Le Droit dans tous ses états

LE DROIT DANS TOUS SES ETATS

Réforme des sûretés: le cautionnement (présentation sous forme de tableau synthétique)

Le droit des sûretés est l’objet de toutes les attentions chez les juristes depuis la publication de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés.

Cette ordonnance a été prise en application l’article 60 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

L’objectif poursuivi par la réforme est, selon le Rapport au Président de la République qui introduit le texte, de « simplifier le droit des sûretés et renforcer son efficacité, tout en assurant un équilibre entre les intérêts des créanciers, titulaires ou non de sûretés, et ceux des débiteurs et des garants ».

Nous nous focaliserons ici sur les dispositions de l’ordonnance portant réforme du cautionnement.

CAUTIONNEMENTObjet de la réformeTextes
Dispositions généralesDéfinitions• Énonciation des principales définitions nécessaires à la compréhension du cautionnement.

• Aussi, sont définis :
- Le cautionnement
- Le cautionnement légal et judiciaire
- Le cautionnement simple et solidaire
- La certification de caution et le sous-cautionnement
Art. 2288 à 2291-1 C. civ.
Formation et étendue du cautionnementObjet du cautionnement• Reconnaissance de la possibilité de cautionner une dette future pourvu qu’il s’agisse d’une obligation déterminée ou déterminableart. 2292 C. civ.
Caractère accessoire du cautionnement• Réaffirmation du caractère accessoire du cautionnement, en ce que:
- d'une part, il ne peut porter que sur une obligation valable
- d'autre part, il ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur ni être contracté sous des conditions plus onéreuses
art. 2293 et 2296 C. civ.
Caractère exprès du cautionnement• Le cautionnement doit être expressément stipulé, faute de quoi il ne peut être étendu au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté.art. 2294 C. civ.
Étendue du cautionnement aux accessoires• Le cautionnement est étendu, par principe, aux intérêts et autres accessoires de l'obligation garantie.

• La règle est ici généralisée puisqu'elle s'applique, tant aux cautionnements indéfinis, qu'aux cautionnements définis, ce qui n'était pas le cas pour ces derniers sous l'empire du droit antérieur
art. 2295 C. civ.
Mention manuscrite• Regroupement des règles relatives à la mention manuscrite dans le Code civil

• Réaffirmation de l'exigence de mention manuscrite qui demeure une condition de validité du cautionnement

• La règle s'applique désormais à tous les cautionnements souscrits par des personnes physiques quelle que soit la qualité du créancier (professionnel ou non professionnel)

• Abolition de la formule sacramentelle prévue par la loi. La mention doit simplement exprimer, avec suffisamment de précision, la nature et la portée de l'engagement de la caution.

• Il n'est plus nécessaire que la mention soit manuscrite, la seule exigence étant qu'elle soit apposée par la caution. Il en résulte que le cautionnement peut être conclu par voie électronique.
art. 2297 C. civ.
Opposabilité des exceptions• La caution peut désormais peut opposer toutes les exceptions appartenant au débiteur principal, qu'elles soient inhérentes à la dette, ou personnelles à ce dernier, abstraction faite de l'incapacité

• Par dérogation au principe, la caution ne peut se prévaloir des mesures légales ou judiciaires dont bénéficie le débiteur en conséquence de sa défaillance (les délais de grâce d'origine légale ou judiciaire, suspension des poursuites dans le cadre d'une procédure collective etc.)
art. 2298 C. civ.
Devoir de mise en garde• Consécration du devoir de mise en garde qui est issu d'une construction purement prétorienne.

• Cette obligation qui pèse sur les créanciers professionnels, ne joue qu'au profit des seules personnes physiques, peu importe qu'elles soient ou non averties. Les personnes morales non averties sont désormais exclues du domaine de cette protection

• Le devoir de mise en garde est dû au regard de la seule adéquation de l'engagement du débiteur principal avec ses capacités financières. Il n'y a donc plus lieu de vérifier l'adéquation de l'engagement de la caution avec ses ressources, cette exigence relevant du principe de proportionnalité.

• Le manquement au devoir de mise en garde est sanctionné, non plus par la mise en jeu de la responsabilité du créancier, mais par la déchéance de son droit contre la caution à hauteur du préjudice subi par celle-ci.
art. 2299 C. civ.
Principe de proportionnalité• Regroupement des règles relatives à l'exigence de proportionnalité de l'engagement de la caution dans le Code civil

• Réaffirmation de l'application de l'exigence de proportionnalité aux cautionnements souscrits par une personne physique, qu'elle soit avertie ou non, envers un créancier professionnel

• Le principe de proportionnalité ne s'applique pas seulement au cautionnement conventionnel, il joue également pour le cautionnement judiciaire ou légal

• Appréciation de la proportionnalité au jour de la conclusion du cautionnement.

• Suppression de la possibilité pour le créancier de se départir de l'exigence de proportionnalité en cas de retour à meilleure fortune de la caution

• Le manquement au principe de proportionnalité du cautionnement est sanctionné, non plus par la décharge totale de la caution, mais par la réduction du cautionnement au montant à hauteur duquel la caution pouvait s'engager au regard de son patrimoine et de ses revenus.
art. 2300 et 2301 C. civ.
Effets du cautionnementObligation d'information annuelle• Regroupement dans le Code civil des règles relatives à l'obligation d'information annuelle pesant sur le créancier professionnel

• Maintien du domaine de l'obligation: elle s'applique à tous les cautionnements souscrits
- Par une personne physique envers un créancier professionnel
- Par une personne morale envers un établissement de crédit ou une société de financement en garantie d'un concours financier accordée à une entreprise

• Le coût de délivrance de l'information à la caution est désormais supporté par le seul créancier professionnel, ce qui implique qu'il ne peut facturer ce coût, ni à la caution, ni au débiteur principal

• Le manquement à l'obligation d'information annuelle est sanctionné par la déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus depuis la date de la précédente information et jusqu'à celle de la communication de la nouvelle information.
art. 2302 C. civ.
Obligation d'information de la défaillance du débiteur principal• Regroupement dans le Code civil des règles relatives à l'obligation d'information de la défaillance du débiteur principal

• Cette obligation s'applique aux seuls cautionnements souscrits par une personne physique, qu'elle soit ou non avertie, envers un créancier professionnel

• Le manquement à cette obligation d'information est sanctionné par la déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus entre la date du premier incident de paiement non régularisé et celle à laquelle la caution en a été informée.
art. 2303 C. civ.
Obligation d'information due à la sous-caution• Extension des obligations d'information (information annuelle et défaillance du débiteur principal) au sous-cautionnement souscrit par une personne physique

• Cette obligation d'information pèse sur la caution qui communique à ses frais à la sous-caution personne physique les informations qu'elle a reçues en application des articles 2302 et 2303.
art. 2304 C. civ.
Bénéfice de discussion• Reprise de la règle subordonnant l'appel en garantie de la caution à la poursuite préalable du débiteur principal

• L'exigence d'avance par la caution des frais de la discussion est supprimée.
art. 2305 et 2305-1 C. civ.
Bénéfice de division• Reprise des règles relatives au bénéfice de division et notamment celle aux termes de laquelle, lorsque plusieurs personnes se sont portées cautions de la même dette, elles sont chacune tenues pour le tout.art. 2306 à 2306-2 C. civ.
Reste à vivre de la caution• Reprise de la règle posant l'obligation pour le créancier de laisser à la caution actionnée en garantie un minimum de ressources pour vivre.art. 2307 C. civ.
Recours de la caution contre le débiteur principal• S'agissant du recours après paiement

- Reprise et précision des conditions du recours personnel de la caution.
- La caution qui a payé tout ou partie de la dette a un recours personnel contre le débiteur tant pour les sommes qu'elle a payées que pour les intérêts et les frais.
- S'agissant du recours subrogatoire de la caution, si elle ne réalise qu'un paiement partiel, la subrogation ne sera également que partielle, conformément au droit commun de la subrogation personnelle

• S'agissant du recours avant paiement de la caution

- Ce recours est purement et simplement supprimé, le législateur ayant estimé qu'il était couvert par les mesures conservatoires susceptibles d'être sollicitées par la caution auprès du Juge de l'exécution
- Cette suppression ne remet pas en cause la possibilité pour la caution de déclarer sa créance à la procédure collective du débiteur principal, alors même qu'elle n'aurait pas encore payé le créancier
art. 2308 à 2310 C. civ.
Perte du recours de la caution contre le débiteur principal• Reprise et précision de la règle selon laquelle la caution perd son recours contre le débiteur principal si elle a payé la dette sans l'en avertir et si celui-ci l'a acquittée ultérieurement ou disposait, au moment du paiement, des moyens de la faire déclarer éteinte.

• Sous l'empire du droit antérieur, la perte du recours n'était encourue que si la caution avait payé sans être poursuivie par le créancier. Désormais, il est indifférent qu'elle ait ou non été actionnée en paiement par le créancier. Avant de payer, elle doit systématiquement prévenir le débiteur principal.
art. 2311 C. civ.
Effets du cautionnement entre les cautions• Reprise de la règle selon laquelle en cas de pluralité de cautions, celle qui a payé a un recours contre les autres, chacune pour sa part.

• Le texte vise expressément le recours personnel et le recours subrogatoire, ce qui met fin à la thèse défendue par certains auteurs qui soutenaient que le domaine de la règle était cantonné au seul recours personnel.
art. 2312 C. civ.
Extinction du cautionnementCauses d'extinction• Réaffirmation la règle selon laquelle le cautionnement peut s'éteindre
- soit par voie principale, c'est-à-dire pour une cause qui trouve sa source dans les relations entre le créancier et la caution
- soit par voie accessoire, du fait de l'extinction de l'obligation principale
art. 2313 C. civ.
Bénéfice de subrogation• Reprise et clarification du bénéfice de subrogation, qui constitue une cause spécifique d'extinction de l'obligation de règlement de la caution.

• Il est désormais prévu par le texte que si, par sa faute, le créancier a perdu un droit sur lequel la caution pouvait compter dans l'exercice de son recours subrogatoire, celle-ci est déchargée à concurrence du préjudice qu'elle subit

• S'agissant des droits dans lesquels la caution aurait dû être subrogée, le texte ne se limite plus à viser l'hypothèque et les privilèges comme c'était le cas sous l'empire du droit antérieur. Est ainsi consacrée la jurisprudence qui avait admis que tous les droits étaient concernés par la règle.

• L'ordonnance contredit la jurisprudence en prévoyant que la caution ne peut reprocher au créancier son choix du mode de réalisation d'une sûreté.
art. 2314 C. civ.
Résiliation du cautionnement à durée indéterminée• Réaffirmation de la faculté pour la caution de résilier unilatéralement un cautionnement souscrit pour une durée indéterminée, conformément au droit commun des contrats et plus généralement au principe de prohibition des engagements perpétuelsart. 2315 C. civ.
Extinction de l'obligation de couverture• L'ordonnance précise l'étendue de la couverture pour les cautionnements de dettes futures, en distinguant l'obligation de couverture de l'obligatoire de règlement.

• Pratiquement, le texte prévoit qu'il y a lieu de distinguer selon que la dette future est née antérieurement ou postérieurement à la fin du cautionnement
- Les dettes nées antérieurement à l'événement marquant la fin du cautionnement (résiliation, survenance du terme, etc.) demeurent couvertes par le cautionnement, de sorte que pèse toujours sur la caution une obligation de règlement, quand bien même la dette serait exigible postérieurement
- Les dettes nées postérieurement à la fin du cautionnement ne sont plus couvertes, de sorte que plus aucune obligation de règlement ne pèse sur la caution.

• Afin de déterminer si la dette est couverte par le cautionnement, la date à prendre en compte c'est la date de naissance de la créance et non sa date d'exigibilité.
art. 2316 C. civ.
Décès de la caution• Consécration de la jurisprudence en prévoyant que Les héritiers de la caution ne sont tenus que des dettes nées avant le décès.

• Autrement dit, le décès de la caution ne met fin, pour ses héritiers, qu'à l'obligation de couverture de la dette. L'obligation de règlement est maintenue.
art. 2317 C. civ.
Transmission universelle de patrimoine• L'ordonnance précise le sort du cautionnement en cas de dissolution entraînant la transmission universelle du patrimoine de la personne morale du créancier, du débiteur principal ou de la caution.
- S'agissant de la fusion du débiteur principal, elle entraîne l'extinction de l'obligation de couverture de la caution, sauf à ce qu'elle consente à maintenir son engagement au moment de l'opération.
- S'agissant de la fusion du créancier, elle entraîne l'extinction de l'obligation de couverture de la caution, sauf à ce qu'elle consente à maintenir son engagement, soit au moment de l'opération, soit par avance.
- S'agissant de la fusion de la caution, elle est sans incidence sur le cautionnement.
art. 2318 C. civ.
Cautionnement du solde d'un compte courant• S'agissant du cautionnement du solde d'un compte courant ou de dépôt, l'ordonnance prévoit que l'obligation de couverture s'éteint au jour de la fin du cautionnement, de sorte que la caution ne couvre pas les avances consenties postérieurement par l'établissement de crédit créancier au débiteur principal client. .

• C'est donc le solde provisoire au moment de l'extinction du cautionnement qui constitue le maximum de ce que la caution peut être condamnée à payer.

• Quant à l'obligation de règlement son terme est fixé à 5 ans après la fin du cautionnement.
art. 2319 C. civ.
Prorogation du terme de l'obligation principale• Réaffirmation de la règle selon laquelle la prorogation du terme de l'obligation principale ne libère pas la caution.

• La faculté pour la caution d'exercer un recours contre le débiteur principal en cas de prorogation du terme est supprimée.

• En contrepartie, en conformément au principe de l'accessoire, le texte prévoit que la caution peut se prévaloir de cette prorogation pour refuser de payer le créancier avant l'échéance ainsi reportée.

• Par ailleurs, il est rappelé que la caution dispose toujours de la faculté de solliciter la constitution d'une sûreté judiciaire sur tout bien du débiteur à hauteur des sommes garanties, à la condition qu'elle justifie de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de sa créance.
art. 2320 C. civ.

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