Le Droit dans tous ses états

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Le principe de l’unité de la succession

Nonobstant les réformes successives qui ont profondément bouleversé le droit français des successions, celui-ci demeure très marqué par un principe présidant à la détermination des héritiers : c’est le principe de l’unité de la succession.

Selon ce principe, lors du décès d’une personne, l’ensemble de son patrimoine (biens, droits et obligations) est transmis en un seul bloc à ses héritiers ou légataires.

Le choix qui a été fait par les rédacteurs du Code civil en 1804 a été de prévoir que la dévolution successorale devait s’opérer en considération, non pas de la nature et de l’origine des biens composant le patrimoine du défunt, mais de sa parenté.

L’ancien article 732 du Code civil disposait en ce sens que « la loi ne considère ni la nature ni l’origine des biens pour régler la succession. »

Aussi, en tant que continuateurs de la personne du défunt, ses successeurs universels doivent perpétuer la continuité juridique de son patrimoine, ne serait-ce que pour préserver les intérêts des créanciers qui ne doivent pas être privés de leur droit de gage général sur le patrimoine du de cujus.

Aussi, le principe de l’unité de la succession implique-t-il que la succession constitue une universalité de droit, c’est-à-dire un ensemble indissociable de biens et de dettes, l’actif répondant du passif.

Cette idée, déjà présente dans les travaux de Pothier, a par suite été développée par les juristes du XIXe siècles, affirmant que l’héritage devait être considéré dans son ensemble et non pas comme une simple somme de biens individuels.

Aussi, les héritiers reçoivent non seulement les biens et les droits du défunt, mais aussi ses dettes et autres obligations. Ils deviennent co-indivisaires de l’ensemble du patrimoine jusqu’à ce que la succession soit partagée.

Le principe de l’unité de la succession vise à assurer une gestion unifiée et équitable du patrimoine du défunt, évitant ainsi la fragmentation des biens et la complexité qui pourrait résulter d’une transmission séparée des différents éléments du patrimoine. Il reflète également la conception française de la transmission patrimoniale, qui est fondée sur la solidarité familiale et le respect des liens de parenté.

Assez curieusement, lors de la réforme du droit des successions opérée par la loi n°2001-1135 du 3 décembre 2001, l’article 732 du Code civil qui énonçait le principe de l’unité de la succession a été abrogé.

Doit-on interpréter cette suppression, comme la volonté du législateur de remettre en cause le principe de l’unité de la succession ?

La doctrine majoritaire estime qu’il n’en est rien. Le principe de l’unité de la succession, bien qu’il ne bénéficie plus de fondement textuel, demeure toujours en vigueur.

La loi a plutôt modifié certains aspects de la répartition de cette succession unifiée.

En renforçant les droits du conjoint survivant et en établissant l’égalité des enfants, qu’ils soient légitimes ou adultérins, la loi du 3 décembre 2001 a, par exemple, modifié la façon dont la succession unifiée est partagée entre les héritiers. Cela a eu un impact sur la répartition interne de la succession, mais n’a pas altéré le concept de transmission globale du patrimoine.

La loi du 3 décembre 2001 a, par ailleurs, contribué à une meilleure équité dans le traitement des héritiers, reflétant l’évolution des valeurs sociales. Elle a permis une approche plus juste et plus adaptée aux réalités familiales contemporaines, tout en respectant le principe de l’unité de la succession.

Au bilan, le principe de l’unité de la succession a bel et bien survécu aux dernières réformes entreprises par le législateur, il n’en souffre pas moins d’exceptions.

En effet, il est des cas où des biens pourront faire l’objet d’une dévolution à raison de leur nature ou de leur origine. On parle alors de succession anomale.

Classiquement, les successions anomales désignent des cas où certains biens sont dévolus selon des règles spécifiques, souvent en raison de leur nature particulière ou de leur origine. Historiquement, ces successions dérogatoires étaient envisagées comme des exceptions nécessaires pour répondre à des situations spécifiques où l’application rigide du droit commun aurait produit des résultats inéquitables ou contraire aux intentions du défunt ou des parties concernées.

Pour exemple, l’ancien article 747 du Code civil prévoyait un droit de retour légal pour les ascendants qui avaient donné certains biens à leurs enfants décédés sans postérité. Si ces biens se retrouvaient en nature dans la succession, ils étaient réservés exclusivement à ces ascendants. De même, l’article 766 (dans sa version antérieure à 1972) prévoyait un droit de retour pour les frères et sœurs légitimes d’un enfant naturel décédé sans laisser d’ascendants ni de descendants.

Plus récemment, la loi du 3 décembre 2001 a réintroduit et élargi le concept du droit de retour légal, notamment dans l’article 757-3 du Code civil. Ce texte reconnait un droit de retour au conjoint survivant, lorsque notamment, il se trouve en concurrence avec des collatéraux privilégiés pour des biens que le défunt avait reçus par donation ou succession.

On peut encore évoquer l’article 738-2 du Code civil, introduit par la loi du 23 juin 2006, qui octroie un droit de retour au profit des parents qui ont fait des donations à leurs enfants. Ce droit de retour naît lorsque l’enfant décède sans postérité, permettant ainsi aux biens donnés de revenir aux parents donateurs si ces biens existent encore en nature dans la succession du défunt. Ce mécanisme juridique vise à protéger les intérêts patrimoniaux des parents et à assurer que les biens restent dans la famille lorsque la lignée directe s’éteint.

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