La mitoyenneté est définie classiquement comme l’« état d’un bien sur lequel deux voisins ont un droit de copropriété et qui sépare des immeubles, nus ou construits, contigus »[1].
Il ressort de cette définition que la mitoyenneté se caractérise par trois éléments :
- Tout d’abord, elle consiste en un bien susceptible de faire l’objet de droits de propriété
- Ce bien peut prendre la forme d’un mur, d’une clôture, d’une haie, d’une barrière ou encore d’un fossé.
- Initialement, les rédacteurs du Code civil avaient circonscrit le domaine de la mitoyenneté aux seuls murs.
- La loi du 20 août 1880 l’a étendu à tout ouvrage ou plantations élevés sur la ligne séparative, étant précisé que le domaine d’application de certaines règles demeure cantonné aux murs
- Ensuite, la mitoyenneté implique que le bien sur lequel elle porte se situe au niveau de la ligne séparative
- Cette ligne séparative ou divisoire, est celle qui est marque la frontière entre deux fonds contigus
- La détermination de cette ligne séparative procède de ce que l’on appelle le bornage qui, selon la jurisprudence, a « pour objet de fixer définitivement les limites séparatives de deux propriétés contigües et d’assurer, par la plantation de pierres bornes, le maintien des limites ainsi déterminées» (Cass. 3e civ., 11 déc. 1901).
- En somme l’opération de bornage consister à déterminer les limites d’un fonds au moyen de bornes qui permettront de matérialiser ces limites.
- S’agissant de la mitoyenneté, elle ne peut être envisagée qu’à la condition que le mur, la clôture ou encore la haie se situe au niveau de la ligne séparative.
- Enfin, dernier élément qui caractère la mitoyenneté elle confère aux propriétaires des fonds séparés par le bien sur lequel elle porte un droit de propriété qu’ils exercent en indivision.
- La mitoyenneté conduit ainsi à la coexistence sur une même chose de droits de propriété concurrents de même nature.
- À la différence, néanmoins, de l’indivision de droit commun, la mitoyenneté confère un droit de propriété perpétuelle aux propriétaires des fonds contigus, mais encore elle est insusceptible de faire l’objet d’une demande de partage.
Il ressort de ces trois éléments qui caractérisent la mitoyenneté qu’il s’agit là d’une forme particulière de propriété qui a son régime propre.
Aussi, la mitoyenneté peut s’établir selon 4 modes d’acquisition différents. À cet égard, elle peut résulter :
- D’un accord de volontés
- D’une décision unilatérale
- De la prescription acquisitive
- De l’exercice du droit de se clore
- La mitoyenneté résultant d’un accord de volontés
Deux hypothèses doivent ici être distinguées :
- Une convention est conclue avant l’élévation de l’élément de séparation
- Une convention est conclue postérieurement à l’élément de séparation
==> La convention conclue avant l’élévation de l’élément de séparation
Parce que les dispositions qui régissent la mitoyenneté sont supplétives, il est permis de l’acquérir par un mode d’établissement autre que ceux envisagées par ces dispositions.
Aussi, rien n’interdit d’acquérir la mitoyenneté d’un élément de séparation de deux fonds par voie de convention, ce qui exige la rencontre des volontés des propriétaires.
À cet égard, le seul échange des consentements suffit à régulariser l’opération, l’écrit n’étant nullement exigé par les textes.
L’établissement d’un acte permettra néanmoins de se préconstituer une preuve d’acquisition de la mitoyenneté par titre et de déterminer, formellement, la répartition des frais entre propriétaires.
Sur ce point, les parties sont libres de prévoir un partage des frais à hauteur de la moitié pour chacune, tout autant qu’elles peuvent prévoir une répartition inégale.
Elles peuvent également organiser, dans la convention, les charges qui devront être assurées par chaque propriétaire quant à l’entretien de l’élément de séparation et à ses travaux de rénovation.
En l’absence d’écrit, la jurisprudence pose une présomption de mitoyenneté lorsqu’il est établi que le mur, la clôture ou la haie a été élevé à frais communs (V. en ce sens Cass. 3e civ. 4 janv. 1973).
==> La convention conclue postérieurement à l’élévation de l’élément de séparation
La convention visant à acquérir la mitoyenneté peut être conclue, tout autant, antérieurement à l’élévation de l’élément de séparation, que postérieurement.
Dans cette dernière hypothèse, l’opération s’analyse en une cession volontaire. Elle peut être conclue à titre onéreux ou à titre gratuit.
En tout état de cause, dans la mesure où il s’agit de céder un droit réel immobilier, l’opération doit donner lieu à l’établissement d’un acte authentique et à l’accomplissement de formalités de publicité foncière.
2. La mitoyenneté résultant d’un acte unilatéral de volonté
Si la mitoyenneté peut résulter de la conclusion d’une convention, elle peut également s’acquérir par voie de cession forcée, soit être imposée au propriétaire du mur convoité, alors même que l’ouvrage n’empiète pas sur le fonds voisin.
À cet égard, selon Christian Atias, cette technique d’établissement de la mitoyenneté serait « la principale particularité de la mitoyenneté »[2]
==> Énoncé de la règle
L’article 661 du Code civil prévoit en ce sens que « tout propriétaire joignant un mur a la faculté de le rendre mitoyen en tout ou en partie, en remboursant au maître du mur la moitié de la dépense qu’il a coûté, ou la moitié de la dépense qu’a coûté la portion du mur qu’il veut rendre mitoyenne et la moitié de la valeur du sol sur lequel le mur est bâti. »
Il ressort de cette disposition que le propriétaire peut, par sa seule volonté, exiger que son voisin lui cède la mitoyenneté du mur élevé sur son fonds, le long de la ligne séparative.
À cet égard, la jurisprudence considère de longue date et de manière constante que le droit d’acquérir la mitoyenneté par décision unilatérale revêt un caractère absolu et discrétionnaire.
Dans un arrêt du 11 mai 1925, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « la faculté d’acquérir la mitoyenneté avec toutes les conséquences légales qu’elle comporte est absolue ; que l’article 661 du code civil impose seulement l’obligation de payer au maître du mur la moitié de sa valeur et la moitié de la valeur du sol sur lequel il est bâti ; que l’exercice du droit n’est pas soumis à d’autres conditions et que notamment l’acquéreur n’est tenu de justifier d’aucun intérêt ».
Christian Atias souligne que « celui qui l’exerce est maître du moment, de l’importance et des motifs de son acquisition »[3].
Aucune restriction au droit du voisin n’est donc posée par le juge. À l’inverse de l’exercice du droit de propriété lui-même, le droit d’imposer la mitoyenneté n’est donc pas susceptible d’abus.
==> Justification de la règle
Initialement, la règle posée à l’article 661 du Code civil se justifiait pour des raisons pratiques, voire d’intérêt général.
En effet, la faculté de rendre ce mur mitoyen permet au voisin d’y prendre appui (c’est-à-dire de réaliser une emprise) pour construire son propre bâtiment. Le texte permet, dans ces conditions, de réaliser une double économie de moyens et de place dans les bourgs et les villes.
Des auteurs ont ainsi fait observer que si est « institué un véritable droit d’expropriation pour cause d’utilité privée […] l’intérêt général [y] trouve également son compte, par l’économie de terrain, de matériaux et de main-d’œuvre qu’il permet »[4].
Reste que dès la fin du XIXe siècle, la cession forcée permise par l’article 661 du code civil a fait l’objet de certaines critiques de nature juridique et technique.
La critique s’est d’abord fondée sur l’article 545 du code civil qui dispose que « nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité ».
Or, d’une part l’article 661 du code civil restreint les prérogatives du propriétaire au mépris apparent de l’article 544, d’autre part il consacre une sorte d’expropriation au nom d’un intérêt qui, selon une argumentation que la présente reprend, serait privé (c’est l’intérêt du voisin que de rendre le mur mitoyen) et non public, comme l’exige pourtant l’article 545 du code civil ainsi que l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dont il serait la traduction dans le code civil.
Cette apparente contrariété de l’article 661 du Code civil à cette dernière disposition, qui relève du préambule de la Constitution, a conduit des requérants, dans le cadre d’un litige civil, à soulever une question prioritaire de Constitutionnalité.
Dans sa décision de renvoi, la Cour de cassation a jugé sérieuse la question de savoir si l’article 661 du code civil n’était pas à la source d’une « grave dénaturation du droit de propriété du maître du mur qui perd ses droits exclusifs, sans justification évidente d’une nécessité publique »
Par décision du 12 novembre 2010, le Conseil constitutionnel a répondu que cette disposition était parfaitement conforme à la Constitution (Cons. const., 12 nov. 2010, n° 2010-60 QPC).
Pour ce faire, les juges de la rue de Montpensier ont raisonné en deux temps :
Dans un premier temps, le Conseil a jugé que l’article 661 du code civil n’avait « pour effet que de transformer en indivision le droit exclusif du maître du mur qui, dans les limites de l’usage en commun fixées par les articles 653 et suivants du code civil, continue à exercer sur son bien tous les attributs du droit de propriété ».
Il en résulte, selon le juge constitutionnel, qu’« en l’absence de privation de ce droit, l’accès à la mitoyenneté autorisé par le texte en cause n’entre pas dans le champ d’application de l’article 17 de la Déclaration de 1789 ».
Le Conseil souligne ainsi que le maître qui subit la cession forcée de mitoyenneté demeure bien propriétaire du mur, de sorte que l’on ne saurait parler d’une véritable privation de propriété au sens de l’article 17 de la Déclaration de 1789 – même si la doctrine civiliste retient parfois cette qualification.
Dans un second temps, les juges ont exercé un contrôle des restrictions apportées par l’article 661 du Code civil à l’exercice du droit de propriété, ce qui implique, d’abord qu’elles soient justifiées par un motif d’intérêt général, ensuite qu’elles soient proportionnées à l’objectif poursuivi et enfin qu’elles ne conduisent pas, par leur gravité à une dénaturation du sens et de la portée de la propriété.
S’agissant de l’intérêt général, le Conseil a jugé que la mitoyenneté « détermine un mode économique de clôture et de construction des immeubles ainsi que d’utilisation rationnelle de l’espace ».
La cession forcée de mitoyenneté permet en effet d’éviter la construction d’ouvrages inutiles en autorisant en particulier le voisin à réaliser une emprise sur l’immeuble du maître d’origine.
Ainsi, si l’intérêt du voisin, cessionnaire de la mitoyenneté, est indiscutable, l’accès forcé à la mitoyenneté n’en répond pas moins également à un motif d’intérêt général
À cet égard, le Conseil a considéré comme étant « proportionné à l’objectif poursuivi par le législateur ».
Quant aux garanties de fond et de procédure qui entourent la mise en œuvre de l’article 661 du code civil, le juge constitutionnel relève d’une part que cet accès forcé à la mitoyenneté est « réservé au propriétaire du fonds joignant le mur » et, d’autre part, qu’il est « subordonné au remboursement à son propriétaire initial de la moitié de la dépense qu’a coûté le mur ou de la portion qu’il veut rendre mitoyenneté la moitié de la valeur du sol sur lequel le mur est bâti », le juge judiciaire fixant, le cas échéant, le montant de ce remboursement.
Dans ces conditions, le Conseil en conclut que l’article 661 du Code civil ne présente pas « un caractère de gravité tel qu’elle dénature le sens et la portée » du droit de propriété et que, par voie de conséquence, il ne porte pas une atteinte inconstitutionnelle aux conditions d’exercice du droit de propriété garanti par l’article 2 de la Déclaration de 1789.
==> Nature de la cession forcée
A la question de savoir quelle est la nature de la cession forcée instituée à l’article 661 du Code civil, plusieurs thèses ont été avancées par les auteurs.
D’aucuns ont pu soutenir qu’il s’agirait là d’une véritable expropriation pour cause d’utilité privée. La thèse peine néanmoins à convaincre dans la mesure où le propriétaire qui subit la cession forcée de mitoyenneté demeure bien propriétaire du mur, de sorte que l’on ne saurait
parler d’une véritable privation de propriété au sens de l’article 17 de la Déclaration de 1789 – même si la doctrine civiliste retient parfois cette qualification.
Une partie de la doctrine a également pu qualifier la cession forcée de vente, l’enjeu résidant notamment dans l’octroi de la garantie des vices cachés à l’acquéreur du mur.
Si, un temps, la jurisprudence a semblé souscrire à cette thèse (Cass. civ. 11 mai 1925), elle a finalement écarté la qualification de vente considérant que, en l’absence d’accord des volontés, la vente ne pouvait être valablement formée (Cass. 1ère civ. 19 janv. 1954).
D’autres auteurs préfèrent encore qualifier la cession forcée de mitoyenneté de « cessation de droits privatifs », car il n’y a « pas un transfert de droit d’un patrimoine à un autre, mais plutôt un partage »[5]
Selon ces derniers, le droit change certes de nature, mais il demeure. Le mur, devenu mitoyen par la volonté unilatérale du voisin, reste en effet dans le patrimoine du maître d’origine, même si les deux propriétaires des fonds contigus en jouiront désormais en commun.
La mitoyenneté constitue bien une forme particulière de copropriété, ainsi que certains termes du code civil le laissent d’ailleurs entendre[6].
a) Les conditions de la cession forcée
a.1. La condition tenant à l’exercice du droit
==> La titularité du droit
En application de l’article 661 du Code civil, le droit de provoquer la cession forcée de l’élément de séparation est conféré à « tout propriétaire joignant un mur ».
La question qui immédiatement se pose est de savoir si seul celui qui a la pleine propriété du fonds peut se prévaloir du texte ou si cette faculté est ouverte plus généralement à tous ceux titulaires d’un droit réel immobilier.
À l’examen, la doctrine est plutôt favorable à ce que le droit d’acquérir par décision unilatérale la mitoyenneté d’un mur soit également conféré à l’usufruitier, au superficiaire, à l’emphytéote et plus généralement à celui qui jouit d’un démembrement du droit de propriété.
À l’inverse, le titulaire d’un simple droit personnel, tel que le preneur à bail, est exclu du dispositif institué par l’article 661 du Code civil.
==> Le caractère discrétionnaire du droit
Régulièrement, la jurisprudence affirme que le droit d’acquérir la mitoyenneté par décision unilatérale revêt un caractère absolu et discrétionnaire.
Dans un arrêt du 11 mai 1925, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « la faculté d’acquérir la mitoyenneté avec toutes les conséquences légales qu’elle comporte est absolue ; que l’article 661 du code civil impose seulement l’obligation de payer au maître du mur la moitié de sa valeur et la moitié de la valeur du sol sur lequel il est bâti ; que l’exercice du droit n’est pas soumis à d’autres conditions et que notamment l’acquéreur n’est tenu de justifier d’aucun intérêt ».
Dans un arrêt du 25 avril 1972, la première chambre civile a encore jugé qu’il résulte de l’article 661 que « la faculté d’acquérir la mitoyenneté d’un mur par un propriétaire qui le joint est absolue, en l’absence de convention contraire, et que la seule condition imposée a ce dernier est de payer le prix de la mitoyenneté à acquérir » (Cass. 3e civ. 25 avr. 1972, n°71-10119).
Plus récemment, dans un arrêt du 19 septembre 2007, la Cour de cassation a néanmoins précisé que bien que, absolue et discrétionnaire la faculté reconnue par l’article 661, un empiétement du mur convoité fait obstacle à l’acquisition de la mitoyenneté (Cass. 3e civ. 19 sept. 2007, n°06-16384).
En dehors de cette hypothèse, le droit d’acquérir la mitoyenneté d’un mur par voie de cession forcée peut être exercé discrétionnairement, soit sans que le propriétaire du fonds voisin soit tenu de justifier d’un quelconque motif.
Il lui est donc permis d’exercer la prérogative dont il est titulaire pour des raisons de pure commodité. Il est indifférent que l’acquisition de la mitoyenneté lui procure une utilité particulière ou soit commandée par la nécessité.
Parce qu’il s’agit d’un droit discrétionnaire, son exercice est, par conséquent, insusceptible de dégénérer en abus de droit.
Les juridictions sont allées jusqu’à admettre que la faculté d’acquérir la mitoyenneté d’un mur pouvait être exercée, alors même qu’une construction s’appuie déjà sur le mur privatif, l’objectif de la manœuvre étant de régulariser une situation jusque-là illicite (V. en ce sens CA Rennes 30 juin 1998).
La Cour de cassation a néanmoins condamné ce montant considérant qu’une situation d’empiétement faisait obstacle, en tout état de cause, à l’acquisition de la mitoyenneté d’un mur (Cass. 3e civ. 19 sept. 2007, n°06-16384).
==> L’imprescriptibilité du droit
Parce que le droit de propriété est imprescriptible, il en va de même du droit d’acquérir la mitoyenneté d’un mur privatif.
Le titulaire de ce droit peut néanmoins y renoncer dans la mesure où la règle énoncée à l’article 661 du Code civil n’est pas d’ordre public.
Les propriétaires sont donc libres d’y déroger par convention contraire, étant précisé que la renonciation peut être expresse ou tacite.
Elle sera tacite notamment en cas de constitution d’une servitude au profit du fonds joignant le mur, servitude qui serait incompatibilité avec la mitoyenneté (V. en ce sens Cass. req. 6 avr. 1875).
a. 2. La condition tenant à l’objet de la cession
i) Un mur
==> La restriction de l’objet de la cession aux seuls murs
La faculté d’exiger la cession de la mitoyenneté n’est reconnue que pour les seuls murs à l’exclusion de toute autre forme d’élément de séparation.
Cette restriction du domaine d’application de l’article 661 du Code civil se déduit de l’article 668 qui exclut expressément la possibilité de provoquer la cession forcée de l’élément de séparation des héritages lorsqu’il consiste en un fossé ou une haie.
Cette disposition prévoit en ce sens que « le voisin dont l’héritage joint un fossé ou une haie non mitoyens ne peut contraindre le propriétaire de ce fossé ou de cette haie à lui céder la mitoyenneté. »
Ainsi, toute autre forme de clôture qu’un mur ne peut faire l’objet d’une cession forcée de la mitoyenneté.
Par mur il faut entendre, selon la définition commune, tout ouvrage de maçonnerie vertical (parfois oblique), d’épaisseur et de hauteur variable, formé de pierres, de briques, de moellons superposés et liés par du mortier ou du ciment, et élevé sur une certaine longueur pour constituer le côté d’un bâtiment, enclore ou séparer des espaces, soutenir et supporter des charges.
La jurisprudence a eu l’occasion d’affirmer qu’une simple cloison ou un grillage ne pouvaient pas être qualifiés de mur dans la mesure où il s’agit d’un assemblage rudimentaire de matériaux qui ne sont ni superposés les uns sur les autres, ni liés entre eux par du mortier.
==> L’admission de l’acquisition de la mitoyenneté d’une portion de mur
L’article 661 du Code civil prévoit que la mitoyenneté peut porter sur « tout ou partie » d’un mur.
Ainsi, le mur peut être mitoyen sur seulement une portion, peu importe que cette portion soit limitée en hauteur ou en longueur.
L’assiette de la mitoyenneté est déterminée par le titulaire du droit d’en exiger la cession forcée (Cass. req. 27 févr. 1939). La raison en est qu’il s’agit là d’une expression du pouvoir discrétionnaire dont est investi le propriétaire du fonds joignant le mur.
==> Les murs insusceptibles de faire l’objet d’une mitoyenneté
Il est des murs qui, en raison de leur nature ou de la qualité de leur propriétaire ne peuvent pas faire l’objet d’une mitoyenneté.
- Les murs appartenant à une personne publique
- Les murs appartenant à une personne publique ne peuvent pas faire l’objet d’une mitoyenneté.
- La raison en est que les biens qui relèvent du domaine public sont inaliénables ( req. 16 juin 1856).
- Par voie de conséquence, leur propriété ne peut être ni cédée, ni être exercée en commun avec une personne privée.
- À l’inverse, rien n’interdit qu’une personne publique acquiert la mitoyenneté d’un mur, lorsque celui-ci appartient à une personne privée (V. en ce sens civ. 14 févr. 1900).
- Les murs de soutènement
- Le mur de soutènement est un ouvrage destiné à servir d’appui à une construction ou à contenir la poussée des terres à un changement de niveau du sol (remblai, terrasse, etc.)
- Autrement dit, il est édifié aux fins de prévenir l’éboulement de pierres ou le glissement de terrain d’un héritage supérieur, sur un héritage inférieur.
- Les murs de soutènement sont essentiellement employés
- Soit en site montagneux pour protéger les chaussées routières contre le risque d’éboulement ou d’avalanches ;
- Soit, en site urbain pour réduire l’emprise d’un talus naturel, en vue de la construction d’une route, d’un bâtiment ou d’un ouvrage d’art.
- Parce qu’ils n’ont pas pour fonction de clore un héritage et plus précisément d’empêcher la communication avec les héritages voisins, la jurisprudence considère qu’ils sont élevés dans l’intérêt exclusif de leur propriétaire et que, par voie de conséquence, ils sont insusceptibles de faire l’objet d’une mitoyenneté.
- Dans un arrêt du 15 juin 1994, la Cour de cassation a ainsi validé la décision d’une Cour d’appel qui, après avoir constaté que la forme du mur litigieux était caractéristique de celle d’un mur de soutènement et que sa destination était de maintenir les terres de son propriétaire, a considéré que ce mur était la propriété exclusive de celui-ci ( 3e civ. 15 juin 1994, n°92-13487)
ii) Un mur opérant la jonction entre deux fonds contigus
La faculté d’exiger la cession forcée du mur élevé sur le fonds voisin ne peut être exercée qu’à la condition que l’ouvrage opère la jonction entre les deux fonds contigus.
Aussi, en cas de positionnement du mur en retrait de la ligne séparative, la mitoyenneté de celui-ci est insusceptible de faire l’objet d’une acquisition par voie de cession forcée.
La Cour de cassation a statué en ce sens dans un arrêt du 1er juillet 1965 (Cass. 1ère civ. 1er juill. 1965).
- Faits
- Dans cette affaire la requérante sollicitait la démolition d’un abri à usage de garage que son voisin avait appuyé sur le mur de la maison dont elle était propriétaire et qui était construite à quinze centimètres de la ligne séparative des héritages.
- Procédure
- Par un arrêt du 13 mars 1963, la Cour d’appel de Caen, a refusé de faire droit à la demande formulée par la propriétaire de la maison
- Au soutien de sa décision, après avoir relevé que la requérante était propriétaire de la bande de terre d’une longueur de cinq mètres dix et d’une largeur de quinze centimètres que son voisin avait incluse dans son fonds, elle considère que cette dernière n’avait élevé de protestation qu’alors que l’ouvrage était entièrement terminé.
- Elle en conclut que son inaction pendant la durée des travaux ne pouvait avoir qu’une intention, soit approuver ce qui se fait et renvoyer à plus tard le règlement de l’indemnité qui en serait la conséquence.
- Décision
- La Cour de cassation, au visa de l’article 545 du Code civil, casse et annule l’arrêt rendu par la Cour d’appel.
- Pour la première chambre civile, le silence de la propriétaire de la maison ne pouvait, à lui seul, faire la preuve de son consentement a l’aliénation de partie de son immeuble.
- Surtout, elle retient que l’empiétement constaté constituant une atteinte à son droit de propriété dont elle ne pouvait être privée sans son consentement ou hors des cas prévus par la loi faisait obstacle à l’acquisition de la mitoyenneté du mur
Il ressort de cette décision que dès lors que le mur est situé en retrait de la ligne séparative, y compris lorsque ce retrait est insignifiant (15 cm au cas particulier), il ne peut être fait application de l’article 661 du Code civil, faute de quoi cela reviendrait à admettre qu’il puisse être empiété sur le fonds voisin, alors même que cette atteinte au droit de propriété est prohibée par l’article 545 du Code civil.
Pour cette raison, la faculté de contraindre le propriétaire d’un mur à en céder la mitoyenneté ne peut être exercée qu’à la condition que l’ouvrage soit élevé juste au niveau de la ligne séparative.
Si le positionnement du mur en retrait de cette ligne fait obstacle au jeu de la cession forcée, il en va de même lorsque l’ouvrage est élevé sur la ligne séparative, cette situation s’apparentant à un empiétement.
iii) Cas particulier du mur élevé sur la ligne séparative
Lorsque le mur a été élevé à cheval sur la ligne divisoire, la situation s’analyse en un empiétement. Cette situation n’est pas sans renforcer la position du propriétaire du fonds sur lequel il est empiété.
Parce qu’il est porté atteinte à son droit de propriété, ce dernier est susceptible, en effet, de se prévaloir du bénéfice de l’article 545 du Code civil qui l’autorise à exiger, non pas la cession forcée de la mitoyenneté du mur, mais sa démolition.
Régulièrement, la jurisprudence rappelle que l’empiétement sur la propriété d’autrui, aussi insignifiant soit-il, autorise le propriétaire du fonds empiété à solliciter la démolition de l’ouvrage.
Dans un arrêt du 29 février 1984, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « l’article 545 du code civil, aux termes duquel nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, doit être appliqué dans toute sa rigueur même si l’empiétement est dû à une erreur commise de bonne foi et même si son importance est minime » (Cass. 3e civ. 29 févr. 1984, n°83-10585).
La démolition ne sera toutefois ordonnée que si le propriétaire victime de l’empiétement en fait la demande.
À cet égard, il n’est pas exclu qu’il préfère renoncer à formuler une telle demande, lourde de conséquences, considérant qu’il a tout intérêt à tirer profit des utilités procurées par le mur.
La question qui alors se pose est de savoir si, faute de trouver un accord avec le propriétaire du mur, il peut malgré tout en acquérir la propriété et, dans l’affirmative, sur quel fondement.
À cette question, la réponse apportée par la Cour de cassation a été pour le moins fluctuante, de sorte que le droit positif est le résultat d’une longue construction jurisprudentielle.
?: L’évolution de la jurisprudence
Si dans un premier temps, la jurisprudence a pu considérer que l’empiétement du mur sur le fonds voisin ne faisait pas obstacle à l’acquisition de sa mitoyenneté, elle a, par suite, abandonné cette position, excluant par là même que l’ouvrage puisse être acquis par voie d’accession.
- Première étape
- La jurisprudence a, tout d’abord, admis que, en cas d’empiétement d’un mur sur le fonds voisin, le propriétaire victime de cet empiétement pouvait en acquérir la mitoyenneté sur le fondement de l’article 555 du Code civil.
- Pour mémoire, cette disposition prévoit que « lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit, sous réserve des dispositions de l’alinéa 4, soit d’en conserver la propriété, soit d’obliger le tiers à les enlever.»
- Lorsqu’ainsi un mur séparatif empiète sur le fonds voisin, l’acquisition de sa mitoyenneté pourrait s’opérer par voie d’accession, la propriété du sol emportant, de plein droit, la propriété du dessus et donc de tout ce qui s’y trouve attaché.
- La Cour de cassation a statué en ce sens dans un arrêt du 8 novembre 1961 ( civ. 8 nov. 1961).
- Très tôt, elle a néanmoins abandonné cette position considérant que les dispositions de l’article 555 du Code civil qui « règle les effets de l’accession lorsqu’un tiers a construit, avec des matériaux lui appartenant, sur le fonds d’un autre, avec lequel il n’est lie par aucune convention ou autrement, quant au sort de sa construction, sont étrangères aux rapports nés entre voisins de la mitoyenneté, laquelle est soumise au régime qui lui est propre» ( 3e civ. 8 mars 1972, n°71-10315).
- La troisième chambre civile considère donc dans cet arrêt que la mitoyenneté d’un mur est insusceptible de s’acquérir par voie d’accession.
Cass. 3e civ. 8 mars 1972 |
Sur le premier moyen : vu l'article 555 du code civil ;
Attendu que les dispositions de ce texte, qui règle les effets de l'accession lorsqu'un tiers a construit, avec des matériaux lui appartenant, sur le fonds d'un autre, avec lequel il n'est lie par aucune convention ou autrement, quant au sort de sa construction, sont étrangères aux rapports nés entre voisins de la mitoyenneté, laquelle est soumise au régime qui lui est propre ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de la cour d'appel qu'en 1934, x... a construit, exactement à cheval sur la ligne divisoire de son fonds et de celui dont la société civile immobilière du..., à Strasbourg, est propriétaire, le mur pignon de son immeuble, contre lequel, en 1959, cette société a appuyé la construction qu'elle a fait édifier ;
Que, sur l'action de x... tendant à obtenir paiement de la moitié de la valeur actuelle du mur utilise par la société défenderesse et, subsidiairement, du coût des matériaux et de la main-d’œuvre estimes a la date du remboursement, la société civile a conclu à l'inapplicabilité, en la cause, de l'article 555 du code civil, et a offert de rembourser la moitié de la dépense qu'avait coutée le mur pignon litigieux ;
Attendu que l'arrêt attaque accueille la demande en son principe, sur le fondement de l'article 555 du code civil, en retenant, par adoption des motifs des premiers juges, la bonne foi de x..., et déclaré la société civile tenue au remboursement, a son choix soit d'une somme égale a l'augmentation de valeur de son fonds par la présence du mur litigieux, soit du coût des matériaux et du prix de la main-d’œuvre, estimes a la date du remboursement, compte tenu de l'état dans lequel se trouve ce mur ;
Attendu qu'en statuant de la sorte, après avoir admis que le demandeur justifiait l'empiétement de son mur sur le fonds voisin par l'application d'un usage existant dans la ville de Strasbourg et décidé, par un motif, qui n'est pas critique, que le mur litigieux devait être considéré comme mitoyen, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin de statuer sur le second moyen : casse et annule l'arrêt rendu entre les parties le 29 avril 1966, par la cour d'appel de Colmar ;
Remet, en conséquence, la cause et les parties au même et semblable état ou elles étaient avant ledit arrêt, et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar, autrement composée. |
- Deuxième étape
- La Cour de cassation a pu considérer que lorsqu’un mur est élevé à cheval sur la ligne séparative, la mitoyenneté est réputée exister dès son érection hors du sol.
- On parlait alors d’un mur « mitoyen-né»
- Il en résulterait alors l’impossibilité de faire application de l’article 661 du Code civil qui ne peut jouer que lorsqu’il s’agit d’acquérir un mur privatif.
- Or si la mitoyenneté naît au jour de l’élévation du mur il perd, par hypothèse, son caractère privatif.
- C’est la raison pour laquelle, dans certains arrêts, la Cour de cassation a écarté l’application de l’article 661 du Code civil tout en retenant les règles de calcul énoncées à l’article 663 afin de déterminer le montant de l’indemnité due au constructeur du mur en dédommagement des frais de main-d’œuvre et de matériaux avancés pour son édification (V. en ce sens 3e civ. 29 oct. 1970).
- La position de la jurisprudence a, par suite, sensiblement évolué, la Cour de cassation évoquant, non plus le mur « mitoyen-né », mais le mur ayant « vocation à la mitoyenneté».
- Dès 1971, on assiste à un glissement sémantique opération par la Cour de cassation (V. en ce sens 7 janv. 1971, n°69-11029).
- Dans un arrêt du 11 mai 1982 elle a notamment jugé que « après avoir exactement écarté l’application des articles 555 et 661 du code civil, l’arrêt retient à bon droit que celui sur le sol duquel le mur séparatif du fonds a été en partie construit par son voisin, ce dont il résulte que ce mur avait, dès l’origine, vocation à la mitoyenneté, peut en acquérir la mitoyenneté en remboursant au constructeur la moitié du coût de sa construction, actualisé au jour de l’acquisition de la mitoyenneté, la valeur de la moitié du sol n’ayant pas à être remboursée puisqu’elle lui appartient déjà» ( 3e civ. 11 mai 1982).
- Il ressort de cette décision que la Cour de cassation adopte une solution intermédiaire à celle envisagée par les règles de l’accession et celles qui gouvernent la mitoyenneté.
- Si elle n’exclut pas l’acquisition de la mitoyenneté du mur en cas d’empiètement sur le fonds voisin, elle prévoit une indemnisation selon un mode de calcul qui se rapproche de celui prévu à l’article 663 du Code civil.
Cass. 3e civ. 11 mai 1982 |
Sur le moyen unique : attendu, selon l'arrêt attaque (Aix-en-Provence, 28 octobre 1980), qu'en 1929, fut édifié un immeuble, appartenant aujourd'hui a la copropriété le Madrid, dont le mur pignon était à cheval sur la ligne séparant le fonds voisin, sur lequel, en 1957, la société nouvelle immobilière du cap (société du cap), a construit un immeuble qui s'appuyait sur ce mur pignon et qu'elle a vendu à la copropriété le Trianon ;
Qu'en 1971, le syndicat des copropriétaires le Madrid a assigné en paiement du prix d'acquisition de la mitoyenneté de ce mur le syndicat des copropriétaires le Trianon lequel a appelé en garantie la société du cap ;
Attendu que cette dernière fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer au syndicat le Madrid la moitié du coût, évalué au jour du paiement, de la construction du mur, alors, selon le moyen, d'une part, que nul propriétaire ne peut être tenu de céder sa propriété, que la cour d'appel qui a fondé toute son argumentation sur l'hypothèse d'une cession du sol, indûment occupe, par son propriétaire à l'auteur de l'empiétement, a, ainsi, viole l'article 545 du "code civil", et alors, d'autre part, que "l'acquisition, par un propriétaire joignant un mur, de la mitoyenneté de celui-ci implique la construction de cet édifice sur le fonds voisin, que la cour d'appel qui a, cependant, fait application des dispositions de l'article 661 du code civil, au cas d'empiétement sur le fonds d'autrui, a, ainsi, viole lesdits textes". mais attendu qu'après avoir exactement écarté l'application des articles 555 et 661 du code civil, l'arrêt retient à bon droit que celui sur le sol duquel le mur séparatif du fonds a été en partie construit par son voisin, ce dont il résulte que ce mur avait, dès l'origine, vocation à la mitoyenneté, peut en acquérir la mitoyenneté en remboursant au constructeur la moitié du coût de sa construction, actualise au jour de l'acquisition de la mitoyenneté, la valeur de la moitié du sol n'ayant pas à être remboursée puisqu'elle lui appartient déjà ;
D'où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 28 octobre 1980 par la cour d'appel d’Aix-en-Provence; |
- Troisième étape
- Dans un arrêt du 9 juillet 1984 la Cour de cassation a abandonné sa position aux termes de laquelle elle considérait que le mur élevé sur la ligne séparative « avait, dès l’origine, vocation à la mitoyenneté» ( 3e civ. 9 juill. 1984, n° 83-11987).
- Dans cette affaire, des propriétaires agissaient contre leur voisin en remboursement de la moitié du coût de la construction du mur séparatif qu’ils avaient élevé en limite des propriétés, et plus précisément sur la ligne séparative.
- Déboutés de leur demande par la Cour d’appel de Bastia dans un arrêt du 4 janvier 1983, la Cour de cassation a confirmé la décision rendue, au motif que, après avoir relevé que les requérants avaient pris l’initiative de faire construire un mur de clôture sans qu’ait été obtenu l’accord du propriétaire de la parcelle limitrophe, les juges du fond en ont « justement déduit que ce mur demeurait privatif bien que son assise ait pu empiéter sur le terrain Cadet ; que, par ces seuls motifs, la décision se trouve légalement justifiée».
- La troisième chambre civile considère ainsi que, contrairement à ce qui était soutenu par les auteurs du pourvoi, le positionnement du mur sur la ligne séparative ne lui conférait nullement un caractère mitoyen.
- Elle juge au contraire que, compte tenu de ce que ce mur empiétait sur le fonds voisin, il demeurait privatif.
- Elle en conclut qu’aucune obligation de prise en charge de la moitié du coût de construction du mur ne pesait sur les propriétaires victimes de l’empiétement.
Cass. 3e civ. 9 juill. 1984 |
Sur le moyen unique :
Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Bastia, 4 janvier 1983) de les avoir déboutés de leur demande formée contre leur voisin, M. Y..., en remboursement de la moitié du coût de la construction d'un mur séparatif, alors, selon le moyen, "que, d'une part, en déclarant qu'il était établi que le mur séparatif a été construit en limite des propriétés sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée par les époux X..., si celui-ci avait ou non été édifié à cheval sur les deux propriétés, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, et alors que, d'autre part, en déclarant que, bien qu'en fait son assise ait pu empiéter sur le terrain Cadet, le mur litigieux demeure privatif pour avoir été édifié sans l'accord exprès du propriétaire voisin, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 653, 666, 661, 663, 1235 et 1376 à 1381 du Code civil" ;
Mais attendu qu'après avoir relevé souverainement que les époux X... avaient pris l'initiative de faire construire un mur de clôture sans qu'ait été obtenu l'accord de M. Y..., propriétaire de la parcelle limitrophe, la Cour d'appel en a justement déduit que ce mur demeurait privatif bien que son assise ait pu empiéter sur le terrain Cadet ; que, par ces seuls motifs, la décision se trouve légalement justifiée ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 4 janvier 1983 par la Cour d'appel de Bastia. |
- Quatrième étape
- Si, dans l’arrêt du 9 juillet 1984 la Cour de cassation affirme expressément que le positionnement d’un mur sur la ligne séparative ne lui confère pas de caractère mitoyen, elle ne s’est nullement prononcée sur la possibilité, pour le propriétaire du fonds sur lequel il est empiété d’acquérir la mitoyenneté postérieurement à l’élévation de l’ouvrage.
- Elle répondra à cette question dans un arrêt remarqué rendu en date du 19 septembre 2007 ( 3e civ. 19 sept. 2007, n°06-16384)
- Dans cette décision, elle affirme « qu’un empiétement fait obstacle à l’acquisition de la mitoyenneté»
- La troisième chambre civile abandonne ainsi sa jurisprudence aux termes de laquelle elle admettait que, en cas d’empiétement d’un mur sur le fonds voisin, le propriétaire de ce fonds disposait toujours de la faculté d’en acquérir la mitoyenneté.
- Désormais, il existe donc une incompatibilité entre la situation d’empiétement d’un mur et la mitoyenneté.
- Il est avancé par les auteurs que le raisonnement tenu par la Cour de cassation consisterait à dire que, la cession forcée de la mitoyenneté ne peut, par hypothèse, pas avoir lieu en cas d’empiétement dans la mesure où cette situation confère d’ores et déjà au propriétaire du fonds empiété la propriété du mur par voie d’accession.
- On ne saurait, dans ces conditions, acquérir un la propriété d’un bien dont on est déjà propriétaire.
- Dans un arrêt du 19 février 2014, la Cour de cassation a précisé sa position en jugeant que l’auteur de l’empiétement était indifférent ( 3e civ. 19 févr. 2014, n° 13-12107).
Cass. 3e civ. 19 sept. 2007 |
Sur le moyen unique :
Vu les articles 545 et 661 du code civil ;
Attendu que nul ne peut être contraint de céder sa propriété ; que tout propriétaire joignant un mur a la faculté de le rendre mitoyen en tout ou en partie, en remboursant au maître du mur la moitié de la dépense qu'il a coûté, ou la moitié de la dépense qu'a coûté la portion du mur qu'il veut rendre mitoyenne et la moitié de la valeur du sol sur lequel le mur est bâti ; que la dépense que le mur a coûté est estimée à la date de l'acquisition de sa mitoyenneté, compte tenu de l'état dans lequel il se trouve ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 30 mars 2006), que les époux X... , dont la maison d'habitation s'adosse à celle des époux Y... , ont fait procéder par M.Z..., architecte, à un exhaussement de leur construction qui repose sur le mur de ces derniers ; que les époux Y... ont assigné les époux X... en vue de la destruction de la surélévation et en paiement de dommages-intérêts ; que les époux X... ont invoqué l'acquisition par prescription de la mitoyenneté du mur jusqu'à l'héberge et demandé le bénéfice de la cession forcée de mitoyenneté pour la partie du mur située au dessus ;
Attendu que pour constater la cession forcée de mitoyenneté de la partie du mur sur laquelle s'adosse la surélévation, au-delà de l'héberge, l'arrêt retient que les époux X... ont acquis par usucapion la mitoyenneté du mur séparatif jusqu'à l'héberge, que la portion supérieure de ce mur est restée privative et donc propriété exclusive des époux Y..., que la surélévation du pavillon des époux X... constitue un empiétement fautif sur la propriété Y... et que les époux X... sont fondés à se prévaloir des dispositions de l'article 661 du code civil, la faculté reconnue par cet article étant absolue et discrétionnaire, que l'atteinte, faite antérieurement à la volonté exprimée de son auteur de rendre le mur mitoyen à la propriété voisine, n'est pas un obstacle au droit d'acquérir la mitoyenneté ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'un empiétement fait obstacle à l'acquisition de la mitoyenneté, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 mars 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ; |
- La solution ici retenue par la Cour de cassation n’est pas sans avoir fait l’objet de critiques.
- Comme l’ont fait observer des auteurs, « le constructeur du mur empiétant sur la propriété voisine peut ainsi se trouver dans la situation absurde de devoir démolir, tout en pouvant exiger ensuite de son voisin une contribution à la reconstruction du mur mitoyen»[7].
- Toujours est-il que, en l’état de la jurisprudence, dès lors qu’est constatée une situation d’empiétement, elle fait obstacle à toute acquisition de la mitoyenneté du mur.
?: Le droit positif
En l’état du droit positif, le propriétaire du fonds sur lequel le mur séparatif empiète dispose de deux options :
- Soit il sollicite la démolition de l’ouvrage
- Soit il opte pour la conservation de l’ouvrage
==> La démolition du mur
Dans la mesure où l’élévation d’un mur sur la ligne séparative est constitutive d’un empiétement le propriétaire du fonds empiété peut exiger la démolition de l’ouvrage en application de l’article 545 du Code civil.
Cette faculté d’exiger la démolition est d’autant plus envisageable que la jurisprudence a écarté l’application de l’article 555, considérant, pour mémoire, que les règles énoncées par cette disposition qui régissent « les effets de l’accession lorsqu’un tiers a construit, avec des matériaux lui appartenant, sur le fonds d’un autre, avec lequel il n’est lie par aucune convention ou autrement, quant au sort de sa construction, sont étrangères aux rapports nés entre voisins de la mitoyenneté, laquelle est soumise au régime qui lui est propre » (Cass. 3e civ. 8 mars 1972, n°71-10315).
La neutralisation de l’article 555 interdit, dès lors, au propriétaire du mur de se prévaloir de sa bonne foi et, par voie de conséquence, d’échapper à la sanction de la démolition.
Aussi, en cas d’empiétement de l’ouvrage sur le fonds voisin, c’est l’article 545 du Code civil qui a vocation à s’appliquer (Cass. 3e civ., 10 nov. 2009, n° 08-17526).
Il est indifférent que cet empiétement se situe au niveau du sol, du sous-sol ou qu’il soit aérien. Il est encore indifférent que l’empiétement sur le fonds voisin soit insignifiant et qu’il ne cause aucune gêne, ni aucun préjudice.
Dans un arrêt du 29 février 1984, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « l’article 545 du code civil, aux termes duquel nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, doit être appliqué dans toute sa rigueur même si l’empiétement est dû à une erreur commise de bonne foi et même si son importance est minime » (Cass. 3e civ. 29 févr. 1984, n°83-10585).
Il peut être observé, par ailleurs, que lorsque l’empiétement sur le fonds voisin est établi, la demande de démolition ne peut jamais dégénérer en abus de droit (V. en ce sens Cass. 3e civ. 7 juin 1990, n° 88-16.277).
Dans un arrêt du 21 décembre 2017, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « tout propriétaire est en droit d’obtenir la démolition d’un ouvrage empiétant sur son fonds, sans que son action puisse donner lieu à faute ou à abus ; que l’auteur de l’empiétement n’est pas fondé à invoquer les dispositions de l’article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dès lors que l’ouvrage qu’il a construit méconnaît le droit au respect des biens de la victime de l’empiétement » (Cass. 3e civ. 21 déc. 2017, n°16-25406).
Le droit au respect du domicile ne justifie pas plus qu’il puisse être empiété sur le fonds voisin sans encourir la démolition de l’ouvrage construit de façon illicite.
C’est ainsi que dans un arrêt du 17 mai 2018, la Cour de cassation a considéré que, en cas d’empiétement, nonobstant l’ingérence dans le droit au respect du domicile de l’occupant, protégé par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;« l’expulsion et la démolition étant les seules mesures de nature à permettre au propriétaire de recouvrer la plénitude de son droit sur le bien, l’ingérence qui en résulte ne saurait être disproportionnée eu égard à la gravité de l’atteinte portée au droit de propriété » (Cass. 3e civ. 17 mai 2018, n°16-15792).
Enfin, dans la mesure où le droit de propriété ne se perd pas par le non-usage (art. 2227 C. civ.), le droit de démolition de l’ouvrage qui empiète sur son fonds est imprescriptible (V. en ce sens Cass. 3e civ. 5 juin 2002, n°00-16077).
Cette imprescriptibilité ne fait toutefois pas obstacle au jeu de la prescription acquisitive qui opèrera lorsque la possession sera caractérisée dans tous ses éléments constitutifs et qu’elle ne sera affectée d’aucun vice.
==> La conservation du mur
Seconde alternative dont dispose le propriétaire du fonds empiété, il peut renoncer à exiger la démolition du mur à la faveur d’une conservation de l’ouvrage élevé illicitement sur la ligne divisoire.
En optant pour cette solution, il se retrouve dans une situation pour le moins particulière dans la mesure où il est privé de la possibilité d’acquérir la mitoyenneté du mur, tant par voie de cession forcée sur le fondement de l’article 661 du Code civil, que par voie d’accession en application de l’article 555.
La seule solution pour lui de devenir propriétaire mitoyen du mur : conclure une convention avec le propriétaire de ce dernier.
Pour le convaincre de régulariser un accord le propriétaire du fonds empiété pourra avancer qu’il renonce, en contrepartie, à solliciter la démolition de l’ouvrage.
Faute de vouloir acquérir la mitoyenneté de l’ouvrage, il pourra réclamer une indemnité à son propriétaire en réparation du préjudice causé par l’empiétement.
Il pourrait, par ailleurs, y être forcé s’il retirait une utilité particulière du mur en y appuyant, par exemple, une construction.
De toute évidence, la situation dans laquelle se trouve le propriétaire du fonds empiété n’est pas satisfaisante.
Cet état du droit positif a conduit les rédacteurs de l’avant-projet de réforme du droit des biens à proposer l’introduction d’un article 636 dans le Code civil qui disposerait :
- D’une part, qu’« un mur, une clôture, un fossé ne peuvent être réalisés à cheval sur la ligne séparative de deux fonds contigus que du commun accord des propriétaires de ces fonds»
- D’autre part, que « le propriétaire qui n’a pas consenti à l’édification du mur à cheval sur la ligne séparative des fonds ne peut, dans les parties urbanisées de la commune visées à l’article 633, exiger la démolition du mur. Il en acquiert de plein droit et gratuitement la mitoyenneté. »
L’adoption de cette disposition permettrait de concilier la situation d’empiétement d’un mur positionné sur la ligne séparative et l’acquisition de sa mitoyenneté qui, pour sanctionner l’auteur de l’empiétement, ne donnerait pas lieu à remboursement pour moitié du coût de construction de l’ouvrage.
a. 3. La condition tenant à l’octroi d’une indemnité
==> Principe d’octroi d’une indemnité
L’article 661 du Code civil prévoit que la cession forcée de la mitoyenneté d’un mur privatif est subordonnée au remboursement « au maître du mur la moitié de la dépense qu’il a coûté, ou la moitié de la dépense qu’a coûté la portion du mur qu’il veut rendre mitoyenne et la moitié de la valeur du sol sur lequel le mur est bâti. »
Ainsi, une indemnité est due au propriétaire du mur qui est contraint d’en céder la mitoyenneté. Il s’agit ici de le dédommager des frais de main-d’œuvre et de matériaux avancés pour la construction de l’ouvrage.
À cet égard, le créancier de cette indemnité n’est autre que le propriétaire du mur dont la mitoyenneté est cédée.
À cet égard, dans un arrêt du 7 janvier 1971, la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que l’obligation de payer une indemnité pour l’acquisition de la mitoyenneté était « personnelle au constructeur », de sorte que, en cas de vente par le demandeur à la cession de son fonds consécutivement à l’exercice de son droit d’acquérir la mitoyenneté du mur, la dette était insusceptible d’être transmise à l’acquéreur, sauf à prévoir dans l’acte de vente une stipulation expresse et non équivoque (Cass. 3e civ. 7 janv. 1971, n°69-10803)
Cass. 3e civ. 7 janv. 1971 |
Sur le premier moyen : attendu que y..., après avoir adossé un immeuble contre le mur élevé par z... sur la ligne divisoire de leurs propriétés, l'a vendu a dame veuve x... sans avoir acquis la mitoyenneté de ce mur ;
Attendu qu'il est fait grief au tribunal d'instance de condamner y... à payer à z... la moitié du coût de la construction de l'ouvrage et de mettre hors de cause l'acheteur, au motif que, le mur étant mitoyen par nature, y..., dès l'instant où il avait appuyé l'immeuble contre lui était devenu seul débiteur de la moitié du prix, alors qu'en ne mettant pas à la charge de dame veuve x... le règlement de la dette, le jugement attaque aurait notamment viole le principe de la distinction des droits réels et personnels ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le mur litigieux a été construit, en application du règlement d'un lotissement, à cheval sur la ligne séparative des fonds, le tribunal en déduit justement que l'obligation de payer une indemnité pour l'acquisition de la mitoyenneté est personnelle au constructeur et que, partant, la dette de y... ne pouvait être transférée a dame veuve x..., qu'au moyen d'une stipulation expresse et non équivoque qui n'existe pas dans l'acte de vente ;
Que le moyen n'est donc pas fondé ; |
==> Règles de calcul de l’indemnité
- Les éléments d’estimation
- L’article 661 du Code civil prévoit que le propriétaire qui exerce son droit d’acquérir la mitoyenneté du mur joignant son fonds doit rembourser au maître du mur :
- D’une part, la moitié de la dépense qu’il a coûté, ou la moitié de la dépense qu’a coûté la portion du mur qu’il veut rendre mitoyenne
- D’autre part, la moitié de la valeur du sol sur lequel le mur est bâti
- Deux éléments doivent ainsi être intégrés dans le calcul de l’indemnité due au propriétaire du mur : son coût de construction et la valeur du sol sur lequel il est édifié.
- Le plus souvent il sera nécessaire de recourir à un expert pour évaluer le montant de cette indemnité, étant précisé que les frais d’expertise sont, en principe, à la charge de l’acquéreur du mur.
- La raison en est que l’opération est dans son intérêt exclusif. Il est donc logique qu’il en assume le coût.
- L’expert devra tenir compte de l’état du mur (matériaux utilisé, vétusté, consistance etc.) et se référer au prix du marché quant à l’évaluation du prix du terrain cédé.
- La date d’estimation
- L’article 661 du Code civil prévoit que « la dépense que le mur a coûté est estimée à la date de l’acquisition de sa mitoyenneté, compte tenu de l’état dans lequel il se trouve.»
- Ainsi, les parties sont invitées à se placer, non pas au jour où les frais ont été exposés, mais à la date de leur remboursement, de sorte que le montant de l’indemnité ne correspondra pas nécessairement au montant nominal des dépenses engagées.
- Cette solution vise à protéger le propriétaire du mur d’une éventuelle dépréciation monétaire qui conduirait à lui allouer une indemnité sur la base de montants nominaux non actualisés.
b) Les effets de la cession forcée
==> La date de la cession forcée
Dans le silence de l’article 661 du Code civil, la jurisprudence considère que « la cession de la copropriété s’opère par l’effet de la demande d’acquisition et à sa date » (Cass. 1ère civ., 19 janv. 1954).
Autrement dit, la cession forcée produit ses effets, non pas à la date du jugement qui constate le transfert de propriété, mais au jour de la demande formulée par l’acquéreur.
La raison en est que, la faculté d’acquérir la mitoyenneté d’un mur est de droit et qu’il s’agit d’une prérogative qui peut être exercée discrétionnairement, soit sans que son titulaire n’ait à justifier d’un motif particulier et qui donc nécessiterait l’intervention du juge.
Dans ces conditions, il est logique que ce soit à la date d’exercice du droit d’acquérir la mitoyenneté du mur que les effets de la cession doivent jouer.
==> Les effets de la cession à l’égard des propriétaires
- Absence de garantie des vices cachés
- Parce que la jurisprudence considère que la cession forcée de la mitoyenneté ne s’analyse pas en une vente (V. en ce sens 1ère civ. 19 janv. 1954), l’acquéreur ne saurait solliciter le bénéfice de la garantie des vices cachés en application des articles 1641 et suivants du Code civil.
- Dans un arrêt du 2 octobre 1980, la Cour de cassation a ainsi refusé de faire application de cette garantie au motif que « la cession de mitoyenneté étant imposée au propriétaire du mur par la seule manifestation de la volonté de son voisin, elle n’est régie que par les dispositions particulières des articles 653 et suivants du Code civil» ( 3e civ., 2 oct. 1980).
- Aussi, en cas de cession forcée de la mitoyenneté d’un mur, l’acquéreur ne dispose d’aucun recours en garantie contre le cédant, l’ouvrage devant être pris dans l’état où il se trouve au moment de la cession.
- La situation sera néanmoins différente lorsque la cession procédera d’un accord des volontés des propriétaires, le régime de la vente étant, dans cette hypothèse, parfaitement applicable.
- Bénéfice du privilège du vendeur et de l’action résolutoire
- Si la cession forcée de la mitoyenneté d’un mur ne s’analyse pas en une vente, elle n’en demeure pas moins une cession de droits réels immobiliers
- Dans ces conditions, la jurisprudence estime que, en cas de non-paiement du prix de cession, le cédant bénéficie :
- D’une part, du privilège du vendeur, ce qui lui confère le droit d’être payé en priorité sur le prix de vente de l’immeuble, conformément à l’article 2374, 1° du Code civil
- D’autre part, de l’action résolutoire prévue aux articles 1654 et 2379 du Code civil, laquelle lui confère le droit d’anéantir, avec effet rétroactif, la cession
==> Les effets de la cession à l’égard des tiers
La cession forcée de la mitoyenneté d’un mur a pour objet des droits réels immobiliers. Il en résulte qu’elle est soumise à l’exigence prescrite par l’article 28 du décret du 4 janvier 1955 qui exige l’accomplissement de formalités de publicité foncière.
Cette disposition prévoit, pour mémoire, que « sont obligatoirement publiés au service chargé de la publicité foncière de la situation des immeubles […] tous actes, même assortis d’une condition suspensive, et toutes décisions judiciaires, portant ou constatant entre vifs »
Faute de publicité de la cession de la mitoyenneté, elle sera inopposable aux tiers et, plus précisément, aux futurs acquéreurs successifs des fonds sur lesquels le mur est édifié.
Dans un arrêt du 9 juin 1939, la Cour de cassation a ainsi jugé que « l’acquéreur d’un immeuble ne saurait se voir opposer la cession de la mitoyenneté du mur de clôture dudit immeuble que son vendeur aurait faite auparavant à un propriétaire voisin si la transcription de cette cession de mitoyenneté n’est intervenue qu’après la transcription de la vente d’immeuble » (Cass. civ., 9 juin 1939).
Ainsi, à l’obtention du jugement constatant la cession forcée de la mitoyenneté, celui-ci devra être publié auprès des services de la publicité foncière.
3. La mitoyenneté résultant de la prescription acquisitive
i) Principe
La mitoyenneté d’un bien (mur, haie, fossé, clôture) séparant deux héritages contigus peut s’acquérir par voie d’usucapion, soit par le jeu de la prescription acquisitive.
La jurisprudence l’admet de longue date. Dans un arrêt du 8 décembre 1971 elle a, par exemple, jugé que lorsque pendant plus de trente ans les propriétaires d’une maison adossée à un mur privatif ont eu, tant par eux-mêmes que par leurs auteurs la jouissance non contestée d’un droit de mitoyenneté sur ce mur, ils sont fondés à s’en prévaloir pour l’avoir acquis par voie de prescription (Cass. 3e civ. 8 déc. 1971, n°70-12340)
La prescription acquisitive jouera le plus souvent dans cette configuration, soit lorsqu’un ouvrage prend appui sur un mur privatif édifié sur le fonds voisin et que son propriétaire n’élève aucune contestation pendant un certain délai.
Sous l’effet du temps, la situation a vocation à se consolider, la prescription produisant, à l’expiration de son terme, un effet acquisitif primant sur n’importe quel titre.
ii) Conditions
Pour que la prescription acquisitive puisse jouer, encore faut-il que le propriétaire qui s’en prévaut puisse justifier, d’une part, d’une possession caractérisée dans ses éléments constitutifs et, d’autre part, d’une possession utile
==> Une possession caractérisée dans ses éléments constitutifs
La caractérisation de la possession est subordonnée à la réunion de deux éléments cumulatifs :
- La maîtrise physique de la chose : le corpus
- La volonté de se comporter comme le propriétaire de la chose : l’animus
Le corpus de la possession s’analyse comme l’exercice d’une emprise physique sur la chose. L’article 2255 du Code civil précise en ce sens que « la possession est la détention ou la jouissance d’une chose ou d’un droit ».
Quant à l’animus se définit comme la volonté du possesseur de se comporter à l’égard de la chose comme s’il en était le véritable propriétaire.
Il s’agit, autrement dit, de son état d’esprit, soit de l’élément psychologique de la possession. Il faut avoir l’intention de se comporter comme le titulaire du droit exercé pour être fondé à se prévaloir des effets attachés à la possession.
L’exigence du corpus et de l’animus, exclut que la mitoyenneté du mur puisse être acquise dans le cadre, soit d’une détention précaire, soit d’un acte de pure faculté ou de simple tolérance.
Elle le sera par voie de prescription uniquement s’il est démontré que le propriétaire du fonds voisin a exercé une emprise physique sur le mur et qu’il s’est comporté comme exerçant un droit de propriété sur l’ouvrage.
La Cour de cassation a pu préciser que « le fait d’appuyer une construction contre un mur constitue un acte de possession caractérisé car le propriétaire de ladite construction se comporte comme si le mur était sa propriété exclusive » (Cass. 3e civ., 8 décembre 1971).
La Cour de cassation a, dans le même sens, validé la décision d’une Cour d’appel qui avait considéré que l’ancrage du garage de propriétaires dans le mur pignon de la maison voisine et le maintien de cette situation pendant plus de trente ans avaient fait acquérir à son propriétaire la mitoyenneté de la surface ainsi usucapée (Cass. 3e civ. 9 déc. 1992, n°90-20762).
Elle a en revanche considéré que la réfection d’un mur au moyen d’un enduit ou par simple recrépissage était insuffisante quant à caractériser une possession utile (V. en ce sens Cass. 3e civ. 13 mars 1984).
Pour que la prescription acquisitive puisse jouer, il faut que les travaux réalisés sur le mur soient substantiels.
==> Une possession utile
L’article 2261 du Code civil dispose que « pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire. »
Il ressort de cette disposition que pour être efficace, la possession ne doit être affectée d’aucun vice. Plus précisément, pour produire ses pleins effets, elle doit être utile.
Par utile, il faut entendre susceptible de fonder une prescription acquisitive. On dit alors que la prescription est utile ad usucapionem, soit par l’usucapion.
La prescription ne sera utile que si elle présente les quatre caractères énumérés par la loi, étant précisé que la dernière partie du texte « à titre de propriétaire », se rapporte non pas aux caractères de la possession mais à son existence, et plus précisément à son animus.
- Continue
- L’article 2261 du Code civil exige que la possession soit « continue et non interrompue» pour être utile.
- À l’examen, la formulation est maladroite. En effet, l’absence d’interruption intéresse, non pas la possession, mais plutôt la prescription.
- La notion de non-interruption renvoie, en effet, au mécanisme de computation des délais pour prescrire. Or ce n’est pas ce dont il s’agit ici.
- Ce qui importe c’est que la possession soit continue, qualité qui s’apprécie au regard du corpus.
- Par continue, il faut plus précisément entendre que l’emprise physique exercée sur le mur par le possesseur n’est pas occasionnelle, épisodique : elle doit se prolonger dans le temps, sans discontinuité.
- Autrement dit il doit se comporter comme le propriétaire mitoyen du mur sans qu’aucun événement ne vienne interrompre cette apparence.
- Paisible
- Pour être utile, la possession doit être paisible. Par paisible, il faut entendre non-violente. Autrement dit, l’entrée en possession ne doit pas avoir donné lieu à violence, laquelle peut être soit physique, soit psychologique.
- Une chose arrachée des mains de son propriétaire par un brigand ne pourra faire l’objet d’aucune possession.
- L’absence de violence est une qualité de la possession reprise à l’article 2263 du Code civil qui dispose que « les actes de violence ne peuvent fonder non plus une possession capable d’opérer la prescription».
- Aussi, la mitoyenneté d’un mur qui serait imposé par la violence à constructeur ne peut pas s’acquérir par prescription.
- Publique
- Pour être utile, la possession doit être publique dit l’article 2261 du Code civil. Autrement dit, elle doit donner lieu à l’accomplissement d’actes matériels ostensibles et apparents.
- La clandestinité de la possession fait obstacle au jeu de la prescription acquisitive. Cette situation se rencontrera notamment en cas de dissimulation de l’emprise physique exercée sur la chose par le possesseur.
- Ce vice intéressera surtout les meubles dont la possession est plus aisément dissimulable que l’occupation d’un immeuble.
- En matière de mitoyenneté, il pourrait s’agir de dissimuler au propriétaire du mur, l’appui sur lui d’une construction ou son adossement.
- Non équivoque
- Lorsque la possession est équivoque, elle est privée de ses effets. Par équivoque il faut entendre, selon le dictionnaire, ce qui est susceptible de revêtir plusieurs significations.
- Aussi, la possession sera équivoque lorsque l’exercice de la servitude par le possesseur sera ambigu quant à son intention de se comporter comme le véritable titulaire du droit réel grevant le fonds.
- À la différence de la discontinuité, de la violence ou encore de la clandestinité qui affectent le corpus de la possession, l’équivoque est un vice qui affecte l’animus.
- Le caractère équivoque de la possession va alors faire obstacle au jeu de la prescription posée par l’article 2256 du Code civil qui prévoit que « on est toujours présumé posséder pour soi, et à titre de propriétaire, s’il n’est prouvé qu’on a commencé à posséder pour un autre. »
- La raison en est que, la pluralité des significations susceptibles d’être conférés à l’emprise physique exercée sur la chose est de nature à créer, dans l’esprit des tiers, un doute quant à la qualité de propriétaire du possesseur. La présomption d’animus doit donc être écartée.
- C’est précisément parce que la détention précaire et les actes de simple tolérance sont équivoques qu’ils ne peuvent donner lieu à prescription ( 1ère civ., 8 mars 1954).
iii) Durée de la prescription
Lorsque la possession est caractérisée dans tous ses éléments et qu’elle est utile elle produira son effet acquisitif à l’expiration d’un certain délai.
L’article 2272 du Code civil prévoit en ce sens que « le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans ».
Pour prescrire en matière immobilière il convient donc de posséder utilement le bien pendant un délai de 30 ans.
Il est ici indifférent que le possesseur soit de mauvaise foi. La bonne foi n’est pas érigée en condition d’application de la prescription trentenaire.
Par exception à la prescription trentenaire, l’alinéa 2 de l’article 2272 du Code civil prévoit que « celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans. »
Lorsqu’ainsi les conditions posées par ce texte sont remplies, la prescription acquisitive est ramenée à 10 ans en matière de propriété immobilière.
Reste que, en matière de mitoyenneté, ces conditions ne sont presque jamais réunies, de sorte que la prescription abrégée ne jouera jamais.
Le possesseur se heurtera, en effet, à l’exigence de justifier :
- D’une part, qu’il est muni juste titre, soit d’un titre établissant qu’il a acquis la mitoyenneté du mur auprès d’une personne qui n’en était pas le véritable propriétaire (verus dominus)
- D’autre part, qu’il est de bonne foi, ce qui implique qu’il ignorait les vices affectant le titre translatif de propriété dont il est muni
Dans un arrêt du 5 octobre 1994 la cour de cassation a, par exemple, considéré qu’un règlement de copropriété dont se prévalait un copropriétaire ne lui conférait qu’un droit d’usage et de jouissance sur une partie délimitée du mur séparatif, et que, dans ces conditions il « ne constituait pas pour son titulaire un juste titre permettant une usucapion abrégée » (Cass. 3e civ. 5 oct. 1994, n°92-15926).
Cass. 3e civ. 5 oct. 1994 |
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 avril 1992), que la ville de Paris a acquis, par acte des 1er et 9 juillet 1968, une parcelle de terrain retranchée de l'immeuble ..., bordant l'immeuble ... ; que la ville de Paris a assigné la société civile immobilière (SCI) Union foncière de Paris, propriétaire du lot n° 35 de l'immeuble ... pour se faire reconnaître copropriétaire indivise pour moitié du mur pignon de cet immeuble ;
Attendu que la SCI Union foncière de Paris fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen, d'une part, que la présomption de mitoyenneté posée par l'article 653 du Code civil peut être combattue par tous moyens ; qu'il était établi et non contesté que, par bail enregistré le 17 mai 1968, les consorts X..., propriétaires de l'immeuble au mur litigieux, avaient donné en location ce mur aux fins d'affichage publicitaire et que, depuis cette date et sans aucune interruption jusqu'à l'instance, les propriétaires successifs ont renouvelé les contrats de location ; qu'il était également établi que lorsque la ville de Paris a acquis sa parcelle par acte des 1er et 9 juillet 1968, la face du mur 116, avenue Ledru-Rollin donnant sur cette parcelle comportait déjà trois panneaux publicitaires et que son acte ne faisait aucune référence ni allusion à une prétendue mitoyenneté ou copropriété de ce mur, ce qu'il n'aurait pas manqué de faire si tel avait été le cas ; d'où il suit qu'en jugeant que le mur litigieux était la propriété indivise de la SCI Union foncière de Paris et de la ville de Paris, bien qu'il ne fût pas contesté que la SCI Union foncière de Paris et ses auteurs avaient accompli sur ce mur des actes de propriété exclusive, écartant toute possibilité de mitoyenneté ou de copropriété, la cour d'appel a violé les articles 653 et 1353 du Code civil ; d'autre part, qu'aux termes de l'alinéa 2, de l'article 2, de la loi du 10 juillet 1965, " les parties privatives sont la propriété exclusive de chaque copropriétaire " ; que ce texte analyse donc expressément le droit du copropriétaire sur son lot comme un droit de propriété exclusive, et non point en un simple droit d'usage ou de jouissance qui ne constitue en réalité que l'émolument généré par le titre ; que de l'application combinée des articles 2 de la loi du 10 juillet 1965 et 2265 du Code civil, il résulte donc qu'une partie peut acquérir par 10 ans, en vertu d'un juste titre, un lot de copropriété ; que la SCI Union foncière de Paris, s'est vu apporter, par M. David Y..., par acte notarié du 26 février 1979, le lot de copropriété n° 35, ce dernier l'avait lui-même acquis de la société LND, par acte notarié du 22 novembre 1977 ; que ce lot était expressément constitué " d'un emplacement réservé à l'affichage sur le mur séparatif d'avec l'immeuble ..., sur une hauteur de 8 mètres à partir du niveau du sol, et sur une largeur de 16 mètres environ... " ; qu'en conséquence, la SCI Union foncière de Paris et son auteur direct bénéficiaient d'un juste titre leur ayant conféré sur le mur litigieux un droit exclusif de propriété ; d'où il suit qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 2 de la loi du 10 juillet 1965, ensemble l'article 2265 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant souverainement relevé qu'il n'était pas démontré par la SCI Union foncière de Paris que le mur pignon de l'immeuble ... séparatif d'avec l'immeuble ... était privatif, la cour d'appel en a justement déduit que ce mur était présumé mitoyen ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu, sans violer l'article 2 de la loi du 10 juillet 1965, que le lot n° 35 du règlement de copropriété dont se prévalait la SCI ne lui conférait qu'un droit d'usage et de jouissance sur une partie délimitée du mur séparatif, la cour d'appel en a exactement déduit que ce droit ne constituait pas pour son titulaire un juste titre permettant une usucapion abrégée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi. |
iv) Étendue de l’acquisition
Par un arrêt du 7 octobre 1980, la Cour de cassation a jugé que l’acquisition de la mitoyenneté d’un mur s’étendait dans la limite de l’emprise exercée sur l’ouvrage par le possesseur (Cass. 3e civ. 7 oct. 1980, n°79-11610).
Autrement dit, lorsque la mitoyenneté est acquise par prescription, elle se limite toujours à la partie du mur qui a fait l’objet d’une possession utile.
Lorsque, de la sorte, une construction est appuyée à un mur privatif pendant plus de trente ans, la mitoyenneté ne pourra être revendiquée que pour la surface du mur qui a supporté l’ouvrage.
Dans un arrêt du 23 mars 2010, la Cour de cassation a apporté une précision pour le moins utile à la règle en jugeant que lorsque l’immeuble d’habitation et la cuisine accolés au mur séparatif avaient manifestement plus de trente ans et que l’extension de la cuisine qui datait de moins de trente ans s’appuyait sur ce mur, la mitoyenneté du mur pouvait être étendue à l’emprise de cette extension, en raison l’indivisibilité des deux ouvrages (Cass. 3e civ. 23 mars 2010, n°09-10.381).
4. La mitoyenneté résultant d’une acquisition forcée
La jurisprudence a développé un mode d’acquisition de la mitoyenneté en dehors de ceux envisagé par les textes.
Ce mode d’établissement jurisprudentiel de la mitoyenneté, que la doctrine qualifie « d’acquisition forcée » correspond à l’hypothèse où le constructeur d’un mur élevé en limite de fonds force son voisin à en acquérir la mitoyenneté.
Il s’agit, autrement dit, de la situation inverse de celle visée à l’article 661 du Code civil. Ici c’est le propriétaire du mur qui force le propriétaire du fonds voisin à en acquérir la mitoyenneté et non ce dernier qui exige à ce qu’elle lui soit cédée.
La décision qui a reconnu ce mode d’acquisition de la mitoyenneté, à tout le moins qui est le plus souvent citée, est un arrêt rendu par la Cour de cassation le 9 mai 1939.
Dans cet arrêt la chambre des requêtes a affirmé que « par le seul fait qu’il appuyait sa construction sur le mur séparatif de l’immeuble voisin, Germonty pouvait être contraint à payer le montant de sa part de mitoyenneté » (Cass. req. 9 mai 1939).
Il ressort de cette décision que le domaine du mode d’établissement de la mitoyenneté par voie d’acquisition forcée est limité à l’hypothèse où le propriétaire d’un fonds joignant un mur privatif s’en sert comme d’un support pour y appuyer ses propres constructions.
À l’examen, l’acquisition forcée n’est admise par la jurisprudence que si deux conditions cumulatives sont réunies :
- Première condition : une atteinte au droit de propriété
- Il est nécessaire que soit caractérisée une atteinte au droit de propriété du propriétaire du mur.
- Autrement dit, devra être établie une situation d’empiétement qui pourrait justifier l’application de l’article 545 du Code civil, soit la démolition de l’ouvrage construit illicitement.
- Cette atteinte au droit de propriété ne devra toutefois, pas être couverte par la prescription acquisitive qui à l’expiration de son terme conférera, de plein droit, à l’auteur de l’atteinte la mitoyenneté du mur.
- En pareille hypothèse, le propriétaire du mur ne sera plus en mesure d’imposer à son voisin une acquisition forcée de la mitoyenneté et, surtout d’exiger le paiement d’une indemnité pour les frais de construction de l’ouvrage
- Seconde condition : une emprise présentant un certain degré de gravité
- Le propriétaire d’un mur privatif ne peut contraindre son voisin à en acquérir la mitoyenneté qu’à la condition que soit établie une situation d’emprise présentant un certain degré de gravité.
- Par emprise, il faut entendre l’appui d’une construction sur le mur privatif élevé sur le fonds voisin.
- À cet égard, dans un arrêt du 14 janvier 1971, la Cour de cassation a jugé que lorsque cet appui n’était pas caractérisé, l’acquisition forcée de la mitoyenneté ne pouvait pas jouer.
- Au cas particulier, elle a validé la décision rendue par une Cour d’appel qui avait relevé « d’après les constatations de l’expert, que les matériaux utilisés pour la construction (du bâtiment communal) excluaient tout appui sur le mur voisin, que le poids de l’immeuble était reparti sur 3 piliers et se répercutait verticalement au sol a un niveau inférieur à celui de la base des fondations du mur x… et que les adhérences entre les immeubles avaient été évitées par un intervalle de 2 centimètres entre les bâtisses, garni de plaques de matière plastique pendant la construction»
- Les juges du fond en avaient déduit que l’immeuble de la commune ne prenait ni emprise ni appui sur le mur privatif et que, par voie de conséquence, « celle-ci n’était pas tenue d’acquérir la mitoyenneté d’un mur dont elle n’avait fait aucun usage profitable» ( 3e civ. 14 janv. 1971, n°69-11909).
- Ainsi, l’acquisition forcée d’un mur privatif ne peut être imposée au propriétaire qui exerce une emprise sur l’ouvrage qu’à la condition que cette emprise consiste en un appui ou un adossement.
- À défaut, la jurisprudence considère que le degré de l’emprise n’est pas suffisamment grave pour justifier l’acquisition forcée de la mitoyenneté (V. en ce sens Cass. 3e 8 mars 1972).
5. La mitoyenneté résultant de l’exercice du droit de se clore
a) Principe
Si tout propriétaire d’un fonds est titulaire du droit discrétionnaire de se clore, il est dès cas où cet acte lui est imposé par la loi.
L’article 663 du Code civil dispose en ce sens que « chacun peut contraindre son voisin, dans les villes et faubourgs, à contribuer aux constructions et réparations de la clôture faisant séparation de leurs maisons, cours et jardins assis ès dites villes et faubourgs »
Il ressort de cette disposition que le propriétaire d’un fonds situé dans un espace urbain peut contraindre son voisin à participer à la construction et à l’entretien d’une clôture afin d’empêcher toute communication entre les deux propriétés.
Cette clôture forcée est présentée par une partie de la doctrine comme répondant à un objectif de salubrité publique, en ce sens qu’il s’agirait d’empêcher la constitution de terrains vagues et de lutter contre l’insécurité.
D’autres auteurs arguent, au contraire, que dans la mesure où la règle ainsi édictée n’est pas d’ordre public elle viserait seulement à assurer la tranquillité et la vie privée des habitants des villes.
Reste que pour qu’un propriétaire soit contraint d’élever une clôture sur son fonds encore faut-il que son voisin se prévale du bénéfice de l’article 663. Or la mise en œuvre de cette disposition est subordonnée à la réunion de plusieurs conditions.
b) Conditions
- Des fonds situés en milieu urbains
- Le propriétaire d’un fonds ne peut contraindre son voisin à participer à l’élévation d’une clôture qu’à la condition que les fonds soient situés en milieu urbain, l’article 663 visant « les villes et les faubourgs».
- Il en résulte que cette obligation n’est pas applicable en zone rurale.
- En l’absence de définition des notions de villes et faubourgs, c’est au juge qu’il appartient d’apprécier la configuration de la zone dans laquelle sont situés les fonds concernés.
- Des fonds affectés à l’usage d’habitation
- Seuls les fonds affectés à l’usage d’habitation relèvent du domaine d’application de l’article 663 du Code civil ( req. 28 févr. 1905).
- Des fonds contigus
- La jurisprudence exige que les fonds soient contigus, faute de quoi l’article 663 est inapplicable ( req. 1er juill. 1857).
- Lorsque, dès lors, les deux fonds sont séparés par un espace qui ne leur appartient pas, aucune clôture ne pourra être imposée par un propriétaire à l’autre.
- L’absence de mur existant
- Il s’infère de l’article 663 qu’un propriétaire ne peut contraindre son voisin à ériger une clôture qu’à la condition qu’aucun mur ne sépare déjà les deux fonds.
- L’objectif recherché par le texte est de forcer l’édification d’une clôture et non l’acquisition de la mitoyenneté d’un mur (V. en ce sens Req. 25 juill. 1928).
c) Effets
==> Le partage des frais de construction
L’exercice de la faculté prévue à l’article 663 du Code civil a pour effet de contraindre le propriétaire du fonds voisin à « contribuer aux constructions et réparations de la clôture faisant séparation de leurs maisons, cours et jardins ».
Il s’infère de la règle ainsi poser que les frais de construction doivent être partagés à parts égales entre les propriétaires des deux fonds, étant précisé que le montant des frais s’évalue au jour de la construction.
La clôture alors édifiée sera mitoyenne de sorte que les propriétaires seront copropriétaires de l’ouvrage.
==> Les caractéristiques de la clôture
S’agissant des caractéristiques de la clôture, elles sont envisagées par l’article 663 qui prévoit que « la hauteur de la clôture sera fixée suivant les règlements particuliers ou les usages constants et reconnus et, à défaut d’usages et de règlements, tout mur de séparation entre voisins, qui sera construit ou rétabli à l’avenir, doit avoir au moins trente-deux décimètres de hauteur, compris le chaperon, dans les villes de cinquante mille âmes et au-dessus, et vingt-six décimètres dans les autres. »
Il ressort du texte que la clôture doit présenter certaines caractéristiques, faute de quoi l’un des propriétaires pourra contraindre l’autre à se conformer aux exigences requises.
- Un mur
- La première exigence tient à la nature de la clôture qui doit consister en un mur, de sorte qu’une simple haie, un grillage ou encore une palissade sont insuffisants
- Dimensions
- Le mur doit être édifié dans le respect de plusieurs dimensions fixées par l’article 663.
- Tout d’abord, il doit être édifié sur la ligne séparative et s’étendre sur toute la longueur de cette ligne.
- Ensuite, le mur doit atteindre une hauteur minimum de 3.20 m pour les villes de 50.000 habitants et plus et 2.60 m dans les autres villes, saufs règlements et usages contraires.
- Les dimensions du mur s’imposent aux propriétaires qu’autant qu’ils n’ont pas trouvé d’accord.
- Il leur est parfaitement loisible de s’entendre sur la nature de la clôture, en privilégiant par exemple l’installation d’un grillage à un mur ainsi que sur ces dimensions, pourvu que l’ouvrage respecte les règles d’urbanisme.