Le Droit dans tous ses états

LE DROIT DANS TOUS SES ETATS

La césure du procès civil

?Généralités

Depuis le milieu des années 1990, les modes alternatifs de règlement des conflits (MARC) connaissent un essor considérable en France, le législateur ayant adopté une succession de mesures tendant à en assurer le développement auprès des justiciables jusqu’à, dans certains cas, les rendre obligatoires.

Aujourd’hui, il existe une grande variété de MARC : arbitrage, conciliation, médiation, convention de procédure participative, transaction…

Les dernières réformes en date qui ont favorisé le recours aux modes alternatifs de règlement des conflits ne sont autres que :

  • La loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle qui a notamment introduit l’obligation de réaliser une tentative amiable de résolution du litige préalablement à la saisine de l’ancien Juge d’instance
  • La loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice qui a renforcé les obligations de recours à la conciliation ou à la médiation en conférant notamment au juge le pouvoir d’enjoindre les parties de rencontrer un médiateur

Plus récemment encore, le décret n°2023-686 du 29 juillet 2023 a créé deux nouveaux outils procéduraux visant à favoriser la résolution amiable des litiges devant le Tribunal judiciaire : l’audience de règlement amiable et la césure du procès civil.

Nous nous focaliserons ici sur la césure du procès civil.

Ce dispositif octroie la faculté aux parties de solliciter un jugement tranchant les points nodaux du litige afin de leur permettre ensuite de résoudre les points subséquents en recourant aux modes amiables de résolution des différends de droit commun et, à défaut, de limiter de façon optimale le champ du débat judiciaire.

Ainsi, au lieu de statuer sur l’ensemble des prétentions dont il est saisi, le juge ne tranchera, dans un premier temps, que certains aspects du différend, tandis que les parties tenteront de trouver un accord amiable pour le surplus.

Ce nouvel instrument procédural, qui est régi aux articles 807-1 à 807-3 du CPC, ne peut être utilisé que dans le cadre de la procédure écrite ordinaire applicable devant le Tribunal judiciaire.

1. L’initiative de la césure

Conformément à l’article 807-1, al. 1er du CPC, la césure du procès est laissée à l’initiative exclusive des parties.

Cette faculté peut être exercée, précise le texte, « à tout moment » de la mise en état.

2. La demande d’ouverture d’une césure

?La forme de la demande

L’article 807-1, al. 2e du CPC prévoit que la demande d’ouverture d’une césure se fait au moyen d’un acte contresigné par avocats qui mentionne les prétentions à l’égard desquelles l’ensemble des parties constituées sollicitent un jugement partiel.

?L’objet de la demande

La demande doit porter sur une ou plusieurs prétentions pour lesquelles les parties se sont entendues pour solliciter un jugement partiel.

Aussi, sont-ce les parties qui déterminent le périmètre de la césure demandée sans que le juge ne puisse le modifier.

Il peut être observé que pour être recevable, la demande d’ouverture d’une césure doit porter sur des prétentions sécables.

Autrement dit, ces prétentions doivent pouvoir donner lieu à des jugements partiels indépendants du reste de la matière litigieuse.

Dans le cas contraire, le juge est autorisé à rejeter la demande d’ouverture d’une césure ainsi que le prévoit le troisième alinéa de l’article 807-1 du CPC.

Dans cette hypothèse, l’affaire reprend son cours.

3. La clôture partielle aux fins de césure

?Le prononcé de l’ordonnance de clôture partielle

L’article 807-1 du CPC prévoit que « s’il fait droit à la demande, le juge ordonne la clôture partielle de l’instruction et renvoie l’affaire devant le tribunal pour qu’il statue au fond sur la ou les prétentions déterminées par les parties. »

Si donc les conditions d’ouverture de la césure sont réunies, le juge rend une ordonnance de clôture partielle de l’instruction. L’acte contresigné par avocats exprimant la demande d’ouverture d’une césure doit être annexé à l’ordonnance.

Cette clôture se limite aux prétentions visées dans la demande d’ouverture d’une césure. Comme souligné par l’ordonnance du 17 octobre 2023, « la décision du juge de la mise en état d’ordonner ou non la clôture partielle de l’affaire est prise en opportunité eu égard aux considérations de bonne administration de la justice ».

S’agissant de la date de la clôture partielle, en application de l’article 807-1, al. 4e du CPC, elle doit être aussi proche que possible de celle fixée pour les plaidoiries.

?La révocation de l’ordonnance de clôture partielle

Il est admis que l’ordonnance de clôture partielle aux fins de césure puisse faire l’objet d’une révocation dans les conditions énoncées à l’article 803 du CPC.

Pour mémoire, cette disposition prévoit que la révocation d’une ordonnance de clôture peut être prononcée :

  • Soit s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue
  • Soit si une demande en intervention volontaire est formée après la clôture de l’instruction

La révocation de l’ordonnance de clôture a pour effet de rouvrir la phase d’instruction de l’affaire, de sorte que les parties sont autorisées à déposer de nouvelles conclusions et pièces.

4. Le jugement partiel

?Prononcé du jugement partiel

La reconnaissance d’une clôture partielle de l’instruction a conduit le législateur a créé une nouvelle catégorie de jugement : le jugement partiel.

Celui-ci interviendra postérieurement à l’audience de plaidoiries, sauf à ce qu’il soit recouru à une procédure sans audience.

En tout état de cause et comme énoncé par l’article 807-2 du CPC « le jugement partiel tranche dans son dispositif les seules prétentions faisant l’objet de la clôture partielle ».

S’agissant de l’exécution provisoire attachée au jugement partiel, il s’infère de l’article 807-2, al. 2e du CPC qu’elle n’est pas de droit. Le juge peut néanmoins l’ordonner dans les conditions des articles 515 à 517-4 du CPC.

?Voies de recours contre le jugement partiel

En application de l’article 544 du CPC modifié par le décret n° 2023-686 du 29 juillet 2023 portant mesures favorisant le règlement amiable des litiges devant le tribunal judiciaire, le jugement partiel est susceptible d’être immédiatement frappé d’appel, à l’instar des jugements qui tranchent tout le principal.

La circulaire du 17 octobre 2023 précise que, afin d’éviter un allongement des délais à raison de l’appel immédiat formé à l’encontre du jugement partiel, l’appel devra être traité selon la procédure à bref délai au sens de l’article 905 du CPC.

5. La poursuite de la mise en état

S’il est définitivement mis fin au litige s’agissant des prétentions tranchées par le jugement partiel, tel n’est pas le cas pour celles qui n’entraient pas dans le périmètre de la césure.

Aussi, pour ces dernières, la mise en état se poursuit jusqu’à ce que le débat soit épuisé ou que les parties parviennent à trouver un accord amiable, lequel pourra être soumis à l’homologation du juge.

L’article 807-3 du CPC précisé toutefois que la clôture de l’instruction ne pourra pas intervenir « avant l’expiration du délai d’appel à l’encontre du jugement partiel ou, lorsqu’un appel a été interjeté, avant le prononcé de la décision statuant sur ce recours. »

Autrement dit, la mise en état portant sur les prétentions résiduelles des parties qui n’étaient pas visées dans la demande d’ouverture de césure, ne pourra pas être clôturée tant que toutes les voies de recours contre le jugement partiel n’auront pas été épuisées.

L’objectif recherché ici est de prévenir le risque de contradiction entre les décisions rendues dans le cadre de la même instance.

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1 Comment

  1. excellent comme d’habitude, la clarté de vos exposés permettant de pallier à l’obscurité du
    jargon juridique que les avocats conservent jalousement au détriment de leurs clients.

    Continuez donc à nous instruire et vous en remercions.
    Cordialement
    Borg Inge


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