La dissolution du régime légal donne lieu à un état d’indivision post-communautaire d’où les époux doivent pouvoir sortir, cette situation ne devant être que temporaire.
Pour ce faire, ils devront procéder à ce que l’on appelle la liquidation de la communauté.
Par liquidation, il faut entendre « l’ensemble des opérations tendant, sinon à la réduction de la communauté dissoute à un solde en espèces de liquidités, du moins à l’établissement d’une situation nette susceptible d’un règlement par voie de partage »[1].
Il s’agira, autrement dit, pour les époux de déterminer la consistance de la masse partageable, laquelle n’est autre que celle composée des biens communs.
Si, la reconstitution de cette masse ne soulève, a priori, dans son principe, aucune difficulté particulière, l’exercice est, en réalité, bien plus complexe qu’il n’y paraît quant à sa mise en œuvre.
En premier lieu, la formation de la masse partageable suppose d’identifier les actifs qui ont vocation à être intégrés dans cette dernière.
Or parmi ces actifs, il en est certains, notamment les meubles, qui se retrouveront entremêlés avec des biens propres.
Il appartiendra donc aux époux d’opérer un tri, afin que chacun reprenne ses propres, l’objectif étant qu’ils reconstituent, en nature, leurs patrimoines respectifs.
C’est là une première opération qui, certes, est purement matérielle, mais qui est susceptible de se heurter à un obstacle de taille et qui parfois s’avérera insurmontable : la preuve du caractère personnel de certains biens.
Faute pour les époux d’établir leur qualité de propriétaire, le bien convoité est, en effet, réputé tomber en communauté, en application la présomption d’acquêt instituée à l’article 1402 du Code civil.
La conséquence en est l’intégration du bien dans la masse partageable, situation qui peut se révéler injuste pour l’époux qui en avait acquis la propriété, mais qui n’a pas été en mesure d’en rapporter la preuve.
Là ne s’arrête pas les difficultés de reconstitution des patrimoines propres et communs.
En second lieu, de très nombreux mouvements de valeurs interviendront au cours du mariage entre les différentes masses de biens.
Tantôt, un époux aura acquis un bien, qu’il conservera en propre, au moyen de deniers communs, tantôt, c’est la communauté qui s’enrichira de biens financés avec des fonds personnels.
Il est encore des cas où l’opération n’impliquera pas la communauté. Elle ne concernera que les masses de propres. Tel est le cas lorsqu’un époux fournit, dans le cadre d’un prêt, des fonds propres à son conjoint aux fins que celui-ci règle une dette personnelle contractée auprès d’un tiers.
À l’analyse, deux sortes de mouvements de valeurs sont susceptibles d’intervenir entre les masses de biens :
- Des mouvements de valeurs entre les masses de propres et la masse commune
- Des mouvements de valeurs entre les deux masses de propres
Dans les deux cas, la liquidation du régime matrimonial suppose de rétablir les équilibres qui ont été rompus par ces mouvements de valeurs.
Pratiquement, il s’agira de mettre à la charge du patrimoine qui s’est enrichi une indemnité qui devra être versée au patrimoine qui s’est appauvri.
Selon que le rétablissement de l’équilibre intéresse ou non la masse commune, le calcul de cette indemnité ne répondra toutefois pas aux mêmes règles :
- Lorsque le mouvement de valeurs est intervenu entre la masse commune et une masse de propres, c’est le système des récompenses qu’il y aura lieu d’appliquer
- Lorsque, en revanche, le mouvement de valeurs se produit entre l’une et l’autre masse de propre, c’est le dispositif des créances entre époux qu’il conviendra de mobiliser
Nous nous focaliserons ici sur les récompenses.
==> Notion
Au cours du mariage des mouvements de valeurs sont donc susceptibles de se produire entre la masse commune et les masses de biens propres de l’un et l’autre époux.
Un bien qui appartient en propre à un époux peut avoir été financé au moyen de deniers communs. Une dette personnelle à un époux peut encore avoir été prise en charge par la communauté.
À l’inverse un époux peut avoir financé avec ses fonds personnels l’acquisition ou l’amélioration d’un bien tombé en communauté ou encore réglé une dette commune.
Quel que soit le sens du mouvement de valeur dans les illustrations ci-dessus évoquées, un patrimoine s’est enrichi au détriment d’un autre qui s’est appauvri.
Aussi, lors de la liquidation du régime matrimoniale, l’équité commande de rétablir l’équilibre qui a été rompu et plus précisément de reconstituer, en valeur, les différentes masses de biens, théoriques, instituées sous le régime communautaire pour lequel les époux ont opté.
Pour ce faire, la pratique notariale, suivie par le législateur, a imaginé le mécanisme des récompenses.
Par récompense, il faut entendre une dette due par la communauté envers un patrimoine propre de l’un ou l’autre époux et inversement.
Plus précisément, selon le Professeur Didier R. Martin, « la récompense désigne justement la valeur comptable, exprimée en argent, qu’il y a lieu, dans les opérations liquidatives, de porter au débit ou au crédit d’une masse pour compenser le gain fait ou la perte éprouvée aux dépens ou au bénéfice d’une autre ».
S’il joue désormais en rôle primordial dans le cadre de la phase de liquidation de la communauté, le système des récompenses n’a pas toujours existé : il est le fruit d’une lente évolution, amorcée par la pratique, puis consacré par la loi.
==> Origine
À l’origine, la liquidation du régime matrimonial se limitait aux opérations de reprises, en nature, des biens propres et au partage de la masse commune dans l’état où elle se trouvait au jour de la dissolution du mariage, sans qu’aucune reconstitution des patrimoines en valeur ne soit réalisée.
En réaction à ce mode opératoire qui était de nature à préjudicier, selon les cas, tantôt à la communauté, tantôt au patrimoine propre de l’un des époux, les notaires ont introduit dans les contrats de mariage une clause dite de récompense.
Aux termes de cette clause, il était stipulé que, dans l’hypothèse où un bien propre serait aliéné sans que les formalités d’emploi ou de remploi ne soient accomplies, une récompense serait due par la communauté au patrimoine propre qui s’est appauvri.
Progressivement le dispositif des récompenses s’est imposé chez les praticiens. Puis, à partir du XVIe siècle, il s’est transformé en clause de style avant d’être élevé au rang de règle coutumière, si bien que l’octroi de récompenses était désormais admis en dehors de toute stipulation particulière.
Reconnaissant l’utilité du système des récompenses qui avait fait ses preuves, le législateur l’a consacré lors de l’adoption du Code civil en 1804.
L’application du dispositif n’était dès lors plus cantonnée au seul cas d’encaissement par la communauté du prix de vente d’un bien propre : il était dorénavant généralisé à tout mouvement de valeur intervenant entre la masse commune et une masse propre et inversement.
==> Fonction
Aujourd’hui, le système des récompenses constitue l’une des clés de voûte des régimes communautaires, car vise à corriger les mouvements de valeurs qui sont intervenus au cours du mariage entre les différentes masses de biens.
Ainsi que le relèvent les auteurs, fondamentalement, il répond à un principe d’équité[2], un époux ne devant pas se retrouver lésé par rapport à un autre lors du partage des biens communs.
Cette finalité a parfaitement été exprimée par un ancien arrêt rendu par la Cour de cassation en date du 8 avril 1872.
Dans cette décision, la haute juridiction a, en effet, affirmé que « le régime de la communauté entre époux est soumis à cette règle fondamentale de droit et d’équité, que toutes les fois que l’un des époux a tiré un profit personnel des biens de la communauté, ou la communauté un profit semblable des biens propres à l’un des époux, il est dû indemnité ou récompense, dans le premier cas à la communauté, et dans le second cas au conjoint ».
Parce que le système des récompenses a pour fonction de rétablir un équilibre qui a été rompu consécutivement à l’enrichissement d’un patrimoine au détriment d’un autre, il se rapproche très étroitement de la théorie de l’enrichissement sans cause.
De l’avis unanime de la doctrine, ils ne doivent toutefois pas être confondus pour essentiellement deux raisons :
- Première raison
- L’enrichissement sans cause a pour effet de créer un rapport d’obligation entre deux personnes : celle qui s’est enrichie et celle qui s’est appauvrie
- Si ces deux éléments se retrouvent dans le système des récompenses, reste que la communauté est dépourvue de personnalité juridique.
- Il en résulte que l’on ne saurait regarder les récompenses comme créant un lien d’obligation entre deux personnes
- Seconde raison
- Le système des récompenses vise à corriger un déséquilibre créé par des mouvements de valeur intervenu au cours du mariage, lesquels procèdent du fonctionnement du régime matrimonial.
- Le déséquilibre ainsi créé n’est donc pas sans cause : il résulte de la communauté de vie des époux.
- La théorie de l’enrichissement sans cause ne s’applique, quant à elle, que lorsqu’il est établi que l’appauvri a agi en dehors de tout rapport préexistant entre l’appauvri et celui qui s’est enrichi, d’où l’absence de cause
Au bilan, bien que les deux institutions poursuivent sensiblement le même objectif, le système des récompenses n’est pas une application particulière de la théorie de l’enrichissement sans cause.
Non seulement les conditions de mise en œuvre de ces deux dispositifs divergent, mais encore, comme souligné par Isabelle Dauriac, le mécanisme des récompenses « obéit à des préoccupations qui lui sont propres »[3].
La spécificité de ce dispositif réside notamment dans l’objectif qui lui est assigné tenant à la sauvegarde de l’intégrité patrimoniale des trois masses de biens instituées sous les régimes communautaires.
Le système des récompenses vise également, d’une part, à assurer l’immutabilité des conventions matrimoniales et, d’autre part, à empêcher les donations indirectes entre époux qui, comme telles, seraient irrévocables.
==> Absence de caractère impératif
Parce que la liquidation de la communauté intéresse exclusivement les intérêts privés des époux, la loi leur confère une grande liberté quant à aménager leur régime matrimonial sur ce point.
S’agissant spécifiquement des règles relatives aux récompenses, ils jouissent, en la matière, d’une liberté des plus étendues, puisqu’elles ne sont pas d’ordre public.
Aussi, les époux sont-ils autorisés à aménager :
- D’une part, le principe même du droit à récompense qui peut être soit totalement écarté, soit envisagé pour seulement un ou plusieurs biens.
- D’autre part, les modalités d’évaluation de la créance de récompense qui, faute de stipulations contraires, sont régies par l’article 1469 du Code civil (V. en ce sens 1ère civ. 28 juin 1983).
- Enfin, les modalités de règlement des récompenses, ce qui pourra se traduire par une modification de l’ordre des prélèvements quant aux biens ou encore par la renonciation des époux à tout prélèvement subsidiaire sur les biens propres de l’autre.
==> Domaine
Parce que les récompenses visent à corriger un déséquilibre créé par un mouvement de valeurs entre la masse commune et une masse de propre, par hypothèse, elles ne sont dues que dans le cadre de rapport entre la communauté et le patrimoine personnel d’un époux.
L’article 1468 du Code civil prévoit en ce sens que « il est établi, au nom de chaque époux, un compte des récompenses que la communauté lui doit et des récompenses qu’il doit à la communauté, d’après les règles prescrites aux sections précédentes. »
Il ressort de cette disposition que pour que le système des récompenses puisse être mobilisé, une valeur doit nécessairement avoir transité par la communauté.
Il en résulte qu’aucun droit à récompense ne peut naître dans les deux situations suivantes :
- Première situation
- Lorsqu’un mouvement de valeurs intervient entre deux masses de propres, le déséquilibre créé par ce mouvement ne peut pas être corrigé par le dispositif des récompenses
- Dans cette hypothèse, la communauté est étrangère à l’opération.
- Seuls les patrimoines personnels des époux sont concernés.
- Ce sont donc les règles spécifiques aux créances entre époux qui ont vocation à s’appliquer aux fins de rétablir l’équilibre qui a éventuellement été rompu.
- Il peut néanmoins être observé que, par le jeu du renvoi opéré par l’article 1479 du Code civil, les créances entre époux sont évaluées, sauf convention contraire, selon les règles applicables aux récompenses.
- Reste que, et c’est là une différence fondamentale entre les deux institutions, le règlement des créances entre époux peut être exigé au cours du mariage.
- Par ailleurs, il ne constitue pas une opération de partage, de sorte que, d’une part, elles ne se règlent pas par voie de règlement et, d’autre part, elles ne portent intérêt que du jour de la sommation et non du jour de la dissolution de la communauté.
- Seconde situation
- Par hypothèse, le droit à récompense ne peut naître que si un mouvement de valeur intervient entre une masse de propres et la communauté.
- Si toutefois cette dernière a été dissoute, le dispositif des récompenses devient sans objet, de sorte qu’il n’est plus applicable (V. en ce sens 1ère civ. 17 nov. 1971, n°70-11.606).
- Aussi, durant la phase d’indivision post-communautaire, en cas de mouvements de valeurs entre le patrimoine personnel d’un indivisaire et la masse indivise, la reconstitution en valeur des patrimoines se fera selon les règles relatives, non pas aux récompenses, mais de l’indivision.
- À cet égard, l’article 815-13 du Code civil prévoit que « lorsqu’un indivisaire a amélioré à ses frais l’état d’un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l’équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l’aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu’il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu’elles ne les aient point améliorés. »
==> Régime
Le régime des récompenses est abordé, pour l’essentiel, aux articles 1468 à 1474 du Code civil.
À ces dispositions il y a lieu d’adjoindre les articles 1433 et 1437 qui fondent le principe même du droit à récompense.
S’agissant de l’architecture juridique du dispositif, elle s’articule autour de trois corps de règles relatives :
- D’une part, à l’établissement du compte des récompenses
- D’autre part, au règlement des récompenses
I) L’établissement d’un compte de récompenses
L’article 1468 du Code civil prévoit qu’« il est établi, au nom de chaque époux, un compte des récompenses que la communauté lui doit et des récompenses qu’il doit à la communauté, d’après les règles prescrites aux sections précédentes. »
Il ressort de cette disposition que, lors de la liquidation du régime matrimonial, il appartient aux époux d’inscrire en compte les récompenses.
Selon que la récompense est due par la communauté ou à la communauté, elle sera inscrite au débit ou au crédit du compte ouvert par chaque époux, étant précisé que seul le solde de ce compte donnera lieu à règlement.
Dans le détail, l’établissement de ce compte des récompenses exigera l’observation de deux étapes bien distinctes :
- La première étape consistera à répertorier les récompenses, soit à identifier les mouvements de valeur qui sont intervenus au cours de la communauté et qui donnent lieu à récompenses
- La seconde étape consistera, quant à elle, à évaluer chacune des récompenses dues par la communauté ou à la communauté
En cas de contestation d’une récompense alléguée par un époux, il lui appartiendra de prouver ses prétentions, conformément aux règles de preuve – parfois spécifiques – qui joue en la matière.
A) L’inventaire des récompenses
L’inventaire des récompenses consistera donc pour les époux à retracer tous les mouvements de valeur qui sont intervenus entre la masse commune et les masses de propres depuis l’entrée en vigueur du régime et sa dissolution.
Plus la durée de la communauté sera longue et plus l’exercice sera fastidieux pour les époux.
Comme résumé par un auteur « c’est, en quelque sorte, l’histoire pécuniaire du ménage que le liquidateur doit a posteriori écrire, avec suffisamment de vigilance et de curiosité, pour ne pas laisser dans l’oubli des opérations importantes, et suffisamment de diplomatie, pour ne pas s’enliser dans un inventaire de détails mineurs, susceptibles d’éveiller d’inutiles contestations »[4].
Outre la difficulté d’identification des mouvements de valeurs ouvrant lieu à récompense, les époux se heurteront, parfois, à la preuve du droit à récompense dont la charge pèse sur celui qui se prévaut d’un droit de créance.
1. L’identification des récompenses
L’inventaire des récompenses conduira à inscrite en compte, d’un côté les récompenses dues par la communauté, et de l’autre côté les récompenses dues à la communauté.
1.1 Les récompenses dues par la communauté
a. Principe général
À l’origine, le code civil ne prévoyait que deux cas de récompenses dues par la communauté :
- L’encaissement par la communauté du produit de la vente d’un bien propre, en l’absence d’accomplissement des formalités de remploi par l’époux vendeur
- L’encaissement par la communauté du prix versé en contrepartie de la renonciation par un époux d’une servitude profitant à un immeuble lui appartenant en propre
Très vite, la jurisprudence a dégagé de ces deux cas particuliers un principe général mettant à la charge de la communauté une dette de récompense toutes les fois qu’elle s’est enrichie au détriment du patrimoine propre d’un époux.
Dans un arrêt rendu en date du 8 avril 1872, la Cour de cassation affirme en ce sens que « le régime de la communauté entre époux est soumis à cette règle fondamentale de droit et d’équité, que toutes les fois que l’un des époux a tiré un profit personnel des biens de la communauté, ou la communauté un profit semblable des biens propres à l’un des époux, il est dû indemnité ou récompense, dans le premier cas à la communauté, et dans le second cas au conjoint ».
Ce principe général a formellement été repris par le législateur lors de l’adoption de la loi n°65-570 du 13 juillet 1965 portant réforme des régimes matrimoniaux.
Le nouvel article 1433, al. 1er du Code civil prévoit que « la communauté doit récompense à l’époux propriétaire toutes les fois qu’elle a tiré profit de biens propres. »
Pour qu’une récompense soit due par la communauté, deux conditions cumulatives doivent ainsi être réunies : un profit pour la communauté et l’appauvrissement corrélatif d’une masse de propres.
- S’agissant de la condition tenant au profit réalisé par la communauté
- Cette condition est remplie dans deux hypothèses :
- Soit la communauté a perçu une valeur provenant d’un propre
- Il peut s’agir, par exemple, de l’acquisition d’un bien tombé en communauté au moyen de deniers propres.
- Tel sera notamment le cas lorsque la communauté
- Il peut encore s’agir de l’emploi de fonds personnels à l’amélioration ou à l’entretien d’un bien commun
- Soit une dette commune a été supportée par le patrimoine propre d’un époux
- Tel sera notamment le cas lorsqu’au titre de la contribution à la dette, le passif devait être définitivement supporté par la communauté et que celui-ci a été réglé au moyen de fonds propres
- S’agissant de la condition tenant à l’appauvrissement d’une masse de propres
- Cette condition sera remplie lorsqu’un transfert de valeur interviendra entre une masse de propre et la communauté.
- Plus précisément, ce transfert de valeur doit conduire à un enrichissement de la communauté corrélativement à un appauvrissement d’une masse de propre
- Faute d’appauvrissement corrélatif, aucune récompense ne sera due par la communauté.
- Un époux ne pourra donc pas réclamer un droit à récompense si son patrimoine n’a éprouvé aucune perte, alors même que la communauté s’est enrichie.
- Tel est le cas lorsque la communauté perçoit les revenus tirés de l’exploitation d’un propre.
- Par nature, les revenus de propres sont communs ( 1ère civ. 31 mars 1992, n°90-17212;
- Aussi, l’époux propriétaire d’un bien propre frugifère ne saurait se prévaloir d’une quelconque perte résultant de la perception des fruits par la communauté.
b. Applications
i. L’encaissement par la communauté de deniers propres
Après énonciation du principe en son alinéa 1er, l’article 1433 fournit une application à l’alinéa suivant.
L’alinéa 2 prévoit que la communauté doit récompense « quand elle a encaissé des deniers propres ou provenant de la vente d’un propre, sans qu’il en ait été fait emploi ou remploi ».
Si, de prime abord, la règle ainsi énoncée se comprend bien, car s’inscrivant dans le droit fil du principe, général une lecture littérale du texte n’est toutefois pas sans soulever une difficulté d’interprétation.
La difficulté réside dans l’emploi du terme « encaissement », lequel laisse à penser qu’il suffit que la communauté perçoive des fonds propres pour que naisse un droit à récompense au profit de l’époux auquel ces fonds appartiennent.
Bien que cette interprétation ait été vigoureusement discutée en doctrine et donnée lieu à des décisions retenant des solutions parfois opposées, après plusieurs évolutions intervenues à partir du début des années 1980, la Cour de cassation a finalement affirmé, dans un arrêt du 8 février 2005, rendu au visa de l’article 1433 du Code civil, « qu’il incombe à celui qui demande récompense à la communauté d’établir que les deniers provenant de son patrimoine propre ont profité à celle-ci ; que, sauf preuve contraire, le profit résulte notamment de l’encaissement de deniers propres par la communauté, à défaut d’emploi ou de remploi » (Cass. 1ère civ. 8 févr. 2005, n°03-13.456).
Pour la première chambre civile, l’encaissement de deniers propres par la communauté fait donc présumer la réalisation d’un profit ouvrant droit à récompense.
C’est au conjoint qui conteste le bien-fondé de ce droit à récompense qu’il appartient de prouver que la communauté n’a retiré aucun profit de l’encaissement des deniers propres.
Une partie de la doctrine justifie cette solution en soulignant la difficulté qu’il y a pour l’époux qui se prévaut d’un droit à récompense, de prouver la réalisation d’un profit, notamment lorsqu’il s’est écoulé un long délai entre l’enrichissement de la communauté et la liquidation du régime.
À cet égard, il est rare que les époux songent à tenir une comptabilité détaillée des mouvements valeurs intervenus entre les masses propres et la communauté.
Aussi, afin de le délester l’époux qui allègue un droit à récompense résultant de l’encaissement par la communauté de deniers propres, la haute juridiction a estimé qu’il y avait lieu d’inverser la charge de la preuve.
Par suite, la Cour de cassation est venue préciser sa position en décidant que la présomption de profit tiré de l’encaissement par la communauté de deniers propres ne jouait pas lorsqu’ils ont été déposés sur le compte personnel d’un époux.
Dans un arrêt du 15 février 2012, elle a notamment jugé que « le profit tiré par la communauté résultant de l’encaissement, au sens de l’article 1433, alinéa 2, du code civil, des deniers propres d’un époux ne peut être déduit de la seule circonstance que ces deniers ont été versés, au cours du mariage, sur un compte bancaire ouvert au nom de cet époux » (Cass. 1ère civ., 15 février 2012, n°11-10.182).
Il ressort de cette décision que, selon que les deniers propres ont été déposés sur un compte commun ou le compte personnel d’un, la preuve qui doit être rapportée celui qui allègue d’un droit à récompense diffère d’une situation à l’autre :
- Les deniers propres ont été déposés sur un compte commun
- Dans cette hypothèse, on présume qu’ils ont été utilisés par les deux époux et affectés à la couverture de dépenses communes et, par conséquent, on en déduit une présomption de profit tiré par la communauté.
- Parce qu’il s’agit d’une présomption simple, elle souffre la preuve contraire
- Les deniers propres ont été déposés sur le compte personnel d’un époux
- Dans cette hypothèse, la présomption de profit retiré par la communauté ne joue pas
- Pour la Cour de cassation, on ne peut pas présumer que les fonds propres ont été utilisés par les deux époux pour être affectés à leurs dépenses communes.
- Il en résulte qu’il appartient à celui qui se prévaut d’un droit à récompense d’établir la réalisation d’un profit par la communauté
Cette position a, par suite, été confirmée par la Cour de cassation, notamment dans un arrêt du 4 janvier 2017.
Dans cette décision, elle reproche à une Cour d’appel d’avoir débouté un époux de sa demande de droit à récompense alors qu’elle avait relevé que les deniers propres de cet époux avaient été déposés sur un compte joint, de sorte qu’ils avaient été encaissés par la communauté au sens de l’article 1433 du code civil.
La première chambre civile estime ici que les juges du fond n’ont pas tiré les conséquences de leurs propres constatations (Cass. 1ère civ. 4 janv. 2017, n°16-10.934).
ii. L’acquisition d’un bien en échange d’un propre
En application de l’article 1407 du Code civil, lorsqu’un bien est acquis en échange d’un propre il reste propre, sauf à ce que la soulte réglée par la communauté soit supérieure à la valeur du bien échangé.
L’article 1407, al.2e du Code civil prévoit en ce sens que « si la soulte mise à la charge de la communauté est supérieure à la valeur du bien cédé, le bien acquis en échange tombe dans la masse commune, sauf récompense au profit du cédant. »
Ainsi, par exception au principe posé à l’alinéa 1er, cette disposition fait-elle tomber en communauté le bien acquis en échange d’un bien propre lorsque deux conditions cumulatives sont réunies :
- D’une part, le coût de la soulte due au cocontractant est supporté par la communauté
- D’autre part, le montant de la soulte est supérieur à la valeur du bien échangé
C’est là une application de la règle Major pars trahit ad se minorem, qui signifie littéralement « la plus grande partie attire à elle la moindre ».
Le législateur a, en effet, considéré que dans l’hypothèse où le montant de la soulte réglée par la communauté était supérieur à la valeur du bien échangé, l’opération s’analysait moins comme un échange, que comme une acquisition.
Bien qu’assortie d’une dation en paiement, puisqu’incluant la délivrance d’un bien en guise de paiement d’une fraction du prix, cette acquisition transforme le bien échangé en acquêt.
En contrepartie de la perte de la propriété du bien qu’il a aliénée, l’article 1407, al. 2e prévoit que le cédant a droit à récompense.
iii. L’acquisition d’un bien au moyen de deniers propres
L’article 1436 du Code civil prévoit que « quand le prix et les frais de l’acquisition excèdent la somme dont il a été fait emploi ou remploi, la communauté a droit à récompense pour l’excédent. Si, toutefois, la contribution de la communauté est supérieure à celle de l’époux acquéreur, le bien acquis tombe en communauté, sauf la récompense due à l’époux. »
Il ressort de cette disposition que selon que lorsque la communauté a contribué au financement du bien acquis au moyen de deniers propres, le maintien de ce bien dans le patrimoine personnel de l’époux acquéreur dépend de la proportion dans laquelle cette contribution est intervenue.
Le texte distingue deux situations :
- Le montant de la contribution de la communauté est inférieur ou égal à la valeur du bien acquis
- Le montant de la contribution de la communauté est supérieur la valeur du bien acquis
Dans cette seconde hypothèse, par exception au principe de maintien des biens acquis par emploi ou remploi dans le patrimoine personnel de l’époux acquéreur, cette disposition l’article 1436 du Code civil fait tomber en communauté le bien dont l’acquisition a majoritairement été financée par la communauté.
Le législateur a, en effet, considéré que dans l’hypothèse où la part contributive de la communauté était supérieure à la valeur du bien acquis par emploi ou remploi, l’opération devait lui profiter.
La raison en est que l’opération s’analyse ici moins comme une substitution de biens dans le patrimoine propre de l’époux acquéreur, que comme l’acquisition d’une valeur nouvelle justifiant qu’on lui attribue la qualification d’acquêt.
En contrepartie de la perte de la propriété du bien qu’il a acquis au moyen de deniers propres, l’époux a droit à récompense.
1.2 Les récompenses dues à la communauté
a. Principe général
Par symétrie au principe posé par l’article 1433 du Code civil, l’article 1437 in fine du Code civil prévoit « toutes les fois que l’un des deux époux a tiré un profit personnel des biens de la communauté, il en doit la récompense. »
Il ressort de cette disposition que tout enrichissement d’une masse de propres au détriment de la communauté ouvre droit à récompense en faveur de cette dernière, ce qui suppose que soit constaté :
- D’un côté, un profit réalisé par le patrimoine propre d’un époux
- D’un autre côté, un appauvrissement corrélatif de la masse commune
Par hypothèse, le mouvement de valeur intervenant entre la communauté et une masse de propres se produira plus fréquemment dans ce sens.
La raison en est que la communauté a, par principe, vocation à capter toutes les richesses acquises, perçues et créées par les époux au cours du mariage et notamment leurs revenus professionnels ce qui, la plupart du temps, constitue l’essentiel de leurs ressources.
b. Applications
L’article 1437 du Code civil fournit plusieurs illustrations de situations ouvrant droit à récompense au profit de la communauté. La liste fournie par cette disposition n’est toutefois pas exhaustive.
Elle doit être complétée par les situations visées par des textes épars qui, en certaines circonstances, octroient à la communauté un droit à récompense.
Aussi, notre analyse s’ouvrira aux situations les plus courantes au nombre desquelles figurent notamment :
- L’acquittement d’une dette personnelle d’un époux au moyen de deniers communs
- La réalisation de dépenses relatives à un bien propre acquittées au moyen de deniers communs
- La donation de biens communs
- La constitution d’un droit au profit d’un époux financée par des deniers communs
- La négligence dans la perception des revenus tirés d’un propre
- La fourniture de l’industrie personnelle d’un époux
i. L’acquittement d’une dette personnelle d’un époux au moyen de deniers communs
La première situation ouvrant droit à récompense au profit de la communauté visée par l’article 1437 du Code civil est l’acquittement d’une dette personnelle d’un époux au moyen de deniers communs.
Le texte prévoit en ce sens que « toutes les fois qu’il est pris sur la communauté une somme […] pour acquitter les dettes ou charges personnelles à l’un des époux […] il en doit la récompense. »
La question qui immédiatement se pose est de savoir qu’elles sont précisément les dettes contractées par les époux dont le règlement par la communauté lui ouvre droit à récompense.
À l’analyse, il s’agit de toutes les dettes qui répondent aux conditions suivantes :
- D’une part, elles doivent avoir été acquittées au moyen de deniers de la communauté
- D’autre part, il doit s’agir de dettes qui présentent un caractère personnel
α) Une dette acquittée au moyen de deniers communs
Pour que le règlement d’une dette ouvre droit à récompense au profit de la communauté, encore faut-il que cette dette ait été réglée au moyen de biens communs.
Par biens communs, il faut entendre, en substance, tous les biens acquis à titre onéreux par les époux au cours du mariage.
Plusieurs sources sont susceptibles d’alimenter la masse commune :
- Les biens provenant d’une acquisition
- Les biens provenant de l’industrie des époux
- Les biens provenant des revenus des propres
- Les biens provenant du jeu de l’accession
- Les biens provenant du jeu de la subrogation
- Les biens provenant d’un jeu de hasard ou d’un jeu-concours
Aussi, toutes les fois qu’un époux réglera une dette par prélèvement de ses gains et salaires ou des revenus de ses propres, une récompense sera due à la communauté.
Il en va de même lorsque les deniers employés seront prélevés sur les sommes d’argent déposées sur le compte personnel d’un époux et qui, parce qu’elles ont été économisées, sont devenues des acquêts de la communauté.
β) Une dette personnelle
La communauté a droit à récompense lorsque la dette acquittée au moyen de deniers communs présente un caractère personnel. L’article 1437 vise expressément les dettes personnelles, sans autre précision.
Aussi, est-il indifférent qu’il s’agisse d’une dette qui soit personnelle seulement au plan de la contribution ou qui soit personnelle sous le double rapport de l’obligation et de la contribution.
Pour mémoire :
- Lorsqu’une dette est personnelle au plan de l’obligation, cela signifie que les créanciers peuvent exercer leurs poursuites sur les seuls biens propres de l’époux débiteur
- Lorsqu’une dette est personnelle au plan de la contribution, cela signifie que, au stade de la liquidation du régime, elle devra être supportée par le patrimoine propre de l’époux débiteur, quand bien même elle a été acquittée par la communauté
Au fond, pour qu’une dette soit personnelle au sens de l’article 1437 du Code civil, la seule exigence fixée par ce texte est qu’elle doive être définitivement supportée par le patrimoine propre d’un époux.
À l’analyse, deux catégories de dettes répondent à cette exigence :
- Les dettes communes quant à l’obligation et propres quant à la contribution
- Les dettes propres sous le double rapport de l’obligation et de la contribution
==> Les dettes communes quant à l’obligation et propres quant à la contribution
L’article 1413 du Code civil prévoit que « le paiement des dettes dont chaque époux est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs, à moins qu’il n’y ait eu fraude de l’époux débiteur et mauvaise foi du créancier, sauf la récompense due à la communauté s’il y a lieu. »
Il ressort de cette disposition que, au plan de l’obligation, sont communes toutes les dettes qui ont été contractées au cours du mariage, exceptions faites des dettes grevant les successions et libéralités qui, en application de l’article 1410 du Code civil, restent propres.
Pour être inscrite au passif provisoire de la communauté, il est donc indifférent :
- D’une part, que la dette soit née du chef de l’un ou l’autre époux ou des deux
- D’autre part, que la dette soit d’origine contractuelle, délictuelle ou encore légale
- Enfin, que la dette ait été souscrite dans l’intérêt personnel d’un époux ou qu’elle ait été contractée à des fins professionnels
Reste que toutes les dettes communes au plan de l’obligation ne sont pas propres au plan de la contribution.
Or c’est là une condition qui doit être satisfaite pour qu’une récompense soit due à la communauté en cas de règlement de la dette au moyen de deniers communs.
Quelles sont les dettes qui remplissent cette condition ? On en compte trois catégories :
- Les dettes contractées dans l’intérêt personnel d’un époux
- L’article 1416 du Code civil prévoit que « la communauté qui a acquitté une dette pour laquelle elle pouvait être poursuivie en vertu des articles précédents a droit néanmoins à récompense, toutes les fois que cet engagement avait été contracté dans l’intérêt personnel de l’un des époux, ainsi pour l’acquisition, la conservation ou l’amélioration d’un bien propre. »
- Il ressort de cette disposition que les dettes ont été contractées dans l’intérêt personnel d’un époux et qui ont été réglées avec des deniers communs ouvrent droit à récompense au profit de la communauté.
- La raison en est que, pour la catégorie de dépenses visées ici, non seulement elles n’ont pas profité à la communauté, mais encore elles l’ont appauvrie.
- Aussi, afin de rétablir l’équilibre entre la masse propre qui s’est enrichie et la masse commune, le mécanisme des récompenses à vocation à jouer.
- Les dettes délictuelles et quasi-délictuelles
- L’article 1417, al. 1er du Code civil prévoit que « la communauté a droit à récompense, déduction faite, le cas échéant, du profit retiré par elle, quand elle a payé les amendes encourues par un époux, en raison d’infractions pénales, ou les réparations et dépens auxquels il avait été condamné pour des délits ou quasi-délits civils».
- Il ressort de cette disposition que les dettes résultant de la commission d’infractions pénales et plus généralement de faits illicites volontaires ou involontaires doivent être supportées, à titre définitif, par l’époux du chef duquel elles sont nées.
- La raison en est que ces dettes sont présumées n’avoir pas été souscrites dans l’intérêt de la communauté. Et pour cause, elles ne sont, en principe, la contrepartie d’aucun avantage pour la communauté.
- Elles ont pour fait générateur la réalisation d’un dommage qui est de nature à porter atteinte aux intérêts patrimoniaux et/ou extrapatrimoniaux de la victime.
- C’est la raison pour laquelle le paiement par la communauté de dommages et intérêts versés en réparation d’un préjudice résultant d’un délit ou d’un quasi-délit, lui ouvre droit à récompense.
- Si, au plan de la contribution, les dettes délictuelles et quasi-délictuelles doivent être supportées par l’époux qui les a contractées, au plan de l’obligation elles sont communes, de sorte qu’elles sont exécutoires sur les biens communs.
- Cette asymétrie entre l’obligation à la dette et la contribution à la dette procède de la volonté du législateur de ne pas limiter le gage des victimes aux seuls biens propres et aux revenus de l’auteur du dommage.
- Les dettes résultant d’un manquement aux devoirs du mariage
- L’article 1417, al. 2e du Code civil prévoit que la communauté a droit à récompense « si la dette qu’elle a acquittée avait été contractée par l’un des époux au mépris des devoirs que lui imposait le mariage. »
- Ainsi, dès lors qu’une dette résulte de la violation d’une obligation née du mariage, la communauté a droit à récompense si cette dette a été réglée au moyen de deniers communs.
- Tel serait le cas, par exemple, d’une dette souscrite par un époux pour entretenir une relation adultérine ou encore pour vivre en dehors du logement familial au mépris de l’obligation de communauté de vie.
- La doctrine estime qu’une récompense serait également due à la communauté, sur ce fondement, en cas de paiement d’une pension alimentaire par un époux à son enfant adultérin.
==> Les dettes propres sous le double rapport de l’obligation et de la contribution
Il s’agit des dettes qui sont exécutoires sur les seuls biens propres de l’époux débiteurs et qui sont définitivement supportées par son patrimoine personnel
Ces dettes qui sont personnelles sous le double rapport de l’obligation et de la contribution sont visées par l’article 1410 du Code civil qui prévoit que « les dettes dont les époux étaient tenus au jour de la célébration de leur mariage, ou dont se trouvent grevées les successions et libéralités qui leur échoient durant le mariage, leur demeurent personnelles, tant en capitaux qu’en arrérages ou intérêts. »
Il ressort de cette disposition que sont propres au plan de l’obligation et de la contribution :
- Les dettes présentes au jour du mariage
- En application de l’article 1410 du Code civil les dettes dont les époux étaient tenus au jour de la célébration de leur mariage leur sont propres.
- Bien que ces dettes ne soient pas exécutoires sur les biens communs – exclusion faite des revenus de l’époux débiteur – elles sont susceptibles d’être acquittées par prélèvement de la masse commune.
- Dans cette hypothèse, la communauté aura droit à récompense, conformément à l’article 14212 du Code civil.
- Les dettes grevant les successions et libéralités
- Envisagées par l’article 1410 du Code civil sur le même plan que les dettes présentes au jour du mariage, les dettes grevant les successions et libéralités demeurent également propres aux époux, tant au plan de l’obligation, qu’au plan de la contribution.
- Le caractère propre de ces dettes tient ici, non pas à la date de leur fait générateur, mais à leur rattachement à une succession ou à une libéralité.
- En tout état de cause, en cas d’acquittement d’une telle dette au moyen de deniers communs, une récompense sera due à la communauté ( 1412 C. civ.)
ii. La réalisation de dépenses relatives à un bien propre acquittées au moyen de deniers communs
L’article 1437 du Code civil prévoit expressément que lorsque la communauté a assumé des dépenses relatives à un bien propre elle a droit à récompense.
Il en est, en revanche certaines qui n’ouvrent pas droit à récompense.
α) Les dépenses se rapportant à un propre ouvrant droit à récompense
Au nombre des dépenses se rapportant à un propre ouvrant droit à récompense, on compte :
- Les dépenses d’acquisition
- Les dépenses de conservation et d’amélioration
==> Les dépenses d’acquisition
Sont ici visées toutes les dépenses réalisées par un époux qui ont permis à un époux d’acquérir un bien propre.
Plusieurs situations sont susceptibles de se présenter :
- L’acquisition d’un bien propre dans le cadre d’un emploi ou d’un remploi
- L’article 1436 du Code civil prévoit que « quand le prix et les frais de l’acquisition excèdent la somme dont il a été fait emploi ou remploi, la communauté a droit à récompense pour l’excédent. Si, toutefois, la contribution de la communauté est supérieure à celle de l’époux acquéreur, le bien acquis tombe en communauté, sauf la récompense due à l’époux. »
- Il ressort de cette disposition que lorsque la communauté a contribué au financement du bien acquis au moyen de deniers propres, le maintien de ce bien dans le patrimoine personnel de l’époux acquéreur dépend de la proportion dans laquelle cette contribution est intervenue.
- À cet égard, lorsque la part contributive de la communauté dans l’acquisition du bien acquis par un époux avec ses deniers propres est minoritaire, ce bien reste dans son patrimoine personnel.
- La communauté aura néanmoins droit à récompense dont l’assiette correspond à la fraction du prix qu’elle a financé.
- L’acquisition d’un bien en échange d’un propre
- L’article 1407, al. 1er du Code civil prévoit que « le bien acquis en échange d’un bien qui appartenait en propre à l’un des époux est lui-même propre, sauf la récompense due à la communauté ou par elle, s’il y a soulte. »
- Il ressort de cette disposition que, en cas d’échange d’un bien propre contre un autre bien, par l’effet de la subrogation réelle, le bien acquis reste propre.
- Comme pour les créances et indemnités perçues en remplacement d’un propre, la subrogation réelle opère ici de plein droit. Il n’est donc pas besoin pour l’époux qui échange un bien propre, qu’il accomplisse une quelconque formalité aux fins de conserver dans son patrimoine le bien qui lui a été délivré.
- Reste qu’il est rare que les deux biens échangés aient la même valeur. Aussi, l’échange est-il susceptible de donner lieu au paiement d’une soulte.
- Par soulte, il faut entendre la somme d’argent qui vise à compenser la différence de valeur des biens échangés.
- En cas de soulte due par l’époux partie à l’opération d’échange, l’article 1407, al. 1er in fine prévoit qu’une récompense sera due à la communauté dans l’hypothèse où cette soulte serait réglée au moyen de deniers communs.
- Le bien acquis n’en conservera pas moins sa nature propre, sauf à ce que le montant de la soulte soit supérieur à la valeur du bien échangé.
- L’acquisition de parts indivises
- L’article 1408 du Code civil prévoit que « l’acquisition faite, à titre de licitation ou autrement, de portion d’un bien dont l’un des époux était propriétaire par indivis, ne forme point un acquêt, sauf la récompense due à la communauté pour la somme qu’elle a pu fournir.»
- Il ressort de cette disposition que lorsqu’un époux est propriétaire de parts indivises sur un bien, en cas de rachat des parts d’un ou plusieurs coindivisaires, les parts acquises lui appartiennent en propre.
- Cette règle se justifie par la nécessité d’éviter de créer une situation d’indivision dans l’indivision.
- En effet, tandis que la part originaire serait un bien propre, les parts indivises nouvellement acquises seraient communes.
- Animé par une volonté d’assurer l’unité de la propriété, le législateur a estimé qu’il y avait lieu de déroger au principe d’inscription à l’actif de la communauté des biens acquis à titre onéreux au cours du mariage.
- En contrepartie, la communauté aura néanmoins droit à récompense
- L’acquisition d’instruments de travail
- L’article 1404, al. 2e du Code civil prévoit que « forment aussi des propres par leur nature, mais sauf récompense s’il y a lieu, les instruments de travail nécessaires à la profession de l’un des époux»
- Il ressort de cette disposition que tous les biens affectés à l’exercice de l’activité professionnelle des époux constituent des biens propres.
- Il s’agira notamment des outils et des machines de l’artisan ou encore de l’équipement et des appareils de mesure d’un géomètre, d’un architecte.
- Il s’agit, autrement dit, de tout bien dont l’utilisation est indispensable à l’exercice de l’activité professionnelle d’un époux.
- Cette exclusion de la masse commune des instruments de travail se justifie par la volonté du législateur d’assurer l’indépendance professionnelle des époux.
- Il ne faudrait pas qu’un époux soit empêché de jouir de cette indépendance qui lui est expressément reconnue par l’article 223 du Code civil en raison du véto posé par son conjoint quant à l’accomplissement d’actes de disposition ou d’administration sur ses instruments de travail.
- Pour cette raison, les instruments de travail sont des biens propres, ce qui confère à l’époux qui les a acquis un pouvoir de gestion exclusive de ces derniers.
- Lorsque toutefois les biens affectés à l’exercice de l’activité professionnelle sont acquis avec des fonds communs, la communauté aura droit à récompense.
- C’est là une différence majeure avec les biens propres par nature qui présentent un caractère personnel, leur acquisition ne donnant jamais lieu à récompense quand bien même le coût de cette acquisition est supporté par la communauté.
- L’acquisition de biens à titre accessoire d’un propre
- L’article 1406, al. 1er du Code civil prévoit que « forment des propres, sauf récompense s’il y a lieu, les biens acquis à titre d’accessoires d’un bien propre».
- En ne précisant pas néanmoins si le lien de rattachement existant entre le bien acquis à titre onéreux et un bien propre devait être matériel, économique ou juridique, le législateur a entendu pourvoir la règle d’un domaine d’application pour le moins étendu.
- Dès lors, en effet, qu’un bien entretient un rapport d’accessoire à principal avec un propre, il est susceptible d’intégrer le patrimoine personnel de l’époux acquéreur.
- À l’analyse, ce rapport d’accessoire à principal est susceptible de se retrouver dans trois situations :
- En cas d’acquisition d’un bien par voie d’accession
- En cas d’acquisition d’un bien à titre de simple accessoire
- En cas de réalisation d’une plus-value sur un bien propre
- Tandis que, dans les deux premiers cas la communauté aura droit à récompense en cas de contribution au financement de l’acquisition du bien, il n’en va pas de même dans le dernier cas.
- Acquisition d’un bien par voie d’accession ou à titre de simple accessoire
- Dans cette hypothèse, la communauté peut avoir participé au financement de la construction d’un immeuble sur un fonds appartenant en propre à un époux ou à la commande de marchandises attachées à un fonds de commerce détenu personnellement par un époux.
- Dans les deux cas, les biens acquis restent propres à l’époux en application du principe de l’accessoire.
- Reste que parce qu’un patrimoine propre s’est enrichi au détriment de la communauté, il est admis que sa participation financière à l’acquisition, à titre accessoire, d’un propre lui ouvre droit à récompense
- La réalisation d’une plus-value sur un propre
- Autre accessoire susceptible de donner lieu à la qualification de bien propre par rattachement, les plus-values réalisées par un époux sur un bien lui appartenant à titre personnel.
- S’il a toujours été admis que les plus-values qui ont pour cause le contexte économique et notamment la dépréciation monétaire devaient être exclues de la masse commune (V. en ce sens civ. 3 nov. 1954), un débat s’est ouvert sur celles résultant du travail fourni par un époux.
- Deux approches sont envisageables :
- Première approche
- Ces plus-values peuvent être appréhendées comme constituant des biens provenant de l’industrie personnelle des époux au sens de l’article 1401 du Code civil
- Dans cette hypothèse, elles devraient tomber en communauté
- Seconde approche
- Les plus-values résultant du travail d’un époux peuvent être appréhendées comme constituant des accessoires du bien propre dont elles augmentent la valeur.
- Dans cette hypothèse, il y aurait lieu de faire application de l’article 1406, al. 1er du Code civil et donc de leur attribuer la qualification de bien propre
- Non sans avoir hésité, la jurisprudence a finalement opté pour la seconde approche, considérant, au surplus, que la communauté n’avait pas droit à récompense.
- Dans un arrêt du 5 avril 1993, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « la plus-value procurée par l’activité d’un époux ayant réalisé lui-même certains travaux sur un bien qui lui est propre, ne donne pas lieu à récompense au profit de la communauté» ( 1ère civ. 5 avr. 1993, n°91-15139).
- Elle a réaffirmé sa position plus récemment sa position dans une décision rendue le 26 octobre 2011 ( 1ère civ. 26 oct. 2011, n°10-23994).
- La raison en est que la reconnaissance d’un droit à récompense suppose l’existence d’un mouvement de valeur entre une masse propre et la communauté.
- Or ce mouvement de valeur fait défait en cas de réalisation d’une plus-value.
- D’où la position adoptée par la Cour de cassation.
==> Les dépenses de conservation et d’amélioration
L’article 1416 prévoit que lorsque la communauté a financé la conservation et l’amélioration d’un bien propre, elle a droit à récompense.
Ces dépenses sont toutes celles exposées pour la réalisation de travaux qui présentent une certaine importance et qui ne sont pas périodiques (travaux d’agrandissement, rénovation de la toiture, ravalement de la façade etc.). Ces travaux visent, soit à maintenir le bien en bon état (conservation), soit à lui apporter une plus-value (amélioration).
Les dépenses de conservation et d’amélioration s’opposent aux dépenses d’entretien, lesquelles se caractérisent par leur périodicité et leur moindre coût (impôts fonciers, primes d’assurance, charges de copropriété etc.).
Tandis que les premières sont réputées être acquittées par un prélèvement sur le capital, les secondes ont quant à elles vocation à être financées par les fruits que le bien procure à son propriétaire.
Aussi, seules les dépenses de conservation et d’amélioration ouvrent droit à récompense, à tout le moins lorsqu’elles sont réglées au moyen de deniers communs.
À cet égard, dans un arrêt du 20 février 2007 la Cour de cassation est venue préciser que « les fruits et revenus des biens propres ont le caractère de biens communs ; que, dès lors, donne droit à récompense au profit de la communauté l’emploi des revenus d’un bien propre à son amélioration » (Cass. 1ère civ. 20 févr. 2007, n°05-18.066).
Ainsi, lorsque la conservation ou l’amélioration d’un bien est financée par des revenus de propres, la communauté aura droit à récompense dans la mesure où ces revenus endossent la qualification de biens communs.
β) Les dépenses se rapportant à un propre n’ouvrant pas droit à récompense
Contrairement aux dépenses de conservation et d’amélioration, les dépenses d’entretien n’ouvrent pas droit à récompense lorsqu’elles sont acquittées au moyen de deniers communs.
Comme indiqué ci-dessus, les dépenses d’entretien ne sont autres que les dépenses courantes, lesquelles présentent une certaine périodicité, sont modestes et ne se rapportent pas à de grosses réparations.
Au nombre des dépenses d’entretien on compte les primes d’assurance, les impôts fonciers ou encore les charges de copropriété.
Les dépenses d’entretien doivent donc être supportées, à titre définitif, par la communauté et non par l’époux auquel le bien appartient un propre.
La raison en est que, ces dépenses sont réputées se rapporter à la jouissance de la chose. À ce titre, elles doivent être supportées par celui qui profite de cette jouissante.
Or ainsi qu’il l’a été relevé par la Cour de cassation dans un arrêt du Authier rendu en date du 31 mars 1992, c’est la communauté qui la jouissance du bien, les fruits générés par celui-ci lui revenant (Cass. 1ère civ. 31 mars 1992, n°90-17212).
Arrêt « Authier »
(Cass. 1ère civ. 31 mars 1992) |
Attendu, qu’un jugement du 18 janvier 1981, confirmé par un arrêt du 2 février 1982 a prononcé le divorce de M. Y… et Mme X… en prescrivant la liquidation de la communauté conjugale existant entre eux ; que, statuant sur des difficultés afférentes à cette liquidation, l’arrêt attaqué a dit qu’au titre de l’acquisition d’un immeuble propre, à Ormesson, Mme X… était redevable de ” récompenses ” se montant à 109 980 francs pour la communauté conjugale et à 16 136 francs pour M. Y… ; que cet arrêt a rejeté la demande de Mme X… pour obtenir le paiement d’une récompense de 68 090,96 francs par la communauté et décidé que toutes les parts d’une société Wilson 30, qui dépendait de la communauté au jour de sa dissolution, devraient être comprises dans le partage, pour leur valeur à la date de celui-ci, malgré la cession d’une fraction d’entre elles, réalisée par Mme X… après la dissolution de la communauté par le divorce ;
Sur le deuxième moyen : (sans intérêt) ;
Mais sur le premier moyen :
Vu les articles 1401 et 1403, 1433 et 1437 du Code civil, ensemble les articles 1469 et 1479 du même Code ;
Attendu que la communauté, à laquelle sont affectés les fruits et revenus des biens propres, doit supporter les dettes qui sont la charge de la jouissance de ces biens ; que, dès lors, leur paiement ne donne pas droit à récompense au profit de la communauté lorsqu’il a été fait avec des fonds communs ; qu’il s’ensuit que l’époux, qui aurait acquitté une telle dette avec des fonds propres, dispose d’une récompense contre la communauté ;
Attendu que pour chiffrer la récompense due par Mme X… à la communauté ayant existé entre elle-même et M. Y…, ainsi que l’indemnité qu’elle a cru devoir reconnaître à ce dernier, en raison des annuités servies par eux pour l’acquisition de l’immeuble d’Ormesson, la cour d’appel a retenu comme éléments de calcul, le prix d’acquisition du bien, sa valeur au jour du partage et les sommes versées par la communauté et le mari en capital et intérêts ;
Attendu qu’en statuant ainsi, alors que pour déterminer la somme due par un époux, en cas de règlement des annuités afférentes à un emprunt souscrit pour l’acquisition d’un bien qui lui est propre, il y a lieu d’avoir égard à la fraction ainsi remboursée du capital, à l’exclusion des intérêts qui sont une charge de la jouissance, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
[…]
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions relatives à l’évaluation de la récompense due à la communauté par Mme X… et de la créance personnelle de M. Y… à l’encontre de cette dernière, ainsi qu’aux modalités de partage des parts de la société Wilson 30, l’arrêt rendu le 24 avril 1990, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Amiens |
- Faits
- Un couple marié sous le régime de la communauté d’acquêts a fait l’acquisition, en 1974, d’un immeuble financé par :
- Des deniers appartenant en propre à l’épouse
- Des fonds communs
- Un emprunt contracté solidairement par les époux
- Il a été convenu entre les époux que cet immeuble appartiendrait en propre à l’épouse.
- Reste que son acquisition a, pour partie, été financée par des fonds communs.
- Quant à l’emprunt son remboursement a été supporté par la communauté pendant trois ans.
- Il en est résulté, lors de la liquidation du régime matrimonial, la naissance d’un droit à récompense au profit de la communauté.
- Si les époux étaient d’accord sur le bien-fondé de ce droit à récompense, ils se sont en revanche disputés, entre autres points de discordances que nous n’aborderons pas ici, ses modalités de calcul.
- Procédure
- Par un arrêt du 24 avril 1990, la Cour d’appel de Paris a octroyé une récompense à la communauté en retenant comme éléments de calcul, outre le prix d’acquisition du bien et sa valeur au jour du partage, les sommes versées par la communauté et le mari en capital augmenté des intérêts.
- Ce qui retient l’attention ici c’est la prise en compte des intérêts dans le calcul de la récompense.
- Tandis que le remboursement du capital de l’emprunt consiste en une dépense d’acquisition qui doit être supportée par le seul propriétaire du bien – au cas particulier l’épouse – il en va différemment des intérêts.
- Ces derniers, que l’on peut qualifier de loyer de l’argent, se rapportent plutôt à la jouissance de la chose.
- En l’espèce, le bien acquis servait de logement familial au couple marié, de sorte que c’est la communauté qui avait la jouissance de la chose.
- En toute logique c’est donc à elle qu’il revenait de supporter la charge des intérêts.
- Les juges du fond ne l’ont toutefois pas entendu ainsi.
- À l’analyse, en intégrant dans l’assiette de calcul de la récompense les intérêts, cela revenait à les appréhender comme une dette personnelle.
- Et si les intérêts constituent une dette personnelle, cela signifie que leur face opposée, soit les revenus tirés de la jouissance de la chose, sont des biens propres.
- C’est donc une décision contraire à la solution adoptée par la Cour de cassation dans l’arrêt du 6 juillet 1982 ( 1ère civ. 6 juill. 1982, n°81-12680) qui a été prise ici par la Cour d’appel.
- Décision
- Dans l’arrêt rendu en date du 31 mars 1992, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel.
- Au soutien de sa décision elle affirme que « la communauté, à laquelle sont affectés les fruits et revenus des biens propres, doit supporter les dettes qui sont la charge de la jouissance de ces biens ; que, dès lors, leur paiement ne donne pas droit à récompense au profit de la communauté lorsqu’il a été fait avec des fonds communs ; qu’il s’ensuit que l’époux, qui aurait acquitté une telle dette avec des fonds propres, dispose d’une récompense contre la communauté».
- Ainsi, pour la Première chambre civile, les intérêts de l’emprunt souscrit par les époux constituent « la charge de la jouissance» du bien propre acquis.
- Or cette jouissance a profité à la communauté.
- La Cour de cassation en déduit que le remboursement des intérêts d’emprunt devait être supporté, non pas par l’épouse comme affirmé par la Cour d’appel, mais par la communauté à laquelle il n’est donc pas dû récompense pour cette partie du financement du bien propre.
De façon générale, toutes les dépenses se rapportant à la jouissance de la chose doivent être supportées, à titre définitif, par la communauté, cette dernière ayant vocation à percevoir les fruits produits par les biens appartenant en propre aux époux.
Dans l’arrêt Authier, la Cour de cassation retient que ce sont les intérêts d’emprunt qui constituent la contrepartie de la jouissance du bien propre financé par la communauté et que, par voie de conséquence, elle n’a droit à récompense que pour le remboursement du capital.
Dans un arrêt du 7 novembre 2018, elle a admis qu’il en allait de même pour l’indemnité de remboursement anticipé d’un prêt (Cass. 1ère civ. 7 nov. 2018, n°17-25.965).
Tel est également le cas des impôts fonciers attachés à la jouissance d’un bien propre (Cass. 1ère civ. 7 mars 2000, n°97-11.524), et plus discutablement pour la rente viagère donnant une donation-partage (Cass. 1ère civ. 15 mai 2008, n°07-11.460).
iii. La donation de biens communs
==> Principe général
Exception faite de la donation de gains et salaires qui échappe au principe de cogestion (Cass. 1ère civ. 29 févr. 1984, n°82-15.712), lorsqu’une donation est accomplie sur des biens communs elle requiert le consentement des deux époux.
L’article 1422 du Code civil prévoit en ce sens que « les époux ne peuvent, l’un sans l’autre, disposer entre vifs, à titre gratuit, des biens de la communauté. »
Cette disposition soumet ainsi à la gestion conjointe des époux les donations portant sur un élément d’actif de la communauté.
Pour rappel, plusieurs éléments caractérisent une donation :
- Un contrat
- La donation s’analyse tout d’abord en un contrat, en ce que sa conclusion requiert un accord des volontés
- Le donateur consent une libéralité à un donataire qui doit l’accepter
- C’est là une distinction majeure avec le legs qui consiste en un acte unilatéral dont la validité est subordonnée à l’expression d’une volonté solitaire
- Un contrat à titre gratuit
- La donation constitue un acte à titre gratuit en ce que l’une des parties (le donateur) procure à l’autre (le donataire) un avantage sans attendre ni recevoir de contrepartie.
- La donation forme ainsi avec le legs la catégorie des libéralités.
- Par libéralité, il faut entendre l’acte par lequel une personne dispose à titre gratuit de tout ou partie de ses biens ou de ses droits au profit d’une autre personne
- Un contrat à titre gratuit entre vifs
- La donation est un acte conclu entre vifs, car le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l’accepte.
- La libéralité ainsi consentie produit ses effets du vivant du donateur.
- C’est là une autre différence majeure avec le legs qui est un acte de disposition à cause de mort et qui donc ne produit ses effets qu’au décès du testateur.
Dès lors que ces éléments constitutifs de la donation sont réunis, l’acte de disposition qui porte sur des biens communs requiert le consentement des deux époux.
Lorsque cette condition est remplie, d’aucuns avancent que chaque époux doit une récompense à la communauté pour la moitié dans la mesure où elle s’est appauvrie.
D’autres soutiennent le contraire, considérant que l’octroi de ce droit à récompense est sans incidence sur les rapports réciproques des époux.
Si cette question n’est, pour l’heure, pas tranchée, les auteurs s’accordent en revanche sur le sort des donations de biens communs qui auraient été consenties par un seul époux au mépris du principe de gestion conjointe énoncé à l’article 1422 du Code civil.
En pareil cas, deux situations doivent être distinguées :
- Première situation
- L’époux dont le consentement n’a pas été sollicité peut exercer une action en nullité sur le fondement de l’article 1427 du Code civil.
- Cette disposition prévoit que « l’action en nullité est ouverte au conjoint pendant deux années à partir du jour où il a eu connaissance de l’acte, sans pouvoir jamais être intentée plus de deux ans après la dissolution de la communauté. »
- Lorsque l’action est engagée dans les délais, le bien qui a fait l’objet de la donation annulée est réintégré dans la masse commune.
- Faute d’appauvrissement de la communauté, aucune récompense ne lui est due
- Seconde situation
- L’action en nullité prévue par l’article 1427 du Code civil est prescrite.
- Dans cette hypothèse, le bien qui a été aliéné à titre gratuit par un époux sans le consentement de son conjoint ne pourra donc pas être réintégré dans le patrimoine commun.
- Parce que la communauté s’en trouve lésée, il est admis qu’une récompense lui est due
==> Cas particulier des donations consenties à des enfants communs
Certaines donations de biens communs qui relèvent de textes spéciaux. Il s’agit de celles consistant en la constitution de dots au profit d’enfants communs.
Il ressort des articles 1438 et 1439 du Code civil qu’il y a lieu de distinguer deux situations :
- Première situation : la dot est constituée par un époux et autorisée par le conjoint
- Dans cette hypothèse, le conjoint n’est donc pas partie à l’acte. Il a seulement autorisé la donation.
- Principe
- L’article 1439, al. 1er du Code civil prévoit que « la dot constituée à l’enfant commun, en biens de la communauté, est à la charge de celle-ci. »
- Autrement dit, la communauté n’aura pas droit à récompense
- Exception
- Lorsque la donation est autorisée par le conjoint, l’époux donateur peut déclarer expressément qu’il entend supporter à titre personnel la charge de cette donation pour le tout ou pour une part supérieure à la moitié ( 1439, al. 2e C. civ.)
- Dans cette hypothèse, la communauté aura droit à récompense pour la part excédant la moitié de la donation
- Seconde situation : la dote est constituée conjointement par les deux époux
- Dans cette hypothèse, les deux époux sont partie à l’acte de donation
- Ils sont alors réputés avoir voulu supporter la charge de la donation chacun pour moitié
- L’article 1438, al. 1er du Code civil prévoit en ce sens que « si le père et la mère ont doté conjointement l’enfant commun sans exprimer la portion pour laquelle ils entendaient y contribuer, ils sont censés avoir doté chacun pour moitié, soit que la dot ait été fournie ou promise en biens de la communauté, soit qu’elle l’ait été en biens personnels à l’un des deux époux. »
- S’agissant du droit à récompense de la communauté il convient de distinguer deux situations
- La libéralité porte exclusivement sur des biens communs
- Dans cette hypothèse, chaque époux doit récompense à la communauté à concurrence de la moitié de la donation
- La libéralité porte pour plus de la moitié sur les propres d’un époux
- Dans cette hypothèse, l’article 1438, al. 2e du Code civil prévoit que « l’époux dont le bien personnel a été constitué en dot, a, sur les biens de l’autre, une action en indemnité pour la moitié de ladite dot, eu égard à la valeur du bien donné au temps de la dotation»
- Autrement dit, cet époux dispose d’un recours, non pas contre la communauté, mais contre son conjoint pour le trop payé
iv. La constitution d’un droit au profit d’un époux financée par des deniers communs
Dans cette hypothèse, un droit propre a été constitué par un époux au profit du conjoint survivant au moyen de deniers communs.
Cette situation se rencontre notamment en matière de souscription d’un contrat d’assurance vie ou d’une rente viagère assortie d’une clause de réversibilité.
À l’analyse, ces opérations donnent indéniablement lieu à des mouvements de valeur entre la masse commune qui supporte la dépense de souscription et le patrimoine propre de l’époux au profit duquel le droit est constitué.
La question qui s’est alors posée si, en pareille hypothèse, la communauté avait droit à récompense.
==> La souscription d’un contrat d’assurance vie
La question qui ici se pose est donc de savoir si la communauté a droit à récompense, lorsque les primes dues au titre d’un contrat d’assurance-vie ont été réglées au moyen de deniers communs.
Pour le déterminer, il convient de se reporter à l’article L. 132-16 du Code des assurances qui prévoit qu’aucune récompense n’est due à la communauté, en raison des primes payées par elle, sauf dans le cas énoncé à l’article L. 132-13, soit lorsque les sommes versées par le contractant à titre de primes ont été manifestement exagérées eu égard à ses facultés.
Encore faut-il néanmoins que le contrat d’assurance ait souscrit au bénéfice du conjoint.
S’il a été souscrit au profit d’un tiers, la communauté aura droit à récompense, la jurisprudence considérant que, en pareille hypothèse, le contrat est réputé avoir été conclu dans l’intérêt personnel de l’époux souscripteur (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 10 juill. 1996, n°94-18.733).
La Cour de cassation a retenu la même solution lorsque le conjoint bénéficiaire est décédé « sans avoir accepté le bénéfice des contrats d’assurance-vie » (Cass. 1ère civ. 22 mai 2007, n°05-18.516).
==> La constitution d’une rente viagère
Parmi les créances dont sont susceptibles d’être titulaires les époux, il y a les rentes viagères.
Ces créances se distinguent de celles expressément visées par l’article 1404 al. 1er du Code civil en ce que, d’une part, elles sont le plus souvent d’origine conventionnelle et, d’autre part, elles sont cessibles.
Pour cette raison, elles sont exclues du domaine d’application du texte, à tout le moins pris dans sa première partie. Est-ce à dire qu’elles tombent en communauté ?
C’est la question qui s’est posée en jurisprudence et qui a agité la doctrine avant l’adoption de la loi du 13 juillet 1965.
Lorsqu’une rente viagère est contractée pour le bénéfice d’un époux elle présente indéniablement un caractère personnel.
Pour cette raison, il a très tôt été admis par les juridictions qu’il y avait lieu de faire application de l’article 1404, al. 1er in fine et donc de conférer aux rentes viagères la qualification de biens propres par nature.
Si cette solution se justifie pleinement lorsque la constitution de la rente est intervenue avant la célébration du mariage ou lorsqu’elle a été financée par des deniers propres, une difficulté survient lorsque ce sont des fonds communs qui ont été affectés à la souscription de la rente viagère.
Plus précisément en pareille circonstance la question se pose de savoir si la communauté n’aurait-elle pas droit à récompense ?
Plusieurs situations doivent être distinguées :
- La rente viagère a été constituée par un époux au profit de son conjoint
- Dans cette hypothèse, il y a lieu de distinguer selon que l’époux souscripteur est ou non animé d’une intention libérale
- L’époux souscripteur est animé d’une intention libérale
- La rente viagère est toujours exclue de la masse commune.
- Aucune récompense n’est due à la communauté, quand bien même la rente a été financée par des fonds communs.
- L’époux souscripteur n’est pas animé par une intention libérale
- Dans cette hypothèse, la rente viagère constitue un bien propre
- Néanmoins, lorsque le coût de sa constitution est supporté par la communauté, une récompense lui est due
- La rente viagère a été constituée par les deux époux avec clause de réversibilité au profit du survivant
- Dans cette hypothèse, la rente viagère constitue toujours un bien propre.
- À cet égard, l’article 1973 du Code civil prévoit que « lorsque, constituée par des époux ou l’un d’eux, la rente est stipulée réversible au profit du conjoint survivant, la clause de réversibilité peut avoir les caractères d’une libéralité ou ceux d’un acte à titre onéreux»
- Il ressort de cette disposition que lorsque la constitution d’une rente viagère a été financée avec des fonds communs, selon que la clause de réversibilité a été stipulée à titre onéreux ou à titre gratuit une récompense pourra ou non être due à la communauté.
- Le texte précise que « sauf volonté contraire des époux, la réversion est présumée avoir été consentie à titre gratuit. »
- Pratiquement, deux situations doivent donc être distinguées
- La clause de réversibilité a été stipulée à titre gratuit
- Tel sera le cas en l’absence de précision dans le contrat de souscription de la rente sur le caractère gratuit ou onéreux de la clause de réversibilité.
- Aucune récompense n’est alors due à la communauté
- La clause de réversibilité a été stipulée à titre onéreux
- Pour que la clause de réversibilité présente un caractère onéreux, ce doit être expressément stipulé dans le contrat de souscription de la rente.
- Ce n’est que si c’est condition est remplie qu’une récompense sera due à la communauté.
- La rente viagère a été constituée par l’un des époux à son profit personnel
- Lorsqu’une rente est constituée par un époux à son profit personnel, il est admis qu’il y a lieu de faire jouer l’article 1404 du Code civil, de sorte qu’elle constitue un bien propre par nature.
- Lorsque, néanmoins, sa constitution est financée par des deniers communs, la communauté a droit à récompense.
v. La négligence dans la perception des revenus tirés d’un propre
==> Principe
L’article 1403, al. 2e du Code civil prévoit que « la communauté n’a droit qu’aux fruits perçus et non consommés. »
Il ressort de cette disposition que c’est la perception qui fait tomber en communauté les revenus tirés d’un bien propre.
A contrario, cela signifie que les fruits non perçus sont insusceptibles d’être inscrits à l’actif commun.
C’est là une différence majeure avec les gains et salaires qui sont communs avant même leur perception.
Aussi, tant que les revenus de propres sont au stade de créance, ils échappent à la communauté.
Dès lors, en revanche, que la créance devient exigible, notamment en cas de survenance du terme de l’obligation, ils se transforment en revenus perceptibles et donc en biens communs.
La conséquence pratique de l’absence d’inscription à l’actif commun des créances de revenus de propres, c’est l’absence de droit à récompense au profit de la communauté, sauf à ce que soit établie une négligence fautive dans leur perception.
==> Exception
- Le contenu du droit à récompense
- L’article 1403 du Code civil prévoit qu’une récompense pourra être due à la communauté, lors de la liquidation du régime matrimonial, « pour les fruits que l’époux a négligé de percevoir».
- Il s’agit là d’une exception au principe d’exclusion des créances de revenus de propres de la masse commune.
- Cette exception se justifie par l’attitude de l’époux qui aurait dû percevoir les revenus de ses propres, mais qui ne l’a pas fait par négligence.
- La question qui immédiatement se pose est alors de savoir ce que l’on doit entendre par négligence.
- De l’avis général des auteurs, la négligence consiste à ne pas percevoir les fruits lors de l’arrivée à échéance de la créance, à tout le moins si l’époux reste passif, il sera réputé avoir été négligent.
- Charge à lui de rapporter la preuve contraire en établissant une cause légitime. Il pourra s’agir :
- De l’octroi d’un délai de grâce au débiteur par une juridiction en application de l’article 1343-5 du Code civil
- De l’existence situation d’insolvabilité du débiteur qui se trouve dans l’incapacité de régler les revenus dus à l’époux
- Quant à la remise de dette conventionnelle, qui donc serait consentie en dehors de toute procédure judiciaire, elle s’analyse en une libéralité.
- En effet, comme relevé par des auteurs, « la remise de dette suppose l’acceptation du moins tacite du débiteur, ce qui signifie, pour le créancier, qu’il a disposé du bien, donc qu’avant d’en disposer il l’avait perçu, ne serait-ce qu’un instant de raison»[5].
- Parce que l’acte de perception serait donc caractérisé, une remise de dette conventionnelle ouvrirait droit à récompense au profit de la communauté.
- La mise en œuvre du droit à récompense
- L’article 1403, al. 2e in fine du Code civil prévoit que, lorsque la communauté a droit à récompense au titre de la négligence imputable à un époux dans la perception des revenus de ses propres aucune recherche ne sera recevable au-delà des cinq dernières années.
- Autrement dit, n’entreront dans l’assiette de calcul des récompenses que les revenus dont la perception a été négligée durant les cinq dernières années à compter de la dissolution de la communauté.
- Si la dissolution est intervenue à l’année N, seules les créances de revenus jusqu’à N-5 pourront être intégrées dans le calcul de la récompense due à la communauté.
B) L’évaluation des récompenses
Les règles qui président à l’évaluation des récompenses ont connu une profonde modification lors de la réforme introduite par la loi n°65-570 du 13 juillet 1965.
La raison en est la prise de conscience du législateur qui a souhaité corriger un dispositif qui s’était révélé injuste lors des différentes périodes de dépréciation monétaire intervenues à partir de 1914.
Au cours du XXe siècle le franc a fait l’objet de pas moins de 17 dévaluations, dont la plupart au cours des années 1950.
Afin de bien comprendre pourquoi ces périodes de dépréciation de la monnaie ont conduit le législateur à réformer le système d’évaluation des récompenses, il y a lieu de s’arrêter un instant sur l’état du droit avant la réforme opérée par la loi du 13 juillet 1965.
Sous l’empire du droit antérieur, les récompenses étaient évaluées selon les règles du droit commun des obligations.
Plus précisément, on distinguait selon que la récompense était due au titre d’une impense ou au titre d’une autre cause.
Pour mémoire, une impense consiste en une dépense de conservation ou d’amélioration d’un bien meuble ou d’un immeuble.
En substance, l’évaluation des récompenses s’opérait donc comme suit :
- Lorsque la récompense était due au titre d’une impense
- Dans cette hypothèse, soit lorsque le patrimoine débiteur s’était enrichi au détriment du patrimoine qui a supporté la charge de l’impense, la récompense était calculée selon les règles de l’enrichissement sans cause.
- Selon ce dispositif qui relève du régime général des obligations, l’indemnité due à l’appauvri est égale « à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissement» ( 1303 C. civ.).
- Lorsque l’impense présentait un caractère nécessaire, il était admis que l’indemnité ne pouvait jamais être inférieure à la dépense faite.
- En pratique, cela revenait à retenir presque systématiquement la dépense faite, soit parce que présentant un caractère nécessaire, soit parce que supérieure à la plus-value réalisée sur le bien.
- Lorsque la récompense n’était pas due au titre d’une impense
- Dans cette configuration, faute de précision légale, il était admis que la récompense devait correspondre au montant de la dépense faite, alors même qu’il en était résulté un enrichissement moindre pour le patrimoine débiteur de la récompense.
- Il s’agissait là d’une stricte application du principe du nominalisme monétaire.
- Selon ce principe, le débiteur d’une obligation doit verser la somme correspondant au montant nominal de sa dette, même si la valeur de la monnaie a varié.
- Concrètement, cela signifie qu’une dette dont la valeur nominale est 100 contractée en franc dans les années 1950, vaudra, selon le taux de conversion instituée en 1999, approximativement 15 euros aujourd’hui.
- Cette égalité ne correspond pour autant pas à la réalité économique.
En période de stabilité monétaire, ce dispositif d’évaluation des récompenses a relativement bien fonctionné.
La valeur de la monnaie étant constante, il était indifférent que, en pratique, le montant de la récompense due au patrimoine créancier soit la plupart du temps égal à la dépense supportée par le patrimoine débiteur, à tout le moins cela ne contrevenait pas à l’équité.
Ce système a toutefois commencé à montrer ses limites dès lors que la monnaie a fait l’objet de dépréciation au cours de périodes qui se sont multipliées.
Parce que les récompenses consistent en des dettes dont le règlement est différé à la dissolution du mariage, de sorte qu’il peut s’écouler un long délai entre leur fait générateur et leur exigibilité, elles ont été particulièrement touchées par l’instabilité monétaire qui s’est installée à partir du début du XXe siècle.
Pour illustrer ce phénomène, prenons l’exemple de travaux d’amélioration d’un immeuble appartenant en propre à un époux entièrement financés par la communauté en 1920 à hauteur de 20.000 francs.
En période de stabilité monétaire, la plus-value réalisée sur ce bien est généralement inférieure au coût des travaux. Disons que, pour notre exemple, le montant de cette plus-value est de 10.000 francs, ce qui porterait la valeur de l’immeuble de 100.000 à 110.000 francs.
En cas de liquidation de la communauté durant cette période, la récompense due à la communauté devrait, en toute rigueur, être égale au montant de la plus-value réalisée, soit de 10.000 francs, car représentant la plus faible des deux sommes en jeu (10.000 francs vs 20.000 francs).
Envisageons désormais que la dissolution du mariage intervienne trente ans plus tard et notamment après plusieurs périodes de dépréciation monétaire.
Dans cette hypothèse, la plus-value réalisée sur le bien devrait mécaniquement être incomparablement supérieure à la dépense initiale exposée par la communauté, à tout le moins en valeur nominale. Si l’immeuble vaut désormais 1.000.000 francs, la plus-value réalisée est de 900.000 francs.
Pour autant, parce que la récompense due est égale à la plus faible des deux sommes entre la dépense faite et l’enrichissement, son montant se limitera à la dépense faite, soit 20.000 francs, alors même que le patrimoine débiteur en a retiré un profit infiniment supérieur.
Manifestement, cette situation s’avère particulièrement inéquitable pour le patrimoine qui a supporté la dépense initiale et qui n’est pas indemnisé à hauteur de l’avantage économique que cette dépense a procuré au patrimoine auquel elle a profité.
Bien que cette anomalie ait porté devant les juridictions, la Cour de cassation s’est refusé à y remédier en acceptant que le principe du nominalisme monétaire puisse, en certaines circonstances, être écartée (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 11 avr. 1964).
Cette inflexibilité de la jurisprudence n’a laissé d’autre choix au législateur que d’intervenir, ce qu’il a fait à l’occasion de l’adoption de la loi du 13 juillet 1965.
Le système d’évaluation des récompenses, dont le siège est toujours l’article 1469 du Code civil, a été profondément remanié, étant précisé que cette réforme était d’application immédiate, y compris pour les communautés non encore liquidées au jour de l’entrée en vigueur de la loi.
Le dispositif institué par cette loi s’articule autour d’un principe et de deux exceptions. Bien que l’économie générale de ce dispositif s’inspire grandement de la théorie de l’enrichissement sans cause, il s’en distingue en ce qu’il comprend des correctifs permettant de déjouer certaines conséquences fâcheuses du principe du nominalisme monétaire.
1. Principe
L’article 1469, al. 1er du Code civil prévoit que « la récompense est, en général, égale à la plus faible des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant. »
Immédiatement, la première observation qui frappe l’esprit à la lecture de cette règle c’est sa proximité avec le principe qui préside à l’évaluation de l’indemnité due au titre de l’enrichissement sans cause.
Pour mémoire, l’article 1303 du Code civil dispose que « celui qui bénéficie d’un enrichissement injustifié au détriment d’autrui doit, à celui qui s’en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissement. »
Cette proximité entre les deux textes s’explique par la finalité commune qu’il poursuive : rétablir un équilibre qui a été rompu entre deux patrimoines, dont l’un s’est enrichi, au détriment de l’autre qui s’est appauvri.
On ne saurait, en effet, perdre de vue la fonction assignée aux récompenses : corriger les mouvements de valeurs qui sont intervenus au cours du mariage entre les différentes masses de biens et notamment entre la communauté et l’une ou l’autre masse propre des époux.
Cette correction, qui interviendra seulement au jour de la liquidation du régime, consiste en l’octroi d’une indemnité au patrimoine qui s’est appauvri.
Selon la règle énoncée au premier alinéa de l’article 1469 du Code civil, cette indemnité est égale à la plus faible des deux sommes entre :
- Soit la valeur empruntée au patrimoine auquel la récompense est due : la dépense faite
- Soit l’avantage qui a été retiré de ce mouvement de valeur par le patrimoine qui doit la récompense : le profit subsistant
C’est donc un double plafond qui a été institué par la jurisprudence, puis par le législateur.
Cette règle se justifie par des considérations d’équité qui président à l’esprit du principe même des récompenses.
- Si l’enrichi, après avoir bénéficié d’un avantage injustifié, devait restituer plus que ce qu’il a obtenu, il subirait à son tour un préjudice
- Si l’appauvri, à l’inverse, après avoir subi une perte injustifiée, percevait plus que ce qu’il a perdu, il profiterait à son tour d’un enrichissement injustifié
Afin d’éviter que l’une ou l’autre situation ne se présente, la solution qui s’est imposée a été de prévoir que l’indemnité due au titre d’une récompense ne pouvait excéder, ni l’enrichissement du patrimoine débiteur, ni l’appauvrissement du patrimoine créancier.
D’où la règle de la plus faible des deux sommes entre la dépense faite et le profit subsistant instituée à l’article 1469, al. 1er du Code civil.
1.1 Contenu du principe
Afin d’appliquer le principe énoncé au premier alinéa de l’article 1469 du Code civil, encore faut-il que l’on s’entende, sur ce que recouvrent les notions de « dépense faite » et de « profit subsistant ».
a. La dépense faite
La dépense faite correspond à la valeur empruntée au patrimoine qui s’est appauvri et qui, à ce titre, est créancier d’une récompense.
Le plus souvent, cette dépense consistera en un prélèvement de somme d’argent, lorsqu’il s’agira, par exemple, de financer le coût de travaux.
Dans cette hypothèse, la dépense faite correspond donc aux deniers qui ont été fournis par une masse de biens aux fins de régler le prix d’une prestation.
Reste que la dépense faite, telle qu’envisagée par l’article 1469, al. 1er du Code civil, ne se limite pas aux sommes décaissées par un patrimoine ; la notion doit être interprétée plus largement que son sens usuel.
La dépense faite doit être regardée comme visant plus généralement toute perte de valeur subie par une masse de biens.
Aussi, peut-elle consister en un prélèvement en nature (aliénation ou échange d’un bien) ou simplement en un manque à gagner (défaut de perception de fruits).
Prenons plusieurs exemples pour illustrer la variété des situations couvertes par la notion de dépense faite :
- Lorsqu’un époux a aliéné un bien propre et que le produit de la vente est finalement tombé en communauté, faute d’accomplissement des formalités de remploi, la dépense faite correspond au prix de vente du bien.
- Un époux peut avoir échangé un bien propre contre un autre bien, moyennant le paiement d’une soulte financée par la communauté et dont le montant est supérieur à la valeur du bien échangé. Dans cette hypothèse le nouveau bien tombe en communauté. Une récompense sera alors due à l’époux partie à l’échange. Pour lui, la dépense faite correspond, non pas au montant de la soulte réglée par la communauté, mais au prix du bien dont son patrimoine s’est appauvri.
- Un époux peut avoir négligé de percevoir les fruits tirés d’un propre. En application de l’article 1403, al. 2e du Code civil, récompense est alors due à la communauté. La dépense faite correspond ici au gain manqué, soit à la valeur des fruits non perçus.
S’agissant de l’évaluation de la dépense faite, il est admis qu’elle doit intervenir, soit au jour du prélèvement du patrimoine qui s’est appauvri, soit au jour du transfert de valeur, faute de prélèvement.
En toute hypothèse, son évaluation ne donnera jamais lieu à revalorisation, contrairement à l’avantage qui en a été retiré par le patrimoine débiteur.
Le montant retenu sera toujours la valeur nominale à la date à laquelle la dépense a eu lieu.
C’est là une application du principe de nominalisme monétaire auquel la jurisprudence a conféré une portée générale (art. 1895 C. civ.).
b. Le profit subsistant
i. Notion
À la différence de l’évaluation de la dépense faite qui ne soulève pas de réelle difficulté en raison de sa coïncidence avec le jour où est intervenu le fait générateur de la récompense, l’évaluation du profit subsistant est une opération qui peut s’avérer complexe.
La raison en est la difficulté qu’il y a à évaluer l’enrichissement procuré par la dépense faite au patrimoine débiteur, en particulier lorsqu’il s’est écoulé une longue période entre le fait générateur de la récompense et la liquidation du régime.
À cela s’ajoutent les fluctuations monétaires qui sont susceptibles d’avoir affecté la valeur économique du bien sur lequel porte la plus-value qui ne correspond plus à la valeur nominale qu’il possédait au jour où l’opération génératrice de récompense a été réalisée.
Si l’on se focalise désormais sur la notion de profit subsistant, dans son sens général elle se définit comme l’enrichissement dont a bénéficié
Dans son sens général, le profit subsistant consiste en l’enrichissement dont a bénéficié le patrimoine débiteur de la récompense à raison de la dépense faite par le patrimoine créancier.
Dans un arrêt du 11 juin 1991 la Cour de cassation a jugé en ce sens que « le profit subsistant représente l’avantage réellement procuré au fonds emprunteur » (Cass. 1ère civ. 11 juin 1991, n°90-12.142).
C’est là une application de la théorie des dettes de valeur, de sorte que l’évaluation du profit subsistant, contrairement à l’évaluation de la dépense faite, est susceptible de donner lieu à revalorisation.
ii. Date d’évaluation
Parce que le profit subsistant correspond à l’avantage réellement procuré au patrimoine débiteur, il ne peut, a priori, pas s’apprécier au jour du fait générateur de la récompense.
En cas de dépréciation monétaire, cela reviendrait à retomber dans les inconvénients qui avaient conduit le législateur, en 1965, à abandonner l’ancien dispositif d’évaluation des récompenses.
En toute logique, son évaluation ne devrait donc intervenir qu’à compter de la dissolution de la communauté.
Deux dates peuvent alors être retenues :
- Le jour de la dissolution de la communauté, qui correspond à la date à compter de laquelle les époux doivent établir un compte de récompenses
- Le jour de la liquidation de la communauté, qui correspond à la date à compter de laquelle les époux doivent procéder au règlement des récompenses
Initialement, l’article 1469, al. 3e du Code civil, tel qu’il était issu de la loi du 13 juillet 1965 visait la date de dissolution de la communauté.
Cette date n’était toutefois pas sans soulever des difficultés lorsque la période d’indivision post-communautaire s’est étirée dans le temps.
En cas de fluctuations monétaires durant cette période, il est un risque que la valeur nominale du profit subsistant calculée au jour de la dissolution de la communauté ne corresponde plus à sa valeur économique au jour du règlement de la récompense.
Afin de remédier à cette anomalie, la Cour de cassation a adopté une position à rebours de la loi en posant dans un arrêt du 16 juillet 1969 que « c’est par une exacte application de cette disposition que les juges d’appel ont adopté pour date d’évaluation le jour de la liquidation ou le jour le plus proche possible » et de poursuivre que « si l’article 1473 du Code civil édicte que les récompenses emportent les intérêts de plein droit du jour de la dissolution de la communauté, il ne saurait en être déduit que l’évaluation du profit doit avoir lieu à cette dernière date » (Cass. 1ère civ. 16 juill. 1969, n°67-11.456).
Cette solution a été confirmée par un arrêt du 24 octobre 1972 aux termes duquel la Cour de cassation a jugé que « le profit subsistant est, en application de l’article 1469, habituellement calculé au jour de la liquidation ou au jour le plus proche possible ».
Dans cette décision elle précise que, en cas d’anticipation par les époux du règlement (Cass. 1ère civ. 24 oct. 1972, n°71-11.883).
Cet ajustement opéré par la jurisprudence s’agissant de la date d’évaluation du profit subsistant a conduit le législateur à modifier l’article 1469 pris en son alinéa 3e. Au lieu de se référer à la date de dissolution de la communauté, le texte vise dorénavant le jour de la liquidation.
En retenant la date de la liquidation de la communauté pour calculer le profit subsistant, l’article 1469, rompt totalement avec le principe du nominalisme monétaire qui présidait à l’évaluation des récompenses sous l’empire du droit antérieur à la loi du 13 juillet 1965.
Désormais, l’évaluation du profit retiré de la dépense faite par le patrimoine débiteur implique de procéder à une revalorisation des plus précises de la dette de récompense, notamment en tenant compte des événements intervenus entre la date de dissolution du mariage et la date de liquidation de la communauté, lesquels événements sont susceptibles d’avoir affecté la valeur économique du bien auquel se rapporte le profit subsistant.
Comme observé par des auteurs, « ce système conçu pour corriger les effets des fluctuations économiques et monétaires, conduit à retarder au maximum le moment de l’évaluation, afin de faire coïncider celui-ci avec la date du paiement effectif de la dette »[6].
Dans un arrêt du 24 octobre 1972, la Cour de cassation est néanmoins venue préciser que l’évaluation du profit subsistant pouvait intervenir à une date antérieure au jour de la liquidation.
Si, en effet, il est habituellement procédé au règlement des récompenses concomitamment au partage, il est des cas où ces deux opérations sont dissociées et donc sont conduites dans des intervalles de temps distincts.
Aussi, en cas d’anticipation par les époux du règlement des récompenses sans attendre le partage, ce qui est parfaitement autorisé, c’est au jour de l’arrêté des comptes que le profit subsistant devra être évalué (Cass. 1ère civ. 24 oct. 1972, n°71-11.883).
iii. Méthodes d’évaluation
Pratiquement, l’évaluation du profit subsistant consiste donc à déterminer le montant de l’enrichissement procuré par la dépense faite qui a subsisté dans le patrimoine débiteur de la récompense au jour de la liquidation de la communauté.
À l’analyse, il n’est pas de méthode de calcul unique qui permette d’évaluer le profit subsistant. Les méthodes varient selon l’opération génératrice de la créance de récompense.
Aussi, plusieurs situations sont susceptibles de se présenter. Nous envisagerons les plus courantes.
==> Les récompenses dues au titre du paiement d’une dette
Cette situation se rencontre lorsque, par exemple, la communauté a réglé la dette personnelle d’un époux et réciproquement lorsqu’un époux a acquitté une dette commune.
Dans l’une ou l’autre hypothèse, le profit retiré par le patrimoine débiteur de la récompense consiste, non pas en un enrichissement au sens strict, mais plutôt en une économie.
Est-ce à dire que le profit subsistant est nul ? Il n’en est rien. On considère qu’il est strictement égal à la dépense faite, soit au montant de l’économie procuré au patrimoine créancier de la récompense.
==> Les récompenses dues au titre d’une libéralité portant sur des biens communs
Cette situation se rencontre lorsqu’une libéralité portant sur des biens communs a été consentie par un époux à un tiers au mépris de l’accord de son conjoint.
Dans cette hypothèse, il est admis qu’une récompense est due à la communauté. Reste que, au cas particulier, le patrimoine de l’époux débiteur de la récompense ne s’est pas enrichi, à tout le moins n’a reçu aucune contrepartie.
Dès lors, comment évaluer le profit subsistant ? Il y a lieu de transposer le même raisonnement que pour les récompenses dues au titre du paiement d’une dette.
Autrement dit, le profit subsistant correspond à la dépense faite, soit à la somme prélevée sur la masse commune et dont il a été disposé par voie de libéralité.
==> Les récompenses dues au titre du financement de travaux d’amélioration ou de conservation d’un bien
Cette situation se rencontre lorsque, par exemple, la communauté a supporté le coût de travaux d’amélioration ou de conservation d’un propre.
Prenons l’exemple de l’installation d’un système de climatisation, dans un immeuble appartenant en propre à l’épouse, qui aurait été intégralement financée au moyen de deniers communs.
Afin de déterminer le montant du profit subsistant, il y a lieu de procéder ici à une double évaluation.
Il convient, en effet, d’estimer ce que vaudrait l’immeuble au jour de la liquidation de la communauté sans la réalisation des travaux d’installation et ce qu’il vaut, à cette même date, en tenant compte de la réalisation des travaux.
La différence entre ces deux évaluations constitue le profit subsistant.
Soit un immeuble dont la valeur est estimée au jour de la liquidation de la communauté :
- Sans les travaux, à 100.000 €
- Avec les travaux, à 120.000 €
Le profit subsistant correspond donc à la différence entre ces deux montants, soit :
120.000 – 100.000 = 20.000 €
==> Les récompenses dues au titre de l’acquisition d’un bien
Cette situation se rencontre lorsque, par exemple, la communauté a financé l’acquisition des instruments de travail d’un époux qui, en application de l’article 1404, al. 2e du Code civil, constituent des biens propres par nature.
Dans cette hypothèse, le profit subsistant correspond à la valeur de ces instruments au jour de la liquidation de la communauté.
Soit, des instruments de travail acquis au prix de 2.000 € au moyen de deniers communs. Au jour de la liquidation, ils ne valent plus que 1.500 € en raison de leur état d’usage.
Tandis que la dépense faite correspond au prix d’achat du bien, soit 2.000 euros, le profit subsistant est égal, quant à lui, à la valeur du bien au jour de la liquidation de la communauté, soit 1.500 €.
==> Les récompenses dues au titre de la contribution à l’acquisition d’un bien
Cette situation se rencontre lorsqu’un patrimoine a apporté sa contribution à l’acquisition d’un bien appartenant à un autre patrimoine.
Tel est le cas, par exemple, lorsque des deniers communs sont utilisés par un époux aux fins d’acquérir un bien propre dans le cadre d’un remploi.
Supposons un bien dont le coût d’acquisition est de 500.000 euros, réparti entre la communauté et le patrimoine propre d’un époux
- La communauté contribue à hauteur de 200.000 €
- Le patrimoine propre contribution à hauteur de 300.000 €
Au jour de la liquidation, la valeur du bien est estimé à 800.000 €.
La question qui alors se pose est de savoir quel est le montant du profit subsistant ?
Pour le déterminer, il convient de déterminer la part contributive de la communauté exprimée en fraction et de reporter cette fraction à la valeur estimée du bien au jour de la liquidation de la communauté.
Au cas particulier, la part contributive de la communauté est , soit en simplifiant : 2/5e
Le profit subsistant est donc égale à : 2/5e X 800.000, soit 320.000 €
Parce que le patrimoine créancier de la récompense n’a fourni qu’une partie des fonds qui ont permis l’acquisition du bien, le profit subsistant ne saurait être égal à l’intégralité de l’enrichissement ayant bénéficié au patrimoine emprunteur.
Le profit qui subsiste au jour de la liquidation ne peut se rapporter qu’à une fraction de cet enrichissement.
Cette méthode de calcul qui s’applique en cas de contribution d’un patrimoine à l’acquisition d’un bien qui se retrouve dans le patrimoine emprunteur, peut être transposée à des cas analogues et notamment en cas d’échange d’un bien contre un autre moyennant le paiement d’une soulte.
==> Les récompenses dues au titre de la contribution au paiement d’une soulte réglée dans le cadre d’un échange
Cette situation se rencontre lorsqu’un bien relevant d’un patrimoine est échangé contre un autre moyennant le paiement d’une soulte dont le coût est supporté, pour partie, par un autre patrimoine.
Afin de déterminer le montant du profit subsistant, il y a lieu de procéder de la même façon que précédemment, soit d’exprimer en fraction la part contributive du patrimoine créancier de la récompense quant à l’opération globale d’acquisition, puis de reporter cette fraction à la valeur estimée du bien acquis au jour de la liquidation.
Supposons un immeuble propre valant 150.000 € échangé contre un autre immeuble valant 200.000 €.
La soulte à régler sera ici de 50.000 € dont le coût sera réparti comme suit :
- 30.000 € réglés par la communauté
- 20.000 € réglés par le patrimoine propre emprunteur
Supposons que l’opération globale est assortie de frais pris en charge par la communauté dont le montant s’élève à 10.000 €, de sorte que le coût global de l’opération est de :
- 200.000 + 10.000 = 210.000 €.
S’agissant de la part contributive du patrimoine commun, elle est de :
- 30.000 + 10.000 = 40.000 €
Exprimée en fraction, cette part contributive est de : 40.000/210.000, soit en simplifiant : 4/21e
A supposer que, au jour de la liquidation, l’immeuble acquis dans le cadre de l’opération d’échange vaille 500.000 euros, le profit subsistant est pour le patrimoine emprunteur de :
4/21e X 500.000 = 95.238 €
Une récompense est donc de à la communauté à hauteur de 95.238 €.
1.2 Application
Pour mémoire, le principe énoncé à l’article 1469 du Code civil dit que : « la récompense est, en général, égale à la plus faible des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant. »
Il ressort de ce principe que le montant de la récompense due est enfermé dans les limites d’un double maximum :
- La dépense faite
- Le profit subsistant
Afin de déterminer le montant de la récompense, il convient de retenir la plus faible de ces deux sommes.
Illustrons cette règle en prenant un exemple, étant précisé que les cas donnant lieu à son application sont rares, tant les exceptions dont cette règle est assortie couvrent les situations les plus fréquentes.
Supposons l’acquisition d’instruments de travail qui, en application de l’article 1404, al. 2e du Code civil sont des propres par nature, mais dont le coût est intégralement supporté par la communauté.
- Le coût d’acquisition est de 25.000 €
- La valeur des instruments de travail au jour de la liquidation est estimée à 7.000 €
Afin de déterminer le montant de la récompense, il convient ici de déterminer quelle est la plus faible des deux sommes entre la dépense faite et le profit subsistant.
Au cas particulier, il s’agit du profit subsistant qui est égal à la valeur du bien au jour de la liquidation, soit 7.000 €.
La récompense due à la communauté s’élève donc à 7.000 €.
2. Exceptions
Le principe énoncé au premier alinéa de l’article 1469 du Code civil est assorti de deux exceptions envisagées successivement aux alinéas 2 et 3 de ce même texte.
2.1 L’exception tenant aux dépenses nécessaires : art. 1469, al. 2e civ.
a. Exposé de la règle
L’article 1426, al.2e du Code civil prévoit que la récompense ne peut « être moindre que la dépense faite quand celle-ci était nécessaire. »
Il ressort de cette disposition que, en cas de dépense nécessaire, le patrimoine qui a supporté, à titre temporaire, cette charge doit être intégralement remboursé.
Il s’agit là d’une stricte application de la théorie des impenses qui oblige le propriétaire d’un bien à indemniser celui qui a pris des mesures nécessaires à la conservation de ce bien à hauteur des frais exposés.
La règle énoncée au deuxième alinéa de l’article 1469 du Code civil se justifie par la situation dans laquelle se trouve le patrimoine emprunteur.
Si, en effet, la dépense n’avait pas été réglée par le patrimoine créancier de la récompense, il aurait été, compte tenu de la nécessité de la dépense, contraint de la supporter lui-même.
Pour cette raison, il est juste qu’il restitue, dans son intégralité, l’avantage qui lui a été procuré par la prise en charge de cette dépense, quand bien même le profit subsistant serait nul.
La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par dépense nécessaire, le principe posé à l’article 1469, al. 2e du Code civil ne s’appliquant qu’à cette seule catégorie de dépenses.
Deux approches sont envisageables :
- Une approche restrictive
- Selon cette approche, tirée de la théorie des impenses, les dépenses nécessaires correspondent à toutes celles qui visent à assurer la conservation du bien.
- Plus précisément, il s’agit des dépenses qui ont pour finalité de prévenir le dépérissement du bien, voire sa disparition.
- Une approche extensive
- Selon cette approche, le domaine des dépenses nécessaires, au sens de l’article 1469, al. 2e du Code civil, déborderait le périmètre des simples impenses, soit des dépenses sans lesquelles le bien aurait dépéri.
- Ici, les dépenses nécessaires couvriraient toutes celles qui sont économiquement utiles et qui, surtout, répondent à un besoin impérieux, soit de nature familiale, soit de nature professionnelle.
À la différence de l’approche restrictive qui appréhende la nécessité de la dépense au regard de son affectation à la conservation du bien, l’approche extensive envisage plutôt cette nécessité à l’aune des circonstances dans lesquelles la dépense a été exposée.
À l’analyse, la jurisprudence semble avoir plutôt opté pour la seconde approche, soit celle consistant à considérer que, dès lors que les circonstances rendent indispensable la dépense, le critère de nécessité est rempli.
Dans un arrêt du 14 novembre 2007, la Cour de cassation a jugé, en ce sens, que parce que « les instruments de travail étaient nécessaires à la profession » de l’époux bénéficiaire, leur financement par la communauté constituait une dépense nécessaire au sens de l’article 1469, al.2e du Code civil, en conséquence de quoi « le montant de la récompense ne pouvait être inférieur au montant de la dépense faite » (Cass. 1ère civ. 14 nov. 2007, n°05-18.570).
Dans un arrêt du 25 janvier 2000, la Première chambre civile a adopté une position similaire s’agissant de dépenses ayant été réalisées aux fins de rénovation et d’aménagement des pièces d’un immeuble à usage d’habitation.
Elle justifie sa solution en s’appuyant sur la constatation de la Cour d’appel qui avait relevé que les travaux litigieux « avaient été rendus nécessaires pour assurer l’habitabilité de l’immeuble » (Cass. 1ère civ. 25 janv. 2000, n°98-10.747).
b. Applications de la règle
Afin de bien en saisir le sens, illustrons la règle énoncée au deuxième alinéa de l’article 1469 par deux exemples :
==> Exemple 1 : la dépense faite est supérieure au profit subsistant
Supposons la réalisation de travaux de rénovation de la façade d’un immeuble appartenant en propre à un époux et dont le coût, supporté par la communauté, s’élève à 50.000 €, ce qui correspond à la dépense faite.
Pour mémoire, afin de déterminer le montant du profit subsistant, il y a lieu, ici, de procéder à une double évaluation.
Il convient, en effet, d’estimer ce que vaudrait l’immeuble au jour de la liquidation de la communauté sans la réalisation des travaux et ce qu’il vaut, à cette même date, en tenant compte de la réalisation des travaux.
La différence entre ces deux évaluations constitue le profit subsistant.
S’agissant de la valeur de l’immeuble, elle est estimée au jour de la liquidation de la communauté :
- Sans les travaux, à 400.000 €
- Avec les travaux, à 430.000 €
Le profit subsistant correspond donc à la différence entre ces deux montants, soit :
- 430.000 – 400.000 = 30.000 €
Afin de déterminer le montant de la récompense, faisons désormais application de l’article 1469, al. 2e du Code civil qui prévoit qu’elle ne peut pas être moindre que la dépense faite.
En l’espèce :
- La dépense faite est de 50.000 €
- Le profit subsistant est de 30.000 €
On constate ici que la dépense faite est supérieure au profit subsistant. Dans cette configuration, l’équation ne comporte donc qu’une seule possibilité : la récompense ne peut qu’être égale à la dépense faite, soit 50.000 €
==> Exemple 2 : la dépense faite est inférieure au profit subsistant
Si, la détermination du montant de la récompense ne soulève aucune difficulté lorsque la dépense faite est supérieure au profit subsistant, plus délicate est la situation inverse.
Supposons, en effet, en repartant de l’exemple précédent, que, au jour de la liquidation de la communauté, la valeur de l’immeuble, en tenant compte des travaux, s’élève, non pas 430.000 €, mais à 500.000 euros.
Le profit subsistant sera alors égal à :
- 500.000 – 400.000 = 100.000 €
Ici la dépense faite (50.000 €) serait donc inférieure au profit subsistant (100.000 €).
Manifestement, une application de la règle énoncée à l’article 1469, al. 2e du Code civil autoriserait à retenir indifféremment l’une ou l’autre somme.
Que la récompense corresponde à la dépense faite ou au profit subsistant, dans les deux cas elle ne pourra pas être moindre que la dépense faite, cette dernière constituant, au cas particulier, la plus faible des deux sommes.
En première intention, on pourrait être tenté de retenir la dépense faite comme montant de la récompense.
Reste que, comme indiqué par l’article 1469, al. 2e, elle constitue seulement un plancher en deçà duquel le montant de la récompense ne peut pas descendre.
À l’inverse, le texte ne dit pas que, pour déterminer le montant de la récompense, il convient de retenir la somme la plus élevée entre la dépense faite et le profit subsistant.
Comment, dans ces conditions, sortir de l’impasse ? Pour y parvenir, il y a lieu de se reporter au troisième alinéa de l’article 1469 du Code civil qui règle cette situation.
2.2 L’exception tenant aux dépenses exposées aux fins d’acquisition, de conservation ou d’amélioration d’un bien : art. 1469, al. 3e civ.
Le principe du double maximum énoncé au premier alinéa de l’article 1469 du Code civil est assorti d’une seconde exception, abordée au troisième alinéa du texte.
À la différence de la première exception, cette seconde exception règle le sort, non pas des dépenses nécessaires, mais des dépenses d’investissement.
Plus précisément, elle vise à prescrire une méthode d’évaluation des récompenses dues au titre de dépenses d’acquisition, de conservation ou d’amélioration d’un bien.
La finalité poursuivie ici par la règle est de faire profiter le patrimoine qui a supporté la dépense d’investissement de la plus-value éventuellement réalisée par le patrimoine emprunteur.
Surtout, le législateur a entendu neutraliser les méfaits de la dépréciation monétaires qui avaient été unanimement dénoncés sous l’empire du droit antérieur.
Pour ce faire, l’article 1469, al. 3e prévoit que, la récompense « ne peut être moindre que le profit subsistant, quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien »
À l’examen, en retenant comme montant plancher de la récompense le profit subsistant, le texte procède à une véritable indexation de cette récompense sur la valeur des biens auxquelles se rapporte la dépense faite.
Comme souligné par André Colomer, pour les dépenses d’investissement, « la récompense constitue une dette de valeur, c’est-à-dire une obligation dont l’objet est une valeur incluse dans un bien et dont le montant sera déterminé seulement au jour du règlement »[7].
L’évaluation de la récompense repose, en d’autres termes, sur une incorporation de la valeur empruntée dans la valeur du bien, si bien que toute variation de la seconde, se répercute concomitamment sur la première.
Afin d’illustrer ce mécanisme, prenons l’exemple d’un bien appartenant en propre à un époux dont la valeur au jour de la liquidation est estimée à 10.000 €.
Au jour de son acquisition, sa valeur était de 5.000 €, étant précisé que La communauté a contribué à l’opération à hauteur de 2.000 €, les 3.000 € restants ayant été réglés par l’époux propriétaire au moyen de deniers propres.
Sous l’empire du droit antérieur, la valeur empruntée, soit la dépense faite par le patrimoine créancier de la récompense, était appréciée comme suit :
Immédiatement, il peut être observé que les sommes empruntées au patrimoine commun au jour de l’acquisition du bien sont appréciées, au jour de la liquidation, selon leur valeur nominale.
Il en résulte que lors de l’évaluation de la récompense, on retiendra une valeur empruntée qui ne correspondra pas à celle réellement fournie par la communauté lorsque l’opération d’acquisition a été réalisée.
Cette distorsion de valeurs se répercutera nécessairement sur le montant de la récompense, puisque déterminant le profit subsistant.
C’est pour éviter cette distorsion qu’il a été décidé de lier la valeur empruntée à la valeur du bien, ce qui conduit à un résultat radicalement différent :
Dans cette configuration, la valeur des sommes empruntées lors de l’opération génératrice de récompense n’est manifestement pas affectée par l’augmentation de la valeur du bien.
Aussi, la communauté profitera-t-elle, comme l’époux propriétaire, de la plus-value réalisée.
Il s’agit là d’une remarquable illustration de la technique des dettes de valeur. Sa mise en œuvre peut néanmoins s’avérer complexe, soit parce que le bien dans lequel la valeur empruntée a été incorporée a été aliéné, soit parce qu’il a été remplacé.
Pour cette raison, les méthodes d’évaluation des récompenses prescrites par l’article 1469, al. 3e du Code civil divergent sensiblement d’une situation à l’autre.
Au surplus, le domaine de la règle énoncée par ce texte, est circonscrit aux seules dépenses d’acquisition, de conservation ou d’amélioration d’un bien.
a. Domaine de la règle
L’article 1469, al. 3e du Code civil prévoit expressément que la seconde exception au principe du double maximum ne s’applique que lorsque « la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien ».
Trois catégories d’opérations sont ainsi visées par la règle.
==> Les dépenses d’acquisition
La notion de dépense d’acquisition doit être entendue largement. Elle vise, selon la doctrine[8], toute opération ayant permis l’accroissement du patrimoine emprunteur :
- Soit par l’apport d’un bien ou d’un droit nouveau
- Soit par l’augmentation de l’assiette d’un droit antérieur ou de la substance d’un bien préexistant
Il peut s’agir, tout autant du règlement d’une soulte (Cass. 1ère civ. 6 juin 1990, n°88-10.532), que du paiement de droits de mutation pour une acquisition à titre gratuit (Cass. 1ère civ. 4 juill. 1995, n°93-12.347).
Si, de prime abord, la notion de dépense d’acquisition se laisse facilement appréhender, il est certaines dépenses qui ont malgré tout soulevé quelques difficultés de qualification.
Tel est notamment le cas des échéances de prêts. Lorsque ces échéances sont réglées par un patrimoine auquel ne profitera pas le financement du bien, la question se pose de la qualification de la dépense, tant s’agissant du remboursement du capital, que des intérêts.
De deux choses l’une :
- Soit l’on appréhende cette dépense comme consistant en le paiement d’une dette auquel cas la récompense est égale au montant nominal de la valeur empruntée
- Soit l’on appréhende cette dépense comme consistant en une dépense d’acquisition auquel cas la récompense ne peut être moindre que le profit subsistant
La Cour de cassation a opté pour la seconde approche en assimilant le remboursement d’une échéance de prêt au paiement du prix d’acquisition du bien financé (Cass. 1ère civ. 10 oct. 2012, n°11-20.585).
Au fond, il s’infère de cette solution que, comme indiqué par l’article 1469, al. 3e du Code civil, ce qui importe c’est que la valeur empruntée ait « servi à acquérir » un bien et donc ait concouru à l’enrichissement du patrimoine débiteur de la récompense.
Il est donc indifférent qu’un emprunt s’interpose entre la dépense faite et l’acquisition du bien. Cette interposition sera sans incidence sur la qualification de la dépense qui sera appréhendée comme une dépense d’acquisition.
Reste qu’il y a lieu néanmoins de distinguer selon que le remboursement porte sur le capital emprunté ou sur les intérêts.
S’agissant, en effet, de la prise en charge de ces derniers par la communauté, elle ne donne pas lieu à récompense.
La raison en est que, cette dépense est réputée se rapporter à la jouissance de la chose. À ce titre, elle doit être supportée par celui qui profite de cette jouissante.
Or ainsi qu’il l’a été relevé par la Cour de cassation dans un arrêt du Authier rendu en date du 31 mars 1992, c’est la communauté qui la jouissance du bien, les fruits générés par celui-ci lui revenant (Cass. 1ère civ. 31 mars 1992, n°90-17212).
Plus précisément, elle retient, dans cette décision, que ce sont les intérêts d’emprunt qui constituent la contrepartie de la jouissance du bien propre financé par la communauté et que, par voie de conséquence, elle n’a droit à récompense que pour le remboursement du capital.
Dans un arrêt du 7 novembre 2018, elle a admis qu’il en allait de même pour l’indemnité de remboursement anticipé d’un prêt (Cass. 1ère civ. 7 nov. 2018, n°17-25.965).
==> Les dépenses de conservation
Les dépenses de conservation telles qu’envisagées par l’article 1469, al. 3e du Code civil ne sont autres que les dépenses nécessaires visées au deuxième alinéa de ce même texte.
Il s’agit, autrement dit, de toutes celles qui s’analysent en des impenses, soit à des dépenses qui ont pour finalité de préserver le patrimoine ou de soustraire un bien à un péril imminent ou à une dépréciation inévitable.
Les actes conservatoires peuvent, tout autant consister, en des actes de conservation matérielle (réparations urgentes), qu’en des actes de conservation juridique (constitution d’une sûreté aux fins de garantir une créance, action en justice aux fins d’interruption d’une prescription).
La particularité des dépenses de conservation est qu’elles sont visées, et par l’alinéa 3e de l’article 1469 et par l’alinéa 2.
Il en résulte qu’il y a lieu de combiner les deux textes, ce qui conduit à appliquer le principe du double minimum.
La récompense due au titre d’une dépense de conservation ne peut :
- D’une part, être moindre que la dépense faite ( 1469, al. 2e)
ET
- D’autre part, être moindre au profit subsistant ( 1469, al. 3e)
Il s’agit là manifestement du principe opposé au principe du double maximum énoncé au premier alinéa de l’article 1469 du Code civil : la récompense est toujours égale à la plus forte des deux sommes entre la dépense faite et le profit subsistant.
Exemple :
Supposons la réalisation de travaux de rénovation de la façade d’un immeuble appartenant en propre à un époux et dont le coût, supporté par la communauté, s’élève à 50.000 €, ce qui correspond à la dépense faite.
Pour mémoire, afin de déterminer le montant du profit subsistant, il y a lieu, ici, de procéder à une double évaluation :
Il convient, en effet, d’estimer ce que vaudrait l’immeuble au jour de la liquidation de la communauté sans la réalisation des travaux et ce qu’il vaut, à cette même date, en tenant compte de la réalisation des travaux.
La différence entre ces deux évaluations constitue le profit subsistant.
S’agissant de la valeur de l’immeuble, elle est estimée au jour de la liquidation de la communauté :
- Sans les travaux, à 400.000 €
- Avec les travaux, à 430.000 €
Le profit subsistant correspond donc à la différence entre ces deux montants, soit :
- 430.000 – 400.000 = 30.000 €
Afin de déterminer le montant de la récompense, combinons désormais les principes énoncés aux alinéas 2 et 3 de l’article 1469 du Code civil, ce qui produit la règle du double minimum :
La récompense ne peut pas être moindre que la dépense faite et que le profit subsistant, ce qui conduit à retenir la plus forte des deux sommes.
En l’espèce :
- La dépense faite est de 50.000 €
- Le profit subsistant est de 30.000 €
On constate ici que la dépense faite est supérieure au profit subsistant. La récompense est donc égale à la dépense faite, soit 50.000 €
Si c’est le profit subsistant qui avait été supérieur à la dépense faite, c’est la solution inverse qu’il y aurait alors eu lieu de retenir. La récompense aurait été égale au profit subsistant.
==> Les dépenses d’amélioration
Les dépenses d’améliorations s’analysent, selon les auteurs, aux impenses utiles.
Il s’agit, autrement dit, de toutes les dépenses qui visent à financer des travaux qui ne se justifient pas par la conservation du bien, mais qui visent, au contraire, à lui apporter une plus-value.
Concrètement, une dépense d’amélioration sera celle qui aura servi à perfectionner le système de chauffage d’un immeuble.
À cet égard, les dépenses d’amélioration, ne doivent pas être confondues avec les dépenses d’entretien qui n’ouvrent pas droit à récompense.
Tandis que les premières sont réputées être acquittées par un prélèvement sur le capital, les secondes ont quant à elles vocation à être financées par les fruits que le bien procure à son propriétaire.
Aussi, seules les dépenses de d’amélioration – ou de conservation – ouvrent droit à récompense, à tout le moins lorsqu’elles sont réglées au moyen de deniers communs.
S’agissant du calcul du montant des récompenses dues au titre des améliorations, deux cas de figure sont susceptibles de se présenter :
- Premier cas de figure : le profit subsistant est supérieur à la dépense faite
- Dans cette hypothèse, il y a lieu d’appliquer l’alinéa 3 de l’article 1469 du Code civil, la récompense ne pouvant être moindre que le profit subsistant.
- Le montant de la récompense sera donc précisément égal à ce profit subsistant, alors même qu’il représente la plus élevé des deux sommes.
- C’est là une solution qui déroge au principe énoncé à l’alinéa 1er de l’article 1469.
- Second cas de figure : le profit subsistant est inférieur à la dépense faite
- Dans ce cas de figure, il convient de revenir à l’alinéa 1er du Code civil qui prévoit que la récompense est égale à la plus faible des deux sommes entre le profit subsistant et la dépense faite.
- Ici, la récompense sera donc égale au profit subsistant, sauf à ce que la dépense d’amélioration présente un caractère nécessaire, auquel cas, il y aura lieu de faire application de l’alinéa 2 de l’article 1469.
- Lorsque, en effet, la dépense est nécessaire, soit est économiquement utile et, surtout, répond à un besoin impérieux de nature familiale ou professionnelle, la récompense ne peut être moindre que la défense faite.
- Au cas particulier, elle sera donc égale à la valeur empruntée, ce par dérogation à la règle posée à l’alinéa 1er de l’article 1469.
b. Les méthodes d’évaluation des récompenses
Lorsqu’une récompense est due au titre d’une dépense d’acquisition, de conservation ou d’amélioration, elle ne peut être moindre, dit l’alinéa 3 de l’article 1469, que le profit subsistant.
Si, dans son principe, la règle énoncée ne soulève pas difficulté, sa mise en œuvre peut néanmoins s’avérer complexe, soit parce que le bien dans lequel la valeur empruntée a été incorporée a été aliéné, soit parce qu’il a été remplacé.
Pour cette raison, les méthodes d’évaluation des récompenses prescrites par l’article 1469, al. 3e du Code civil divergent sensiblement d’une situation à l’autre.
À cet égard, le texte distingue trois situations :
- Le bien acquis, conservé ou amélioré se retrouve dans le patrimoine emprunteur au jour de la liquidation
- Le bien acquis, conservé ou amélioré par la somme empruntée n’existe plus dans le patrimoine emprunteur au jour de la liquidation de la communauté car il a été aliéné avant la liquidation
- Le bien acquis, conservé ou amélioré a été remplacé (subrogé) dans le patrimoine emprunteur par un autre bien
b.1 Le bien acquis, conservé ou amélioré se retrouve dans le patrimoine emprunteur au jour de la liquidation
L’article 1469, al. 3e du Code civil prévoit que lorsque le bien acquis, conservé ou amélioré se retrouve dans le patrimoine emprunteur au jour de la liquidation de la communauté, alors le profit subsistant est évalué sur la base de la valeur actuelle du bien à cette date.
Selon néanmoins que l’opération consiste en une acquisition, en un acte de conservation ou d’amélioration, le calcul du profit subsistant différera sensiblement d’une situation à l’autre, d’où la nécessité de les distinguer.
i. Les dépenses d’acquisition
?: Les acquisitions à titre onéreux
==> Le bien a été exclusivement acquis au moyen de fonds fournis par un patrimoine
- Règles applicables
- La récompense ne peut être moindre que le profit subsistant.
- Le profit subsistant est égal à la valeur du bien au jour de la liquidation de la communauté.
- Si le profit subsistant est inférieur à la dépense faite, il y a lieu de revenir au principe posé à l’alinéa 1er de l’article 1469 du Code civil selon lequel la récompense est égale à la plus faible des deux sommes entre le profit subsistant et la dépense faite.
- Applications
- Données
- Acquisition d’instruments de travail appartenant en propre à un époux et intégralement financée par la communauté
- Coût de l’acquisition au jour de l’opération : 2.000 €
- Valeur empruntée (contribution de la communauté) : 2.000 €
- Valeur des instruments de travail au jour de la liquidation :
- Alternative 1 : 3.000 €
- Alternative 2 : 1.500 €
- Solution
- Dépense faite: 2.000 €
- Profit subsistant
- Si valeur des instruments de travail au jour de la liquidation est de 3.000 €, alors le profit subsistant est de 3.000 €
- Si valeur des instruments de travail au jour de la liquidation est de 1.500 €, alors le profit subsistant est de 1.500 €
- Montant de la récompense
- Première alternative
- Si la valeur des instruments de travail au jour de la liquidation de la communauté est égale à 3.000 €, alors il y a lieu d’appliquer l’alinéa 3 de l’article 1469 du Code civil
- Dans ce cas de figure, la récompense est donc égale à 3.000 €
- Seconde alternative
- Si la valeur des instruments de travail au jour de la liquidation de la communauté est égale à 1.500 €, alors il y a lieu d’appliquer l’alinéa 1er de l’article 1469 du Code civil
- Dans ce cas de figure, la récompense est donc égale à 1.500 €
==> Le bien a été partiellement acquis au moyen de fonds fournis par un patrimoine
- Règles applicables
- La récompense ne peut être moindre que le profit subsistant.
- Le calcul du profit subsistant suppose de déterminer la part contributive du patrimoine créancier de la récompense exprimée en fraction et de reporter cette fraction à la valeur estimée du bien au jour de la liquidation de la communauté
- Si le profit subsistant est inférieur à la dépense faite, il y a lieu de revenir au principe posé à l’alinéa 1er de l’article 1469 du Code civil selon lequel la récompense est égale à la plus faible des deux sommes entre le profit subsistant et la dépense faite.
- Applications
- Données
- Acquisition d’un immeuble appartenant en propre à un époux dans le cadre d’un remploi, partiellement financée par la communauté
- Coût de l’acquisition au jour de l’opération : 500.000 €
- Fonds fournis par le patrimoine propre : 300.000 €
- Valeur empruntée (contribution de la communauté) : 200.000 €
- Valeur de l’immeuble au jour de la liquidation :
- Alternative 1 : 800.000 €
- Alternative 2 : 180.000 €
- Solution
- Dépense faite: 200.000 €
- Profit subsistant :
- Si la valeur de l’immeuble au jour de la liquidation est de 800.000 €, alors le profit subsistant se calcule comme suit :
- Part contributive de la communauté : 200.000/500.000 = 2/5e
- Profit subsistant : 2/5e X 800.000 = 320.000 €
- Si la valeur de l’immeuble au jour de la liquidation est de 180.000 €, alors le profit subsistant se calcule comme suit :
- Part contributive de la communauté : 200.000/500.000 = 2/5e
- Profit subsistant : 2/5e X 180.000 = 72.000 €
- Montant de la récompense :
- Première alternative
- Si la valeur de l’immeuble au jour de la liquidation de la communauté est égale à 800.000 €, alors il y a lieu d’appliquer l’alinéa 3 de l’article 1469 du Code civil
- Dans ce cas de figure, la récompense est donc égale à 320.000 €
- Seconde alternative
- Si la valeur de l’immeuble au jour de la liquidation de la communauté est égale à 180.000 €, alors il y a lieu d’appliquer l’alinéa 1er de l’article 1469 du Code civil
- Dans ce cas de figure, la récompense est donc égale à 180.000 €
==> Le sort des frais et accessoires se rapportant à l’acquisition
L’acquisition d’un bien donne parfois lieu au paiement de frais accessoires, en particulier lorsque l’acquisition porte sur un bien immobilier (droits de mutation, honoraires notariaux, frais d’intermédiation, taxes etc.).
Lorsque ces frais sont supportés par le patrimoine créancier, une récompense est alors due à celui-ci.
Toute la question est alors de savoir comment évaluer le montant de cette récompense.
Plus précisément, la question se pose du sort des frais d’acquisition quant à l’évaluation du profit subsistant : doivent-ils être compris dans l’assiette de calcul ou retranchés ?
Deux thèses s’affrontent :
- Première thèse
- Il peut être avancé que ces frais n’enrichissent, en aucune manière, le patrimoine emprunteur, dans la mesure où, en soi, ils n’apportent aucune plus-value au bien acquis
- Dans ces conditions, il conviendrait de les traiter comme une simple dette.
- Le profit subsistant serait donc strictement égal à la dépense faite, soit au montant de l’économie procuré au patrimoine créancier de la récompense due au titre du paiement des frais d’acquisition.
- Seconde thèse
- Il peut être soutenu, à l’inverse, que la réalisation de l’acquisition est subordonnée au paiement de ces frais.
- Ils représentent donc bien une composante, à part entière, du coût d’acquisition du bien.
- Or l’article 1469, al. 3e du Code civil ne vise pas le prix d’acquisition, mais la valeur empruntée qui « a servi à acquérir» le bien.
- Dans ces conditions, il n’y aurait aucune raison de les traiter séparément du prix d’acquisition financé intégralement ou partiellement par le patrimoine créancier de la récompense.
- Parce que le règlement des frais d’acquisition était nécessaire à la réalisation de l’opération, le patrimoine créancier doit profiter de la plus-value réalisée grâce à leur acquittement
Entre ces deux thèses, les auteurs optent très majoritairement pour la seconde, étant précisé que la question de l’intégration des frais accessoires dans le coût de l’opération d’acquisition ne se pose réellement qu’en présence d’une double contribution.
Lorsque, dès lors, l’acquisition d’un bien est assortie du paiement de frais annexes, pour déterminer le profit subsistant, il y a lieu d’intégrer ces frais dans l’assiette de calcul.
Exemple :
?: Les acquisitions à titre gratuit
==> Énoncé de la règle
L’alinéa 3 de l’article 1469 du Code civil n’opère aucune distinction entre les acquisitions à titre onéreux et les acquisitions à titre onéreux.
En application du principe ubi lex non dinstinguit, il y a donc lieu de considérer que la règle énoncée par cette disposition s’applique indistinctement aux deux catégories d’opérations.
S’agissant spécifiquement d’une acquisition à titre gratuit, elle donne parfois lieu au règlement de droits de mutation.
Or ces droits de mutations peuvent être pris en charge, partiellement ou intégralement, par un patrimoine autre que celui qui a reçu le bien.
Dans cette hypothèse, ce patrimoine a droit à récompense. La question se pose alors dans les mêmes termes que pour les frais d’acquisition.
Les frais attachés à une opération à titre gratuit doivent-ils être traités comme une dette ou doivent-ils compris dans le coût d’acquisition du bien.
Dans un arrêt du 4 juillet 1995, la Cour de cassation a retenu la seconde solution en jugeant au visa de l’article 1469, al. 3e du Code civil que « ce texte ne distingue pas selon que l’acquisition est effectuée à titre onéreux ou à titre gratuit ; que les frais d’enregistrement d’un acte de donation, dont le paiement a permis la réalisation de cette donation et l’acquisition d’un bien à titre gratuit, donnent lieu, lorsque ces frais ont été réglés par la communauté et lorsque le bien se retrouve à la dissolution de celle-ci dans le patrimoine du donataire, à une récompense calculée selon les modalités de l’article 1469, alinéa 3, du Code civil » (Cass. 1ère civ. 4 juill. 1995, n°93-12.347).
Il ressort de cette décision, que la récompense due au patrimoine qui a supporté les frais attachés à une acquisition à titre gratuit ne peut être moindre que le profit subsistant.
C’est là une stricte application du troisième alinéa de l’article 1469 du Code civil.
S’agissant du calcul de la récompense, il convient de raisonner sensiblement de la même manière que pour une acquisition à titre onéreux réalisée au moyen de deniers fournis par un patrimoine autre que le patrimoine acquéreur.
L’évaluation du profit subsistant se fait ainsi en deux temps :
- Premier temps : détermination de la part contributive du patrimoine créancier
- Pour déterminer la part contributive du patrimoine créancier, il convient de rapporter les frais d’acquisition réglés à la valeur du bien au jour de l’acquisition que ces frais ne doivent pas figurer au dénominateur.
- Second temps : détermination du profit subsistant
- Le calcul du profit subsistant suppose de déterminer la part contributive du patrimoine créancier de la récompense exprimée en fraction et de reporter cette fraction à la valeur estimée du bien au jour de la liquidation de la communauté, soit :
==> Application
Soit un immeuble reçu à titre gratuit par un époux dans le cadre d’une donation. La valeur de cet immeuble au jour de la donation est de 300.000 €.
La communauté règle les frais d’acquisition à hauteur de 30.000€. La valeur de l’immeuble au jour de la liquidation de la communauté est de 400.000 €
- Dépense faite : 30.000 €
- Part contributive de la communauté : 30.000 € / 300.000 € = 1/10e
- Profit subsistant : 1/10e X 400.000 = 40.000 €
Le montant de la récompense est ici de 40.000 €
ii. Les dépenses de conservation
- Règles applicables
- Évaluation de la récompense
- La récompense due au titre d’une dépense de conservation ne peut :
- D’une part, être moindre que la dépense faite (art. 1469, al. 2e)
- D’autre part, être moindre au profit subsistant (art. 1469, al. 3e)
- La récompense est donc toujours égale à la plus forte des deux sommes entre la dépense faite et le profit subsistant.
- Évaluation du profit subsistant
- Afin de déterminer le montant du profit subsistant, il y a lieu, ici, de procéder à une double évaluation
- En effet, il convient d’estimer ce que vaudrait l’immeuble au jour de la liquidation de la communauté sans la réalisation des travaux et ce qu’il vaut, à cette même date, en tenant compte de la réalisation des travaux.
- La différence entre ces deux évaluations constitue le profit subsistant.
- Applications
- Données
- Réalisation de travaux de rénovation de la façade d’un immeuble appartenant en propre à un époux et dont le coût est supporté par la communauté
- Coût des travaux : 50.000 €
- Valeur empruntée (contribution de la communauté) : 50.000 €
- Valeur de l’immeuble au jour de la liquidation :
- Alternative 1
- Sans les travaux : 400.000 €
- Avec les travaux : 430.000 €
- Alternative 2
- Sans les travaux : 400.000 €
- Avec les travaux : 500.000 €
- Solution
- Dépense faite: 50.000 €
- Profit subsistant
- Alternative 1
- 430.000 – 400.000 = 30.000 €
- Alternative 2
- 500.000 – 400.000 = 100.000 €
- Montant de la récompense
- Première alternative
- Si le profit subsistant s’élève à 100.000 €, soit est supérieur à la dépense faite (100.000 > 50.000), alors la récompense est égale au profit subsistant en application de l’alinéa 3 de l’article 1469
- Dans ce cas de figure, la récompense est donc égale à 100.000 €
- Seconde alternative
- Si le profit subsistant s’élève à 30.000 €, soit est inférieur à la dépense faite (30.000 < 50.000), alors la récompense est égale à la dépense faite en application de l’alinéa 2 de l’article 1469
- Dans ce cas de figure, la récompense est donc égale à 30.000 €
iii. Les dépenses d’amélioration
- Règles applicables
- Évaluation de la récompense
- Premier cas de figure : le profit subsistant est supérieur à la dépense faite
- Dans cette hypothèse, il y a lieu d’appliquer l’alinéa 3 de l’article 1469 du Code civil, la récompense ne pouvant être moindre que le profit subsistant.
- Le montant de la récompense sera donc précisément égal à ce profit subsistant, alors même qu’il représente la plus élevé des deux sommes.
- C’est là une solution qui déroge au principe énoncé à l’alinéa 1er de l’article 1469.
- Second cas de figure : le profit subsistant est inférieur à la dépense faite
- Dans ce cas de figure, il convient de revenir à l’alinéa 1er du Code civil qui prévoit que la récompense est égale à la plus faible des deux sommes entre le profit subsistant et la dépense faite.
- Ici, la récompense sera donc égale au profit subsistant, sauf à ce que la dépense d’amélioration présente un caractère nécessaire, auquel cas, il y aura lieu de faire application de l’alinéa 2 de l’article 1469.
- Lorsque, en effet, la dépense est nécessaire, soit est économiquement utile et, surtout, répond à un besoin impérieux de nature familiale ou professionnelle, la récompense ne peut être moindre que la défense faite.
- Au cas particulier, elle sera donc égale à la valeur empruntée, ce par dérogation à la règle posée à l’alinéa 1er de l’article 1469.
- Évaluation du profit subsistant
- Afin de déterminer le montant du profit subsistant, il y a lieu, ici, de procéder à une double évaluation
- En effet, il convient d’estimer ce que vaudrait le bien au jour de la liquidation de la communauté sans la réalisation des travaux et ce qu’il vaut, à cette même date, en tenant compte de la réalisation des travaux.
- La différence entre ces deux évaluations constitue le profit subsistant.
- Applications
- Données
- Réalisation de travaux d’installation d’un nouveau système de chauffage central dans un immeuble appartenant en propre à un époux et dont le coût est supporté par la communauté
- Coût des travaux : 50.000 €
- Valeur empruntée (contribution de la communauté) : 50.000 €
- Valeur de l’immeuble au jour de la liquidation :
- Alternative 1
- Sans les travaux : 400.000 €
- Avec les travaux : 430.000 €
- Alternative 2
- Sans les travaux : 400.000 €
- Avec les travaux : 500.000 €
- Solution
- Dépense faite: 50.000 €
- Profit subsistant
- Alternative 1
- 430.000 – 400.000 = 30.000 €
- Alternative 2
- 500.000 – 400.000 = 100.000 €
- Montant de la récompense
- Première alternative
- Si le profit subsistant s’élève à 100.000 €, soit est supérieur à la dépense faite (100.000 > 50.000), alors la récompense est égale au profit subsistant en application de l’alinéa 3 de l’article 1469
- Dans ce cas de figure, la récompense est donc égale à 100.000 €
- Seconde alternative
- Si le profit subsistant s’élève à 30.000 €, soit est inférieur à la dépense faite (30.000 < 50.000), alors il convient de revenir à l’alinéa 1er de l’article 1469 qui prévoit que la récompense est égale à la plus faible des deux sommes entre le profit subsistant et la dépense faite.
- Ici, la récompense serait donc égale au profit subsistant, sauf à ce que la dépense d’amélioration présente un caractère nécessaire, auquel cas, il y aura lieu de faire application de l’alinéa 2 de l’article 1469.
- Dans cette hypothèse, ce qui est le cas en l’espèce, la récompense ne peut être moindre à la dépense faite, soit à 50.000 €.
- Cas particulier des constructions sur un terrain nu
- Règle
- Lorsqu’une construction est édifiée sur un terrain nu, elle devient la propriété du propriétaire du fonds par voie d’accession (art. 555 C. civ.).
- La question s’est alors posée de l’évaluation de la récompense lorsque la construction est financée par un patrimoine qui n’est pas propriétaire du terrain.
- Deux bases de calcul sont envisageables :
- Retenir la valeur du bien construit
- Retenir la plus-value procurée par la construction
- Dans un arrêt du 6 juin 1990, la Cour de cassation a opté pour la seconde solution.
- Elle a affirmé en ce sens, s’agissant d’une construction édifiée sur un terrain propre financée au moyen de deniers communs, que le patrimoine emprunteur devait à la communauté « une récompense égale non pas à la valeur du bien construit, mais à la plus-value procurée par la construction au fonds sur lequel celle-ci était implantée» ( 1ère civ. 6 juin 1990, n°88-10.532).
- Aussi, afin de déterminer le montant du profit subsistant convient-il de procéder à une double évaluation
- Il y a lieu, en effet, d’estimer ce que vaudrait le fonds au jour de la liquidation de la communauté sans la construction et ce qu’il vaut, à cette même date, en tenant compte de la construction.
- La différence entre ces deux évaluations constitue le profit subsistant.
- Quant à la récompense, en application de l’alinéa 3 de l’article 1469 du Code civil, elle ne peut être moindre que le profit subsistant.
- Données
- Édification d’une construction sur un terrain appartenant en propre à un époux et dont le coût est supporté par la communauté
- Coût de la construction : 200.000 €
- Valeur empruntée (contribution de la communauté) : 200.000 €
- Valeur de l’ensemble immobilier au jour de la liquidation :
- Alternative 1
- Sans la construction : 100.000 €
- Avec la construction : 350.000 €
- Alternative 2
- Sans les travaux : 100.000 €
- Avec les travaux : 250.000 €
- Solution
- Dépense faite: 200.000 €
- Profit subsistant
- Alternative 1
- 350.000 – 100.000 = 250.000 €
- Alternative 2
- 250.000 – 100.000 = 150.000 €
- Montant de la récompense
- Première alternative
- Si le profit subsistant s’élève à 250.000 €, soit est supérieur à la dépense faite (250.000 > 200.000), alors la récompense est égale au profit subsistant en application de l’alinéa 3 de l’article 1469
- Dans ce cas de figure, la récompense est donc égale à 250.000 €
- Seconde alternative
- Si le profit subsistant s’élève à 150.000 €, soit est inférieur à la dépense faite (150.000 < 200.000), alors il convient de revenir à l’alinéa 1er de l’article 1469 qui prévoit que la récompense est égale à la plus faible des deux sommes entre la dépense faite et le profit subsistant
- Dans ce cas de figure, la récompense serait donc égale au profit subsistant, soit à 150.000 €
b.2 Le bien acquis, conservé ou amélioré par la somme empruntée n’existe plus dans le patrimoine emprunteur au jour de la liquidation de la communauté car il a été aliéné avant la liquidation
Ici le bien qui a été acquis, conservé ou amélioré au moyen de fonds empruntés ne se retrouve plus dans le patrimoine débiteur de la récompense.
L’alinéa 3 de l’article 1469 du Code civil prévoit que, dans cette hypothèse, « le profit est évalué au jour de l’aliénation ».
Les règles applicables sont donc les mêmes que celles qui opèrent dans l’hypothèse où le bien se retrouve dans le patrimoine emprunteur au jour de la liquidation.
La seule différence tient à la base de calcul du profit subsistant : au lieu de retenir la valeur du bien au jour de la liquidation de la communauté, on retiendra la valeur du bien au jour de son aliénation.
La raison en est que, à compter de cette date, le patrimoine emprunteur ne bénéficie plus d’aucune plus-value, dans la mesure où, par hypothèse, le bien ne lui appartient plus.
Il n’y a donc aucune raison à ce que le patrimoine créancier soit indemnisé au-delà de l’avantage retiré par le patrimoine emprunteur.
b.3 Le bien acquis, conservé ou amélioré a été remplacé (subrogé) dans le patrimoine emprunteur par un autre bien
À la différence de la situation précédente, le bien acquis, conservé ou amélioré qui a été aliéné a été remplacé par un autre bien dans le patrimoine emprunteur.
L’opération comporte donc ici trois étapes :
- Acquisition d’un bien au moyen de deniers fournis intégralement ou partiellement par le patrimoine créancier
- Aliénation de ce bien qui sort du patrimoine emprunteur
- Acquisition d’un nouveau bien qui se subroge au bien aliéné
Lorsque ces trois conditions sont réunies, l’article 1469, al. 3e du Code civil prévoit que « le profit est évalué sur ce nouveau bien. »
Là encore, les règles de calcul de la récompense ne changent pas. Il y a simplement lieu d’évaluer le profit subsistant en retenant la valeur, non pas de l’ancien bien au jour de son aliénation, mais du nouveau bien au jour de la liquidation de la communauté, à tout le moins dès lors qu’il se retrouve dans le patrimoine emprunteur à cette date.
Quant à la subrogation, lorsqu’elle a pour objet un bien propre, elle requiert, pour produire ses effets, l’accomplissement des formalités de remploi. Lorsque, en revanche, elle porte sur un bien commun, elle opère de plein droit.
Seule véritable difficulté à surmonter s’agissant du calcul de la récompense : déterminer le montant de la récompense, lorsque le bien subrogé a été financé avec le produit de la vente du bien aliéné et une contribution complémentaire du patrimoine créancier.
Deux situations doivent être distinguées :
==> Première situation : en l’absence d’une contribution complémentaire
Le bien subrogé a été financé au moyen du produit de la vente du bien aliéné sans que le patrimoine créancier n’ait eu à fournir une somme complémentaire.
Dans cette hypothèse, l’opération de subrogation est sans incidence sur la part contributive de la communauté.
Pour évaluer le profit subsistant, il suffira donc d’exprimer cette part contributive en fraction et de reporter cette fraction à la valeur estimée du bien subrogé au jour de la liquidation de la communauté.
Exemple :
- Données
- Acquisition d’un immeuble appartenant en propre à un époux dans le cadre d’un remploi, partiellement financée par la communauté
- Coût de la première acquisition : 500.000 €
- Fonds fournis par le patrimoine propre : 300.000 €
- Valeur empruntée (contribution de la communauté) : 200.000 €
- Le bien est aliéné au prix de 700.000 €
- Acquisition d’un nouveau bien au prix du bien aliéné (700.000 €) financé par le produit de la vente
- Valeur de l’immeuble subrogé au jour de la liquidation : 900.000 €
- Solution
- Dépense faite : 200.000 €
- Profit subsistant :
- Part contributive de la communauté : 200.000/500.000 = 2/5e
- Profit subsistant : 2/5e X 900.000 = 360.000 €
- Montant de la récompense : 360.000 €
==> Seconde situation : en présence d’une contribution complémentaire
Il se peut que le patrimoine créancier ait fourni une somme complémentaire aux fins de permettre l’acquisition du nouveau bien en remplacement du bien aliéné.
Dans cette hypothèse, il y a lieu de réévaluer la part contributive du patrimoine créancier avant de calculer le montant de la récompense.
Exemple :
- Données
- Acquisition d’un immeuble appartenant en propre à un époux dans le cadre d’un remploi, partiellement financée par la communauté
- Coût de la première acquisition : 500.000 €
- Fonds fournis par le patrimoine propre : 300.000 €
- Valeur empruntée (contribution de la communauté) : 200.000 €
- Le bien est aliéné au prix de 700.000 €
- Acquisition d’un nouveau bien au prix de 800.000 € financé par le produit de la vente et par une contribution supplémentaire du patrimoine créancier à hauteur de 100.000 €.
- Valeur de l’immeuble subrogé au jour de la liquidation : 900.000 €
- Solution
- Si l’on s’en tient à la dernière opération la part contributive de la communauté est de : 200.000/500.000 = 2/5e
- Cette fraction est toutefois erronée, dans la mesure à la communauté a également contribué à l’acquisition du bien subrogé.
- Il y a donc lieu de réévaluer la part contributive de la communauté :
- Au jour de l’aliénation du bien aliéné elle était comprise dans le prix de vente de ce bien, soit 2/5e X 700.000 € = 280.000 €
- Au jour de l’acquisition du bien subrogé, la contribution de la communauté est de 100.000 €
- Au total, si l’on tient compte de la contribution antérieure et de la contribution complémentaire, la communauté a contribué à l’acquisition du bien subrogé à hauteur de 280.000 € + 100.000 € = 380.000 €
- Rapporté au montant de la seconde acquisition, cela représente une contribution de 380.000/700.000, soit 19/35e
- Reste à établir le profit subsistant en reportant cette fraction à la valeur estimée du bien subrogé au jour de la liquidation de la communauté.
- Le profit subsistant est alors de 19/35e x 900.000 = 488.571 €
- S’agissant du montant de la récompense, en application de l’alinéa 3 de l’article 1469 du Code civil, il ne peut être moindre que le profit subsistant
- Au cas particulier
- Valeur empruntée : 380.000 €
- Profit subsistant = 488.571 €.
- Le montant de la récompense s’élève donc à 488.571 €
C) La preuve des récompenses
En application du droit commun de la preuve, c’est à l’époux qui allègue un droit à récompense qu’il revient de prouver sa prétention.
En substance, ce dernier devra établir :
- D’une part, l’existence d’un mouvement de valeur entre la communauté et un patrimoine propre, lequel mouvement constitue le fait générateur de la récompense.
- D’autre part, les modalités de calcul retenues pour évaluer la récompense lesquelles dépendent des circonstances
Reste que, selon que la récompense est due à la communauté ou à un époux, les règles de preuve diffèrent, raison pour laquelle il y a lieu d’envisager les deux situations séparément.
1. La preuve des récompenses dues par la communauté
L’article 1433, al. 3e du Code civil prévoit que « si une contestation est élevée, la preuve que la communauté a tiré profit de biens propres peut être administrée par tous les moyens, même par témoignages et présomptions. »
Deux enseignements peuvent être retirés de cette disposition :
- Premier enseignement
- Les époux ne doivent rapporter la preuve des récompenses dues par la communauté qu’à la condition qu’« une contestation soit élevée»
- Autrement dit, faute de contestation par le conjoint du droit à récompense dont se prévaut un époux, celui-ci sera dispensé de rapporter la preuve de ses prétentions.
- Aussi, lorsqu’un notaire est chargé d’assurer la liquidation du régime matrimonial, il ne pourra pas exiger que cette preuve soit rapportée
- Il sera contraint d’inscrire en compte la récompense alléguée sur demande des époux
- Quant au juge, en cas d’accord des époux sur une récompense due par la communauté, il ne dispose d’aucun pouvoir d’appréciation, il ne peut que prendre acte de leurs déclarations respectives sur lesquels il ne saurait revenir.
- Second enseignement
- En cas de contestation du droit à récompense, la preuve est libre, à tout le moins s’agissant d’établir que la « communauté a tiré profit de biens propres peut être administrée par tous les moyens»
- La seule preuve de ce profit réalisé par la communauté, ne suffit pas néanmoins à établir le droit à récompense qui comporte plusieurs aspects.
- Pour y parvenir, il y a lieu notamment de prouver l’existence d’un mouvement de valeur entre la communauté et un patrimoine propre
- Or pour établir ce mouvement de valeur, encore faut-il démontrer que la valeur transférée était propre et que le patrimoine d’où est issue cette valeur s’est appauvri.
Au bilan, en cas de contestation élevée par un époux, plusieurs preuves devront donc être rapportées celui qui allègue un droit à récompense
Et contrairement à ce que suggère l’article 1433, al. 3e du Code civil son administration ne sera pas toujours libre. Selon l’objet de la preuve à rapporter, elle obéit à des règles qui diffèrent.
Aussi, afin d’appréhender la preuve des récompenses dues par la communauté, il y a lieu d’envisager séparément chacune des preuves qui devront être rapportées par l’époux qui se prévaut de ce droit.
À l’analyse, il devra établir :
- D’une part, que la valeur dont aurait profité la communauté il appartenait en propre
- D’autre part, que la communauté s’est enrichie au détriment de son patrimoine propre
Si la preuve de ces deux éléments permet d’établir le bien-fondé de la récompense due par la communauté, elle n’est pas toujours suffisante quant à déterminer son montant.
En effet, il est certains cas où le demandeur souhaitera faire jouer une règle dérogatoire au principe du double maximum qui gouverne l’évaluation des récompenses.
1.1 La preuve du principe de récompense
La preuve du principe de récompense se décompose en deux éléments :
- La preuve de l’existence d’une valeur propre
- La preuve de l’enrichissement de la communauté au détriment d’un patrimoine propre
a. La preuve de l’existence d’une valeur propre
L’époux auquel il échoit de prouver qu’un bien lui appartient propre, devra combattre la présomption de communauté instituée à l’article 1402 du Code civil.
Cette disposition prévoit que « tout bien, meuble ou immeuble, est réputé acquêt de communauté si l’on ne prouve qu’il est propre à l’un des époux par application d’une disposition de la loi. »
Il ressort de ce texte que dès lors qu’une incertitude sur la propriété d’un bien existe, ce bien est réputé appartenir à la communauté.
Plus précisément, la présomption de communauté fait peser la charge de la preuve sur l’époux qui se prévaut de la propriété d’un bien.
Faute d’être en mesure de rapporter cette preuve, le bien est réputé commun. Il s’agit néanmoins d’une présomption simple, de sorte qu’elle souffre la preuve contraire.
À cet égard, la présomption de communauté ne règle pas seulement la charge de la preuve, elle organise également les modes d’établissement de la preuve.
Aussi, en application du second alinéa de l’article 1402 du Code civil, l’époux qui se prévaut de la propriété d’un bien à titre exclusif de rapporter cette preuve devra se conformer aux règles qui :
- Pour certains cas, dispense de rapporter la preuve du caractère propre d’un bien
- Pour d’autres cas, énonce les modes de preuve admis lorsque la preuve est exigée
i. La dispense de preuve
En application de l’article 1402, al. 2e du Code civil, il est deux cas où un époux peut se prévaloir d’une dispense de rapporter la preuve du caractère propre d’un bien :
- La présence d’une preuve ou d’une marque de l’origine sur le bien
- L’absence de contestation
==> La présence d’une preuve ou d’une marque de l’origine
Il ressort d’une lecture a contrario de l’article 1402, al. 2e du Code civil que lorsqu’un bien porte en lui-même la preuve ou la marque de son origine, l’époux qui prétend que ce bien lui appartient en propre est dispensé d’en rapporter la preuve.
La marque qui figure sur le bien suffit à prouver son caractère personnel. Tel est le cas d’un bien sur lequel seraient inscrites des armoiries ou des initiales ou sur lequel figurerait une dédicace personnalisée.
Qu’en est-il des biens qui forment des propres par nature au sens de l’article 1404 du Code civil ?
Pour mémoire, cette disposition prévoit que « forment des propres par leur nature, quand même ils auraient été acquis pendant le mariage, les vêtements et linges à l’usage personnel de l’un des époux, les actions en réparation d’un dommage corporel ou moral, les créances et pensions incessibles, et, plus généralement, tous les biens qui ont un caractère personnel et tous les droits exclusivement attachés à la personne ».
La doctrine est divisée sur le sujet. Certains auteurs avancent qu’il y aurait lieu d’étendre la dispense énoncée à l’article 1402 du Code civil aux biens par nature dans la mesure où « qu’elles qu’aient été les conditions de leur acquisition, [ils] ne peuvent qu’être propres »[9]. L’autre argument est de dire que cette solution était admise sous l’empire du droit antérieur et que rien n’indique qu’elle a été remise en cause.
D’autres auteurs soutiennent néanmoins en sens contraire que les biens par nature se caractérisent par le seul lien étroit qu’ils entretiennent avec un époux.
Or l’article 1402, al. 2e du Code civil subordonne la dispense de preuve à la présence d’une marque sur le bien, ce qui donc exclurait les biens par nature du domaine de la dispense[10].
Pour ce qui nous concerne, nous nous rangeons à cette seconde analyse, plus conforme à la lettre du texte.
==> L’absence de contestation
L’article 1402, al. 2e du Code civil prévoit qu’il n’est pas besoin de rapporter la preuve de la propriété personnelle d’un bien lorsqu’elle n’est pas contestée.
Si cette précision relève de l’évidence, dans la mesure où en droit commun, ne doivent être prouvés que les faits contestés ou contestables, elle présente néanmoins un réel intérêt en cas de liquidation amiable de la communauté.
Lorsque le notaire procédera aux opérations de liquidation il ne pourra pas, en effet, exiger des époux qu’ils rapportent la preuve du caractère propre d’un bien pour l’exclure de l’actif commun dès lors que la propriété de ce bien ne fait l’objet d’aucune contestation.
ii. L’exigence de preuve
Lorsque la preuve du caractère propre d’un bien est exigée, faute pour l’époux revendiquant de justifier d’un cas de dispense, l’article 1402, al. 2e du Code civil pose le principe de la preuve par écrit. À titre exceptionnel, la preuve peut être rapportée par tous moyens.
==> Principe : l’exigence d’un écrit
L’article 1402, al. 2e du Code civil dispose que « si le bien est de ceux qui ne portent pas en eux-mêmes preuve ou marque de leur origine, la propriété personnelle de l’époux, si elle est contestée, devra être établie par écrit ».
Pour prouver le caractère propre d’un bien, c’est donc un écrit qui devra être produit. De quel écrit s’agit-il ?
Le texte précise que deux sortes d’écrits sont admises :
- Les preuves préconstituées
- Il s’agit ici des inventaires, des actes d’emploi ou de remploi, les actes constatant une libéralité ou encore l’acquisition d’un bien avant la célébration du mariage.
- Les écrits de toutes natures
- L’article 1402, al. 2e prévoit que faute de preuve préconstituée, le juge pourra prendre en considération tous écrits, notamment titres de famille, registres et papiers domestiques, ainsi que documents de banque et factures.
À l’analyse, il ressort de l’article 1402 qu’il n’est nullement nécessaire de produire, comme exigé en droit commun de la preuve, un acte authentique ou un acte sous seing privé, pour établir le caractère propre d’un bien.
Les exigences posées par ce texte sont bien moindres que celles énoncées à l’article 1359 du Code civil.
Pour exemple, tandis que le commencement de preuve par écrit ne peut, en droit commun, émaner que de celui à qui on l’oppose, l’article 1402 admet qu’il puisse avoir été établi par l’époux qui s’en prévaut.
==> Exception : la preuve par tous moyens
L’exigence d’écrit posée par l’article 1402, al. 2e du Code civil souffre d’une exception. Le texte précise que, faute d’écrit, le juge « pourra même admettre la preuve par témoignage ou présomption, s’il constate qu’un époux a été dans l’impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit. »
Dans cette hypothèse, la preuve du caractère propre du bien disputé pourra être rapportée par tous moyens.
La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par la formule « impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit ». Quelles sont les situations visées par cette formule ?
Tout d’abord, il peut être observé qu’elle fait directement écho à la règle énoncée à l’article 1360 du Code civil qui prévoit que, pour la preuve des actes juridiques, l’exigence d’écrit reçoit exception « en cas d’impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit, s’il est d’usage de ne pas établir un écrit, ou lorsque l’écrit a été perdu par force majeure. »
Ensuite, s’agissant de l’impossibilité matérielle ou morale pour un époux de se procurer un écrit elle correspond à deux situations qu’il convient de distinguer :
- L’impossibilité matérielle de se procurer un écrit
- Cette situation se rencontre lorsque l’opération juridique a été accomplie dans des circonstances exceptionnelles qui empêchaient qu’un écrit soit régularisé.
- L’ancien article 1348 du Code civil donnait des exemples, tels que « les dépôts faits en cas d’incendie, tumulte ou naufrage» ou encore « les obligations contractées en cas d’accidents imprévus, où l’on ne pourrait pas avoir fait des actes par écrit »
- L’idée qui préside à cette exception est que lorsque, en raison des circonstances particulières, l’acte juridique n’a pas pu être régularisé dans les formes requises, il y a lieu de dispenser les parties d’écrit et de les autoriser à rapporter la preuve par tout moyen
- L’impossibilité morale de se procurer un écrit
- Cette situation se rencontre lorsque l’impossibilité de régulariser un écrit tient soit aux usages, soit aux relations particulières entretenues entre les parties.
- Il est, en effet, peu courant de rédiger un contrat entre époux, entre parents et enfants ou encore entre concubins.
- Aussi, parce que certaines relations font obstacle à l’établissement d’un écrit, le législateur autorise que la preuve puisse être rapportée par écrit.
Enfin, pour faire jouer l’exception tenant à l’impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit, l’époux revendiquant devra, au préalable, établir cette impossibilité. Parce qu’il s’agit d’un fait juridique, la preuve est libre.
Ce n’est que s’il y parvient que le juge pourra admettre que le caractère propre du bien dont l’époux revendique la propriété puisse être prouvé par témoignage ou par présomption.
S’agissant des tiers, la question s’est posée en doctrine de savoir s’ils pouvaient se prévaloir de l’exception tenant à l’impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit.
Si l’on s’en tient à une lecture littérale de l’article 1402, al. 2e in fine du Code civil, une réponse négative semble devoir être apportée à cette question.
Le texte prévoit en effet, que la preuve est libre que si le juge « constate qu’un époux a été dans l’impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit ». Il n’est pas fait ici mention des tiers.
Reste que, à l’analyse, les tiers ne seront que très rarement en capacité de se procurer un écrit.
Surtout, conformément au droit commun, si la preuve par écrit peut être imposée aux parties d’un acte, elle ne peut jamais l’être aux tiers.
Par hypothèse, ils sont, en effet, dans l’impossibilité de se constituer un écrit puisqu’étrangers à l’opération.
Dans ces conditions, les tiers seront toujours autorisés à rapporter le caractère propre d’un bien par tous moyens.
b. La preuve de l’enrichissement de la communauté au détriment d’un patrimoine propre
Une fois rapportée la preuve du caractère propre de la valeur qui aurait été transférée dans la masse commune, l’époux doit démontrer que la communauté s’est enrichie au détriment de son patrimoine personnel.
À l’analyse, il s’agit là d’un fait juridique, raison pour laquelle l’article 1433, al. 3e du Code civil prévoit que la preuve est libre.
Reste que l’existence d’un mouvement de valeur n’est pas toujours simple à démontrer, en particulier lorsqu’il s’est écoulé un long délai entre l’enrichissement de la communauté et la liquidation du régime.
À cet égard, il est rare que les époux songent à tenir une comptabilité détaillée des mouvements valeurs intervenus entre les masses propres et la communauté.
Aussi, afin de le délester l’époux qui allègue un droit à récompense résultant de l’encaissement par la communauté de deniers propres, la haute juridiction a estimé qu’il y avait lieu d’alléger le fardeau de la preuve qui pèse sur l’époux qui allègue un droit à récompense.
Afin de comprendre la position actuelle adoptée par la Cour de cassation, revenons un instant sur l’alinéa 2e de l’article 1433 du Code civil.
Pour mémoire, cet alinéa fournit une application de la règle énoncée au premier alinéa qui prévoit que « la communauté doit récompense à l’époux propriétaire toutes les fois qu’elle a tiré profit de biens propres. »
L’exemple retenu par le législateur pour illustrer le principe se rapporte à l’encaissement par la communauté de deniers propres provenant de la vente d’un propre, sans qu’il en ait été fait emploi ou remploi.
Si, de prime abord, cet exemple se comprend bien, car s’inscrivant dans le droit fil du principe, général une lecture littérale du texte n’est toutefois pas sans soulever une difficulté d’interprétation,
La difficulté réside dans l’emploi du terme « encaissement », lequel laisse à penser qu’il suffit que la communauté perçoive des fonds propres pour que naisse un droit à récompense au profit de l’époux auquel ces fonds appartiennent.
Cette interprétation du texte a été vigoureusement discutée, à tout le moins depuis que la loi du 13 juillet 1965 a aboli le droit de jouissance dont était titulaire la communauté sur les biens propres.
Sous l’empire du droit antérieur, « la communauté devenait propriétaire sauf récompense de tous les deniers perçus par les époux ou pour leur compte pendant le mariage pour quelque cause que ce fût » (Cass. 1ère civ., 14 mars 1972, n° 70-12.138).
Il était donc admis que la communauté avait la jouissance des biens propres des époux. La perception du prix par le mari, administrateur de la communauté, des deniers provenus de la vente d’un bien propre pouvait valoir appauvrissement du patrimoine propre et enrichissement corrélatif de la communauté.
En établissant que les deniers provenant de la vente d’un immeuble propre avaient été versés entre les mains du mari, l’appréhension de ces deniers par la communauté, dont le mari était le chef, pouvait être par là même démontrée. Les termes de versement des deniers dans la communauté et d’enrichissement de celle-ci, fondement du droit à récompense, pouvaient donc être confondus.
Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 1965, conformément à l’article 1428 du Code civil, les époux conservent la jouissance de leurs propres.
Les deniers perçus par un époux à la suite de l’aliénation d’un bien propre ou qui lui sont échus par succession ou libéralité constituent des biens propres, leur dépôt sur un compte bancaire ouvert à son seul nom ou sur un compte joint ne leur faisant pas perdre cette qualification.
Il est donc apparu que, sous l’empire de la loi nouvelle, ce ne pouvait pas être l’encaissement des deniers propres qui pouvait engendrer le droit à récompense, mais l’usage fait des deniers au profit de la communauté.
En effet, le seul encaissement de fonds appartenant en propre à un époux par la communauté est sans incidence sur leur qualification. Tout au plus, ils seront présumés communs par le jeu de la présomption d’acquêts.
Il s’agit néanmoins là d’une présomption d’appartenance et non de consommation. Or pour que des deniers propres tombent en communauté, ils doivent, a minima, avoir été consommés et plus précisément avoir été affectés au service d’un intérêt commun.
C’est la raison pour laquelle, l’article 1433, al. 2e du Code civil subordonne l’ouverture d’un droit à récompense à la réalisation d’un profit par la communauté.
Ce profit pourra résulter de l’affectation de fonds propres :
- Soit à l’acquisition, à l’entretien ou à l’amélioration d’un bien sans que les formalités d’emploi ou de remploi aient été accomplies
- Soit au paiement d’une dette commune incombant définitivement à la communauté
Pour que l’époux, auquel appartiennent les fonds propres qui ont été encaissés par la communauté, puisse se prévaloir d’un droit à récompense, il devrait, en toute rigueur, être exigé qu’il établisse que la communauté a retiré un profit de l’utilisation de ses deniers.
Tel n’est pourtant pas l’exigence de la jurisprudence dont la position a connu plusieurs évolutions.
Dans un premier temps, la Cour de cassation a jugé que « la récompense est fondée sur le simple fait qu’un patrimoine a reçu un certain prix qui constitue son profit » (Cass. 1ère civ. 5 févr. 1980, n°79-10.396).
Autrement dit, dans cette décision, elle admet que la preuve de l’encaissement de deniers propres par la communauté permet, à elle seule, de faire présumer la réalisation d’un profit ouvrant droit à récompense.
Cette position, pour le moins libérale adoptée par la première chambre civile, a fait l’objet de nombreuses critiques.
Au soutien de sa charge portée contre la haute juridiction, la doctrine a notamment souligné l’absence de relation entre l’acte de perception par la communauté de deniers propres et la réalisation par elle d’un profit. Ce sont là deux choses bien distinctes, la seconde ne s’inférant pas nécessairement de la première.
Dans un deuxième temps, la Cour de cassation est revenue sur sa position. Dans un arrêt du 26 juin 1990, elle a estimé qu’une épouse ne peut « prétendre à récompense en raison des paiements faits, au moyen de prélèvements opérés sur des capitaux propres, pour subvenir aux dépenses du ménage qui étaient supérieures aux revenus des époux, ces paiements n’ayant laissé subsister aucun profit pour le patrimoine commun » (Cass. 1ère civ. 26 juin 1990, n°88-18.721).
Il ressort de cette décision que le prélèvement par la communauté de deniers propres n’ouvre droit à récompense qu’à la condition qu’il soit établi la réalisation d’un profit par la communauté.
Or au cas particulier, les capitaux prélevés avaient été affectés au règlement des charges du mariage, ce qui, en soi, n’est pas récompensable. Au surplus, la communauté n’en avait retiré aucun profit, l’intégralité des fonds ayant été consommés pour les besoins du ménage.
Ce revirement de jurisprudence opéré par la Cour de cassation a été confirmé dans un arrêt du 6 avril 1994, aux termes duquel elle précise « qu’il incombe à celui qui demande récompense à la communauté d’établir, par tous moyens laissés à l’appréciation souveraine des juges du fond, que les deniers provenant du patrimoine propre de l’un des époux ont profité à la communauté » (Cass.1ère civ. 6 avr. 1994, n°91-22.341).
Cette décision présente le mérite de la clarté : la preuve de l’encaissement de deniers propres par la communauté ne suffit pas à ouvrir droit à récompense. L’époux que se prévaut de ce droit doit démontrer que cet encaissement a profité à la communauté.
Faute d’établir cet enrichissement, aucune récompense ne sera mise à la charge de cette dernière.
Dans un troisième temps, la Cour de cassation a assoupli sa position. Dans un arrêt du 14 janvier 2003, elle a validé la décision d’une Cour d’appel qui, après avoir constaté que les deniers propres avaient été encaissés sur un compte commun et utilisés dans l’intérêt de la communauté, en a déduit que la preuve de la réalisation d’un profit ouvrant droit à récompense était rapportée (Cass. 1ère civ. 14 janvier 2003, n°00-21.108).
Il s’évince de cette décision que si l’encaissement de fonds personnels par la communauté ne permet pas de faire présumer la réalisation d’un profit, la preuve de l’affectation de ces fonds au service de l’intérêt commun suffit, en revanche, à ouvrir droit à récompense.
Comme relevé par certains auteurs[11], il y a là un infléchissement de position de la Cour de cassation qui exige désormais, non plus la preuve d’un profit, mais l’utilisation des fonds dans l’intérêt de la communauté. On observe ainsi une sorte de glissement sémantique qui sera suivi par un nouveau revirement de jurisprudence.
Dans un quatrième temps, la Cour de cassation est, contre toute attente, revenue à la solution qu’elle avait adoptée initialement.
Dans un arrêt du 8 février 2005, elle a affirmé, au visa de l’article 1433 du Code civil, « qu’il incombe à celui qui demande récompense à la communauté d’établir que les deniers provenant de son patrimoine propre ont profité à celle-ci ; que, sauf preuve contraire, le profit résulte notamment de l’encaissement de deniers propres par la communauté, à défaut d’emploi ou de remploi » (Cass. 1ère civ. 8 févr. 2005, n°03-13.456).
Pour la première chambre civile, l’encaissement de deniers propres par la communauté fait présumer la réalisation d’un profit ouvrant droit à récompense.
C’est donc au conjoint qui conteste le bien-fondé de ce droit à récompense qu’il appartient de prouver que la communauté n’a retiré aucun profit de l’encaissement des deniers propres.
Dans un cinquième temps, la Cour de cassation est venue préciser sa position en décidant que la présomption de profit tiré de l’encaissement par la communauté de deniers propres ne jouait pas lorsqu’ils ont été déposés sur le compte personnel d’un époux.
Dans un arrêt du 15 février 2012, elle a notamment jugé que « le profit tiré par la communauté résultant de l’encaissement, au sens de l’article 1433, alinéa 2, du code civil, des deniers propres d’un époux ne peut être déduit de la seule circonstance que ces deniers ont été versés, au cours du mariage, sur un compte bancaire ouvert au nom de cet époux » (Cass. 1ère civ., 15 février 2012, n°11-10.182).
Il ressort de cette décision que, selon que les deniers propres ont été déposés sur un compte commun ou le compte personnel d’un, la preuve qui doit être rapportée celui qui allègue d’un droit à récompense diffère d’une situation à l’autre :
- Les deniers propres ont été déposés sur un compte commun
- Dans cette hypothèse, on présume qu’ils ont été utilisés par les deux époux et affectés à la couverture de dépenses communes et, par conséquent, on en déduit une présomption de profit tiré par la communauté.
- Parce qu’il s’agit d’une présomption simple, elle souffre la preuve contraire
- Les deniers propres ont été déposés sur le compte personnel d’un époux
- Dans cette hypothèse, la présomption de profit retiré par la communauté ne joue pas
- Pour la Cour de cassation, on ne peut pas présumer que les fonds propres ont été utilisés par les deux époux pour être affectés à leurs dépenses communes.
- Il en résulte qu’il appartient à celui qui se prévaut d’un droit à récompense d’établir la réalisation d’un profit par la communauté
Cette position a, par suite, été confirmée par la Cour de cassation, notamment dans un arrêt du 4 janvier 2017.
Dans cette décision, elle reproche à une Cour d’appel d’avoir débouté un époux de sa demande de droit à récompense alors qu’elle avait relevé que les deniers propres de cet époux avaient été déposés sur un compte joint, de sorte qu’ils avaient été encaissés par la communauté au sens de l’article 1433 du code civil.
La première chambre civile estime ici que les juges du fond n’ont pas tiré les conséquences de leurs propres constatations (Cass. 1ère civ. 4 janv. 2017, n°16-10.934).
1.2 La preuve du montant de la récompense
En application de l’article 1469, al. 1er du Code civil, l’évaluation des récompenses est gouvernée par le principe du double maximum.
Ce texte prévoit, en ce sens, que « la récompense est, en général, égale à la plus faible des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant. »
Parce que le mode de calcul des récompenses est déterminé par la loi, le créancier ne devrait pas à avoir à prouver leur montant.
Cela est néanmoins sans compter sur les exceptions dont est assorti le principe du double maximum.
Ces exceptions, qui sont au nombre de deux, sont énoncées aux alinéas 2 et 3 de l’article 1469 du Code civil
- S’agissant de la première exception, elle prévoit que lorsqu’une récompense est due au titre d’une dépense qui présentait un caractère nécessaire, elle ne peut être moindre que la dépense faite.
- S’agissant de la seconde exception, elle prévoit que lorsqu’une récompense est due au titre de l’acquisition, de la conservation ou de l’amélioration d’un bien elle ne peut être moindre que le profit subsistant
Lorsqu’une récompense est due à un patrimoine propre, il appartiendra au créancier, s’il souhaite bénéficier de l’une ou l’autre exception, de démontrer que leurs conditions d’application respectives sont remplies.
S’agissant de l’exception énoncée à l’alinéa 2 de l’article 1469, il devra être démontré que la dépense exposée présentait un caractère nécessaire.
Si le créancier y parvient, le montant de la récompense ne pourra pas être moindre que la dépense faite. S’il échoue, le montant de la récompense sera égal à la plus faible des deux sommes entre la dépense faite et le profit subsistant.
S’agissant de l’exception énoncée à l’alinéa 3 de l’article 1469, l’époux qui se prévaut d’un droit à récompense devra prouver que des deniers propres ont été employés à l’acquisition, la conservation ou l’amélioration d’un bien commun.
Parce que, l’affectation de fonds à une opération constitue, en soi, un fait juridique, la preuve pourra ici être rapportée par tous moyens.
Est-ce à dire que cette preuve s’en trouvera facilitée ? Il n’en est rien, compte tenu de son objet.
En effet, si rapporter la preuve d’un acte d’acquisition, de conservation ou d’amélioration ne soulève pas de difficulté particulière, plus difficile est en revanche d’établir l’origine des fonds ayant financé l’opération.
La plupart du temps, l’origine de ces fonds ne sera pas mentionnée dans l’acte qui constate l’opération.
Dès lors, comment prouver que l’acquisition, la conservation ou l’amélioration d’un bien commun a été financée intégralement ou partiellement par des fonds propres ?
Des auteurs avancent que « pratiquement, il semble que la solution dépendra essentiellement de l’intervalle de temps qui aura séparé les deux opérations : celle qui, comme notamment la vente d’un propre, a mis des deniers propres à la disposition de la communauté ; celle qui a consisté pour elle à les investir ou dans une acquisition, ou dans des travaux d’amélioration ou de conservation d’une bien commun »[12].
Aussi, plus les dates entre les deux opérations seront rapprochées et plus le caractère propre des deniers qui ont financé l’opération sera probant.
À l’inverse, plus le délai entre l’encaissement par la communauté des deniers et la réalisation de l’opération sera long et plus il sera difficile d’établir l’emploi de fonds personnels, en raison, notamment de la fongibilité de l’argent.
L’enjeu de la preuve est la méthode de calcul applicable à l’évaluation de la récompense due par la communauté à l’époux créancier :
- S’il est établi que l’acquisition, la conservation ou l’amélioration d’un bien commun a été financée par des fonds propres, il sera fait application de l’alinéa 3e de l’article 1469 du Code civil, de sorte que la récompense ne pourra pas être moindre que le profit subsistant.
- S’il n’est pas établi que l’acquisition, la conservation ou l’amélioration d’un bien commun a été financée par des fonds propres, il sera fait application de l’alinéa 1er de l’article 1469 du Code civil, de sorte que la récompense sera égale à la plus faible des deux sommes entre la dépense faite et le profit subsistant.
2. La preuve des récompenses dues à la communauté
En première intention, on pourrait penser que la preuve des récompenses dues à la communauté obéit aux mêmes règles que la preuve des récompenses dues par la communauté, à la nuance près qu’il s’agit de prouver un mouvement de valeur dans le sens inverse.
Autrement dit, il y aurait lieu d’établir :
- D’une part, l’existence d’une valeur commune
- D’autre part, l’enrichissement d’un patrimoine propre au détriment de la communauté
Cette démarche, bien que séduisante, fait néanmoins fi d’un élément qui bien bouleverser les termes de l’équation : la présomption de communauté.
Aussi, pour prouver que la communauté a droit à récompense, il n’est nullement besoin d’établir le caractère commun de la valeur transférée dans le patrimoine propre, puisqu’il est présumé en application de l’article 1402 du Code civil.
Dans un arrêt du 7 juin 1988, la Cour de cassation a jugé en ce sens, au visa de l’article 1402 du Code civil qu’il résulte de ce texte que « la communauté qui prétend avoir droit à récompense n’a pas à établir le caractère commun des deniers qui ont servi à acquitter une dette personnelle à l’un des époux, lesdits deniers étant, en application de ce texte, réputés communs, sauf preuve contraire » (Cass. 1ère civ. 7 juin 1988, n°86-14.471).
La seule preuve qui devra dès lors être rapportée par l’époux qui allègue un droit à récompense au profit de la communauté, c’est l’utilisation par son conjoint de deniers dans son intérêt personnel.
Parce que ces deniers sont présumés communs, la preuve ne portera donc que sur l’affectation des deniers au profit d’un patrimoine propre.
Concrètement, il conviendra d’établir :
- D’une part, le financement d’une dépense d’acquisition, de conservation, d’amélioration ou encore règlement d’une dette
- D’autre part, que la dépense ainsi exposée a profité au patrimoine propre qui doit récompense à la communauté
Charge à l’époux qui conteste cette récompense, de démontrer que les deniers utilisés lui appartenaient en propre et/ou que leur emploi a été fait conformément à l’intérêt commun.
En tout état de cause, il s’agira ici de prouver un fait juridique. Dans ces conditions, la preuve est libre.
S’agissant de la preuve du montant de la récompense, il appartiendra au demandeur, s’il sollicite le bénéfice de l’une des exceptions au principe du double maximum énoncé à l’alinéa 1er de l’article 1469, de démontrer que leurs conditions d’application sont remplies.
S’agissant de la première exception, celle énoncée à l’alinéa 2 de l’article 1469, il lui faudra donc établir, pour que le montant de la récompense ne soit pas moindre que la dépense faite, que cette dépense présentait un caractère nécessaire.
S’agissant de la seconde exception énoncée à l’alinéa 3 de l’article 1469, il lui faudra seulement démontrer que des fonds ont été employés à l’acquisition, la conservation ou l’amélioration d’un propre.
Il n’aura pas, en effet, pas à démontrer l’origine des deniers employés, dans la mesure où, en application de la présomption d’acquêt, ils sont réputés communs.
Lorsqu’ainsi, un époux sollicite l’octroi d’une récompense revalorisée au profit de la communauté, la preuve sera plus facile à rapporter que lorsque c’est à un patrimoine propre que cette récompense est due.
II) Le dénouement des comptes de récompenses
L’article 1468 du Code civil prévoit qu’« il est établi, au nom de chaque époux, un compte des récompenses que la communauté lui doit et des récompenses qu’il doit à la communauté, d’après les règles prescrites aux sections précédentes. »
Il ressort de cette disposition que, lors de la liquidation du régime matrimonial, il appartient aux époux d’inscrire en compte les récompenses.
Selon que la récompense est due par la communauté ou à la communauté, elle sera inscrite au débit ou au crédit du compte ouvert par chaque époux, étant précisé que les récompenses ne peuvent être réglées que par le truchement de ce compte.
Il s’agit là une dérogation au principe de paiement individuel des créances. Les récompenses ne peuvent, en effet, pas faire l’objet d’un règlement séparé. Leur paiement requiert une inscription préalable dans un compte unique qui présente un caractère indivisible.
Dans un arrêt du 14 mars 1984, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « les récompenses constituent les éléments d’un compte unique et indivisible, dont le reliquat après la dissolution du régime est seul à considérer » (Cass. 1ère civ. 14 mars 1984, n°82-16.638).
Il en résulte que pendant toute la durée de la communauté, les époux ne sont nullement obligés de régler les récompenses qu’ils doivent, puisque dès leur naissance elles entrent dans un compte unique et indivisible dont seul le solde sera dû.
Autrement dit, ce qui a vocation à être exigible et donc à être réglé, ce ne sont pas les récompenses prises séparément comme des créances individuelles, mais le solde du compte unique et indivisible dans lequel elles sont inscrites.
Aussi, ni les époux, ni les créanciers ne sont investis d’un quelconque droit sur les créances de récompenses, tant qu’il n’a pas été procédé au dénouement des comptes de récompenses, lequel n’interviendra qu’une fois l’inventaire et l’évaluation des récompenses achevés.
Ce dénouement consistera, d’abord, à clôturer les comptes de récompenses, puis à régler le solde résultant des opérations de clôture.
A) La clôture du compte de récompenses
La clôture du compte des récompenses comporte, en substance, deux opérations :
- Détermination des intérêts produits par les récompenses
- Réalisation de la balance des comptes
1. La production d’intérêts
L’article 1473, al. 1er du Code civil prévoit que « les récompenses dues par la communauté ou à la communauté portent intérêts de plein droit du jour de la dissolution. »
Il ressort de cette disposition que les récompenses produisent des intérêts, étant précisé qu’il y a lieu d’appliquer le taux d’intérêt légal tel que défini par l’article L. 313-2 du Code monétaire et financier.
Cette disposition prévoit que le taux légal « comprend un taux applicable lorsque le créancier est une personne physique n’agissant pas pour des besoins professionnels et un taux applicable dans tous les autres cas. »
Dans les deux cas, il est calculé semestriellement, en fonction du taux directeur de la Banque centrale européenne sur les opérations principales de refinancement et des taux pratiqués par les établissements de crédit et les sociétés de financement.
Toutefois, pour les particuliers, les taux pratiqués par les établissements de crédit et les sociétés de financement pris en compte pour le calcul du taux applicable sont les taux effectifs moyens de crédits consentis aux particuliers.
S’agissant du point de départ du cours des intérêts légaux, il diffère selon que les récompenses sont égales à la dépense faite ou au profit subsistant.
- La récompense est égale à la dépense faite
- Dans cette hypothèse, les intérêts commencent à courir à compter de la date de dissolution de la communauté.
- Ici, le calcul des intérêts ne soulève pas de difficulté dans la mesure où la date à compter de laquelle ils courent correspond au jour du prélèvement du patrimoine qui s’est appauvri, soit au jour du transfert de valeur, faute de prélèvement.
- Concrètement, le montant retenu sera toujours la valeur nominale à la date à laquelle la dépense a eu lieu.
- Aussi, l’évaluation de la dépense faite ne donnera jamais lieu à revalorisation, contrairement à l’avantage qui en a été retiré par le patrimoine débiteur, ce qui sera source de difficulté pour le calcul des intérêts
- La récompense est égale au profit subsistant
- Lorsque la récompense est égale au profit subsistant, le calcul des intérêts soulève une difficulté.
- En effet, se pose la question de la date à compter de laquelle les intérêts commencent à courir.
- Sous l’empire du droit antérieur, l’article 1473 du Code civil, qui ne comportait qu’un seul alinéa, fixait comme point de départ la date de dissolution de la communauté.
- L’inconvénient de cette règle est que cela revenait à faire courir des intérêts sur une valeur, le profit subsistant, susceptible de considérablement fluctuer.
- En effet, entre la date de dissolution de la communauté et la date d’évaluation des récompenses, il peut s’écouler un particulièrement long délai.
- Or pendant ce délai, la valeur du bien sur la base duquel est calculé le profit subsistant peut évoluer de façon significative.
- Ajouté à cela, plus la période d’indivision post-communautaire est longue et plus, mécaniquement, le montant des intérêts est élevé.
- Aussi, y avait-il un risque, en retenant la date de dissolution de la communauté comme point de départ du cours des intérêts, de faire supporter par le débiteur de la récompense une charge disproportionnée.
- En réaction à ce risque pointé du doigt par la doctrine, la Cour de cassation a décidé, dans un arrêt rendu en date du 17 juillet 1984 que « si, aux termes de l’article 1473 du Code civil, les récompenses dues par la communauté ou à la communauté emportent les intérêts de plein droit du jour de la dissolution, il résulte de l’article 1469, alinéa 3, du Code civil que la masse dans laquelle est le bien doit récompense pour le profit qu’elle réalise au jour de l’indemnisation»
- Elle en déduit « que les intérêts de cette récompense ne pouvaient courir de plein droit qu’à partir du jour où le profit qui la faisait naître était constaté par l’évaluation qui en était faite» ( 1ère civ. 17 juill. 1984, n°83-13.173).
- Autrement dit, pour la Première chambre civile, lorsqu’une récompense est égale au profit subsistant, le point de départ du cours des intérêts est fixé au jour de l’arrêté des comptes de récompenses, soit à la date de la jouissance divise (date à laquelle les biens dépendant de la masse à partager sont estimés à leur valeur).
- Considérant que la solution retenue par la Cour de cassation méritait l’approbation, le législateur l’a consacré lors de l’adoption de la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985.
- Cette consécration s’est traduite par l’ajout d’un alinéa 2 à l’article 1473 du Code civil qui prévoit que « lorsque la récompense est égale au profit subsistant, les intérêts courent du jour de la liquidation. »
À l’analyse, le nouveau dispositif instauré par la loi du 23 décembre 1985 emporte plusieurs conséquences sur la méthode de calcul des intérêts.
La méthode traditionnelle de calcul des récompenses conduisait, sous l’empire du droit antérieur, à appliquer les intérêts produits par les récompenses au seul solde du compte.
Il était, en effet, indifférent que la récompense soit égale à la dépense faite ou au profit subsistant.
Dans les deux cas, les intérêts commençaient à courir à compter de la date de dissolution de la communauté.
Désormais, l’article 1473 du Code civil prévoit que le point de départ des intérêts diffère selon que la récompense fait ou non l’objet d’une réévaluation :
- Lorsque les récompenses correspondent à la dépense faite, les intérêts qu’elles produisent courent à compter de la date de dissolution de la communauté
- Lorsque les récompenses correspondant au profit subsistant, les intérêts qu’elles produisent courent à compter du jour de la liquidation de la communauté
Concrètement, le calcul des intérêts pourra être effectué selon deux méthodes.
La première consiste à calculer les intérêts sur chaque récompense prise isolément, en fonction du régime qui lui est applicable.
La seconde méthode, consiste, quant à elle, à établir deux colonnes dans le compte des récompenses qui les répartiraient entre celles correspondant au profit subsistant et celles égales à la dépense faite.
Les intérêts seraient alors appliqués au solde de chaque colonne, étant précisé que, en pratique, il apparaît que seules les récompenses qui correspondent à la dépense faite donnent lieu à la production d’intérêts.
Lorsque, en effet, la récompense est égale au profit subsistant, les intérêts courent à compter de la liquidation de la communauté, soit au moment même où les époux procèdent au règlement.
2. La balance des comptes
a. Principe
L’inventaire des récompenses conduira la plus souvent les époux à constater l’existence, pour un même compte, de récompenses dues à la communauté et de récompenses dues par la communauté.
Lorsque cette situation se rencontre, l’article 1470 du Code civil commande aux époux de faire la balance des totaux obtenus, augmentés des intérêts ayant couru jusqu’à la clôture du compte.
Pratiquement, il s’agira pour eux de soustraire au montant le plus élevé, le total le plus faible, d’où il résultera un solde débiteur ou créditeur.
Le solde ainsi obtenu n’est autre que la traduction de la compensation qui s’opère entre ce qu’un époux doit à la communauté et ce que celle-ci lui doit.
Il s’agit là d’un mécanisme éminemment avantageux pour les époux, dans la mesure où seul le solde de chaque compte de récompenses doit être considéré dans le cadre des opérations de règlement.
Lorsqu’ainsi, après balance des totaux, un époux est redevable de la communauté, les créanciers de celle-ci (tiers ou conjoint) ne pourront poursuivre leur créance sur ses biens qu’à concurrence du montant du solde débiteur et non pour le cumul des dettes de récompenses.
Exemple :
Supposons un compte de récompenses dont les totaux obtenus sont les suivants :
- Récompenses dues à la communauté 1.500
- Récompenses dues par la communauté 1.000
Dans cette hypothèse, le compte présente un solde débiteur à hauteur de 1500 – 1000 soit 500.
Si l’on appliquait le droit commun du paiement des créances, les créanciers seraient fondés à se prévaloir du règlement d’une créance de 1.500.
Néanmoins, parce qu’il s’agit d’une créance de récompense, seul le solde du compte est exigible, de sorte que les créanciers ne sont autorisés à recouvrer leur créance que dans la limite de ce solde, soit 500.
À l’inverse, lorsque, après balance, un époux est créancier de la communauté, il n’entrera en concours avec les créanciers communs ou son conjoint que pour la partie du solde créditeur de son compte.
Exemple :
Supposons, cette fois-ci, un compte de récompenses dont les totaux obtenus sont les suivants :
- Récompenses dues à la communauté 1.500
- Récompenses dues par la communauté 2.000
Dans cette hypothèse, le compte présente un solde créditeur à hauteur de 2000 – 1500 soit 500.
Aussi, l’époux créancier pourra réclamer à la communauté, le règlement, non pas de l’intégralité de sa créance de récompense, mais seulement du solde disponible, lequel est seul exigible, 500.
b. Limite
S’il ressort de l’article 1470 du Code civil qu’une balance doit être effectuée entre les totaux obtenus au sein d’un même compte de récompenses, cette disposition ne prescrit nullement de réaliser une seconde balance – globale – entre les soldes obtenus pour chacun des comptes des époux.
En opérant de la sorte, cela conduirait à admettre qu’un seul époux puisse être débiteur ou créancier de la communauté.
Pour la doctrine, si cette modalité de règlement va bien au-delà des prévisions légales, rien ne s’oppose à ce qu’elle soit mise en œuvre dans le cadre d’un règlement amiable, à tout le moins dès lors que les créanciers communs ne s’en trouvent pas lésés.
B) Le règlement des récompenses
Lorsque la balance du compte des récompenses de chaque époux a été réalisée, il en résulte un solde.
Selon que ce solde est créditeur au profit de la communauté ou débiteur à sa charge les modalités de règlement diffèrent.
1. Le règlement du solde créditeur en faveur de la communauté
==> Le principe du rapport en moins prenant
Lorsque, le solde d’un compte de récompenses est créditeur en faveur de la communauté, son règlement peut être envisagé de deux façons :
- Soit l’on exige que l’époux débiteur règle sa dette par prélèvement sur son patrimoine propre
- Soit l’on admet que le règlement puisse s’opérer par déduction de ce qui est dû à l’époux débiteur au titre du partage de la masse commune
Manifestement, la première solution présente un inconvénient majeur. Elle est, en effet, susceptible de conduire l’époux débiteur qui ne disposerait pas des liquidités suffisantes, à vendre un ou plusieurs biens propres aux fins de s’acquitter de sa dette de récompense, alors même que, dans le même temps, il a vocation à percevoir la moitié des biens communs dans le cadre des opérations de partage.
Afin d’éviter que cette situation pour le moins baroque ne se produise, il a été fait le choix de retenir la seconde solution.
L’article 1470, al. 1er du Code civil prévoit en ce sens que « si, balance faite, le compte présente un solde en faveur de la communauté, l’époux en rapporte le montant à la masse commune. »
Il ressort de cette disposition que, par imitation du rapport successoral, le règlement du solde se fera par voie de rapport en moins prenant.
Concrètement, cela signifie que, au lieu qu’un versement soit effectué par l’époux débiteur à la masse commune, la part qui lui revient au titre du partage soit réduite à concurrence de ce qu’il doit à la communauté.
Seule limite à ce système : l’hypothèse où le montant du solde créditeur en faveur de la communauté est supérieur à la part qui revient à l’époux débiteur.
Dans cette situation, le règlement du solde supposera que ce dernier s’acquitte de sa dette par l’apport à la masse commune de biens propres.
==> Les modalités du rapport en moins prenant
Le règlement par voie de rapport en moins prenant peut être réalisé selon deux méthodes différentes.
- Première méthode : l’imputation
- Cette méthode consiste à procéder au règlement par le jeu de simples écritures arithmétiques.
- Autrement dit, il s’agira d’inscrire fictivement à l’actif commun la dette de récompense, puis d’attribuer cette même dette, lors de la composition des lots, à l’époux débiteur.
- Cette dette qui pèse sur ce dernier s’imputera ainsi sur la part qui lui revient et qui, dès lors, s’en trouvera diminuée d’autant.
- Cette méthode de règlement aboutira à un partage inégal de la masse commune.
- Seconde méthode : les prélèvements
- Cette autre méthode consiste à inviter le conjoint de l’époux débiteur à prélever sur la masse commune, avant qu’elle ne soit partagée, un lot correspondant au montant de la créance de récompense dont la communauté est titulaire.
- Une fois ce prélèvement effectué, la masse commune peut être partagée en deux parts égales entre les époux.
- Dans l’hypothèse où les deux époux seraient débiteurs, c’est celui dont la dette est la plus faible qui prélèvera sur l’actif commun le montant de la différence avec la dette la plus élevée.
À l’analyse, lorsqu’aucun désaccord n’oppose les époux sur le partage de la masse commune, il peut être recouru aux deux méthodes, bien que la pratique notariale privilégie usuellement la première.
Cette méthode devra néanmoins être écartée lorsque les époux ne s’entendent pas sur la constitution des lots.
En effet, en pareille circonstance, la répartition des biens ne peut s’opérer que par voie de tirage au sort.
Or cette modalité de répartition ne se conçoit que lorsque les lots à partager sont égaux, ce qui, par hypothèse, n’est pas le cas en présence de la méthode de l’imputation.
C’est donc vers la méthode des prélèvements que les époux devront se tourner afin de surmonter leur désaccord, cette méthode étant la seule à leur offrir une répartition égalitaire des lots, puisque le règlement de la créance de récompense se fait en amont.
2. Le règlement du solde débiteur à la charge de la communauté
Lorsque l’époux dont le compte de récompenses présente, après balance des totaux obtenus, un solde en sa faveur, l’article 1470 du Code civil lui offre une alternative quant au règlement de ce solde.
En effet, il peut :
- Soit en exiger le paiement
- Soit prélever des biens communs jusqu’à due concurrence
Il est admis que le choix de l’une ou l’autre modalité de règlement est discrétionnaire, de sorte que ce choix ne saurait, en aucune manière, être imposé aux époux.
Reste que, en pratique, il sera presque systématiquement opté pour la seconde méthode de règlement, soit celle consistant à régler le solde par voie de prélèvement.
Tandis que cette méthode s’analyse, au fond en en paiement en nature, l’autre méthode – non utilisée – s’apparente plutôt à un paiement en espèces.
Nous envisagerons successivement les deux méthodes de règlement.
a. Le règlement du solde par voie de paiement
Dans l’hypothèse – rare – où un époux opterait pour un règlement du solde en sa faveur par voie de paiement en espèces, il se retrouverait alors placé dans la même situation qu’un créancier ordinaire.
Aussi, deviendrait-il intéressé à l’actif commun, comme tous les autres créanciers et serait, à ce titre, autorisé à poursuivre sa créance sur l’ensemble des biens composant la masse commune.
À cet égard, il est admis que, en cas d’absence de liquidités suffisantes pour le désintéresser, il puisse provoquer la réalisation forcée de certains biens.
Cette faculté demeure néanmoins limitée par la règle posée à l’article 1471 du Code civil qui prévoit que l’époux qui réclame le règlement de son solde « ne saurait cependant préjudicier par son choix aux droits que peut avoir son conjoint de demander le maintien de l’indivision ou l’attribution préférentielle de certains biens. »
b. Le règlement du solde par voie de prélèvement
Le règlement par voie de prélèvement est l’alternative qui, de très loin, est la plus souvent retenue dans la pratique.
Concrètement, cette méthode de règlement consiste pour l’époux créancier à prélever, avant le partage, certains biens sur la masse commune pour une valeur correspondant au montant de sa créance.
Dans ce schéma, l’époux créancier cumule, tout à la fois, les qualités de créancier et de copartageant.
Cette double qualité dont il jouit, lui confère une position pour le moins privilégiée dans la mesure où il est autorisé à prélever, de son propre chef, des biens en nature sur la masse commune jusqu’à ce qu’il soit rempli de ses droits.
Or en droit commun des obligations ce mode de règlement, qui s’analyse en une dation en paiement, requiert toujours l’accord du débiteur.
À l’examen, le droit de prélèvement dont est investi l’époux créancier s’explique par sa qualité de copropriétaire des biens communs.
En pratiquant des prélèvements sur la masse commune, il ne s’approprie pas vraiment les biens d’autrui, puisque la moitié des biens qui composent cette masse ont vocation à lui revenir dans le cadre du partage.
Reste que cette modalité de règlement ne doit, ni porter atteinte aux droits du conjoint, ni aux intérêts des créanciers, ce qui conduit à s’interroger sur l’exercice du droit de prélèvement – qui est encadré – ainsi que sur sa nature dont il résulte plusieurs conséquences pratiques.
b.1. L’exercice du droit de prélèvement
i. Les modalités d’exercice du droit de prélèvement
Afin de prévenir les conflits susceptibles de naître, dans le cadre de l’exercice du droit de prélèvement, le législateur a institué deux directives auxquels il échoit à l’époux créancier de se soumettre.
Tandis que la première institue un ordre des prélèvements quant aux biens, la seconde vise à résoudre la situation de concours dans l’hypothèse où les deux époux seraient créanciers de la communauté.
==> L’ordre des prélèvements
Si l’époux créancier peut discrétionnairement opter pour un règlement du solde en sa faveur par voie de prélèvement, il n’est en revanche pas libre de prélever sur la masse commune les biens de son choix.
L’article 1471 du Code civil prévoit en ce sens que « les prélèvements s’exercent d’abord sur l’argent comptant, ensuite sur les meubles, et subsidiairement sur les immeubles de la communauté. »
Ainsi l’époux créancier ne pourra prélever des biens en nature sur la masse commune que dans l’ordre suivant :
- Somme d’argent
- Meubles
- Immeubles
Ce n’est que lorsqu’il entend prélever des valeurs dans une même catégorie de biens que l’époux créancier recouvre sa liberté de choix, à tout le moins dans la limite de sa créance.
Le texte précise ainsi que « l’époux qui opère le prélèvement a le droit de choisir les meubles et les immeubles qu’il prélèvera. »
Dans l’hypothèse où la valeur du bien choisi excède le montant de la créance de l’époux, il pourra être procédé par voie de licitation, étant précisé que, en cas d’accord, les époux peuvent écarter l’ordre des prélèvements fixé par l’article 1471 du Code civil.
Ils pourraient notamment prévoir, dans leur contrat de mariage ou décider le jour du règlement du solde, que la créance de solde serait réglée par prélèvement d’un immeuble, alors même que la communauté dispose des fonds suffisants pour couvrir cette créance.
Il est admis que les dispositions de l’article 1471 du Code civil ne sont pas impératives. Il peut donc y être dérogé par convention contraire.
==> Le concours entre époux créanciers
Parfois, les comptes de récompenses des deux époux présenteront un solde créditeur.
Dans cette hypothèse, il est un risque que, faute de liquidités suffisantes pour les désintéresser, les époux entendent exercer leur droit de prélèvement sur un même bien meuble ou immeuble.
Afin de prévenir cette situation de concours, l’ancien article 1471 du Code civil institué par loi du 13 juillet 1965 n°65-570 prévoyait que « les prélèvements de la femme s’exercent avant ceux du mari. »
Le législateur avait ainsi opté pour l’octroi d’un privilège à la femme mariée, privilège qui était poussé jusqu’à l’autoriser, en cas d’insuffisance de la communauté, à exercer ses reprises sur les biens personnels de son mari.
Ce dispositif profondément inégalitaire n’a pas résisté à l’adoption de la loi n°85-1372 du 23 décembre 1985 qui visait à instituer une égalité dans les rapports conjugaux.
Aussi, le nouvel article 1471 du Code civil prévoit désormais que « si les époux veulent prélever le même bien, il est procédé par voie de tirage au sort. »
En cas de situation de concours entre époux, c’est donc le sort qui déterminera lequel des deux se verra attribuer le bien disputé.
Quant à l’hypothèse où la communauté ne disposerait pas des actifs suffisants pour désintéresser les deux époux, cette situation est réglée par l’article 1472, al. 1er du Code civil qui prévoit que « en cas d’insuffisance de la communauté, les prélèvements de chaque époux sont proportionnels au montant des récompenses qui lui sont dues. »
Autrement dit, il sera procédé à un règlement de leur créance au marc l’euro, soit au prorata de leur créance.
Le second alinéa de l’article 1472 du Code civil précise néanmoins que « si l’insuffisance de la communauté est imputable à la faute de l’un des époux, l’autre conjoint peut exercer ses prélèvements avant lui sur l’ensemble des biens communs ; il peut les exercer subsidiairement sur les biens propres de l’époux responsable. »
Autrement dit, en cas de responsabilité établie d’un époux dans l’insuffisance d’actif de la communauté, non seulement son conjoint pourra exercer son droit de prélèvement sur la masse commune en priorité, mais encore ce dernier sera autorisé à obtenir le règlement de sa créance en prélevant des biens directement dans le patrimoine propre de l’époux fautif.
L’ancien privilège qui était octroyé naguère à la femme mariée réapparaît ainsi, mais cette fois-ci sous la forme d’une règle bilatéralisée.
ii. Les limites à l’exercice du droit de prélèvement
L’exercice du droit de prélèvement n’est pas sans limite, il est assorti d’une restriction énoncée à l’article 1471, al. 1er in fine du Code civil.
Cette disposition prévoit que « il ne saurait cependant préjudicier par son choix aux droits que peut avoir son conjoint de demander le maintien de l’indivision ou l’attribution préférentielle de certains biens. »
Ainsi, dans l’hypothèse où le conjoint se prévaudrait d’un maintien de l’indivision ou d’une attribution préférentielle, il serait fait échec, au moins temporairement, à l’exercice du droit de prélèvement de l’époux créancier.
Le droit de solliciter le maintien de l’indivision, tout autant que le droit de solliciter l’attribution préférentielle de certains biens, sont des prérogatives spécifiques reconnues, en certaines circonstances, à l’indivisaire et au copartageant.
S’agissant du maintien de l’indivision, il pourra être sollicité notamment dans les hypothèses visées aux articles 820 à 824 du Code civil.
- L’article 821 prévoit, par exemple, que « à défaut d’accord amiable, l’indivision de toute entreprise agricole, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, dont l’exploitation était assurée par le défunt ou par son conjoint, peut être maintenue dans les conditions fixées par le tribunal à la demande des personnes mentionnées à l’article 822.»
- L’article 821-1 prévoit encore que « l’indivision peut également être maintenue, à la demande des mêmes personnes et dans les conditions fixées par le tribunal, en ce qui concerne la propriété du local d’habitation ou à usage professionnel qui, à l’époque du décès, était effectivement utilisé pour cette habitation ou à cet usage par le défunt ou son conjoint. Il en est de même des objets mobiliers garnissant le local d’habitation ou servant à l’exercice de la profession. »
- L’article 822 dispose, quant à lui, que « si le défunt laisse un ou plusieurs descendants mineurs, le maintien de l’indivision peut être demandé soit par le conjoint survivant, soit par tout héritier, soit par le représentant légal des mineurs. »
S’agissant de l’attribution préférentielle de certains biens, elle peut être sollicitée dans les hypothèses visées aux articles 831 à 834 du Code civil.
Cette faculté concerne, en particulier, le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire et peut avoir pour objet notamment :
- Toute entreprise, ou partie d’entreprise agricole, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ou quote-part indivise d’une telle entreprise, même formée pour une part de biens dont il était déjà propriétaire ou copropriétaire avant le décès, à l’exploitation de laquelle il participe ou a participé effectivement
- Les droits sociaux, sans préjudice de l’application des dispositions légales ou des clauses statutaires sur la continuation d’une société avec le conjoint survivant ou un ou plusieurs héritiers.
- La propriété ou du droit au bail du local qui lui sert effectivement d’habitation, s’il y avait sa résidence à l’époque du décès, et du mobilier le garnissant, ainsi que du véhicule du défunt dès lors que ce véhicule lui est nécessaire pour les besoins de la vie courante ;
- La propriété ou du droit au bail du local à usage professionnel servant effectivement à l’exercice de sa profession et des objets mobiliers nécessaires à l’exercice de sa profession ;
- L’ensemble des éléments mobiliers nécessaires à l’exploitation d’un bien rural cultivé par le défunt à titre de fermier ou de métayer lorsque le bail continue au profit du demandeur ou lorsqu’un nouveau bail est consenti à ce dernier.
À l’analyse, il ressort de ces dispositions – nombreuses – qu’il est des cas où l’exercice de droit de prélèvement est susceptible de se heurter à d’autres droits :
- Le droit au maintien dans l’indivision
- Le droit à l’attribution préférentielle d’un bien spécifique
L’enseignement qu’il y a lieu de retenir de l’article 1471, al. 1er in fine du Code civil, c’est que, l’époux qui se prévaut de l’un ou l’autre de ces droits est susceptible de tenir en échec l’exercice du droit de prélèvement, à tout le moins tant qu’aucune juridiction n’a statué dans le sens contraire.
À cet égard, en cas de conflit, l’issue ne sera pas la même selon que les prétentions concurrentes au droit de prélèvement sont facultatives ou de droit.
- Les prétentions concurrentes sont facultatives
- Cette situation se rencontrera pour toutes les demandes de maintien de l’indivision et pour certaines demandes d’attribution préférentielles
- Lorsque le maintien de l’indivision ou l’attribution préférentielle sont facultatifs, le juge statuera en considération des intérêts en présence, de sorte qu’il pourra parfaitement considérer que le droit de prélèvement doit l’emporter
- Les prétentions concurrentes sont de droit
- Cette situation se rencontrera exclusivement en matière d’attribution préférentielle.
- Lorsqu’elle est le droit ( 832-1 C. civ.), elle primera, dans tous les cas, sur le droit de prélèvement
b.2. La nature du droit de prélèvement
i. La consécration d’une qualification mixte
Sous l’empire du droit antérieur à l’entrée en vigueur de la loi n°65-570 du 13 juillet 1965 portant réforme des régimes matrimoniaux, l’article 1472 du Code civil envisageait le droit de prélèvement comme une faculté de « reprise » ce qui a donné lieu à un vif débat sur la nature du prélèvement.
Les auteurs se sont, en effet, opposés sur la qualité au titre de laquelle le titulaire de cette faculté était autorisé à prélever des biens sur la masse commune.
Dans un premier temps, la jurisprudence a considéré que l’époux qui exerçait ce droit agissait en qualité de propriétaire (Cass. civ. 1er août 1848)
Il en résultait qu’il échappait à tout concours avec les créanciers de la communauté, ce qui lui conférait une position pour le moins privilégiée.
Cette solution a été vivement critiquée par la doctrine. Il a notamment été avancé par les auteurs que l’époux titulaire du droit de prélèvement ne pouvait pas agir en qualité de propriétaire dans la mesure où l’exercice de ce droit visait précisément à lui conférer cette qualité.
Il y avait donc un vice de raisonnement à analyser le prélèvement comme l’exercice d’un droit réel, vice qui procédait d’une mauvaise interprétation de la notion de reprise.
Par reprise, il fallait entendre, non pas « reprises en valeur », lesquelles sont bien exercées à titre de propriétaire, mais « reprises en nature » qui ne peuvent être exercées qu’à titre de créancier.
Dans un deuxième temps, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence dans le célèbre arrêt Moinet rendu en date du 16 janvier 1858 aux termes duquel elle a jugé que « c’est à titre de créancier que chaque époux prélève soit le prix de ses propres aliénés, soit les indemnités qui lui sont dues par la communauté » (Cass. Ch réunies, 16 janv. 1858).
Cette solution avait pour conséquence de soumettre l’époux titulaire du droit de prélèvement au concours des créanciers, le prélèvement s’analysant, non pas comme l’exercice d’un droit réel, mais comme une modalité de paiement du solde de la créance de récompense.
Dans un troisième temps, la Cour de cassation est venue préciser, dans un arrêt du 13 avril 1891, que les époux réalisent leurs prélèvements « en la double qualité de créanciers et de copartageants et que les prélèvements qu’ils effectuent constituent une des opérations de partage » (Cass. civ. 13 avr. 1891).
Si la précision apportée sur la qualité de copartageant est heureuse, la référence à la qualité de créancier n’est pas sans avoir suscité la critique.
Certains auteurs ont notamment fait remarquer, à juste titre, l’absence de personnalité morale de la communauté, ce qui ne permet donc pas d’appréhender le droit de prélèvement dont est titulaire un époux contre la communauté comme un rapport de créancier à débiteur.
Finalement, il faudra attendre la loi du 13 juillet 1965 pour qu’il soit mis fin au débat.
Séduit par la position retenue par la jurisprudence, le législateur fera le choix de consacrer la thèse de la double qualité de l’époux titulaire du droit de prélèvement.
L’article 1474 du Code civil prévoit en ce sens que « les prélèvements en biens communs constituent une opération de partage. Ils ne confèrent à l’époux qui les exerce aucun droit d’être préféré aux créanciers de la communauté, sauf la préférence résultant, s’il y a lieu, de l’hypothèque légale. »
Trois enseignements peuvent être retirés de cette disposition :
- D’une part, le législateur n’a pas retenu la qualification de droit de créance s’agissant de la faculté de prélèvement, sans doute sous l’influence des critiques dont avait fait l’objet cette qualification
- D’autre part, bien que techniquement, l’époux titulaire du droit de prélèvement n’endosse pas la qualité de créancier, il n’en demeure pas moins soumis au concours des créanciers
- Enfin, la qualité de copartageant de l’époux titulaire du droit de prélèvement est confirmée, ce qui emporte plusieurs conséquences
ii. Les conséquences de la qualification mixte
==> Les conséquences tenant à l’absence de droit de préférence
Bien que le droit de prélèvement ne s’analyse pas en un droit de créance, l’article 1474 du Code civil soumet son titulaire au concours des créanciers.
Autrement dit, il n’est investi d’aucun droit de préférence sur les biens figurant dans la masse commune.
Concrètement, cela signifie que, en cas de concours avec d’autres créanciers, sauf à être muni d’une sûreté, et notamment d’une hypothèque légale, il ne pourra compter que sur son droit de gage général pour être rempli de ses droits.
Il devra donc faire preuve de diligence et de réactivité, afin de ne pas se heurter à la règle du premier saisissant.
==> Les conséquences tenant à la qualité de copartageant
La qualité de copartageant reconnue à l’époux titulaire du droit de prélèvement emporte plusieurs conséquences :
- Première conséquence
- L’exercice du droit de prélèvement n’opère pas un effet translatif, mais déclaratif
- Il en résulte que les biens qui font l’objet du prélèvement sont réputés avoir appartenu au copartageant depuis la date de dissolution de la communauté
- Deuxième conséquence
- En matière de partage, l’évaluation des biens doit être réalisée à la date la plus proche du partage
- Troisième conséquence
- En application de l’article 889 du Code civil, lorsque le copartageant établit avoir subi une lésion de plus du quart, le complément de sa part lui est fourni, au choix du défendeur, soit en numéraire, soit en nature.
- S’agissant de l’appréciation de la lésion, elle doit porter, non pas sur les prélèvements pris isolément, mais sur l’ensemble des biens attribués à l’époux titulaire du droit de prélèvement ( civ. 13 août 1883)
- Quatrième conséquence
- L’exercice du droit de prélèvement donne lieu au paiement du droit fiscal de partage et non de mutation
- Cinquième conséquence
- En cas d’insuffisance d’actif de la communauté, l’époux titulaire du droit de prélèvement ne peut jamais l’exercer sur le patrimoine propre de son conjoint, quand bien même celui-ci serait responsable de cette insuffisance d’actif.
- La raison en est que l’article 1472, al. 2e du Code civil confère seulement à l’époux non fautif un droit de saisir les biens de son conjoint et non de les prélever.
[1] F. Terré et Ph. Simler, Droit civil – Les régimes matrimoniaux, éd. Dalloz, n°638, p. 495.
[2] J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, éd. Amand colin, 2001, n°549, p. 513.
[3] I. Dauriac, Les régimes matrimoniaux et le PACS, éd. LGDJ, 2010, n°569, p. 349.
[4] F. Terré et Ph. Simler, Droit civil – Les régimes matrimoniaux, éd. Dalloz, 2011, n°651, p. 504.
[5] J. Monnet, « Communauté légale – actif commun », J.-Cl. Civ. code, art. 1400 à 1403, fasc. 20, n°66.
[6] J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, éd. Armand Colin, 2001, n°574, n°532.
[7] A. Colomer, Droit civil – Régimes matrimoniaux, éd. Litec, 2004, n°973, p. 457.
[8] D. R. Martin, Communauté légale – Liquidation partage – Récompenses, fasc JurisClasseur
[9] A. Coloner, Droit civil – Les régimes matrimoniaux, éd. Litec, 2004, n°414, p. 200
[10] F. Terré et Ph. Simler, Droit civil – les régimes matrimoniaux, éd. Dalloz, 2011, n°374, p. 295.
[11] V. en ce sens F. Terré et Ph. Simler, Droit civil – Les régimes matrimoniaux, éd. Dalloz, 2011, n°653, p.505-506.
[12] J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, éd. Armand Colin, 2001, n°603, p. 560