constitué avocat, selon le cas, dans le mois de l’avis qui leur a été donné (art. 97 CPC)
  • Lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu’il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider, à la demande de l’intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l’article 521, à moins qu’il lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision (art. 524 CPC).
  • En cas d’interruption de l’instance, celui-ci peut inviter les parties à lui faire part de leurs initiatives en vue de reprendre l’instance et radier l’affaire à défaut de diligences dans le délai par lui imparti (art. 376 CPC)

?Notification de la décision de radiation

La décision de radiation du rôle doit être notifiée par lettre simple aux parties ainsi qu’à leurs représentants. La notification précise le défaut de diligence sanctionné.

Cette notification vise à :

  • D’une part, informer les parties de la suspension de l’instance
  • D’autre part, leur indiquer la cause de suspension de l’instance afin qu’elles en tirent toutes les conséquences pour engager sa reprise

?Les effets de la radiation du rôle

L’article 381 du CPC prévoit que la radiation emporte, non pas le retrait de l’affaire du rôle, mais seulement sa suppression « du rang des affaires en cours ».

Cette sanction n’a donc pas pour effet d’éteindre l’instance : elle la suspend

L’article 383 autorise toutefois le juge de la mise en état à revenir sur cette radiation.

En effet, sauf à ce que la péremption de l’instance ne soit acquise, cette disposition prévoit que « l’affaire est rétablie, en cas de radiation, sur justification de l’accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné celle-ci ou, en cas de retrait du rôle, à la demande de l’une des parties. »

En ce que la radiation est une mesure d’administration judiciaire (art. 383 CPC), elle est insusceptible de voie de recours.

C) Le retrait du rôle

L’article 382 du CPC prévoit que « le retrait du rôle est ordonné lorsque toutes les parties en font la demande écrite et motivée. »

Cette demande de retrait du rôle doit être formulée au moyen de conclusions prises respectivement par chacune des parties.

Pour être acceptée, la radiation est subordonnée à l’existence d’un accord entre les parties. Elle sera rejetée si la demande émane d’une seule partie.

En application de l’article 383 du CPC et à l’instar de la radiation, le retrait du rôle est une mesure d’administration judiciaire. Elle ne peut donc pas faire l’objet de voies de recours.

L’alinéa 2 de cette disposition précise néanmoins que l’une des parties peut solliciter la reprise de l’instance, sauf à ce que celle-ci soit périmée. Il n’est pas nécessaire que cette demande soit formulée par les deux parties. Aucun formalisme n’est, par ailleurs, exigé.

La reprise de l’instance pourra donc être provoquée par la seule déclaration au greffe formulée par l’une des parties.

Aménagement du dessaisissement du juge: les voies de réparation du jugement

L’un des principaux attributs d’un jugement est le dessaisissement du juge. Cet attribut est exprimé par l’adage lata sententia judex desinit esse judex : une fois la sentence rendue, le juge cesse d’être juge.

La règle est énoncée à l’article 481 du CPC qui dispose que « le jugement, dès son prononcé, dessaisit le juge de la contestation qu’il tranche ». En substance, le dessaisissement du juge signifie que le prononcé du jugement épuise son pouvoir juridictionnel.

Non seulement, au titre de l’autorité de la chose jugée dont est assorti le jugement rendu, il est privé de la possibilité de revenir sur ce qui a été tranché, mais encore il lui est interdit, sous l’effet de son dessaisissement, d’exercer son pouvoir juridictionnel sur le litige.

Le principe du dessaisissement du juge n’est toutefois pas sans limites. Ces limites tiennent, d’une part, à la nature de la décision rendue et, d’autre part, à certains vices susceptibles d’en affecter le sens, la portée ou encore le contenu.

  • S’agissant des limites qui tiennent à la nature de la décision rendue
    • Il peut être observé que toutes les décisions rendues n’opèrent pas dessaisissement du juge.
    • Il est classiquement admis que seules les décisions contentieuses qui possèdent l’autorité absolue de la chose jugée sont assorties de cet attribut.
    • Aussi, le dessaisissement du juge n’opère pas pour :
      • Les décisions rendues en matière gracieuses
      • Les jugements avants dire-droit
      • Les décisions provisoires (ordonnances de référé et ordonnances sur requête).
  • S’agissant des limites qui tiennent aux vices affectant la décision rendue
    • Il est certains vices susceptibles d’affecter la décision rendue qui justifient un retour devant le juge alors même qu’il a été dessaisi.
    • La raison en est qu’il s’agit d’anomalies tellement mineures (une erreur de calcul, une faute de frappe, une phrase incomplète etc.) qu’il serait excessif d’obliger les parties à exercer une voie de recours tel qu’un appel ou un pourvoi en cassation.
    • Non seulement, cela les contraindrait à exposer des frais substantiels, mais encore cela conduirait la juridiction saisie à procéder à un réexamen général de l’affaire : autant dire que ni les justiciables, ni la justice ne s’y retrouveraient.
    • Fort de ce constat, comme l’observe un auteur, « le législateur a estimé que pour les malfaçons mineures qui peuvent affecter les jugements, il était préférable de permettre au juge qui a déjà statué de revoir sa décision »[1].
    • Ainsi, les parties sont-elles autorisées à revenir devant le juge qui a rendu une décision aux fins de lui demander de l’interpréter en cas d’ambiguïté, de la rectifier en cas d’erreurs ou d’omissions purement matérielles, de la compléter en cas d’omission de statuer ou d’en retrancher une partie dans l’hypothèse où il aurait statué ultra petita, soit au-delà de ce qui lui était demandé.
    • À cette fin, des petites voies de recours sont prévues par le Code de procédure civile, voies de recours dont l’objet est rigoureusement limité.

C’est sur ces petites voies de recours que nous nous focaliserons ici. Elles sont envisagées aux articles 461 à 464 du Code de procédure civile.

Au nombre de ces voies de recours, qui donc vise à obtenir du juge qui a statué qu’il revienne sur sa décision, figurent :

  • Le recours en interprétation
  • Le recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle
  • Le recours en retranchement
  • Le recours aux fins de remédier à une omission de statuer

I) Le recours en interprétation

Il est des cas où, parce qu’une disposition de la décision rendue est obscure, ambiguë ou comporte une contradiction, les parties ne sont pas d’accord sur le sens ou la portée de ce qui a été tranché.

Dans cette hypothèse, un recours leur est ouvert aux fins d’obtenir du juge qui a statué une interprétation des termes discutés de la décision rendue.

L’article 461 du CPC prévoit en ce sens que « il appartient à tout juge d’interpréter sa décision si elle n’est pas frappée d’appel. »

L’objectif recherché est de prévenir une exécution de la décision rendue qui ne serait pas conforme à l’intention du juge.

A) Conditions de recevabilité du recours

?Une décision obscure

Pour que les parties à un litige soient recevables à exercer un recours en interprétation, il doit être démontré que les termes de la décision rendue prêtent à discussion et plus précisément que l’une de ses dispositions présente une ambiguïté, une obscurité ou une contradiction.

Dans un arrêt du 8 novembre 1976, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « si les juges ne peuvent, sous prétexte d’interpréter leurs décisions, les modifier, y ajouter ou les restreindre, il leur appartient d’en fixer le sens et d’en expliquer les dispositions dont les termes ont donné lieu à quelques doutes » (Cass. 1ère civ. 8 nov. 1976, n° 75-12.380).

À l’inverse, lorsque la décision rendue est claire et précise, le recours en interprétation est irrecevable, les parties ne justifiant alors pas d’un intérêt à agir au sens de l’article 31 du Code de procédure civile (Cass. 2e civ. 22 oct. 2009, n°07-21.834).

Il est indifférent que les parties s’accordent sur le caractère obscur de la décision, celui-ci devant être appréciée objectivement (V. en ce sens Cass. ch. Mixte, 6 juill. 1984, n°80-12.965).

Seul compte l’existence d’une obscurité ou d’une ambiguïté qui rende incertaine, à tout le moins difficultueuse, l’exécution de la décision.

À cet égard, la Cour de cassation considère que les juges du fond sont investis d’un pouvoir souverain pour juger de la nécessité d’interpréter, soit d’apprécier le caractère obscur ou ambigu d’une disposition du jugement (Cass., com., 7 octobre 1981, n° 79-16.416).

?Une décision non frappée d’appel

L’article 461 du CPC prévoit que « il appartient à tout juge d’interpréter sa décision si elle n’est pas frappée d’appel ».

Il ressort de cette disposition que l’appel fait obstacle à l’exercice du recours en interprétation.

La raison en est que cette voie de réformation des décisions de justice produit un effet dévolutif, en ce sens que la Cour d’appel devient seule compétente pour connaître du litige à l’exclusion de toute autre juridiction

L’exercice du recours en interprétation redeviendra néanmoins possible en cas d’irrecevabilité de l’appel.

Quant au pourvoi en cassation, il est sans incidence sur le recours en interprétation qui peut parfaitement être exercé.

B) Pouvoirs du juge

Parce que le recours en interprétation vise seulement à éclairer les parties sur le sens ou la portée d’une décision rendue, le juge ne saurait en modifier les dispositions.

Il en résulte qu’il ne peut, ni revenir sur les droits et obligations reconnues aux parties, ni modifier les mesures ou sanctions prononcées, ce pouvoir étant dévolu aux seules juridictions de réformation.

Régulièrement la Cour de cassation rappelle que « les juges saisis d’une contestation relative à l’interprétation d’une précédente décision ne peuvent, sous prétexte d’en déterminer le sens, apporter une modification quelconque aux dispositions précises de celle-ci » (Cass. civ. 30 mars 1965, n°63-10.370).

Dans le même sens, la troisième chambre civile a jugé dans un arrêt du 2 juin 2015 que « le juge, saisi d’une contestation relative à l’interprétation d’une précédente décision, ne peut, sous le prétexte d’en déterminer le sens, apporter une quelconque modification à cette dernière, en modifiant les droits et obligations qu’il a reconnus aux parties » (Cass. 3e civ., 2 juin 2015, n°14-15.043).

Il est indifférent que les dispositions de la décision déférée au juge pour interprétation soient erronées (Cass. 1ère civ. 28 mai 2008, n°07-16.990). Admettre la solution inverse reviendrait à porter atteinte à l’autorité de la chose jugée dont est assortie la décision rendue.

Aussi, est-il fait interdiction au juge dans le cadre de l’exercice de son office d’interprétation de :

  • De prendre en compte des éléments de fait ou de droit nouveaux
  • De tirer des constatations établies dans sa décision des conséquences juridiques nouvelles
  • D’opérer des ajouts, des substitutions ou encore des retranchements sur la décision rendue

C) Procédure

1. Compétence

?Principe

Le juge compétent pour connaître d’un recours en interprétation est, en application de l’article 461 du CPC, celui-là même qui a rendu la décision.

Il n’est toutefois nullement exigé qu’il s’agisse de la même personne physique. Ce qui importe c’est qu’il y ait identité de juridiction et non de personne.

?Tempéraments

  • Interprétation incidente
    • Bien que seul le juge qui a rendu la décision soit compétent pour connaître d’un recours en interprétation, ce monopole ne fait pas obstacle à ce qu’une autre juridiction interprète cette décision dans le cadre d’une autre instance (Cass. 1ère civ. 18 janv. 1989, n°87-13.177).
    • L’interprétation incidence, soit effectuée par un autre juge, est dans ce cadre parfaitement admis.
  • Juge de l’exécution
    • Le pouvoir d’interpréter une décision est également dévolu au Juge de l’exécution qui, conformément à l’article L. 218-6 du Code de l’organisation judiciaire « connaît de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit ».
    • La Cour de cassation a notamment statué en ce sens dans un arrêt du 7 avril 2016 (Cass. 2e civ. 7 avr. 2016, n°15-17.398).
    • Ce pouvoir d’interprétation ne pourra toutefois être exercé que dans le cadre d’une contestation portant sur une mesure d’exécution prise en application d’un titre exécutoire.
    • Le juge de l’exécution ne pourra, en aucun cas, faire droit à une demande en interprétation formulée à titre principal

2. Saisine du juge

a. Délai pour agir

Contrairement au recours en omission de statuer qui doit être exercé dans le délai d’un an après que la décision est passée en force de chose jugée, l’exercice du recours en interprétation n’est subordonné à l’observation d’aucun délai.

Aussi, convient-il de se reporter au délai de droit commun d’exécution des décisions de justice qui, en application de l’article L. 111-4 du Code des procédures civiles d’exécution est porté à 10 ans sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long.

b. Auteur de la saisine

À la différence de la procédure en rectification d’erreur ou d’omission matérielle qui peut être initiée par le juge qui dispose d’un pouvoir de se saisir d’office, la procédure d’interprétation ne peut être engagée que par les parties elles-mêmes.

Cette règle a été rappelée par la Cour de cassation dans un arrêt du 5 décembre 2013 aux termes duquel elle a affirmé que « la demande en interprétation est formée par simple requête de l’une des parties » (Cass. 2e civ. 5 déc. 2013, n°12-27.461).

À cet égard, lorsque la représentation est obligatoire, le recours devra être par l’entremise d’un avocat.

c. Mode de saisine

Si, par principe, le recours en interprétation est exercé par voie de requête, il est admis que l’instance puisse être introduite au moyen d’une assignation.

?Principe

  • Une requête
    • L’article 461 du CPC prévoit que « la demande en interprétation est formée par simple requête de l’une des parties ou par requête commune. »
    • Le recours en interprétation doit ainsi être exercé par voie de requête unilatérale ou conjointe.
    • Pour rappel :
      • La requête unilatérale est définie à l’article 57 du CPC comme l’acte par lequel le demandeur saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé.
      • La requête conjointe est définie à l’article 57 du CPC comme l’acte commun par lequel les parties soumettent au juge leurs prétentions respectives, les points sur lesquels elles sont en désaccord ainsi que leurs moyens respectifs.
  • Forme de la requête
    • À l’instar de l’assignation, la requête doit comporter un certain nombre de mentions prescrites à peine de nullité par le Code de procédure civile.
    • Ces mentions sont énoncées aux articles 54, 57 et 757 du CPC.
  • Dépôt de la requête
    • La requête doit être déposée au greffe de la juridiction saisie en deux exemplaires.
    • La remise au greffe de la copie de la requête est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué au déposant afin qu’il conserve une preuve du dépôt.
    • L’article 461 du CPC prévoyant que « le juge se prononce les parties entendues ou appelées », on en déduit que la procédure est contradictoire.
    • Aussi, en cas de dépôt d’une requête unilatérale, il y a lieu de la notifier à la partie adverse.

?Exception

La jurisprudence admet que le mode de saisine énoncé par l’article 461 du CPC n’est pas exclusif, de sorte que le recours en interprétation peut être exercé par voie d’assignation.

Ce mode de saisine présente l’avantage d’ouvrir immédiatement un débat contradictoire, raison pour laquelle il est admis.

3. Convocation des parties

L’article 461, al. 2 in fine du CPC prévoit que « le juge statue après avoir entendu les parties ou celles-ci appelées »

Ainsi, afin d’adopter sa décision interprétative, le juge a l’obligation d’auditionner et d’entendre les parties, étant précisé que, en l’absence de délai de comparution, le juge doit leur laisser un temps suffisant pour préparer leur défense.

4. Représentation

S’agissant de la représentation des parties, la procédure d’interprétation répond aux mêmes règles que celles ayant donné lieu à la décision rendue.

Aussi, selon les cas, la représentation par avocat sera obligatoire ou facultative. En cas de représentation facultative, la requête pourra, dans ces conditions, être déposée par les parties elles-mêmes.

5. Régime de la décision interprétative

?Incorporation dans la décision initiale

Ainsi que le rappelle régulièrement la jurisprudence, la décision interprétative a vocation à s’incorporer à la décision interprétée.

Il en résulte qu’elle est assujettie aux mêmes règles que le jugement sur lequel elle porte. Plus précisément elle en emprunte tous les caractères.

Ainsi, la décision interprétative donne lieu aux mêmes voies de recours que la décision rectifiée. Si elle est rendue en dernier ressort, il en ira de même pour le jugement interprétatif.

Surtout, en cas d’exercice d’une voie de recours contre la décision interprétée, la décision interprétatrice subira le même sort, y compris s’agissant de l’issue de la procédure d’appel ou de cassation.

?Voies de recours

Il y a lieu ici de distinguer selon que le juge fait droit à la demande d’interprétation ou la rejette.

  • Le juge fait droit à la demande d’interprétation
    • Dans cette hypothèse, la jurisprudence admet qu’un recours puisse être exercé contre la décision interprétative prise isolément à la condition toutefois que les griefs formulés portent sur l’interprétation en tant que telle de la décision rectifiée.
    • À cet égard, il est indifférent que cette dernière soit passée en force de chose jugée, l’important étant que la voie de recours soit exercée dans les délais requis.
  • Le juge rejette la demande de rectification
    • Dans cette hypothèse, le recours exercé est indépendant des recours susceptibles d’être exercés contre la décision initiale.
    • Il s’agit ici de critiquer, non pas l’interprétation du jugement rendu, mais le refus d’interprétation opposé par le juge.

II) Le recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle

Il peut arriver que des erreurs ou des omissions purement matérielles affectent la décision rendue ce qui est susceptible d’en perturber l’exécution.

Il peut s’agir d’une erreur de calcul d’une indemnité, d’une faute de frappe dans le nom d’une partie, d’une omission dans la composition de la juridiction ou encore de l’omission dans le dispositif du jugement d’un élément évoqué dans la motivation.

Afin de permettre aux parties de revenir devant le juge sans qu’elles soient contraintes de se soumettre à la lourdeur procédurale d’un appel ou d’un pourvoi en cassation, le législateur a institué le recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle.

Ce recours est envisagé à l’article 462 du CPC qui prévoit que « les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l’a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande. »

Il s’agira ici pour le juge de rectifier la décision rendue sans pour autant porter atteinte à l’autorité de la chose jugée. Dans certains cas, l’exercice s’avérera pour le moins périlleux, la frontière qui sépare l’erreur matérielle de l’erreur substantielle étant ténue.

C’est la raison pour laquelle la faculté conférée au juge de rectifier un jugement affecté par une erreur ou une omission matérielle est encadrée très strictement.

A) Conditions de recevabilité du recours

?Une erreur ou une omission purement matérielle

Pour être recevable la requête en rectification doit nécessairement porter sur des erreurs ou omissions purement matérielles.

Par matérielle, il faut comprendre une erreur ou une omission commise par inadvertance, par inattention ou par négligence.

À l’examen, les notions d’erreur et d’omission matérielle sont appréhendées de la même manière par la jurisprudence, bien qu’elles affectent la décision rendue différemment.

  • S’agissant de l’erreur matérielle
    • Elle consiste en une anomalie dans l’expression de la pensée.
    • Autrement dit, le vice qui affecte le jugement ne procède nullement d’une erreur intellectuelle, soit d’une anomalie dans le raisonnement du juge.
    • L’anomalie réside plutôt dans la traduction de la pensée de ce dernier : le juge pensait une chose et il en a écrit une autre.
    • Ainsi que le résume un auteur « l’erreur ne doit pas avoir été dans la pensée du juge, mais uniquement dans sa traduction formelle »[2].
    • Il s’agit donc d’une inadvertance qui affecte, non pas le raisonnement, mais son expression.
    • À cet égard, l’erreur ne pourra être qualifiée de matérielle que si elle est involontaire, soit si elle provient d’une inattention ou d’une négligence du juge.
    • L’erreur matérielle pourra consister en :
      • Une faute de frappe qui a pour conséquence de modifier le nom d’une partie ou le sens d’une phrase.
      • Une faute de calcul commise par le juge par pure inattention.
      • Une substitution ou une adjonction erronée d’un mot
      • L’indication d’une fausse date
    • En revanche, l’erreur qui affecte la décision ne sera pas regardée comme matérielle lorsqu’elle consistera en :
      • Une faute d’appréciation des faits
      • Une faute d’interprétation ou d’application de la règle de droit
      • Une anomalie dans le raisonnement
  • S’agissant de l’omission matérielle
    • Elle consiste en un oubli commis par le juge qui, par inadvertance ou par inattention, a passé sous silence une disposition de la décision rendue
    • Comme pour l’erreur, l’omission est une anomalie qui affecte, non pas le raisonnement du juge, mais son expression.
    • La défaillance se traduit ici par un oubli, une lacune dans la rédaction de la décision.
    • L’omission matérielle se distingue de l’omission de statuer en ce que la lacune procède, non pas d’un vice qui affecte le raisonnement du juge, mais seulement d’une mauvaise transcription de sa volonté.
    • Elle se distingue également du défaut de motifs, lequel correspond à une défaillance du juge quant à l’observation des règles qui gouvernent la rédaction d’un jugement.
    • À cet égard, le défaut de motif est sanctionné par la nullité du jugement et ne donne donc pas lieu à rectification.
    • À l’examen, l’omission matérielle pourra consister en :
      • L’oubli de mots ou d’une phrase dans la minute dès lors qu’il s’agit d’une défaillance dans la rédaction
      • L’oubli dans le dispositif d’une disposition pourtant motivée dans le corps de la décision
      • L’oubli dans le calcul de dommages et intérêts d’une provision déjà versée
      • L’oubli du nom d’un magistrat ayant participé au débat
      • L’oubli d’indexer une pension alimentaire ou une prestation compensatoire

?Une erreur ou une omission émanant du juge

La règle énoncée à l’article 462 du CPC doit être comprise comme n’autorisant la rectification que des seules erreurs ou omissions matérielles commises par le juge (V. en ce sens Cass. 2e civ. 2 juill. 1980, n°78-15.451).

La jurisprudence a néanmoins admis que, lorsque l’erreur ou l’omission provenait de l’exposé des prétentions des parties, puis a été reprise par le juge, elle pouvait être rectifiée (Cass. 1ère civ. 18 janv. 1989, n°87-16.880 et 87-17.735 ; Cass. soc. 21 févr. 1980, n°79-60.821).

Cette solution se justifie par l’obligation qui échoit au juge de vérifier les allégations qui lui sont soumises. Si, dès lors, il manque à son obligation de contrôle, l’erreur ou l’omission commise par une partie devient sienne.

B) Pouvoirs du juge

?L’appréciation de l’erreur et de l’omission matérielle

Afin de prévenir toute atteinte à l’autorité de la chose jugée, la faculté conférée au juge de rectifier la décision affectée par une erreur ou une omission matérielle est strictement encadrée.

Aussi, l’article 462 du CPC invite le juge, s’agissant de l’appréciation de l’erreur ou de l’omission matérielle, à se référer à « ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande. »

Il s’agit là de consignes impératives auxquelles le juge ne peut pas se soustraire. Dans un arrêt du 19 juin 1975, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « cette indication des éléments par lesquels l’erreur matérielle peut être rectifiée est limitative » (Cass. 2e civ. 19 juin 1975, n°74-11.215).

Relevant que les juges du fond s’étaient seulement appuyés sur le souvenir de deux membres de la Cour pour rectifier une mention de l’arrêt rendu, elle censure la Cour d’appel au motif qu’elle aurait dû exclusivement se fonder sur « ce que le dossier révèle et sur un point ou la solution n’est pas commandée par la raison », conformément aux prescriptions de l’article 462 du CPC.

Concrètement, pour apprécier l’erreur ou l’omission matérielle commise par le juge, la juridiction saisie ne peut donc se fonder que sur deux éléments alternatifs

  • Premier élément : ce que le dossier révèle
    • Il s’agit là de tous les éléments que contenait le dossier au jour où la décision rectifiée a été rendue.
    • A contrario, le juge ne pourra donc pas tenir compte des éléments qui seraient extérieurs au dossier, tels que des témoignages, des documents produits postérieurement au jugement rendu ou tout autre élément fourni par un tiers.
  • Second élément : ce que la raison commande
    • Il s’agit là d’un élément d’appréciation subsidiaire auquel le juge ne peut se référer qu’à défaut d’éléments probants dans le dossier.
    • Que faut-il entendre par la formule « ce que la raison commande » ?
    • Il s’agit ici de tout ce qui indique que l’erreur ou l’omission soulevée n’aurait pas pu être commise par un juge normalement attentif
    • Autrement dit, l’anomalie est tellement grossière qu’elle ne peut être que matérielle.
    • À cet égard, il doit exister des éléments objectifs et non équivoques qui établissent la faute d’inattention.
    • Ces éléments pourront notamment être recherchés dans les motifs du jugement ou dans son dispositif.
    • Il pourra ainsi être démontré que le dispositif n’exprime pas le sens de la décision (V. en ce sens Cass. 2e civ. 29 janv. 1992, n°90-17.104).
    • Si, par exemple, il est question dans l’intégralité de la décision et en particulier dans sa motivation de statuer sur une séparation de corps et que le dispositif prononce un divorce, l’erreur matérielle sera pleinement caractérisée (Cass. 2e civ. 29 juin 1979).

?La rectification de l’erreur et de l’omission matérielle

Parce que le recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle vise seulement à remédier à une faute d’inattention dans la transcription de la pensée du juge, celui-ci ne saurait modifier le sens ou la portée de la décision rendue.

Il en résulte qu’il ne peut, ni revenir sur les droits et obligations reconnues aux parties, ni modifier les mesures ou sanctions prononcées, ce pouvoir étant dévolu aux seules juridictions de réformation.

La Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, a affirmé en ce sens que « si les erreurs ou omissions matérielles affectant une décision peuvent être réparées par la juridiction qui l’a rendue, celle-ci ne peut modifier les droits et obligations reconnus aux parties par cette décision » (Cass. ass. Plén. 1er avr. 1994, n°91-20.250).

Aussi, est-il fait interdiction au juge sous couvert de rectification d’une erreur ou d’une omission matérielle de modifier la substance et l’économie générale de la décision rendue.

Il ne saurait, en outre, prendre en compte des éléments de fait ou de droit nouveaux ou tirer des constatations établies, des conséquences juridiques nouvelles. Il ne peut, encore moins, chercher à réparer une erreur de droit qu’il a commise, ni apprécier sous un nouveau jour les droits et obligations des parties.

C) Procédure

1. Compétence

Il s’évince de l’article 462 du CPC que pour déterminer le juge compétent quant à connaître du recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle, il y a lieu de distinguer selon que la décision déférée est frappée ou non d’une voie de recours.

  • S’agissant des décisions non frappées d’une voie de recours
    • Dans cette hypothèse, l’article 462 du CPC prévoit que le juge compétent est celui qui a rendu la décision à rectifier.
    • Il est indifférent qu’il s’agisse d’une juridiction de droit commun ou spécialisée.
    • Cette compétence est également octroyée aux Tribunaux arbitraux
    • Par ailleurs, en application de l’article 462 d CPC, peu importe que la décision déférée pour rectification soit passée en force de chose jugée.
    • La Cour de cassation l’a rappelé dans un arrêt du 23 septembre 1998 en affirmant que « la juridiction qui a rendu un jugement peut réparer les erreurs matérielles qui l’affectent, même si le jugement est passé en force de chose jugée » (V. en ce sens Cass. 2e civ. 23 sept. 1998, n°95-11.317).
    • En outre, il n’est nullement exigé que la juridiction qui statue soit réunie dans la même composition que lorsque la décision à rectifier a été prise.
    • Ce qui importe c’est qu’il y ait identité de juridiction et non de personnes physiques.
  • S’agissant des décisions frappées d’une voie de recours
    • L’article 462 du CPC prévoit que « les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement […] peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l’a rendu ou par celle à laquelle il est déféré ».
    • Ainsi, lorsque la décision à rectifier est frappée d’une voie de recours, c’est la juridiction qui connaît de cette voie de recours qui devient compétente pour statuer sur la rectification de l’erreur ou de l’omission matérielle.
    • En pratique, la question ne se posera que pour l’appel et le pourvoi en cassation dans la mesure où s’agissant de la tierce opposition, de l’opposition et du recours en révision c’est la juridiction qui a rendu la décision contestée qui a vocation à connaître de la voie de recours.
      • Sur l’appel
        • Principe
          • C’est donc la Cour d’appel qui est seule compétente pour connaître du recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle.
          • La raison en est que la juridiction de premier degré est totalement dessaisie en raison de l’effet dévolutif de l’appel.
          • Quant à la date à laquelle la décision est réputée déférée à la Cour d’appel il s’agit de la date d’inscription au rôle de l’affaire.
          • Avant cette date, c’est la juridiction qui a rendu la décision à rectifier qui demeure compétente, nonobstant la déclaration d’appel.
        • Exceptions
          • La compétence de la Cour d’appel, en cas d’exercice d’une voie de recours, est assortie d’un certain nombre d’exceptions
          • Tout d’abord, lorsque l’appel est irrecevable c’est la juridiction de première instance qui demeure compétente (Cass. 2e civ. 12 sept. 1997, n°96-10.233).
          • Ensuite, la Cour d’appel est compétente à la condition que l’objet du recours ne se limite pas à la rectification de l’erreur ou de l’omission matérielle
          • Enfin, lorsque la décision à rectifier est assortie de l’exécution provisoire de droit, la jurisprudence considère que c’est le juge qui a rendu la décision qui reste compétent, l’objectif recherché étant de permettre l’exécution provisoire.
      • Le pourvoi en cassation
        • La particularité du pourvoi en cassation est que, à la différence de l’appel, il n’est assorti d’aucun effet dévolutif.
        • Il en résulte que les solutions dégagées par la jurisprudence en matière d’appel ne sont pas applicables.
        • On peut en déduire, que la juridiction qui a rendu la décision à rectifier n’est pas dessaisie : elle demeure compétence pour statuer sur la rectification de l’erreur ou de l’omission matérielle soulevée (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 3 janv. 1980, n°78-12.086).
        • Dans certains arrêts, la Cour de cassation s’est néanmoins reconnu cette faculté pour un cas très particulier.
        • Elle a, en effet, jugé que « la contradiction dénoncée entre le dispositif et les motifs de l’arrêt résulte d’une erreur matérielle qui peut, selon l’article 462 du nouveau Code de procédure civile être réparée par la Cour de Cassation à laquelle est déféré cet arrêt dont la rectification sera ci-après ordonnée » (Cass. 1ère civ. 5 févr. 1991, n°88-15.741).
        • Dans un arrêt du 11 janvier 2018, la Cour de cassation a précisé que « les erreurs et omissions matérielles qui affectent une décision frappée de pourvoi ne pouvant être rectifiées par la Cour de cassation qu’à la condition que cette décision lui soit, sur ce point, déférée, une requête en rectification d’erreur matérielle ne peut être présentée en vue de rendre recevable un moyen de cassation ».
        • Elle en déduit que « est par conséquent irrecevable le moyen de cassation dirigé contre un chef du dispositif du jugement critiqué tel que ce chef devrait, selon l’auteur du pourvoi, être, au préalable, rectifié par la Cour de cassation. » (Cass. 2e civ. 11 janv. 2018, n°16-26.168).
  • Compétence du Juge de l’exécution
    • Il a été admis par la jurisprudence que le Juge de l’exécution était investi du pouvoir de rectifier une erreur ou une omission matérielle entachant une décision.
    • La raison en est que, conformément à l’article L. 218-6 du Code de l’organisation judiciaire « connaît de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit ».
    • Ce pouvoir de rectification ne pourra toutefois être exercé que dans le cadre d’une contestation portant sur une mesure d’exécution prise en application d’un titre exécutoire.
    • Le juge de l’exécution ne pourra, en aucun cas, faire droit à une demande de rectification d’erreur ou d’omission matérielle formulée à titre principal

2. Saisine du juge

a. Délai pour agir

Contrairement au recours en omission de statuer qui doit être exercé dans le délai d’un an après que la décision est passée en force de chose jugée, l’exercice du recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle n’est subordonné à l’observation d’aucun délai.

À la différence de la requête en interprétation, il n’y a pas lieu de se reporter au délai de droit commun d’exécution des décisions de justice (10 ans) énoncé à l’article L. 111-4 du Code des procédures civiles d’exécution dans la mesure où la demande en rectification d’erreur ou d’omission matérielle peut être formulée dans le cadre d’une tierce opposition qui se prescrit, quant à elle, par trente ans.

Dans ces conditions, la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 7 juin 2018 que « la requête en rectification d’erreur matérielle, qui ne tend qu’à réparer les erreurs ou omissions matérielles qui affectent un jugement et qui ne peut aboutir à une modification des droits et obligations reconnus aux parties dans la décision déférée, n’est pas soumise à un délai de prescription » (Cass. 2e civ. 7 juin 2018, n° 16-28.539).

b. Auteur de la saisine

S’agissant de la saisine du juge en matière de rectification d’erreur ou d’omission matérielle, l’article 462, al. 2e du CPC prévoit que :

  • Soit, le juge est saisi par simple requête de l’une des parties, ou par requête commune
  • Soit il peut aussi se saisir d’office.

Ainsi, le juge est-il autorisé à se saisir d’office dans l’hypothèse où il relève une erreur ou une omission matérielle qui entacherait sa décision.

Le pouvoir qui lui est ainsi conféré participe d’une bonne administration de la justice qui a tout à gagner à ce que la réparation des anomalies matérielles intervienne au plus vite et puisse se faire à moindres frais.

Reste que le mécanisme de la saisine d’office, ne dispense pas le juge de convoquer les parties aux fins de les entendre et de faire et de permettre un débat contradictoire (V. en ce sens Cass. 2e civ. 9 avr. 2015, n°14-14.206).

Le principe du contradictoire s’applique quelles que soit la nature du litige et les conditions dans lesquelles la décision a été rendue.

c. Modes de saisine

?Principe

Lorsque le juge est saisi par les parties, l’acte introductif d’instance prend la forme d’une requête.

  • Une requête
    • L’article 462 du CPC prévoit que « le juge est saisi par simple requête de l’une des parties, ou par requête commune. »
    • Le recours en rectification d’une erreur ou d’une omission matérielle doit ainsi être exercé par voie de requête unilatérale ou conjointe.
    • Pour rappel :
      • La requête unilatérale est définie à l’article 57 du CPC comme l’acte par lequel le demandeur saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé.
      • La requête conjointe est définie à l’article 57 du CPC comme l’acte commun par lequel les parties soumettent au juge leurs prétentions respectives, les points sur lesquels elles sont en désaccord ainsi que leurs moyens respectifs.
  • Forme de la requête
    • À l’instar de l’assignation, la requête doit comporter un certain nombre de mentions prescrites à peine de nullité par le Code de procédure civile.
    • Ces mentions sont énoncées aux articles 54, 57 et 757 du CPC.
  • Dépôt de la requête
    • La requête doit être déposée au greffe de la juridiction saisie en deux exemplaires.
    • La remise au greffe de la copie de la requête est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué au déposant afin qu’il conserve une preuve du dépôt.
    • L’article 461 du CPC prévoyant que « le juge se prononce les parties entendues ou appelées », on en déduit que la procédure est contradictoire.
    • Aussi, en cas de dépôt d’une requête unilatérale, il y a lieu de la notifier à la partie adverse.

?Exceptions

Il est admis en jurisprudence que la saisine du juge puisse s’opérer au moyen d’un autre mode de saisine que la requête.

Cette saisine peut ainsi intervenir par voie de conclusions en cours d’instance (Cass. 3e civ. 8 janv. 1992, n°89-21.861) ou par assignation devant la juridiction compétente.

3. Convocation des parties

?Principe

L’article 462, al. 3 du CPC prévoit que « le juge statue après avoir entendu les parties ou celles-ci appelées »

Ainsi, afin d’adopter sa décision de rectification, le juge a l’obligation d’auditionner et d’entendre les parties, étant précisé que, en l’absence de délai de comparution, le juge doit leur laisser un temps suffisant pour préparer leur défense.

?Tempérament

L’article 462, al. 3 autorise le juge à statuer sans audience « à moins qu’il n’estime nécessaire d’entendre les parties. »

Il s’agit d’alléger ici autant que possible la procédure, sans pour autant porter atteinte au principe du contradictoire.

Seule exigence pour le juge : vérifier que la requête a été notifiée à la partie adverse, de sorte qu’elle ait eu l’opportunité de répondre.

4. Représentation

S’agissant de la représentation des parties, la procédure de rectification d’erreur ou d’omission matérielle obéit aux mêmes règles que celles ayant donné lieu à la décision rendue.

Aussi, selon les cas, la représentation par avocat sera obligatoire ou facultative. À cet égard, la Cour de cassation a affirmé, dans un arrêt du 11 avril 2019 que « la procédure en rectification de l’erreur matérielle affectant un jugement, même passé en force de chose jugée, est soumise aux règles de représentation des parties applicables à la procédure ayant abouti à cette décision » (Cass. 2e civ. 11 avr. 2019, n°18-11.073).

5. Régime de la décision rectificative

?Incorporation dans la décision initiale

Ainsi que le rappelle régulièrement la jurisprudence, la décision rectifiant une erreur ou une omission matérielle a vocation à s’incorporer à la décision initiale (Cass. 2e civ. 23 juin 2005, n°03-17.258).

Il en résulte qu’elle est assujettie aux mêmes règles que le jugement sur lequel elle porte. Plus précisément elle en emprunte tous les caractères.

Ainsi, la décision rendue donne lieu aux mêmes voies de recours que la décision rectifiée. Si cette dernière est rendue en dernier ressort, il en ira de même pour le jugement rectificatif (Cass. 2e civ. 30 janv. 1985).

Surtout, en cas d’exercice d’une voie de recours contre la décision initiale, la décision rectificative subira le même sort, y compris s’agissant de l’issue de la procédure d’appel ou de cassation, dans la limite de ce qui a été réformé.

Autrement dit, en cas de réformation totale de la décision initiale, la décision rectificative s’en trouvera également anéantie (Cass. soc. 11 juill. 1985).

En revanche, lorsque la décision initiale n’est que partiellement réformée, la décision rectification ne sera anéantie que si elle porte sur des points remis en cause (Cass. soc. 18 mai 1994).

?Contenu et notification de la décision rectificative

Tout d’abord, la décision rectificative doit être motivée et viser les prétentions formulées par les parties.

La Cour de cassation a jugé en ce sens dans un arrêt du 21 février 2013, s’agissant d’une requête en rectification d’erreur matérielle (erreur de calcul au cas particulier), « tout jugement doit, à peine de nullité, exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens ; que cet exposé peut revêtir la forme d’un visa des conclusions des parties avec l’indication de leur date » (Cass. 2e civ. 21 févr. 2013, n°11-24.421).

Ensuite, l’article 462, al. 4e du CPC prévoit que la décision rectificative doit être notifiée comme le jugement. À défaut, elle ne sera pas opposable à la partie adverse.

À cet égard, la date de la notification tiendra lieu de point de départ au délai d’exercice des voies de recours. Elle devra, par ailleurs, être réalisée selon les mêmes modalités que la décision initiale.

Enfin, le texte ajoute que « la décision rectificative est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement. »

Cette mention ne figurera néanmoins que sur les décisions rectifiées, celle-ci étant sans objet en cas de rejet du recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle.

?Voies de recours

Il y a lieu ici de distinguer selon que le juge fait droit à la demande de rectification ou la rejette.

  • Le juge fait droit à la demande de rectification
    • S’agissant de l’exercice d’une voie de recours contre la décision rectificative prise isolément, l’article 462, al. 5e dispose que « si la décision rectifiée est passée en force de chose jugée, la décision rectificative ne peut être attaquée que par la voie du recours en cassation. »
    • Il se déduit de cette disposition qu’une voie de recours ne peut être exercée qu’à la condition que la décision rectification ne soit pas passée en force de chose jugée, faute de quoi seule la voie du pourvoi en cassation sera ouverte.
    • C’est là une différence avec la décision interprétative qui, à l’inverse, peut faire l’objet d’une voie de recours, quand bien même elle est passée en force de chose jugée (art. 461 CPC).
    • Pour le recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle, la question se pose alors de savoir à partir de quand la décision initiale est réputée être passée en force de chose jugée.
    • La réponse réside à l’article 500 du CPC qui prévoit que « à force de chose jugée le jugement qui n’est susceptible d’aucun recours suspensif d’exécution ».
    • À cet égard, il conviendra de se placer à la date d’exercice du recours en rectification pour déterminer si la décision à rectifier est passée en force de chose jugée (Cass. 2e civ. 20 avr. 2017, n°16-12.121).
    • Enfin, il peut être observé que dans l’hypothèse où la décision initiale serait passée en force de chose jugée, la décision rectificative ne pourra faire l’objet d’un pourvoi en cassation qu’à la condition que la décision rectifiée puisse elle-même faire l’objet d’un tel recours (Cass. 2e civ. 7 juin 2018, n°17-18.722).
  • Le juge rejette la demande de rectification
    • Dans cette hypothèse, il y a lieu d’appliquer le droit commun des voies de recours, l’article 462, al. 5e n’étant applicable qu’aux seules décisions rectificatives (Cass. 2e civ. 26 oct. 1983, n°82-70.123).
    • Les décisions qui rejettent une demande de rectification d’une erreur ou d’une omission matérielle sont dès lors susceptibles d’être frappée d’appel, alors même qu’elles sont passées en force de chose jugée.

III) Les recours en retranchement et en omission de statuer

L’article 5 du CPC prévoit que « le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé. »

Parce que le litige est la chose des parties, par cette disposition, il est :

  • D’une part, fait interdiction au juge de se prononcer sur ce qui ne lui a pas été demandé par les parties
  • D’autre part, fait obligation au juge de se prononcer sur ce tout ce qui lui est demandé par les parties

Il est néanmoins des cas ou le juge va omettre de statuer sur une prétention qui lui est soumise. On dit qu’il statue infra petita. Et il est des cas où il va statuer au-delà de ce qui lui est demandé. Il statue alors ultra petita.

Afin de remédier à ces anomalies susceptibles d’affecter la décision du juge, le législateur a institué des recours permettant aux parties de les rectifier.

Comme l’observe un auteur bien que l’ultra et l’infra petita constituent des vices plus graves que l’erreur et l’omission matérielle, le législateur a admis qu’ils puissent être réparés au moyen d’un procédé simplifié et spécifique énoncés aux articles 463 et 464 du CPC[3].

Il s’agira, tantôt de retrancher à la décision rendue ce qui n’aurait pas dû être prononcé, tantôt de compléter la décision par ce qui a été omis.

A) Conditions de recevabilité du recours

1. Le recours en omission de statuer

Plusieurs conditions doivent être réunies pour que l’omission de statuer soit caractérisée :

  • Une demande omise
    • Il ressort de l’article 463 du CPC que l’omission de statuer consiste pour le juge à ne pas s’être prononcé sur un chef de demande formulé par une partie.
    • Autrement dit, il n’a pas tranché dans la décision rendue une ou plusieurs prétentions qui lui étaient pourtant soumises par les parties.
    • Pour déterminer s’il y a omission de statuer et quelle est son étendue, il y aura lieu de se reporter aux demandes formulées dans l’acte introductif d’instance ainsi que dans les conclusions prises ultérieurement par les parties et de les comparer avec le dispositif du jugement.
    • À cet égard, l’omission de statuer n’est pas caractérisée lorsque le juge ne répond pas directement à une demande précise formuler par une partie mais qu’il tranche la question dans le cadre d’une réponse qu’il apporte à un autre chef de demande (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 25 mai 2016, n°15-17.317).
    • Pour exemple, l’omission de statuer a été retenue dans les cas suivants :
      • Le juge ne se prononce pas sur l’octroi d’un article 700 (Cass. 2e civ. 19 févr. 1992)
      • Le juge omet de trancher la question de la validité d’un acte juridique (Cass. soc. 16 juin 1976)
      • Le juge omet de se prononcer sur l’octroi de dommages et intérêts (Cass. com. 21 févr. 1978).
      • Le juge omet de se prononcer sur sa compétence (Cass. 1ère civ. 5 janv. 1962)
      • Le juge omet de se prononcer sur la date de départ du versement d’une prestation compensatoire (Cass. 2e civ. 2 déc. 1992).
  • Une demande régulièrement formée
    • Le juge n’est tenu de se prononcer que sur les demandes dont il a été régulièrement saisi.
    • Lorsque dès lors, la demande a été formulée dans des conclusions frappées d’irrecevabilité car déposées hors délai, l’omission de statuer ne saurait être soulevée (Cass. 2e civ. 25 oct. 1978).
    • L’omission de statuer n’a pas vocation à réparer une irrégularité imputable aux parties.
    • Il est en revanche indifférent que la demande soit formulée dans le dispositif des écritures prises, dans leurs motifs ou encore qu’elle soit formée à titre subsidiaire ou incidente (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 1er juin 1983).
  • Une omission relative à une demande
    • L’omission du juge doit nécessairement porter sur un chef demande et non sur un moyen.
    • Pour mémoire :
      • Une demande est l’acte par lequel le juge soumet une prétention au juge,
      • Un moyen est quant à lui l’argument dont se prévaut une partie pour fonder sa demande ou assurer sa défense.
    • Selon que le juge omet de statuer sur une demande ou un moyen, la sanction n’est pas la même :
      • Lorsque le juge omet de statuer sur un moyen, le vice qui affecte la décision consiste en un défaut de réponse à conclusion sanctionné par la nullité du jugement (art. 455 CPC).
      • Lorsque le juge omet de statuer sur une demande, le vice consiste en un infra petita sanctionné par une simple rectification de l’omission sans que cela ait d’incidence sur la validité du jugement
    • Comme souligné par des auteurs « l’omission de statuer sur un chef de demande est sans influence sur la valeur des autres dispositions du jugement ; le jugement est incomplet et il convient seulement de le compléter. En revanche, lorsque le juge a omis d’examiner un moyen, c’est la valeur du dispositif du jugement qui se trouve atteinte : l’examen du moyen aurait pu modifier la décision et dès lors la Cour de cassation ne peut laisser subsister le chef du jugement qui se trouve affecté par le défaut de réponse à conclusions »[4].
    • Le défaut de réponse à conclusion pourrait consister, par exemple, en l’absence de réponse à un moyen de défense soulevé par une partie, tel qu’une fin de non-recevoir (Cass. 2e civ. 21 oct. 2004, n°02-20.286).
    • Une difficulté est née s’agissant du traitement à réserver à la formule de style régulièrement utilisée par les juges consistant à indiquer dans le jugement qu’une partie est déboutée de « toutes ses demandes » ou du « surplus de ses demandes ».
    • L’emploi de cette formule tombe-t-il sous le coup du défaut de réponse à conclusion, contraignant alors les plaideurs à se pourvoir en cassation, ou peut-on seulement y voir une omission de statuer lorsque le juge ne s’est pas prononcé sur un chef de demande ?
    • Dans un arrêt du 2 novembre 1999, la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, a opté pour la qualification d’omission de statuer (Cass. ass. Plen. 2 nov. 1999, n° 97-17.107).
    • Au soutien de sa décision, elle affirme que la Cour d’appel, en recourant à la formule générale « déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires » dans le dispositif de son arrêt, elle « n’a pas statué sur le chef de demande relatif aux intérêts, dès lors qu’il ne résulte pas des motifs de la décision, qu’elle l’ait examiné.
    • Autrement dit, l’emploi de cette formule de style ne caractérise une omission de statuer qu’à la condition que les motifs ne confirment pas le rejet des prétentions.
    • Si, en revanche, le rejet est justifié dans la motivation de la décision, l’omission de statuer ne sera pas caractérisée (Cass. 3e civ. 27 févr. 1985).

2. Le recours en retranchement

?Principe d’interdiction faite au juge de se prononcer sur ce qui ne lui est pas demandé

Le recours un retranchement vise à rectifier une décision aux termes de laquelle le juge s’est prononcé sur quelque chose qui ne lui était pas demandé.

L’article 4 du CPC prévoit pourtant que « l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties »

Aussi, est-il fait interdiction au juge de statuer en dehors du périmètre du litige fixé par les seules parties, ce périmètre étant circonscrit par les seules prétentions qu’elles ont formulées.

Dans un arrêt du 7 décembre 1954, la Cour de cassation a jugé en ce sens que les juges du fond « ne peuvent modifier les termes du litige dont ils sont saisis, même pour faire application d’une disposition d’ordre public, alors que cette disposition est étrangère aux débats » (Cass. com. 7 déc. 1954).

Concrètement, cela signifie que le juge ne peut :

  • Ni ajouter aux demandes des parties
  • Ni modifier les prétentions des parties

À cet égard, l’article 464 du CPC prévoit que les dispositions qui règlent le recours en omission de statuer « sont applicables si le juge s’est prononcé sur des choses non demandées ou s’il a été accordé plus qu’il n’a été demandé. »

Dès lors afin d’apprécier la recevabilité du recours en retranchement, il y a lieu d’adopter la même approche que celle appliquée pour le recours en omission de statuer.

Pour déterminer si le juge a statué ultra petita, il conviendra notamment de se reporter aux demandes formulées dans l’acte introductif d’instance ainsi que dans les conclusions prises ultérieurement par les parties et de les comparer avec le dispositif du jugement (Cass. 2e civ. 6 févr. 1980).

C’est d’ailleurs à ce seul dispositif du jugement qu’il y a lieu de se référer à l’exclusion de sa motivation, la jurisprudence considérant qu’elle est insusceptible de servir de base à la comparaison (Cass. soc. 29 janv. 1959).

Comme pour l’omission de statuer, cette comparaison ne pourra se faire qu’avec des conclusions qui ont été régulièrement déposées par les parties et qui sont recevables (V. en ce sens Cass. 2e civ. 25 oct. 1978).

À l’examen, les situations d’ultra petita admises par la jurisprudence sont pour le moins variées. Le recours en retranchement a ainsi été admis pour :

  • L’octroi par un juge de dommages et intérêts dont le montant était supérieur à ce qui était demandé (Cass. 2e civ. 19 juin 1975).
  • L’annulation d’un contrat de bail, alors que sa validité n’était pas contestée par les parties (Cass. 3e civ. 26 nov. 1974)
  • La condamnation des défendeurs in solidum alors qu’aucune demande n’était formulée en ce sens (Cass. 3e civ. 11 janv. 1989)

?Tempérament à l’interdiction faite au juge de se prononcer sur ce qui ne lui est pas demandé

Si, en application du principe dispositif, le juge ne peut se prononcer que sur ce qui lui est demandé, son office l’autorise parfois à adopter, de sa propre initiative, un certain nombre de mesures.

En application de l’article 12 du CPC, il dispose notamment du pouvoir de « donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée. »

C’est ainsi qu’il peut requalifier une action en revendication en action en bornage ou encore requalifier une donation en un contrat de vente.

Le juge peut encore prononcer des mesures qui n’ont pas été sollicitées par les parties. Il pourra ainsi préférer la réparation d’un préjudice en nature plutôt qu’en dommages et intérêts.

En certaines circonstances, c’est la loi qui confère au juge le pouvoir d’adopter la mesure la plus adaptée à la situation des parties. Il en va ainsi en matière de prestation compensatoire, le juge pouvant préférer l’octroi à un époux d’une rente viagère au versement d’une somme en capital.

Le juge des référés est également investi du pouvoir de retenir la situation qui répondra le mieux à la situation d’urgence qui lui est soumise.

L’article L. 131-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit encore que « tout juge peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision. »

B) Pouvoirs du juge

?Interdiction de toute atteinte à l’autorité de la chose jugée

Qu’il s’agisse d’un recours en omission de statuer ou d’un recours en retranchement, en application de l’article 463 du CPC il est fait interdiction au juge dans sa décision rectificative de « porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs, sauf à rétablir, s’il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens. »

Ainsi sont fixées les limites du pouvoir du juge lorsqu’il est saisi d’un tel recours : il ne peut pas porter atteinte à l’autorité de la chose jugée.

Concrètement cela signifie que :

  • S’agissant d’un recours en omission de statuer, il ne peut modifier une disposition de sa décision ou en ajouter une nouvelle se rapportant à un point qu’il a déjà tranché
  • S’agissant d’un recours en retranchement, il ne peut réduire ou supprimer des dispositions de sa décision que dans la limite de ce qui lui avait initialement été demandé

Plus généralement, son intervention ne saurait conduire à conduire à modifier le sens ou la portée de la décision rectifiée.

Il en résulte qu’il ne peut, ni revenir sur les droits et obligations reconnues aux parties, ni modifier les mesures ou sanctions prononcées, ce pouvoir étant dévolu aux seules juridictions de réformation.

?Rétablissement de l’exposé des prétentions et des moyens

Tout au plus, le juge est autorisé à « rétablir, s’il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens. »

Il s’agira, autrement dit, pour lui, s’il complète une omission de statuer ou s’il retranche une disposition du jugement de modifier dans un sens ou dans l’autre l’exposé des prétentions et des moyens des parties.

Cette exigence procède de l’article 455 du CPC qui prévoit que « le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. »

C) Procédure

1. Compétence

?Principe

En application de l’article 463 du CPC, le juge compétent pour connaître d’un recours en omission de statuer ou en retranchement est celui-là même qui a rendu la décision à rectifier.

Cette règle s’applique à toutes les juridictions y compris à la Cour de cassation qui peut se saisir d’office.

Il n’est toutefois nullement exigé qu’il s’agisse de la même personne physique. Ce qui importe c’est qu’il y ait identité de juridiction et non de personne.

?Tempéraments

Il est plusieurs cas où une autre juridiction que celle qui a rendu la décision à rectifier aura compétence pour statuer :

  • L’introduction d’une nouvelle instance
    • Dans un arrêt du 23 mars 1994, la Cour de cassation a jugé que la procédure prévue à l’article 463 du CPC « n’exclut pas que le chef de demande sur lequel le juge ne s’est pas prononcé soit l’objet d’une nouvelle instance introduite selon la procédure de droit commun » (Cass. 2e civ. 23 mars 1994, n°92-15.802).
    • Ainsi, en cas d’omission de statuer les parties disposent d’une option leur permettant :
      • Soit de saisir le juge qui a rendu la décision contestée aux fins de rectification
      • Soit d’introduire une nouvelle instance selon la procédure de droit commun
    • Cette seconde option se justifie par l’absence d’autorité de la chose jugée qui, par hypothèse, ne peut pas être attachée à ce qui n’a pas été tranché.
    • C’est la raison pour laquelle la possibilité d’introduire une nouvelle instance est limitée à la seule omission de statuer, à l’exclusion donc de la situation d’ultra ou d’extra petita.
    • À cet égard, la Cour de cassation a précisé que, en cas d’introduction d’une nouvelle instance, les parties n’étaient pas assujetties au délai d’un an qui subordonne l’exercice d’un recours en omission de statuer (Cass. 2e civ. 25 juin 1997, n°95-14.173).
  • Appel
    • En cas d’appel, il y a lieu de distinguer selon que la juridiction du second degré est saisie uniquement aux fins de rectifier l’omission ou selon qu’elle est également saisie pour statuer sur des chefs de demande qui ont été tranchés
      • La Cour d’appel est saisie pour statuer sur des chefs de demande qui ont été tranchés
        • Dans cette hypothèse, l’effet dévolutif de l’appel l’autorise à se prononcer sur l’omission de statuer.
        • Les parties ne se verront donc pas imposer d’exercer un recours en omission de statuer sur le fondement de l’article 463 du CPC (Cass. 2e civ. 29 mai 1979).
      • La Cour d’appel est saisie uniquement pour statuer sur l’omission de statuer
        • Dans cette hypothèse, la doctrine estime que l’exigence d’un double degré de juridiction fait obstacle à ce que la Cour d’appel se saisisse d’une question qui n’a pas été tranchée en première instance.
        • Cette solution semble avoir été confirmée par la Cour de cassation dans un arrêt du 22 octobre 1997 aux termes duquel elle a jugé que « dès lors que l’appel n’a pas été exclusivement formé pour réparer une omission de statuer, il appartient à la cour d’appel, en raison de l’effet dévolutif, de statuer sur la demande de réparation qui lui est faite » (Cass. 2e civ. 22 oct. 1997, n°95-18.923).
  • Pourvoi en cassation
    • La Cour de cassation considère qu’une omission de statuer ainsi que l’ultra petita ne peuvent être réparés que selon la procédure des articles 463 et 464 du CPC (Cass. 2e civ. 15 nov. 1978).
    • La raison en est que la Cour de cassation est juge du droit. Elle n’a donc pas vocation à réparer une omission de statuer qui suppose d’une appréciation en droit et en fait.
    • Dans un arrêt du 26 mars 1985, la Cour de cassation a néanmoins précisé que « le fait de statuer sur choses non demandées, s’il ne s’accompagne pas d’une autre violation de la loi, ne peut donner lieu qu’à la procédure prévue par les articles 463 et 464 du nouveau code de procédure civile et n’ouvre pas la voie de la cassation » (Cass. 1ère civ. 26 mars 1985).
    • Autrement dit, lorsque l’omission est doublée d’une irrégularité éligible à l’exercice d’un pourvoi, la Cour de cassation redevient compétente.

2. Saisine du juge

a. Délai pour agir

?Principe

L’article 463 du CPC prévoit que « la demande doit être présentée un an au plus tard après que la décision est passée en force de chose jugée ou, en cas de pourvoi en cassation de ce chef, à compter de l’arrêt d’irrecevabilité. »

Ainsi à la différence du recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle qui n’est enfermé dans aucun délai, le recours en omission de statuer et en retranchement doit être exercé dans le délai d’un an après que la décision à rectifier est passée en force de chose jugée.

Pour rappel, l’article 500 du CPC prévoit que « a force de chose jugée le jugement qui n’est susceptible d’aucun recours suspensif d’exécution ».

À cet égard, il conviendra de se placer à la date d’exercice du recours en rectification pour déterminer si la décision à rectifier est passée en force de chose jugée.

?Exceptions

  • Introduction d’une nouvelle instance
    • En matière d’omission de statuer, l’expiration du délai d’un an ferme seulement la voie du recours fondé sur l’article 463 du CPC.
    • La Cour de cassation a néanmoins admis qu’une nouvelle instance puisse être introduite selon les règles du droit commun (Cass. 2e civ. 23 mars 1994, n°92-15.802).
    • Cette solution se justifie par l’absence d’autorité de la chose jugée qui, par hypothèse, ne peut pas être attachée à ce qui n’a pas été tranché.
    • C’est la raison pour laquelle la possibilité d’introduire une nouvelle instance est limitée à la seule omission de statuer, à l’exclusion donc de la situation d’ultra ou d’extra petita.
    • Aussi, en cas d’introduction d’une nouvelle instance, la Cour de cassation considère que les parties ne sont pas assujetties au délai d’un an (Cass. 2e civ. 25 juin 1997, n°95-14.173).
  • Recours introduit par Pôle emploi
    • La jurisprudence a jugé que lorsqu’un recours en omission de statuer est exercé par les ASSEDIC (désormais pôle emploi) consécutivement à une décision ayant statué sur le remboursement des indemnités de chômage (art. L. 1235-4 C. trav.), le délai d’un an court à compter, non pas du jour où la décision à rectifier est passée en force de chose jugée, mais du jour à l’organisme a eu connaissance de cette décision (Cass. soc. 7 janv. 1992)

b. Auteur de la saisine

À la différence de la procédure en rectification d’erreur ou d’omission matérielle qui peut être initiée par le juge qui dispose d’un pouvoir de se saisir d’office, les procédures d’omission de statuer et en retranchement ne peuvent être engagées que par les parties elles-mêmes.

Il est fait interdiction au juge de se saisir d’office.

c. Modes de saisine

?Principe

Lorsque le juge est saisi par les parties, l’acte introductif d’instance prend la forme d’une requête.

  • Une requête
    • L’article 463 du CPC prévoit que « le juge est saisi par simple requête de l’une des parties, ou par requête commune. »
    • Les recours en omission de statuer et en retranchement doivent ainsi être exercés par voie de requête unilatérale ou conjointe.
    • Pour rappel :
      • La requête unilatérale est définie à l’article 57 du CPC comme l’acte par lequel le demandeur saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé.
      • La requête conjointe est définie à l’article 57 du CPC comme l’acte commun par lequel les parties soumettent au juge leurs prétentions respectives, les points sur lesquels elles sont en désaccord ainsi que leurs moyens respectifs.
  • Forme de la requête
    • À l’instar de l’assignation, la requête doit comporter un certain nombre de mentions prescrites à peine de nullité par le Code de procédure civile.
    • Ces mentions sont énoncées aux articles 54, 57 et 757 du CPC.
  • Dépôt de la requête
    • La requête doit être déposée au greffe de la juridiction saisie en deux exemplaires.
    • La remise au greffe de la copie de la requête est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué au déposant afin qu’il conserve une preuve du dépôt.
    • En cas de dépôt d’une requête unilatérale, il y a lieu de la notifier à la partie adverse.
    • Il appartient au juge de provoquer le débat contradictoire entre les parties.

?Exceptions

Il est admis en jurisprudence que la saisine du juge puisse s’opérer au moyen d’un autre mode de saisine que la requête.

Cette saisine peut notamment intervenir par voie d’assignation devant la juridiction compétente (CA Paris, 14 mars 1985).

3. Convocation des parties

L’article 463, al. 3e du CPC prévoit que le juge « statue après avoir entendu les parties ou celles-ci appelées. »

Ainsi, afin d’adopter sa décision de rectification, le juge a l’obligation d’auditionner et d’entendre les parties, étant précisé que, en l’absence de délai de comparution, le juge doit leur laisser un temps suffisant pour préparer leur défense.

Il s’agit ici pour le juge de faire respecter le principe du contradictoire conformément aux articles 15 et 16 du CPC.

Aussi, bien que l’instance soit introduite par voie de requête, il y a lieu d’aviser la partie adverse de la demande de rectification.

Quant au juge, il lui est fait obligation de s’assurer que les moyens soulevés ont pu être débattus contradictoirement par les parties (V. en ce sens Cass. 2e civ. 3 janv. 1980).

4. Représentation

S’agissant de la représentation des parties, la procédure d’omission de statuer ou en retranchement répond aux mêmes règles que celles ayant donné lieu à la décision rendue.

Aussi, selon les cas, la représentation par avocat sera obligatoire ou facultative. En cas de représentation facultative, la requête pourra, dans ces conditions, être déposée par les parties elles-mêmes.

5. Régime de la décision rectificative

?Incorporation dans la décision initiale

L’article 463, al. 4e di CPC prévoit que « la décision est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement. »

Ainsi, la décision rectificative vient-elle s’incorporer à la décision initiale. Il en résulte qu’elle est assujettie aux mêmes règles que le jugement sur lequel elle porte. Plus précisément elle en emprunte tous les caractères.

?Notification de la décision rectificative

L’article 463, al. 4e du CPC prévoit que la décision rectificative doit être notifiée comme le jugement. À défaut, elle ne sera pas opposable à la partie adverse.

À cet égard, la date de la notification tiendra lieu de point de départ au délai d’exercice des voies de recours. Elle devra, par ailleurs, être réalisée selon les mêmes modalités que la décision initiale.

Le texte précise que « la décision est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement. »

Cette mention ne figurera néanmoins que sur les décisions rectifiées, celle-ci étant sans objet en cas de rejet du recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle.

?Voies de recours

En application de l’article 463, al. 4e du COC, la décision rendue donne lieu aux mêmes voies de recours que la décision rectifiée (Cass. 3e civ. 27 mai 1971). Si cette dernière est rendue en dernier ressort, il en ira de même pour le jugement rectificatif.

Surtout, en cas d’exercice d’une voie de recours contre la décision initiale, la décision rectificative subira le même sort, y compris s’agissant de l’issue de la procédure d’appel ou de cassation, dans la limite de ce qui a été réformé.

Autrement dit, en cas de réformation totale de la décision initiale, la décision rectificative s’en trouvera également anéantie (Cass. 2e civ. 15 nov. 1978).

En revanche, lorsque la décision initiale n’est que partiellement réformée, la décision rectification ne sera anéantie que si elle porte sur des points remis en cause.

  1. J. Heron et Th. Le Bars, Droit judiciaire privé ?
  2. Wiederkehr, Décision rectificative d’une erreur ou d’une omission matérielle, RGDP 1999, 209 ?
  3. J. Héron et Th. Le Bars, Droit judiciaire privé, éd. , n°382, p. 316. ?
  4. J. Héron et Th. Le Bars, Droit judiciaire privé, éd. , n°383, p. 317. ?

Procédure devant le Tribunal de commerce: fixation du calendrier procédural et orientation de l’affaire

L’article 861 du CPC prévoit que, en l’absence de conciliation, si l’affaire n’est pas en état d’être jugée, la formation de jugement peut la renvoyer à une prochaine audience.

Dans cette hypothèse, l’alinéa 2 de cette disposition précise qu’il appartient au greffier d’aviser les parties qui ne l’auraient pas été verbalement de la date des audiences ultérieures.

Cette hypothèse se rencontrera lorsque la formation de jugement estimera que, si l’affaire n’est pas en état d’être jugée, le débat est suffisamment avancé pour qu’il ne soit pas nécessaire de procéder à une instruction.

Le renvoi n’est toutefois nullement de droit pour les parties, il est une faculté exercée discrétionnairement par le juge.

Dans un arrêt du 24 novembre 1989, l’assemblée plénière de la Cour de cassation a précisé en ce sens que « si les parties ont la libre disposition de l’instance, l’office du juge est de veiller au bon déroulement de celle-ci dans un délai raisonnable ; que la faculté d’accepter ou de refuser le renvoi, à une audience ultérieure, d’une affaire fixée pour être plaidée, relève du pouvoir discrétionnaire du juge, dès lors que les parties ont été mises en mesure d’exercer leur droit à un débat oral ; que si les parties conviennent de ne pas déposer leur dossier, le juge peut procéder à la radiation de l’affaire » (Cass., ass. plén., 24 nov. 1989, n°88-18.188).

Dans l’hypothèse où il serait établi que l’une des parties n’a pas été prévenue du renvoi de l’affaire et que celle-ci a, malgré tout, été retenue, le jugement rendu est susceptible d’annulation (V. en ce sens Cass. 2e civ. 14 mars 1984).

En tout état de cause, le renvoi à une audience ultérieure confère au juge, en application de l’article 446-2 du CPC, « le pouvoir d’organiser les échanges entre les parties comparantes ».

À cet égard, dans le cadre de l’organisation des échanges, le Juge est investi de trois pouvoirs :

  • Fixer un calendrier procédural
  • Orienter le procès
  • Octroyer des délais de paiement

I) La fixation du calendrier procédural

A) Le rythme des échanges

?Fixation de délais

L’article 446-2 du CPC applicable à toutes les procédures orales, précise que « après avoir recueilli leur avis, le juge peut ainsi fixer les délais et, si elles en sont d’accord, les conditions de communication de leurs prétentions, moyens et pièces ».

Les délais fixés par le Juge commercial visent à permettre aux parties d’échanger des conclusions et de communiquer des pièces.

Ainsi, le débat contradictoire est-il rythmé par des dates butoirs qui s’imposent tantôt au demandeur, tantôt au défendeur.

Les parties se voient de la sorte invitée tour à tour à conclure dans un délai fixé par le Juge commercial.

Ce cadre réglementaire est particulièrement souple : si le juge peut fixer un véritable calendrier des échanges successifs entre les parties, il peut également prévoir, après chaque audience, la diligence attendue des parties pour la prochaine audience ou toute autre date qu’il aura fixée.

La juridiction qui fixera les délais de communication des parties précisera les modalités selon lesquelles ces échanges interviendront.

En pratique, ce dispositif a pour objet de permettre l’accomplissement de la mise en état de l’affaire suivant des échanges écrits, sur support papier ou électronique.

Sous réserve des règles particulières, prévues pour certaines juridictions, aucun formalisme n’est requis pour ces échanges. Il appartient au juge de déterminer les modalités selon lesquelles ils interviendront.

Lorsque les délais fixés n’ont pas été respectés, soit parce que trop courts, soit parce que les parties ont été négligentes, le juge de la mise en état peut accorder des prorogations.

Cette faculté reste à la discrétion du juge qui devra apprécier l’opportunité d’octroyer une telle prorogation.

En cas de non-respect des délais fixés par le juge de la mise en état, l’article 446-2 du CPC prévoit deux sortes de sanctions :

  • Première sanction
    • Le juge commercial peut rappeler l’affaire à l’audience, en vue de la juger ou de la radier.
    • Lorsque le juge prononce la radiation de l’affaire, elle emporte non pas le retrait de l’affaire du rôle, mais seulement sa suppression « du rang des affaires en cours ».
    • Cette sanction n’a donc pas pour effet d’éteindre l’instance : elle la suspend
    • L’article 383 du CPC autorise toutefois le juge à revenir sur cette radiation.
    • En effet, sauf à ce que la péremption de l’instance ne soit acquise, cette disposition prévoit que « l’affaire est rétablie, en cas de radiation, sur justification de l’accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné celle-ci ou, en cas de retrait du rôle, à la demande de l’une des parties. »
    • En ce que la radiation est une mesure d’administration judiciaire (art. 383 CPC), elle est insusceptible de voie de recours.
  • Seconde sanction
    • Le juge peut écarter des débats les prétentions, moyens et pièces communiqués sans motif légitime après la date fixée pour les échanges et dont la tardiveté porte atteinte aux droits de la défense.
    • Manifestement, cette sanction rappelle l’irrecevabilité dont sont frappées les conclusions tardives produites dans le cadre d’une procédure pendante devant le Tribunal judiciaire en procédure écrite.
    • La différence entre les deux sanctions tient à l’absence d’automaticité de celle encourue devant le Tribunal de commerce
    • Il s’infère de l’article 446-2 qu’il s’agit là d’une simple faculté octroyée au juge et non d’une sanction qui s’impose à lui.

?Forme du calendrier

La décision du juge n’est soumise à aucun formalisme et ne peut faire l’objet d’aucun recours immédiat : elle s’inscrit en effet dans le cadre traditionnel du pouvoir discrétionnaire dont dispose le juge en vue de veiller au bon déroulement de l’instance.

En revanche, elle nécessite au préalable qu’ait été recueilli l’accord des parties. Le recueil de ce consentement n’est pas non plus soumis à un formalisme particulier : conformément aux règles régissant la procédure orale, il sera indiqué dans les notes d’audience et, à défaut, les mentions du jugement feront foi.

De même, le calendrier comme les conditions d’échanges convenus avec les parties – recours à l’écrit, écritures récapitulatives, modalités de communication entre les parties, délais et modalités de justification de cette communication auprès de la juridiction, etc. – seront mentionnés dans les notes d’audience ou seront récapitulés dans un document séparé établi par le greffier ou le président.

L’usage de tels documents permettra de faciliter la tâche de la juridiction et de ne pas ralentir le cours des audiences, dès lors qu’ils seront établis sur la base d’un formulaire préparé en amont puis renseigné à l’audience.

B) Les modalités des échanges

Les échanges doivent se dérouler conformément à la décision du juge, prise en accord avec les parties. La juridiction contrôle l’accomplissement des diligences attendues au fur et à mesure des délais impartis.

Ce contrôle est le plus souvent effectué à une audience selon des modalités qui sont déterminées par la juridiction. Celle-ci peut ainsi décider, en tant que de besoin, de dédier des audiences au suivi de la mise en état.

En application du troisième alinéa de l’article 446-2 du CPC, à défaut pour les parties de respecter les modalités de communication fixées par le juge, celui-ci peut rappeler l’affaire à l’audience, en vue de la juger – ce qui correspond à l’hypothèse d’un défaut de diligence du défendeur – ou de la radier – ce qui correspond à un défaut de diligence du demandeur, seul ou conjointement avec le défendeur.

Ainsi qu’il a été précisé, les modalités possibles de ces échanges peuvent être de trois ordres :

?Première modalité d’échanges

Le calendrier des échanges peut en premier lieu avoir prévu l’ensemble des audiences successives au cours desquelles sont accomplies ou contrôlées les diligences attendues des parties.

Dans ce cas, à l’audience, le juge constate l’accomplissement de la diligence et renvoie l’affaire à l’audience suivante prévue par le calendrier, en vue de l’accomplissement de la diligence suivante prévue pour cette audience.

En accord avec les parties, le calendrier peut également être modifié ; cette modification du calendrier obéit aux mêmes règles que son établissement.

Il convient de rappeler que dès lors que le calendrier s’accompagnera, en application d’une disposition propre à une juridiction, d’une dispense accordée aux parties de se déplacer à l’audience, ces échanges interviendront par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par notification entre avocats, éventuellement par communication électronique ; il en sera justifié auprès de la juridiction dans les délais qu’elle impartit

Il sera nécessaire que cette justification intervienne au fur et à mesure des échanges des parties, de façon à permettre à la juridiction d’assurer sa mission de contrôle du bon déroulement de la mise en état.

À l’issue des échanges, il convient de prévoir, en tant que de besoin, l’envoi ou la remise du dossier de plaidoirie à la juridiction.

S’il constate à l’audience l’inaccomplissement d’une diligence, le juge peut décider d’appeler l’affaire à une audience (qui ne sera pas forcément celle fixée dans le calendrier) en vue de la juger ou de la radier.

?Deuxième modalité d’échanges

Le juge peut fixer les diligences attendues au fur et à mesure de la procédure. S’il ne s’agit alors plus à proprement parler d’un calendrier, cette méthode n’en demeure pas moins intéressante pour permettre de conférer aux écritures des parties une valeur procédurale autonome.

Le juge qui constate l’inaccomplissement d’une diligence peut trancher la difficulté à l’audience, le cas échéant en faisant application du dernier alinéa de l’article 446-2, l’autorisant à écarter des débats les conclusions d’une partie communiquées après la date qui lui était impartie.

Il peut également renvoyer l’affaire à une audience ultérieure aux fins de jugement ou d’accomplissement d’une diligence et assortir ce renvoi

d’un dernier avis avant radiation.

?Troisième modalité d’échanges

Le calendrier peut également reposer sur des échanges devant intervenir en dehors de toute

audience.

En pratique, ce dispositif repose sur un renvoi de l’affaire à une audience suffisamment lointaine pour permettre en amont les échanges prévus par le calendrier à des dates intermédiaires, fixées à l’avance ; il peut s’agir d’une audience destinée aux débats de l’affaire, ou d’une audience intermédiaire, destinée à faire le point sur l’avancement de l’affaire.

Faute de permettre un examen régulier de l’affaire à l’audience, ce dispositif repose toutefois sur une grande discipline des parties ou de leur représentant et nécessite pour la juridiction de pouvoir contrôler l’accomplissement des diligences dans les délais impartis.

En pratique, un tel dispositif est donc surtout envisageable pour les juridictions dont la « chaîne métier » dispose d’un outil de suivi informatique des diligences procédurales des parties, le contrôle du bon déroulement des échanges pouvant alors être assuré de la sorte.

S’il est prévu de tels échanges en dehors d’une audience, il sera nécessaire que la juridiction invite les parties à justifier auprès du greffe de l’accomplissement des diligences, par tout moyen que la juridiction aura préalablement fixé.

S’il constate qu’une partie n’accomplit pas les diligences attendues, le juge peut appeler l’affaire à une audience de façon anticipée, en vue de la juger ou de la radier.

II) L’orientation du procès

Le juge de la mise en état a pour mission d’adopter toutes les mesures utiles pour que l’affaire soit en état d’être jugée.

À cette fin, il est investi du pouvoir de développer l’instance, soit d’orienter le procès dans son organisation, mais également dans son contenu.

?Sur l’orientation du procès quant à son organisation

  • La jonction et la disjonction d’instance
    • Pour une bonne administration de la justice, le juge commercial peut procéder aux jonctions et disjonctions d’instance.
    • La jonction d’instance se justifie lorsque deux affaires sont connexes, soit, selon l’article 367 du CPC, « s’il existe entre les litiges un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble. »
    • L’examen de la jurisprudence révèle que ce lien sera caractérisé dès lors qu’il est un risque que des décisions contradictoires, à tout le moins difficilement conciliables soient rendues.
    • Le lien de connexité peut donc tenir, par exemple, à l’identité des parties ou encore à l’objet de leurs prétentions.
    • Réciproquement, il conviendra de disjoindre une affaire en plusieurs lorsqu’il est dans l’intérêt d’une bonne justice que certains points soient jugés séparément.
    • Ainsi, le Juge de la mise en état dispose-t-il du pouvoir d’élargir ou de réduire le périmètre du litige pendant devant lui.
  • L’invitation des parties à mettre en cause tous les intéressés
    • Conformément à l’article 332 du CPC le juge commercial peut inviter les parties à mettre en cause tous les intéressés dont la présence lui paraît nécessaire à la solution du litige.
    • Le code de procédure civile distingue trois sortes d’intervention forcée :
      • La mise en cause d’un tiers aux fins de condamnation (Art. 331 CPC) ;
      • La mise en cause pour jugement commun (Art. 331 CPC) :
      • L’appel en garantie, qui constitue le cas le plus fréquent d’intervention forcée (Art. 334 et s.).
    • L’article 333 du CPC prévoit que le tiers mis en cause est tenu de procéder devant la juridiction saisie de la demande originaire, sans qu’il puisse décliner la compétence territoriale de cette juridiction, même en invoquant une clause attributive de compétence.
    • Lorsque le Juge de la mise en état invite les parties à mettre en cause un tiers, il ne peut pas les y contraindre : il ne peut qu’émettre une suggestion.
  • Constater la conciliation des parties et homologuer des accords
    • En application des articles 863, 129 et 130 du CPC le juge peut toujours constater la conciliation, même partielle, des parties.
    • En pareil cas, il homologue, à la demande des parties, l’accord qu’elles lui soumettent.
    • La teneur de l’accord, même partiel, est alors consignée, selon le cas, dans un procès-verbal signé par les parties et le juge ou dans un constat signé par les parties et le conciliateur de justice.
    • Les extraits du procès-verbal dressé par le juge qui sont délivrés aux parties valent titre exécutoire.

?Sur l’orientation du procès quant à son contenu

  • L’invitation des parties à préciser leurs positions
    • L’article 446-3 du CPC prévoit que « le juge peut inviter, à tout moment, les parties à fournir les explications de fait et de droit qu’il estime nécessaires à la solution du litige. »
    • Cette prérogative dont est investi le juge commercial a vocation à lui permettre de faire avancer le débat
    • Il pourra, en effet, attirer l’attention d’une partie sur la nécessité de répondre à un moyen de droit qui n’a pas été débattue, alors même qu’il pourrait avoir une incidence sur la solution du litige.
    • De la même manière, il peut suggérer à une partie d’apporter des précisions sur des éléments de fait qui sont demeurés sans réponse.
  • L’invitation des parties à communiquer des pièces
    • Dans le droit fil de son pouvoir d’inviter les parties à préciser leurs positions respectives, le juge commercial peut mettre en demeure les parties « de produire dans le délai qu’il détermine tous les documents ou justifications propres à l’éclairer, faute de quoi il peut passer outre et statuer en tirant toute conséquence de l’abstention de la partie ou de son refus » (art. 446-3 in fine CPC)
    • Ce pouvoir dont il est investi lui permet de s’assurer que la preuve des allégations des parties est rapportée
    • À défaut, il pourra en tirer toutes les conséquences qui s’imposent

III) L’octroi d’un délai de paiement

L’article 861-2 du CPC prévoit la possibilité, pour le défendeur de présenter une demande de délais de paiement en application de l’article 1343-5 du Code civil.

Cette disposition prévoit que « le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. »

La demande incidence tendant à l’octroi d’un délai de paiement doit être formulée par courrier remis ou adressé au greffe, en y joignant les pièces utiles, ce qui lui permet de ne pas se présenter à l’audience, sans même avoir à obtenir une autorisation préalable du juge.

En revanche, si le courrier contient d’autres demandes reconventionnelles, celles-ci, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, ne saisiront pas la juridiction.

Le défendeur doit joindre les pièces justifiant sa demande, afin que le tribunal puisse apprécier le bien-fondé de la demande et que les autres parties soient à même d’en discuter. Il est d’ailleurs donné connaissance de cette demande et de ces pièces à l’audience, ou, si le tribunal l’estime opportun, à l’avance par notification par le greffe.

Les dispositions des articles 665 et suivants, s’agissant d’une notification, sont applicables à cette communication préalable.

Il doit par ailleurs être rappelé que les demandes incidentes sont en principe formées dans les conditions prévues par l’article 68 c’est-à-dire comme un moyen de défense lorsque l’adversaire comparaît et à défaut, par un acte introductif d’instance.

En procédure orale, elles doivent donc être présentées à l’audience, ou, en cas d’organisation d’une mise en état avec dispense de comparution, par lettre recommandée avec avis de réception ou notification entre avocats.

L’article 861-2 ouvre donc un mode supplémentaire de présentation d’une demande reconventionnelle.

Il ne se substitue pas au droit commun de l’article 68, ce qui explique la formule : « sans préjudice des dispositions de l’article 68 ».

Lorsque l’auteur de cette demande incidente ne se présente pas à l’audience, la juridiction en est saisie et statue conformément au régime fixé par le second alinéa de l’article 446-1 du CPC.

Le jugement est donc rendu contradictoirement. Toutefois, il est précisé que le juge ne fait droit aux demandes présentées contre cette partie que s’il les estime régulières, recevables et bien fondées, à l’instar du régime prévu par l’article 472 du code pour les jugements réputés contradictoires ou par défaut.

Ainsi, la présentation d’une demande de délai de paiement ne vaudra pas acquiescement à la demande principale, que le juge devra apprécier au terme d’une décision motivée.

En outre, les éventuelles demandes additionnelles du demandeur devront être portées à la connaissance du défendeur sollicitant des délais sans se déplacer à l’audience selon les modalités prévues par l’article 68 du code, qui viennent d’être rappelées et qui permettront de garantir le respect du principe de la contradiction.

Procédure orale devant le Tribunal judiciaire: la procédure aux fins de jugement

Dans le cadre de la procédure orale devant le Tribunal judiciaire, le demandeur dispose d’une option procédurale :

  • Soit il choisit de provoquer une tentative préalable de conciliation
  • Soit il choisit d’assigner aux fins de jugement

Nous nous focaliserons ici sur la seconde option. La procédure aux fins de jugement est régie par les articles 827 à 833 du Code de procédure civile.

§1 : L’exigence de recours à un mode de résolution amiable des différends préalablement à la saisine du juge

Depuis la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative le législateur tente vainement de désengorger les tribunaux en encourageant le recours aux modes alternatifs de règlement des différends.

À l’examen, ces incitations législatives successives n’ont, en effet, pas permis d’y parvenir. La raison en est que pour la plupart des justiciables, l’autorité du juge est difficilement substituable.

Reste que ce constat n’a pas découragé le législateur qui persiste à vouloir imposer les modes alternatifs de résolution des différents comme un prérequis à l’action judiciaire.

Aussi, la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice s’attache à cet objectif puisqu’elle comporte des dispositions qui visent à développer les modes alternatifs de règlement des différends, en renforçant l’obligation pour les demandeurs de justifier d’une tentative de règlement amiable du litige préalablement à la saisine du juge.

🡺Droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur, le recours à des modes alternatifs de règlement des litiges était, par principe, facultatif.

Par exception, une obligation de conciliation pouvait peser sur les parties à l’instar de celle instituée dans le cadre de la procédure de divorce.

Ainsi, l’article 252 du Code civil prévoit que « une tentative de conciliation est obligatoire avant l’instance judiciaire ».

Plus récemment, l’article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a posé que :

« À peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la saisine du tribunal d’instance par déclaration au greffe doit être précédée d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, sauf :

 1° Si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord ;

2° Si les parties justifient d’autres diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable de leur litige ;

3° Si l’absence de recours à la conciliation est justifiée par un motif légitime. »

Ainsi, lorsque le montant de la demande formulée devant le Tribunal d’instance n’excédait pas 4.000 euros, le recours à la conciliation était obligatoire, sous peine d’irrecevabilité de la demande.

Des études ont révélé que pour les petits litiges du quotidien, la conciliation rencontre un grand succès qui repose sur plusieurs facteurs comme la gratuité du dispositif, la grande souplesse du processus, une bonne organisation des conciliateurs de justice et la possibilité de donner force exécutoire à la conciliation par une homologation du juge.

Il a en outre été démontré que la mise en place d’une obligation de tentative de conciliation préalable entraîne mécaniquement un allégement de la charge de travail des juridictions.

À cet égard, même en cas d’échec de la conciliation, la procédure judiciaire qui suit s’en trouve allégée car les différentes demandes ont déjà été examinées et formalisées lors de la tentative de conciliation préalable.

Fort de ce constat et afin de désengorger encore un peu plus les juridictions, le législateur a lors de l’adoption de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, souhaité développer les modes alternatifs de règlement des différends.

🡺Réforme de la procédure civile

La loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 comporte donc un certain nombre de dispositions qui intéressent les modes alternatifs de règlement des litiges.

Ces dispositions visent, d’une part, à généraliser le pouvoir du juge en toute matière, y compris en référé, d’enjoindre les parties de tenter de régler à l’amiable le litige qui les oppose et, d’autre part, à renforcer l’obligation pour les demandeurs de justifier d’une tentative de règlement amiable du litige préalablement à la saisine de la juridiction.

Cette réforme opérée par la loi du 23 mars 2019 a été précisée par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019.

Ce décret s’attache, plus particulièrement, à définir le domaine d’application de l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends qui a été assortie d’un certain nombre d’exclusions.

I) Domaine de l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends

Issue de l’article 4 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, l’article 750-1 du Code de procédure civile dispose que, devant le Tribunal judiciaire, « à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à l’une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire ou à un trouble de voisinage. »

Il ressort de cette disposition que pour un certain nombre de litiges, les parties ont l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends.

Deux questions alors se posent :

  • D’une part, quels sont les litiges concernés ?
  • D’autre part, quelles sont les modes de résolutions amiables admis ?

A) Sur les litiges soumis à l’exigence de recours à une mode de résolution amiable des différends

Le recours par les parties à un mode de résolution amiable des différends préalablement à la saisine du juge n’est pas exigé pour tous les litiges.

Sont seulement visés :

  • Les demandes qui tendent au paiement d’une somme de 5.000 euros
  • Les actions en bornage
  • Les actions relatives à la distance prescrite par la loi, les règlements particuliers et l’usage des lieux pour les plantations ou l’élagage d’arbres ou de haies ;
  • Les actions relatives aux constructions et travaux mentionnés à l’article 674 du code civil ;
  • Les actions relatives au curage des fossés et canaux servant à l’irrigation des propriétés ou au mouvement des usines et moulins ;
  • Les contestations relatives à l’établissement et à l’exercice des servitudes instituées par les articles L. 152-14 à L. 152-23 du code rural et de la pêche maritime, 640 et 641 du code civil ainsi qu’aux indemnités dues à raison de ces servitudes ;
  • Les contestations relatives aux servitudes établies au profit des associations syndicales prévues par l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires.
  • Les contestations relatives à un trouble de voisinage

Il peut être observé que tous ces litiges relèvent de la compétence des Chambres de proximité, conformément à l’article D. 212-19-1 du Code de l’organisation judiciaire

B) Sur les modes de résolution amiable des différends admis comme préalable à la saisine du juge

L’article 750-1 du CPC prévoit que si les parties ont l’obligation de recourir à un mode de résolution des différends préalablement à la saisine du juge dans un certain nombre de cas, ils disposent néanmoins du choix du mode de règlement de leur litige.

Aussi, sont-ils libres d’opter pour :

  • La conciliation
  • La médiation
  • La procédure participative

1. La conciliation et la médiation

En droit français, la médiation et la conciliation sont régies par les mêmes dispositions du code de procédure civile.

L’article 1529 dispose que les deux processus « s’appliquent aux différends relevant des juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière civile, commerciale, sociale ou rurale, sous réserve des règles spéciales à chaque matière et des dispositions particulières à chaque juridiction ».

Les méthodes utilisées par les conciliateurs et les médiateurs sont assez proches et se caractérisent par une grande souplesse d’adaptation aux situations particulières.

Quant aux effets des deux procédures, ils sont identiques. Si les parties parviennent à un accord, il est établi un procès-verbal qui n’a force exécutoire que s’il est homologué par le juge.

La différence entre conciliation et médiation réside dans le statut des intervenants. Tandis que le conciliateur de justice, auxiliaire du service de la justice, effectue une conciliation bénévole, le médiateur est un intervenant privé, rémunéré.

  • La conciliation
    • La conciliation peut porter sur tous les droits dont les personnes ont la libre disposition.
    • Si la conciliation est essentiellement conventionnelle, en ce sens qu’elle est initiée par les parties elles-mêmes, elle peut également être judiciaire (seuls 7 % des litiges traités par les conciliateurs de justice résultent de saisines dans un cadre judiciaire).
    • À cet égard, la conciliation est un préalable obligatoire pour certains contentieux comme en matière de divorce.
    • Le juge peut d’ailleurs conduire lui-même la conciliation ou la déléguer au conciliateur.
    • Les principaux contentieux pour lesquels la conciliation est utilisée sont les relations de voisinage, les relations propriétaire-locataire, le droit de la consommation.
    • S’agissant des conciliateurs de justice, ils ont été institués par le décret n° 78-381 du 20 mars 1978 relatif aux conciliateurs de justice, et rattachés aux tribunaux d’instance.
    • Ils exercent leur fonction bénévolement et reçoivent une indemnité forfaitaire annuelle qui vise à couvrir les menues dépenses de secrétariat, de téléphone, de documentation et d’affranchissement qu’ils exposent dans l’exercice de leurs fonctions.
    • La majorité des conciliateurs et des associations locales de conciliation est adhérente de la fédération nationale des conciliateurs de justice, ce qui améliore la diffusion des bonnes pratiques.
    • Le taux de réussite du processus de conciliation est relativement élevé, que la conciliation soit judiciaire ou conventionnelle.
  • La médiation
    • L’article 21 de la loi n°95-125 du 8 février 1995 définit la médiation comme « tout processus structuré, quelle qu’en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par le juge saisi du litige».
    • À la différence de la conciliation, la médiation implique l’intervention d’un tiers et plus précisément d’une personne extérieure à la juridiction.
    • En outre, contrairement au conciliateur de justice qui est auxiliaire de justice et qui est bénévole, le médiateur est rémunéré pour l’exercice de sa mission.
    • À l’instar néanmoins de la conciliation, la médiation peut aussi bien être entreprise par les parties elles-même qu’initiée par le juge.
    • L’article 131-1 du CPC prévoit en ce sens que « le juge saisi d’un litige peut, après avoir recueilli l’accord des parties, désigner une tierce personne afin d’entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose. »
    • Dans la mesure où le médiateur n’est pas un auxiliaire de justice le juge exercera sur lui un contrôle beaucoup plus resserré.
    • L’article 131-2 dispose à cet égard que « en aucun cas [la médiation] ne dessaisit le juge, qui peut prendre à tout moment les autres mesures qui lui paraissent nécessaires. »
    • Par ailleurs, comme la conciliation, la médiation peut porter sur tous les droits dont les personnes ont la libre disposition.
    • Elle peut encore porter sur tout ou partie du litige.

2. La procédure participative

Inspirée du droit collaboratif anglo-saxon, la procédure participative est une procédure de négociation entre les parties, conduite par leurs avocats, en vue de régler leur différend.

La loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 relative à l’exécution des décisions de justice, aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires a introduit dans le Code de procédure civile la procédure participative, nouveau mode de résolution des conflits.

Puis, le décret n° 2012-66 du 20 janvier 2012 relatif à la résolution amiable des différends a créé les articles 1542 à 1568 du code de procédure civile.

La loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a, par suite, permis que la procédure participative puisse être mise œuvre en cours d’instance aux fins de mise en état de l’affaire.

À cet égard, l’article 2062 du code civil, définit la convention de procédure participative comme « une convention par laquelle les parties à un différend s’engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend ou à la mise en état de leur litige.».

Les parties qui signent ce type de convention s’engagent donc, pour une durée déterminée, à tout mettre en œuvre pour résoudre leur conflit.

🡺Intérêts de la procédure participative

Le recours à la procédure participative présente plusieurs intérêts pour les parties :

  • Écarter les risques liés à l’aléa judiciaire
    • L’un des principaux intérêts pour les parties de recourir à la procédure participative est d’écarter, à tout le moins de limiter, le risque d’aléa judiciaire
    • Confier au juge la tâche de trancher un litige, c’est s’exposer à faire l’objet d’une condamnation
    • En effet, le juge tranche le litige qui lui est soumis en fonction, certes des éléments de preuve produits par les parties
    • Ces éléments doivent néanmoins être appréciés par lui, sans compter qu’il tranchera toujours, en définitive, selon son intime conviction.
    • Or par hypothèse, cette intime conviction est difficilement sondable
    • Il y a donc un aléa inhérent à l’action en justice auxquelles les parties sont bien souvent avisées de se soustraire.
    • À cette fin, elles sont libres d’emprunter, au civil, la voie de la résolution amiable des différends au rang desquels figure la procédure participative fait partie
  • Maîtrise de la procédure
    • Le recours à la procédure participative ne permet pas seulement d’écarter le risque d’aléa judiciaire, il permet également aux parties de s’approprier la procédure, d’en définir les termes.
    • Dans le cadre de cette procédure, il appartient, en effet, aux parties assistées par leurs avocats, de définir l’approche des négociations à intervenir et le calendrier de travail en fonction de leurs besoins et des spécificités du dossier
    • Elles peuvent également désigner, de concert, les techniciens qui ont vocation à diligenter des expertises, ce qui permet une meilleure acceptabilité des constats rendus, tout en renforçant la légitimité de l’intervention sollicitée.
  • Réduire les flux de dossiers traités par les juridictions
    • L’assouplissement des conditions de mise en œuvre des procédures de résolution amiable des litiges n’est pas seulement commandé par le souci de responsabiliser les parties, il vise également à désengorger les juridictions qui peinent à traiter dans un temps raisonnable les litiges qui leur sont soumis.
    • Ainsi que le relève le Rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile piloté par Frédérique Agostini et Nicolas Molfessis « les réformes successives ont doté le juge chargé de la mise en état de l’affaire, tant en procédure écrite qu’en procédure orale, de pouvoirs lui permettant de rythmer la mise en état de l’affaire avec pour objectif d’en permettre le jugement au fond dans un délai raisonnable adapté à chaque affaire. Toutefois, compte tenu de l’insuffisance des moyens alloués aux juridictions civiles, la mise en état a pour objet premier de gérer les flux et les stocks pour les adapter à la capacité de traitement des formations civiles, les juges considérant ne pas être en capacité de faire une mise en état intellectuelle des affaires».
    • C’est la raison pour laquelle il y a lieu d’inviter les parties au plus tôt dans la procédure d’emprunter la voie de la procédure conventionnelle, la procédure aux fins de jugement ne devant être envisagée qu’à titre subsidiaire.

Fort de ce constat, en adoptant la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, le législateur s’est donné pour tâche de développer la culture du règlement alternatif des différends.

Cette volonté a été traduite dans le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile qui rend plus attractive la procédure participative notamment lorsqu’elle est conclue aux fins de mise en état.

Pour ce faire, plusieurs mesures sont prises par le décret :

  • Tout d’abord, il favorise le recours à la procédure participative dans le cadre de la procédure écrite ordinaire. Ainsi, le juge doit, lors de l’audience d’orientation ( 776 et svts CPC), demander aux avocats des parties s’ils envisagent de conclure une convention de procédure participative aux fins de mise en état.
  • Ensuite, en procédure écrite, le décret autorise les parties qui sont en mesure d’évaluer la durée prévisionnelle de leur mise en état à obtenir, dès le début de la procédure, la date à laquelle sera prononcée la clôture de l’instruction et la date de l’audience de plaidoirie.
  • Par ailleurs, le texte valorise l’acte contresigné par avocat ( 1546-3 CPC), qui peut désormais avoir lieu en dehors de toute procédure participative.
  • Enfin, le décret s’attache à assouplir le régime de la convention de procédure participative.
    • D’une part, si l’ensemble des parties en sont d’accord, il est désormais possible de saisir le juge d’une difficulté en cours de procédure participative sans que cela ne mette fin à la convention ( 1555 5 CPC).
    • D’autre part, la signature de cette convention interrompt l’instance ( 369 CPC), même en cas de retrait du rôle de l’affaire;

Au bilan, il apparaît que la procédure participative occupe désormais une place de premier choix parmi les dispositifs mis à la disposition des parties par le Code de procédure civile pour régler, à l’amiable, leur différend.

II) Exceptions à l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends

L’article 750-1, al. 2 du CPC prévoit plusieurs exceptions à l’exigence de recours à un mode de résolution amiable des différents préalablement à la saisine du juge.

Plus précisément les parties bénéficient d’une dispense dans l’un des cas suivants :

🡺Si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord

Cette situation correspond à l’hypothèse où les parties ont déjà réglé leur différend, d’où l’existence d’une dispense de recourir à un mode de résolution amiable

🡺Lorsque l’exercice d’un recours préalable est obligatoire

Dans certains contentieux fiscaux et sociaux, les parties ont l’obligation, préalablement à la saisine du juge, d’exercer un recours auprès de l’administration

En cas d’échec de ce recours, le demandeur est alors dispensé de solliciter la mise en œuvre d’un mode de résolution amiable des différends

🡺Si l’absence de recours à l’un des modes de résolution amiable est justifiée par un motif légitime

Cette dispense tenant au motif légitime couvre trois hypothèses:

  • Première hypothèse
    • Le motif légitime tient à « l’urgence manifeste»
    • Classiquement, on dit qu’il y a urgence « lorsque qu’un retard dans la prescription de la mesure sollicitée serait préjudiciable aux intérêts du demandeur»
    • Le demandeur devra donc spécialement motiver l’urgence qui devra être particulièrement caractérisée 
  • Deuxième hypothèse
    • Le motif légitime tient « aux circonstances de l’espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu’une décision soit rendue non contradictoirement»
    • Il en résulte que l’obligation de recours à un mode de résolution amiable des litiges est écartée lorsque les circonstances de l’espèce font obstacle à toute tentative de recherche d’un accord amiable
    • L’exception est ici pour le moins ouverte, de sorte que c’est au juge qu’il appartiendra d’apprécier le bien-fondé de sa saisine sans recours préalable à un mode de résolution amiable des différends
    • Cette exception vise également les procédures sur requête dont la mise en œuvre n’est pas subordonnée à la recherche d’un accord amiable ou encore la procédure d’injonction de payer qui, dans sa première phase, n’est pas contradictoire 
  • Troisième hypothèse
    • L’article 750-1 du CPC prévoyait initialement que le motif légitime justifiant l’absence de recours à un mode alternatif de règlement amiable pouvait tenir à « l’indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l’organisation de la première réunion de conciliation dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige ».
    • Il fallait donc comprendre que dans l’hypothèse où le délai de prise en charge du litige était excessif, en raison notamment du grand nombre de dossiers à traiter, les parties étaient autorisées à saisir directement le juge.
    • Restait à savoir ce que l’on devait entendre par « délai manifestement excessif », ce que ne dit pas la loi
    • Selon une note de la direction des affaires civiles et du sceau, la dispense devait être appréciée en tenant compte du nombre de conciliateurs inscrits sur les listes de la cour d’appel.
    • Cela n’a toutefois pas convaincu le Conseil d’État qui par décision du 22 septembre 2022, a annulé l’article 750-1 du Code de procédure civile considérant qu’il ne définissait pas de façon suffisamment précise les modalités et le ou les délais selon lesquels l’indisponibilité du conciliateur pouvait être regardée comme établie.
    • Or s’agissant d’une condition de recevabilité d’un recours juridictionnel précisent les juges de la Haute juridiction administrative, « l’indétermination de certains des critères permettant de regarder cette condition comme remplie est de nature à porter atteinte au droit d’exercer un recours effectif devant une juridiction, garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » (CE 22 sept. 2022, n°436939).
    • En réaction à cette décision qui censurait l’article 750-1 du Code de procédure civile, le gouvernement a adopté le décret n° 2023-357 du 11 mai 2023 qui, tout en maintenant l’obligation de tentative préalable de médiation, de conciliation ou de procédure participative préalablement à l’introduction d’une action en justice pour certaines catégories de litiges, a modifié la dérogation relative à l’indisponibilité des conciliateurs.
    • Désormais, la dispense de recours à un mode alternatif de résolution admise est admise si l’indisponibilité de conciliateurs de justice entraîne l’organisation de la première réunion de conciliation non plus « dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige », mais « dans un délai supérieur à trois mois à compter de la saisine d’un conciliateur ».
    • Autrement dit, l’indisponibilité du conciliateur est caractérisée lorsqu’un délai de plus de trois mois sépare sa saisine et l’organisation du premier rendez-vous.
    • Le texte précise qu’il appartient au demandeur de justifier par tout moyen de la saisine du conciliateur et de ses suites.
    • Il devra donc établir le dépassement du délai de trois mois pour justifier de la recevabilité de son action, ce qui suppose de démontrer deux éléments de fait :
      • Premier élément : la date de saisine du conciliateur
        • Pour se prévaloir d’une dispense de recours à un mode alternatif de règlement amiable, le demandeur devra donc s’appuyer sur une date de saisine d’un conciliateur.
        • La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « saine ».
        • Pour le déterminer, il y a lieu de se reporter à l’article 1536 du Code de procédure civile qui prévoit que « le conciliateur de justice institué par le décret du 20 mars 1978 relatif aux conciliateurs de justice peut être saisi sans forme par toute personne physique ou morale. ».
        • Il ressort de cette disposition que la saisine d’un conciliateur ne requiert l’observation d’aucune forme particulière.
        • Le demandeur devra néanmoins se constituer une preuve, laquelle pourrait consister en l’accusé de réception d’un courrier de saisine adressé à un conciliateur ou celui délivré dans le cadre d’une démarche en ligne.
      • Second élément : l’écoulement d’un délai de plus de trois mois entre la saisine et l’organisation du premier rendez-vous
        • Pour être dispensé de l’obligation prévue à l’article 750-1 du CPC, le demandeur doit justifier de l’écoulement d’un délai de plus de trois mois entre la saisine du conciliateur et l’organisation du premier rendez-vous.
        • Le dépassement de ce délai pourra être établi en présentant la date d’envoi de la demande et la date de convocation à un premier rendez-vous figurant sur un courrier ou un mail émanant du conciliateur.
        • En cas d’absence de réponse du conciliateur dans un délai de trois mois suivant la saisine, le demandeur pourra immédiatement introduire son action en justice.
    • Il peut être observé que les dispositions nouvelles n’interdisent, ni n’imposent, d’entreprendre plusieurs démarches concomitantes ou consécutives.
    • Par ailleurs, le nouvel article 750-1 du CPC ne s’applique qu’aux seules instances introduites à compter du 1er octobre 2023.
    • Pour ce qui est des instances en cours au 22 septembre 2022, date de la décision d’annulation par le Conseil d’État de l’article 750-1 du CPC ou introduites antérieurement au 1er octobre 2023, le texte ne s’applique pas tant dans sa rédaction antérieure, que postérieure.

🡺Lorsque le juge ou l’autorité administrative doit, en application d’une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation

Tel est le cas

  • Devant le Tribunal judiciaire lorsque la procédure est orale
  • En matière de saisie des rémunérations dont la procédure comporte une phase de conciliation
  • En matière de divorce, la tentative de conciliation étant obligatoire préalablement à l’introduction de l’instance

🡺Lorsque le créancier a vainement engagé une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, conformément à l’article L. 125-1 du code des procédures civiles d’exécution

Pour mémoire, l’article L. 125-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que « une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances peut être mise en œuvre par un huissier de justice à la demande du créancier pour le paiement d’une créance ayant une cause contractuelle ou résultant d’une obligation de caractère statutaire et inférieure à un montant défini par décret en Conseil d’État ».

Cette procédure vise donc à faciliter le règlement des factures impayées et à raccourcir les retards de paiement, en particulier ceux dont sont victimes les entreprises.

Parce qu’il s’agit d’une procédure de recouvrement dont la conduite est assurée par le seul huissier de justice en dehors de toute intervention d’un juge, il ne peut y être recouru pour des petites créances, soit celles dont le montant n’excède pas 5.000 euros.

La mise en œuvre de cette procédure préalablement à la saisine du juge dispense le créancer de mettre en œuvre l’un des modes alternatifs de règlement amiable des litiges visés par l’article 750-1 du Code de procédure civile.

🡺Lorsque le litige est relatif au crédit à la consommation, au crédit immobilier, aux regroupements de crédits, aux sûretés personnelles, au délai de grâce, à la lettre de change et billets à ordre, aux règles de conduite et rémunération et formation du prêteur et de l’intermédiaire

Cette dispense est issue de l’article 4 modifié de la loi n°2016 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

Cette disposition prévoit, en effet, que l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends “ne s’applique pas aux litiges relatifs à l’application des dispositions mentionnées à l’article L. 314-26 du code de la consommation.

§2 : L’introduction de l’instance

I) L’acte introductif d’instance du demandeur

La formulation d’une demande en justice suppose, pour le plaideur qui est à l’initiative du procès, d’accomplir ce que l’on appelle un acte introductif d’instance, lequel consiste à soumettre au juge des prétentions (art. 53 CPC).

En matière contentieuse, selon l’article 54 du Code de procédure civile cet acte peut prendre plusieurs formes au nombre desquelles figurent :

  • L’assignation
  • La requête
  • La requête conjointe

Lorsque l’instance est introduite en procédure orale devant le Tribunal judiciaire, l’article 818 du CPC prévoit que la demande en justice est formée :

  • Soit par une assignation
  • Soit par une requête conjointe
  • Soit par une requête unilatérale lorsque le montant de la demande n’excède pas 5 000 euros

A) L’assignation

🡺Notion

Elle est définie à l’article 55 du CPC comme « l’acte d’huissier de justice par lequel le demandeur cite son adversaire à comparaître devant le juge. »

L’assignation consiste, autrement dit, en une citation à comparaître par-devant la juridiction saisie, notifiée à la partie adverse afin qu’elle prenne connaissance des prétentions du demandeur et qu’elles puissent, dans le cadre d’un débat contradictoire, fournir des explications.

L’assignation présente cette particularité de devoir être notifiée au moyen d’un exploit d’huissier.

Ainsi, doit-elle être adressée, non pas au juge, mais à la partie mise en cause qui, par cet acte, est informée qu’un procès lui est intenté, en conséquence de quoi elle est invitée à se défendre.

🡺Formalisme

Dans le cadre de la procédure orale par-devant le Tribunal judiciaire, l’assignation doit comporter, à peine de nullité, un certain nombre de mentions énoncées par le Code de procédure reproduites dans le tableau ci-dessous.

Mentions de droit commun
Art. 54• A peine de nullité, la demande initiale mentionne :

1° L’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;

2° L’objet de la demande ;

3° a) Pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs ;

b) Pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l’organe qui les représente légalement ;

4° Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier ;

5° Lorsqu’elle doit être précédée d’une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les diligences entreprises en vue d’une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d’une telle tentative.
Art. 56• L’assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d’huissier de justice et celles énoncées à l’article 54 :

1° Les lieu, jour et heure de l’audience à laquelle l’affaire sera appelée ;

2° Un exposé des moyens en fait et en droit ;

3° La liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée dans un bordereau qui lui est annexé ;

4° L’indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire.

L’assignation précise également, le cas échéant, la chambre désignée.
Art. 648• Tout acte d’huissier de justice indique, indépendamment des mentions prescrites par ailleurs

1. Sa date ;

2. a) Si le requérant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;

b) Si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement.

3. Les nom, prénoms, demeure et signature de l’huissier de justice

4. Si l’acte doit être signifié, les nom et domicile du destinataire, ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social.
Art. 473• Lorsque le défendeur ne comparaît pas, le jugement est rendu par défaut si la décision est en dernier ressort et si la citation n’a pas été délivrée à personne.

• Le jugement est réputé contradictoire lorsque la décision est susceptible d’appel ou lorsque la citation a été délivrée à la personne du défendeur.
Mentions spécifiques
Art. 753• Lorsque la représentation par avocat n’est pas obligatoire, l’assignation contient, à peine de nullité, outre les mentions prescrites aux articles 54 et 56, les nom, prénoms et adresse de la personne chez qui le demandeur élit domicile en France lorsqu’il réside à l’étranger.

• Le cas échéant, l’assignation mentionne l’accord du demandeur pour que la procédure se déroule sans audience en application de l’article L. 212-5-1 du code de l’organisation judiciaire.

• L’acte introductif d’instance rappelle en outre les dispositions de l’article 832 et mentionne les conditions dans lesquelles le défendeur peut se faire assister ou représenter, ainsi que, s’il y a lieu, le nom du représentant du demandeur.
Art. 832• Sans préjudice des dispositions de l’article 68, la demande incidente tendant à l’octroi d’un délai de paiement en application de l’article 1343-5 du code civil peut être formée par courrier remis ou adressé au greffe. Les pièces que la partie souhaite invoquer à l’appui de sa demande sont jointes à son courrier. La demande est communiquée aux autres parties, à l’audience, par le juge, sauf la faculté pour ce dernier de la leur faire notifier par le greffier, accompagnée des pièces jointes, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

• L’auteur de cette demande incidente peut ne pas se présenter à l’audience, conformément au second alinéa de l’article 446-1. Dans ce cas, le juge ne fait droit aux demandes présentées contre cette partie que s’il les estime régulières, recevables et bien fondées.
Art. 762• Lorsque la représentation par avocat n’est pas obligatoire, les parties se défendent elles-mêmes.

• Les parties peuvent se faire assister ou représenter par :

-un avocat ;
-leur conjoint, leur concubin ou la personne avec laquelle elles ont conclu un pacte civil de solidarité ;
-leurs parents ou alliés en ligne directe ;
-leurs parents ou alliés en ligne collatérale jusqu’au troisième degré inclus ;
-les personnes exclusivement attachées à leur service personnel ou à leur entreprise.

• Le représentant, s’il n’est avocat, doit justifier d’un pouvoir spécial.

🡺Prise de date

L’article 751 du Code de procédure civile prévoit, en effet, que « la demande formée par assignation est portée à une audience dont la date est communiquée par le greffe au demandeur sur présentation du projet d’assignation. »

Il ressort de cette disposition que le demandeur doit ainsi obtenir par l’entremise de son avocat ou d’un huissier.

Cette demande de prise de date est subordonnée à la production d’un projet d’assignation, l’objectif recherché par le législateur étant de permettre au greffe de désigner la chambre compétente.

S’agissant des modalités d’application de la règle, le texte renvoie à un arrêté du garde des sceaux qui, à ce jour, n’a pas encore été publié.

À réception de la date d’audience il appartiendra alors au demandeur la mentionner dans le corps de l’assignation « les lieu, jour et heure de l’audience à laquelle l’affaire sera appelée » pour signification de l’acte par exploit d’huissier.

Inséré dans la partie consacrée aux dispositions communes au Tribunal judiciaire, l’article 751 concerne toutes les procédures susceptibles d’être mises en œuvre devant cette juridiction, qu’il s’agisse de procédures écrites ou orales, peu importe qu’elles soient avec ou sans représentation obligatoire.

Cette exigence de prise de date n’intéresse, cependant, que l’introduction de l’instance par voie d’assignation. L’article 751 n’est pas applicable à la procédure sur requête ou lorsque l’instance est introduite au moyen d’une requête conjointe.

B) La requête conjointe

🡺Notion

L’article 57 du CPC définit la requête conjointe comme l’acte commun par lequel les parties soumettent au juge « leurs prétentions respectives, les points sur lesquels elles sont en désaccord ainsi que leurs moyens respectifs. »

Le recours à cette variété d’acte introductif d’instance n’est envisageable que lorsque les parties sont enclines à collaborer. Reste qu’il suffit que l’accord se limite à la saisine du juge et aux termes du litige.

Cet acte se rencontre notamment en matière de procédure de divorce lorsque les époux entendent divorcer par consentement mutuel ou pour acceptation du principe de la rupture.

🡺Formalisme

Le Code de procédure civile prescrit, à peine de nullité, un certain nombre de mentions qui doivent figurer sur la requête conjointe.

Mentions de droit commun
Art. 54• A peine de nullité, la demande initiale mentionne :

1° L’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;

2° L’objet de la demande ;

3° a) Pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs ;

b) Pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l’organe qui les représente légalement ;

4° Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier ;

5° Lorsqu’elle doit être précédée d’une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les diligences entreprises en vue d’une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d’une telle tentative.
Art. 57• Lorsqu’elle est remise ou adressée conjointement par les parties, elle soumet au juge leurs prétentions respectives, les points sur lesquels elles sont en désaccord ainsi que leurs moyens respectifs.

• Elle contient, outre les mentions énoncées à l’article 54, également à peine de nullité :

-lorsqu’elle est formée par une seule partie, l’indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée ou s’il s’agit d’une personne morale, de sa dénomination et de son siège social

-dans tous les cas, l’indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée.

• Elle est datée et signée.
Mentions spécifiques
Art. 757• Outre les mentions prescrites par les articles 54 et 57, la requête doit contenir, à peine de nullité, un exposé sommaire des motifs de la demande.

• Les pièces que le requérant souhaite invoquer à l’appui de ses prétentions sont jointes à sa requête en autant de copies que de personnes dont la convocation est demandée.

• Le cas échéant, la requête mentionne l’accord du requérant pour que la procédure se déroule sans audience en application de l’article L. 212-5-1 du code de l’organisation judiciaire.

• Lorsque la requête est formée par voie électronique, les pièces sont jointes en un seul exemplaire.

• Lorsque chaque partie est représentée par un avocat, la requête contient, à peine de nullité, la constitution de l’avocat ou des avocats des parties.

• Elle est signée par les avocats constitués.

C) La requête

🡺Notion

La requête est définie à l’article 57 du CPC comme l’acte par lequel le demandeur saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé.

À la différence de l’assignation, la requête est donc adressée, non pas à la partie adverse, mais à la juridiction auprès de laquelle est formulée la demande en justice.

Reste qu’elle produit le même effet, en ce qu’elle est un acte introductif d’instance.

🡺Formalisme

À l’instar de l’assignation, la requête doit comporter un certain nombre de mentions prescrites à peine de nullité par le Code de procédure civile.

Mentions de droit commun
Art. 54• A peine de nullité, la demande initiale mentionne :

1° L’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;

2° L’objet de la demande ;

3° a) Pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs ;

b) Pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l’organe qui les représente légalement ;

4° Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier ;

5° Lorsqu’elle doit être précédée d’une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les diligences entreprises en vue d’une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d’une telle tentative.
Art. 57• Elle contient, outre les mentions énoncées à l’article 54, également à peine de nullité :

-lorsqu’elle est formée par une seule partie, l’indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée ou s’il s’agit d’une personne morale, de sa dénomination et de son siège social

-dans tous les cas, l’indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée.

•Elle est datée et signée.
Art. 757• Outre les mentions prescrites par les articles 54 et 57, la requête doit contenir, à peine de nullité, un exposé sommaire des motifs de la demande.

• Les pièces que le requérant souhaite invoquer à l’appui de ses prétentions sont jointes à sa requête en autant de copies que de personnes dont la convocation est demandée.

• Le cas échéant, la requête mentionne l’accord du requérant pour que la procédure se déroule sans audience en application de l’article L. 212-5-1 du code de l’organisation judiciaire.

• Lorsque la requête est formée par voie électronique, les pièces sont jointes en un seul exemplaire.

• Lorsque chaque partie est représentée par un avocat, la requête contient, à peine de nullité, la constitution de l’avocat ou des avocats des parties.

• Elle est signée par les avocats constitués.
Mentions spécifiques
Ordonnance sur
requête

(Art. 494)
• La requête est présentée en double exemplaire.

• Elle doit être motivée.

• Elle doit comporter l’indication précise des pièces invoquées.

• Si elle est présentée à l’occasion d’une instance, elle doit indiquer la juridiction saisie.

• En cas d’urgence, la requête peut être présentée au domicile du juge.
Requête en
injonction
de payer

(Art. 1407)
• Outre les mentions prescrites par l’article 57, la requête contient l’indication précise du montant de la somme réclamée avec le décompte des différents éléments de la créance ainsi que le fondement de celle-ci.

• Elle est accompagnée des documents justificatifs.
Requête en
injonction
de faire

(Art. 1425-2)
• Outre les mentions prescrites par l’article 57, la requête contient :

1° L’indication précise de la nature de l’obligation dont l’exécution est poursuivie ainsi que le fondement de celle-ci ;

2° Eventuellement, les dommages et intérêts qui seront réclamés en cas d’inexécution de l’injonction de faire.

• Elle est accompagnée des documents justificatifs.

🡺Condition complémentaire tenant au montant de la demande

L’article 818, al. 2 du CPC prévoit que « la demande peut également être formée par une requête lorsque le montant de la demande n’excède pas 5 000 euros »

Ce mode de saisine du Tribunal judiciaire en procédure orale est ainsi limité aux seules demandes dont le montant n’excède pas un certain seuil, fixé à 5.000 euros.

À défaut, les parties devront se soumettre aux exigences de la procédure écrite. L’instauration de ce seuil tend, manifestement, à réintroduire le traitement particulier réservé aux petits litiges qui relevaient, sous l’empire du droit antérieur, de la compétence du Tribunal d’instance.

Pour les contentieux du quotidien, la procédure orale a toujours été préférée à la procédure écrite, en ce que, de par sa simplicité et sa souplesse, elle est de nature à faciliter les échanges entre les parties et avec le juge, raison pour laquelle elle est plus adaptée aux petits litiges.

D) L’absence d’exigence de constitution d’avocat par le défendeur

En procédure orale devant le Tribunal judiciaire les parties n’ont pas l’obligation de se faire représenter par un avocat.

L’article 762 du CPC dispose en ce sens que « les parties se défendent elles-mêmes » ou elles « peuvent se faire assister ou représenter ».

Il en résulte que, contrairement à la procédure écrite pour laquelle la représentation est obligatoire, le défendeur n’a pas l’obligation de constituer avocat.

Il est seulement tenu de se présenter à la date et l’heure de l’audience qui lui sont notifiées, étant précisé qu’elles ne seront fixées par le demandeur qu’en cas d’assignation.

Lorsque le Tribunal est saisi par voie de requête conjointe ou de requête c’est à lui qu’il revient de fixer la date et l’heure de l’audience.

II) L’enrôlement de l’affaire

Il ressort des articles 754 et 756 du CPC que la saisine du Tribunal judiciaire ne s’opère qu’à la condition que l’acte introductif d’instance accompli par les parties (assignation, requête ou requête conjointe) fasse l’objet d’un « placement » ou, dit autrement, d’un « enrôlement ».

Ces expressions sont synonymes : elles désignent ce que l’on appelle la mise au rôle de l’affaire. Par rôle, il faut entendre le registre tenu par le secrétariat du greffe du Tribunal qui recense toutes les affaires dont il est saisi, soit celles sur lesquels il doit statuer.

Cette exigence de placement d’enrôlement de l’acte introductif d’instance a été généralisée pour toutes les juridictions, de sorte que les principes applicables sont les mêmes, tant devant le Tribunal judiciaire, que devant le Tribunal de commerce.

À cet égard, la saisine proprement dite de la juridiction comporte trois étapes qu’il convient de distinguer

  • Le placement de l’acte introductif d’instance
  • L’enregistrement de l’affaire au répertoire général
  • La constitution et le suivi du dossier

A) Le placement de l’acte introductif d’instance

1. Le placement de l’assignation

a. La remise de l’assignation au greffe

L’article 754 du CPC dispose, en effet, que le tribunal est saisi, à la diligence de l’une ou l’autre partie, par la remise au greffe d’une copie de l’assignation.

C’est donc le dépôt de l’assignation au greffe du Tribunal judiciaire qui va opérer la saisine et non sa signification à la partie adverse.

À cet égard, l’article 769 du CPC précise que « la remise au greffe de la copie d’un acte de procédure ou d’une pièce est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué. »

b. Le délai

b.1. Principe

i. Droit antérieur

L’article 754 du CPC, modifié par le décret n°2020-1452 du 27 novembre 2020, disposait dans son ancienne rédaction que « sous réserve que la date de l’audience soit communiquée plus de quinze jours à l’avance, la remise doit être effectuée au moins quinze jours avant cette date ».

L’alinéa 2 précisait que « lorsque la date de l’audience est communiquée par voie électronique, la remise doit être faite dans le délai de deux mois à compter de cette communication. »

Il ressortait de la combinaison de ces deux dispositions que pour déterminer le délai d’enrôlement de l’assignation, il y avait lieu de distinguer selon que la date d’audience est ou non communiquée par voie électronique.

🡺La date d’audience n’était pas communiquée par voie électronique

Il s’agit de l’hypothèse où les actes de procédures ne sont pas communiqués par voie électronique (RPVA).

Tel est le cas, par exemple, en matière de procédure orale ou de procédure à jour fixe, la voie électronique ne s’imposant, conformément à l’article 850 du CPC, qu’en matière de procédure écrite.

Cette disposition prévoit, en effet, que « à peine d’irrecevabilité relevée d’office, en matière de procédure écrite ordinaire et de procédure à jour fixe, les actes de procédure à l’exception de la requête mentionnée à l’article 840 sont remis à la juridiction par voie électronique. »

Dans cette hypothèse, il convenait donc de distinguer deux situations :

  • La date d’audience est communiquée plus de 15 jours avant l’audience
    • Le délai d’enrôlement de l’assignation devait être alors porté à 15 jours
  • La date d’audience est communiquée moins de 15 jours avant l’audience
    • L’assignation devait être enrôlée avant l’audience sans condition de délai

🡺La date d’audience était communiquée par voie électronique

Il s’agit donc de l’hypothèse où la date d’audience est communiquée par voie de RPVA ce qui, en application de l’article 850 du CPC, intéresse :

  • La procédure écrite ordinaire
  • La procédure à jour fixe

L’article 754 du CPC prévoyait que pour ces procédures, l’enrôlement de l’assignation doit intervenir « dans le délai de deux mois à compter de cette communication. »

Ainsi, lorsque la communication de la date d’audience était effectuée par voie électronique, le demandeur devait procéder à la remise de son assignation au greffe dans un délai de deux mois à compter de la communication de la date d’audience.

Le délai de placement de l’assignation était censé être adapté à ce nouveau mode de communication de la date de première audience.

Ce système n’a finalement pas été retenu lors de la nouvelle réforme intervenue un an plus tard.

ii. Droit positif

L’article 754 du CPC, modifié par le décret n° 2021-1322 du 11 octobre 2021, dispose désormais en son alinéa 2 que « sous réserve que la date de l’audience soit communiquée plus de quinze jours à l’avance, la remise doit être effectuée au moins quinze jours avant cette date. »

Il ressort de cette disposition que pour déterminer le délai d’enrôlement de l’assignation, il y a lieu de distinguer selon que la date d’audience est ou non communiquée 15 jours avant la tenue de l’audience

  • La date d’audience est communiquée plus de 15 jours avant la tenue de l’audience
    • Dans cette hypothèse, l’assignation doit être enrôlée au plus tard 15 jours avant l’audience
  • La date d’audience est communiquée moins de 15 jours avant la tenue de l’audience
    • Dans cette hypothèse, l’assignation doit être enrôlée avant l’audience sans condition de délai

Le décret n° 2021-1322 du 11 octobre 2021 a ainsi mis fin au système antérieur qui supposait de déterminer si la date d’audience avait ou non été communiquée par voie électronique.

b.2 Exception

L’article 755 prévoit que dans les cas d’urgence ou de dates d’audience très rapprochées, les délais de comparution des parties ou de remise de l’assignation peuvent être réduits sur autorisation du juge.

Cette urgence sera notamment caractérisée pour les actions en référé dont la recevabilité est, pour certaines, subordonnée à la caractérisation d’un cas d’urgence (V. en ce sens l’art. 834 CPC)

Au total, le dispositif mis en place par le décret du 27 novembre 2020 permet de clarifier l’ancienne règle posée par l’ancien décret du 11 décembre 2019 et d’éviter les placements tardifs, et de récupérer une date d’audience inutilisée pour l’attribuer à une nouvelle affaire.

En procédure écrite, il convient surtout de retenir que le délai d’enrôlement est, par principe de deux mois, et par exception, il peut être réduit à 15 jours, voire à moins de 15 jours en cas d’urgence.

Au total, le dispositif mis en place par le décret du 11 décembre 2019 permet d’éviter les placements tardifs, et de récupérer une date d’audience inutilisée pour l’attribuer à une nouvelle affaire.

En procédure orale, il convient de retenir que le délai d’enrôlement est, non pas de deux mois comme en matière de procédure écrite, mais de 15 jours, voire de moins de 15 jours pour les cas d’urgence.

c. La sanction

L’article 754 prévoit que le non-respect du délai d’enrôlement est sanctionné par la caducité de l’assignation, soit son anéantissement rétroactif, lequel provoque la nullité de tous les actes subséquents.

Cette disposition précise que la caducité de l’assignation est « constatée d’office par ordonnance du juge »

À défaut, le non-respect du délai d’enrôlement peut être soulevé par requête présentée au président ou au juge en charge de l’affaire en vue de faire constater la caducité. Celui-ci ne dispose alors d’aucun pouvoir d’appréciation.

En tout état de cause, lorsque la caducité est acquise, elle a pour effet de mettre un terme à l’instance.

Surtout, la caducité de l’assignation n’a pas pu interrompre le délai de prescription qui s’est écoulé comme si aucune assignation n’était intervenue (Cass. 2e civ., 11 oct. 2001, n°99-16.269).

2. Le placement de la requête

🡺Modalités de placement

La procédure sur requête présente cette particularité d’être non-contradictoire. Il en résulte que la requête n’a pas vocation à être notifiée à la partie adverse, à tout le moins dans le cadre de l’introduction de l’instance.

Aussi, la saisie de la juridiction s’opère par l’acte de dépôt de la requête auprès de la juridiction compétence, cette formalité n’étant précédée, ni suivi d’aucune autre.

L’article 845 du CPC prévoit en ce sens que « le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection est saisi par requête dans les cas spécifiés par la loi. »

L’article 756 précise que « cette requête peut être remise ou adressée ou effectuée par voie électronique dans les conditions prévues par arrêté du garde des sceaux. »

L’alinéa 2 de cette disposition précise que, lorsque les parties ont soumis leur différend à un conciliateur de justice sans parvenir à un accord, leur requête peut également être transmise au greffe à leur demande par le conciliateur.

À cet égard, il convient d’observer que, désormais, à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à une action en bornage ou aux actions visées à l’article R. 211-3-8 du Code de l’organisation judiciaire (art. 750-1 CPC).

Enfin, comme pour l’assignation, en application de l’article 769 du CPC, la remise au greffe de la copie de la requête est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué.

🡺Convocation des parties défendeur

L’article 758 du CPC dispose que, lorsque la juridiction est saisie par requête, le président du tribunal fixe les lieu, jour et heure de l’audience.

Reste à en informer les parties :

  • S’agissant du requérant
    • Il est informé par le greffe de la date et de l’heure de l’audience « par tous moyens »
    • On en déduit qu’il n’est pas nécessaire pour le greffe de lui communication l’information par voie de lettre recommandée.
  • S’agissant du défendeur
    • L’article 758, al. 3 prévoit que le greffier convoque le défendeur à l’audience par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
    • À cet égard, la convocation doit comporter un certain nombre de mentions au nombre desquelles figurent :
      • La date ;
      • L’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;
      • L’indication que, faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire ;
      • Le cas échéant, la date de l’audience à laquelle le défendeur est convoqué ainsi que les conditions dans lesquelles il peut se faire assister ou représenter.
      • Un rappel des dispositions de l’article 832 du CPC qui prévoit que
      • « Sans préjudice des dispositions de l’article 68, la demande incidente tendant à l’octroi d’un délai de paiement en application de l’article 1343-5 du code civil peut être formée par courrier remis ou adressé au greffe. Les pièces que la partie souhaite invoquer à l’appui de sa demande sont jointes à son courrier. La demande est communiquée aux autres parties, à l’audience, par le juge, sauf la faculté pour ce dernier de la leur faire notifier par le greffier, accompagnée des pièces jointes, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
      • L’auteur de cette demande incidente peut ne pas se présenter à l’audience, conformément au second alinéa de l’article 446-1. Dans ce cas, le juge ne fait droit aux demandes présentées contre cette partie que s’il les estime régulières, recevables et bien fondées. »
      • Les modalités de comparution devant la juridiction
    • La convocation par le greffe du défendeur vaut citation précise l’article 758 du CPC.
    • Enfin, lorsque la représentation est obligatoire, l’avis est donné aux avocats par simple bulletin.
    • Par ailleurs, la copie de la requête est jointe à l’avis adressé à l’avocat du défendeur ou, lorsqu’il n’est pas représenté, au défendeur.
  •  

3. Le placement de la requête conjointe

🡺Modalités de placement

L’article 756 du CPC prévoit que « dans les cas où la demande peut être formée par requête, la partie la plus diligente saisit le tribunal par la remise au greffe de la requête. » La saisine de la juridiction compétente s’opère ainsi de la même manière que pour la requête « ordinaire ».

La requête peut, de sorte, également être remise ou adressée ou effectuée par voie électronique dans les conditions prévues par arrêté du garde des Sceaux à intervenir.

Le dépôt de la requête suffit, à lui-seul, à provoquer la saisine du Tribunal judiciaire. À la différence de l’assignation, aucun délai n’est imposé aux parties pour procéder au dépôt. La raison en est que la requête n’est pas signifiée, de sorte qu’il n’y a pas lieu de presser les demandeurs.

En application de l’article 769 du CPC La remise au greffe de la copie de la requête est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué.

🡺Convocation des parties

L’article 758 du CPC prévoit que, lorsque la requête est signée conjointement par les parties, cette date est fixée par le président du tribunal ; s’il y a lieu il désigne la chambre à laquelle elle est distribuée.

Consécutivement à la fixation de la date d’audience, les parties en sont avisées par le greffier.

B) L’enregistrement de l’affaire au répertoire général

L’article 726 du CPC prévoit que le greffe tient un répertoire général des affaires dont la juridiction est saisie. C’est ce que l’on appelle le rôle.

Le répertoire général indique la date de la saisine, le numéro d’inscription, le nom des parties, la nature de l’affaire, s’il y a lieu la chambre à laquelle celle-ci est distribuée, la nature et la date de la décision

Consécutivement au placement de l’acte introductif d’instance, il doit inscrire au répertoire général dans la perspective que l’affaire soit, par suite, distribuée.

C) La constitution et le suivi du dossier

Consécutivement à l’enrôlement de l’affaire, il appartient au greffier de constituer un dossier, lequel fera l’objet d’un suivi et d’une actualisation tout au long de l’instance.

🡺La constitution du dossier

L’article 727 du CPC prévoit que pour chaque affaire inscrite au répertoire général, le greffier constitue un dossier sur lequel sont portés, outre les indications figurant à ce répertoire, le nom du ou des juges ayant à connaître de l’affaire et, s’il y a lieu, le nom des personnes qui représentent ou assistent les parties.

Sont versés au dossier, après avoir été visés par le juge ou le greffier, les actes, notes et documents relatifs à l’affaire.

Y sont mentionnés ou versés en copie les décisions auxquelles celle-ci donne lieu, les avis et les lettres adressés par la juridiction.

Lorsque la procédure est orale, les prétentions des parties ou la référence qu’elles font aux prétentions qu’elles auraient formulées par écrit sont notées au dossier ou consignées dans un procès-verbal.

Ainsi, le dossier constitué par le greffe a vocation à recueillir tous les actes de procédure. C’est là le sens de l’article 769 du CPC qui prévoit que « la remise au greffe de la copie d’un acte de procédure ou d’une pièce est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué. »

🡺Le suivi du dossier

L’article 771 prévoit que le dossier de l’affaire doit être conservé et tenu à jour par le greffier de la chambre à laquelle l’affaire a été distribuée.

Par ailleurs, il est établi une fiche permettant de connaître à tout moment l’état de l’affaire.

En particulier, en application de l’article 728 du CPC, le greffier de la formation de jugement doit tenir un registre où sont portés, pour chaque audience :

  • La date de l’audience ;
  • Le nom des juges et du greffier ;
  • Le nom des parties et la nature de l’affaire ;
  • L’indication des parties qui comparaissent elles-mêmes dans les matières où la représentation n’est pas obligatoire ;
  • Le nom des personnes qui représentent ou assistent les parties à l’audience.

Le greffier y mentionne également le caractère public ou non de l’audience, les incidents d’audience et les décisions prises sur ces incidents.

L’indication des jugements prononcés est portée sur le registre qui est signé, après chaque audience, par le président et le greffier.

Par ailleurs, l’article 729 précise que, en cas de recours ou de renvoi après cassation, le greffier adresse le dossier à la juridiction compétente, soit dans les quinze jours de la demande qui lui en est faite, soit dans les délais prévus par des dispositions particulières.

Le greffier établit, s’il y a lieu, copie des pièces nécessaires à la poursuite de l’instance.

Depuis l’adoption du décret n°2005-1678 du 28 décembre 2005, il est admis que le dossier et le registre soient tenus sur support électronique, à la condition que le système de traitement des informations garantisse l’intégrité et la confidentialité et permettre d’en assurer la conservation.

§3 : Le déroulement de l’instance

À la différence de la procédure écrite, la procédure orale ne comporte pas de phase de mise en état, quand bien même l’affaire ne serait pas « en état » d’être jugée.

L’article 830 du CPC dispose en ce sens que « à défaut de conciliation constatée à l’audience, l’affaire est immédiatement jugée ou, si elle n’est pas en état de l’être, renvoyée à une audience ultérieure ».

Il ressort de cette disposition que l’instance se déroule en deux temps :

  • Premier temps : la phase de conciliation
  • Second temps : la phase de jugement

I) La phase de conciliation

A) Principe

🡺La tentative de conciliation

L’article 827 du CPC dispose que dans le cadre de l’instance le juge doit s’efforcer « de concilier les parties. »

Il ressort de cette disposition que le Juge a l’obligation de chercher à concilier les parties avant d’engager la phase de jugement.

Reste que la conciliation est une démarche volontaire qui ne peut aboutir que lorsque les parties en sont d’accord. Il en résulte qu’aucune sanction ne peut être prononcée au motif d’un refus.

Toutefois l’alinéa 2 de l’article 827 du CPC précise que « le juge peut également, à tout moment de la procédure, inviter les parties à rencontrer un conciliateur de justice aux lieu, jour et heure qu’il détermine ».

Le juge peut donc enjoindre aux parties de rencontrer un conciliateur pour les informer sur l’objet et le déroulement d’une mesure de conciliation.

Le texte prévoit que le juge fixe les lieu, jour et heure auxquels les parties rencontreront le conciliateur.

Auparavant, il était simplement précisé que cette décision était « sans formalité particulière ».

Ces précisions impliquent désormais une certaine organisation avec les conciliateurs du ressort, soit par la présence à l’audience, comme c’est déjà le cas dans de nombreuses juridictions, dans une salle attenante à la salle d’audience, d’un conciliateur de justice, qui tentera des conciliations sur le temps de l’audience, soit par des dates de rendez-vous fixées à l’avance en lien avec les conciliateurs, dans les mairies, au tribunal ou dans tout autre lieu où les conciliateurs interviennent.

Deux voies sont alors possibles au juge qui entend déléguer une mission de conciliation :

  • Conformément à la pratique de la « double convocation », il peut en décider avant même la date de l’audience, afin d’optimiser le temps de l’audiencement,
  • Le juge peut en décider à l’audience.

Dans les deux cas, une information doit être donnée aux parties, soit par lettre simple par le greffe, si le tribunal est saisi par assignation, soit dans la convocation même, si le tribunal est saisi par déclaration au greffe, soit directement à l’audience si le tribunal décide de la délégation à l’audience.

Cette information porte sur :

  • La décision de délégation elle-même (nom du conciliateur, date et lieu de la conciliation) ;
  • La date de l’audience à laquelle l’affaire sera examinée afin que le juge constate la conciliation ou tranche le litige.

En cas de saisine par assignation, la date indiquée, si la décision de délégation est prise avant l’audience, sera la date prévue dans l’assignation.

Cette information permet d’éviter toute confusion et de rassurer les parties sur les suites qui seront données à la tentative de conciliation.

Le juge peut également choisir de procéder lui-même à la tentative de conciliation lors de l’audience à laquelle sont convoquées les parties.

🡺L’issue de la tentative de conciliation

  • Succès de la conciliation
    • Lorsque la conciliation est menée par le juge, en cas d’accord, même partiel, l’article 130 du CPC prévoit que la teneur de l’accord est consignée dans un procès-verbal signé par les parties et le juge
    • Des extraits de ce procès-verbal valent titre exécutoire en application de l’article 131 du CPC.
    • Lorsque, en revanche, la conciliation est conduite par un conciliateur, l’accord des parties doit être soumis à homologation du juge qui lui conférera force exécutoire
    • Conformément à l’article 130 du CPC la teneur de l’accord, même partiel, doit être consignée, selon le cas, dans un procès-verbal signé par les parties et le juge ou dans un constat signé par les parties et le conciliateur de justice.
    • Des extraits du procès-verbal dressé par le juge peuvent alors être délivrés.
    • L’article 131 du CPC prévoit que ces extraits valent titre exécutoire.
  • Échec de la conciliation
    • En cas d’échec de la tentative de conciliation, le juge en tirera la conséquence en engageant la phase de jugement, sauf à ce que l’une des parties se désiste de l’instance.

B) Exception

Par exception, le juge est dispensé de chercher à provoquer une conciliation entre les parties lorsqu’une tentative a déjà eu lieu avant l’introduction de l’instance.

C’est là le sens de l’article 54 du CPC qui prévoit que « la demande comporte également, à peine de nullité, Lorsqu’elle doit être précédée d’une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les diligences entreprises en vue d’une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d’une telle tentative ».

II) La phase de jugement

Lorsque, à l’issue de la tentative de conciliation, aucun accord n’est trouvé entre les parties, l’article 847 du CPC prévoir que « l’affaire est immédiatement jugée ou, si elle n’est pas en état de l’être, renvoyée à une audience ultérieure »

En cas d’échec de la conciliation, deux options s’offrent donc au juge :

  • Soit il considère que l’affaire est en état d’être jugée auquel cas les débats pourront se tenir immédiatement
  • Soit il considère que l’affaire n’est pas en état d’être jugée auquel cas il renverra l’affaire à une audience ultérieure voire imposera une mesure d’instruction

À l’examen, cette phase de jugement se caractérise par :

  • D’une part, l’oralité de la procédure
  • D’autre part, l’imbrication de l’instruction de l’affaire avec la tenue des débats

A) L’oralité de la procédure

D’origine franque et féodale, la procédure orale elle est très présente dans le système judiciaire français, puisqu’en matière civile, on la rencontre également devant les tribunaux de commerce et le juge-commissaire des procédures collectives, les conseils de prud’hommes, les tribunaux des affaires de sécurité sociale, les tribunaux paritaires des baux ruraux, les juges des référés de ces diverses juridictions, les juges taxateurs, les juges des libertés et de la détention statuant en matière de maintien des étrangers en rétention ou en zone d’attente, ainsi qu’au second degré, devant les cours d’appel statuant en matière prud’homale ou de sécurité sociale.

Devant le Tribunal judiciaire, l’article 817 du CPC prévoit que, « lorsque les parties sont dispensées de constituer avocat conformément aux dispositions de l’article 761, la procédure est orale, sous réserve des dispositions particulières propres aux matières concernées. »

Sous l’empire du droit ancien, le Code de procédure civile ne comportait aucune définition, ni ne prévoyait aucun régime de la procédure orale, ce que ne manquait pas de critiquer la doctrine, d’autant que face au silence du code, il est revenu à la jurisprudence d’en préciser le régime.

Il en est résulté des règles manquant de lisibilité pour les justiciables et présentant une certaine rigidité, peu en phase avec la nature des affaires jugées suivant une telle procédure.

Pour y remédier, a été adopté le décret n° 2010-1165 du 1er octobre 2010 relatif à la conciliation et à la procédure orale en matière civile, commerciale et sociale.

Ce texte crée un ensemble de règles générales régissant l’ensemble des procédures orales. Ces

règles sont insérées au sein du livre premier du code de procédure civile, dans un paragraphe intitulé « dispositions propres à la procédure orale », venant compléter une sous-section 1 consacrée aux débats (livre Ier, dispositions communes, titre XIVe, le jugement, chapitre 1er, dispositions générales, section 1, les débats, le délibéré et le jugement).

Reste que le principe d’oralité qui préside à certaines procédures est critiqué par la doctrine. Par exemple, le professeur Perrot rappelle que cette procédure tend à « permettre (aux plaideurs ) d’avoir un accès direct au juge et de se faire entendre sans être contraint de rédiger des pages d’écriture (l’oralité dispense seulement les plaideurs de l’écrit) mais (qu’elle) a été conçue comme une faveur simplificatrice. La conséquence en est que cette obligation se retourne parfois contre les parties elles-mêmes et que pour éviter les solutions trop inéquitables la jurisprudence se voit obligée d’accompagner le bannissement de l’écrit de dérogations et de parenthèses en ordre dispersé qui finissent par faire de la procédure orale un parcours du combattant parsemé de pièges et de surprises ».

Le professeur Serge Guinchard n’a pas manqué, quant à lui, de souligner « l’illusion démocratique des parties présentant leur dossier avec compétence et sans coût financier ».

En pratique, depuis fort longtemps, est ressentie la nécessité de bâtir un dossier, seule démarche intellectuelle et probatoire convenable pour étayer un débat qui permette d’articuler clairement et dans leur complexité des prétentions, c’est-à-dire des demandes adossées à des moyens de droit.

Le dossier, en délimitant avec précision le périmètre des débats, facilite l’identification des prétentions et contribue ainsi à la prise en compte d’un véritable dialogue.

La doctrine se range généralement à la thèse selon laquelle il conviendrait de reconnaître à ces écrits un véritable statut.

Ainsi, certains auteurs proposent de s’appuyer sur l’émergence de nouveaux principes directeurs du procès, en particulier la loyauté des débats et appellent de leurs vœux une réforme complète du régime des procédures orales.

1. Le principe de l’oralité

🡺Exposé du principe

Le principe d’oralité consiste à exiger des parties qu’elles présentent leurs prétentions oralement à l’audience.

L’oralité touche toutes les demandes susceptibles d’être formulées par les plaideurs. Il peut s’agir :

  • Des demandes initiales
  • Des demandes nouvelles
  • Des demandes incidentes
  • Des demandes reconventionnelles
  • Des fins de non-recevoir
  • Des exceptions de procédure

Il en résulte que le juge ne pourra statuer que sur les demandes qui ont été formulées oralement.

En d’autres termes, le périmètre du débat est défini par les prétentions exposées oralement par les parties à l’audience.

🡺Oralité et contradictoire

La principale conséquence de l’oralité de la procédure devant le Tribunal judiciaire est qu’il n’est pas nécessaire pour les parties d’exprimer leurs prétentions dans des écritures.

À cet égard, elles peuvent elles-mêmes à l’audience exposer leurs demandes et, dans l’hypothèse où elles les concrétisent dans des écrits, l’oralité des débats les autorise à les corriger ou les compléter au cours de l’audience, sous la seule réserve de la contradiction qui doit permettre à une partie qui découvre à l’audience des prétentions qui n’ont pas été portées à sa connaissance de se défendre utilement en demandant le renvoi de l’affaire à une audience ultérieure.

En effet, l’oralité de la procédure ne dispense pas les parties d’observer le principe du contradictoire qui est un principe directeur du procès et qui donc s’applique en tout état de cause.

Pratiquement, cela signifie qu’une partie défaillante doit être avisée des demandes présentées pour la première fois à l’audience par son adversaire ; il doit donc résulter de la procédure que la partie a été avisée de la modification des premières demandes et des demandes nouvelles (Cass. Soc., 19 juin 1986, n° 83-42.862).

Reste qu’il est de jurisprudence constante que les moyens retenus par la décision ou soulevés d’office par le juge sont présumés, sauf preuve contraire, avoir été débattus contradictoirement à l’audience devant les juges du fond (Cass. 2e civ., 6 mars 2003, n° 02-60.835).

En tout état de cause, la charge de la preuve des conclusions orales pèse sur la partie qui les invoque, de sorte qu’il incombe au demandeur à un pourvoi de rapporter, par tout moyen, la preuve qu’un moyen a été soulevé dans une procédure orale (Cass. com., 2 mars 1999, n°97-10.503), cette preuve pouvant notamment résulter des mentions de la décision attaquée ou du dossier de la procédure, et plus particulièrement du procès-verbal d’audience.

Cette preuve est, en revanche, quasiment impossible à rapporter en l’absence de toute mention dans le jugement ou le dossier du tribunal, les parties étant le plus souvent tributaires de la précision des notes prises à l’audience et se retrouvant démunies en cas d’omission.

2. L’admission conditionnée de l’écrit dans la procédure orale

L’oralité de la procédure devant le Tribunal judiciaire implique que le juge ne puisse statuer que sur les prétentions qui ont été exprimées, oralement, à l’audience.

Est-ce à dire que les prétentions formulées par écrit sont irrecevables ? Il est constant que la procédure orale n’exclut pas la faculté pour les parties de déposer des écritures.

Toutefois, l’admission de l’écrit dans la procédure orale est subordonnée au respect de deux conditions cumulatives.

En effet, les écritures échangées ou déposées par les parties antérieurement à l’audience n’ont, en réalité, le plus souvent, sur le plan juridique, qu’une « existence virtuelle » conditionnée à la présence physique effective de la partie ou de son représentant à l’audience et à leur reprise par celui-ci, au moins par « référence », devant le juge du fond, lors des débats.

Une troisième condition tient aux règles de forme auxquelles doivent satisfaire les conclusions écrites.

a. La comparution personnelle ou la représentation des parties

🡺Principe

Il est de jurisprudence constante que, lorsque la procédure est orale, les parties ont l’obligation, soit de comparaître personnellement, soit de se faire représenter.

Selon la formule du Pr Perrot « lorsque la procédure est orale, ce qui compte c’est l’audience, toute l’audience et rien que l’audience ».

Dans un arrêt du 23 septembre 2004, la Cour de cassation a précisé que « l’oralité de la procédure devant le tribunal d’instance imposant à la partie de comparaître ou de se faire représenter pour formuler valablement des prétentions et les justifier, le Tribunal, qui a constaté que Mme Y… ne comparaissait pas et ne se faisait pas représenter, en a exactement déduit, sans violer l’article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, que ses observations adressées par courrier n’étaient pas recevables » (Cass. 2e civ., 23 sept. 2004, n° 02-20.497).

Ainsi, l’envoi d’une correspondance à laquelle est jointe une attestation, d’un courrier du défendeur soulevant la fin de non-recevoir tirée de la prescription, d’une lettre exposant ses moyens de défense, ou encore le dépôt du dossier par l’opposant à une injonction de payer qui ne comparaît pas et n’est pas représenté, ne peuvent suppléer à l’absence de comparution ou de représentation de la partie, cette solution ne violant pas, selon la Cour de cassation, l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales relatif au procès équitable.

Lorsque, dès lors, le plaideur entend se prévaloir de conclusions écrites dans le cadre d’une procédure orale, il a l’obligation, soit de comparaître personnellement à l’audience, soit de se faire représenter. Dans le cas contraire, ses écritures sont irrecevables.

🡺Tempérament

L’article 446-1, al. 2 du CPC dispose que « lorsqu’une disposition particulière le prévoit, les parties peuvent être autorisées à formuler leurs prétentions et leurs moyens par écrit sans se présenter à l’audience ».

Ainsi, cette disposition instaure-t-elle une dispense, pour une partie, de se présenter à l’audience.

Cette règle nécessite toutefois, pour être applicable, d’être complétée par une disposition particulière.

Tel est par exemple le cas de l’article 446-2 lorsque le calendrier des échanges prévoit la communication d’écritures et de pièces en amont de l’audience de plaidoirie.

Tel est également le cas, prévu devant plusieurs juridictions, des dispenses que le tribunal peut accorder à une partie comparante de se présenter à une audience ultérieure, ou encore de l’autorisation devant le tribunal judiciaire en procédure orale, et le tribunal de commerce de présenter une demande de délai de paiement par courrier.

Il résulte du second alinéa de l’article 446-1 que, dans l’un quelconque de ces cas, le jugement rendu est contradictoire.

Reste que cette règle ne vaut bien évidemment que dans le cas où l’ensemble des parties se sont déplacées à l’audience ou en étaient dispensées en vertu d’une disposition particulière.

Au contraire, le juge devant statuer par un seul jugement sur une affaire, si une partie à l’instance n’a pas régulièrement comparu, la décision recevra une autre qualification : conformément au droit commun, selon que cette partie non comparante aura ou non été citée à personne et que la décision sera ou non rendue en dernier ressort, le jugement sera rendu de

façon réputée contradictoire ou par défaut.

En outre, il est prévu que, lorsqu’une partie ne se déplace pas à l’audience, le juge a toujours la faculté d’ordonner qu’elle se présente devant lui.

Cette règle se rattache au pouvoir général dont dispose le juge de solliciter la comparution personnelle d’une partie lorsqu’il l’estime nécessaire pour être éclairé sur le litige.

Si elle était ordonnée dans le cadre d’un calendrier de procédure, cette comparution personnelle n’a, en revanche, pas vocation à déroger à l’interdiction posée par le dernier alinéa de l’article 446-2 de présenter des prétentions ou des moyens nouveaux ou de communiquer des pièces nouvelles le jour de la comparution personnelle de la partie, sauf motif légitime et absence d’atteinte aux droits de la défense.

b. La reprise des conclusions écrites à l’audience

Quand bien même la comparution personnelle ou la représentation des parties est une condition nécessaire dans le cadre d’une procédure orale, elle n’est cependant pas une condition suffisante pour que ses conclusions écrites soient admises : il faut encore que celles-ci soient reprises – au moins formellement – à l’audience. Cette deuxième condition est énoncée à l’article 446-1 du CPC.

Il s’infère de cette disposition que, à défaut de présenter oralement leurs prétentions à l’audience, les parties doivent « se référer aux prétentions et aux moyens qu’elles auraient formulés par écrit ».

Les observations des parties sont alors « notées au dossier ou consignées dans un procès-verbal ».

On peut en déduire qu’il est fait interdiction au juge de tenir compte dans sa décision des conclusions écrites des parties qui ne seraient pas consignées dans ce procès-verbal.

Régulièrement, la Cour de cassation rappelle que les conclusions écrites doivent, pour être recevables, être, a minima, visées par les plaideurs (V. en ce sens Cass. 3e civ., 30 janv. 2002, n° 00-13.486).

À cet égard, la haute juridiction considère que le principe de l’oralité est même respecté, dès lors que l’intéressé a comparu à l’audience en s’y faisant représenter par son avocat, lequel n’est pas tenu de développer ses conclusions déposées à la barre ni de plaider l’affaire (Cass. soc., 17 juill. 1997).

Aussi, le débat oral ne constitue pas une obligation en soi, mais seulement une facilité offerte aux parties, dont elles peuvent, à leur guise, profiter ou non.

Si, en tout état de cause, elles préfèrent s’en rapporter à leurs conclusions écrites, il suffit qu’elles comparaissent pour que le principe d’oralité de la procédure soit respecté.

c. Formalisme

Pour être recevables, les conclusions écrites produites dans le cadre d’une procédure orale doivent satisfaire aux règles énoncées à l’article 446-2, al.2 du CPC.

Ces règles de forme ne sont toutefois applicables qu’à la double condition que :

  • D’une part, toutes les parties comparantes formulent leurs prétentions et moyens par
  • D’autre part, sont assistées ou représentées par un avocat

Deux situations doivent dès lors être distinguées :

  • Les parties sont représentées ou assistées par un avocat
  • Les parties ne sont pas représentées ou assistées par un avocat

🡺Les parties sont représentées ou assistées par un avocat

Lorsque les parties sont représentées par un avocat plusieurs doivent être observées par ces derniers quant à la structuration des écritures :

  • Première exigence : formulation des moyens en fait et en droit
    • Les conclusions doivent formuler expressément les prétentions ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée.
    • Autrement dit, chaque moyen développé au soutien d’une prétention doit être formulé sous la forme d’un raisonnement juridique façonnée au moyen d’un syllogisme.
    • Pour rappel, le syllogisme consiste en un raisonnement logique qui met en relation trois propositions :
      • La majeure : l’énoncé de la règle de droit applicable
      • La mineure : l’énoncé des faits du litige
      • La conclusion : l’application de la règle de droit aux faits
    • Les deux prémisses sont des propositions données et supposées vraies : le syllogisme permet d’établir la validité formelle de la conclusion, qui est nécessairement vraie si les prémisses sont effectivement vraies.
    • Si une partie ne satisfait pas à l’obligation de formuler ses prétentions et ses moyens en fait et en droit le Juge peut les déclarer irrecevables en raison de l’oralité de la procédure.
  • Deuxième exigence : communiquer et viser les pièces produites au soutien de chaque prétention
    • Toutes les demandes et tous les arguments soulevés en demande et en défense doivent être prouvés par celui qui les allègue (articles 4 et 9 du CPC).
    • C’est la raison pour laquelle, toutes les pièces produites au cours des débats doivent être communiquées à la partie adverse dans les formes requises.
      • Obligation de communication des pièces
        • L’article 132 du Code de procédure civile prévoit que
          • D’une part, la partie qui fait état d’une pièce s’oblige à la communiquer à toute autre partie à l’instance.
          • D’autre part, la communication des pièces doit être spontanée.
      • Obligation de viser les pièces et de les numéroter
        • L’article 446-2, al. 2e du Code de procédure civile prévoit que chacune des prétentions doit être fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation.
  • Troisième exigence : établir un bordereau de pièces
    • L’article 446-2 du CPC dispose que « un bordereau énumérant les pièces justifiant ces prétentions est annexé aux conclusions. Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. »
  • Quatrième exigence : établissement de conclusions récapitulatives
    • Dans le droit fil de l’exigence de structuration des écritures, l’article 446-2 du CPC prévoit que « les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures ».
    • Il convient d’insister sur l’intérêt de recourir à ces conclusions récapitulatives dans le cadre du nouveau dispositif de mise en état en procédure orale devant le Tribunal judiciaire.
    • Dans la procédure orale de droit commun, la juridiction n’est saisie que des observations que les parties formulent ou des écritures auxquelles elles se réfèrent lors de l’audience de plaidoirie ; de la sorte, le débat est déjà, de fait, « récapitulatif ».
    • Au contraire, lorsqu’il sera recouru au nouveau dispositif de mise en état, chaque écriture prend effet au jour de sa communication entre parties (art 446-4 CPC).
    • En l’absence d’écritures récapitulatives, chacune des notes successives d’une partie s’ajoutera donc aux précédentes plutôt qu’elle ne s’y substituera, à l’instar de la procédure écrite avant l’entrée en vigueur du décret n°98-1251 du 28 décembre 1998 instaurant les conclusions récapitulatives.
    • Cette situation est source de difficultés, de lenteurs et d’erreurs, qui militent, dans l’intérêt des parties et pour la célérité et la sécurité des procédures, en faveur d’écritures récapitulatives.
    • L’article 446-2 du CPC prévoit en guise de sanction de l’exigence posée, que dans l’hypothèse où les parties ne reprendraient pas dans leurs dernières conclusions, les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures « elles sont réputées les avoir abandonnés et le juge ne statue que sur les dernières conclusions déposées ».
  • Cinquième exigence : formulation distincte des moyens nouveaux
    • L’article 446-2 du CPC exige que « les moyens qui n’auraient pas été formulés dans les écritures précédentes doivent être présentés de manière formellement distincte. »
    • Cette exigence vise forcer les parties à faire preuve de loyauté entre elles et à renforcer le respect du principe du contradictoire.
    • Il ne faudrait pas qu’une partie cherche à soustraire, par malice, au débat une prétention nouvelle en la noyant dans un long développement.
  • Sixième exigence : énoncé des prétentions dans le dispositif des conclusions
    • L’article 446-2 prévoit que « le juge ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion. »
    • Cette disposition impose aux parties de synthétiser leurs prétentions dans un « dispositif » introduit par la formule « par ces motifs ».
    • Le dispositif constitue, en quelque sorte, la conclusion du raisonnement juridique.
    • À cet égard, l’article 446-2 du CPC prévoit que le juge ne sera tenu de se prononcer que sur les termes de ce dispositif, soit sur les prétentions qui y sont énoncées.

🡺Les parties ne sont pas représentées ou assistées par un avocat

Dans cette hypothèse, les exigences posées à l’article 446-2, al. 2e du CPC ne sont pas applicables, de sorte que les parties sont libres de formuler leurs prétentions par écrit librement.

L’alinéa 3 de cette disposition prévoit néanmoins que « lorsque les parties formulent leurs prétentions et moyens par écrit, il peut décider qu’elles seront réputées avoir abandonné les prétentions et moyens non repris dans leurs dernières écritures communiquées ».

Cette disposition est directement inspirée de l’exigence d’établir des conclusions récapitulatives lorsque les parties sont représentées ou assistées par un avocat.

En somme, dès lors que le juge a prévu que le débat prendrait la forme d’un échange de conclusions écrites, les parties, nonobstant l’absence de représentation par un avocat, devront prendre des conclusions récapitulatives, soit reprendre dans leurs dernières écritures les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures.

À défaut pour les parties de respecter les modalités de communication fixées par le juge, celui-ci peut rappeler l’affaire à l’audience, en vue de la juger ou de la radier.

Le juge peut écarter des débats les prétentions, moyens et pièces communiqués sans motif légitime après la date fixée pour les échanges et dont la tardiveté porte atteinte aux droits de la défense.

d. Le sort des conclusions tardives

L’article 446-2, al. 5 du CPC dispose que « le juge peut écarter des débats les prétentions, moyens et pièces communiqués sans motif légitime après la date fixée pour les échanges et dont la tardiveté porte atteinte aux droits de la défense. »

Cette disposition vise, de toute évidence, à prévenir le respect du principe du contradictoire par les parties qui pourraient être tentés de communiquer leurs conclusions à une date qui ne permet pas à l’adversaire de répondre et donc d’assurer sa défense.

Lorsque, en effet, les conclusions sont déposées et les pièces produites en dernière heure, c’est-à-dire à une date très proche de la date de clôture, laquelle aura été portée à l’avance à la connaissance des parties par le juge de la mise en état, le principe de la contradiction ne peut pas être respecté dès lors que la partie adverse ne dispose pas d’un délai suffisant dans le temps restant pour prendre connaissance des pièces et conclusions et y répliquer.

L’article 135 du CPC permet déjà au juge d’écarter des débats les pièces qui n’ont pas été communiquées « en temps utile ».

Cette notion de temps utile, qui fait référence à la même notion visée à l’article 15 du même code, ne s’applique cependant qu’aux productions de pièces et non aux conclusions, pour lesquelles n’existe pas de disposition correspondante.

C’est la raison pour laquelle l’article 446-2 du CPC confère au Juge, dans le cadre d’une procédure orale, d’écarter des débats les conclusions ou pièces tardives.

Lorsque la procédure est écrite, faute de texte, c’est la jurisprudence qui s’est prononcée en ce sens.

Aussi, régulièrement la Cour de cassation rappelle que, en matière de procédure écrite « le juge ne peut écarter des conclusions déposées avant l’ordonnance de clôture sans préciser les circonstances particulières qui ont empêché de respecter le principe de la contradiction » (Cass. 2e civ. 11 janv. 2001, n°99-13.060).

3. La primauté de l’oralité sur l’écrit

Il est de jurisprudence constante que, en cas de contradiction entre conclusions écrites est conclusions orales, ces dernières priment.

Dans une procédure orale, les parties ne sont en effet pas engagées par leurs écritures, et elles peuvent adopter à l’audience des positions différentes de celles figurant dans leurs écritures (Cass. soc., 13 mars 1991).

Ainsi, même si les parties déposent des conclusions écrites, elles ne sauraient être empêchées d’exercer leur droit fondamental de présenter à l’audience des prétentions orales, même nouvelles ou de les corriger et compléter, pourvu que le juge puisse faire respecter le principe de la contradiction, le principe d’oralité interdisant au juge de refuser de tenir compte de la possibilité d’émettre des prétentions ou d’opposer des moyens de fait et de droit à l’audience.

Dès lors, et sous la réserve du respect du principe de la contradiction, le juge, même au motif qu’une partie n’aurait pas respecté le principe de la contradiction en notifiant ses conclusions pour la première fois à son adversaire le jour de l’audience dont il connaissait la date depuis longtemps (Cass. soc., 17 mars 1998, n° 95-41.006), ne peut-il déclarer irrecevables les prétentions des parties formulées au cours de l’audience (Cass. com., 31 janv. 1995).

Il en résulte, par exemple, que devant le tribunal de commerce, une partie intervenante n’est pas tenue de dénoncer son intervention aux autres parties à l’instance par des conclusions écrites, la mention figurant dans le jugement suivant laquelle la partie intervenante, représentée par un avocat, était intervenue volontairement à l’instance, ayant la force probante d’un acte authentique qui ne peut être contestée que par la voie de l’inscription de faux (Cass. 1ère civ. 2 févr. 1994, n°91-22.054 et 92-10.215).

Dans le même sens, la Cour de cassation a considéré dans un arrêt du 26 novembre 1998 que l’envoi par le défendeur d’écritures la veille de l’audience par lesquelles il concluait antérieurement au fond, ne peut être retenu pour dénier l’efficacité du désistement du demandeur formulé oralement à l’audience des débats (Cass. 2e civ., 26 nov. 1998, n°96-14.917). Le demandeur peut donc valablement se désister à la barre du tribunal sans le consentement du défendeur qui a antérieurement déposé des conclusions écrites sur le fond.

Quant aux exceptions de procédure, pour être recevables, la Cour de cassation considère que, dans les procédures orales, elles doivent être soulevées avant toute référence aux prétentions formulées par écrit (Cass. 2e civ., 16 oct. 2003, n° 01-13.036).

Aussi, seul l’ordre de présentation oral doit être considéré et il suffit, par conséquent, que l’exception d’incompétence soit exposée verbalement à l’audience, in limine litis, lors des plaidoiries, avant les autres explications orales touchant au fond de l’affaire, pour être recevable.

C’est donc bien uniquement au jour des plaidoiries qu’il convient de se placer pour apprécier l’ordre des moyens de défense présentés par un plaideur et que doit, en particulier, être examinée l’antériorité de l’exception d’incompétence par rapport aux autres moyens.

B) L’imbrication de l’instruction de l’affaire avec la tenue des débats

Les dispositions qui régissent le déroulement de l’instance devant le Tribunal judiciaire en procédure orale son pour le moins silencieuses sur l’instruction de l’affaire et la tenue des débats.

Tout au plus, l’article 830 du CPC prévoit que lorsque l’affaire n’est pas en état d’être jugée, le juge la renvoie à une audience ultérieure, avec cette précision apportée par l’article 831, al. 1er que c’est au juge qu’il appartient d’organiser les échanges entre les parties comparantes.

Il ressort de cette disposition que, sans disposer des attributions du Juge de la mise en état, en procédure orale devant le Tribunal judiciaire, le juge en exerce la fonction.

Plus encore, il a pour tâche, et de diriger l’instruction de l’affaire et de conduire la tenue des débats entre les parties.

Pour mener à bien sa double mission, le Juge dispose de larges pouvoirs conférés par les articles 831 et 446-1 à 446-3 du CPC.

1. L’instruction de l’affaire

a. La fixation du calendrier procédural

i. Le rythme des échanges

🡺Renvoi à une audience ultérieure

Il ressort de l’article 830 du CPC que lorsque, en procédure orale, le Juge constate que l’affaire n’est pas en état d’être jugée, elle peut être renvoyée à une audience ultérieure.

Le renvoi n’est toutefois nullement de droit pour les parties, il est une faculté exercée discrétionnairement par le juge.

Dans un arrêt du 24 novembre 1989, l’assemblée plénière de la Cour de cassation a précisé en ce sens que « si les parties ont la libre disposition de l’instance, l’office du juge est de veiller au bon déroulement de celle-ci dans un délai raisonnable ; que la faculté d’accepter ou de refuser le renvoi, à une audience ultérieure, d’une affaire fixée pour être plaidée, relève du pouvoir discrétionnaire du juge, dès lors que les parties ont été mises en mesure d’exercer leur droit à un débat oral ; que si les parties conviennent de ne pas déposer leur dossier, le juge peut procéder à la radiation de l’affaire » (Cass., ass. plén., 24 nov. 1989, n°88-18.188).

L’article 830 du CPC prévoit que lorsque l’affaire est renvoyée à une audience ultérieure « le greffier avise par tous moyens les parties qui ne l’auraient pas été verbalement de la date de l’audience ».

Dans l’hypothèse où il serait établi que l’une des parties n’a pas été prévenue du renvoi de l’affaire et que celle-ci a, malgré tout, été retenue, le jugement rendu est susceptible d’annulation (V. en ce sens Cass. 2e civ. 14 mars 1984).

En tout état de cause, le renvoi à une audience ultérieure confère au juge, en application de l’article 446-2 du CPC, « le pouvoir d’organiser les échanges entre les parties comparantes », ce qui peut se traduire par l’établissement d’un calendrier procédural.

🡺Fixation de délais

L’article 831 du CPC prévoit que, en procédure orale, il appartient au juge d’organiser les échanges entre les parties comparantes ce qui implique qu’il fixe, au fur et à mesure, les délais nécessaires à l’instruction de l’affaire, eu égard à la nature, à l’urgence et à la complexité de celle-ci, et après avoir provoqué l’avis des avocats.

À cet égard, l’article 446-2 du CPC applicable à toutes les procédures orales, précise que « après avoir recueilli leur avis, le juge peut ainsi fixer les délais et, si elles en sont d’accord, les conditions de communication de leurs prétentions, moyens et pièces ».

Les délais fixés par le Juge visent à permettre aux parties d’échanger des conclusions et de communiquer des pièces.

Ainsi, le débat contradictoire est-il rythmé par des dates butoirs qui s’imposent tantôt au demandeur, tantôt au défendeur. Les parties se voient de la sorte invitée tour à tour à conclure dans un délai fixé par le Juge.

Ce cadre réglementaire est particulièrement souple : si le juge peut fixer un véritable calendrier des échanges successifs entre les parties, il peut également prévoir, après chaque audience, la diligence attendue des parties pour la prochaine audience ou toute autre date qu’il aura fixée.

La juridiction qui fixera les délais de communication des parties précisera les modalités selon lesquelles ces échanges interviendront.

En pratique, ce dispositif a pour objet de permettre que la mise en état de l’affaire s’accomplisse suivant des échanges écrits, sur support papier ou électronique.

Sous réserve des règles particulières, prévues pour certaines juridictions, aucun formalisme n’est requis pour ces échanges. Il appartient au juge de déterminer les modalités selon lesquelles ils interviendront.

Lorsque les délais fixés n’ont pas été respectés, soit parce que trop courts, soit parce que les parties ont été négligentes, le juge de la mise en état peut accorder des prorogations.

Cette faculté reste à la discrétion du juge qui devra apprécier l’opportunité d’octroyer une telle prorogation.

En cas de non-respect des délais fixés par le juge de la mise en état, l’article 446-2 du CPC prévoit deux sortes de sanctions :

  • Première sanction
    • Le juge peut, en procédure orale, rappeler l’affaire à l’audience, en vue de la juger ou de la radier.
    • Lorsque le juge prononce la radiation de l’affaire, elle emporte non pas le retrait de l’affaire du rôle, mais seulement sa suppression « du rang des affaires en cours ».
    • Cette sanction n’a donc pas pour effet d’éteindre l’instance : elle la suspend
    • L’article 383 du CPC autorise toutefois le juge à revenir sur cette radiation.
    • En effet, sauf à ce que la péremption de l’instance ne soit acquise, cette disposition prévoit que « l’affaire est rétablie, en cas de radiation, sur justification de l’accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné celle-ci ou, en cas de retrait du rôle, à la demande de l’une des parties. »
    • En ce que la radiation est une mesure d’administration judiciaire (art. 383 CPC), elle est insusceptible de voie de recours.
  • Seconde sanction
    • Le juge peut écarter des débats les prétentions, moyens et pièces communiqués sans motif légitime après la date fixée pour les échanges et dont la tardiveté porte atteinte aux droits de la défense.
    • Manifestement, cette sanction rappelle l’irrecevabilité dont sont frappées les conclusions tardives produites dans le cadre de la procédure écrite devant le Tribunal judiciaire.
    • La différence entre les deux sanctions tient à l’absence d’automaticité de celle encourue en procédure orale
    • Il s’infère de l’article 446-2 qu’il s’agit là d’une simple faculté octroyée au juge et non d’une sanction qui s’impose à lui.

🡺Forme du calendrier

La décision du juge n’est soumise à aucun formalisme et ne peut faire l’objet d’aucun recours immédiat : elle s’inscrit en effet dans le cadre traditionnel du pouvoir discrétionnaire dont dispose le juge en vue de veiller au bon déroulement de l’instance.

En revanche, elle nécessite au préalable qu’ait été recueilli l’accord des parties. Le recueil de ce consentement n’est pas non plus soumis à un formalisme particulier : conformément aux règles régissant la procédure orale, il sera indiqué dans les notes d’audience et, à défaut, les mentions du jugement feront foi.

De même, le calendrier comme les conditions d’échanges convenus avec les parties – recours à l’écrit, écritures récapitulatives, modalités de communication entre les parties, délais et modalités de justification de cette communication auprès de la juridiction, etc. – seront mentionnés dans les notes d’audience ou seront récapitulés dans un document séparé établi par le greffier ou le président.

L’usage de tels documents permettra de faciliter la tâche de la juridiction et de ne pas ralentir le cours des audiences, dès lors qu’ils seront établis sur la base d’un formulaire préparé en amont puis renseigné à l’audience.

ii. Les modalités des échanges

Les échanges doivent se dérouler conformément à la décision du juge, prise en accord avec les parties. La juridiction contrôle l’accomplissement des diligences attendues au fur et à mesure des délais impartis.

Ce contrôle est le plus souvent effectué à une audience selon des modalités qui sont déterminées par la juridiction. Celle-ci peut ainsi décider, en tant que de besoin, de dédier des audiences au suivi de la mise en état.

En application du troisième alinéa de l’article 446-2 du CPC, à défaut pour les parties de respecter les modalités de communication fixées par le juge, celui-ci peut rappeler l’affaire à l’audience, en vue de la juger – ce qui correspond à l’hypothèse d’un défaut de diligence du défendeur – ou de la radier – ce qui correspond à un défaut de diligence du demandeur, seul ou conjointement avec le défendeur.

Ainsi qu’il a été précisé, les modalités possibles de ces échanges peuvent être de trois ordres :

🡺Première modalité d’échanges

Le calendrier des échanges peut en premier lieu avoir prévu l’ensemble des audiences successives au cours desquelles sont accomplies ou contrôlées les diligences attendues des parties.

Dans ce cas, à l’audience, le juge constate l’accomplissement de la diligence et renvoie l’affaire à l’audience suivante prévue par le calendrier, en vue de l’accomplissement de la diligence suivante prévue pour cette audience.

En accord avec les parties, le calendrier peut également être modifié ; cette modification du calendrier obéit aux mêmes règles que son établissement.

Il convient de rappeler que dès lors que le calendrier s’accompagnera, en application des articles 446-1 et 831 du CPC, d’une dispense accordée aux parties de se déplacer à l’audience, ces échanges interviendront par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par notification entre avocats, éventuellement par communication électronique ; il en sera justifié auprès de la juridiction dans les délais qu’elle impartit

Il sera nécessaire que cette justification intervienne au fur et à mesure des échanges des parties, de façon à permettre à la juridiction d’assurer sa mission de contrôle du bon déroulement de la mise en état.

À l’issue des échanges, il convient de prévoir, en tant que de besoin, l’envoi ou la remise du dossier de plaidoirie à la juridiction.

S’il constate à l’audience l’inaccomplissement d’une diligence, le juge peut décider d’appeler l’affaire à une audience (qui ne sera pas forcément celle fixée dans le calendrier) en vue de la juger ou de la radier.

🡺Deuxième modalité d’échanges

Le juge peut fixer les diligences attendues au fur et à mesure de la procédure. S’il ne s’agit alors plus à proprement parler d’un calendrier, cette méthode n’en demeure pas moins intéressante pour permettre de conférer aux écritures des parties une valeur procédurale autonome.

Le juge qui constate l’inaccomplissement d’une diligence peut trancher la difficulté à l’audience, le cas échéant en faisant application du dernier alinéa de l’article 446-2, l’autorisant à écarter des débats les conclusions d’une partie communiquées après la date qui lui était impartie.

Il peut également renvoyer l’affaire à une audience ultérieure aux fins de jugement ou d’accomplissement d’une diligence et assortir ce renvoi

d’un dernier avis avant radiation.

🡺Troisième modalité d’échanges

Le calendrier peut également reposer sur des échanges devant intervenir en dehors de toute

audience.

En pratique, ce dispositif repose sur un renvoi de l’affaire à une audience suffisamment lointaine pour permettre en amont les échanges prévus par le calendrier à des dates intermédiaires, fixées à l’avance ; il peut s’agir d’une audience destinée aux débats de l’affaire, ou d’une audience intermédiaire, destinée à faire le point sur l’avancement de l’affaire.

Faute de permettre un examen régulier de l’affaire à l’audience, ce dispositif repose toutefois sur une grande discipline des parties ou de leur représentant et nécessite pour la juridiction de pouvoir contrôler l’accomplissement des diligences dans les délais impartis.

En pratique, un tel dispositif est donc surtout envisageable pour les juridictions dont la « chaîne métier » dispose d’un outil de suivi informatique des diligences procédurales des parties, le contrôle du bon déroulement des échanges pouvant alors être assuré de la sorte.

S’il est prévu de tels échanges en dehors d’une audience, il sera nécessaire que la juridiction invite les parties à justifier auprès du greffe de l’accomplissement des diligences, par tout moyen que la juridiction aura préalablement fixé.

S’il constate qu’une partie n’accomplit pas les diligences attendues, le juge peut appeler l’affaire à une audience de façon anticipée, en vue de la juger ou de la radier.

b. L’orientation du procès

Le juge du Tribunal judiciaire a, en procédure orale, pour mission d’adopter toutes les mesures utiles pour que l’affaire soit en état d’être jugée.

À cette fin, il est investi du pouvoir de développer l’instance, soit d’orienter le procès dans son organisation, mais également dans son contenu.

🡺Sur l’orientation du procès quant à son organisation

  • La jonction et la disjonction d’instance
    • Pour une bonne administration de la justice, le juge peut, en procédure orale, procéder aux jonctions et disjonctions d’instance.
    • La jonction d’instance se justifie lorsque deux affaires sont connexes, soit, selon l’article 367 du CPC, « s’il existe entre les litiges un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble. »
    • L’examen de la jurisprudence révèle que ce lien sera caractérisé dès lors qu’il est un risque que des décisions contradictoires, à tout le moins difficilement conciliables soient rendues.
    • Le lien de connexité peut donc tenir, par exemple, à l’identité des parties ou encore à l’objet de leurs prétentions.
    • Réciproquement, il conviendra de disjoindre une affaire en plusieurs lorsqu’il est dans l’intérêt d’une bonne justice que certains points soient jugés séparément.
    • Ainsi, le Juge de la mise en état dispose-t-il du pouvoir d’élargir ou de réduire le périmètre du litige pendant devant lui.
  • L’invitation des parties à mettre en cause tous les intéressés
    • Conformément à l’article 332 du CPC le juge peut, en procédure orale, inviter les parties à mettre en cause tous les intéressés dont la présence lui paraît nécessaire à la solution du litige.
    • Le code de procédure civile distingue trois sortes d’intervention forcée :
      • La mise en cause d’un tiers aux fins de condamnation (Art. 331 CPC) ;
      • La mise en cause pour jugement commun (Art. 331 CPC) :
      • L’appel en garantie, qui constitue le cas le plus fréquent d’intervention forcée (Art. 334 et s. CPC).
    • L’article 333 du CPC prévoit que le tiers mis en cause est tenu de procéder devant la juridiction saisie de la demande originaire, sans qu’il puisse décliner la compétence territoriale de cette juridiction, même en invoquant une clause attributive de compétence.
    • Lorsque le Juge de la mise en état invite les parties à mettre en cause un tiers, il ne peut pas les y contraindre : il ne peut qu’émettre une suggestion.
  • Constater la conciliation des parties et homologuer des accords
    • En application des articles 827, 129 et 130 du CPC le juge peut toujours constater la conciliation, même partielle, des parties.
    • En pareil cas, il homologue, à la demande des parties, l’accord qu’elles lui soumettent.
    • La teneur de l’accord, même partiel, est alors consignée, selon le cas, dans un procès-verbal signé par les parties et le juge ou dans un constat signé par les parties et le conciliateur de justice.
    • Les extraits du procès-verbal dressé par le juge qui sont délivrés aux parties valent titre exécutoire.

🡺Sur l’orientation du procès quant à son contenu

  • L’invitation des parties à préciser leurs positions
    • L’article 446-3 du CPC prévoit que « le juge peut inviter, à tout moment, les parties à fournir les explications de fait et de droit qu’il estime nécessaires à la solution du litige. »
    • Cette prérogative dont est investi le juge en procédure orale a vocation à lui permettre de faire avancer le débat
    • Il pourra, en effet, attirer l’attention d’une partie sur la nécessité de répondre à un moyen de droit qui n’a pas été débattue, alors même qu’il pourrait avoir une incidence sur la solution du litige.
    • De la même manière, il peut suggérer à une partie d’apporter des précisions sur des éléments de fait qui sont demeurés sans réponse.
  • L’invitation des parties à communiquer des pièces
    • Dans le droit fil de son pouvoir d’inviter les parties à préciser leurs positions respectives, le juge peut mettre en demeure les parties « de produire dans le délai qu’il détermine tous les documents ou justifications propres à l’éclairer, faute de quoi il peut passer outre et statuer en tirant toute conséquence de l’abstention de la partie ou de son refus » (art. 446-3 in fine CPC)
    • Ce pouvoir dont il est investi lui permet de s’assurer que la preuve des allégations des parties est rapportée
    • À défaut, il pourra en tirer toutes les conséquences qui s’imposent

c. L’octroi d’un délai de paiement

L’article 832 du CPC prévoit la possibilité, pour le défendeur de présenter une demande de délais de paiement en application de l’article 1343-5 du Code civil.

Cette disposition prévoit que « le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. »

La demande incidence tendant à l’octroi d’un délai de paiement doit être formulée par courrier remis ou adressé au greffe, en y joignant les pièces utiles, ce qui lui permet de ne pas se présenter à l’audience, sans même avoir à obtenir une autorisation préalable du juge.

En revanche, si le courrier contient d’autres demandes reconventionnelles, celles-ci, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, ne saisiront pas la juridiction.

Le défendeur doit joindre les pièces justifiant sa demande, afin que le tribunal puisse apprécier le bien-fondé de la demande et que les autres parties soient à même d’en discuter. Il est d’ailleurs donné connaissance de cette demande et de ces pièces à l’audience, ou, si le tribunal l’estime opportun, à l’avance par notification par le greffe.

Les dispositions des articles 665 et suivants, s’agissant d’une notification, sont applicables à cette communication préalable.

Il doit par ailleurs être rappelé que les demandes incidentes sont en principe formées dans les conditions prévues par l’article 68 c’est-à-dire comme un moyen de défense lorsque l’adversaire comparaît et à défaut, par un acte introductif d’instance.

En procédure orale, elles doivent donc être présentées à l’audience, ou, en cas d’organisation d’une mise en état avec dispense de comparution, par lettre recommandée avec avis de réception ou notification entre avocats.

L’article 832 ouvre donc un mode supplémentaire de présentation d’une demande reconventionnelle.

Il ne se substitue pas au droit commun de l’article 68, ce qui explique la formule : « sans préjudice des dispositions de l’article 68 ».

Lorsque l’auteur de cette demande incidente ne se présente pas à l’audience, la juridiction en est saisie et statue conformément au régime fixé par le second alinéa de l’article 446-1 du CPC.

Le jugement est donc rendu contradictoirement. Toutefois, il est précisé que le juge ne fait droit aux demandes présentées contre cette partie que s’il les estime régulières, recevables et bien fondées, à l’instar du régime prévu par l’article 472 du code pour les jugements réputés contradictoires ou par défaut.

Ainsi, la présentation d’une demande de délai de paiement ne vaudra pas acquiescement à la demande principale, que le juge devra apprécier au terme d’une décision motivée.

En outre, les éventuelles demandes additionnelles du demandeur devront être portées à la connaissance du défendeur sollicitant des délais sans se déplacer à l’audience selon les modalités prévues par l’article 68 du code, qui viennent d’être rappelées et qui permettront de garantir le respect du principe de la contradiction.

d. Le dénouement des échanges

À l’issue des échanges, l’affaire est examinée par la juridiction à l’audience. Si les parties sont dispensées par la juridiction, en vertu d’une disposition particulière, de se présenter à cette audience, les débats ont lieu au vu des écritures et des pièces régulièrement communiquées par ces parties en amont.

La dispense peut concerner l’ensemble des parties ou l’une d’entre elles seulement. Dans tous les cas, une audience consacrée aux débats devra avoir lieu, le cas échéant en l’absence de partie, absence qui sera alors notée ; la date du délibéré sera fixée à cette occasion et les parties dispensées de comparaître en seront averties selon les modalités arrêtées avec elles dans le calendrier.

Au cours de l’audience ou après celle-ci, la juridiction peut écarter des débats les prétentions, moyens et pièces communiqués après les délais impartis par le calendrier de procédure à une double condition :

  • D’une part, que cette communication tardive ne soit pas justifiée par un motif légitime que la juridiction appréciera souverainement
  • D’autre part, qu’elle ait eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense.

La nécessité d’apprécier les deux conditions rappelées imposera à la juridiction de motiver, même succinctement, sa décision.

Lorsque seule une partie est dispensée de se présenter à l’audience, l’interdiction pour les autres parties de communiquer des prétentions, des pièces ou des moyens nouveaux évitera que la dispense de comparution puisse perturber les débats : les observations orales des parties présentées ou représentées ne pourront porter que sur les prétentions et les moyens et ne pourront s’appuyer que sur les pièces précédemment communiquées.

Toutefois, si la communication d’éléments nouveaux est considérée par la juridiction comme justifiée par un motif légitime, cela pourra conduire la juridiction à renvoyer les débats pour assurer le respect du principe de la contradiction.

2. La tenue des débats

L’audience des plaidoiries est très souvent perçue par les parties comme le moment décisif du procès.

Cette audience revêt, en effet, une importance symbolique, en ce qu’elle donne un visage humain à la justice. Surtout, elle est l’occasion pour le Tribunal d’interpeller les parties sur des points précis de l’affaire.

Reste que, cette audience des plaidoiries a perdu de son importance, en particulier depuis l’entrée en vigueur du décret du 28 décembre 2005 qui a instauré un cas où elle pouvait ne pas se tenir, l’affaire étant placée en délibéré immédiatement après la clôture de la phase d’instruction.

Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile a généralisé cette faculté qui peut désormais être exercée par les parties à tout moment de l’instance.

2.1 L’audience des plaidoiries

a. Composition de la juridiction

🡺Formation collégiale / juge unique

L’article 430 du CPC prévoit que « la juridiction est composée, à peine de nullité, conformément aux règles relatives à l’organisation judiciaire. »

C’est donc vers le Code de l’organisation judiciaire qu’il convient de se reporter pour déterminer la composition de la juridiction devant laquelle se tiennent les débats.

À cet égard, l’article L. 212-1 du COJ prévoit que « le tribunal judiciaire statue en formation collégiale, sous réserve des exceptions tenant à l’objet du litige ou à la nature des questions à juger. »

Il ressort de cette disposition que la formation du Tribunal judiciaire dépend de l’objet et de la nature du litige : tandis que la formation collégiale est le principe, par exception le Tribunal judiciaire statue à juge unique.

L’aliéna 2 de l’article L. 212-1 du COJ précise néanmoins que le Tribunal judiciaire ne peut statuer à juge unique « dans les matières disciplinaires ou relatives à l’état des personnes, sous réserve des dispositions particulières aux matières de la compétence du juge aux affaires familiales et du juge des contentieux de la protection mentionné à l’article L. 213-4-1. »

La question qui a lors se pose est de savoir dans quelles matières le Tribunal judiciaire statue à Juge unique.

Pour le déterminer, il convient de se reporter à l’article R. 212-8 du CPC qui prévoit que le tribunal judiciaire connaît à juge unique :

  • Des litiges auxquels peuvent donner lieu les accidents de la circulation terrestre;
  • Des demandes en reconnaissance et en exequatur des décisions judiciaires et actes publics étrangers ainsi que des sentences arbitrales françaises ou étrangères ;
  • Des ventes de biens de mineurs et de celles qui leur sont assimilées.
  • Des contestations relatives à l’électorat, à l’éligibilité et à la régularité des opérations électorales en ce qui concerne l’élection des juges des tribunaux de commerce ;
  • Des contestations des décisions prises par la commission d’établissement des listes électorales mentionnées à l’article R. 211-3-14 du présent code ;
  • Des contestations relatives à l’électorat, à l’éligibilité et à la régularité des opérations électorales mentionnées à l’article R. 211-3-15 du présent code ;
  • Des contestations mentionnées aux articles R. 211-3-16, R. 211-3-17, R. 211-3-18, R. 211-3-19, R. 211-3-20 et R. 211-3-23 du présent code ;
  • Des contestations relatives à la régularité des opérations électorales en ce qui concerne l’élection des membres du conseil d’administration des mutuelles, des membres de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, des représentants des salariés au conseil d’administration et des délégués des sections locales de vote dans les conditions prévues à l’article R. 125-3 du code de la mutualité ;
  • Des contestations des décisions de la commission administrative relatives à l’établissement et à la révision des listes électorales consulaires mentionnées à l’article R. 211-10-4 du présent code ;
  • Des contestations relatives à la qualité d’électeur, à l’éligibilité et à la régularité des opérations électorales mentionnées à l’article R. 144-5 du code de l’énergie ;
  • Des demandes formées en application du règlement (CE) n° 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 instituant une procédure européenne d’injonction de payer ;
  • Des actions patrimoniales, en matière civile et commerciale, jusqu’à la valeur de 10.000 euros et des demandes indéterminées qui ont pour origine l’exécution d’une obligation dont le montant n’excède pas 10.000 euros ;
  • Des matières de la compétence du tribunal pour la navigation du Rhin ;
  • Des matières de la compétence du tribunal de première instance pour la navigation de la Moselle ;
  • Des fonctions de juge du livre foncier ;
  • Des matières mentionnées à l’article L. 215-6 du présent code ;
  • De la saisie-conservatoire mentionnée à l’article L. 215-7 du présent code ;
  • Des mesures de traitement des situations de surendettement des particuliers et de la procédure de rétablissement personnel mentionnées à l’article L. 213-4-7 ;
  • Des matières, dont la liste est fixée par décret, relevant de la compétence des chambres de proximité ;
  • Des fonctions de tribunal de l’exécution.

À l’examen, il apparaît que les matières visées par le texte relèvent, pour l’essentiel, de la procédure orale, de sorte que dans le cadre de cette procédure, le Tribunal judiciaire statuera, la plupart du temps, à juge unique à l’instar de l’ancien Tribunal d’instance.

Le dernier alinéa de l’article R. 212-8 du COJ précise néanmoins que « le juge peut toujours, d’office ou à la demande des parties, renvoyer une affaire en l’état à la formation collégiale. »

Sa décision est une mesure d’administration judiciaire, de sorte qu’elle est insusceptible de faire l’objet d’une voie de recours.

🡺Changement de la composition

L’article 432, al. 2 prévoit que « en cas de changement survenu dans la composition de la juridiction après l’ouverture des débats, ceux-ci doivent être repris. »

Afin que l’affaire soit correctement jugée, il est nécessaire que la composition du Tribunal demeure inchangée durant le déroulement des débats et la mise en délibéré.

À défaut, le magistrat qui n’a pas suivi l’intégralité du procès risque de se prononcer sans connaître tous les éléments de l’affaire.

Aussi, les magistrats du siège doivent être les mêmes tout au long des débats, quelle que soit leur durée. C’est précisément là le sens de l’article 432, al. 2 du CPC exige que le Tribunal conserve la même formation.

Cette situation est susceptible de se produire en cas d’audiences successives qui s’étirent dans le temps.

En cas de changement survenu dans la composition, la règle posée par le CPC est donc que les débats doivent être repris, soit recommencer au stade de leur ouverture.

Pour que l’article 432, al.2 du CPC s’applique deux conditions doivent être réunies :

  • Le changement dans la composition du Tribunal doit survenir postérieurement à l’ouverture des débats.
  • La composition de la juridiction doit rester identique lors des débats sur le fond de l’affaire.

Ce n’est que lorsque ces deux conditions sont remplies que les débats pourront recommencer à zéro.

L’inobservation de cette exigence de reprise des débats en cas de survenance d’un changement dans la composition du Tribunal est, en application de l’article 446, al. 1er du CPC, sanctionnée par la nullité du jugement.

L’alinéa 2 de cette disposition précise que :

  • D’une part, aucune nullité ne pourra être ultérieurement soulevée pour inobservation si elle n’a pas été invoquée avant la clôture des débats.
  • D’autre part, la nullité ne peut pas être relevée d’office.

b. La publicité des débats

L’article 433 du CPC dispose que « les débats sont publics sauf les cas où la loi exige qu’ils aient lieu en chambre du conseil. »

Il ressort de cette disposition que si, par principe, les débats sont publics, par exception, ils peuvent se dérouler en dehors de la présence du public

S’agissant du domaine d’application de la règle ainsi posée, l’alinéa 2 de l’article 433 du CPC précise que « ce qui est prévu […] première instance doit être observé en cause d’appel, sauf s’il en est autrement disposé. »

Il en résulte qu’il doit exister un parallélisme entre la procédure de première instance et la procédure d’appel.

Si, en première instance, il a été statué sur l’affaire en chambre du conseil, il doit en être de même en appel.

🡺Principe

L’exigence de publicité des débats est posée par plusieurs textes.

  • En droit international
    • L’article 10 de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 qui prévoit que « toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial ».
    • L’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme du 4 novembre 1950 qui énonce que le procès doit être public et que le jugement doit être rendu publiquement.
    • L’article 47 de la Charte des droits fondamentaux qui dispose dans les mêmes termes que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement »
    • L’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
  • En droit interne
    • L’article 11-1 de la loi n° 72-626 du 5 juillet 1972 dont l’alinéa 1er énonce que « les débats sont publics ».
    • L’article 22 du CPC prévoit encore que « les débats sont publics, sauf les cas où la loi exige ou permet qu’ils aient lieu en chambre du conseil. »
    • L’article 433 du CPC qui dispose que « les débats sont publics sauf les cas où la loi exige qu’ils aient lieu en chambre du conseil »
    • Le principe de publicité du procès pénal n’est pas expressément mentionné dans la Constitution, mais le Conseil constitutionnel le déduit de la combinaison des articles 6, 8, 9 et 16 de la Déclaration de 1789

La publicité des débats est, manifestement, consacrée par de nombreux textes. Cette exigence se justifie par la nécessité de rendre la justice à l’abri de tout soupçon.

Comme le rappellent les professeurs Laurence Lazerges-Cousquer et Frédéric Desportes, « pour être respectée, échapper à toute suspicion de partialité, de superficialité ou de manipulation, la justice doit être transparente. […] “justice is not only to be done, but to be seen to be done”. La publicité de la procédure n’a cependant pas seulement pour objet de ménager les apparences d’une justice impartiale, exigeante et probe. En plaçant le juge sous le regard critique du public et des médias, elle lui impose un plus haut degré de rigueur dans la conduite du procès. Les pires injustices se commentent dans l’ombre » (Laurence Lazerges-Cousquer, Frédéric Desportes, « Traité de procédure pénale », 2d. Economica, 2015, p. 303)

Garantie d’une justice impartiale et équitable, la publicité des débats constitue, selon la Cour de cassation, « une règle d’ordre public », et un « principe général du droit » dotés d’une portée générale (V. en ce sens Cass. 1ère civ., 28 avril 1998, n°96-11.637).

🡺Exceptions

Lorsqu’il est dérogé au principe de publicité des débats, ces derniers doivent se tenir en chambre du conseil.

La chambre du conseil est une formation particulière de la juridiction dont la caractéristique est d’extraire le débat de la présence du public (art. 436 CPC).

Il convient alors de distinguer selon que l’on se trouve en matière gracieuse ou contentieuse :

  • La procédure gracieuse
    • L’article 434 du CPC prévoit que « en matière gracieuse, la demande est examinée en chambre du conseil »
    • Le principe est donc inversé en matière gracieuse où les débats se dérouleront en chambre du conseil
    • Pour rappel, l’article 25 du CPC prévoit que « le juge statue en matière gracieuse lorsqu’en l’absence de litige il est saisi d’une demande dont la loi exige, en raison de la nature de l’affaire ou de la qualité du requérant, qu’elle soit soumise à son contrôle ».
    • Concrètement, la matière gracieuse concerne notamment :
      • Les demandes de rectification d’actes de l’état civil
      • Les demandes de changement de régime matrimonial
      • Les demandes en mainlevée d’opposition à mariage,
      • Certaines demandes devant le juge des tutelles
      • La procédure d’adoption
      • Certaines demandes relatives à l’exercice de l’autorité parentale.
  • La procédure contentieuse
    • Lorsque la procédure est contentieuse, la tenue des débats en dehors de la présence du public est tantôt obligatoire, tantôt facultative
      • La tenue des débats en dehors de la présence du public est obligatoire
        • Elle le sera, en application de l’article 1149 du CPC qui prévoit que « les actions relatives à la filiation et aux subsides sont instruites et débattues en chambre du conseil. »
        • L’article 208 du Code civil prévoit encore que « les débats sur la cause, les conséquences du divorce et les mesures provisoires ne sont pas publics. »
        • S’agissant de la modification de la mention du sexe dans les actes de l’état civil, l’article 1055-8 du CPC prévoit que « l’affaire est instruite et débattue en chambre du conseil, après avis du ministère public. Les décisions sont rendues hors la présence du public. »
      • La tenue des débats en dehors de la présence du public est facultative
        • L’article 435 du CPC dispose que « le juge peut décider que les débats auront lieu ou se poursuivront en chambre du conseil s’il doit résulter de leur publicité une atteinte à l’intimité de la vie privée, ou si toutes les parties le demandent, ou s’il survient des désordres de nature à troubler la sérénité de la justice. »
        • Cette disposition confère au Juge la faculté de soustraire à la présence du public les débats dans trois cas :
          • Soit il est un risque d’atteinte à l’intimité de la vie privée
          • Soit toutes les parties réclame qu’il soit statué en chambre du conseil
          • Soit il est un risque de désordre susceptible de troubler la sérénité de la justice

🡺Sanction

L’article 437 du CPC pris dans son alinéa 1er prévoit que « s’il apparaît ou s’il est prétendu soit que les débats doivent avoir lieu en chambre du conseil alors qu’ils se déroulent en audience publique, soit l’inverse, le président se prononce sur-le-champ et il est passé outre à l’incident. »

L’alinéa 2 précise que « si l’audience est poursuivie sous sa forme régulière, aucune nullité fondée sur son déroulement antérieur ne pourra être ultérieurement prononcée, même d’office. »

Il ressort de ces deux alinéas que, en cas d’inobservation des règles qui encadrent la publicité des débats, deux hypothèses doivent être distinguées :

  • Première hypothèse : la couverture de l’irrégularité
    • Le Président du Tribunal s’aperçoit de l’irrégularité, il doit immédiatement régulariser la situation, ce qui implique qu’il renvoie l’affaire en chambre du conseil ou qu’il renvoie l’affaire en audience publique
    • En pareil cas, l’intervention du Président a pour effet de couvrir l’irrégularité, en sorte que les parties seront irrecevables à se prévaloir de la nullité du jugement rendu
    • Pratiquement, les débats devront donc se poursuivre dans leur forme régulière.
  • Seconde hypothèse : la nullité du jugement
    • Le Président ne relève pas l’irrégularité quant à la forme des débats, en conséquence de quoi le jugement encourt la nullité
    • Le régime de l’action en nullité est énoncé à l’article 446, al. 2 du CPC qui prévoit que :
      • D’une part, aucune nullité ne pourra être ultérieurement soulevée pour inobservation de ces dispositions si elle n’a pas été invoquée avant la clôture des débats.
      • D’autre part, la nullité ne peut pas être relevée d’office
    • Régulièrement, la jurisprudence rappel que la nullité du jugement doit impérativement être soulevée avant la clôture des débats.
    • Dans un arrêt du 6 juin 1996, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « conformément aux dispositions des articles 446 et 458 du nouveau Code de procédure civile, la violation de la règle de la publicité des débats doit être invoquée avant la clôture des débats et celle relative à la publicité du prononcé du jugement doit l’être au moment du prononcé » (Cass. 2e civ. 6 juin 1996, n°95-50.090).
    • La demande de nullité du jugement sera d’autant plus difficile à soutenir que l’article 459 du CPC prévoit que « l’omission ou l’inexactitude d’une mention destinée à établir la régularité du jugement ne peut entraîner la nullité de celui-ci s’il est établi par les pièces de la procédure, par le registre d’audience ou par tout autre moyen que les prescriptions légales ont été, en fait, observées. »

c. Le déroulement des débats

🡺L’ouverture des débats

  • La date de l’audience
    • L’article 432, al. 1er du CPC prévoit que « les débats ont lieu au jour et, dans la mesure où le déroulement de l’audience le permet, à l’heure préalablement fixés selon les modalités propres à chaque juridiction. Ils peuvent se poursuivre au cours d’une audience ultérieure. »
    • Il ressort de cette disposition que la détermination de la date de l’audience est renvoyée aux règles propres à chaque juridiction
    • S’agissant de la procédure orale devant le Tribunal judiciaire, c’est vers les articles 828 à 833 du CPC et vers les articles 446-1 à 446-4 du même Code qu’il convient de se tourner.
  • Moment de l’ouverture des débats
    • L’ouverture des débats est un moment décisif dans la mesure à compter de celui-ci la composition du Tribunal est figée : elle ne peut plus être modifiée conformément à l’article 432, al. 2 du CPC.
    • La question qui alors se pose est de savoir à quel moment peut-on considérer que les débats sont ouverts ?
    • Est-ce à l’heure de convocation des parties, lors de la prise de parole du Président du Tribunal ou encore lorsque le demandeur prend la parole ?
    • Il ressort de la jurisprudence que c’est la dernière hypothèse qui doit être retenue, soit le moment où la parole est donnée est demandeur (V. en ce sens TI Nancy, 11 août 1983).
  • Effets de l’ouverture des débats
    • L’ouverture des débats produit plusieurs effets :
      • La composition du Tribunal est figée, de sorte que plus aucun changement ne peut intervenir
      • À compter de l’ouverture des débats, en application de l’article 371 du CPC l’instance ne peu plus faire l’objet d’une interruption

🡺La discussion

L’article 440 du CPC dispose que « le président dirige les débats », de sorte que c’est à lui qu’il revient de s’assurer du respect de l’ordre des interventions qui vont se succéder.

Dans un arrêt du 15 mai 2014, la Cour de cassation a précisé que « le président dirige les débats et peut inviter, à tout moment, les parties à fournir les explications de fait et de droit qu’il estime nécessaires à la solution du litige » (Cass. 2e civ. 15 mai 2014, n°12-27.035). Rien n’empêche donc ce dernier d’interpeller afin d’obtenir des précisions sur un point en particulier.

Ce pouvoir dont est investi le Président de l’audience ne lui permet pas, néanmoins, de modifier la chronologie des différentes interventions qui répondent à un ordre très précis.

  • Les plaidoiries
    • Après avoir donné la parole au rapporteur, en application de l’article 440, al. 2e du CPC le Président du Tribunal doit inviter, d’abord le demandeur, puis le défendeur, à exposer leurs prétentions
    • Ainsi, est-ce toujours le demandeur qui doit prendre la parole en premier et le défendeur la parole en dernier.
    • Dans un arrêt du 24 février 1987, la Cour de cassation a précisé que le non-respect de cet ordre de passage n’était pas sanctionné par la nullité (Cass. 1ère civ. 24 févr. 1987, n°85-10.774).
    • Il convient d’observer que dans les procédures orales, le juge doit se déterminer qu’en considération des seules plaidoiries des parties
    • Le tribunal ne saurait retenir pour rendre sa décision un moyen de fait ou de droit qui n’aurait pas été soulevé à l’audience par la partie plaidante
    • L’inobservation de cette règle est sanctionnée par l’irrecevabilité du moyen formulé par la partie plaidante.
  • Intervention des parties elles-mêmes
    • L’article 441, du CPC prévoit que « même dans les cas où la représentation est obligatoire les parties, assistées de leur représentant, peuvent présenter elles-mêmes des observations orales. »
    • Ainsi, rien n’interdit les parties à formuler des observations devant le Tribunal, quand bien la procédure requiert sa représentation par un avocat.
    • Il conviendra, néanmoins, d’obtenir l’autorisation du Président qui peut refuser de donner la parole à la partie elle-même.
    • L’article 441, al. 2 précise, à cet égard, que « la juridiction a la faculté de leur retirer la parole si la passion ou l’inexpérience les empêche de discuter leur cause avec la décence convenable ou la clarté nécessaire. »
  • Invitation à fournir des observations
    • L’article 442 du CPC prévoit que « le président et les juges peuvent inviter les parties à fournir les explications de droit ou de fait qu’ils estiment nécessaires ou à préciser ce qui paraît obscur. »
    • Il ressort de cette disposition que le Tribunal dispose toujours de la faculté de solliciter des parties des explications sur un point de droit ou de fait qu’il convient d’éclairer, ce qui peut se traduire par la production de pièces (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 12 avr. 2005, n°03-20.029).
    • Le Tribunal peut inviter, tant les avocats, que les parties elles-mêmes à fournir ces explications.
    • Lorsque le Tribunal exerce ce pouvoir, qui est purement discrétionnaire, il devra néanmoins le faire dans le respect du principe du contradictoire

L’article 440 du CPC prévoit que « lorsque la juridiction s’estime éclairée, le président fait cesser les plaidoiries ou les observations présentées par les parties pour leur défense. »

La parole peut alors être donnée au ministère public lorsqu’il est présent à l’audience, ce qui n’est pas systématique.

🡺Les conclusions du ministère public

  • Présence obligatoire du ministère public
    • L’article 431, al. 1er du CPC prévoit que « le ministère public n’est tenu d’assister à l’audience que dans les cas où il est partie principale, dans ceux où il représente autrui ou lorsque sa présence est rendue obligatoire par la loi. »
    • Il ressort de cette disposition que la présence du ministère public à l’audience n’est pas systématique
    • Elle est obligatoire que dans les cas prévus par la loi qui sont au nombre de trois :
      • Il est partie principale au procès
        • Soit parce qu’il est à l’origine d’une contestation
        • Soit parce qu’il défend l’ordre public
      • Il représente autrui
        • Il en est ainsi lorsque le préfet demande au ministère public de représenter l’État à un litige auquel il est partie
      • Sa présence est requise par la loi
        • C’est le cas notamment dans les litiges relatifs à l’exercice de l’autorité parentale
        • C’est encore le cas dans les affaires de filiation
    • Lorsque la présence du ministère public à l’audience est obligatoire, le jugement doit mentionner sa présence, faute de quoi la sanction encourue est la nullité.
    • Dans un arrêt du 12 juillet 2005, la Cour de cassation a précisé que la mention aux termes de laquelle il est précisé que le Ministère public a déclaré s’en rapporter à justice « fait présumer la présence aux débats d’un représentant de cette partie, agissant à titre principal » (Cass. com. 12 juill. 2005, n°03-14.045).
  • Présence facultative du ministère public
    • L’article 431, al. 2 du CPC prévoit que dans tous les autres cas visés à l’alinéa 1er le ministère public « peut faire connaître son avis à la juridiction soit en lui adressant des conclusions écrites qui sont mises à la disposition des parties, soit oralement à l’audience. »
    • Dans cette hypothèse, il agira comme une partie jointe à l’audience et il n’est pas nécessaire que sa présence soit précisée dans le jugement.
  • Audition du ministère public
    • Il convient de distinguer selon que le ministère public intervient comme partie principale ou comme partie jointe
      • Le ministère public intervient comme partie principale
        • Dans cette hypothèse, il prendra la parole selon les règles énoncées à l’article 440 du CPC.
        • Autrement dit, s’il est demandeur à l’action, il prend la parole en premier et, à l’inverse, s’il est défendeur, il s’exprimera en dernier
      • Le ministère public intervient comme partie jointe
        • L’article 443, al. 1er du CPC dispose que « le ministère public, partie jointe, a le dernier la parole. »
        • Cette règle est d’ordre public de sorte que les avocats ne sauraient s’exprimer après lui.
        • L’alinéa 2 de l’article 443 précise néanmoins que « s’il estime ne pas pouvoir prendre la parole sur-le-champ, il peut demander que son audition soit reportée à une prochaine audience. »
  • Réponse aux conclusions du ministère public
      • L’article 445 du CPC prévoit que « après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l’appui de leurs observations, si ce n’est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444 ».
      • Ainsi, dans l’hypothèse où les parties souhaiteraient répondre aux conclusions du ministère public, à défaut de pouvoir prendre la parole en dernier, elles peuvent formuler des observations au moyen de notes en délibérés.
      • Cette faculté offerte aux parties de répondre au ministère public a été instaurée en suite de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme dans un arrêt du 20 février 1996 (CEDH, 20 févr. 1996, Vermeulen c/ Belgique).
      • Dans cette décision, la Cour de Strasbourg avait considéré que le droit à une procédure contradictoire implique en principe la faculté pour les parties à un procès, pénal ou civil, de prendre connaissance de toute pièce ou observation présentée au juge, même par un magistrat indépendant, en vue d’influencer sa décision, et de la discuter.
      • La Cour constate alors que cette circonstance constitue en elle-même une violation de l’article 6, §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme.
      • En application de cette jurisprudence, la Cour de cassation a précisé, dans un arrêt du 8 octobre 2003 que « le ministère public, dans le cas où il est partie jointe, peut faire connaître son avis à la juridiction soit en lui adressant des conclusions écrites qui sont mises à la disposition des parties, soit oralement à l’audience » (Cass. 3e civ. 8 oct. 2003, n°01-14.561).
      • Il ressort de cette décision que, dans tous les cas, l’avis du ministère public doit être communiqué aux parties afin qu’elles soient mesure de lui répondre au moyen d’une note en délibéré.
      • Dans un arrêt du 21 décembre 2006, la Cour de cassation a considéré que cette exigence était satisfaite après avoir relevé que « le ministère public est intervenu à l’instance d’appel en qualité de partie jointe et avait la faculté, en application de l’article 431 du nouveau code de procédure civile, de faire connaître ses conclusions soit par écrit, soit oralement à l’audience ; qu’il ne résulte d’aucune disposition que lorsqu’il choisit de déposer des conclusions écrites, celles-ci doivent être communiquées aux parties avant l’audience ; qu’il suffit qu’elles soient mises à leur disposition le jour de l’audience » (Cass. 2e civ. 21 déc. 2006, n°04-20.020).

🡺La clôture des débats

L’article 440, al. 3 prévoit que lorsque la juridiction s’estime éclairée, le président fait cesser les plaidoiries ou les observations présentées par les parties pour leur défense.

Ainsi, la clôture intervient-elle après les plaidoiries, nonobstant l’intervention du ministère public lorsqu’il est présent à l’audience.

La clôture des débats produit plusieurs effets :

  • Elle couvre les irrégularités relatives à la publicité des débats (art. 446, al. 2e CPC)
  • Elle couvre les irrégularités relatives au changement de composition du Tribunal (art. 446, al. 2e CPC)
  • Elle interdit les parties de déposer de nouvelles notes au soutien de leurs observations

🡺Réouverture des débats

L’article 444 du CPC dispose que « le président peut ordonner la réouverture des débats ». Cette réouverture peut être obligatoire ou facultative

  • La réouverture des débats obligatoire
    • La réouverture des débats est obligatoire dans deux hypothèses
      • Première hypothèse : l’inobservation du principe du contradictoire
        • La réouverture des débats peut intervenir « chaque fois que les parties n’ont pas été à même de s’expliquer contradictoirement sur les éclaircissements de droit ou de fait qui leur avaient été demandés ».
        • Lorsqu’ainsi, un point du litige n’a pas pu être débattu contradictoirement par les parties, le Président du Tribunal a l’obligation de procéder à la réouverture des débats.
        • Cette disposition agit comme un filet de sécurité à l’article 442 qui, pour mémoire, prévoit que « le président et les juges peuvent inviter les parties à fournir les explications de droit ou de fait qu’ils estiment nécessaires ou à préciser ce qui paraît obscur. »
        • L’observation par le Tribunal du principe du contradictoire doit guider le Tribunal en toutes circonstances, y compris lorsque, au cours du délibéré, il relève d’office un moyen de pur droit ou de pur fait.
        • À cet égard, la question s’est posée de savoir si le juge pouvait, voire devait appliquer d’office au litige une règle de droit différente de celle qui est invoquée par les parties et qui le conduirait à ne pas observer le principe de la contradiction.
        • Il convient de rappeler que l’article 12 du CPC comportait initialement un alinéa 3 rédigé comme suit« il (le juge) peut relever d’office les moyens de pur droit quel que soit le fondement juridique invoqué par les parties ».
        • On sait que ce texte, dont le rapprochement avec l’article 620 du CPC s’impose, a été annulé, en même temps que l’article 16, alinéa 1er, par le Conseil d’État (CE, 12 octobre 1979), au motif qu’il laissait au juge la faculté de relever d’office des moyens de pur droit en le dispensant de respecter le caractère contradictoire de la procédure.
        • En dépit de cette annulation, il résulte de la rédaction actuelle de l’alinéa 3 de l’article16, que le juge « ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ».
        • C’est dire, a contrario, qu’à condition de respecter le principe de la contradiction, le juge dispose du pouvoir de relever d’office un moyen de droit qui n’est plus qualifié « de pur droit ».
      • Seconde hypothèse : le changement dans la composition du Tribunal
        • L’article 444, al. 2e du CPC prévoit que « en cas de changement survenu dans la composition de la juridiction, il y a lieu de reprendre les débats. »
        • Pour que cette disposition s’applique deux conditions doivent être réunies :
          • Le changement dans la composition du Tribunal doit survenir postérieurement à l’ouverture des débats.
          • La composition de la juridiction doit rester identique lors des débats sur le fond de l’affaire.
        • Ce n’est que lorsque ces deux conditions sont remplies que la réouverture des débats doit intervenir.
        • L’inobservation de cette exigence de réouverture des débats en cas de survenance d’un changement dans la composition du Tribunal est, en application de l’article 446, al. 1er du CPC, sanctionnée par la nullité du jugement.
  • La réouverture des débats facultative
    • En dehors des deux cas de réouverture obligatoire des débats visés par l’article 444 du CPC, le Tribunal dispose toujours de cette faculté qu’il peut exercer discrétionnairement
    • C’est là le sens de l’alinéa 1er de l’article 444 du CPC qui est introduit par l’assertion suivante : « le président peut ordonner la réouverture des débats. »
    • Ce pouvoir de réouverture des débats dont le Président du Tribunal est investi est constitutif d’une mesure d’administration judiciaire, de sorte qu’elle est insusceptible de voie de recours.

d. La police de l’audience

🡺Principe

L’article 439 al. 1er du CPC pose le principe que « les personnes qui assistent à l’audience doivent observer une attitude digne et garder le respect dû à la justice. »

À cet égard, cette disposition poursuit en précisant que « il leur est interdit de parler sans y avoir été invitées, de donner des signes d’approbation ou de désapprobation, ou de causer du désordre de quelque nature que ce soit. »

L’article 439 du CPC fait indéniablement écho au premier alinéa de l’article 24 qui dispose que « les parties sont tenues de garder en tout le respect dû à la justice. »

🡺Pouvoirs du Président

Le pouvoir de police de l’audience est assuré par le Président du Tribunal qui, en application de l’article 438, al. 1er du CPC veille à l’ordre de l’audience.

Afin de faire cesser le trouble survenu à l’audience, le Président dispose de plusieurs alternatives. Il peut :

  • Adresser des injonctions à la personne à l’origine de ce trouble (art. 24, al. 2e CPC)
  • Faire expulser cette personne si elle n’obtempère pas (art. 439, al. 2e CPC)
  • Prononcer, même d’office, suivant la gravité des manquements supprimer les écrits, les déclarer calomnieux, ordonner l’impression et l’affichage de ses jugements (art. 24, al. 2e CPC)

L’article 438 du CPC précise que « tout ce qu’il ordonne pour l’assurer doit être immédiatement exécuté ». Le Président du Tribunal pourra ainsi solliciter le concours de la force publique afin, notamment, de procéder à l’expulsion de la personne à l’origine du trouble.

🡺Sanctions encourues par les avocats

Sous l’empire du droit antérieur, le serment de l’avocat, tel qu’énoncé par la loi du 22 ventôse an XII, l’obligeait notamment à exercer sa profession « dans le respect des lois et des tribunaux » ainsi qu’à « ne rien dire de contraire aux lois, aux règlements, aux bonnes mœurs, à la sûreté de l’État et à la paix public ».

Il en résultait la possibilité pour la juridiction saisie d’un litige de prononcer directement à l’endroit de l’avocat qui avait manqué son serment, une sanction disciplinaire.

Considérant qu’il y avait là « une intrusion u pouvoir judiciaire dans la fonction de défense qui requiert essentiellement la liberté », le législateur a retiré au juge cette faculté de prononcer une sanction l’avocat.

Désormais, l’article 25 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques dispose que « toute juridiction qui estime qu’un avocat a commis à l’audience un manquement aux obligations que lui impose son serment, peut saisir le procureur général en vue de poursuivre cet avocat devant l’instance disciplinaire dont il relève. »

Ainsi, en cas de délit d’audience, il appartient au Président du Tribunal de saisir le Procureur général auquel il appartiendra de diligenter des poursuites ou de classer l’affaire.

En cas de poursuites contre l’avocat, le procureur général peut alors saisir l’instance disciplinaire qui doit statuer dans le délai de quinze jours à compter de la saisine.

Faute d’avoir statué dans ce délai, l’instance disciplinaire est réputée avoir rejeté la demande et le procureur général peut interjeter appel.

La cour d’appel ne peut prononcer de sanction disciplinaire qu’après avoir invité le bâtonnier ou son représentant à formuler ses observations.

Lorsque le manquement a été commis devant une juridiction de France métropolitaine et qu’il y a lieu de saisir une instance disciplinaire située dans un département ou un territoire d’outre-mer ou à Mayotte, le délai dont dispose l’instance disciplinaire pour statuer sur les poursuites est augmenté d’un mois.

Il en est de même lorsque le manquement a été commis devant une juridiction située dans un département ou un territoire d’outre-mer, ou à Mayotte, et qu’il y a lieu de saisir une instance disciplinaire située en France métropolitaine.

2.2 La procédure sans audience

Bien que l’audience soit le moment qui permet d’humaniser et de conférer un caractère solennel à la procédure, de nombreux dossiers sont déposés sans être plaidés.

Cette pratique des dépôts de dossier par les avocats a, dans un premier temps, été officialisée par le décret n°2005-1678 du 28 décembre 2005 afin de limiter la durée des audiences.

Puis la réforme opérée par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a généralisé la procédure sans audience devant le Tribunal judiciaire.

Cette innovation est issue de la proposition 17 formulée dans le rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile.

Ce rapport, issu d’un groupe de travail dirigé par Frédéric Agostini, Présidente du Tribunal de grande instance de Melun et par Nicolas Molfessis, Professeur de droit, comportait 30 propositions « pour une justice civile de première instance modernisée ».

Au nombre de ces propositions figurait celle appelant à « Permettre au juge de statuer sans

audience, dès lors que les parties en seront d’accord». Cette proposition vise à fluidifier le circuit procédural et à permettre de libérer des dates d’audience.

Désormais le principe est donc que les parties peuvent à tout moment de la procédure demander à ce que la procédure se déroule, devant le Tribunal judiciaire, sans audience. Ce principe est toutefois assorti d’une exception.

🡺Principe

L’article L. 212-5-1 du Code de l’organisation judiciaire dispose que « devant le tribunal judiciaire, la procédure peut, à l’initiative des parties lorsqu’elles en sont expressément d’accord, se dérouler sans audience. En ce cas, elle est exclusivement écrite. »

L’article 828 du CPC précise que, en procédure orale, la mise en œuvre de cette procédure sans audience peut intervenir « à tout moment de la procédure ».

Pour que la procédure se déroule sans audience encore faut-il que les deux parties soient d’accord, étant précisé que l’exercice de cette faculté est irréversible.

C’est la raison pour laquelle, il pourrait être imprudent pour le demandeur de l’exercer au stade de l’introduction de l’instance.

Reste que si les parties en expriment la volonté, elles devront, à défaut de plaider leur cause à l’oral devant le Juge, formuler leurs prétentions et leurs moyens par écrit.

C’est donc là, une dérogation au principe de l’oralité qui préside à la procédure orale.

🡺Formalisme

Sur la forme, l’article 829 du CPC prévoit que lorsqu’elle est formulée en cours d’instance, la déclaration par laquelle chacune des parties consent au déroulement de la procédure sans audience est remise ou adressée au greffe et comporte à peine de nullité :

  • Pour les personnes physiques : l’indication des nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;
  • Pour les personnes morales : l’indication de leur forme, leur dénomination, leur siège social et de l’organe qui les représente légalement ;

Cette déclaration doit être écrite, datée et signée de la main de son auteur. Celui-ci doit lui annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature.

🡺Exception

Le dernier alinéa de l’article 828 du CPC assortit la faculté pour les parties de demander que la procédure se déroule sans audience d’une limite.

Il prévoit, en effet, que « le tribunal peut décider de tenir une audience s’il estime qu’il n’est pas possible de rendre une décision au regard des preuves écrites ou si l’une des parties en fait la demande. »

Ainsi, quelle que soit la procédure, la formation de jugement, dans le cadre de son délibéré,

peut toujours décider, au regard des pièces ou si une partie lui demande, que la tenue d’une audience s’impose, en ordonnant une réouverture des débats sur le fondement de l’article 444 du code de procédure civile.

Le jugement rendu à l’issue de la procédure sans audience est contradictoire.

La césure du procès civil

?Généralités

Depuis le milieu des années 1990, les modes alternatifs de règlement des conflits (MARC) connaissent un essor considérable en France, le législateur ayant adopté une succession de mesures tendant à en assurer le développement auprès des justiciables jusqu’à, dans certains cas, les rendre obligatoires.

Aujourd’hui, il existe une grande variété de MARC : arbitrage, conciliation, médiation, convention de procédure participative, transaction…

Les dernières réformes en date qui ont favorisé le recours aux modes alternatifs de règlement des conflits ne sont autres que :

  • La loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle qui a notamment introduit l’obligation de réaliser une tentative amiable de résolution du litige préalablement à la saisine de l’ancien Juge d’instance
  • La loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice qui a renforcé les obligations de recours à la conciliation ou à la médiation en conférant notamment au juge le pouvoir d’enjoindre les parties de rencontrer un médiateur

Plus récemment encore, le décret n°2023-686 du 29 juillet 2023 a créé deux nouveaux outils procéduraux visant à favoriser la résolution amiable des litiges devant le Tribunal judiciaire : l’audience de règlement amiable et la césure du procès civil.

Nous nous focaliserons ici sur la césure du procès civil.

Ce dispositif octroie la faculté aux parties de solliciter un jugement tranchant les points nodaux du litige afin de leur permettre ensuite de résoudre les points subséquents en recourant aux modes amiables de résolution des différends de droit commun et, à défaut, de limiter de façon optimale le champ du débat judiciaire.

Ainsi, au lieu de statuer sur l’ensemble des prétentions dont il est saisi, le juge ne tranchera, dans un premier temps, que certains aspects du différend, tandis que les parties tenteront de trouver un accord amiable pour le surplus.

Ce nouvel instrument procédural, qui est régi aux articles 807-1 à 807-3 du CPC, ne peut être utilisé que dans le cadre de la procédure écrite ordinaire applicable devant le Tribunal judiciaire.

1. L’initiative de la césure

Conformément à l’article 807-1, al. 1er du CPC, la césure du procès est laissée à l’initiative exclusive des parties.

Cette faculté peut être exercée, précise le texte, « à tout moment » de la mise en état.

2. La demande d’ouverture d’une césure

?La forme de la demande

L’article 807-1, al. 2e du CPC prévoit que la demande d’ouverture d’une césure se fait au moyen d’un acte contresigné par avocats qui mentionne les prétentions à l’égard desquelles l’ensemble des parties constituées sollicitent un jugement partiel.

?L’objet de la demande

La demande doit porter sur une ou plusieurs prétentions pour lesquelles les parties se sont entendues pour solliciter un jugement partiel.

Aussi, sont-ce les parties qui déterminent le périmètre de la césure demandée sans que le juge ne puisse le modifier.

Il peut être observé que pour être recevable, la demande d’ouverture d’une césure doit porter sur des prétentions sécables.

Autrement dit, ces prétentions doivent pouvoir donner lieu à des jugements partiels indépendants du reste de la matière litigieuse.

Dans le cas contraire, le juge est autorisé à rejeter la demande d’ouverture d’une césure ainsi que le prévoit le troisième alinéa de l’article 807-1 du CPC.

Dans cette hypothèse, l’affaire reprend son cours.

3. La clôture partielle aux fins de césure

?Le prononcé de l’ordonnance de clôture partielle

L’article 807-1 du CPC prévoit que « s’il fait droit à la demande, le juge ordonne la clôture partielle de l’instruction et renvoie l’affaire devant le tribunal pour qu’il statue au fond sur la ou les prétentions déterminées par les parties. »

Si donc les conditions d’ouverture de la césure sont réunies, le juge rend une ordonnance de clôture partielle de l’instruction. L’acte contresigné par avocats exprimant la demande d’ouverture d’une césure doit être annexé à l’ordonnance.

Cette clôture se limite aux prétentions visées dans la demande d’ouverture d’une césure. Comme souligné par l’ordonnance du 17 octobre 2023, « la décision du juge de la mise en état d’ordonner ou non la clôture partielle de l’affaire est prise en opportunité eu égard aux considérations de bonne administration de la justice ».

S’agissant de la date de la clôture partielle, en application de l’article 807-1, al. 4e du CPC, elle doit être aussi proche que possible de celle fixée pour les plaidoiries.

?La révocation de l’ordonnance de clôture partielle

Il est admis que l’ordonnance de clôture partielle aux fins de césure puisse faire l’objet d’une révocation dans les conditions énoncées à l’article 803 du CPC.

Pour mémoire, cette disposition prévoit que la révocation d’une ordonnance de clôture peut être prononcée :

  • Soit s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue
  • Soit si une demande en intervention volontaire est formée après la clôture de l’instruction

La révocation de l’ordonnance de clôture a pour effet de rouvrir la phase d’instruction de l’affaire, de sorte que les parties sont autorisées à déposer de nouvelles conclusions et pièces.

4. Le jugement partiel

?Prononcé du jugement partiel

La reconnaissance d’une clôture partielle de l’instruction a conduit le législateur a créé une nouvelle catégorie de jugement : le jugement partiel.

Celui-ci interviendra postérieurement à l’audience de plaidoiries, sauf à ce qu’il soit recouru à une procédure sans audience.

En tout état de cause et comme énoncé par l’article 807-2 du CPC « le jugement partiel tranche dans son dispositif les seules prétentions faisant l’objet de la clôture partielle ».

S’agissant de l’exécution provisoire attachée au jugement partiel, il s’infère de l’article 807-2, al. 2e du CPC qu’elle n’est pas de droit. Le juge peut néanmoins l’ordonner dans les conditions des articles 515 à 517-4 du CPC.

?Voies de recours contre le jugement partiel

En application de l’article 544 du CPC modifié par le décret n° 2023-686 du 29 juillet 2023 portant mesures favorisant le règlement amiable des litiges devant le tribunal judiciaire, le jugement partiel est susceptible d’être immédiatement frappé d’appel, à l’instar des jugements qui tranchent tout le principal.

La circulaire du 17 octobre 2023 précise que, afin d’éviter un allongement des délais à raison de l’appel immédiat formé à l’encontre du jugement partiel, l’appel devra être traité selon la procédure à bref délai au sens de l’article 905 du CPC.

5. La poursuite de la mise en état

S’il est définitivement mis fin au litige s’agissant des prétentions tranchées par le jugement partiel, tel n’est pas le cas pour celles qui n’entraient pas dans le périmètre de la césure.

Aussi, pour ces dernières, la mise en état se poursuit jusqu’à ce que le débat soit épuisé ou que les parties parviennent à trouver un accord amiable, lequel pourra être soumis à l’homologation du juge.

L’article 807-3 du CPC précisé toutefois que la clôture de l’instruction ne pourra pas intervenir « avant l’expiration du délai d’appel à l’encontre du jugement partiel ou, lorsqu’un appel a été interjeté, avant le prononcé de la décision statuant sur ce recours. »

Autrement dit, la mise en état portant sur les prétentions résiduelles des parties qui n’étaient pas visées dans la demande d’ouverture de césure, ne pourra pas être clôturée tant que toutes les voies de recours contre le jugement partiel n’auront pas été épuisées.

L’objectif recherché ici est de prévenir le risque de contradiction entre les décisions rendues dans le cadre de la même instance.

L’audience de règlement amiable: procédure

Depuis le milieu des années 1990, les modes alternatifs de règlement des conflits (MARC) connaissent un essor considérable en France, le législateur ayant adopté une succession de mesures tendant à en assurer le développement auprès des justiciables jusqu’à, dans certains cas, les rendre obligatoires.

Aujourd’hui, il existe une grande variété de MARC : arbitrage, conciliation, médiation, convention de procédure participative, transaction…

Les dernières réformes en date qui ont favorisé le recours aux modes alternatifs de règlement des conflits ne sont autres que :

  • La loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle qui a notamment introduit l’obligation de réaliser une tentative amiable de résolution du litige préalablement à la saisine de l’ancien Juge d’instance
  • La loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice qui a renforcé les obligations de recours à la conciliation ou à la médiation en conférant notamment au juge le pouvoir d’enjoindre les parties de rencontrer un médiateur

Plus récemment encore, le décret n°2023-686 du 29 juillet 2023 a créé deux nouveaux outils procéduraux visant à favoriser la résolution amiable des litiges devant le Tribunal judiciaire : l’audience de règlement amiable et la césure du procès civil.

Nous nous focaliserons ici sur l’audience de règlement amiable.

Ce nouveau dispositif procédural permet de confier à un juge, qui n’est pas celui saisi du litige, la mission d’accompagner les parties, dans un cadre confidentiel, à trouver une solution au conflit qui les oppose.

L’article 774-2 du Code de procédure civile prévoit, plus précisément, que « l’audience de règlement amiable a pour finalité la résolution amiable du différend entre les parties, par la confrontation équilibrée de leurs points de vue, l’évaluation de leurs besoins, positions et intérêts respectifs, ainsi que la compréhension des principes juridiques applicables au litige. »

À cet égard, l’audience de règlement amiable se distingue des autres modes alternatifs de règlement des conflits en ce que le juge joue ici un rôle central.

Tandis que dans le cadre d’une transaction, d’une médiation ou d’une conciliation amiable, sa mission se cantonne bien souvent à homologuer l’accord conclu par les parties, dans le cadre de l’audience de règlement amiable c’est à lui qu’il revient de conduire la procédure en rappelant aux parties les grands principes de droit applicables au litige qui les oppose et en les accompagnant dans la recherche d’un compromis.

L’audience de règlement amiable est régie aux articles 774-1 à 774-4 du Code de procédure civile.

I) Domaine

Le domaine de l’audience de règlement amiable est circonscrit aux seuls contentieux relevant de la compétence du Tribunal judiciaire.

Plus précisément, cette procédure ne peut être proposée que dans le cadre de certaines procédures :

  • La procédure écrite ordinaire devant le Tribunal judiciaire (art. 776, 785 et 803 CPC)
  • La procédure de référé devant :
    • le Président du tribunal judiciaire (art. 836-2 CPC)
    • le juge des contentieux de la protection (art. 836-2 CPC)

S’agissant de l’objet de l’audience de règlement amiable, conformément à l’article 774 du Code de procédure civile son domaine est, quant à lui, limité aux seuls litiges portant sur des droits dont les parties ont la libre disposition.

Il s’agit là d’un point commun avec les autres modes alternatifs de règlement des litiges, lesquels ne peuvent être mis en œuvre qu’en présence de droits disponibles.

Par disponible, il faut entendre positivement un droit dont on peut disposer et plus précisément un droit qui ne relève pas de la catégorie des droits qui sont dits « hors du commerce ».

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir comment reconnaître les droits « hors du commerce » et ceux qui ne le sont pas.

Par hypothèse, la ligne de démarcation serait celle qui distingue les droits patrimoniaux des droits extra-patrimoniaux.

Tandis que les premiers sont des droits appréciables en argent et, à ce titre, peuvent faire l’objet d’opérations translatives, les seconds n’ont pas de valeur pécuniaire, raison pour laquelle on dit qu’ils sont hors du commerce ou encore indisponibles.

Ainsi, selon cette distinction, l’audience de règlement amiable ne pourrait porter que sur les seuls droits patrimoniaux. Pour mémoire, ils se scindent en deux catégories :

  • Les droits réels (le droit de propriété est l’archétype du droit réel)
  • Les droits personnels (le droit de créance : obligation de donner, faire ou ne pas faire)

Quant aux droits extrapatrimoniaux, qui donc ne peuvent faire l’objet d’aucune transaction, on en distingue classiquement trois sortes :

  • Les droits de la personnalité (droit à la vie privée, droit à l’image, droit à la dignité, droit au nom, droit à la nationalité)
  • Les droits familiaux (l’autorité parentale, droit au mariage, droit à la filiation, droit au respect de la vie familiale)
  • Les droits civiques et politiques (droit de vote, droit de se présenter à une élection etc.)

Il peut être observé que lorsque le litige porte tout à la fois sur des droits disponibles et non disponibles, l’orientation des parties vers une audience de règlement amiable demeurera possible.

Toutefois, l’établissement d’un procès-verbal d’accord ne pourra porter sur les seuls droits disponibles et à la condition qu’ils puissent faire l’objet d’un titre exécutoire distinct et antérieur au jugement à intervenir sur les droits non disponibles.

Une circulaire du 17 octobre 2023 prise par le Garde des sceaux prend l’exemple d’un couple d’époux orienté vers une audience de règlement amiable dans le cadre d’une procédure de divorce.

Dans cette hypothèse, le juge de l’audience de règlement amiable ne pourra dresser aucun procès-verbal de constat d’accord, dans la mesure où ce titre exécutoire ne peut exister indépendamment du prononcé du divorce par voie de jugement.

II) L’orientation des parties vers l’audience de règlement amiable

A) L’initiative de l’orientation vers l’audience de règlement amiable

En application de l’article 774-1 du Code de procédure civile, l’orientation vers l’audience de règlement amiable peut être décidée :

  • Soit à la demande de l’une des parties
  • Soit d’office par le juge

Il peut être observé que lorsque l’orientation vers l’audience de règlement amiable résulte de l’initiative du juge, il lui est fait obligation de solliciter l’avis des parties.

Le recueil de cet avis obéit alors aux règles relevant de la procédure applicable au litige en cours, soit :

  • Dans le cadre d’une procédure écrite, l’avis des parties est recueilli par écrit via par exemple un bulletin de mise en état
  • Dans le cadre d’une procédure orale, le recueil de l’avis prend la forme d’une mention portée au dossier ou consignée dans un procès-verbal (art. 446-1, al. 1er CPC), sauf applicable de la procédure sans audience

B) Le moment de l’orientation vers l’audience de règlement amiable

Dans le cadre de la procédure écrite, il ressort de la combinaison des articles 776, 785 et 803 du Code de procédure civile que la convocation à une audience de règlement amiable peut être décidée à n’importe quel moment de l’instance :

En effet, elle peut, en effet, intervenir :

  • Au stade de l’orientation de l’affaire (art. 776, al. 3e CPC)
  • Au stade de la mise en état (art. 785, al. 4e CPC)
  • Après la clôture de l’instruction (art. 803, al. 4e CPC)

C) La décision d’orientation vers l’audience de règlement amiable

🡺Caractères de la décision

En application de l’article 774-1, al. 2e du Code de procédure civile, d’une part, la décision d’orientation vers une audience de règlement amiable est une mesure d’administration judiciaire et, d’autre part, elle ne dessaisit pas le juge.

  • S’agissant de la qualification de mesure d’administration judiciaire
    • La décision d’orientation vers une audience de règlement amiable constitue donc une mesure d’administration judiciaire.
    • Cela signifie qu’elle ne peut faire l’objet d’aucune voie de recours.
    • Aussi, les parties ne peuvent pas contester la décision prise par le juge, quand bien même elles seraient totalement fermées à l’idée de rechercher un accord amiable.
  • S’agissant de l’absence de dessaisissement du juge
    • La décision d’orientation vers une audience de règlement amiable n’emporte aucun dessaisissement du juge dit l’article 774-1, al. 2e in fine.
    • Il en résulte que l’instance demeure toujours sous son autorité.

Il peut être observé que, en l’absence de précision textuelle sur le formalisme encadrant la prise décision d’orientation ver une audience de règlement amiable, il est admis que cette décision puisse prendre la forme d’une simple mention portée au dossier.

Enfin, lorsque le juge délivre aux parties une convocation à une audience de règlement amiable il peut, dans le même temps, fixer d’ores et déjà une date d’audience qui se tiendra postérieurement à l’audience de règlement amiable.

Ce renvoi vise à permettre :

  • Soit d’inviter les parties à accomplir un acte de reprise d’instance, le cas échéant avec désistement, par dépôt de conclusions en ce sens
  • Soit de radier l’affaire à défaut de diligences accomplies dans le délai imparti par le juge

🡺Effets de la décision

En application de l’article 369 du CPC la décision de convocation des parties à une audience de règlement amiable a pour effet d’interrompre l’instance en cours.

Pour mémoire, l’interruption de l’instance a pour effet de faire obstacle à la poursuite des débats. Plus aucun acte ne peut être accompli.

Bien que le juge demeure saisi de l’affaire (art. 376 CPC), l’instance pendante devant lui n’est plus considérée comme étant en cours (Cass. com., 17 juill. 2001, n° 98-19.258).

Surtout, l’article 372 du CPC précise que « les actes accomplis et les jugements même passés en force de chose jugée, obtenus après l’interruption de l’instance, sont réputés non avenus à moins qu’ils ne soient expressément ou tacitement confirmés par la partie au profit de laquelle l’interruption est prévue. »

Autrement dit, tous les actes de procédure qui seraient accomplis au mépris de l’interruption d’instance sont privés d’effets, sauf à ce qu’ils soient couverts par la partie à la faveur de laquelle l’instance est interrompue.

D) La désignation du juge en charge de l’audience de règlement amiable

En application de l’article 774-1 du CPC, le juge désigné pour conduire l’audience de règlement amiable ne doit en aucun cas siéger dans la formation de jugement qui a vocation à statuer sur l’affaire.

Aussi, doit-il être préalablement désigné par le Président du Tribunal judiciaire par ordonnance prise conformément à l’article L. 121-3 du Code de l’organisation judiciaire.

Il appartient ensuite au juge saisi du litige de décider de la convocation des parties à une audience de règlement amiable à une date déterminée, à laquelle siégera le juge préalablement désigné par l’ordonnance de roulement.

E) La fixation de la date de l’audience de règlement amiable

Comme souligné par la circulaire du 17 octobre 2023, le juge qui décide d’orienter les parties vers une audience de règlement amiable doit s’assurer que cette orientation n’est pas de nature à rallonger de manière excessive la durée de la procédure.

En tout état de cause, la date et la durée prévisible de l’audience sont fixées par le juge saisi qui doit tenir compte de la nature de l’affaire.

III) Le déroulement de l’audience de règlement amiable

A) La convocation des parties

L’article 774-3 du CPC prévoit que les parties doivent être convoquées à l’audience de règlement amiable, à la diligence du greffe, par tout moyen.

Le texte précise que dans la convocation, il doit être mentionné que les parties doivent comparaître en personne. Il en résulte que la convocation ne saurait être orale ; elle doit nécessairement se faire par écrit.

Il peut être observé que, faute de précision textuelle, aucun délai minimal ne doit être respecté entre la convocation des parties et la date de tenue de l’audience de règlement amiable.

B) Assistance des parties

Il ressort des alinéas 3 et 4 de l’article 774-3 du CPC que, s’agissant de l’assistance des parties dans le cadre de l’audience de règlement amiable, deux situations doivent être distinguées :

  • L’audience de règlement amiable intervient dans le cadre d’une procédure où la représentation est obligatoire
    • L’article 774-3, al. 3e du CPC prévoit que « lorsqu’elles ne sont pas dispensées de représentation obligatoire, les parties comparaissent assistées de leur avocat ».
    • Autrement dit, lorsque l’audience de règlement amiable intervient dans le cadre d’une procédure où la représentation est obligatoire, les parties doivent être assistées par leurs avocats respectifs.
    • Si la présence de l’avocat est ici obligatoire, le rôle de celui-ci se cantonne dit le texte à l’assistance de son client.
    • Il en résulte que, au cours de l’audience de règlement amiable, les parties doivent se défendre elles-mêmes, ce qui n’exclut pas qu’elles puissent se faire utilement conseiller par leurs avocats.
  • L’audience de règlement amiable intervient dans le cadre d’une procédure où la représentation n’est pas obligatoire
    • L’article 774-3, al. 4 du CPC prévoit que lorsque l’audience de règlement amiable n’intervient pas dans le cadre d’une procédure où la représentation est obligatoire, les parties peuvent être assistées dans les conditions prévues par l’article 762.
    • Aussi, peuvent-elles choisir de se faire assister par :
      • un avocat ;
      • leur conjoint, leur concubin ou la personne avec laquelle elles ont conclu un pacte civil de solidarité ;
      • leurs parents ou alliés en ligne directe ;
      • leurs parents ou alliés en ligne collatérale jusqu’au troisième degré inclus ;
      • les personnes exclusivement attachées à leur service personnel ou à leur entreprise.
    • En tout état de cause, conformément à l’article 762 du CPC, les parties doivent se défendre elles-mêmes, l’article 774-3 ne les autorisant qu’à se faire assister et non à se faire représenter par la personne choisie.

C) Durée de l’audience de règlement amiable

Le Code de procédure civile est muet sur la durée de l’audience de règlement amiable.

La circulaire du 17 octobre 2023 quant à elle que cette audience doit s’inscrire « dans un temps plus long que celui consacré à l’examen d’un dossier dans le cadre d’une audience de plaidoirie ».

Le texte préconise toutefois que la durée de l’audience de règlement amiable n’excède pas une journée.

En tout état de cause, la durée de l’audience doit être adaptée à la nature et à la complexité du dossier, étant entendu que c’est le juge en charge de l’audience de règlement amiable qui est seul maître du temps.

D) Confidentialité de l’audience de règlement amiable

🡺Principe

L’article 774-3 du CPC prévoit que « sauf accord contraire des parties, tout ce qui est dit, écrit ou fait au cours de l’audience de règlement amiable, par le juge et par les parties, est confidentiel. »

Ainsi, tous les échanges intervenant dans le cadre de l’audience de règlement amiable sont couverts par l’obligation de confidentialité à laquelle sont assujettis les parties et le juge.

La conséquence en est que les parties ne sauraient divulguer ce qui a été dit à des tiers ou utiliser dans le cadre de l’instance en cours ou de toute autre instance les informations partagées durant l’audience de règlement amiable.

Comme souligné par la circulaire du 17 octobre 2023, la confidentialité garantit aux parties la possibilité de s’engager pleinement dans le règlement amiable dès lors qu’elles ont l’assurance que le juge saisi ne pourra d’une quelconque façon être influencé par ce qui a été dit, écrit, constaté pendant cette phase.

À cet égard, la Cour de cassation rappelle régulièrement que doit être écartée toute pièce produite au cours d’une instance au mépris du principe de confidentialité (V. Cass. 2e civ. 9 juin 2022, n°19-21.798).

Afin de favoriser la confidentialité de l’audience de règlement amiable, l’article 774-3 du CPC prévoit qu’elle doit se tenir en chambre du conseil, hors la présence du greffe, selon les modalités fixées par le juge chargé de l’audience de règlement amiable.

🡺Exceptions

Par exception, la confidentialité de l’audience de règlement amiable peut être levée :

  • Soit, en cas d’accord des parties ;
  • Soit, en présence de raisons impérieuses d’ordre public ou de motifs liés à la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant ou à l’intégrité physique ou psychologique de la personne ;
  • Soit, lorsque la révélation de l’existence ou la divulgation du contenu de l’accord qui en est issu est nécessaire pour sa mise en œuvre ou son exécution.

E) Office du juge

L’office du juge au cours de l’audience de règlement amiable découle directement de la finalité de ce nouveau mode de règlement amiable des litiges.

L’article 774-2 du CPC prévoit que « l’audience de règlement amiable a pour finalité la résolution amiable du différend entre les parties, par la confrontation équilibrée de leurs points de vue, l’évaluation de leurs besoins, positions et intérêts respectifs, ainsi que la compréhension des principes juridiques applicables au litige. »

Il ressort de cette disposition que le juge joue un rôle central dans le cadre de cette audience dans la mesure où, en application de l’article 774-2 du CPC, c’est lui qui en détermine les conditions et modalités de déroulement.

La lettre du texte pourrait laisser à penser qu’il occupe la fonction de conciliateur. Son office va toutefois nécessairement au-delà dans la mesure où cette fonction est déjà dévolue au juge saisi au titre de l’article 21 du CPC. Si tel était de cas, l’audience de règlement amiable ferait double emploi avec l’instance en cours dont elle est censée se détacher.

À l’analyse, la mission confiée au juge en charge de l’audience de règlement amiable combine les fonctions de conciliateur et de médiateur dans la mesure où s’il doit s’abstenir de prendre position et de suggérer aux parties une position et, d’un autre côté, il doit les éclairer sur les principes juridiques applicables au litige.

Comme précisé par la circulaire du 17 octobre 2023, la décision d’orienter les parties en audience de règlement amiable ouvre un îlot amiable en marge de la procédure contentieuse, ce qui permet au juge d’aménager les principes directeurs du procès afin de favoriser la recherche d’un compromis.

Cela explique pouvoir les pouvoirs dont est investi le juge en charge de l’audience de règlement amiable sont plus étendus que ceux dont est titulaire le juge saisi.

Au nombre de ces pouvoirs, le juge de l’audience de règlement amiable peut :

  • Prendre connaissance des conclusions et des pièces échangées par les parties ;
  • Procéder aux constatations, évaluations, appréciations ou reconstitutions qu’il estime nécessaires, en se transportant si besoin sur les lieux :
  • Entendre les parties séparément s’il l’estime nécessaire assistées ou non par leurs avocats afin d’évaluer leurs besoins ainsi que le positionnement de chacune d’elles

F) Rôle des parties

Les parties peuvent proposer des solutions au litige au cours de l’audience de règlement amiable ou encore de fournir au juge en charge de cette audience un éclairage technique.

Dans certains cas, les parties et le juge de l’audience de règlement amiable peuvent estimer nécessaire ou simplement opportun qu’un éclairage technique complémentaire soit apporté.

Cela peut par exemple être le cas lorsque l’action porte sur l’enclavement d’un terrain ou des malfaçons lors de travaux.

Le juge de l’audience de règlement amiable ne dispose pas du pouvoir juridictionnel permettant d’ordonner une telle mesure.

Néanmoins, en application des articles 1546-3 et suivants du CPC, rien ne s’oppose à ce que les parties puissent convenir par acte contresigné par avocat de recourir à un technicien qu’elles choisissent d’un commun accord et dont elles déterminent ensemble la mission.

À l’issue des opérations, le technicien remet aux parties un rapport écrit qui peut être ensuite exploité dans le cadre de l’audience de règlement amiable.

En cas d’échec de l’ARA, les parties peuvent parfaitement convenir de déroger aux principes de confidentialité et produire en justice notamment les constatations du technicien.

IV) L’issue de l’audience de règlement amiable

À l’issue de l’audience de règlement amiable, le juge chargé de cette audience informe le juge saisi qu’il y est mis fin par soi-transmis.

Deux issues sont possibles :

  • Succès de l’audience de règlement amiable
    • En application de l’article 774-4 du CPC en cas d’accord trouvé par les parties dans le cadre de l’audience de règlement amiable, ces dernières peuvent décider de formaliser cet accord.
    • Il s’agit là toutefois d’une simple faculté.
    • Si elles choisissent d’exercer cette faculté, elles peuvent demander au juge chargé de l’audience de règlement amiable, assisté du greffier, de constater leur accord, total ou partiel, dans les conditions des articles 130 et 131, al. 1er du CPC.
    • En application de ces dispositions, la teneur de l’accord, même partiel, est consignée dans un procès-verbal signé par les parties, le greffier et le juge.
    • Les extraits de ce procès-verbal délivrés par le greffe valent titre exécutoire en application de l’article 131 du CPC.
    • Dans l’hypothèse où les parties parviendraient à un accord après la tenue de l’audience de règlement amiable, elles peuvent le soumettre à l’homologation du juge saisi.
    • Elles peuvent également solliciter l’apposition de la formule exécutoire par le greffe en cas de formalisation de leur accord par voie d’acte contresigné par avocats.
  • Échec de l’audience de règlement amiable
    • Le juge en charge de l’audience de règlement amiable peut y mettre fin à tout moment s’il estime que les conditions de la recherche d’un accord amiable ne sont plus réunies.
    • Il s’agit d’une mesure d’administration judiciaire qui ne requiert aucune motivation particulière et qui, surtout, est insusceptible de faire l’objet d’une voie de recours.

V) Fin de l’instance en cours

Compte tenu de ce que la décision de convocation des parties à une audience de règlement amiable a pour effet d’interrompre l’instance principale, pour que cette instance puisse reprendre son cours à l’issue de l’audience de règlement amiable, les parties devront accomplir un acte de reprise d’instance par dépôt de conclusions en ce sens ou par citation (art. 373 CPC).

À défaut, le juge saisi informé par le juge en charge de l’audience de règlement amiable devra convoquer les parties à une audience afin :

  • Soit d’inviter les parties à accomplir un acte de reprise d’instance, le cas échéant avec désistement, par dépôt de conclusions en ce sens ou citation
  • Soit radier l’affaire à défaut de diligences accomplies dans le délai imparti aux parties

L’article 392 du CPC prévoit que « lorsque l’instance a été interrompue par la décision de convocation des parties à une audience de règlement amiable, un nouveau délai court à compter de la première audience fixée postérieurement devant le juge saisi de l’affaire. »

En tout état de cause, il revient au juge saisi de, soit mettre fin à l’instance, soit poursuivre la mise en état de l’affaire.

Deux situations sont alors envisageables :

  • Les parties sont parvenues à formaliser un accord
    • Dans cette hypothèse, le juge saisi constatera le désistement des parties ainsi que l’extinction de l’instance
  • Les parties ne sont pas parvenues à formaliser un accord
    • Dans cette hypothèse, le juge saisi sera informé par le juge en charge de l’audience de règlement amiable et devra en tirer toutes les conséquences sur l’orientation de l’instance dont il est saisi lors d’une nouvelle audience.
    • Dans le cadre de cette audience il pourra :
      • Soit constater le désistement des parties ou radier l’affaire faute pour les parties de comparaître ou si elles le lui demandent
      • Soit réintroduire l’affaire dans le circuit procédural normal au stade où l’instance avait été interrompue, étant précisé qu’en cas d’accord partiel intervenu entre les parties, il ne sera statué par la juridiction de jugement que sur les prétentions résiduelles de ces dernières.

La médiation conventionnelle: régime

🡺Essor des modes alternatifs de règlement des conflits

Lorsque survient un différend entre justiciables, la saisine du juge constitue toujours un échec pour ces derniers.

Car en effet, porter son litige devant une juridiction c’est renoncer à son pouvoir de décision à la faveur d’une tierce personne.

Plus précisément, c’est accepter de faire dépendre son sort d’un aléa judiciaire, lequel est susceptible de faire pencher la balance dans un sens ou dans l’autre.

Certes, le juge tranche le litige qui lui est soumis en fonction des éléments de preuve produits par les parties. Ces éléments doivent néanmoins être appréciés par lui, sans compter qu’il tranchera, en définitive, selon son intime conviction.

Or cette intime conviction du juge est difficilement sondable. Il y a donc bien un aléa qui est inhérent à toute action en justice, ce qui est de nature à placer les parties dans une situation précaire dont elles n’ont pas la maîtrise.

Au surplus, quelle que soit la décision entreprise par le juge – le plus souvent après plusieurs années de procédure – il est un risque qu’elle ne satisfasse aucune des parties pour la raison simple que cette décision n’aura, par hypothèse, pas été voulue par ces dernières.

Est-ce à dire que la survenance d’un litige condamne nécessairement les parties à une relégation au rang de spectateur, compte tenu de ce qu’elles n’auraient d’autre choix que de subir une solution qui leur aura été imposée ?

À l’analyse, la conduite d’un procès n’est pas la seule solution qui existe pour éteindre un litige ; il est une autre voie susceptible d’être empruntée.

Cette voie réside dans le choix de ce que l’on appelle les modes alternatifs de règlement des conflits désignés couramment sous l’appellation générique de MARC.

Les MARC désignent tous les modes de règlement des conflits autres que le mode contentieux judiciaire traditionnel. Ils offrent la possibilité aux parties, seules ou avec l’aide d’un tiers, assistées ou non d’un avocat, d’être acteurs de leur propre litige.

Depuis le milieu des années 1990, les MARC connaissent un essor considérable en France, le législateur ayant adopté une succession de mesures tendant à en assurer le développement auprès des justiciables jusqu’à, dans certains cas, les rendre obligatoires.

Aujourd’hui, il existe une grande variété de MARC : arbitrage, conciliation, médiation, convention de procédure participative, transaction…

Les dernières réformes en date qui ont favorisé le recours aux modes alternatifs de règlement des conflits ne sont autres que :

  • La loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle qui a notamment introduit l’obligation de réaliser une tentative amiable de résolution du litige préalablement à la saisine de l’ancien Juge d’instance
  • La loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice qui a renforcé les obligations de recours à la conciliation ou à la médiation en conférant notamment au juge le pouvoir d’enjoindre les parties de rencontrer un médiateur

Plus récemment encore, le décret n°2023-686 du 29 juillet 2023 a créé deux nouveaux outils procéduraux visant à favoriser la résolution amiable des litiges devant le Tribunal judiciaire : l’audience de règlement amiable et la césure du procès civil.

Dans sa décision rendue le 21 mars 2019, le Conseil constitutionnel a affirmé que la démarche du législateur visant à réduire le nombre des litiges soumis au juge participe de la poursuite de l’objectif à valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice.

Parmi les modes alternatifs de règlement des conflits, qui constituent autant d’alternatives au procès, il en est trois qui ont été particulièrement mis en avant à l’occasion des dernières réformes entreprises par le législateur : il s’agit de la conciliation, de la médiation et de la procédure participative.

Nous nous focaliserons ici sur la médiation.

🡺Évolution

À la différence de la conciliation qui prend ses racines dès la Révolution française, la médiation est un mode alternatif de règlement des litiges d’apparition relativement récente.

Le premier texte à avoir institué la médiation en France n’est autre que la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.

Elle a été complétée par un décret n°96-652 du 22 juillet 1996 qui a introduit dans le Code de procédure civile les articles 131-1 à 131-15.

Ces dispositions confèrent notamment au juge le pouvoir de désigner une tierce personne, après avoir obtenu l’accord des parties, pour procéder soit à une tentative de conciliation préalable, soit à une médiation pour tenter de parvenir à un accord entre les parties.

La médiation est ainsi désormais envisagée comme un mode alternatif de résolution d’un litige dans un cadre judiciaire.

Guy Canivet, ancien Premier Président de la Cour de cassation a dit de cette introduction de la médiation dans le Code de procédure civile qu’elle révélait l’émergence d’« une conception moderne de la justice, une justice qui observe, qui facilite la négociation, qui prend en compte l’exécution, qui ménage les relations futures entre les parties, qui préserve le tissu social ».

Consécutivement à l’adoption de la loi du 8 février 1995, la médiation s’est, par suite, particulièrement développée sous l’impulsion de l’Union européenne qui a cherché à favoriser les modes alternatifs de règlement des litiges.

Après avoir été envisagée comme un instrument de règlement amiable des litiges dans le cadre judiciaire, la médiation a vu son domaine être étendu pour devenir une alternative à la saisine du juge.

Les États membres se sont ainsi accordés, au cours du Conseil européen de Vienne des 11 et 12 décembre 1998, puis au cours du Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999, à créer des procédures de substitution extrajudiciaires.

C’est dans ce contexte qu’a été adopté par la Commission européenne, le 19 mars 2002, un Livre vert sur les modes alternatifs de résolution des conflits relevant du droit civil et commercial.

La directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008, sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale, est inspirée de ces travaux.

En substance cette directive a été adoptée aux fins d’encourager le recours à la médiation, regardée comme « une solution extrajudiciaire économique et rapide aux litiges en matière civile et commerciale ».

Cette directive a été transposée en droit français par l’ordonnance n°2011-1540 du 16 novembre 2011, laquelle a donné lieu à l’adoption du décret d’application n°2012-66 en date du 20 janvier 2012.

Ce décret a notamment introduit dans le Code de procédure civile un livre V consacré à la résolution amiable des différends en dehors de toute procédure judiciaire.

Là ne s’est pas arrêté le développement de la médiation. Le législateur européen a poursuivi ce qu’il avait entrepris en 2008 en adoptant la directive 2013/11/UE du 21 mai 2013 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation.

L’objectif affiché par ce texte était d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs en faisant en sorte qu’ils puissent, à titre volontaire, introduire des plaintes contre des professionnels auprès d’entités appliquant des procédures de règlement extrajudiciaire des litiges indépendantes, impartiales, transparentes, efficaces, rapides et équitables.

La directive du 21 mai 2013 généralise, en somme, le recours à la médiation en ce qu’elle devient une véritable alternative au règlement judiciaire des litiges de consommation.

Cette directive a été transposée en droit français par l’ordonnance n°2015-1033 du 20 août 2015 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation, laquelle a introduit dans le livre 1er du Code de la consommation un titre V dédié à « la Médiation des litiges de consommation ».

La transposition de la directive du 21 mai 2013 s’est achevée par l’adoption du décret n°2015-1382 du 30 octobre 2015 pris en application de l’ordonnance du 20 août 2015.

Ce dispositif de médiation relatif aux litiges de consommation a été complété par la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, laquelle comporte des dispositions qui visent à sécuriser le cadre juridique de l’offre en ligne de résolution amiable des différends.

En effet, compte tenu du développement des plateformes en ligne qui se sont spécialisées dans la fourniture de services de résolution des différends ne faisant pas appel à la justice étatique, il est apparu nécessaire de mettre en adéquation les offres proposées et la demande du public en matière de conciliation, de médiation ou d’arbitrage en ligne, dans un cadre sécurisé.

Aussi, est-il désormais imposé aux sites internet qui fournissent des prestations en ligne d’aide à la résolution amiable des différends de s’assurer que les personnes physiques opérant pour leur compte respectent des conditions d’impartialité, de compétence et de diligence et d’assurer l’information des parties lorsque la médiation est proposée à l’aide d’un algorithme.

Au bilan, il ressort de l’ensemble de ces textes qui se sont succédé sur une période de près de 20 années que le domaine de la médiation est aujourd’hui des plus larges. Il peut y être recouru tant au cours d’une instance que, en dehors du cadre judiciaire.

En parallèle, la médiation est devenue un élément central du dispositif de résolution des litiges de consommation, l’obligation étant faite au professionnel de s’y soumettre en cas de sollicitation d’un consommateur.

🡺Notion

La médiation est définie à l’article 21 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative comme « tout processus structuré, quelle qu’en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par le juge saisi du litige. »

Le législateur a ainsi opté pour définition large de la médiation dont l’objet est, selon la Cour de cassation, de « procéder à la confrontation des prétentions respectives des parties en vue de parvenir à un accord proposé par le médiateur » (Cass. 2e civ. 16 juin 1993, n°91-332).

Compte tenu du vaste champ d’application de la médiation, il peut apparaître difficile de la distinguer d’un autre mode de règlement alternatif des litiges : la conciliation.

Bien que toutefois très proche de la conciliation, la médiation s’en distingue sur plusieurs points :

  • L’intervention d’une tierce personne
    • À la différence de la conciliation, la médiation requiert nécessairement l’intervention d’un tiers.
    • La médiation ne se conçoit, en effet, que lorsque, dans leur recherche d’accord, les parties sont assistées par une tierce personne : le médiateur.
    • À cet égard, tant l’article 21 de la loi du 8 février 1995 que l’article 3 de la directive du 21 mai 2008 envisagent la médiation comme un mode de résolution des litiges orchestré par un médiateur.
    • Tel n’est pas le cas de la conciliation qui ne suppose pas nécessairement l’intervention d’un conciliateur.
    • L’article 128 du CPC prévoit en ce sens « les parties peuvent se concilier, d’elles-mêmes ou à l’initiative du juge, tout au long de l’instance. »
  • L’implication de la tierce personne désignée
    • Lorsque la conciliation est conduite par une tierce personne, le conciliateur a pour mission de proposer une solution aux parties, alors que le médiateur est chargé de conduire les parties à trouver une solution d’elles-mêmes.
    • Le tiers n’est ainsi pas impliqué de la même manière dans la conciliation et dans la médiation.
  • Le rôle du juge
    • Tandis qu’en matière de conciliation, le juge peut décider d’exercer la fonction de conciliateur et donc de procéder lui-même à la conciliation des parties, tel n’est pas le cas pour la médiation.
    • En effet, le juge ne peut pas procéder lui-même à une médiation ; il doit nécessairement s’en remettre à un tiers qui endosse le statut de médiateur.
  • Le coût du mode alternatif de résolution du litige
    • Lorsque les parties sollicitent l’intervention d’un médiateur, le service fourni est payant, dans la mesure où ce dernier exerce une profession libérale.
    • Il n’en va pas de même en cas de sollicitation d’un conciliateur qui, parce qu’il est un auxiliaire de justice bénévole, fournit un service purement gratuit.
    • L’article R. 131-12 du Code de l’organisation judiciaire prévoit en effet que les conciliateurs de justice ont « pour mission, à titre bénévole, de rechercher le règlement amiable d’un différend ».

🡺Règles applicables

Qu’il s’agisse de la médiation judiciaire ou de la médiation conventionnelle, ces deux formes de médiation sont soumises aux dispositions de la loi n°95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.

L’article 21-1 de ce texte prévoit en ce sens que « la médiation est soumise à des règles générales qui font l’objet de la présente section, sans préjudice de règles complémentaires propres à certaines médiations ou à certains médiateurs. »

Le cadre normatif de la médiation est ainsi constitué d’un tronc commun (la loi du 8 février 1995) et de dispositions spéciales qui s’articulent autour de la distinction entre la médiation judiciaire et la médiation conventionnelle.

Section1 : Règles communes applicables à toutes les formes de médiation

I) Le domaine de la médiation

Le domaine de la médiation est des plus étendu. En effet, ce mode alternatif de règlement des litiges est abordé dans un titre qui relève du Livre 1er du Code de procédure civile.

Or ce livre s’intitule : « dispositions communes à toutes les juridictions ». Il s’en déduit que la médiation est susceptible d’intervenir devant toutes les juridictions de l’ordre judiciaire.

À cet égard, le domaine de la médiation ne se limite pas au cadre judiciaire, puisqu’il peut y être recouru en dehors de l’instance. La médiation peut, en effet, être conventionnelle. Elle sera alors régie notamment par les dispositions qui relèvent du livre V du Code de procédure civile consacré à la résolution amiable des différends.

S’agissant du domaine tenant à l’objet de la médiation il est, quant à lui, plus limité, en ce sens que tous les litiges ne peuvent pas être résolus au moyen d’une médiation.

L’article 21-4 de la loi n°95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative prévoit, en effet, que « l’accord auquel parviennent les parties ne peut porter atteinte à des droits dont elles n’ont pas la libre disposition. »

Ainsi, à l’instar de la conciliation ou de la transaction, la médiation ne peut porter que sur les seuls droits disponibles.

Par disponible, il faut entendre positivement un droit dont on peut disposer et plus précisément un droit qui ne relève pas de la catégorie des droits qui sont dits « hors du commerce ».

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir comment reconnaître les droits « hors du commerce » et ceux qui ne le sont pas.

Par hypothèse, la ligne de démarcation serait celle qui distingue les droits patrimoniaux des droits extra-patrimoniaux.

Tandis que les premiers sont des droits appréciables en argent et, à ce titre, peuvent faire l’objet d’opérations translatives, les seconds n’ont pas de valeur pécuniaire, raison pour laquelle on dit qu’ils sont hors du commerce ou encore indisponibles.

Ainsi, selon cette distinction, une conciliation ne pourrait porter que sur les seuls droits patrimoniaux. Pour mémoire, ils se scindent en deux catégories :

  • Les droits réels (le droit de propriété est l’archétype du droit réel)
  • Les droits personnels (le droit de créance : obligation de donner, faire ou ne pas faire)

Quant aux droits extrapatrimoniaux, qui donc ne peuvent faire l’objet d’aucune transaction, on en distingue classiquement trois sortes :

  • Les droits de la personnalité (droit à la vie privée, droit à l’image, droit à la dignité, droit au nom, droit à la nationalité)
  • Les droits familiaux (l’autorité parentale, droit au mariage, droit à la filiation, droit au respect de la vie familiale)
  • Les droits civiques et politiques (droit de vote, droit de se présenter à une élection etc.)

II) Le statut du médiateur

L’article 3 de la directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale définit le médiateur comme « tout tiers sollicité pour mener une médiation avec efficacité, impartialité et compétence, quelle que soit l’appellation ou la profession de ce tiers dans l’État membre concerné et quelle que soit la façon dont il a été nommé pour mener ladite médiation ou dont il a été chargé de la mener. »

En premier lieu, il ressort de cette définition que le médiateur peut être « tout tiers sollicité » sans autre précision quant à la nature ou à la qualité de la personne qui exerce la fonction de médiateur.

Il s’en déduit qu’il peut s’agir, tant d’une personne physique, que d’une personne morale, ce qui est confirmé par les articles L. 131-4 et L. 1532 du CPC.

À cet égard, l’un et l’autre texte prévoient, dans les mêmes termes, que « lorsque le médiateur est une personne morale, il désigne, avec l’accord des parties, la personne physique chargée d’accomplir la mission de médiation ».

En second lieu, il apparaît que la fonction de médiateur est accessible au plus grand nombre dans la mesure où son exercice ne requiert pas, sauf pour la médiation familiale[1], de justifier d’un diplôme particulier.

Est-ce à dire qu’il peut être accédé au statut de médiateur sans conditions ? Il n’en est rien.

Pour exercer la fonction de médiateur, les textes exigent de satisfaire à des conditions d’honorabilité, de qualification, d’expérience et d’aptitude au regard de la mission confiée.

À cet égard, les conditions requises diffèrent sensiblement, selon que le médiateur intervient dans le cadre d’une médiation judiciaire (art. L. 131-5 CPC) ou dans le cadre d’une médiation conventionnelle (art. 1533 CPC).

III) Conduite de la médiation

A) Principes directeurs

L’article 21-2 de la loi n°95-125 du 8 février 1995 prévoit que « le médiateur accomplit sa mission avec impartialité, compétence, indépendance et diligence. »

Il s’infère de cette disposition que la médiation obéit à des principes directeurs qui se rapprochent trait pour trait de ceux gouvernant le procès, à savoir l’impartialité, la compétence, l’indépendance et la diligence.

Ces principes sont définis par le Code de conduite européen pour les médiateurs comme suit :

  • Impartialité
    • L’action du médiateur doit en permanence être impartiale et doit être vue comme telle.
    • Aussi, le médiateur doit-il s’engager à servir toutes les parties d’une manière neutre et équitable.
    • Cela implique qu’il ne doit jamais prendre position pour une l’une ou l’autre partie.
  • Compétence
    • Pour exercer sa mission, le médiateur doit disposer des connaissances suffisantes et de la qualification requise au regard de la nature du différend dans le cadre duquel il a vocation à intervenir.
    • Autrement dit, il doit être en capacité d’éclairer et de guider utilement les parties dans la recherche d’un accord amiable.
    • Concrètement, cela qui suppose que le médiateur qu’il ait une aptitude à comprendre le contexte juridique et qu’il possède une connaissance des techniques de médiation ainsi que des compétences en communication.
  • Indépendance
    • Le médiateur doit agir, aussi longtemps que dure la médiation, en toute indépendance.
    • Cela signifie que, avant d’entamer ou de poursuivre sa médiation, le médiateur doit divulguer toutes les circonstances qui sont de nature à affecter son indépendance ou entraîner un conflit d’intérêts ou qui sont susceptibles d’être considérées comme telles.
    • Ces circonstances peuvent être :
      • toute relation d’ordre privé ou professionnel avec une des parties,
      • tout intérêt financier ou autre, direct ou indirect, dans l’issue de la médiation, ou le fait que le médiateur, ou un membre de son cabinet, a agi en une qualité autre que celle de médiateur pour une des parties.
    • Lorsque l’une de ces circonstances se présente le médiateur ne peut accepter ou poursuivre la médiation que s’il est certain de pouvoir la mener en toute indépendance et en toute neutralité afin de garantir une impartialité totale et à condition que les parties donnent leur consentement exprès.
  • Diligence
    • L’exigence de diligence qui pèse sur les médiateurs signifie qu’ils doivent agir avec soin, attention et promptitude dans l’exercice de leurs fonctions pour servir les intérêts des parties.
    • Concrètement cela implique que le médiateur respecte les délais convenus, maintienne une communication claire avec les parties et veille à ce que le processus de médiation progresse de manière ordonnée.

B) Confidentialité de la médiation

🡺Principe

L’article 21-3 de la loi n°95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative prévoit que « sauf accord contraire des parties, la médiation est soumise au principe de confidentialité. »

Il en résulte, précise le texte, que « les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées aux tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d’une instance judiciaire ou arbitrale sans l’accord des parties. »

Ainsi, le médiateur est-il tenu au secret professionnel, lequel couvre, tant les informations partagées dans le cadre du processus de médiation, que le fait même qu’une médiation doit avoir lieu ou a eu lieu.

À cet égard, il peut être observé que, en pratique, avant d’engager le processus de médiation, les parties signent généralement un accord de médiation qui comporte une clause de confidentialité. Cet accord souligne l’engagement des parties et du médiateur à se soumettre au principe de confidentialité.

Dans un arrêt du 9 juin 2022, la Cour de cassation a jugé que « l’atteinte à l’obligation de confidentialité de la médiation impose que les pièces produites sans l’accord de la

partie adverse, soient, au besoin d’office, écartées des débats par le juge » (Cass. 2e civ., 9 juin 2022, n°19-21.798).

🡺Tempéraments

Par exception, le secret professionnel auquel est tenu le médiateur peut être levé :

  • Soit en cas d’accord des parties ;
  • Soit en présence de raisons impérieuses d’ordre public ou de motifs liés à la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant ou à l’intégrité physique ou psychologique de la personne ;
  • Soit, lorsque la révélation de l’existence ou la divulgation du contenu de l’accord issu de la médiation est nécessaire pour sa mise en œuvre ou son exécution

Section 2 : Règles spéciales applicables à la médiation conventionnelle

Classiquement, on distingue deux sortes de médiations, car obéissant à des règles différentes : la médiation judiciaire et la médiation conventionnelle.

  • La médiation judiciaire
    • Il s’agit de celle qui relève de l’office du juge, lequel a notamment pour mission d’accompagner les parties dans la recherche d’un compromis.
    • Cette forme de médiation est régie par :
      • Par un droit commun, constitué de règles énoncées aux articles 131-1 à 131-15 du CPC.
      • Par des règles spéciales propres à chaque procédure applicable devant les juridictions de l’ordre judiciaire et de l’ordre administratif.
  • La médiation conventionnelle
    • Il s’agit de la médiation qui intervient en dehors de toute instance.
    • Cette forme de médiation est régie par :
      • Par un droit commun, constitué de règles énoncées aux articles 1532 à 1535 du CPC.
      • Par des règles spécifiques propres à certains types ou certaines formes de médiations telle que celle relative aux litiges de consommation ou la médiation en ligne.

Nous nous focaliserons ici sur la médiation conventionnelle. 

🡺Vue générale

Le procès n’est pas le seul cadre dans lequel la médiation est susceptible d’intervenir. Il est également admis que les parties puissent rencontrer un médiateur en dehors de l’instance.

L’article 1528 du Code de procédure civile prévoit en ce sens que « les parties à un différend peuvent, à leur initiative et dans les conditions prévues par le présent livre, tenter de le résoudre de façon amiable avec l’assistance d’un médiateur, d’un conciliateur de justice ou, dans le cadre d’une procédure participative, de leurs avocats. »

Le livre visé par cette disposition n’est autre que celui consacré à « la résolution amiable des différends », soit aux modes de règlement des litiges qui interviennent en dehors des prétoires.

Aussi, la médiation n’est-elle pas nécessairement judiciaire ; elle peut également être conventionnelle.

À cet égard, l’article 1530 du Code de procédure civile définit la médiation conventionnelle comme « tout processus structuré, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord, en dehors de toute procédure judiciaire en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers choisi par elles qui accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence. »

La médiation conventionnelle est régie aux articles 1528 à 1541 du Code de procédure civile. Là ne sont toutefois pas les seules règles qui lui sont applicables.

En effet, la médiation conventionnelle n’est pas un mode alternatif de règlement amiable des litiges qui obéirait à un seul et même corps de règles ; elle est multiple.

Cette forme de médiation comporte des ramifications au nombre desquelles figurent notamment la médiation des litiges de la consommation, la médiation des entreprises, la médiation de la sécurité sociale ou encore la médiation administrative.

Nous nous limiterons ici à aborder la médiation des litiges de consommation, laquelle est régie par le Code de la consommation après avoir étudié la médiation conventionnelle ordinaire qui obéit au Code de procédure civile.

I) La médiation conventionnelle ordinaire

Les règles du Code de procédure civile qui encadrent la médiation qui intervient en dehors de l’instance forment une sorte de droit commun de la médiation conventionnelle

A) Les cas de médiation conventionnelle ordinaire

La médiation conventionnelle ordinaire est susceptible d’intervenir dans trois cas distincts. En effet, le recours à cette forme de médiation peut :

  • Soit être spontané
  • Soit être stipulé dans une clause
  • Soit être imposé par la loi

1. Le recours à la médiation conventionnelle spontané

L’article 1528 du Code de procédure civile prévoit que « les parties à un différend peuvent, à leur initiative […] tenter de le résoudre de façon amiable avec l’assistance […] d’un médiateur […] ».

Il ressort de cette disposition que des parties peuvent spontanément, en cas de survenance d’un litige, solliciter les services d’un médiateur afin qu’il les assiste dans le processus de médiation dans lequel elles souhaitent s’engager.

En l’absence d’exigence formulée par le texte, cette saisine ne requiert pas l’observation de formes ou de conditions particulières, sinon l’existence d’un différend à régler et pourvu que ce différend relève de la compétence des juridictions judiciaires dans les matières énumérées à l’article 1529 du CPC.

2. Le recours à la médiation conventionnelle stipulé dans une clause

a. Principe

Il est admis que les parties à un contrat puissent prévoir une clause stipulant l’obligation pour ces dernières d’entreprendre une tentative de médiation préalablement à l’introduction de toute action en justice devant les juridictions compétentes.

La Cour de cassation a statué en ce sens dans un arrêt du 8 avril 2009 aux termes duquel elle a confirmé la décision entreprise par une Cour d’appel qui avait déclaré irrecevable une action en justice engagée par une partie au mépris d’une clause de médiation préalable (Cass. 1ère civ. 8 avr. 2009, n°08-10.866).

L’exigence de recours préalable à la médiation doit toutefois résulter d’une stipulation contractuelle ; elle ne saurait être tirée d’un usage professionnel (V. en ce sens pour une conciliation Cass. 1ère civ. 6 mai 2003, n°01-01-291).

b. Domaine

S’il est par principe admis de prévoir dans un contrat une clause de médiation, la règle ne vaut pas pour tous les contrats.

La clause de médiation sera notamment sans effet :

  • Dans les contrats soumis au droit de la consommation
    • L’article 612-4 du Code de la consommation prévoit que « est interdite toute clause ou convention obligeant le consommateur, en cas de litige, à recourir obligatoirement à une médiation préalablement à la saisine du juge. »
    • En application de l’article R. 212-2, 10 du même Code une telle clause serait présumée comme étant abusive.
    • Dans un arrêt du 16 mai 2018, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « la clause qui contraint le consommateur, en cas de litige, à recourir obligatoirement à une médiation avant la saisine du juge, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire » (Cass. 1ère civ. 16 mai 2018, n°17-16.197).
    • Aussi, dans les rapports entre un professionnel et un non professionnel ou un consommateur, la clause de médiation est-elle réputée non écrite.
  • Dans les contrats de travail
    • Dans un arrêt du 14 juin 2022, la Cour de cassation a affirmé « qu’en raison de l’existence en matière prud’homale d’une procédure de conciliation préliminaire et obligatoire, une clause du contrat de travail qui institue une procédure de médiation préalable en cas de litige survenant à l’occasion de ce contrat n’empêche pas les parties de saisir directement le juge prud’homal de leur différend » (Cass. soc. 14 juin 2022, n°22-70.004).
    • Il ressort de cette décision que, lorsqu’elles sont stipulées dans un contrat de travail, les clauses de médiation sont réputées sans effet.

c. Conditions

Pour être valable, la clause de médiation préalable doit satisfaire deux conditions :

  • Première condition
    • La clause doit être expressément stipulée dans le contrat qui lie les parties.
    • Aussi, ne peut-elle jamais être tacite, ni s’inférer d’un usage professionnel (Cass. 1ère civ. 6 mai 2003, n°01-01-291).
  • Seconde condition
    • La clause de médiation doit prévoir avec suffisamment de précision ses modalités de mise en œuvre.
    • Dans un arrêt du 3 octobre 2018, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « la clause litigieuse, par laquelle les parties au contrat se bornaient à prendre l’engagement de résoudre à l’amiable tout différend par la saisine d’un médiateur, faute de désigner celui-ci ou de préciser, au moins, les modalités de sa désignation, ne pouvait être mise en œuvre, de sorte que son non-respect ne pouvait fonder une fin de non-recevoir » (Cass. com., 3 oct. 2018, n°17-21.089).

d. Effets

La clause de médiation préalable produit deux effets :

  • Elle fait obstacle à la saine directe du juge
  • Elle suspend la prescription

i. Fin de non-recevoir

🡺Principe

La stipulation d’une clause de médiation a pour effet d’obliger les parties d’entreprendre une tentative de médiation préalablement à la saisine du juge.

Aussi, dans un arrêt du 22 février 2005, la Cour de cassation a-t-elle jugé, s’agissant que « la clause d’un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge constitue une fin de non-recevoir ».

Cette solution est transposable à la clause de médiation laquelle constitue également une fin de non-recevoir en cas de saisine directe du juge.

À cet égard, il peut être observé que

Dans un arrêt du 12 décembre 2014, la Cour de cassation a précisé que « la situation donnant lieu à la fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en œuvre d’une clause contractuelle qui institue une procédure, obligatoire et préalable à la saisine du juge, favorisant une solution du litige par le recours à un tiers, n’est pas susceptible d’être régularisée par la mise en œuvre de la clause en cours d’instance » (Cass. ch. Mixte, 12 déc. 2014, n°13-19.684).

La troisième chambre civile a réitéré cette solution spécifiquement pour une clause de médiation dans un arrêt du 6 octobre 2016 (Cass. 3e civ. 6 oct. 2016, n°15-17.989).

Si donc la clause de médiation constitue une fin de non-recevoir interdisant la saisie directe du juge, la Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 22 juin 2017, qu’elle n’empêchait pas, en revanche, la mise en œuvre de mesures d’exécution forcée.

Plus précisément, la deuxième chambre civile a jugé dans cette décision « qu’une clause imposant ou permettant une médiation préalablement à la présentation d’une demande en justice relative aux droits et obligations contractuels des parties ne peut, en l’absence de stipulation expresse en ce sens, faire obstacle à l’accomplissement d’une mesure d’exécution forcée » (Cass. 2e civ. 22 juin 2017, n°16-11.975).

🡺Tempérament

La jurisprudence a apporté deux tempéraments à la règle qui fait de la clause de médiation une fin de non-recevoir.

  • Premier tempérament
    • Dans un arrêt du 13 juillet 2022, la Cour de cassation a jugé que « des dispositions légales instituant une procédure de médiation préalable et obligatoire ne font pas obstacle à la saisine du juge des référés en cas de trouble manifestement illicite ou de dommage imminent » (Cass. 3e civ. 13 juill. 2022, n°21-18.796 ; V. également en ce sens Cass. 1ère civ. 24 nov. 2021, n°20-15.789).
    • Il ressort de cette décision que les effets de la clause de médiation préalable peuvent être neutralisés si l’urgence le commande.
    • La position prise ici par la Cour de cassation est directement inspirée de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne.
    • Dans un arrêt du 18 mars 2010, les juges luxembourgeois ont, en effet, affirmé que le principe de protection juridictionnelle effective ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui impose la mise en œuvre préalable d’une procédure de conciliation extrajudiciaire, pour autant que des mesures provisoires sont envisageables dans les cas exceptionnels où l’urgence de la situation l’impose (CJUE, arrêt du 18 mars 2010, Alassini et a., C-317/08, C-318/08, C- 319/08 et C-320/08).
  • Second tempérament
    • Il est admis que la clause de médiation ne fait pas obstacle à l’introduction d’une action en justice sur le fondement de l’article 145 du CPC, soit une action visant à obtenir des mesures d’instruction in futurum
    • Dans un arrêt du 28 mars 2007, la Troisième chambre civile a jugé en ce sens, s’agissant d’un contrat de maîtrise d’œuvre, que « la clause instituant, en cas de litige portant sur l’exécution du contrat d’architecte, un recours préalable à l’avis du conseil régional de l’ordre des architectes, n’était pas applicable à l’action des époux Z…fondée sur l’article 145 du nouveau code de procédure civile dans le but de réunir des preuves et d’interrompre un délai » (Cass. 3e civ. 28 mars 2007, n°06-13.209).

ii. Suspension de la prescription

Il est admis que la clause de médiation préalable a pour effet de suspendre la prescription (Cass. 1ère civ. 27 janv. 2004, n°00-22.320).

Cette solution a, par suite, été reprise et généralisé par le nouvel article 2238 du Code civil.

Pour mémoire, cette disposition prévoit que « la prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d’un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d’accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation ».

3. Le recours à la médiation conventionnelle imposé par la loi

Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, il est admis qu’un texte puisse imposer aux justiciables la mise en œuvre préalable d’une procédure de médiation extrajudiciaire préalablement à l’introduction d’une action en justice (CJUE, arrêt du 18 mars 2010, Alassini et a., C-317/08, C-318/08, C- 319/08 et C-320/08).

À cet égard, on recense en droit français plusieurs textes réglementaires qui instituent une obligation de médiation obligatoire. Nous nous limiterons ici à aborder l’article 750-1 du Code de procédure civile.

🡺Droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur, le recours à des modes alternatifs de règlement des litiges était, en droit commun, facultatif.

Par exception, une obligation de conciliation ou de médiation pouvait peser sur les parties à l’instar de celle instituée par le Code de déontologie des architectes.

En tout état de cause, des études ont révélé que pour les petits litiges du quotidien, les modes alternatifs de règlement amiable des litiges rencontrent un grand succès qui repose sur plusieurs facteurs comme la grande souplesse des processus proposés, une bonne organisation des médiateurs et des conciliateurs de justice et la possibilité de donner force exécutoire à l’accord trouvé par une homologation du juge.

Il a en outre été démontré que la mise en place d’une obligation de tentative de conciliation ou de médiation préalable entraîne mécaniquement un allégement de la charge de travail des juridictions.

À cet égard, même en cas d’échec du mode alternatif de règlement des litiges mis en œuvre, la procédure judiciaire qui suit s’en trouve allégée car les différentes demandes ont déjà été examinées et formalisées lors de la tentative de conclusion d’un accord amiable.

Fort de ce constat et afin de désengorger encore un peu plus les juridictions, le législateur a, lors de l’adoption de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, souhaité développer les modes alternatifs de règlement des différends.

🡺Réforme de la procédure civile

La loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 comporte donc un certain nombre de dispositions qui intéressent les modes alternatifs de règlement des litiges.

En application de cette loi, le gouvernement a adopté le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, qui a notamment introduit dans le Code de procédure civile un article 750-1 lequel prévoit l’obligation pour certains litiges mineurs portés devant le Tribunal judiciaire d’entreprendre une tentative préalable de conciliation, de médiation ou de procédure participative.

L’absence de recours à l’un de ces trois modes de règlement amiable préalablement à la saisine du juge est sanctionnée par l’irrecevabilité de la demande dit le texte. Le principe énoncé par l’article 750-1 est toutefois assorti d’un certain nombre de dérogations.

a. Domaine de l’obligation de tentative préalable de règlement amiable

Issue de l’article 4 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, l’article 750-1 du Code de procédure civile dispose que, devant le Tribunal judiciaire, « à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à l’une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire ou à un trouble de voisinage. »

Il ressort de cette disposition que pour un certain nombre de litiges, les parties ont l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends.

Le recours par les parties à un mode de résolution amiable des différends préalablement à la saisine du juge n’est toutefois pas exigé pour tous les litiges.

Sont seulement visés :

  • Les demandes qui tendent au paiement d’une somme de 5.000 euros
  • Les actions en bornage
  • Les actions relatives à la distance prescrite par la loi, les règlements particuliers et l’usage des lieux pour les plantations ou l’élagage d’arbres ou de haies ;
  • Les actions relatives aux constructions et travaux mentionnés à l’article 674 du Code civil ;
  • Les actions relatives au curage des fossés et canaux servant à l’irrigation des propriétés ou au mouvement des usines et moulins ;
  • Les contestations relatives à l’établissement et à l’exercice des servitudes instituées par les articles L. 152-14 à L. 152-23 du code rural et de la pêche maritime, 640 et 641 du Code civil ainsi qu’aux indemnités dues à raison de ces servitudes ;
  • Les contestations relatives aux servitudes établies au profit des associations syndicales prévues par l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires.
  • Les contestations relatives à un trouble de voisinage

Il peut être observé que tous ces litiges relèvent de la compétence des Chambres de proximité, conformément à l’article D. 212-19-1 du Code de l’organisation judiciaire

b. Exceptions à l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends

L’article 750-1, al. 2 du CPC prévoit plusieurs exceptions à l’exigence de recours à un mode de résolution amiable des différents préalablement à la saisine du juge.

Plus précisément les parties bénéficient d’une dispense dans l’un des cas suivants :

🡺Si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord

Cette situation correspond à l’hypothèse où les parties ont déjà réglé leur différend, d’où l’existence d’une dispense de recourir à un mode de résolution amiable

🡺Lorsque l’exercice d’un recours préalable est obligatoire

Dans certains contentieux fiscaux et sociaux, les parties ont l’obligation, préalablement à la saisine du juge, d’exercer un recours auprès de l’administration

En cas d’échec de ce recours, le demandeur est alors dispensé de solliciter la mise en œuvre d’un mode de résolution amiable des différends

🡺Si l’absence de recours à l’un des modes de résolution amiable est justifiée par un motif légitime

Cette dispense tenant au motif légitime couvre, pour la médiation, deux hypothèses :

  • Première hypothèse
    • Le motif légitime tient à « l’urgence manifeste »
    • Classiquement, on dit qu’il y a urgence « lorsque qu’un retard dans la prescription de la mesure sollicitée serait préjudiciable aux intérêts du demandeur »
    • Le demandeur devra donc spécialement motiver l’urgence qui devra être particulièrement caractérisée.
  • Deuxième hypothèse
    • Le motif légitime tient « aux circonstances de l’espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu’une décision soit rendue non contradictoirement »
    • Il en résulte que l’obligation de recours à un mode de résolution amiable des litiges est écartée lorsque les circonstances de l’espèce font obstacle à toute tentative de recherche d’un accord amiable
    • L’exception est ici pour le moins ouverte, de sorte que c’est au juge qu’il appartiendra d’apprécier le bien-fondé de sa saisine sans recours préalable à un mode de résolution amiable des différends
    • Cette exception vise également les procédures sur requête dont la mise en œuvre n’est pas subordonnée à la recherche d’un accord amiable ou encore la procédure d’injonction de payer qui, dans sa première phase, n’est pas contradictoire.

🡺Lorsque le créancier a vainement engagé une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, conformément à l’article L. 125-1 du code des procédures civiles d’exécution

Pour mémoire, l’article L. 125-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit qu’« une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances peut être mise en œuvre par un huissier de justice à la demande du créancier pour le paiement d’une créance ayant une cause contractuelle ou résultant d’une obligation de caractère statutaire et inférieure à un montant défini par décret en Conseil d’État ».

Cette procédure vise donc à faciliter le règlement des factures impayées et à raccourcir les retards de paiement, en particulier ceux dont sont victimes les entreprises.

Parce qu’il s’agit d’une procédure de recouvrement dont la conduite est assurée par le seul huissier de justice en dehors de toute intervention d’un juge, il ne peut y être recouru pour des petites créances, soit celles dont le montant n’excède pas 5.000 euros.

La mise en œuvre de cette procédure préalablement à la saisine du juge dispense le créancier de mettre en œuvre l’un des modes alternatifs de règlement amiable des litiges visés par l’article 750-1 du Code de procédure civile.

🡺Lorsque le litige est relatif au crédit à la consommation, au crédit immobilier, aux regroupements de crédits, aux sûretés personnelles, au délai de grâce, à la lettre de change et billets à ordre, aux règles de conduite et rémunération et formation du prêteur et de l’intermédiaire

Cette dispense est issue de l’article 4 modifié de la loi n°2016 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

Cette disposition prévoit, en effet, que l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends « ne s’applique pas aux litiges relatifs à l’application des dispositions mentionnées à l’article L. 314-26 du code de la consommation. »

B) Le déroulement de la médiation conventionnelle ordinaire

1. Le choix du médiateur

En matière de médiation conventionnelle, les parties sont libres de choisir le médiateur qui leur sied, pourvu qu’il remplisse les exigences énoncées aux articles 1532 et 1533 du CPC.

En premier lieu, le médiateur choisi peut être une personne physique ou modale. Dans ce second cas, il devra désigner, avec l’accord des parties, la personne physique chargée d’accomplir la mission de médiation (art. 1532 CPC).

En second lieu, l’article 1533 du CPC prévoit que pour exercer la fonction de médiateur, la personne désignée doit :

  • D’une part, ne pas avoir fait l’objet d’une condamnation, d’une incapacité ou d’une déchéance mentionnées sur le bulletin n° 3 du casier judiciaire ;
  • D’autre part, posséder, par l’exercice présent ou passé d’une activité, la qualification requise eu égard à la nature du différend ou justifier, selon le cas, d’une formation ou d’une expérience adaptée à la pratique de la médiation.

2. Mission du médiateur

🡺Durée de la mission

En matière de médiation conventionnelle, la mission du médiateur n’est enfermée dans aucun délai.

Aussi, le processus de médiation peut durer aussi longtemps qu’il est nécessaire, étant précisé que l’une ou l’autre des parties est libre de mettre un terme, à tout moment, à la tentative de médiation.

Par ailleurs, le médiateur doit veiller à ce que la recherche de compromis ne s’étire pas trop dans le temps, dans la mesure où le rallongement des délais a une incidence directe sur la période de suspension de la prescription.

Si dès lors, la médiation ne paraît plus envisageable, il appartient au médiateur d’y mettre un terme par la délivrance d’un constat d’échec.

🡺Contenu de la mission

La mission assignée au médiateur est de favoriser la recherche d’un compromis entre les parties.

Comme pour la médiation judiciaire, l’objectif visé est que ce compromis se dégage naturellement du dialogue entre les parties, lesquelles expriment tour à tour leur point de vue et leurs arguments.

Le médiateur a pour rôle d’écouter les parties et de les accompagner dans la recherche d’une solution amiable.

Pour ce faire, il pourra notamment suggérer aux parties de se consentir des concessions réciproques, mais également les inviter à trouver un accord qui serait assis sur l’équité.

En tout état de cause, le médiateur doit toujours demeurer neutre et impartial. Il ne doit jamais prendre parti, ni donner d’avis juridique. Sa mission se limite à conduire les parties à trouver un accord sans proposer directement de solution.

Aussi, contrairement à un juge ou à un arbitre, le médiateur ne rend pas de décision. Les parties conservent le contrôle sur l’issue de la médiation.

Si aucun accord ne se dégage des échanges intervenant entre les parties et qu’il constate une situation de blocage, le médiateur peut rappeler les avantages de l’adoption d’une solution amiable.

En revanche, il doit s’abstenir de pousser les parties à rechercher un compromis coûte que coûte.

Si l’affaire est trop complexe, ou si elle met en cause un principe d’ordre public, il ne doit pas hésiter à en informer les parties et en référer au juge afin qu’il mette fin à sa mission.

Par ailleurs, s’il estime que le compromis dégagé par les parties n’est pas équitable, le médiateur doit en aviser les parties.

3. L’issue de la médiation

3.1. Le succès de la médiation

a. La conclusion d’un accord

La médiation aura réussi lorsque les parties seront parvenues à un accord. Cet accord peut être :

  • Soit total
    • Dans cette hypothèse, l’accord porte sur tous les chefs du litige, de sorte que celui-ci est résolu.
    • Cette issue évite ainsi aux parties de saisir le juge
  • Soit partiel
    • Dans cette hypothèse, l’accord portera seulement sur certains chefs du litige, de sorte que celui-ci ne sera pas totalement épuisé.
    • Les parties pourront alors saisir le juge afin de faire trancher le surplus

Dans l’un ou l’autre cas, l’accord trouvé par les parties devra être dûment formalisé, ne serait-ce que pour que ces dernières se ménagent une preuve des engagements pris dans le cadre du processus de médiation.

b. Les effets de l’accord

b.1. Force obligatoire

Les effets que l’on reconnaît à l’accord intervenu dans le cadre d’une médiation conventionnelle sont ceux que l’on reconnaît à n’importe quel contrat.

Aussi, est-il pourvu de ce que l’on appelle la force obligatoire qui prend sa source à l’article 1103 du Code civil. Cette disposition prévoit que « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».

Parce que l’accord amiable est pourvu de la force obligatoire, il ne peut être modifié ou révoqué qu’avec l’accord des deux parties.

L’article 1193 du Code civil énonce en ce sens que « les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise. »

Par ailleurs, il peut être observé que la force obligatoire attachée à l’accord de médiation ne joue qu’entre les seules parties, en application du principe de l’effet relatif des conventions.

b.2. Force exécutoire

🡺Absence de force exécutoire

L’article 502 du Code de procédure civile prévoit que « nul jugement, nul acte ne peut être mis à exécution que sur présentation d’une expédition revêtue de la formule exécutoire, à moins que la loi n’en dispose autrement. »

Il ressort de cette disposition que pour que des obligations puissent faire l’objet d’une exécution forcée, l’acte constatant ces obligations doit revêtir ce que l’on appelle la « formule exécutoire ».

Cette formule est ce qui confère à l’acte ou à la décision de justice sur laquelle elle est apposée sa valeur de titre exécutoire.

À cet égard, conformément à l’article L. 111-2 du Code des procédures civiles d’exécution, seul le créancier muni d’un tel titre peut poursuivre l’exécution forcée de sa créance sur les biens de son débiteur.

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir comment se procurer un titre exécutoire.

Pour le déterminer, il convient de se reporter à l’article L. 111-3 du Code des procédures civiles d’exécution qui dresse une liste limitative des titres exécutoires.

L’examen de cette liste révèle que les actes constatant un accord intervenu dans le cadre d’une médiation conventionnelle n’en font pas partie.

Il s’en déduit qu’un accord de médiation, bien que résultant de l’intervention d’un médiateur, est dépourvu de toute force exécutoire.

Autrement dit, en cas d’inexécution d’une obligation, le créancier n’aura d’autre choix que d’entreprendre des démarches auprès d’un juge aux fins d’obtenir un titre exécutoire.

La seule présentation de l’acte constatant l’accord de médiation à un commissaire de justice, est donc impuissante à déclencher la mise en œuvre de mesures d’exécution forcée. Le commissaire de justice ne peut intervenir que s’il est en possession d’un titre exécutoire.

Si donc, par principe, l’accord de médiation est dépourvu de toute force exécutoire, deux options s’offrent aux parties pour y remédier :

  • Saisir le juge aux fins d’homologation de l’accord de médiation
  • Faire contresigner l’accord de médiation par les avocats en présence

i. L’homologation de l’accord

🡺Principe

L’article 1565 du CPC prévoit que « l’accord auquel sont parvenues les parties à une médiation, une conciliation ou une procédure participative peut être soumis, aux fins de le rendre exécutoire, à l’homologation du juge compétent pour connaître du contentieux dans la matière considérée. »

Il ressort de cette disposition que, consécutivement à la conclusion d’un d’accord dans le cadre d’une médiation, la faculté est ouverte aux parties de saisir le juge aux fins de faire homologuer cet accord.

Cette possibilité d’homologation, qui doit être évoquée par le médiateur, présente l’avantage pour les parties de conférer immédiatement à leur accord une force exécutoire sans qu’il leur soit besoin d’attendre la survenance d’une éventuelle inexécution, ce qui les contraindrait dès lors à devoir engager une procédure au fond.

La procédure d’homologation est quant à elle bien moins lourde et bien moins coûteuse à mettre en œuvre.

🡺Procédure

S’agissant de la procédure d’homologation judiciaire, elle est régie aux articles 1565 à 1566 du CPC.

  • Compétence
    • Le juge compétent pour homologuer un accord de médiation est, selon l’article 1565 du CPC, celui-là même qui est compétent « pour connaître du contentieux dans la matière considérée. »
  • Saisine du juge
    • L’article 1534 du CPC prévoit que « la demande tendant à l’homologation de l’accord issu de la médiation est présentée au juge par requête de l’ensemble des parties à la médiation ou de l’une d’elles, avec l’accord exprès des autres ».
    • Il ressort de cette disposition que la saisine s’opère nécessairement au moyen d’une requête qui est présentée au juge sans débat.
    • L’article 1566 du CPC précise toutefois que le juge peut entendre les parties s’il l’estime nécessaire.
  • Pouvoirs du juge
    • L’article 1565 du CPC prévoit que « le juge à qui est soumis l’accord ne peut en modifier les termes. »
    • Ainsi, est-il fait interdiction au juge de modifier l’accord de médiation qui lui est soumis.
    • Son pouvoir se limite à soit homologuer l’accord des parties, soit à rejeter la demande d’homologation qui lui est adressée, s’il considère que l’accord conclu ne répond pas aux exigences légales.
  • Décision du juge
    • Le juge dispose donc de deux options :
      • Première option : le juge accède à la demande d’homologation de l’accord de médiation
        • Dans cette hypothèse, le juge rend une ordonnance d’homologation qui confère à l’accord de médiation une force exécutoire.
        • L’article 1566, al. 2e du CPC précise toutefois que « s’il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu la décision. »
        • Cela signifie que dans l’hypothèse où l’accord de médiation porterait atteinte aux droits de tiers, ils disposent d’un recours aux fins d’obtenir la rétractation de l’ordonnance d’homologation rendue par le juge.
      • Seconde option : le juge rejette la demande d’homologation de l’accord de médiation
        • Le juge peut refuser d’homologuer l’accord de médiation qui lui est soumise s’il estime qu’elle ne répond pas aux exigences légales ou qu’elle porte atteinte à l’ordre public.
        • En tout état de cause, dans cette hypothèse, l’accord de médiation demeurera dépourvu de toute force exécutoire.
        • L’article 1566, al. 3e du CPC précise que la décision qui refuse d’homologuer l’accord peut faire l’objet d’un appel.
        • Cet appel doit alors être formé par déclaration au greffe de la cour d’appel.
        • La Cour d’appel statuera selon la procédure gracieuse.

ii. La contresignature de l’accord par des avocats

🡺Principe

Depuis l’adoption de la loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, la saisine du juge aux fins d’homologation n’est plus la seule voie possible pour conférer une force exécutoire à l’accord de médiation.

Ce texte a, en effet, créé une nouvelle voie qui consiste pour les parties à faire contresigner l’accord de médiation par leurs avocats respectifs, ce qui lui confère la valeur de titre exécutoire.

L’article L. 111-3, 7° du Code des procédures civiles d’exécution prévoit en ce sens que « les transactions et les actes constatant un accord issu d’une médiation, d’une conciliation ou d’une procédure participative, lorsqu’ils sont contresignés par les avocats de chacune des parties et revêtus de la formule exécutoire par le greffe de la juridiction compétente. »

Selon le législateur, l’objectif poursuivi par la création de ce nouveau titre exécutoire vise à favoriser le recours aux modes alternatifs de résolution des litiges, en renforçant l’efficacité des accords conclus par les parties.

À cet égard, l’acte contresigné par les avocats de chacune des parties apporte un certain nombre de garanties quant à la réalité et à la régularité de l’accord auquel elles sont parvenues.

En effet, pour mémoire, l’article 1374 du Code civil prévoit que « l’acte sous signature privée contresigné par les avocats de chacune des parties ou par l’avocat de toutes les parties fait foi de l’écriture et de la signature des parties, tant à leur égard qu’à celui de leurs héritiers ou ayants cause ».

En apposant leur contresignature à l’acte, les avocats des parties confèrent ainsi une valeur probante à l’origine de l’accord. Plus précisément, en contresignant, ils attestent l’identité des parties dont ils sont les conseils ainsi que l’authenticité de leur écriture et de leur signature.

L’autre garantie apportée par la contresignature de l’acte par les avocats est qu’elle permet d’opérer une partie du contrôle formel qui est habituellement réalisé par le juge de l’homologation.

🡺Domaine

Pour qu’un accord de médiation puisse se voir reconnaître la valeur de titre exécutoire en dehors de l’intervention du juge de l’homologation, il doit avoir été contresigné, dit l’article L.111-3 du Code des procédures civiles d’exécution, par les avocats de chacune des parties.

Cela signifie donc que cette voie, qui permet de conférer à l’accord de médiation une force exécutoire sans qu’il soit besoin de saisir le juge, ne peut être empruntée que si toutes les parties sont représentées par un avocat.

Cette obligation, qui existe déjà par exemple dans le cadre du divorce par consentement mutuel sous signature privée prévu à l’article 229-1 du Code civil, est de nature à éviter tout conflit d’intérêts.

Aussi, dans l’hypothèse où les parties seraient représentées par un seul avocat, la contresignature ne conférera pas à l’acte la valeur de titre exécutoire.

Elles conservent toutefois la possibilité de recourir à l’homologation par le juge sur le fondement de l’article 1565 du CPC.

🡺Insuffisance de la contresignature d’avocats

S’il est désormais plus facile pour les parties de rendre exécutoire l’accord de médiation qu’elles ont conclu, le caractère de titre exécutoire n’est pas conféré directement à l’acte contresigné par les avocats, mais nécessite, en outre, l’apposition de la formule exécutoire par le greffe de la juridiction compétente.

L’article L. 111-3, 7° du Code des procédures civiles d’exécution prévoit en ce sens que l’accord de médiation ne peut valoir titre exécutoire qu’à la double condition qu’il soit :

  • D’une part, contresigné par les avocats de chacune des parties
  • D’autre part, revêtu de la formule exécutoire apposée par le greffe de la juridiction compétente

Il ressort des travaux parlementaires que cette intervention du greffe vise à écarter le risque d’inconstitutionnalité pesant sur un dispositif qui aurait placé l’avocat comme seul acteur du contrôle de l’acte.

En effet, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur les conditions dans lesquelles le législateur peut autoriser une personne morale de droit privé à délivrer des titres exécutoires.

Dans sa décision n°99-416 DC du 23 juillet 1999, le Conseil constitutionnel a notamment jugé que « si le législateur peut conférer un effet exécutoire à certains titres délivrés par des personnes morales de droit public et, le cas échéant, par des personnes morales de droit privé chargées d’une mission de service public, et permettre ainsi la mise en œuvre de mesures d’exécution forcée, il doit garantir au débiteur le droit à un recours effectif en ce qui concerne tant le bien-fondé desdits titres et l’obligation de payer que le déroulement de la procédure d’exécution forcée ».

Il ressort notamment de cette décision que si une personne de droit privé peut être habilitée par le législateur à émettre des titres exécutoires, c’est à la condition qu’elle soit chargée d’une mission de service public.

La question qui alors se pose est de savoir comment identifier une personne de droit privé chargé d’une mission de service public.

Pour le déterminer, il convient de se reporter à un arrêt APREI rendu par le Conseil d’État le 22 février 2007, aux termes duquel il a été jugé qu’« une personne privée qui assure une mission d’intérêt général sous le contrôle de l’administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l’exécution d’un service public » (CE, 22 févr. 2007, n°26541).

À l’analyse, l’avocat contresignant un acte sous seing privé ne satisfait pas aux critères d’identification de la personne privée chargée d’une mission de service public énoncés dans cette décision.

D’une part, l’avocat n’exerce pas une mission de service public en tant que telle mais agit en tant que représentant de son client dont il cherche à préserver les intérêts.

La Cour de cassation a d’ailleurs qualifié l’avocat de « conseil représentant ou assistant l’une des parties en litige » et exclut de ce fait sa qualité de collaborateur occasionnel du service public de la justice (Cass. 1ère civ. 13 oct. 1998, n°96-13.862).

D’autre part, le critère du contrôle de l’administration ne saurait davantage être retenu à l’égard d’une profession libérale qui, contrairement aux notaires ou aux commissaires de justice dont certains actes ont valeur de titre exécutoire en application de l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution, sont des officiers publics ministériels.

C’est donc pour écarter le risque d’inconstitutionnalité d’un dispositif centré sur le seul acte contresigné par avocats qu’a été ajoutée la condition d’apposition par le greffe de la formule exécutoire.

🡺Procédure d’apposition de la formule exécutoire par le greffe

La procédure d’apposition de la formule exécutoire par le greffe sur un acte contresigné par des avocats est régie par les articles 1568 à 1571 du Code de procédure civile.

  • Auteur de la demande d’apposition de la formule exécutoire
    • L’article 1568 du CPC prévoit que la demande d’apposition de la formule exécutoire sur un accord de médiation contresigné par des avocats peut être formulée par l’une ou l’autre partie.
  • Forme de la demande d’apposition de la formule exécutoire
    • La demande d’apposition de la formule exécutoire doit être formée par écrit et en double exemplaire, auprès du greffe de la juridiction du domicile du demandeur matériellement compétente pour connaître du contentieux de la matière dont relève l’accord.
  • Instruction de la demande d’apposition de la formule exécutoire
    • L’article 1568, al. 3e du CPC prévoit que le greffier n’appose la formule exécutoire qu’après avoir vérifié :
      • Sa compétence
      • La nature de l’acte qui lui est soumis
  • Communication et conservation de la décision du greffier
    • Le greffier accède à la demande d’apposition de la formule exécutoire
      • L’acte contresigné par avocats et revêtu de la formule exécutoire, est alors remis ou adressé au demandeur par lettre simple.
      • Le double de la demande ainsi que la copie de l’acte sont conservés au greffe.
    • Le greffier n’accède pas à la demande d’apposition de la formule exécutoire
      • La décision de refus du greffier d’apposer la formule exécutoire est notifiée par lettre simple au demandeur
      • Elle est conservée au greffe avec le double de la demande ainsi que la copie de l’acte
  • Contestation de l’apposition de la formule exécutoire
    • L’article 1570 du CPC prévoit que toute personne intéressée peut former une demande aux fins de suppression de la formule exécutoire devant la juridiction dont le greffe a apposé cette formule.
    • La demande est alors formée, instruite et jugée selon les règles de la procédure accélérée au fond.

b.3. Absence d’effet extinctif

À la différence d’une transaction, l’accord issu d’une médiation ne produit aucun effet extinctif, en ce sens qu’il ne met pas fin définitivement au litige.

En effet, cet accord n’a pas pour effet d’éteindre le droit d’agir en justice des parties.

Ces dernières demeurent toujours libres, postérieurement à la conclusion de l’accord, de saisir le juge aux fins de lui faire trancher des prétentions qui auraient le même objet.

Si l’accord issu d’une médiation est dépourvu de tout effet extinctif, les parties peuvent y remédier en lui conférant la valeur d’une transaction.

En effet, afin de mettre définitivement fin au litige qui les oppose, les parties peuvent opter pour la conclusion de l’accord de médiation dans les formes et conditions d’une transaction.

Pour rappel, l’article 2044 du Code civil définit la transaction comme « un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître ».

Il s’infère de cette définition que pour valoir transaction, l’accord conclu par les parties devra :

  • D’une part, exprimer dans l’acte leur volonté d’éteindre le litige qui les oppose
  • D’autre part, stipuler des concessions réciproques

Lorsque ces conditions sont remplies, la conclusion d’une transaction fait obstacle à toute saisine postérieure du juge, à tout le moins s’agissant de prétentions qui auraient le même objet.

3.2 L’échec de la médiation

🡺Cas d’échec de la médiation

La tentative de médiation est réputée avoir échoué lorsque :

  • Soit, l’une des parties ne répond pas à l’invitation qui lui a été adressée par le médiateur
  • Soit, l’une des parties a répondu à l’invitation du médiateur, mais ne souhaite pas poursuivre la procédure de médiation
  • Soit les parties ne sont pas parvenues à trouver un accord, de sorte que le litige qui les oppose n’est pas résolu

🡺Formalisation de l’échec de la médiation

Dans l’hypothèse où le processus de médiation n’aboutit pas, compte tenu de ce que la tentative de médiation emporte des effets juridiques, il est vivement recommandé de formaliser un écrit dont les parties pourront se prévaloir, lors d’une éventuelle instance en justice.

Deux situations sont susceptibles de se présenter :

  • Première situation
    • L’une des parties refuse de s’engager dans le processus de médiation.
    • Dans cette hypothèse, le médiateur devra établir un constat de carence
  • Seconde situation
    • Une rencontre des parties sous l’égide du médiateur a bien eu lieu ; ces dernières ne parviennent toutefois pas à trouver un accord.
    • Dans cette hypothèse, le médiateur devra établir un constat d’échec.

C) Les effets de la tentative de médiation conventionnelle

En soi, la médiation conventionnelle ne produit pas vraiment d’effet juridique. Elle vise surtout à favoriser la conclusion d’un accord entre les parties, lequel accord bénéficiera tout au plus de la force exécutoire en cas d’homologation par le juge ou de contresignature par les avocats.

Comme vu précédemment, il ne sera toutefois pas pourvu de l’autorité de la chose jugée, de sorte que l’on ne saurait le regarder comme mettant définitivement fin au litige.

Il en résulte que, nonobstant la conclusion de cet accord, sauf à ce qu’il prenne la forme d’une transaction, il ne fera nullement obstacle à l’introduction d’une action en justice postérieurement à sa conclusion.

À l’analyse, le seul effet juridique qu’emporte la médiation conventionnelle, c’est d’interrompre la prescription et les délais pour agir en justice.

L’article 2238 du Code civil prévoit en ce sens que « la prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d’un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d’accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation. »

Il peut être observé que le point de départ de la suspension de la prescription est non pas la date de saisine du médiateur, mais :

  • Soit la date à laquelle les parties ont convenu par écrit de recourir à la médiation conventionnelle
  • Soit, à défaut d’accord écrit, la date de comparution des parties à la première réunion suite à l’invitation qui leur a été envoyée par le médiateur

S’agissant de la date marquant la fin de la période d’interruption du délai de prescription, l’article 2238, al. 2e du Code civil précise que le délai de prescription recommence à courir pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle soit l’une des parties ou les deux, soit le médiateur ou le conciliateur déclarent que la médiation ou la conciliation est terminée.

Il peut être observé que la preuve de la suspension du délai de prescription, pourra se faire au moyen de l’acte établi par le médiateur (constat d’échec ou constat de carence), attestant de la tentative de médiation et de la date des réunions.

II) La médiation des litiges de consommation

🡺Origines

L’instauration d’un dispositif de médiation pour les litiges de consommation est issue d’une démarche européenne qui a commencé à germer à partir de la fin des années 1990.

Le processus législatif a été engagé par l’adoption de deux recommandations émanant de la Commission européenne en date des 30 mars 1998 et 4 avril 2001. Ces deux recommandations visaient à énoncer les grands principes applicables aux organes responsables pour la résolution extrajudiciaire des litiges de consommation.

Puis, le législateur européen a adopté la directive 2008/52/CE du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale.

Cette directive a été envisagée afin de faciliter l’accès à des procédures alternatives de résolution des litiges et de favoriser le règlement amiable des litiges en encourageant le recours à la médiation et en garantissant une articulation satisfaisante entre la médiation et les procédures judiciaires. Elle a été transposée en droit français par l’ordonnance n°2011-1540 du 16 novembre 2011.

Jugeant que les modes alternatifs de règlement extrajudiciaire n’étaient pas encore suffisamment développés au sein de l’Union européenne pour les litiges de consommation, en raison notamment d’une méconnaissance par les consommateurs de leur existence, le législateur européen a adopté un nouveau texte, la directive 2013/11/UE du 21 mai 2013 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation.

Le principal objectif assigné par le législateur européen à cette directive est de « contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur, en faisant en sorte que les consommateurs puissent, à titre volontaire, introduire des plaintes contre des professionnels auprès d’entités appliquant des procédures de règlement extrajudiciaire des litiges indépendantes, impartiales, transparentes, efficaces, rapides et équitables ».

Ce texte vise, autrement dit, à garantir aux consommateurs un accès à des solutions de résolution de leurs litiges simples, rapides, efficaces et peu onéreuses comme alternative à la voie judiciaire qui est souvent longue, coûteuse et dont l’issue est très aléatoire.

La directive du 21 mai 2013 a été transposée en droit français par l’ordonnance n°2015-1033 du 20 août 2015.

Cette ordonnance a introduit plusieurs dispositions dans la partie législative du Code de la consommation regroupées sous un titre dédié à la « Médiation ».

Ces dispositions ont été complétées par le décret n°2015-1382 du 30 octobre 2015 qui a parachevé la transposition de la directive du 21 mai 2013.

Aujourd’hui, la médiation des litiges de la consommation est régie :

  • D’une part, par les articles L. 611-1 à L. 616-3 et L. 641-1 du Code de la consommation
  • D’autre part, par les articles R. 612-1 à R. 616-2 du Code de la consommation

Il peut être observé que, compte tenu de ce que la directive 2013/11/UE du 21 mai 2013 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation a posé un certain nombre d’exigences spécifiques relatives au statut du médiateur et au processus de médiation, les règles du Code de procédures civiles régissant la médiation conventionnelle n’ont pas vocation à s’appliquer à la médiation des litiges de consommation, quand bien même cette forme de médiation présente un caractère conventionnel.

Comme relevé par la doctrine la médiation des litiges de consommation doit ainsi être regardée comme « une médiation conventionnelle d’un nouveau type »[2].

🡺Notion

Bien que la médiation des litiges de consommation présente une véritable singularité dans le domaine de la médiation conventionnelle, le législateur n’a pas jugé bon de lui conférer une définition spécifique.

L’article L. 611-1 du Code de la consommation renvoie, en effet, à la définition générique de la médiation qui est énoncée à l’article 21 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et de la procédure civile, pénale et administrative ou un autre processus de médiation conventionnelle prévu par la loi.

Pour mémoire, cette disposition définit la médiation comme « tout processus structuré, quelle qu’en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par le juge saisi du litige. »

L. 611-4 du Code de la consommation précise toutefois que ne sont pas considérés comme des litiges de consommation, au sens du présent titre, les litiges concernant :

  • Les services d’intérêt général non économique
    • Si l’on s’en rapporte à une communication de la Commission européenne 2016/C 262/01 du 19 juillet 2016, sont visées ici les activités en lien avec :
      • L’armée ou la police
      • La sécurité et le contrôle de la navigation aérienne
      • Le contrôle et la sécurité du trafic maritime
      • La surveillance antipollution
      • L’organisation, le financement et l’exécution des peines d’emprisonnement
      • La valorisation et la revitalisation de terrains publics par des autorités publiques
      • La collecte de données à utiliser à des fins publiques sur la base d’une obligation légale pour les entreprises concernées de communiquer de telles données
      • La sécurité sociale
  • Les services de santé fournis par des professionnels de la santé aux patients pour évaluer, maintenir ou rétablir leur état de santé, y compris la prescription, l’administration et la fourniture de médicaments et de dispositifs médicaux
    • Sont ici visés tous les actes réalisés par des professionnels de santé au sens du Code de la santé publique.
    • À cet égard, les professionnels de santé recouvrent trois catégories de professions :
      • Les professions médicales : médecins, odontologistes, chirurgiens-dentistes et sages-femmes (art. L. 4111-1 à L. 4163-10 CSP) ;
      • Les professions de la pharmacie et de la physique médicale : pharmaciens d’officine (exerçant en ville) et hospitaliers et physiciens médicaux (art. L. 4211-1 à L. 4252-3 CSP) ;
      • Les professions d’auxiliaires médicaux : aides-soignants, auxiliaires de puériculture, ambulanciers, assistant dentaires, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, ergothérapeutes, psychomotriciens, orthophonistes, orthoptistes, manipulateurs d’électroradiologie médicale, techniciens de laboratoire médical, audioprothésistes, opticiens-lunetiers, prothésistes, orthésistes, diététiciens (art. L. 4311-1 à L. 4394-4 CSP).
  • Les prestataires publics de l’enseignement supérieur
    • Les prestataires publics de l’enseignement supérieur ne sont pas soumis au dispositif de la médiation des litiges de consommation car ils n’exercent pas une activité économique

Pour ces trois catégories de litiges, le dispositif de médiation des litiges de consommation n’est donc pas applicable.

🡺Champ d’application

  • Principe
    • L’article L. 611-2 du Code de la consommation prévoit que « la médiation de la consommation s’applique à un litige national ou transfrontalier entre un consommateur et un professionnel ».
    • Il ressort de cette disposition que le dispositif que le dispositif de médiation des litiges de consommation s’applique, par principe, à tous les professionnels sans distinction.
    • Pour rappel, par professionnel il faut entendre au sens de l’article liminaire du Code de la consommation « toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel ».
    • Quant au consommateur, il s’agit, selon le même article, de « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ».
    • Aussi, dès lors qu’un différend survient entre un consommateur et un professionnel dans le cadre de leur relation contractuelle ou précontractuelle, celui-ci peut être porté devant un médiateur de la consommation.
  • Exclusions
    • Si par principe le dispositif de médiation institué dans le Code de la consommation a vocation à s’appliquer à tous les litiges opposant un consommateur à un professionnel, le législateur a prévu un certain nombre d’exclusions.
    • En application de l’article L. 611-3 du Code de la consommation prévoit ainsi que la médiation des litiges de la consommation ne s’applique pas
      • Aux litiges entre professionnels ;
      • Aux réclamations portées par le consommateur auprès du service clientèle du professionnel ;
      • Aux négociations directes entre le consommateur et le professionnel ;
      • Aux tentatives de conciliation ou de médiation ordonnées par un tribunal saisi du litige de consommation ;
      • Aux procédures introduites par un professionnel contre un consommateur.

A) Le statut du médiateur de la consommation

1. Conditions d’obtention du statut de médiateur de la consommation

🡺Conditions générales

En premier lieu, il peut être observé que, conformément à l’article L. 611-1, 6° du Code de la consommation, le médiateur de la consommation peut être tout autant une personne physique, qu’une personne morale.

En second lieu, l’article L. 613-1 du Code de la consommation prévoit que l’obtention du statut de médiation de la consommation est subordonnée à la réunion des conditions suivantes :

  • Posséder des aptitudes dans le domaine de la médiation ainsi que de bonnes connaissances juridiques, notamment dans le domaine de la consommation ;
  • Être nommé pour une durée minimale de trois années ;
  • Être rémunéré sans considération du résultat de la médiation ;
  • Ne pas être en situation de conflit d’intérêts et le cas échéant le signaler.
  • Il est inscrit sur la liste des médiateurs notifiée à la Commission européenne.

Ces conditions ont vocation à s’appliquer à tous les médiateurs de la consommation.

🡺Conditions spécifiques

Des conditions supplémentaires s’appliquent lorsque la personne désignée pour exercer la fonction de médiateur de la consommation est employée ou rémunérée exclusivement par le professionnel ou par un organisme ou une fédération professionnelle :

  • Le médiateur est employé ou rémunéré exclusivement par le professionnel
    • Dans cette hypothèse, le médiateur de la consommation doit satisfaire aux conditions supplémentaires suivantes :
      • Il doit être désigné, selon une procédure transparente, par un organe collégial mis en place par l’entreprise, comprenant des représentants d’associations de défense des consommateurs agréées et des représentants du professionnel, ou relevant d’une instance nationale consultative dans le domaine de la consommation ou propre à un secteur d’activité dans des conditions fixées par décret ;
      • À l’issue de son mandat, le médiateur a l’interdiction de travailler pendant au moins trois ans pour le professionnel qui l’a employé ou pour la fédération à laquelle ce professionnel est affilié ;
      • Aucun lien hiérarchique ou fonctionnel entre le professionnel et le médiateur ne peut exister pendant l’exercice de sa mission de médiation. Le médiateur doit être clairement séparé des organes opérationnels du professionnel et dispose d’un budget distinct et suffisant pour l’exécution de ses missions.
  • Le médiateur est employé ou rémunéré exclusivement par un organisme ou une fédération professionnelle
    • Dans cette hypothèse, outre la satisfaction des conditions énoncées à l’article L. 613-1 du Code de la consommation, il doit disposer d’un budget distinct et suffisant pour mener à bien sa mission, hormis le cas où il appartient à un organe collégial, composé à parité de représentants d’associations agréées de défense des consommateurs et de représentants des professionnels.

B) Les obligations pesant sur le médiateur de la consommation

1. Obligations relatives à la communication du médiateur auprès des consommateurs

🡺Mise en place d’un site internet

En application de l’article L. 614-1 du Code de la consommation, il appartient à tout médiateur de la consommation de mettre en place un site internet consacré à la médiation et fournissant un accès direct aux informations relatives au processus de médiation.

Sur demande, ces informations peuvent être mises à disposition sur un autre support durable.

🡺Les informations devant être publiées sur le site internet du médiateur

Le médiateur doit fournir aux consommateurs un certain nombre d’informations via son sur internet.

Ces informations sont relatives, d’une part, à son statut et à sa compétence et, d’autre part, au rapport d’activité qu’il doit publier chaque année

  • S’agissant des informations relatives au statut et à la compétence du médiateur
    • Conformément à l’article R. 614-1 du Code de la consommation, le site internet du médiateur de la consommation doit comprendre les informations suivantes :
      • Les adresses postale et électronique du médiateur ;
      • La mention de son inscription sur la liste des médiateurs établie conformément à l’article L. 615-1 ;
      • La décision de sa nomination et la durée de son mandat ;
      • Ses diplômes ou son parcours professionnel ;
      • Son appartenance, le cas échéant, à des réseaux de médiateurs de litiges transfrontaliers ;
      • Les types de litiges relevant de sa compétence ;
      • La référence aux dispositions législatives et réglementaires relatives à la médiation des litiges de consommation ;
      • Les cas dans lesquels, en application de l’article L. 612-2, un litige ne peut faire l’objet d’une médiation ;
      • La liste des langues utilisées pour la médiation ;
      • Le lien vers le site internet de la Commission européenne dédié à la médiation de la consommation.
    • L’article L. 614-2 du Code de la consommation précise que le médiateur doit fournir sur son site internet un lien électronique vers la plate-forme européenne de résolution en ligne des litiges prévue par le règlement (UE) n° 524/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 relatif au règlement en ligne des litiges de consommation et modifiant le règlement (CEE) n° 2006/2004 et la directive n° 2009/22/CE (règlement relatif au RLLC).
  • S’agissant des informations relatives au rapport annuel du médiateur
    • En application de l’article R. 614-2 du Code de la consommation,
    • Le médiateur doit mettre à la disposition du public sur son site internet ou communiquer sur demande son rapport annuel d’activité comprenant les informations suivantes :
      • Le nombre de litiges dont il a été saisi et leur objet ;
      • Les questions les plus fréquemment rencontrées dans les litiges qui lui sont soumis et ses recommandations afin de les éviter ;
      • La proportion de litiges qu’il a refusé de traiter et l’évaluation en pourcentage des différents motifs de refus ;
      • Le pourcentage des médiations interrompues et les causes principales de cette interruption ;
      • La durée moyenne nécessaire à la résolution des litiges ;
      • S’il est connu, le pourcentage des médiations qui sont exécutées ;
      • L’existence de la coopération au sein de réseaux de médiateurs de litiges transfrontaliers ;
      • Pour les médiateurs rémunérés ou employés exclusivement par un professionnel, le pourcentage des solutions proposées en faveur du consommateur ou du professionnel ainsi que le pourcentage des litiges résolus à l’amiable.

2. Obligations relatives à la mission du médiateur

🡺Principes directeurs

L’article L. 613-1 du Code de la consommation prévoit que le médiateur de la consommation doit accomplir sa mission avec diligence et compétence, en toute indépendance et impartialité, dans le cadre d’une procédure transparente, efficace et équitable.

Cette disposition ne fait que reprendre les principes directeurs énoncés par l’article 21-2 de la loi n°95-125 du 8 février 1995 auxquels sont soumis tous les médiateurs sans distinction.

Ces principes sont définis par le Code de conduite européen pour les médiateurs comme suit :

  • Impartialité
    • L’action du médiateur doit en permanence être impartiale et doit être vue comme telle.
    • Aussi, le médiateur doit-il s’engager à servir toutes les parties d’une manière neutre et équitable.
    • Cela implique qu’il ne doit jamais prendre position pour une l’une ou l’autre partie.
  • Compétence
    • Pour exercer sa mission, le médiateur doit disposer des connaissances suffisantes et de la qualification requise au regard de la nature du différend dans le cadre duquel il a vocation à intervenir.
    • Autrement dit, il doit être en capacité d’éclairer et de guider utilement les parties dans la recherche d’un accord amiable.
    • Concrètement, cela qui suppose que le médiateur qu’il ait une aptitude à comprendre le contexte juridique et qu’il possède une connaissance des techniques de médiation ainsi que des compétences en communication.
  • Indépendance
    • Le médiateur doit agir, aussi longtemps que dure la médiation, en toute indépendance.
    • Cela signifie que, avant d’entamer ou de poursuivre sa médiation, le médiateur doit divulguer toutes les circonstances qui sont de nature à affecter son indépendance ou entraîner un conflit d’intérêts ou qui sont susceptibles d’être considérées comme telles.
    • Ces circonstances peuvent être :
      • toute relation d’ordre privé ou professionnel avec une des parties,
      • tout intérêt financier ou autre, direct ou indirect, dans l’issue de la médiation, ou le fait que le médiateur, ou un membre de son cabinet, a agi en une qualité autre que celle de médiateur pour une des parties.
    • Lorsque l’une de ces circonstances se présente le médiateur ne peut accepter ou poursuivre la médiation que s’il est certain de pouvoir la mener en toute indépendance et en toute neutralité afin de garantir une impartialité totale et à condition que les parties donnent leur consentement exprès.
  • Diligence
    • L’exigence de diligence qui pèse sur les médiateurs signifie qu’ils doivent agir avec soin, attention et promptitude dans l’exercice de leurs fonctions pour servir les intérêts des parties.
    • Concrètement cela implique que le médiateur respecte les délais convenus, maintienne une communication claire avec les parties et veille à ce que le processus de médiation progresse de manière ordonnée.
  • Transparence
    • L’obligation de transparence du médiateur implique qu’il communique aux consommateurs les informations relatives à
      • Son statut et sa compétence
      • Le processus de médiation
      • Son activité
    • Ces informations doivent être communiquées via son site internet ou, sur demande, via tout autre support durable.

L’article R. 613-1 du Code de la consommation précise que le médiateur de la consommation doit informer sans délai les parties de la survenance de toute circonstance susceptible d’affecter son indépendance, son impartialité ou de nature à créer un conflit d’intérêts ainsi que de leur droit de s’opposer à la poursuite de sa mission.

Si l’une des parties refuse en conséquence de poursuivre la médiation, il est mis fin à la mission du médiateur. Lorsque le médiateur est une personne morale, il est pourvu au remplacement de la personne physique chargée d’accomplir la mission de médiation.

En tout état de cause, compte tenu de l’indépendance à laquelle est tenu le médiateur, il ne peut recevoir aucune instruction des parties (art. R. 613-1, al. 2 C. conso).

Par ailleurs, la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation a pu indiquer que l’engagement pris par un professionnel d’accepter, par avance, d’entrer en médiation et toute proposition de solution du médiateur de la consommation contrevenait à la nature même du processus de résolution amiable du litige entre les parties et est susceptible d’affecter l’office du médiateur, lequel doit accomplir sa mission « en toute indépendance et impartialité, dans le cadre d’une procédure transparente, efficace et équitable » (art. L.613-1 C. conso.)

🡺Obligation de confidentialité

L’article L. 612-3 du code la consommation dispose que la médiation des litiges de consommation est soumise à l’obligation de confidentialité prévue par l’article 21 -3 de la loi n° 95-l 25 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.

L’alinéa 2 de l’article 21-3 de la loi n°95-125 du 8 février 1995 précise que « les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées aux tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d’une instance judiciaire ou arbitrale sans l’accord des parties ».

Conformément à l’interprétation retenue par la Cour de cassation dans un arrêt du 9 juin 2022, cette obligation de confidentialité s’étend à la proposition de solution que le médiateur transmet aux parties en application de l’article R. 612-4 du code de la consommation (Cass. 2e civ., 09 juin 2022, n°19-21.798).

Cette dernière a, en effet, jugé « qu’en dehors des cas dérogatoires prévus par la loi, l’atteinte à l’obligation de confidentialité de la médiation impose que les pièces produites sans l’accord de la partie adverse, soient, au besoin d’office, écartées des débats par le juge ».

L’obligation de confidentialité ainsi attachée à une tentative préalable de médiation s’étend de la décision de recevabilité de la saisine du médiateur de la consommation jusqu’à la proposition de solution du médiateur.

La conséquence en est que cette proposition de solution qui est adressée aux parties, ne saurait être produite en justice dans l’hypothèse où l’une d’elles déciderait de saisir le juge.

En revanche, les décisions qui sont un préalable à la conduite des médiations telles que les refus d’entrer en médiation ou le retrait de l’une ou l’autre des parties en cours de médiation ne sont pas soumises à la confidentialité de la médiation.

🡺Obligation d’établir un rapport annuel

L’article L. 613-1 du Code de la consommation prévoit que le médiateur doit établir chaque année un rapport sur son activité qui doit comporter les informations suivantes :

  • Le nombre de litiges dont il a été saisi et leur objet ;
  • Les questions les plus fréquemment rencontrées dans les litiges qui lui sont soumis et ses recommandations afin de les éviter ;
  • La proportion de litiges qu’il a refusé de traiter et l’évaluation en pourcentage des différents motifs de refus ;
  • Le pourcentage des médiations interrompues et les causes principales de cette interruption ;
  • La durée moyenne nécessaire à la résolution des litiges ;
  • S’il est connu, le pourcentage des médiations qui sont exécutées ;
  • L’existence de la coopération au sein de réseaux de médiateurs de litiges transfrontaliers ;
  • Pour les médiateurs rémunérés ou employés exclusivement par un professionnel, le pourcentage des solutions proposées en faveur du consommateur ou du professionnel ainsi que le pourcentage des litiges résolus à l’amiable.

3. Obligations relatives à l’inscription du médiateur sur la liste européenne des médiateurs de la consommation

En application de l’article L. 614-4 du Code de la consommation tout médiateur de la consommation doit communiquer à la Commission d’Évaluation et de Contrôle de la Médiation de la Consommation (CECMC) les informations relatives à ses compétences, son organisation et son activité.

C) La Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation

Les médiateurs de la consommation sont supervisés par la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation (CECMC)

1. Composition de la CECMC

Tout d’abord, la commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation mentionnée à l’article L. 615-1 est composée :

  • D’un conseiller d’État ;
  • D’un conseiller à la Cour de cassation en activité ou honoraire ;
  • De quatre personnalités qualifiées dans le domaine juridique ou en matière de médiation ;
  • De deux représentants des associations de consommateurs agréées au plan national ;
  • De deux représentants d’organisations professionnelles.

Ensuite, les membres de la commission sont nommés par arrêté du ministre chargé de l’économie pour une durée de trois ans renouvelable, sur proposition du vice-président du Conseil d’État pour le conseiller d’État et sur proposition du premier président de la Cour de cassation pour le conseiller à la Cour de cassation.

Des suppléants sont désignés en nombre égal et dans les mêmes formes.

Le président et le vice-président de la commission sont choisis, le Conseiller d’État et le Conseiller à la Cour de cassation désignés, par arrêté du ministre chargé de l’économie.

Enfin les dispositions de l’article 74 de la loi n°2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes et du décret n° 2015-354 du 27 mars 2015 relatif à l’égal accès des femmes et des hommes aux commissions et instances consultatives ou délibératives placées auprès du Premier ministre, des ministres ou de la Banque de France sont applicables à la commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation.

2. Missions de la CECMC

En application de l’article L. 615-1 du Code de la consommation, deux missions principales sont assignées à la CECMC :

  • La mise à jour et la notification auprès de la Commission européenne de la liste européenne des médiateurs de la consommation
  • L’évaluation et le contrôle de l’activité des médiateurs inscrits sur la liste européenne des médiateurs de la consommation

a. Mission relative à la liste européenne des médiateurs de la consommation

🡺Établissement et mise à jour de la liste

L’article R. 615-5 du Code de la consommation prévoit qu’il appartient à la CECMC d’examiner les candidatures des personnes souhaitant être inscrites sur la liste des médiateurs de la consommation au vu des informations communiquées en application de l’article R. 614-3 et décide de leur inscription sur cette liste.

Pour ce faire, elle peut faire appel à des rapporteurs appartenant aux services de l’État en charge des secteurs d’activité concernés pour l’instruction des dossiers nécessaires à l’établissement de la liste des médiateurs notifiée à la Commission européenne, ainsi que pour leur évaluation (art. L. 616-4 C. conso).

À cette même fin, la commission peut également saisir, pour avis, les autorités publiques indépendantes et les autorités administratives indépendantes, dans les domaines d’activité où elles interviennent.

Dans l’exercice de ses missions, la commission coopère avec ses homologues étrangers.

🡺Notification de la liste auprès de la Commission européenne

Une fois la liste des médiateurs actualisée, la CECMC doit la notifier à la Commission européenne en précisant que les médiateurs inscrits sur la liste satisfont aux exigences de qualité et remplissent les conditions prévues aux articles R. 612-1 à R. 612-5.

La liste doit préciser pour chaque médiateur :

  • Son nom, ses coordonnées et l’adresse de son site internet ;
  • La ou les langues dans lesquelles les demandes de médiation peuvent être introduites et les processus de médiation se dérouler ;
  • Les types de litiges relevant du champ de compétence du médiateur
  • Les secteurs et les catégories de litiges relevant de sa compétence ;
  • Le cas échéant, les frais de sa prestation facturés au professionnel ;
  • La nécessité ou la possibilité de la présence physique des parties ou de leurs représentants ainsi que le caractère oral ou écrit du processus de médiation ;
  • Le caractère non contraignant de l’issue de la procédure de médiation ;
  • Les hypothèses dans lesquelles un litige ne peut être traité par le médiateur.

Si ces informations font l’objet de modifications dans les conditions prévues au dernier alinéa de l’article R. 614-3, la commission doit actualiser sans délai la liste et notifier les informations pertinentes à la Commission européenne.

🡺Publication de la liste

L’article R. 615-9 du Code de la consommation prévoit que la commission doit mettre à la disposition du public la liste actualisée des médiateurs sur son site internet et fournit le lien vers le site internet de la Commission européenne consacré à la médiation de la consommation ainsi que le lien vers le site internet du Centre européen des consommateurs France.

Cette liste est également publiée au Bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

b. Évaluation et contrôle des médiateurs inscrits sur la liste européenne des médiateurs de la consommation

🡺S’agissant de l’évaluation des médiateurs

L’article R. 615-7 du Code de la consommation prévoit que la CECMC doit évaluer régulièrement les médiateurs afin de vérifier qu’ils répondent toujours aux conditions et exigences de qualité propres à l’exercice de la mission de médiateur de la consommation.

Si elle estime qu’un médiateur ne satisfait plus à ces exigences, elle doit aviser ce dernier, par décision motivée, des manquements constatés et lui demander de se mettre en conformité dans un délai de trois mois à compter de la date de sa décision.

À l’expiration de ce délai, la commission statue sur le retrait du médiateur de la liste mentionnée à l’article L. 615-1.

🡺S’agissant du contrôle des médiateurs

En application de l’article L. 615-1 du Code de la consommation, la CECMC a notamment pour mission de contrôler la régularité de l’activité des médiateurs inscrits sur la liste européenne des médiateurs de la consommation.

Si un médiateur ne satisfait pas aux conditions exigées au présent titre, la CECMC doit refuser son inscription sur la liste prévue par l’article L. 615-1.

S’il est déjà inscrit et qu’il ne répond plus à ces conditions ou ne respecte pas les obligations lui incombant, elle peut décider du retrait de l’intéressé de cette liste.

La décision prononçant le refus d’inscription ou le retrait de la liste est prise par décision qui doit être motivée. La CECMC doit par ailleurs aviser l’intéressé des manquements constatés et lui demander de se mettre en conformité dans un délai de trois mois à compter de la date de sa décision.

À l’expiration de ce délai, la commission statue sur le retrait du médiateur de la liste mentionnée à l’article L. 615-1.

3. Fonctionnement de la CECMC

🡺Pouvoirs

L’article R. 615-10 du Code de la consommation prévoit que la CECMC peut entendre toute personne et se faire communiquer tout document en vue de l’accomplissement de sa mission.

🡺Secrétariat

Son secrétariat est assuré par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Il est chargé d’assister la commission dans ses travaux, de recueillir les demandes des personnes souhaitant être inscrites sur la liste des médiateurs et d’informer ces dernières des décisions rendues par la commission.

🡺Délibération

S’agissant des modalités de délibération de la CECMC, elle ne peut régulièrement délibérer qu’en présence de son président ou de son vice-président et d’au moins trois de ses membres.

Ses séances ne sont pas publiques.

🡺Rapport sur la médiation

L’article R. 615-9 du Code de la consommation fait obligation à la CECMC de publier sur son site internet, tous les quatre ans, un rapport sur l’évolution et le fonctionnement des médiations de la consommation et le communique à la Commission européenne.

Ce rapport doit contenir :

  • Le recensement des bonnes pratiques des médiateurs ;
  • Les dysfonctionnements des processus de médiation relevés à l’aide de statistiques ;
  • Des recommandations en vue de l’amélioration du fonctionnement effectif des médiations et de l’efficacité des médiateurs.

D) Le processus de médiation de la consommation

1. Droit à la médiation

a. Contenu du droit de recourir à un dispositif de médiation

🡺Principe

L’article 612-1 du Code de la consommation prévoit que « tout consommateur a le droit de recourir gratuitement à un médiateur de la consommation en vue de la résolution amiable du litige qui l’oppose à un professionnel ».

Il ressort de cette disposition que le recours à un dispositif de médiation en cas de survenance d’un différend avec un professionnel est une faculté pour le consommateur.

Cela signifie que celui-ci est libre de saisir ou de ne pas saisir le médiateur de la consommation.

🡺Tempérament

Si le recours à une médiation est un droit dont l’exercice est laissé à la discrétion du consommateur, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, il est admis qu’un texte puisse imposer aux justiciables la mise en œuvre préalable d’une procédure de règlement amiable des litiges préalablement à l’introduction d’une action en justice (CJUE, arrêt du 18 mars 2010, Alassini et a., C-317/08, C-318/08, C- 319/08 et C-320/08).

C’est ce que le législateur français a fait à l’occasion de l’adoption de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice qui a par suite été complétée par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019.

Ce texte a, en effet, introduit dans le Code de procédure civile un article 750-1 lequel prévoit que devant le Tribunal judiciaire, « à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à l’une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire ou à un trouble de voisinage »

Le recours à la médiation, à tout le moins à l’un des trois modes alternatifs de règlement amiable des litiges est ainsi devenu obligatoire pour certains litiges mineurs portés devant le Tribunal judiciaire.

La saisine d’un médiateur constitue l’une de ces voies devant être empruntée préalablement à la saisine du juge.

b. Garantie du recours effectif à un dispositif de médiation

🡺Obligations pesant sur le professionnel

L’article L. 612-1 du Code de la consommation prévoit qu’il appartient au professionnel de garantir au consommateur « le recours effectif à un dispositif de médiation de la consommation ».

De cette obligation qui pèse sur la tête du médiateur découle plusieurs exigences énoncées par le Code de la consommation :

  • Affiliation à un médiateur
    • Il appartient à tout professionnel de s’affilier à un médiateur afin d’être en capacité de fournir aux consommateurs un dispositif de médiation
    • Pour ce faire, le professionnel dispose de deux options :
      • Soit il met en place son propre dispositif de médiation de la consommation
      • Soit il propose au consommateur le recours à tout autre médiateur de la consommation
    • L’article L. 612-1 du Code de la consommation précise que lorsqu’il existe un médiateur de la consommation dont la compétence s’étend à l’ensemble des entreprises d’un domaine d’activité économique dont il relève, le professionnel permet toujours au consommateur d’y recourir.
  • Information sur le dispositif de médiation
    • L’article L. 616-1 du Code de la consommation prévoit que le professionnel a l’obligation de communiquer au consommateur les coordonnées du ou des médiateurs compétents dont il relève.
    • Il est également tenu de fournir cette même information au consommateur, dès lors qu’un litige n’a pas pu être réglé dans le cadre d’une réclamation préalable directement introduite auprès de ses services.
    • S’agissant des modalités de communication de cette information, l’article R. 616-1 du Code de la consommation précise que le professionnel communique au consommateur les coordonnées du ou des médiateurs de la consommation dont il relève, en inscrivant ces informations de manière visible et lisible sur son site internet, sur ses conditions générales de vente ou de service, sur ses bons de commande ou, en l’absence de tels supports, par tout autre moyen approprié.
    • Il doit y mentionner également l’adresse du site internet du ou de ces médiateurs.
  • Gratuité du recours au dispositif de médiation
    • Principe
      • En application de l’article L. 612-1 du Code de la consommation, le professionnel doit garantir au consommateur le droit de recourir gratuitement à un médiateur de la consommation.
      • Aussi, le coût de la médiation est-il à la charge exclusive du professionnel.
      • Ce système vise à favoriser l’exercice par le consommateur de son droit à saisir un médiateur de la consommation.
    • Tempéraments
      • Si le recours à un dispositif de médiation est, en principe, gratuit, le consommateur conserve toutefois à sa charge les frais engendrés lorsque :
        • Soit il décide de se faire faire représenter par un avocat ou assister par toute autre personne de son choix
        • Soit il sollicite l’avis d’un expert, sauf à ce que la sollicitation soit conjointe auquel cas les frais sont partagés entre les parties.

🡺Interdiction s’imposant au professionnel

L’article L. 612-4 du Code de la consommation prévoit que « est interdite toute clause ou convention obligeant le consommateur, en cas de litige, à recourir obligatoirement à une médiation préalablement à la saisine du juge. »

Cette disposition vise à garantir au consommateur la liberté de ne pas recourir au dispositif de médiation proposé par le professionnel en cas de litige et incidemment le droit de saisir directement le juge, sauf à ce que les conditions d’application de l’article 750-1 du Code de procédure civile soient réunies.

2. Saisine du médiateur

a. Cas de saisine du médiateur

Si le recours à un dispositif de médiation est un droit reconnu à tout consommateur, le médiateur ne peut être saisi que dans certains cas très précis.

L’article L. 612-2 du Code de la consommation prévoit en ce sens qu’un litige ne peut pas être examiné par le médiateur de la consommation lorsque :

  • Soit le consommateur ne justifie pas avoir tenté, au préalable, de résoudre son litige directement auprès du professionnel par une réclamation écrite selon les modalités prévues, le cas échéant, dans le contrat ;
  • Soit la demande est manifestement infondée ou abusive ;
  • Soit le litige a été précédemment examiné ou est en cours d’examen par un autre médiateur ou par un tribunal ;
  • Soit le consommateur a introduit sa demande auprès du médiateur dans un délai supérieur à un an à compter de sa réclamation écrite auprès du professionnel ;
  • Soit le litige n’entre pas dans le champ de compétence du médiateur.

Positivement cela signifie que pour être recevable à saisir le médiateur le consommateur doit :

  • D’une part, avoir tenté, au préalable, de résoudre son litige directement auprès du professionnel par une réclamation écrite selon les modalités prévues, le cas échéant, dans le contrat ;
  • D’autre part, avoir saisi le médiateur dans un délai d’un an à compter de la réclamation écrite adressée au professionnel
  • Enfin, avoir saisi le médiateur pour un litige qui :
    • Relève de son domaine de compétence, soit un litige de consommation au sens de l’article L. 611-2 du Code de la consommation
    • Ne fait pas partie des exclusions du champ d’application du dispositif de médiation des litiges de la consommation énoncées par l’article L. 611-3 du Code de la consommation

b. Modalités de la saisine du médiateur

En application de l’article R. 612-1 du Code de la consommation, le médiateur peut être saisi :

  • Soit par voie postale
    • L’article L. 614-3 du Code de la consommation prévoit que « les parties doivent toujours avoir la possibilité de recourir à la médiation par voie postale. »
    • L’article R. 612-1 énonce dans le même sens que la médiation des litiges de la consommation doit être aisément accessible par courrier simple à toutes les parties, consommateur ou professionnel
  • Soit par voie électronique
    • Le consommateur doit pouvoir saisir le médiateur
      • Soit via son site internet
        • L’article L. 614-1 du Code de la consommation prévoit que le site internet qui doit être mis en place par tout médiateur doit permettre aux consommateurs de déposer en ligne une demande de médiation accompagnée des documents justificatifs.
      • Soit par voie de courrier électronique
        • En application de l’article R. 612-1 du Code de la consommation, la médiation des litiges de la consommation mentionnée doit être aisément accessible par voie électronique à toutes les parties, consommateur ou professionnel.

c. Étude de la recevabilité de la saisine

🡺Compétence exclusive du médiateur

Comme énoncé par la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation, la recevabilité d’un dossier relève de la seule compétence du médiateur de la consommation.

Aussi, ne saurait-elle être examinée conjointement avec le professionnel ou son représentant.

Si dans le cadre de l’instruction de la saisine, il est loisible au médiateur de solliciter du professionnel des précisions sur des éléments du dossier qui feraient défaut, le médiateur demeure seul responsable de l’appréciation, à la fois, des litiges entrant dans le champ d’application de la médiation de la consommation en application de l’article L.611-3 du code de la consommation et de la recevabilité de la saisine au regard des dispositions de l’article L.612-2 du même code.

En tout état de cause, le professionnel, qui est partie à l’éventuelle médiation, ne saurait interférer dans cette appréciation.

🡺Les cas d’irrecevabilité de la saisine

En application de l’article R. 612-2 du Code de la consommation « dès réception des documents sur lesquels est fondée la demande du consommateur, le médiateur de la consommation notifie aux parties par voie électronique ou par courrier simple sa saisine. »

Ainsi pèse sur le médiateur l’obligation d’accuser bonne réception de la demande du consommateur.

À réception de la demande qui lui est adressée, le médiateur procède à une étude de recevabilité du dossier.

Il vérifiera notamment si l’un des cas d’irrecevabilité énoncés à l’article L. 612-2 du Code de la consommation n’est pas caractérisé.

Pour mémoire, un litige ne peut pas être examiné par le médiateur de la consommation lorsque :

  • Soit le consommateur ne justifie pas avoir tenté, au préalable, de résoudre son litige directement auprès du professionnel par une réclamation écrite selon les modalités prévues, le cas échéant, dans le contrat ;
  • Soit la demande est manifestement infondée ou abusive ;
  • Soit le litige a été précédemment examiné ou est en cours d’examen par un autre médiateur ou par un tribunal ;
  • Soit le consommateur a introduit sa demande auprès du médiateur dans un délai supérieur à un an à compter de sa réclamation écrite auprès du professionnel ;
  • Soit le litige n’entre pas dans le champ de compétence du médiateur.

Aucune autre condition ne peut être opposée au consommateur. Il n’est ainsi pas possible de demander au consommateur de vérifier si son dossier est complet pour le déclarer recevable.

C’est au médiateur de la consommation seul qu’il revient d’apprécier si le dossier est complet ou non et, dans la négative, de demander tout document complémentaire au consommateur.

La Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation a eu l’occasion de préciser que l’irrecevabilité n’est pas opposable par le médiateur au consommateur dans les deux cas suivants :

  • Lorsque le litige a été examiné ou est en cours d’examen par un conciliateur de justice ;
  • Lorsque le consommateur a saisi des faits litigieux le procureur de la République, la demande ne pouvant être regardée comme examinée ou en cours d’examen par un tribunal. En effet, le seul dépôt d’une plainte auprès du procureur n’implique pas nécessairement que des poursuites pénales seront engagées, le procureur étant seul maître de l’opportunité des poursuites. Par ailleurs, le procureur de la République ne tranche pas lui-même les litiges. Enfin, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que le procureur de la République ne peut être regardé comme une “autorité judiciaire” au sens de la convention européenne des droits de l’homme, faute en particulier d’indépendance par rapport au pouvoir exécutif (V. en ce sens CEDH 10 juillet 2008, req n° 3394/03, Medvedyev c. France, pt 61.)

🡺Examen des pièces du dossier

Seuls les documents strictement nécessaires à l’étude de la recevabilité de la demande au sens des articles L. 612-2 et L. 611-1 du Code de la consommation peuvent être exigés du consommateur.

Dans le cas où le consommateur ne disposerait plus d’un document (lettre de réclamation adressée au professionnel, contrat…), il est loisible au médiateur de la consommation de le demander au professionnel.

Une fois la saisine déclarée recevable, il appartient au médiateur de la consommation de demander aux parties tout document complémentaire lui permettant d’apprécier au mieux le litige.

🡺Issue de l’étude de la recevabilité de la saisine

À réception par le médiateur du dossier du consommateur, deux situations sont susceptibles de se présenter :

  • Première situation : la demande du consommateur est jugée recevable
    • Dans cette hypothèse, le médiateur doit notifier aux parties par voie électronique ou par courrier la recevabilité de la demande qui lui est adressée.
    • À cet égard, il doit indiquer aux parties qu’elles sont libres d’accepter ou de refuser de s’engager dans un processus de médiation.
    • Il doit également leur être rappelé que, à tout moment, elles peuvent se retirer du processus.
    • À cet égard, il peut être observé que si le professionnel a l’obligation de garantir au consommateur le recours effectif à un dispositif de médiation, il n’est pas obligé d’accepter d’entrer en médiation à réception du courrier qui lui est adressé par le médiateur.
    • En pareil cas, le médiateur devra toutefois constater le refus du professionnel afin que le consommateur puisse justifier, le cas échéant, d’une tentative de médiation auprès de la juridiction compétente qu’il entendrait saisir.
    • Compte tenu de ce que le Code de la consommation ne précise pas les modalités d’expression de ce refus, la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation recommande au médiateur de constater explicitement ce refus, par exemple en mentionnant dans le courrier de notification de la saisine du médiateur que le silence du professionnel pendant XX jours sera interprété comme un refus, ou en adressant un courrier de relance au professionnel lui indiquant que son silence persistant sera interprété comme un refus.
    • La Commission a toutefois précisé que, en cas de refus systématique ou réitéré d’un professionnel d’entrer en médiation, le médiateur doit en demander les raisons au professionnel afin de vérifier que le professionnel met réellement tout en œuvre pour garantir un recours effectif à son dispositif de médiation. Le médiateur peut également faire mention dans son rapport d’activité de ces refus systématiques et de leurs causes.
  • Seconde situation :la demande du consommateur est jugée irrecevable
    • Dans cette hypothèse, le médiateur doit notifier au consommateur l’irrecevabilité de sa demande qui lui a été adressée.
    • Tout rejet pour cause d’irrecevabilité doit être dûment motivé.
    • L’article L. 612-2 du Code de la consommation précise que le consommateur doit être informé par le médiateur, dans un délai de trois semaines à compter de la réception de son dossier, du rejet de sa demande de médiation pour cause d’irrecevabilité.
    • Pour le cas spécifique où le consommateur ne justifie pas de la formulation écrite d’une réclamation préalable auprès du professionnel, le médiateur doit :
      • Soit l’inviter à accomplir cette démarche auprès du service clientèle concerné en lui fournissant toute information de nature à faciliter cette démarche ;
      • Soit transmettre directement sa demande au service clientèle du professionnel, sous réserve que le consommateur ait donné son accord ou n’ait pas manifesté son opposition après en avoir été informé par écrit par le médiateur.
    • Afin de faciliter l’accès du consommateur à la médiation, la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation recommande aux médiateurs d’admettre la recevabilité des saisines deux mois après que le consommateur a transmis sa réclamation écrite préalable au professionnel quel que soit le service saisi.

d. Effets de la saisine

En application des dispositions de l’article 2238 du Code civil, la saisine du médiateur a pour effet de suspendre la prescription de l’action en justice attachée au droit litigieux.

Plus précisément, la prescription est suspendue à compter de la date de notification aux parties de la recevabilité de la saisine, cette notification devant en faire expressément mention.

La prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date de notification de la solution proposée par le médiateur aux parties en application de l’article R. 612-4 du code de la consommation.

3. Instruction du dossier

🡺Représentation et assistance des parties

L’article R. 612-1 du Code de la consommation prévoit que « les parties ont la faculté, à leur charge, de se faire représenter par un avocat ou de se faire assister par toute personne de leur choix à tous les stades de la médiation ».

Les parties sont également autorisées à solliciter l’avis d’un expert, dont les frais sont à leur charge.

En cas de demande conjointe d’expertise, les frais sont partagés entre les parties.

🡺Pouvoirs du médiateur

Afin de mener à bien sa mission et conformément à l’article R. 612-3, al. 2e du Code de la consommation, le médiateur peut recevoir les parties ensemble ou séparément.

En pratique, cette faculté sera rarement sinon jamais exercé par le médiateur, le processus de médiation étant toujours écrit.

🡺Respect du principe du contradictoire

L’article R. 612-3, al. 1er du Code de la consommation prévoit que « le médiateur communique, à la demande de l’une des parties, tout ou partie des pièces du dossier. »

Il s’agit là d’une expression du principe du contradictoire qui s’impose au médiateur et qui doit le guider dans la conduite du processus de médiation.

Il peut être observé que l’article 9.1 de la Directive 2013/11/UE du 21 mai 2013 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation est bien plus précis s’agissant de la mise en œuvre du principe du contradictoire.

Cette disposition prévoit en effet que chaque partie doit avoir la possibilité, dans un délai raisonnable, d’exprimer son point de vue, de recevoir du médiateur les arguments, les éléments de preuve, les documents et les faits avancés par l’autre partie, toute déclaration faite et tout avis rendu par des experts, et de formuler des observations à leur propos.

Le législateur a manifestement opté pour une transposition minimale de la directive en droit français.

🡺Durée de l’instruction du dossier

L’article R. 612-5 du Code de la consommation prévoit que le médiateur doit statuer sur le dossier qui lui est soumis, au plus tard, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de notification de sa saine aux parties.

Le médiateur peut toutefois prolonger ce délai à tout moment, en cas de litige complexe. Il doit alors immédiatement en aviser les parties.

4. Issue de la médiation

Toute demande de médiation d’un consommateur déclarée recevable et pour laquelle le professionnel a accepté d’entrer en médiation doit aboutir à une proposition de solution par le médiateur à moins que les parties aient préalablement trouvé un accord ou que l’une des deux parties se soit désistée au cours du processus comme le prévoit l’article R.612-2 du code de la consommation.

Par conséquent, la pratique consistant pour un médiateur à clore le dossier lorsque le consommateur ne donne pas de réponse à la proposition du professionnel que lui a transmise le médiateur contrevient aux dispositions de l’article R. 612-3 du même code qui impose au médiateur, à défaut d’accord amiable entre les parties, de leur proposer une solution pour régler le litige.

Aussi, le processus de médiation ne peut avoir que deux issues :

🡺Première issue

Grâce à l’intervention du médiateur les parties sont parvenues à trouver un accord amiable qui met fin à leur litige.

Elles doivent alors le faire savoir au médiateur, ce qui a pour conséquence de mettre fin à sa mission.

🡺Seconde issue

  • La formulation d’une proposition de solution par le médiateur
    • Les parties ne sont pas parvenues à trouver un accord, de sorte que leur différend subsiste.
    • Dans cette hypothèse, l’article R. 612-3 du Code de la consommation prévoit que le médiateur doit proposer aux parties une solution pour régler le litige.
    • C’est là une différence majeure avec la médiation conventionnelle ordinaire dans le cadre de laquelle la mission du médiateur se limite à conduire les parties à trouver un accord sans proposer directement de solution.
    • En matière de médiation des litiges de consommation, le rôle du médiateur est bien moins effacé dans la mesure où il doit statuer faute d’accord amiable trouvé d’elles-mêmes par les parties.
    • Lorsque toutefois le médiateur se prononce, il ne rend pas une sentence comme le ferait un arbitre ou un jugement à l’instar d’un juge ; il émet seulement un avis.
    • La différence tient au caractère non contraignant de cet avis, lequel ne s’impose pas aux parties.
    • Elles sont, en effet, parfaitement libres de suivre ou de ne pas suivre la solution proposée par le médiateur.
  • Le contenu de la proposition de solution par le médiateur
    • La proposition de solution formulée par le médiateur doit contenir l’exposé des circonstances de fait, de droit et d’équité qui motivent cette proposition.
  • La notification de la proposition de solution formulée par le médiateur
    • L’article R. 612-4 du Code de la consommation prévoit que le médiateur doit faire connaître par courrier simple ou par voie électronique aux parties sa proposition de solution.
    • Cette notification doit, par ailleurs, leur rappeler :
      • Qu’elles sont libres d’accepter ou de refuser sa proposition de solution ;
      • Que la participation à la médiation n’exclut pas la possibilité d’un recours devant une juridiction ;
      • Que la solution peut être différente de la décision qui serait rendue par un juge.
    • Le médiateur doit préciser, en outre, quels sont les effets juridiques de l’acceptation de la proposition de solution et fixe un délai d’acceptation ou de refus de celle-ci.
  • Les effets de la proposition de solution formulée par le médiateur
    • Comme indiqué précédemment, la proposition de solution formulée par le médiateur est non contraignante, de sorte que les parties ne sont pas tenues de la suivre.
    • C’est la raison pour laquelle dans le courrier de notification de la proposition de solution, il doit leur être indiqué qu’elles sont libres de l’accepter ou de la refuser.
    • Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, compte tenu de ce que la proposition de solution formulée par le médiateur est couverte par la confidentialité de la médiation, elle ne saurait être produite en justice par l’une ou l’autre partie, sous peine d’être déclarée irrecevable par le juge.
  • Prise de position des parties
    • Les parties acceptent la proposition de solution
      • En cas d’acceptation par les parties de la proposition de solution formulée par le médiateur, la médiation est close.
      • Comme rappelé toutefois par la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation, il n’entre pas dans la mission du médiateur de la consommation de faire signer un protocole transactionnel aux parties en cause.
      • Dès lors, si ces dernières souhaitent recourir à ce type d’accord, une telle démarche ne peut relever que de leur propre initiative et ne peut être entreprise qu’après la clôture de la médiation.
      • Au surplus, il peut être observé que pour conférer à leur accord la force exécutoire, il appartient aux parties de saisir le juge aux fins d’homologation dans les conditions énoncées à l’article 1565 du Code de procédure civile.
      • Cette disposition prévoit, pour mémoire, que l’accord auquel sont parvenues les parties à une médiation, une conciliation ou une procédure participative peut être soumis, aux fins de le rendre exécutoire, à l’homologation du juge compétent pour connaître du contentieux dans la matière considérée.
      • Le juge à qui est soumis l’accord ne peut en modifier les termes.
    • L’une des parties refuse la proposition de solution
      • Lorsque la proposition de solution du médiateur de la consommation n’est pas acceptée par l’une des parties, la médiation est close.
      • Dans une telle situation, il n’entre pas dans la mission du médiateur de la consommation de proposer un autre mode de résolution des litiges, les parties étant alors libres de procéder comme elles l’entendent, et notamment de saisir la juridiction.
      • La question s’est posée de savoir quelles conséquences tirées de l’absence de réponse d’une des parties à la proposition de solution formulée par le médiateur.
      • Pour la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation, l’interprétation du silence de l’une des parties à la solution proposée par le médiateur ne saurait être appréciée au cas par cas.
      • Il appartient au médiateur d’indiquer expressément aux parties, dès l’engagement du processus de médiation, si ce silence vaut acceptation ou refus, ainsi que le délai au terme duquel l’acceptation ou le refus sont constatés.
  • Vérification par le médiateur de la position des parties
    • La Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation a eu l’occasion de préciser que le médiateur exerce un rôle d’intermédiaire jusqu’à la clôture du dossier.
    • Aussi, son rôle ne s’arrête pas à la notification de sa proposition de solution aux parties.
    • Il lui appartient ensuite de vérifier personnellement l’accord des parties sur cette proposition.
    • Ainsi, la pratique consistant à demander au professionnel de confirmer directement au consommateur s’il accepte ou s’il refuse la proposition du médiateur de la consommation, est proscrite.

5. Clôture de la médiation

Comme énoncé par la jurisprudence de la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation, la médiation de la consommation prend fin au moment où :

  • Soit les deux parties parviennent à un accord ou acceptent la proposition du médiateur, ce qui scelle le succès de la médiation,
  • Soit l’une au moins des parties refuse cette proposition, ce qui traduit l’échec de la médiation.

Aussi, est-il nécessaire, pour assurer la sécurité juridique de chacun, que :

  • Le délai de prise de décision des parties soit prédéterminé et limité dans le temps ;
  • Le médiateur soit informé de ces décisions, fût-ce en tirant les conséquences d’un silence.

Dans cette perspective, les systèmes suivants sont validés :

  • Le médiateur fixe un délai au consommateur et au professionnel pour accepter ou refuser sa proposition de solution
  • L’absence de réponse dans ce délai est assimilée soit à un refus, soit à un accord. Encore faut-il que les parties aient été préalablement informées, de façon claire et non équivoque, des conséquences attachées à leur silence

Cette information doit figurer dans le courrier de notification de la proposition aux parties.

Enfin, le médiateur joint à sa proposition de solution un formulaire de réponse afin que les parties puissent lui signifier aisément leur acceptation ou leur refus.

La médiation prend donc fin soit à la date où les parties acquiescent ou font connaître leur refus, soit, si l’une au moins garde le silence, à l’expiration du délai qui lui a été imparti pour se prononcer.

Dans le cas où la proposition de solution s’avère totalement défavorable au consommateur, la médiation peut être considérée comme close après l’expiration du délai figurant dans la notification qui lui est adressée sous réserve que le consommateur soit clairement informé de la possibilité de saisir la juridiction compétente (CECMC Plén. 26 mai 2021 ; CECMC Plén., 17 nov. 2021).

  1. Le décret n°2003-1166 du 2 décembre 2003 et l’arrêté du 12 février 2004 ont créé un diplôme d’Etat de médiateur familial qui atteste des compétences nécessaires pour intervenir auprès de personnes en situation de rupture ou de séparation afin de favoriser la reconstruction de leur lien familial et aider à la recherche de solutions répondant aux besoins de chacun des membres de la famille.
  2. S. Bernheim-Desvaux, « Résolution extrajudiciaire des litiges de consommation », éd. Lexisnexis, JurisClasseur Concurrence-Consommation, fasc. 1230, § 35.

 

 

 

La médiation des litiges de consommation: régime

?Origines

L’instauration d’un dispositif de médiation pour les litiges de consommation est issue d’une démarche européenne qui a commencé à germer à partir de la fin des années 1990.

Le processus législatif a été engagé par l’adoption de deux recommandations émanant de la Commission européenne en date des 30 mars 1998 et 4 avril 2001. Ces deux recommandations visaient à énoncer les grands principes applicables aux organes responsables pour la résolution extrajudiciaire des litiges de consommation.

Puis, le législateur européen a adopté la directive 2008/52/CE du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale.

Cette directive a été envisagée afin de faciliter l’accès à des procédures alternatives de résolution des litiges et de favoriser le règlement amiable des litiges en encourageant le recours à la médiation et en garantissant une articulation satisfaisante entre la médiation et les procédures judiciaires. Elle a été transposée en droit français par l’ordonnance n°2011-1540 du 16 novembre 2011.

Jugeant que les modes alternatifs de règlement extrajudiciaire n’étaient pas encore suffisamment développés au sein de l’Union européenne pour les litiges de consommation, en raison notamment d’une méconnaissance par les consommateurs de leur existence, le législateur européen a adopté un nouveau texte, la directive 2013/11/UE du 21 mai 2013 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation.

Le principal objectif assigné par le législateur européen à cette directive est de « contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur, en faisant en sorte que les consommateurs puissent, à titre volontaire, introduire des plaintes contre des professionnels auprès d’entités appliquant des procédures de règlement extrajudiciaire des litiges indépendantes, impartiales, transparentes, efficaces, rapides et équitables ».

Ce texte vise, autrement dit, à garantir aux consommateurs un accès à des solutions de résolution de leurs litiges simples, rapides, efficaces et peu onéreuses comme alternative à la voie judiciaire qui est souvent longue, coûteuse et dont l’issue est très aléatoire.

La directive du 21 mai 2013 a été transposée en droit français par l’ordonnance n°2015-1033 du 20 août 2015.

Cette ordonnance a introduit plusieurs dispositions dans la partie législative du Code de la consommation regroupées sous un titre dédié à la « Médiation ».

Ces dispositions ont été complétées par le décret n°2015-1382 du 30 octobre 2015 qui a parachevé la transposition de la directive du 21 mai 2013.

Aujourd’hui, la médiation des litiges de la consommation est régie :

  • D’une part, par les articles L. 611-1 à L. 616-3 et L. 641-1 du Code de la consommation
  • D’autre part, par les articles R. 612-1 à R. 616-2 du Code de la consommation

Il peut être observé que, compte tenu de ce que la directive 2013/11/UE du 21 mai 2013 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation a posé un certain nombre d’exigences spécifiques relatives au statut du médiateur et au processus de médiation, les règles du Code de procédures civiles régissant la médiation conventionnelle n’ont pas vocation à s’appliquer à la médiation des litiges de consommation, quand bien même cette forme de médiation présente un caractère conventionnel.

Comme relevé par la doctrine la médiation des litiges de consommation doit ainsi être regardée comme « une médiation conventionnelle d’un nouveau type »[2].

?Notion

Bien que la médiation des litiges de consommation présente une véritable singularité dans le domaine de la médiation conventionnelle, le législateur n’a pas jugé bon de lui conférer une définition spécifique.

L’article L. 611-1 du Code de la consommation renvoie, en effet, à la définition générique de la médiation qui est énoncée à l’article 21 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et de la procédure civile, pénale et administrative ou un autre processus de médiation conventionnelle prévu par la loi.

Pour mémoire, cette disposition définit la médiation comme « tout processus structuré, quelle qu’en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par le juge saisi du litige. »

L. 611-4 du Code de la consommation précise toutefois que ne sont pas considérés comme des litiges de consommation, au sens du présent titre, les litiges concernant :

  • Les services d’intérêt général non économique
    • Si l’on s’en rapporte à une communication de la Commission européenne 2016/C 262/01 du 19 juillet 2016, sont visées ici les activités en lien avec :
      • L’armée ou la police
      • La sécurité et le contrôle de la navigation aérienne
      • Le contrôle et la sécurité du trafic maritime
      • La surveillance antipollution
      • L’organisation, le financement et l’exécution des peines d’emprisonnement
      • La valorisation et la revitalisation de terrains publics par des autorités publiques
      • La collecte de données à utiliser à des fins publiques sur la base d’une obligation légale pour les entreprises concernées de communiquer de telles données
      • La sécurité sociale
  • Les services de santé fournis par des professionnels de la santé aux patients pour évaluer, maintenir ou rétablir leur état de santé, y compris la prescription, l’administration et la fourniture de médicaments et de dispositifs médicaux
    • Sont ici visés tous les actes réalisés par des professionnels de santé au sens du Code de la santé publique.
    • À cet égard, les professionnels de santé recouvrent trois catégories de professions :
      • Les professions médicales : médecins, odontologistes, chirurgiens-dentistes et sages-femmes (art. L. 4111-1 à L. 4163-10 CSP) ;
      • Les professions de la pharmacie et de la physique médicale : pharmaciens d’officine (exerçant en ville) et hospitaliers et physiciens médicaux (art. L. 4211-1 à L. 4252-3 CSP) ;
      • Les professions d’auxiliaires médicaux : aides-soignants, auxiliaires de puériculture, ambulanciers, assistant dentaires, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, ergothérapeutes, psychomotriciens, orthophonistes, orthoptistes, manipulateurs d’électroradiologie médicale, techniciens de laboratoire médical, audioprothésistes, opticiens-lunetiers, prothésistes, orthésistes, diététiciens (art. L. 4311-1 à L. 4394-4 CSP).
  • Les prestataires publics de l’enseignement supérieur
    • Les prestataires publics de l’enseignement supérieur ne sont pas soumis au dispositif de la médiation des litiges de consommation car ils n’exercent pas une activité économique

Pour ces trois catégories de litiges, le dispositif de médiation des litiges de consommation n’est donc pas applicable.

?Champ d’application

  • Principe
    • L’article L. 611-2 du Code de la consommation prévoit que « la médiation de la consommation s’applique à un litige national ou transfrontalier entre un consommateur et un professionnel ».
    • Il ressort de cette disposition que le dispositif que le dispositif de médiation des litiges de consommation s’applique, par principe, à tous les professionnels sans distinction.
    • Pour rappel, par professionnel il faut entendre au sens de l’article liminaire du Code de la consommation « toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel ».
    • Quant au consommateur, il s’agit, selon le même article, de « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ».
    • Aussi, dès lors qu’un différend survient entre un consommateur et un professionnel dans le cadre de leur relation contractuelle ou précontractuelle, celui-ci peut être porté devant un médiateur de la consommation.
  • Exclusions
    • Si par principe le dispositif de médiation institué dans le Code de la consommation a vocation à s’appliquer à tous les litiges opposant un consommateur à un professionnel, le législateur a prévu un certain nombre d’exclusions.
    • En application de l’article L. 611-3 du Code de la consommation prévoit ainsi que la médiation des litiges de la consommation ne s’applique pas
      • Aux litiges entre professionnels ;
      • Aux réclamations portées par le consommateur auprès du service clientèle du professionnel ;
      • Aux négociations directes entre le consommateur et le professionnel ;
      • Aux tentatives de conciliation ou de médiation ordonnées par un tribunal saisi du litige de consommation ;
      • Aux procédures introduites par un professionnel contre un consommateur.

A) Le statut du médiateur de la consommation

1. Conditions d’obtention du statut de médiateur de la consommation

?Conditions générales

En premier lieu, il peut être observé que, conformément à l’article L. 611-1, 6° du Code de la consommation, le médiateur de la consommation peut être tout autant une personne physique, qu’une personne morale.

En second lieu, l’article L. 613-1 du Code de la consommation prévoit que l’obtention du statut de médiation de la consommation est subordonnée à la réunion des conditions suivantes :

  • Posséder des aptitudes dans le domaine de la médiation ainsi que de bonnes connaissances juridiques, notamment dans le domaine de la consommation ;
  • Être nommé pour une durée minimale de trois années ;
  • Être rémunéré sans considération du résultat de la médiation ;
  • Ne pas être en situation de conflit d’intérêts et le cas échéant le signaler.
  • Il est inscrit sur la liste des médiateurs notifiée à la Commission européenne.

Ces conditions ont vocation à s’appliquer à tous les médiateurs de la consommation.

?Conditions spécifiques

Des conditions supplémentaires s’appliquent lorsque la personne désignée pour exercer la fonction de médiateur de la consommation est employée ou rémunérée exclusivement par le professionnel ou par un organisme ou une fédération professionnelle :

  • Le médiateur est employé ou rémunéré exclusivement par le professionnel
    • Dans cette hypothèse, le médiateur de la consommation doit satisfaire aux conditions supplémentaires suivantes :
      • Il doit être désigné, selon une procédure transparente, par un organe collégial mis en place par l’entreprise, comprenant des représentants d’associations de défense des consommateurs agréées et des représentants du professionnel, ou relevant d’une instance nationale consultative dans le domaine de la consommation ou propre à un secteur d’activité dans des conditions fixées par décret ;
      • À l’issue de son mandat, le médiateur a l’interdiction de travailler pendant au moins trois ans pour le professionnel qui l’a employé ou pour la fédération à laquelle ce professionnel est affilié ;
      • Aucun lien hiérarchique ou fonctionnel entre le professionnel et le médiateur ne peut exister pendant l’exercice de sa mission de médiation. Le médiateur doit être clairement séparé des organes opérationnels du professionnel et dispose d’un budget distinct et suffisant pour l’exécution de ses missions.
  • Le médiateur est employé ou rémunéré exclusivement par un organisme ou une fédération professionnelle
    • Dans cette hypothèse, outre la satisfaction des conditions énoncées à l’article L. 613-1 du Code de la consommation, il doit disposer d’un budget distinct et suffisant pour mener à bien sa mission, hormis le cas où il appartient à un organe collégial, composé à parité de représentants d’associations agréées de défense des consommateurs et de représentants des professionnels.

B) Les obligations pesant sur le médiateur de la consommation

1. Obligations relatives à la communication du médiateur auprès des consommateurs

?Mise en place d’un site internet

En application de l’article L. 614-1 du Code de la consommation, il appartient à tout médiateur de la consommation de mettre en place un site internet consacré à la médiation et fournissant un accès direct aux informations relatives au processus de médiation.

Sur demande, ces informations peuvent être mises à disposition sur un autre support durable.

?Les informations devant être publiées sur le site internet du médiateur

Le médiateur doit fournir aux consommateurs un certain nombre d’informations via son sur internet.

Ces informations sont relatives, d’une part, à son statut et à sa compétence et, d’autre part, au rapport d’activité qu’il doit publier chaque année

  • S’agissant des informations relatives au statut et à la compétence du médiateur
    • Conformément à l’article R. 614-1 du Code de la consommation, le site internet du médiateur de la consommation doit comprendre les informations suivantes :
      • Les adresses postale et électronique du médiateur ;
      • La mention de son inscription sur la liste des médiateurs établie conformément à l’article L. 615-1 ;
      • La décision de sa nomination et la durée de son mandat ;
      • Ses diplômes ou son parcours professionnel ;
      • Son appartenance, le cas échéant, à des réseaux de médiateurs de litiges transfrontaliers ;
      • Les types de litiges relevant de sa compétence ;
      • La référence aux dispositions législatives et réglementaires relatives à la médiation des litiges de consommation ;
      • Les cas dans lesquels, en application de l’article L. 612-2, un litige ne peut faire l’objet d’une médiation ;
      • La liste des langues utilisées pour la médiation ;
      • Le lien vers le site internet de la Commission européenne dédié à la médiation de la consommation.
    • L’article L. 614-2 du Code de la consommation précise que le médiateur doit fournir sur son site internet un lien électronique vers la plate-forme européenne de résolution en ligne des litiges prévue par le règlement (UE) n° 524/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 relatif au règlement en ligne des litiges de consommation et modifiant le règlement (CEE) n° 2006/2004 et la directive n° 2009/22/CE (règlement relatif au RLLC).
  • S’agissant des informations relatives au rapport annuel du médiateur
    • En application de l’article R. 614-2 du Code de la consommation,
    • Le médiateur doit mettre à la disposition du public sur son site internet ou communiquer sur demande son rapport annuel d’activité comprenant les informations suivantes :
      • Le nombre de litiges dont il a été saisi et leur objet ;
      • Les questions les plus fréquemment rencontrées dans les litiges qui lui sont soumis et ses recommandations afin de les éviter ;
      • La proportion de litiges qu’il a refusé de traiter et l’évaluation en pourcentage des différents motifs de refus ;
      • Le pourcentage des médiations interrompues et les causes principales de cette interruption ;
      • La durée moyenne nécessaire à la résolution des litiges ;
      • S’il est connu, le pourcentage des médiations qui sont exécutées ;
      • L’existence de la coopération au sein de réseaux de médiateurs de litiges transfrontaliers ;
      • Pour les médiateurs rémunérés ou employés exclusivement par un professionnel, le pourcentage des solutions proposées en faveur du consommateur ou du professionnel ainsi que le pourcentage des litiges résolus à l’amiable.

2. Obligations relatives à la mission du médiateur

?Principes directeurs

L’article L. 613-1 du Code de la consommation prévoit que le médiateur de la consommation doit accomplir sa mission avec diligence et compétence, en toute indépendance et impartialité, dans le cadre d’une procédure transparente, efficace et équitable.

Cette disposition ne fait que reprendre les principes directeurs énoncés par l’article 21-2 de la loi n°95-125 du 8 février 1995 auxquels sont soumis tous les médiateurs sans distinction.

Ces principes sont définis par le Code de conduite européen pour les médiateurs comme suit :

  • Impartialité
    • L’action du médiateur doit en permanence être impartiale et doit être vue comme telle.
    • Aussi, le médiateur doit-il s’engager à servir toutes les parties d’une manière neutre et équitable.
    • Cela implique qu’il ne doit jamais prendre position pour une l’une ou l’autre partie.
  • Compétence
    • Pour exercer sa mission, le médiateur doit disposer des connaissances suffisantes et de la qualification requise au regard de la nature du différend dans le cadre duquel il a vocation à intervenir.
    • Autrement dit, il doit être en capacité d’éclairer et de guider utilement les parties dans la recherche d’un accord amiable.
    • Concrètement, cela qui suppose que le médiateur qu’il ait une aptitude à comprendre le contexte juridique et qu’il possède une connaissance des techniques de médiation ainsi que des compétences en communication.
  • Indépendance
    • Le médiateur doit agir, aussi longtemps que dure la médiation, en toute indépendance.
    • Cela signifie que, avant d’entamer ou de poursuivre sa médiation, le médiateur doit divulguer toutes les circonstances qui sont de nature à affecter son indépendance ou entraîner un conflit d’intérêts ou qui sont susceptibles d’être considérées comme telles.
    • Ces circonstances peuvent être :
      • toute relation d’ordre privé ou professionnel avec une des parties,
      • tout intérêt financier ou autre, direct ou indirect, dans l’issue de la médiation, ou le fait que le médiateur, ou un membre de son cabinet, a agi en une qualité autre que celle de médiateur pour une des parties.
    • Lorsque l’une de ces circonstances se présente le médiateur ne peut accepter ou poursuivre la médiation que s’il est certain de pouvoir la mener en toute indépendance et en toute neutralité afin de garantir une impartialité totale et à condition que les parties donnent leur consentement exprès.
  • Diligence
    • L’exigence de diligence qui pèse sur les médiateurs signifie qu’ils doivent agir avec soin, attention et promptitude dans l’exercice de leurs fonctions pour servir les intérêts des parties.
    • Concrètement cela implique que le médiateur respecte les délais convenus, maintienne une communication claire avec les parties et veille à ce que le processus de médiation progresse de manière ordonnée.
  • Transparence
    • L’obligation de transparence du médiateur implique qu’il communique aux consommateurs les informations relatives à
      • Son statut et sa compétence
      • Le processus de médiation
      • Son activité
    • Ces informations doivent être communiquées via son site internet ou, sur demande, via tout autre support durable.

L’article R. 613-1 du Code de la consommation précise que le médiateur de la consommation doit informer sans délai les parties de la survenance de toute circonstance susceptible d’affecter son indépendance, son impartialité ou de nature à créer un conflit d’intérêts ainsi que de leur droit de s’opposer à la poursuite de sa mission.

Si l’une des parties refuse en conséquence de poursuivre la médiation, il est mis fin à la mission du médiateur. Lorsque le médiateur est une personne morale, il est pourvu au remplacement de la personne physique chargée d’accomplir la mission de médiation.

En tout état de cause, compte tenu de l’indépendance à laquelle est tenu le médiateur, il ne peut recevoir aucune instruction des parties (art. R. 613-1, al. 2 C. conso).

Par ailleurs, la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation a pu indiquer que l’engagement pris par un professionnel d’accepter, par avance, d’entrer en médiation et toute proposition de solution du médiateur de la consommation contrevenait à la nature même du processus de résolution amiable du litige entre les parties et est susceptible d’affecter l’office du médiateur, lequel doit accomplir sa mission « en toute indépendance et impartialité, dans le cadre d’une procédure transparente, efficace et équitable » (art. L.613-1 C. conso.)

?Obligation de confidentialité

L’article L. 612-3 du code la consommation dispose que la médiation des litiges de consommation est soumise à l’obligation de confidentialité prévue par l’article 21 -3 de la loi n° 95-l 25 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.

L’alinéa 2 de l’article 21-3 de la loi n°95-125 du 8 février 1995 précise que « les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées aux tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d’une instance judiciaire ou arbitrale sans l’accord des parties ».

Conformément à l’interprétation retenue par la Cour de cassation dans un arrêt du 9 juin 2022, cette obligation de confidentialité s’étend à la proposition de solution que le médiateur transmet aux parties en application de l’article R. 612-4 du code de la consommation (Cass. 2e civ., 09 juin 2022, n°19-21.798).

Cette dernière a, en effet, jugé « qu’en dehors des cas dérogatoires prévus par la loi, l’atteinte à l’obligation de confidentialité de la médiation impose que les pièces produites sans l’accord de la partie adverse, soient, au besoin d’office, écartées des débats par le juge ».

L’obligation de confidentialité ainsi attachée à une tentative préalable de médiation s’étend de la décision de recevabilité de la saisine du médiateur de la consommation jusqu’à la proposition de solution du médiateur.

La conséquence en est que cette proposition de solution qui est adressée aux parties, ne saurait être produite en justice dans l’hypothèse où l’une d’elles déciderait de saisir le juge.

En revanche, les décisions qui sont un préalable à la conduite des médiations telles que les refus d’entrer en médiation ou le retrait de l’une ou l’autre des parties en cours de médiation ne sont pas soumises à la confidentialité de la médiation.

?Obligation d’établir un rapport annuel

L’article L. 613-1 du Code de la consommation prévoit que le médiateur doit établir chaque année un rapport sur son activité qui doit comporter les informations suivantes :

  • Le nombre de litiges dont il a été saisi et leur objet ;
  • Les questions les plus fréquemment rencontrées dans les litiges qui lui sont soumis et ses recommandations afin de les éviter ;
  • La proportion de litiges qu’il a refusé de traiter et l’évaluation en pourcentage des différents motifs de refus ;
  • Le pourcentage des médiations interrompues et les causes principales de cette interruption ;
  • La durée moyenne nécessaire à la résolution des litiges ;
  • S’il est connu, le pourcentage des médiations qui sont exécutées ;
  • L’existence de la coopération au sein de réseaux de médiateurs de litiges transfrontaliers ;
  • Pour les médiateurs rémunérés ou employés exclusivement par un professionnel, le pourcentage des solutions proposées en faveur du consommateur ou du professionnel ainsi que le pourcentage des litiges résolus à l’amiable.

3. Obligations relatives à l’inscription du médiateur sur la liste européenne des médiateurs de la consommation

En application de l’article L. 614-4 du Code de la consommation tout médiateur de la consommation doit communiquer à la Commission d’Évaluation et de Contrôle de la Médiation de la Consommation (CECMC) les informations relatives à ses compétences, son organisation et son activité.

C) La Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation

Les médiateurs de la consommation sont supervisés par la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation (CECMC)

1. Composition de la CECMC

Tout d’abord, la commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation mentionnée à l’article L. 615-1 est composée :

  • D’un conseiller d’État ;
  • D’un conseiller à la Cour de cassation en activité ou honoraire ;
  • De quatre personnalités qualifiées dans le domaine juridique ou en matière de médiation ;
  • De deux représentants des associations de consommateurs agréées au plan national ;
  • De deux représentants d’organisations professionnelles.

Ensuite, les membres de la commission sont nommés par arrêté du ministre chargé de l’économie pour une durée de trois ans renouvelable, sur proposition du vice-président du Conseil d’État pour le conseiller d’État et sur proposition du premier président de la Cour de cassation pour le conseiller à la Cour de cassation.

Des suppléants sont désignés en nombre égal et dans les mêmes formes.

Le président et le vice-président de la commission sont choisis, le Conseiller d’État et le Conseiller à la Cour de cassation désignés, par arrêté du ministre chargé de l’économie.

Enfin les dispositions de l’article 74 de la loi n°2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes et du décret n° 2015-354 du 27 mars 2015 relatif à l’égal accès des femmes et des hommes aux commissions et instances consultatives ou délibératives placées auprès du Premier ministre, des ministres ou de la Banque de France sont applicables à la commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation.

2. Missions de la CECMC

En application de l’article L. 615-1 du Code de la consommation, deux missions principales sont assignées à la CECMC :

  • La mise à jour et la notification auprès de la Commission européenne de la liste européenne des médiateurs de la consommation
  • L’évaluation et le contrôle de l’activité des médiateurs inscrits sur la liste européenne des médiateurs de la consommation

a. Mission relative à la liste européenne des médiateurs de la consommation

?Établissement et mise à jour de la liste

L’article R. 615-5 du Code de la consommation prévoit qu’il appartient à la CECMC d’examiner les candidatures des personnes souhaitant être inscrites sur la liste des médiateurs de la consommation au vu des informations communiquées en application de l’article R. 614-3 et décide de leur inscription sur cette liste.

Pour ce faire, elle peut faire appel à des rapporteurs appartenant aux services de l’État en charge des secteurs d’activité concernés pour l’instruction des dossiers nécessaires à l’établissement de la liste des médiateurs notifiée à la Commission européenne, ainsi que pour leur évaluation (art. L. 616-4 C. conso).

À cette même fin, la commission peut également saisir, pour avis, les autorités publiques indépendantes et les autorités administratives indépendantes, dans les domaines d’activité où elles interviennent.

Dans l’exercice de ses missions, la commission coopère avec ses homologues étrangers.

?Notification de la liste auprès de la Commission européenne

Une fois la liste des médiateurs actualisée, la CECMC doit la notifier à la Commission européenne en précisant que les médiateurs inscrits sur la liste satisfont aux exigences de qualité et remplissent les conditions prévues aux articles R. 612-1 à R. 612-5.

La liste doit préciser pour chaque médiateur :

  • Son nom, ses coordonnées et l’adresse de son site internet ;
  • La ou les langues dans lesquelles les demandes de médiation peuvent être introduites et les processus de médiation se dérouler ;
  • Les types de litiges relevant du champ de compétence du médiateur
  • Les secteurs et les catégories de litiges relevant de sa compétence ;
  • Le cas échéant, les frais de sa prestation facturés au professionnel ;
  • La nécessité ou la possibilité de la présence physique des parties ou de leurs représentants ainsi que le caractère oral ou écrit du processus de médiation ;
  • Le caractère non contraignant de l’issue de la procédure de médiation ;
  • Les hypothèses dans lesquelles un litige ne peut être traité par le médiateur.

Si ces informations font l’objet de modifications dans les conditions prévues au dernier alinéa de l’article R. 614-3, la commission doit actualiser sans délai la liste et notifier les informations pertinentes à la Commission européenne.

?Publication de la liste

L’article R. 615-9 du Code de la consommation prévoit que la commission doit mettre à la disposition du public la liste actualisée des médiateurs sur son site internet et fournit le lien vers le site internet de la Commission européenne consacré à la médiation de la consommation ainsi que le lien vers le site internet du Centre européen des consommateurs France.

Cette liste est également publiée au Bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

b. Évaluation et contrôle des médiateurs inscrits sur la liste européenne des médiateurs de la consommation

?S’agissant de l’évaluation des médiateurs

L’article R. 615-7 du Code de la consommation prévoit que la CECMC doit évaluer régulièrement les médiateurs afin de vérifier qu’ils répondent toujours aux conditions et exigences de qualité propres à l’exercice de la mission de médiateur de la consommation.

Si elle estime qu’un médiateur ne satisfait plus à ces exigences, elle doit aviser ce dernier, par décision motivée, des manquements constatés et lui demander de se mettre en conformité dans un délai de trois mois à compter de la date de sa décision.

À l’expiration de ce délai, la commission statue sur le retrait du médiateur de la liste mentionnée à l’article L. 615-1.

?S’agissant du contrôle des médiateurs

En application de l’article L. 615-1 du Code de la consommation, la CECMC a notamment pour mission de contrôler la régularité de l’activité des médiateurs inscrits sur la liste européenne des médiateurs de la consommation.

Si un médiateur ne satisfait pas aux conditions exigées au présent titre, la CECMC doit refuser son inscription sur la liste prévue par l’article L. 615-1.

S’il est déjà inscrit et qu’il ne répond plus à ces conditions ou ne respecte pas les obligations lui incombant, elle peut décider du retrait de l’intéressé de cette liste.

La décision prononçant le refus d’inscription ou le retrait de la liste est prise par décision qui doit être motivée. La CECMC doit par ailleurs aviser l’intéressé des manquements constatés et lui demander de se mettre en conformité dans un délai de trois mois à compter de la date de sa décision.

À l’expiration de ce délai, la commission statue sur le retrait du médiateur de la liste mentionnée à l’article L. 615-1.

3. Fonctionnement de la CECMC

?Pouvoirs

L’article R. 615-10 du Code de la consommation prévoit que la CECMC peut entendre toute personne et se faire communiquer tout document en vue de l’accomplissement de sa mission.

?Secrétariat

Son secrétariat est assuré par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Il est chargé d’assister la commission dans ses travaux, de recueillir les demandes des personnes souhaitant être inscrites sur la liste des médiateurs et d’informer ces dernières des décisions rendues par la commission.

?Délibération

S’agissant des modalités de délibération de la CECMC, elle ne peut régulièrement délibérer qu’en présence de son président ou de son vice-président et d’au moins trois de ses membres.

Ses séances ne sont pas publiques.

?Rapport sur la médiation

L’article R. 615-9 du Code de la consommation fait obligation à la CECMC de publier sur son site internet, tous les quatre ans, un rapport sur l’évolution et le fonctionnement des médiations de la consommation et le communique à la Commission européenne.

Ce rapport doit contenir :

  • Le recensement des bonnes pratiques des médiateurs ;
  • Les dysfonctionnements des processus de médiation relevés à l’aide de statistiques ;
  • Des recommandations en vue de l’amélioration du fonctionnement effectif des médiations et de l’efficacité des médiateurs.

D) Le processus de médiation de la consommation

1. Droit à la médiation

a. Contenu du droit de recourir à un dispositif de médiation

?Principe

L’article 612-1 du Code de la consommation prévoit que « tout consommateur a le droit de recourir gratuitement à un médiateur de la consommation en vue de la résolution amiable du litige qui l’oppose à un professionnel ».

Il ressort de cette disposition que le recours à un dispositif de médiation en cas de survenance d’un différend avec un professionnel est une faculté pour le consommateur.

Cela signifie que celui-ci est libre de saisir ou de ne pas saisir le médiateur de la consommation.

?Tempérament

Si le recours à une médiation est un droit dont l’exercice est laissé à la discrétion du consommateur, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, il est admis qu’un texte puisse imposer aux justiciables la mise en œuvre préalable d’une procédure de règlement amiable des litiges préalablement à l’introduction d’une action en justice (CJUE, arrêt du 18 mars 2010, Alassini et a., C-317/08, C-318/08, C- 319/08 et C-320/08).

C’est ce que le législateur français a fait à l’occasion de l’adoption de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice qui a par suite été complétée par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019.

Ce texte a, en effet, introduit dans le Code de procédure civile un article 750-1 lequel prévoit que devant le Tribunal judiciaire, « à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à l’une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire ou à un trouble de voisinage »

Le recours à la médiation, à tout le moins à l’un des trois modes alternatifs de règlement amiable des litiges est ainsi devenu obligatoire pour certains litiges mineurs portés devant le Tribunal judiciaire.

La saisine d’un médiateur constitue l’une de ces voies devant être empruntée préalablement à la saisine du juge.

b. Garantie du recours effectif à un dispositif de médiation

?Obligations pesant sur le professionnel

L’article L. 612-1 du Code de la consommation prévoit qu’il appartient au professionnel de garantir au consommateur « le recours effectif à un dispositif de médiation de la consommation ».

De cette obligation qui pèse sur la tête du médiateur découle plusieurs exigences énoncées par le Code de la consommation :

  • Affiliation à un médiateur
    • Il appartient à tout professionnel de s’affilier à un médiateur afin d’être en capacité de fournir aux consommateurs un dispositif de médiation
    • Pour ce faire, le professionnel dispose de deux options :
      • Soit il met en place son propre dispositif de médiation de la consommation
      • Soit il propose au consommateur le recours à tout autre médiateur de la consommation
    • L’article L. 612-1 du Code de la consommation précise que lorsqu’il existe un médiateur de la consommation dont la compétence s’étend à l’ensemble des entreprises d’un domaine d’activité économique dont il relève, le professionnel permet toujours au consommateur d’y recourir.
  • Information sur le dispositif de médiation
    • L’article L. 616-1 du Code de la consommation prévoit que le professionnel a l’obligation de communiquer au consommateur les coordonnées du ou des médiateurs compétents dont il relève.
    • Il est également tenu de fournir cette même information au consommateur, dès lors qu’un litige n’a pas pu être réglé dans le cadre d’une réclamation préalable directement introduite auprès de ses services.
    • S’agissant des modalités de communication de cette information, l’article R. 616-1 du Code de la consommation précise que le professionnel communique au consommateur les coordonnées du ou des médiateurs de la consommation dont il relève, en inscrivant ces informations de manière visible et lisible sur son site internet, sur ses conditions générales de vente ou de service, sur ses bons de commande ou, en l’absence de tels supports, par tout autre moyen approprié.
    • Il doit y mentionner également l’adresse du site internet du ou de ces médiateurs.
  • Gratuité du recours au dispositif de médiation
    • Principe
      • En application de l’article L. 612-1 du Code de la consommation, le professionnel doit garantir au consommateur le droit de recourir gratuitement à un médiateur de la consommation.
      • Aussi, le coût de la médiation est-il à la charge exclusive du professionnel.
      • Ce système vise à favoriser l’exercice par le consommateur de son droit à saisir un médiateur de la consommation.
    • Tempéraments
      • Si le recours à un dispositif de médiation est, en principe, gratuit, le consommateur conserve toutefois à sa charge les frais engendrés lorsque :
        • Soit il décide de se faire faire représenter par un avocat ou assister par toute autre personne de son choix
        • Soit il sollicite l’avis d’un expert, sauf à ce que la sollicitation soit conjointe auquel cas les frais sont partagés entre les parties.

?Interdiction s’imposant au professionnel

L’article L. 612-4 du Code de la consommation prévoit que « est interdite toute clause ou convention obligeant le consommateur, en cas de litige, à recourir obligatoirement à une médiation préalablement à la saisine du juge. »

Cette disposition vise à garantir au consommateur la liberté de ne pas recourir au dispositif de médiation proposé par le professionnel en cas de litige et incidemment le droit de saisir directement le juge, sauf à ce que les conditions d’application de l’article 750-1 du Code de procédure civile soient réunies.

2. Saisine du médiateur

a. Cas de saisine du médiateur

Si le recours à un dispositif de médiation est un droit reconnu à tout consommateur, le médiateur ne peut être saisi que dans certains cas très précis.

L’article L. 612-2 du Code de la consommation prévoit en ce sens qu’un litige ne peut pas être examiné par le médiateur de la consommation lorsque :

  • Soit le consommateur ne justifie pas avoir tenté, au préalable, de résoudre son litige directement auprès du professionnel par une réclamation écrite selon les modalités prévues, le cas échéant, dans le contrat ;
  • Soit la demande est manifestement infondée ou abusive ;
  • Soit le litige a été précédemment examiné ou est en cours d’examen par un autre médiateur ou par un tribunal ;
  • Soit le consommateur a introduit sa demande auprès du médiateur dans un délai supérieur à un an à compter de sa réclamation écrite auprès du professionnel ;
  • Soit le litige n’entre pas dans le champ de compétence du médiateur.

Positivement cela signifie que pour être recevable à saisir le médiateur le consommateur doit :

  • D’une part, avoir tenté, au préalable, de résoudre son litige directement auprès du professionnel par une réclamation écrite selon les modalités prévues, le cas échéant, dans le contrat ;
  • D’autre part, avoir saisi le médiateur dans un délai d’un an à compter de la réclamation écrite adressée au professionnel
  • Enfin, avoir saisi le médiateur pour un litige qui :
    • Relève de son domaine de compétence, soit un litige de consommation au sens de l’article L. 611-2 du Code de la consommation
    • Ne fait pas partie des exclusions du champ d’application du dispositif de médiation des litiges de la consommation énoncées par l’article L. 611-3 du Code de la consommation

b. Modalités de la saisine du médiateur

En application de l’article R. 612-1 du Code de la consommation, le médiateur peut être saisi :

  • Soit par voie postale
    • L’article L. 614-3 du Code de la consommation prévoit que « les parties doivent toujours avoir la possibilité de recourir à la médiation par voie postale. »
    • L’article R. 612-1 énonce dans le même sens que la médiation des litiges de la consommation doit être aisément accessible par courrier simple à toutes les parties, consommateur ou professionnel
  • Soit par voie électronique
    • Le consommateur doit pouvoir saisir le médiateur
      • Soit via son site internet
        • L’article L. 614-1 du Code de la consommation prévoit que le site internet qui doit être mis en place par tout médiateur doit permettre aux consommateurs de déposer en ligne une demande de médiation accompagnée des documents justificatifs.
      • Soit par voie de courrier électronique
        • En application de l’article R. 612-1 du Code de la consommation, la médiation des litiges de la consommation mentionnée doit être aisément accessible par voie électronique à toutes les parties, consommateur ou professionnel.

c. Étude de la recevabilité de la saisine

?Compétence exclusive du médiateur

Comme énoncé par la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation, la recevabilité d’un dossier relève de la seule compétence du médiateur de la consommation.

Aussi, ne saurait-elle être examinée conjointement avec le professionnel ou son représentant.

Si dans le cadre de l’instruction de la saisine, il est loisible au médiateur de solliciter du professionnel des précisions sur des éléments du dossier qui feraient défaut, le médiateur demeure seul responsable de l’appréciation, à la fois, des litiges entrant dans le champ d’application de la médiation de la consommation en application de l’article L.611-3 du code de la consommation et de la recevabilité de la saisine au regard des dispositions de l’article L.612-2 du même code.

En tout état de cause, le professionnel, qui est partie à l’éventuelle médiation, ne saurait interférer dans cette appréciation.

?Les cas d’irrecevabilité de la saisine

En application de l’article R. 612-2 du Code de la consommation « dès réception des documents sur lesquels est fondée la demande du consommateur, le médiateur de la consommation notifie aux parties par voie électronique ou par courrier simple sa saisine. »

Ainsi pèse sur le médiateur l’obligation d’accuser bonne réception de la demande du consommateur.

À réception de la demande qui lui est adressée, le médiateur procède à une étude de recevabilité du dossier.

Il vérifiera notamment si l’un des cas d’irrecevabilité énoncés à l’article L. 612-2 du Code de la consommation n’est pas caractérisé.

Pour mémoire, un litige ne peut pas être examiné par le médiateur de la consommation lorsque :

  • Soit le consommateur ne justifie pas avoir tenté, au préalable, de résoudre son litige directement auprès du professionnel par une réclamation écrite selon les modalités prévues, le cas échéant, dans le contrat ;
  • Soit la demande est manifestement infondée ou abusive ;
  • Soit le litige a été précédemment examiné ou est en cours d’examen par un autre médiateur ou par un tribunal ;
  • Soit le consommateur a introduit sa demande auprès du médiateur dans un délai supérieur à un an à compter de sa réclamation écrite auprès du professionnel ;
  • Soit le litige n’entre pas dans le champ de compétence du médiateur.

Aucune autre condition ne peut être opposée au consommateur. Il n’est ainsi pas possible de demander au consommateur de vérifier si son dossier est complet pour le déclarer recevable.

C’est au médiateur de la consommation seul qu’il revient d’apprécier si le dossier est complet ou non et, dans la négative, de demander tout document complémentaire au consommateur.

La Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation a eu l’occasion de préciser que l’irrecevabilité n’est pas opposable par le médiateur au consommateur dans les deux cas suivants :

  • Lorsque le litige a été examiné ou est en cours d’examen par un conciliateur de justice ;
  • Lorsque le consommateur a saisi des faits litigieux le procureur de la République, la demande ne pouvant être regardée comme examinée ou en cours d’examen par un tribunal. En effet, le seul dépôt d’une plainte auprès du procureur n’implique pas nécessairement que des poursuites pénales seront engagées, le procureur étant seul maître de l’opportunité des poursuites. Par ailleurs, le procureur de la République ne tranche pas lui-même les litiges. Enfin, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que le procureur de la République ne peut être regardé comme une “autorité judiciaire” au sens de la convention européenne des droits de l’homme, faute en particulier d’indépendance par rapport au pouvoir exécutif (V. en ce sens CEDH 10 juillet 2008, req n° 3394/03, Medvedyev c. France, pt 61.)

?Examen des pièces du dossier

Seuls les documents strictement nécessaires à l’étude de la recevabilité de la demande au sens des articles L. 612-2 et L. 611-1 du Code de la consommation peuvent être exigés du consommateur.

Dans le cas où le consommateur ne disposerait plus d’un document (lettre de réclamation adressée au professionnel, contrat…), il est loisible au médiateur de la consommation de le demander au professionnel.

Une fois la saisine déclarée recevable, il appartient au médiateur de la consommation de demander aux parties tout document complémentaire lui permettant d’apprécier au mieux le litige.

?Issue de l’étude de la recevabilité de la saisine

À réception par le médiateur du dossier du consommateur, deux situations sont susceptibles de se présenter :

  • Première situation : la demande du consommateur est jugée recevable
    • Dans cette hypothèse, le médiateur doit notifier aux parties par voie électronique ou par courrier la recevabilité de la demande qui lui est adressée.
    • À cet égard, il doit indiquer aux parties qu’elles sont libres d’accepter ou de refuser de s’engager dans un processus de médiation.
    • Il doit également leur être rappelé que, à tout moment, elles peuvent se retirer du processus.
    • À cet égard, il peut être observé que si le professionnel a l’obligation de garantir au consommateur le recours effectif à un dispositif de médiation, il n’est pas obligé d’accepter d’entrer en médiation à réception du courrier qui lui est adressé par le médiateur.
    • En pareil cas, le médiateur devra toutefois constater le refus du professionnel afin que le consommateur puisse justifier, le cas échéant, d’une tentative de médiation auprès de la juridiction compétente qu’il entendrait saisir.
    • Compte tenu de ce que le Code de la consommation ne précise pas les modalités d’expression de ce refus, la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation recommande au médiateur de constater explicitement ce refus, par exemple en mentionnant dans le courrier de notification de la saisine du médiateur que le silence du professionnel pendant XX jours sera interprété comme un refus, ou en adressant un courrier de relance au professionnel lui indiquant que son silence persistant sera interprété comme un refus.
    • La Commission a toutefois précisé que, en cas de refus systématique ou réitéré d’un professionnel d’entrer en médiation, le médiateur doit en demander les raisons au professionnel afin de vérifier que le professionnel met réellement tout en œuvre pour garantir un recours effectif à son dispositif de médiation. Le médiateur peut également faire mention dans son rapport d’activité de ces refus systématiques et de leurs causes.
  • Seconde situation :la demande du consommateur est jugée irrecevable
    • Dans cette hypothèse, le médiateur doit notifier au consommateur l’irrecevabilité de sa demande qui lui a été adressée.
    • Tout rejet pour cause d’irrecevabilité doit être dûment motivé.
    • L’article L. 612-2 du Code de la consommation précise que le consommateur doit être informé par le médiateur, dans un délai de trois semaines à compter de la réception de son dossier, du rejet de sa demande de médiation pour cause d’irrecevabilité.
    • Pour le cas spécifique où le consommateur ne justifie pas de la formulation écrite d’une réclamation préalable auprès du professionnel, le médiateur doit :
      • Soit l’inviter à accomplir cette démarche auprès du service clientèle concerné en lui fournissant toute information de nature à faciliter cette démarche ;
      • Soit transmettre directement sa demande au service clientèle du professionnel, sous réserve que le consommateur ait donné son accord ou n’ait pas manifesté son opposition après en avoir été informé par écrit par le médiateur.
    • Afin de faciliter l’accès du consommateur à la médiation, la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation recommande aux médiateurs d’admettre la recevabilité des saisines deux mois après que le consommateur a transmis sa réclamation écrite préalable au professionnel quel que soit le service saisi.

d. Effets de la saisine

En application des dispositions de l’article 2238 du Code civil, la saisine du médiateur a pour effet de suspendre la prescription de l’action en justice attachée au droit litigieux.

Plus précisément, la prescription est suspendue à compter de la date de notification aux parties de la recevabilité de la saisine, cette notification devant en faire expressément mention.

La prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date de notification de la solution proposée par le médiateur aux parties en application de l’article R. 612-4 du code de la consommation.

3. Instruction du dossier

?Représentation et assistance des parties

L’article R. 612-1 du Code de la consommation prévoit que « les parties ont la faculté, à leur charge, de se faire représenter par un avocat ou de se faire assister par toute personne de leur choix à tous les stades de la médiation ».

Les parties sont également autorisées à solliciter l’avis d’un expert, dont les frais sont à leur charge.

En cas de demande conjointe d’expertise, les frais sont partagés entre les parties.

?Pouvoirs du médiateur

Afin de mener à bien sa mission et conformément à l’article R. 612-3, al. 2e du Code de la consommation, le médiateur peut recevoir les parties ensemble ou séparément.

En pratique, cette faculté sera rarement sinon jamais exercé par le médiateur, le processus de médiation étant toujours écrit.

?Respect du principe du contradictoire

L’article R. 612-3, al. 1er du Code de la consommation prévoit que « le médiateur communique, à la demande de l’une des parties, tout ou partie des pièces du dossier. »

Il s’agit là d’une expression du principe du contradictoire qui s’impose au médiateur et qui doit le guider dans la conduite du processus de médiation.

Il peut être observé que l’article 9.1 de la Directive 2013/11/UE du 21 mai 2013 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation est bien plus précis s’agissant de la mise en œuvre du principe du contradictoire.

Cette disposition prévoit en effet que chaque partie doit avoir la possibilité, dans un délai raisonnable, d’exprimer son point de vue, de recevoir du médiateur les arguments, les éléments de preuve, les documents et les faits avancés par l’autre partie, toute déclaration faite et tout avis rendu par des experts, et de formuler des observations à leur propos.

Le législateur a manifestement opté pour une transposition minimale de la directive en droit français.

?Durée de l’instruction du dossier

L’article R. 612-5 du Code de la consommation prévoit que le médiateur doit statuer sur le dossier qui lui est soumis, au plus tard, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de notification de sa saine aux parties.

Le médiateur peut toutefois prolonger ce délai à tout moment, en cas de litige complexe. Il doit alors immédiatement en aviser les parties.

4. Issue de la médiation

Toute demande de médiation d’un consommateur déclarée recevable et pour laquelle le professionnel a accepté d’entrer en médiation doit aboutir à une proposition de solution par le médiateur à moins que les parties aient préalablement trouvé un accord ou que l’une des deux parties se soit désistée au cours du processus comme le prévoit l’article R.612-2 du code de la consommation.

Par conséquent, la pratique consistant pour un médiateur à clore le dossier lorsque le consommateur ne donne pas de réponse à la proposition du professionnel que lui a transmise le médiateur contrevient aux dispositions de l’article R. 612-3 du même code qui impose au médiateur, à défaut d’accord amiable entre les parties, de leur proposer une solution pour régler le litige.

Aussi, le processus de médiation ne peut avoir que deux issues :

?Première issue

Grâce à l’intervention du médiateur les parties sont parvenues à trouver un accord amiable qui met fin à leur litige.

Elles doivent alors le faire savoir au médiateur, ce qui a pour conséquence de mettre fin à sa mission.

?Seconde issue

  • La formulation d’une proposition de solution par le médiateur
    • Les parties ne sont pas parvenues à trouver un accord, de sorte que leur différend subsiste.
    • Dans cette hypothèse, l’article R. 612-3 du Code de la consommation prévoit que le médiateur doit proposer aux parties une solution pour régler le litige.
    • C’est là une différence majeure avec la médiation conventionnelle ordinaire dans le cadre de laquelle la mission du médiateur se limite à conduire les parties à trouver un accord sans proposer directement de solution.
    • En matière de médiation des litiges de consommation, le rôle du médiateur est bien moins effacé dans la mesure où il doit statuer faute d’accord amiable trouvé d’elles-mêmes par les parties.
    • Lorsque toutefois le médiateur se prononce, il ne rend pas une sentence comme le ferait un arbitre ou un jugement à l’instar d’un juge ; il émet seulement un avis.
    • La différence tient au caractère non contraignant de cet avis, lequel ne s’impose pas aux parties.
    • Elles sont, en effet, parfaitement libres de suivre ou de ne pas suivre la solution proposée par le médiateur.
  • Le contenu de la proposition de solution par le médiateur
    • La proposition de solution formulée par le médiateur doit contenir l’exposé des circonstances de fait, de droit et d’équité qui motivent cette proposition.
  • La notification de la proposition de solution formulée par le médiateur
    • L’article R. 612-4 du Code de la consommation prévoit que le médiateur doit faire connaître par courrier simple ou par voie électronique aux parties sa proposition de solution.
    • Cette notification doit, par ailleurs, leur rappeler :
      • Qu’elles sont libres d’accepter ou de refuser sa proposition de solution ;
      • Que la participation à la médiation n’exclut pas la possibilité d’un recours devant une juridiction ;
      • Que la solution peut être différente de la décision qui serait rendue par un juge.
    • Le médiateur doit préciser, en outre, quels sont les effets juridiques de l’acceptation de la proposition de solution et fixe un délai d’acceptation ou de refus de celle-ci.
  • Les effets de la proposition de solution formulée par le médiateur
    • Comme indiqué précédemment, la proposition de solution formulée par le médiateur est non contraignante, de sorte que les parties ne sont pas tenues de la suivre.
    • C’est la raison pour laquelle dans le courrier de notification de la proposition de solution, il doit leur être indiqué qu’elles sont libres de l’accepter ou de la refuser.
    • Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, compte tenu de ce que la proposition de solution formulée par le médiateur est couverte par la confidentialité de la médiation, elle ne saurait être produite en justice par l’une ou l’autre partie, sous peine d’être déclarée irrecevable par le juge.
  • Prise de position des parties
    • Les parties acceptent la proposition de solution
      • En cas d’acceptation par les parties de la proposition de solution formulée par le médiateur, la médiation est close.
      • Comme rappelé toutefois par la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation, il n’entre pas dans la mission du médiateur de la consommation de faire signer un protocole transactionnel aux parties en cause.
      • Dès lors, si ces dernières souhaitent recourir à ce type d’accord, une telle démarche ne peut relever que de leur propre initiative et ne peut être entreprise qu’après la clôture de la médiation.
      • Au surplus, il peut être observé que pour conférer à leur accord la force exécutoire, il appartient aux parties de saisir le juge aux fins d’homologation dans les conditions énoncées à l’article 1565 du Code de procédure civile.
      • Cette disposition prévoit, pour mémoire, que l’accord auquel sont parvenues les parties à une médiation, une conciliation ou une procédure participative peut être soumis, aux fins de le rendre exécutoire, à l’homologation du juge compétent pour connaître du contentieux dans la matière considérée.
      • Le juge à qui est soumis l’accord ne peut en modifier les termes.
    • L’une des parties refuse la proposition de solution
      • Lorsque la proposition de solution du médiateur de la consommation n’est pas acceptée par l’une des parties, la médiation est close.
      • Dans une telle situation, il n’entre pas dans la mission du médiateur de la consommation de proposer un autre mode de résolution des litiges, les parties étant alors libres de procéder comme elles l’entendent, et notamment de saisir la juridiction.
      • La question s’est posée de savoir quelles conséquences tirées de l’absence de réponse d’une des parties à la proposition de solution formulée par le médiateur.
      • Pour la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation, l’interprétation du silence de l’une des parties à la solution proposée par le médiateur ne saurait être appréciée au cas par cas.
      • Il appartient au médiateur d’indiquer expressément aux parties, dès l’engagement du processus de médiation, si ce silence vaut acceptation ou refus, ainsi que le délai au terme duquel l’acceptation ou le refus sont constatés.
  • Vérification par le médiateur de la position des parties
    • La Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation a eu l’occasion de préciser que le médiateur exerce un rôle d’intermédiaire jusqu’à la clôture du dossier.
    • Aussi, son rôle ne s’arrête pas à la notification de sa proposition de solution aux parties.
    • Il lui appartient ensuite de vérifier personnellement l’accord des parties sur cette proposition.
    • Ainsi, la pratique consistant à demander au professionnel de confirmer directement au consommateur s’il accepte ou s’il refuse la proposition du médiateur de la consommation, est proscrite.

5. Clôture de la médiation

Comme énoncé par la jurisprudence de la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation, la médiation de la consommation prend fin au moment où :

  • Soit les deux parties parviennent à un accord ou acceptent la proposition du médiateur, ce qui scelle le succès de la médiation,
  • Soit l’une au moins des parties refuse cette proposition, ce qui traduit l’échec de la médiation.

Aussi, est-il nécessaire, pour assurer la sécurité juridique de chacun, que :

  • Le délai de prise de décision des parties soit prédéterminé et limité dans le temps ;
  • Le médiateur soit informé de ces décisions, fût-ce en tirant les conséquences d’un silence.

Dans cette perspective, les systèmes suivants sont validés :

  • Le médiateur fixe un délai au consommateur et au professionnel pour accepter ou refuser sa proposition de solution
  • L’absence de réponse dans ce délai est assimilée soit à un refus, soit à un accord. Encore faut-il que les parties aient été préalablement informées, de façon claire et non équivoque, des conséquences attachées à leur silence

Cette information doit figurer dans le courrier de notification de la proposition aux parties.

Enfin, le médiateur joint à sa proposition de solution un formulaire de réponse afin que les parties puissent lui signifier aisément leur acceptation ou leur refus.

La médiation prend donc fin soit à la date où les parties acquiescent ou font connaître leur refus, soit, si l’une au moins garde le silence, à l’expiration du délai qui lui a été imparti pour se prononcer.

Dans le cas où la proposition de solution s’avère totalement défavorable au consommateur, la médiation peut être considérée comme close après l’expiration du délai figurant dans la notification qui lui est adressée sous réserve que le consommateur soit clairement informé de la possibilité de saisir la juridiction compétente (CECMC Plén. 26 mai 2021 ; CECMC Plén., 17 nov. 2021).

 

  1. Le décret n°2003-1166 du 2 décembre 2003 et l’arrêté du 12 février 2004 ont créé un diplôme d’Etat de médiateur familial qui atteste des compétences nécessaires pour intervenir auprès de personnes en situation de rupture ou de séparation afin de favoriser la reconstruction de leur lien familial et aider à la recherche de solutions répondant aux besoins de chacun des membres de la famille. ?
  2. S. Bernheim-Desvaux, « Résolution extrajudiciaire des litiges de consommation », éd. Lexisnexis, JurisClasseur Concurrence-Consommation, fasc. 1230, § 35. ?

La clause de médiation préalable: régime

🡺Vue générale

Le procès n’est pas le seul cadre dans lequel la médiation est susceptible d’intervenir. Il est également admis que les parties puissent rencontrer un médiateur en dehors de l’instance.

L’article 1528 du Code de procédure civile prévoit en ce sens que « les parties à un différend peuvent, à leur initiative et dans les conditions prévues par le présent livre, tenter de le résoudre de façon amiable avec l’assistance d’un médiateur, d’un conciliateur de justice ou, dans le cadre d’une procédure participative, de leurs avocats. »

Le livre visé par cette disposition n’est autre que celui consacré à « la résolution amiable des différends », soit aux modes de règlement des litiges qui interviennent en dehors des prétoires.

Aussi, la médiation n’est-elle pas nécessairement judiciaire ; elle peut également être conventionnelle.

À cet égard, l’article 1530 du Code de procédure civile définit la médiation conventionnelle comme « tout processus structuré, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord, en dehors de toute procédure judiciaire en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers choisi par elles qui accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence. »

La médiation conventionnelle est régie aux articles 1528 à 1541 du Code de procédure civile.

A cet égard, elle est susceptible d’intervenir dans trois cas distincts. En effet, le recours à cette forme de médiation peut :

  • Soit être spontané
  • Soit être stipulé dans une clause
  • Soit être imposé par la loi

Nous nous focaliserons ici sur la médiation résultant d’une clause stipulée dans un contrat par les parties. 

I) Principe

Il est admis que les parties à un contrat puissent prévoir une clause stipulant l’obligation pour ces dernières d’entreprendre une tentative de médiation préalablement à l’introduction de toute action en justice devant les juridictions compétentes.

La Cour de cassation a statué en ce sens dans un arrêt du 8 avril 2009 aux termes duquel elle a confirmé la décision entreprise par une Cour d’appel qui avait déclaré irrecevable une action en justice engagée par une partie au mépris d’une clause de médiation préalable (Cass. 1ère civ. 8 avr. 2009, n°08-10.866).

L’exigence de recours préalable à la médiation doit toutefois résulter d’une stipulation contractuelle ; elle ne saurait être tirée d’un usage professionnel (V. en ce sens pour une conciliation Cass. 1ère civ. 6 mai 2003, n°01-01-291).

II) Domaine

S’il est par principe admis de prévoir dans un contrat une clause de médiation, la règle ne vaut pas pour tous les contrats.

La clause de médiation sera notamment sans effet :

  • Dans les contrats soumis au droit de la consommation
    • L’article 612-4 du Code de la consommation prévoit que « est interdite toute clause ou convention obligeant le consommateur, en cas de litige, à recourir obligatoirement à une médiation préalablement à la saisine du juge. »
    • En application de l’article R. 212-2, 10 du même Code une telle clause serait présumée comme étant abusive.
    • Dans un arrêt du 16 mai 2018, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « la clause qui contraint le consommateur, en cas de litige, à recourir obligatoirement à une médiation avant la saisine du juge, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire » (Cass. 1ère civ. 16 mai 2018, n°17-16.197).
    • Aussi, dans les rapports entre un professionnel et un non professionnel ou un consommateur, la clause de médiation est-elle réputée non écrite.
  • Dans les contrats de travail
    • Dans un arrêt du 14 juin 2022, la Cour de cassation a affirmé « qu’en raison de l’existence en matière prud’homale d’une procédure de conciliation préliminaire et obligatoire, une clause du contrat de travail qui institue une procédure de médiation préalable en cas de litige survenant à l’occasion de ce contrat n’empêche pas les parties de saisir directement le juge prud’homal de leur différend » (Cass. soc. 14 juin 2022, n°22-70.004).
    • Il ressort de cette décision que, lorsqu’elles sont stipulées dans un contrat de travail, les clauses de médiation sont réputées sans effet.

III) Conditions

Pour être valable, la clause de médiation préalable doit satisfaire deux conditions :

  • Première condition
    • La clause doit être expressément stipulée dans le contrat qui lie les parties.
    • Aussi, ne peut-elle jamais être tacite, ni s’inférer d’un usage professionnel (Cass. 1ère civ. 6 mai 2003, n°01-01-291).
  • Seconde condition
    • La clause de médiation doit prévoir avec suffisamment de précision ses modalités de mise en œuvre.
    • Dans un arrêt du 3 octobre 2018, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « la clause litigieuse, par laquelle les parties au contrat se bornaient à prendre l’engagement de résoudre à l’amiable tout différend par la saisine d’un médiateur, faute de désigner celui-ci ou de préciser, au moins, les modalités de sa désignation, ne pouvait être mise en œuvre, de sorte que son non-respect ne pouvait fonder une fin de non-recevoir » (Cass. com., 3 oct. 2018, n°17-21.089).

IV) Effets

La clause de médiation préalable produit deux effets :

  • Elle fait obstacle à la saine directe du juge
  • Elle suspend la prescription

A) Fin de non-recevoir

🡺Principe

La stipulation d’une clause de médiation a pour effet d’obliger les parties d’entreprendre une tentative de médiation préalablement à la saisine du juge.

Aussi, dans un arrêt du 22 février 2005, la Cour de cassation a-t-elle jugé, s’agissant que « la clause d’un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge constitue une fin de non-recevoir ».

Cette solution est transposable à la clause de médiation laquelle constitue également une fin de non-recevoir en cas de saisine directe du juge.

À cet égard, il peut être observé que

Dans un arrêt du 12 décembre 2014, la Cour de cassation a précisé que « la situation donnant lieu à la fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en œuvre d’une clause contractuelle qui institue une procédure, obligatoire et préalable à la saisine du juge, favorisant une solution du litige par le recours à un tiers, n’est pas susceptible d’être régularisée par la mise en œuvre de la clause en cours d’instance » (Cass. ch. Mixte, 12 déc. 2014, n°13-19.684).

La troisième chambre civile a réitéré cette solution spécifiquement pour une clause de médiation dans un arrêt du 6 octobre 2016 (Cass. 3e civ. 6 oct. 2016, n°15-17.989).

Si donc la clause de médiation constitue une fin de non-recevoir interdisant la saisie directe du juge, la Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 22 juin 2017, qu’elle n’empêchait pas, en revanche, la mise en œuvre de mesures d’exécution forcée.

Plus précisément, la deuxième chambre civile a jugé dans cette décision « qu’une clause imposant ou permettant une médiation préalablement à la présentation d’une demande en justice relative aux droits et obligations contractuels des parties ne peut, en l’absence de stipulation expresse en ce sens, faire obstacle à l’accomplissement d’une mesure d’exécution forcée » (Cass. 2e civ. 22 juin 2017, n°16-11.975).

🡺Tempérament

La jurisprudence a apporté deux tempéraments à la règle qui fait de la clause de médiation une fin de non-recevoir.

  • Premier tempérament
    • Dans un arrêt du 13 juillet 2022, la Cour de cassation a jugé que « des dispositions légales instituant une procédure de médiation préalable et obligatoire ne font pas obstacle à la saisine du juge des référés en cas de trouble manifestement illicite ou de dommage imminent » (Cass. 3e civ. 13 juill. 2022, n°21-18.796 ; V. également en ce sens Cass. 1ère civ. 24 nov. 2021, n°20-15.789).
    • Il ressort de cette décision que les effets de la clause de médiation préalable peuvent être neutralisés si l’urgence le commande.
    • La position prise ici par la Cour de cassation est directement inspirée de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne.
    • Dans un arrêt du 18 mars 2010, les juges luxembourgeois ont, en effet, affirmé que le principe de protection juridictionnelle effective ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui impose la mise en œuvre préalable d’une procédure de conciliation extrajudiciaire, pour autant que des mesures provisoires sont envisageables dans les cas exceptionnels où l’urgence de la situation l’impose (CJUE, arrêt du 18 mars 2010, Alassini et a., C-317/08, C-318/08, C- 319/08 et C-320/08).
  • Second tempérament
    • Il est admis que la clause de médiation ne fait pas obstacle à l’introduction d’une action en justice sur le fondement de l’article 145 du CPC, soit une action visant à obtenir des mesures d’instruction in futurum
    • Dans un arrêt du 28 mars 2007, la Troisième chambre civile a jugé en ce sens, s’agissant d’un contrat de maîtrise d’œuvre, que « la clause instituant, en cas de litige portant sur l’exécution du contrat d’architecte, un recours préalable à l’avis du conseil régional de l’ordre des architectes, n’était pas applicable à l’action des époux Z…fondée sur l’article 145 du nouveau code de procédure civile dans le but de réunir des preuves et d’interrompre un délai » (Cass. 3e civ. 28 mars 2007, n°06-13.209).

B) Suspension de la prescription

Il est admis que la clause de médiation préalable a pour effet de suspendre la prescription (Cass. 1ère civ. 27 janv. 2004, n°00-22.320).

Cette solution a, par suite, été reprise et généralisé par le nouvel article 2238 du Code civil.

Pour mémoire, cette disposition prévoit que « la prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d’un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d’accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation ».