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Dévolution légale: les règles gouvernant le classement des héritiers

La dévolution légale est gouvernée par des principes de classement des héritiers, ce qui permet de déterminer ceux qui, parmi les membres du cercle de la parenté, ont vocation à se voir transmettre tout ou partie de la succession.

Si l’on tenait toutefois au seul classement résultant de l’application de ces principes, certaines situations familiales seraient susceptibles de conduire à une distribution inégalitaire des biens du de cujus.

Aussi, afin de garantir que la succession soit distribuée de façon équitable entre tous les héritiers, en prenant en compte les différentes situations familiales, ont été institués par le législateur des principes correcteurs.

A) Les règles instituant les principes de classement des héritiers

Les textes établissent un classement des héritiers, selon :

  • D’une part, leur ordre d’appartenance
  • D’autre part, leur degré de parenté avec le de cujus.

Aucune distinction n’est faite, en revanche, selon l’état des personnes successibles.

1. Le classement des héritiers selon l’ordre

Afin de déterminer qui du cercle des parents successibles a vocation à hériter, le Code civil réalise un premier classement de ces derniers selon leur ordre d’appartenance.

Ce dispositif consiste à répartir les héritiers, en fonction de la nature du lien de parenté qu’ils entretenaient avec le de cujus, en plusieurs ordres, lesquels ordres forment un système hiérarchique.

Cette hiérarchie détermine l’ordre de priorité des différents groupes d’héritiers qui sont appelés à hériter.

Ainsi, les héritiers relevant d’un ordre supérieur ont vocation à primer sur les héritiers appartenant aux ordres subséquents, quand bien même ils seraient plus éloignés du de cujus en degré.

a. La composition des ordres d’appartenance des héritiers

La composition des ordres d’héritiers est établie par l’article 734 du Code civil qui institue quatre ordres distincts :

  • Premier ordre
    • Cet ordre regroupe l’ensemble des descendants en ligne directe du de cujus.
    • Autrement dit, appartiennent à cet ordre les enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants etc.
  • Deuxième ordre
    • Cet ordre réunit :
      • D’une part, les pères et mères du de cujus (ascendants privilégiés)
      • D’autre part, les frères et sœurs ainsi que leurs descendants (collatéraux privilégiés)
  • Troisième ordre
    • Cet ordre se compose de l’ensemble des ascendants en ligne directe autres que les pères et mères.
    • Sont ici visés les grands-parents et arrière-grands-parents, lesquels sont également appelés ascendants ordinaires, par opposition aux ascendants privilégiés que sont les père et mère.
  • Quatrième ordre
    • Cet ordre réunit les collatéraux autres que les frères et sœurs et les descendants de ces derniers.
    • Il s’agit, autrement dit, de tous les collatéraux ordinaires (oncles et tantes, cousins et cousines etc.)

b. La hiérarchie des ordres d’appartenance des héritiers

Les ordres d’héritiers sont donc classés hiérarchiquement, de sorte les héritiers appartenant aux ordres supérieurs sont préférés aux membres des ordres subséquents.

Ainsi, tandis que les héritiers relevant du premier ordre siègent au sommet de la hiérarchie des successibles, ceux appartenant au quatrième ordre ne pourront être appelés à succéder au de cujus qu’en l’absence d’héritiers relevant des trois autres ordres.

À cet égard, l’héritier d’un ordre supérieur sera toujours préféré aux membres d’un ordre inférieur, quand bien même il serait plus éloigné du de cujus en degré. L’appartenance à un ordre prime sur le degré de proximité avec le défunt.

Envisageons la hiérarchie instituée par l’article 734 du Code civil sous l’angle de chaque ordre.

i. Le premier ordre ou l’ordre des descendants en ligne directe

Le premier ordre se compose donc de tous les descendants en ligne directe du de cujus.

Parce qu’ils appartiennent à l’ordre situé le plus haut dans la hiérarchie, ils excluent tous les autres parents, qu’il s’agisse des ascendants ou des collatéraux.

L’article 735 du Code civil prévoit, en ce sens que, « les enfants ou leurs descendants succèdent à leurs père et mère ou autres ascendants […] ».

ii. Le deuxième ordre ou l’ordre des ascendants et collatéraux privilégiés

Le deuxième ordre réunit les père et mère (ascendants privilégiés), mais également les frère et sœur ainsi que leurs descendants (collatéraux privilégiés).

Parce que cet ordre est composé de parents en ligne directe et de parents en ligne collatérale, il est qualifié ordre mixte.

Quoi qu’il en soit, les membres du deuxième ordre ont vocation à être appelés à la succession dans l’hypothèse où le de cujus ne laisse « aucune postérité », soit aucun descendant en ligne directe. Ils ne sont toutefois pas placés sur un pied d’égalité.

En effet, leurs positions respectives dans la hiérarchie au sein du deuxième ordre diffèrent, selon que le de cujus laisse ou non des collatéraux privilégiés et selon que ses pères et mère lui survivent.

Aussi, cet ordre présente la particularité de voir le classement de ses membres déroger à la règle du degré. La succession est dévolue, non pas, au successible ayant le degré de parenté le plus proche avec le défunt, mais selon une règle de partage forfaitaire.

L’article 738 du Code civil prévoit notamment que « lorsque les père et mère survivent au défunt et que celui-ci n’a pas de postérité, mais des frères et sœurs ou des descendants de ces derniers, la succession est dévolue, pour un quart, à chacun des père et mère et, pour la moitié restante, aux frères et sœurs ou à leurs descendants ».

iii. Le troisième ordre ou l’ordre des ascendants ordinaires

Le troisième ordre réunit tous les ascendants en ligne directe du de cujus autres que ses père et mère, soit les grands-parents, les arrière-grands-parents, les arrière-arrière-grands-parents etc.

Les membres de cet ordre ont vocation à être appelés à la succession en l’absence d’héritiers relevant des deux premiers ordres (art. 739 C. civ.)

Autrement dit, la succession ne pourra leur être dévolue qu’en l’absence :

  • D’une part, de descendants en ligne directe
  • D’autre part, d’ascendants et de collatéraux privilégiés

Si ces conditions sont réunies, les ascendants ordinaires recueilleront l’intégralité de la succession. Ils excluent alors tous les autres parents et notamment les collatéraux ordinaires.

iv. Le quatrième ordre ou l’ordre des collatéraux ordinaires

==>Principe

Le quatrième ordre regroupe les collatéraux ordinaires. Cet ordre se situe au plus bas de la hiérarchie, ce qui signifie que ses membres sont en dernière position parmi les personnes susceptibles d’être appelées à la succession.

L’article 740 du Code civil prévoit en ce sens que « à défaut d’héritier des trois premiers ordres, la succession est dévolue aux parents collatéraux du défunt autres que les frères et sœurs et les descendants de ces derniers. »

Les collatéraux ordinaires n’ont ainsi vocation à recueillir la succession qu’en l’absence :

  • D’une part, de descendants en ligne directe
  • D’autre part, d’ascendants et de collatéraux privilégiés
  • Enfin, d’ascendants ordinaires

==>Limite

Le quatrième ordre présente la particularité de compter parmi ses membres un nombre de personnes limitées, ce qui représente là une différence majeure avec les trois autres ordres dont les membres peuvent, potentiellement, être appelés à la succession à l’infini pourvu qu’ils soient vivants au jour de la mort du de cujus.

À cet égard, l’article 745 du Code civil prévoit que les collatéraux ordinaires « ne succèdent pas au-delà du sixième degré ».

Cette limite a été instituée par la loi du 31 décembre 1917. Avant cette loi, le droit à hériter s’étendait jusqu’au douzième degré de parenté collatérale, ce qui signifie que des membres très éloignés de la famille pouvaient prétendre à une part de l’héritage.

Dorénavant, le cercle des collatéraux ordinaires pouvant être appelés à la succession voit son périmètre réduit au sixième degré.

La réforme entreprise par le législateur en 1917 est intervenue dans un contexte de changements sociaux et économiques profonds. La Première Guerre mondiale a eu un impact dévastateur, causant la mort de millions de personnes et laissant de nombreuses familles sans soutien.

Aussi, la gestion des successions était-elle devenue un enjeu crucial, notamment pour assurer une répartition plus équitable des biens et faciliter la transmission du patrimoine aux proches du défunt.

La réforme avait donc pour objectif de rationaliser et de simplifier le droit des successions. En limitant le droit d’héritage aux six premiers degrés de parenté collatérale, la loi visait, en effet, à prévenir les litiges successoraux qui pouvaient surgir lorsque des parents éloignés se trouvaient en position d’héritiers. Cela permettait également d’accélérer le règlement des successions et de favoriser les héritiers plus proches du défunt, considérés comme ayant des liens familiaux et affectifs plus forts.

Les auteurs de l’époque ont largement débattu de cette réforme. Certains y voyaient une modernisation nécessaire du droit des successions, permettant une transmission du patrimoine plus conforme aux réalités sociales et familiales de l’époque. D’autres exprimaient des réserves, craignant que la restriction ne désavantage certains membres de la famille élargie qui, bien que plus éloignés, pourraient être dans le besoin ou avoir entretenu des relations étroites avec le défunt.

En tout état de cause, la limitation au sixième degré a eu un impact profond sur la pratique du droit des successions en France. Elle a contribué à orienter les héritages sur le noyau familial plus proche, reflétant ainsi les structures familiales et les valeurs sociétales de l’époque.

2. Le classement des héritiers selon le degré

Après avoir établi le classement des héritiers selon leur ordre d’appartenance, il reste à déterminer qui parmi les membres de l’ordre sélectionné sera appelé à la succession.

Afin de classer les héritiers à l’intérieur d’un ordre, il y a lieu de faire application de la règle du degré.

Cette règle permet d’établir l’ordre de priorité des héritiers appartenant à un même ordre dans l’appel à la succession.

Pour Jean Carbonnier « le classement par degré est une règle d’attribution essentielle en droit des successions, elle vise à garantir une distribution équitable des biens du défunt entre les membres de sa famille, en accordant une priorité aux plus proches parents ».

a. Notions

Le classement des héritiers selon leur degré est un système qui repose sur le calcul de la proximité de la relation de parenté entre le défunt et ses héritiers.

La première question qui immédiatement se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par degré.

Pour le déterminer, il convient de se reporter à l’article 741 du Code civil qui prévoit que « la proximité de parenté s’établit par le nombre de générations ; chaque génération s’appelle un degré ».

Ainsi, le degré de parenté n’est autre que l’unité de mesure permettant de calculer la distance généalogique entre deux personnes, chaque génération correspondant à un degré.

L’article 742 du Code civil précise que la suite des degrés forme la ligne. Cette ligne peut être directe ou collatérale :

  • La ligne est qualifiée de directe lorsqu’elle est formée par une suite des degrés entre personnes qui descendent l’une de l’autre
  • La ligne est qualifiée de collatérale lorsqu’elle est formée par la suite des degrés entre personnes qui ne descendent pas les unes des autres, mais qui descendent d’un auteur commun.

b. La computation des degrés

S’agissant de la computation des degrés, le Code civil distingue selon que l’héritier se situe, par rapport au de cujus, en ligne directe ou en ligne collatérale.

  • La computation des degrés en ligne directe
    • L’article 743, al. 1er du Code civil prévoit que, en ligne directe, on compte autant de degrés qu’il y a de générations entre les personnes : ainsi, l’enfant est, à l’égard du père et de la mère, au premier degré, le petit-fils ou la petite-fille au second ; et réciproquement du père et de la mère à l’égard de l’enfant et des aïeuls à l’égard du petit-fils ou de la petite-fille ; ainsi de suite.

  • La computation des degrés en ligne collatérale
    • L’article 743, al. 2e et 3e prévoit que, en ligne collatérale, les degrés se comptent par génération, depuis l’un des parents jusques et non compris l’auteur commun, et depuis celui-ci jusqu’à l’autre parent.
    • Ainsi, les frères et sœurs sont au deuxième degré ; l’oncle ou la tante et le neveu ou la nièce sont au troisième degré ; les cousins germains et cousines germaines au quatrième ; ainsi de suite.

c. Les règles de classement selon le degré

i. Principes

Le classement des héritiers selon leur degré de parenté avec le de cujus est gouverné par trois principes directeurs :

  • Subsidiarité du classement par degré
    • Il s’infère de la combinaison des articles 734 et 744 du Code civil que le classement des héritiers par ordre prime sur le classement par degré.
    • Aussi, le classement des héritiers par degré n’est que subsidiaire, en ce sens qu’il n’a vocation à jouer qu’à l’intérieur d’un ordre.
    • Cela signifie qu’un parent relevant d’un ordre supérieur sera toujours préféré à un parent appartenant à un ordre inférieur, quand bien même ce dernier serait plus proche du de cujus en degré.
    • À titre d’illustration, supposons un de cujus qui laisserait derrière lui une petite-fille et son père.
    • Quand bien même le père du défunt est plus proche de celui-ci en degré (1er degré en ligne directe ascendante), c’est la petite-fille (2e degré en ligne directe descendante) qui a vocation à hériter dans la mesure où elle relève du premier ordre, tandis que les ascendants privilégiés appartiennent au deuxième ordre.
    • Au bilan, les héritiers sont d’abord classés selon l’ordre successoral prévu par la loi. Puis, si aucun héritier n’appartient au même ordre, alors on passe au classement par degré.
  • Proximité du degré de parenté
    • L’article 744, al. 1er du Code civil prévoit que « dans chaque ordre, l’héritier le plus proche exclut l’héritier plus éloigné en degré. »
    • Il ressort de cette disposition que, au sein d’un même ordre, afin de déterminer l’ordre dans lequel les héritiers sont appelés à la succession, il y a lieu de procéder à un classement selon leur proximité de parenté avec le de cujus.
    • La priorité est donnée à l’héritier qui est le plus proche du défunt en degré.
    • Pratiquement, cela signifie que les enfants seront toujours préférés aux petits-enfants, les parents aux frères et sœurs, les oncles et tantes aux cousins et cousines, etc.
  • Répartition de la succession
    • Deux situations doivent être distinguées :
      • Le classement selon le degré désigne un seul successible
        • Dans l’hypothèse où le plus au rang du classement par degré est occupé par un seul héritier, la succession lui revient dans son intégralité.
        • Il n’est procédé à aucun partage avec les héritiers de rang subséquent.
        • Gérard Cornu justifie cette règle en avançant qu’« elle s’appuie sur l’idée que la volonté du défunt serait, en l’absence d’indications contraires, de privilégier la transmission de son patrimoine à l’héritier le plus proche ».
        • De son côté, Pierre Catala a pu soutenir que l’exclusion des héritiers de rang subséquent dans le cadre du classement par degré « reflète une rationalité juridique et sociale, visant à simplifier la succession et à éviter les conflits potentiels entre héritiers de différents degrés. Elle souligne l’importance accordée par le législateur à la clarté et à la prévisibilité dans la transmission des biens à la génération suivante ».
      • Le classement selon le degré désigne plusieurs successibles
        • Dans l’hypothèse où plusieurs successibles se trouvent à égalité de degré, l’article 744, al. 2e du Code civil prévoit que « les héritiers succèdent par égale portion et par tête. »
        • Ainsi, lorsque plusieurs successibles occupent le rang le plus haut dans le classement par degré, la succession est partagée équitablement entre ces derniers.
        • Pour François Terré, « le principe d’égalité entre les héritiers du même degré s’inscrit dans une volonté de justice distributive, assurant une équité entre les membres de la famille. Ce principe reflète l’idéal républicain d’égalité devant la loi et devant les charges comme les bénéfices de la succession ».

ii. Exception

Le classement des héritiers au sein d’un même ordre selon la règle du degré souffre d’une dérogation lorsqu’il y a lieu de départager des successibles appartenant au deuxième ordre.

En effet, dans cette hypothèse, le classement s’opère, non pas selon la règle du degré, mais selon une règle de partage forfaitaire.

Pour mémoire, le deuxième ordre réunit :

  • D’une part, les père et mère (ascendants privilégiés)
  • D’autre part, les frère et sœur ainsi que leurs descendants (collatéraux privilégiés)

Les positions respectives de ces derniers dans la hiérarchie au sein du deuxième ordre diffèrent, selon que le de cujus laisse ou non des collatéraux privilégiés et selon que ses pères et mère lui survivent.

Aussi, il ressort de la combinaison des articles 736, 737 et 738 du Code civil que deux situations doivent être distinguées :

==>Le de cujus ne laisse aucun collatéral privilégié

Lorsque le défunt ne laisse ni postérité, ni frère, ni sœur, ni descendants de ces derniers, l’article 736 du Code civil prévoit que ses père et mère lui succèdent, chacun pour moitié.

Ainsi, la succession sera-t-elle intégralement dévolue aux ascendants privilégiés du de cujus.

Les ascendants et collatéraux ordinaires sont quant à eux totalement exclues du partage.

==>Le de cujus laisse un ou plusieurs collatéraux privilégiés

Lorsque le défunt laisse un ou plusieurs collatéraux privilégiés derrière lui, il y a lieu de distinguer selon que ses père et mère lui ont ou non survécu :

  • Les père et mère du défunt n’ont pas survécu au de cujus
    • L’article 737 du Code civil prévoit que lorsque les père et mère sont décédés avant le défunt et que celui-ci ne laisse pas de postérité, les frères et sœurs du défunt ou leurs descendants lui succèdent, à l’exclusion des autres parents, ascendants ou collatéraux.
    • Ainsi, la succession sera-t-elle dévolue en intégralité à l’ensemble des frères et sœurs du défunt et, le cas échéant à leurs descendants.

  • Les père et mère du défunt ont l’un et/ou l’autre survécu au de cujus
    • Dans cette hypothèse, il y a lieu de distinguer selon que les père et mère du défunt lui ont tous deux survécu ou selon qu’il en est qu’un seul qui lui a survécu
      • Les pères et mères ont tous deux survécu au défunt
        • L’article 738, al. 1er du Code civil prévoit que lorsque les père et mère ont tous deux survécu au défunt et que celui-ci n’a pas de postérité, mais des frères et sœurs ou des descendants de ces derniers, la succession est alors dévolue
          • Pour un quart, à chacun des père et mère
          • Pour la moitié restante, aux frères et sœurs ou à leurs descendants
        • Autrement dit, une moitié de la succession est dévolue aux ascendants privilégiés et l’autre moitié aux collatéraux privilégiés.
        • Il s’agit là d’une dévolution forfaitaire qui s’applique sans tenir compte de la règle du degré qui devrait faire primer, en principe, celui qui entretient la plus grande proximité de parenté avec le défunt sur les autres membres de l’ordre.

      • Un seul des père et mère a survécu au défunt
        • L’article 738, al. 2e du Code civil prévoit que, lorsqu’un seul des père et mère survit au défunt, alors la succession est dévolue pour un quart à celui-ci et pour trois quarts restants aux frères et sœurs ou à leurs descendants.
        • Il peut être observé que, en présence de plusieurs collatéraux privilégiés, c’est la règle du degré qui sera appliquée pour les départager.

3. L’absence de distinction fondée sur l’état des personnes successibles

Si, aujourd’hui, il est une évidence selon laquelle l’établissement du classement des héritiers ne saurait être fondé sur l’état des personnes, cela n’a pas toujours été le cas.

==>Époque révolutionnaire

L’abolition des privilèges et la promotion de l’égalité devant la loi après la Révolution française ont profondément transformé le droit des successions, notamment en ce qui concerne le principe de non-discrimination des héritiers selon leur personne. Avant la Révolution, le droit successoral était fortement influencé par le droit coutumier et les privilèges de la noblesse, ce qui entraînait des discriminations, notamment envers les femmes et les enfants nés hors mariage.

La Révolution française a aboli les privilèges liés à la naissance, affirmant le principe d’égalité de tous devant la loi. Cela a eu un impact direct sur les successions, où désormais aucun héritier ne pouvait être privilégié ou désavantagé en raison de son statut social ou de son origine.

L’abolition des privilèges féodaux et nobiliaires lors le 4 août 1789 a notamment entraîné la suppression des règles qui permettaient aux familles nobles de transmettre leurs biens exclusivement à l’aîné ou selon des lignes de succession privilégiées.

==>Le Code civil de 1804

Avec l’adoption du Code civil en 1804, un nouveau système de droit des successions a été mis en place, fondé sur les principes d’égalité et d’universalité.

Cela a marqué un changement radical par rapport aux pratiques antérieures, en assurant que les biens du défunt soient répartis équitablement entre ses enfants, sans distinction de sexe ou de rang de naissance.

L’article 745 du Code napoléonien disposait en ce sens que « les enfants ou leurs descendants succèdent à leurs père et mère, aïeuls, aïeules, ou autres ascendants, sans distinction de sexe ni de primogéniture, et encore qu’ils soient issus de différents mariages ».

Reste que l’égalité n’était pas totale, une distinction subsistait entre enfants fondée sur la nature de leur lien de filiation avec le de cujus.

Aussi, postérieurement à l’adoption du Code civil, le législateur s’est-il attaché à progressivement renforcer les droits des enfants naturels et des enfants adoptés dans la succession.

a. L’égalité entre enfants légitimes, enfants naturels et enfants adultérins

==>Notions

Sous l’empire du droit antérieur, la vocation successorale des enfants du de cujus différait selon qu’ils étaient qualifiés de légitimes, naturels ou adultérins.

  • L’enfant légitime
    • Il s’agit de l’enfant né de parents unis par le mariage.
    • La légitimité confère de plein droit à l’enfant une reconnaissance juridique de la filiation à l’égard de ses deux parents, ainsi que des droits sur la succession.
  • L’enfant naturel
    • Il s’agit d’un enfant né de parents qui ne sont pas mariés l’un à l’autre au moment de sa naissance.
    • Historiquement, les enfants naturels étaient distingués des enfants légitimes, principalement en raison du statut matrimonial de leurs parents.
    • Les enfants naturels étaient souvent désignés sous le terme d'”enfants illégitimes”, bien que cette terminologie soit de moins en moins utilisée en raison de ses connotations négatives et de l’évolution du droit visant à assurer l’égalité entre tous les enfants, quelles que soient les conditions de leur naissance.
  • L’enfant adultérin
    • Il s’agit de l’enfant né d’une relation extraconjugale, c’est-à-dire issu d’un adultère.
    • Les enfants adultérins se distinguent des
      • D’une part, des enfants légitimes, puisque nés de parents mariés entre eux
      • D’autre part, des enfants naturels, lesquels sont nés de parents non mariés mais dont la relation n’était pas considérée comme adultérine.
    • Pendant longtemps, il était fait interdiction aux enfants adultérins d’établir leur filiation, ce qui, par voie de conséquence, les privait de tout droit sur la cession.
    • Ce traitement particulier réservé aux enfants adultérins trouvait sa source dans la manière – négative – dont la loi et la société percevaient l’adultère.

==>Évolution

  • Le Code civil de 1804
    • En 1804 les rédacteurs du Code civil opéraient donc une différence de traitement entre les enfants légitimes, les enfants naturels et les enfants naturels.
    • Tandis que les enfants légitimes étaient de plein droit investis de tous les droits dans la succession du de cujus, les enfants naturels et adultérins se trouvaient en position nettement moins favorables.
      • S’agissant des enfants naturels
        • L’ancien article 756 du Code civil posait le principe selon lequel les enfants naturels ne pouvaient pas être héritiers.
        • Plus précisément, la loi ne leur accorde de droits sur les biens de leur père ou mère décédés que lorsqu’ils étaient légalement reconnus.
        • Le Code civil ne leur accordait, en revanche aucun droit sur les biens des parents de leur père ou mère.
        • L’article 757 précisait que les droits de l’enfant naturel dans la succession étaient :
          • En présence d’enfants légitimes, d’un tiers de la portion héréditaire que l’enfant naturel aurait eue s’il eût été légitime ;
          • En présence d’ascendants ou des frères ou sœurs, de la moitié de la portion héréditaire
          • En présence de collatéraux ordinaires, des trois quarts de la portion héréditaire.
        • Ce n’est que si ses père ou mère ne laissaient pas de parents au degré successible que l’enfant naturel pouvait percevoir l’intégralité de la succession.
      • S’agissant des enfants adultérins
        • L’article 762 ne leur reconnaissait qu’un droit de créance aliments contre la succession.
        • Dans la mesure où il leur était fait interdiction d’établir leur filiation, ils étaient privés de toute vocation successorale, ce qui, concrètement, les reléguait quasiment au rang de tiers à la succession.
  • La loi du 03 janvier 1972
    • La loi n°72-3 du 03 janvier 1972 représente une étape décisive dans l’évolution de l’égalité quant aux vocations successorales des enfants.
    • Cette dernière a reconnu aux enfants naturels les mêmes droits successoraux que ceux dont sont investis les enfants légitimes.
    • Désormais, les enfants naturels peuvent donc hériter de leurs parents biologiques dans les mêmes conditions que les enfants nés dans le cadre d’un mariage.
    • Par ailleurs, s’agissant des enfants adultérins, la loi ne les évince plus de la succession ; elle leur reconnaît le droit d’hériter.
    • Toutefois, l’ancien article 760 du Code civil précisait que, en cas de concours, avec des enfants légitimes, les enfants adultérins ne pouvaient recevoir « que la moitié de la part à laquelle il aurait eu droit si tous les enfants du défunt, y compris lui-même, eussent été légitimes ».
  • La loi du 03 décembre 2001
    • Bien que la réforme opérée par loi du 3 janvier 1972 ait marqué une étape significative vers l’égalité des droits des enfants quelle que soit la nature de leur lien de filiation avec le de cujus, certaines différences de traitement subsistaient toujours
    • Il a fallu attendre des réformes ultérieures, notamment la loi du 3 décembre 2001 pour abolir complètement les distinctions fondées sur la naissance et réaliser une égalité complète.
    • Cette loi a été adoptée sous l’impulsion de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui, dans un célèbre arrêt Mazurek rendu en date du 1er février 2000, a condamné la France au motif que la différence de traitement subie par les enfants adultérins portait atteinte à l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme qui prohibe toute discrimination fondée notamment sur la jouissance des droits dans la naissance.
    • Souhaitant se conformer à la décision rendue par la Cour de Strasbourg, le législateur est donc intervenu le 3 décembre 2001 aux fins d’abolir les dernières discriminations instituées par la loi entre enfants légitimes, naturels, et adultérins.
    • Il en est résulté l’introduction dans le Code civil d’un article 733 qui prévoyait que « la loi ne distingue pas entre la filiation légitime et la filiation naturelle pour déterminer les parents appelés à succéder ».
    • Par suite, ce texte a été modifié par l’ordonnance n°2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation, le législateur ayant souhaité définitivement bannir du Code civil les qualificatifs d’enfants naturels, enfants légitimes et enfants adultérins.
    • Dans sa nouvelle formulation, le nouvel article 733 dispose que « la loi ne distingue pas selon les modes d’établissement de la filiation pour déterminer les parents appelés à succéder. »
    • Il est complété par l’article 735 qui prévoit que « les enfants ou leurs descendants succèdent à leurs père et mère ou autres ascendants, sans distinction de sexe, ni de primogéniture, même s’ils sont issus d’unions différentes. »
    • Désormais, il existe une égalité parfaite entre tous les enfants ; la loi leur reconnaît une vocation successorale identique, exception faite des enfants issus d’un inceste, l’article 310-2 du Code civil interdisant formellement que leur filiation soit établie par quelque moyen que ce soit.

b. L’égalité entre enfants légitimes et enfants adoptés

==>Le Code civil de 1804

Lors de sa promulgation, le Code civil de 1804 ne reconnaissait quasiment aucun droit aux enfants adoptés, sauf à ce qu’ils fassent l’objet d’une légitimation.

Tout au plus, ces derniers pouvaient bénéficier de dispositions testamentaires en leur faveur, mais ils n’étaient pas automatiquement comptés dans la succession de l’adoptant comme des enfants biologiques.

L’adoption était perçue plus comme un moyen pour des personnes sans enfants de léguer leurs biens et d’assurer leur nom que comme un moyen de créer une véritable relation parent-enfant ; d’où l’indifférence du législateur s’agissant de la situation juridique de l’enfant adopté.

==>La loi du 11 juillet 1966

Loi du 11 juillet 1966, qui a introduit l’adoption plénière dans le Code civil, a marqué un tournant en reconnaissant à l’enfant adopté des droits successoraux équivalents à ceux d’un enfant biologique dans la famille adoptive.

L’adoption plénière rompt les liens de l’enfant avec sa famille biologique et l’intègre pleinement dans sa nouvelle famille, y compris en matière de succession.

==>La loi du 3 décembre 2001

En s’attaquant à la question de l’égalité des droits successoraux entre les enfants légitimes et naturels, la loi du 3 décembre 2001 a indirectement consolidé la position des enfants adoptés, en affirmant le principe d’égalité de traitement au sein de la famille, quelle que soit l’origine de la filiation.

Ainsi, désormais, plus aucune distinction n’est faite entre les enfants biologiques et les enfants adoptés (art. 733 C. civ.).

Une différence existe néanmoins, bien que ténue, entre l’enfant ayant fait l’objet d’une adoption plénière et l’enfant ayant fait l’objet d’une adoption simple :

  • L’enfant ayant fait l’objet d’une adoption plénière
    • Pour mémoire, l’adoption plénière crée un lien de filiation irrévocable entre l’adopté et les adoptants, rompant alors le lien de filiation entre l’adopté et sa famille biologique.
    • Il en résulte deux conséquences :
      • D’une part, l’enfant adopté bénéficie des mêmes droits successoraux que les enfants biologiques de l’adoptant. Il est considéré à tous égards comme un enfant biologique de l’adoptant et entre dans sa famille, ayant droit à hériter sur un même pied d’égalité que tout enfant biologique.
      • D’autre part, l’adoption plénière entraîne la rupture des liens juridiques avec la famille biologique, ce qui signifie que l’enfant adopté n’a plus de droits successoraux vis-à-vis de sa famille d’origine.
  • L’enfant ayant fait l’objet d’une adoption simple
    • La situation de l’enfant adopté simple est nécessairement particulière dans la mesure où il bénéficie d’une double filiation, ce qui lui confère une position unique dans le droit des successions.
    • Il peut hériter tout à la fois dans sa famille biologique et dans sa famille adoptive.
      • Les droits de l’enfant adopté dans sa famille adoptive
        • L’enfant adopté par adoption simple a le droit d’hériter de ses parents adoptifs tout comme un enfant biologique (art. 365 C. civ.)
        • Il est donc intégré dans l’ordre successoral de la famille adoptive.
        • L’article 365 du Code civil prévoit toutefois que « l’adopté et ses descendants n’ont cependant pas la qualité d’héritier réservataire à l’égard des ascendants de l’adoptant. ».
        • Cela signifie que, l’adoptant peut l’exhéréder en cas de concours avec des ascendants.
        • C’est là une différence majeure avec l’adoption plénière qui confère à l’enfant adopté la qualité d’héritier réservataire dans sa famille adoptive.
      • Les droits de l’enfant adopté dans sa famille biologique
        • L’adoption simple ne rompt pas les liens de filiation entre l’enfant et sa famille biologique.
        • L’enfant adopté conserve donc tous ses droits successoraux dans sa famille d’origine, pouvant ainsi hériter de ses parents biologiques et autres membres de sa famille biologique selon les règles du droit commun des successions.

B) Les règles corrigeant les principes de classement des héritiers

La dévolution légale a été pensée par le législateur comme un dispositif visant à assurer :

  • D’un côté, une distribution juste et équilibrée des biens du défunt
  • D’un autre côté, une répartition de la succession fidèle à la hiérarchie familiale et aux liens de parenté

À cet égard, si l’on se livrait à une application stricte du classement des héritiers selon l’ordre et le degré, cela serait susceptible de conduire à deux sortes d’inégalités

  • Une inégalité entre branches
  • Une inégalité entre souches

Aussi, afin d’atténuer ces inégalités, deux mécanismes correcteurs ont été institués par les rédacteurs du Code civil : la fente et la représentation.

Tandis que la fente vise à corriger les inégalités affectant les branches, la représentation a, quant à elle, vocation à corriger les inégalités susceptibles d’affecter les souches.

1. La fente successorale

==>Un mécanisme correcteur des inégalités entre branches

Supposons un défunt qui n’a pas de descendants, ni de frères et sœurs mais laisse derrière lui, d’un côté son père et, de l’autre côté, ses grands-parents maternels, sa mère étant décédée.

Si l’on s’en tient exclusivement au classement des héritiers selon leur ordre d’appartenance, tous les biens du défunt devraient revenir à son père, dans la mesure où celui-ci relève du deuxième ordre, tandis que les grands-parents relèvent, quant à eux, du troisième ordre. Or ce sont les successibles qui appartiennent à l’ordre le plus élevé qui sont appelés à hériter.

Au cas particulier, la règle de la priorité de l’ordre est manifestement de nature à créer une inégalité entre branches : l’intégralité des biens du défunt devrait être dévolue, selon cette règle, à la branche paternelle, la branche maternelle ne percevant rien.

C’est pour corriger cette inégalité que le législateur a institué le mécanisme de la fente successorale.

Classiquement, la fente se définit comme la technique consistant à diviser une succession en deux parts égales, l’une étant affectée à la branche paternelle, l’autre à la branche maternelle, sans tenir compte de l’origine des biens, chaque portion étant ensuite dévolue à l’héritier le plus proche en degré à intérieur de chaque branche.

L’application du mécanisme de la fente à l’hypothèse prise en exemple conduirait à attribuer la moitié des biens du défunt au père et l’autre moitié aux grands-parents maternels, lesquels percevraient donc ¼ chacun.

Il s’évince de cet exemple que la fente a pour fonction de garantir une équité dans la répartition de la succession, en prenant en considération la structure particulière de la famille du défunt. Ce mécanisme cherche, en somme, à éviter que certaines branches de la famille soient avantagées au détriment d’autres, en raison de leur composition.

Pour ce faire, la fente est susceptible de conduire à deux types de corrections :

  • Premier type de correction
    • Il est des cas où la fente aura pour effet de déroger à la règle de priorité de l’ordre ou du degré.
    • Autrement dit, elle permettra à un ou plusieurs successibles d’une branche de venir concurrencer les successibles de l’autre branche, alors même qu’ils sont moins bien classés selon leur ordre d’appartenance et leur degré de proximité avec le défunt.
    • Supposons, par exemple, que le de cujus laisse derrière lui sa mère et ses grands-parents paternels.
    • Si l’on applique la règle de l’ordre, la mère devrait recueillir l’intégralité de la succession.
    • La fente conduit toutefois à attribuer une moitié de la succession à la mère et l’autre moitié aux grands-parents paternels.
  • Second type de correction
    • Il est des cas où la fente dérogera à la règle d’égalité du partage en présence de successibles de même degré.
    • Supposons que le défunt laisse derrière lui un cousin germain maternel et cinq cousins germains paternels.
    • Si l’on appliquait la règle du partage par tête résultant de l’identité de degré, alors chaque cousin germain devrait recevoir 1/6e de la succession.
    • La fente conduit à un résultat tout à fait différent car, en divisant la succession par moitié entre la branche paternelle et la branche maternelle, celui conduit à attribuer au cousin germain maternel la moitié de la succession, tandis que les cousins paternels ne recevront que 1/5e de la moitié de la succession, soit 1/10e par tête.

Aujourd’hui, le Code civil reconnaît deux sortes de fentes : la fente dite ordinaire et la fente spéciale.

1.1. La fente ordinaire

a. Domaine

  • Les cas relevant du domaine de la fente ordinaire
    • Le mécanisme de la fente ordinaire à vocation à jouer dans deux cas :
      • Premier cas
        • La fente ordinaire produit ses effets lorsque la succession est dévolue à des ascendants appartenant au 3e ordre (art. 747 C. civ.)
        • Dans cette hypothèse, la succession se divise par moitié entre ceux de la branche paternelle et ceux de la branche maternelle.
      • Second cas
        • La fente ordinaire produit ses effets lorsque la succession est dévolue à des collatéraux autres que les frères et sœurs ou leurs descendants, soit à des collatéraux appartenant au 4e ordre.
        • Dans cette hypothèse, la succession elle se divise par moitié entre ceux de la branche paternelle et ceux de la branche maternelle.
  • Les cas exclus du domaine la fente ordinaire
    • Bien qu’aucun texte du Code civil n’exprime cette règle, le mécanisme de la fente ordinaire est écarté dans deux cas :
      • D’une part, en présence de descendants en ligne directe (membres du 1er ordre)
      • D’autre part, en présence de collatéraux privilégiés (membre du 2e ordre)
    • Dans l’une ou l’autre hypothèse, la succession est dévolue aux héritiers désignés, tantôt, par une application stricte la règle de priorité de l’ordre et du degré (en présence de descendants), tantôt par une application de règles forfaitaires (en présence de membres du 2e ordre), sans qu’aucune correction ne soit admise.

b. Mise en œuvre

i. Hypothèse d’une dévolution à des ascendants ordinaires

==>Principes généraux

  • Premier temps (art. 747 C. civ.)
    • La succession se divise par moitié entre ceux de la branche paternelle et ceux de la branche maternelle
  • Second temps (art. 748 C. civ.)
    • Une fois la succession divisée en deux branches, il est procédé à une répartition de la portion attribuée à l’intérieur de chaque branche.
    • Pour ce faire, on établit un classement des héritiers selon leur degré de parenté avec le défunt.
    • L’article 748, al. 1er du Code civil prévoit alors que « dans chaque branche succède, à l’exclusion de tout autre, l’ascendant qui se trouve au degré le plus proche ».
    • Ce sont donc les parents les plus proches du de cujus en degré qui ont vocation à recueillir la portion de la succession affectée à l’une et l’autre branche.
    • En présence de parents du même degré, il est procédé à un partage égal de cette portion de biens.
    • L’article 748, al. 2e prévoit en ce sens que « les ascendants au même degré succèdent par tête. »

==>Cas particuliers

La mise en œuvre de la fente ordinaire soulève deux difficultés que sont la refente et la vacance de branche.

  • La refente
    • Il est de principe que la fente ne peut jouer qu’une seule fois, en ce sens qu’on ne peut jamais procéder à une nouvelle division de la succession entre deux lignes à l’intérieur d’une branche ; c’est ce que l’on appelle la refente.
    • Cette prohibition est tirée de l’adage « fente sur fente ne vaut ». Elle s’évince surtout de l’article 748, al. 1er du Code civil qui précise que la dévolution de la portion de biens attribuée à une branche se faire « à l’exclusion de tout autre ».
    • Concrètement, cela signifie que la fente ne peut intervenir qu’au niveau des branches dont est issu le défunt ; elle ne saurait jouer entre la ligne maternelle et la ligne paternelle de la mère ou du père et plus généralement à toutes les lignes subséquentes.

  • La vacance de branche
    • Quid dans l’hypothèse où le défunt ne laisse des héritiers que dans une seule branche, l’autre branche n’étant représentée par aucun successible, soit parce qu’ils sont tous décédés, soit parce qu’ils ont renoncé à la succession ou sont frappés d’indignité ?
    • Pour le déterminer, il convient de se reporter à au troisième alinéa de l’article 748 du Code civil qui prévoit que « à défaut d’ascendant dans une branche, les ascendants de l’autre branche recueillent toute la succession. »
    • Il en résulte que les ascendants ordinaires ou privilégiés d’une branche ne sauraient être concurrencés par les collatéraux ordinaires de l’autre branche.
    • Autrement dit, dans l’hypothèse où le défunt laisserait derrière lui des ascendants ordinaires sur une branche mais que l’autre branche ne serait représentée que par des collatéraux ordinaires, alors cette seconde branche serait privée de tout droit sur la succession à la faveur de la première branche.
    • On dit alors que la fente se referme ; la succession étant dévolue à une seule branche.

ii. Hypothèse d’une dévolution à des collatéraux ordinaires

==>Principes généraux

  • Premier temps (art. 749 C. civ.)
    • La succession se divise par moitié entre ceux de la branche paternelle et ceux de la branche maternelle
  • Second temps (art. 748 C. civ.)
    • Une fois la succession divisée en deux branches, il est procédé à une répartition de la portion attribuée à l’intérieur de chaque branche.
    • Pour ce faire, on établit un classement des héritiers selon leur degré de parenté avec le défunt.
    • L’article 750, al. 1er du Code civil prévoit alors que « dans chaque branche succède, à l’exclusion de tout autre, le collatéral qui se trouve au degré le plus proche. ».
    • Comme pour les ascendants ordinaires, ce sont donc les collatéraux ordinaires les plus proches du de cujus en degré qui ont vocation à recueillir la portion de la succession affectée à l’une et l’autre branche.
    • En présence de collatéraux ordinaires du même degré, il est procédé à un partage égal de cette portion de biens.
    • L’article 750, al. 2e prévoit en ce sens que « les collatéraux au même degré succèdent par tête. »

==>Cas particuliers

La mise en œuvre de la vente en présence de collatéraux ordinaires est soumise aux mêmes règles spécifiques que celles applicables lorsque la fente joue en présence d’ascendants :

  • La refente
    • la fente ne peut jouer qu’une seule fois, de sorte qu’il ne saurait y avoir refente à l’intérieur d’une banche.
    • Concrètement, cela signifie que la branche maternelle ou la branche paternelle ne saurait être refendue. Il en va de même pour les autres branches subséquentes.
  • La vacance d’une branche
    • En cas d’absence de collatéraux ordinaires sur une branche, la succession est dévolue dans son intégralité à l’autre branche.
    • L’article 750 al. 3e du Code civil prévoit en ce sens que « à défaut de collatéral dans une branche, les collatéraux de l’autre branche recueillent toute la succession. »

1.2. La fente spéciale

==>Domaine

En application de l’article 366 du Code civil, le mécanisme de la fente a vocation à jouer en cas de décès d’un enfant ayant fait l’objet d’une adoption simple.

Le domaine de la fente dans le cadre d’une adoption simple connaître toutefois deux limites :

  • Première limite
    • L’article 366 du Code civil écarte le mécanisme de la fente lorsque l’adopté laisse derrière lui :
      • Soit des descendants
      • Soit un conjoint survivant
  • Seconde limite
    • Le mécanisme de la fente ne peut jouer que pour les biens dont l’acquisition ne résulte pas d’une donation.
    • En effet, l’article 366 du Code civil prévoit en ce sens :
      • D’une part, que les biens donnés par l’adoptant ou recueillis dans sa succession retournent à l’adoptant ou à ses descendants, s’ils existent encore en nature lors du décès de l’adopté, à charge de contribuer aux dettes et sous réserve des droits acquis par les tiers
      • D’autre part, que les biens que l’adopté avait reçus à titre gratuit de ses parents retournent pareillement à ces derniers ou à leurs descendants
    • Autrement dit, les biens reçus à titre gratuit par l’adopté ont vocation à retourner à l’une et l’autre famille selon leur origine.

==>Mise en œuvre

Dans le cadre d’une adoption simple, la fente réalise une division, non pas entre deux branches, mais entre deux familles : la famille biologique et la famille adoptive.

Une fois la fente réalisée entre la famille biologique et la famille adoptive, la dévolution successorale s’opère, à l’intérieur de chaque famille, selon les règles de priorité de l’ordre et du degré.

==>Cas particulier : l’admission de la refente

Dans l’hypothèse où le défunt ne laisserait derrière lui dans l’une ou l’autre famille, que des ascendants ou que des collatéraux ordinaires, alors il pourra être procédé à une nouvelle fente.

Il s’agit là d’une exception au principe « fente sur fente ne vaut ». Dans le cadre d’une adoption simple, il est donc permis, lorsque les conditions sont réunies, de refendre, ce qui conduit à diviser la famille adoptive ou la famille biologique en deux branches.

Enfin, il peut être observé que, en cas de vacances d’une branche à l’intérieur de l’une ou l’autre famille, l’autre branche recueille l’intégralité de la portion qui dévolue à sa famille d’appartenance.

2. La représentation successorale

==>Un mécanisme correcteur des inégalités entre souches

Supposons une mère qui a deux enfants, un fils et une fille, lesquels ont chacun donné naissance à un enfant, soit à un petit-fils pour la fille et une petite-fille pour le fils.

Le fils décède avant la mère qui décède quelques années plus tard, laissant alors derrière elle une fille, un petit-fils et une petite-fille.

Selon la règle de proximité du degré, seul l’héritier au degré le plus proche devrait être désigné comme héritier légitime, ce qui, dans ce cas, désignerait la fille comme seule héritière de sa mère.

Toutefois, la situation serait particulièrement injuste dans la mesure où cela reviendrait à exclure totalement la petite-fille de la succession de sa grand-mère au seul motif que son père est décédé avant sa grand-mère.

L’application de la règle de proximité du degré serait ainsi de nature à créer une inégalité entre les souches. Au cas particulier la souche de la petite-fille serait purement et simplement écartée à la faveur de la souche du petit-fils.

Afin d’empêcher qu’une telle situation ne puisse se produire et donc garantir une stricte égalité entre les souches, le législateur a institué le mécanisme de la représentation.

==>Notion

Classiquement, la représentation se définit comme le mécanisme juridique par lequel les descendants d’un héritier prédécédé sont appelés à succéder en lieu et place de ce dernier, leur permettant d’hériter de la part de succession qui aurait dû lui revenir s’il avait été en vie au moment de l’ouverture de la succession.

L’article 751 du Code civil définit plus simplement la représentation comme « une fiction juridique qui a pour effet d’appeler à la succession les représentants aux droits du représenté ».

L’utilisation du concept fiction dans cette définition peut interroger ; car cela pourrait laisser à penser que la dévolution de la succession au représentant serait fictive. Or il n’en est rien. Le représentant, par le jeu de la représentation, est bien promu au rang occupé par le représenté (prédécédé) aux fins de recueillir en son lieu et place la part qui lui était initialement promise dans la succession.

Comme souligné par Raymond Le Guidec « en vérité, il faut comprendre l’idée de fiction en ce que la loi fait comme si le représenté était encore en vie, puisqu’on calcule ce qu’il aurait eu pour en faire profiter ses propres descendants »[1].

Le jeu de la représentation n’a donc rien de fictif. À cet égard, il convient de ne pas confondre la représentation successorale avec la représentation au sens du droit des obligations.

En cette matière, la représentation peut être définie comme « l’action consistant pour une personne investie à cet effet d’un pouvoir légal, judiciaire ou conventionnel (le représentant), d’accomplir au nom et pour le compte d’une autre – incapable ou empêchée (le représenté) – un acte juridique dont les effets se produisent sur la tête du représenté »[2].

Aussi, se distingue-t-elle très nettement de la représentation que l’on rencontre en droit des successions. La différence entre les deux mécanismes tient à leurs finalités et leurs effets respectifs qui diffèrent radicalement :

  • S’agissant de la représentation au sens du droit des obligations
    • Elle vise à permettre à une personne, le représentant, d’accomplir des actes juridiques, au nom et pour le compte d’une autre personne, le représenté.
    • Ici la représentation a pour effet de lier juridiquement le représenté à l’acte effectué par le représentant comme s’il l’avait personnellement accompli.
    • En d’autres termes, l’acte accomplit par le représentant produit ses effets sur le représenté.
  • S’agissant de la représentation successorale
    • Elle vise à hisser le représentant au rang du représenté afin qu’il prenne sa place dans la succession.
    • Ici la représentation produit des effets sur la tête, non pas du représenté, mais du représentant.
    • Le représentant vient aux droits du représentés dans la succession en son lieu en place, de telle sorte qu’il devient personnellement titulaire de ces droits.

==>Finalité

À l’analyse, le mécanisme de la représentation vise à permettre la transmission de la succession de manière linéaire et équitable, en veillant à ce que les droits de succession soient préservés au sein de la lignée descendante de l’héritier empêché.

Au fond, la représentation a été conçue pour maintenir l’intégrité et la continuité du patrimoine familial à travers les générations, en assurant que tous les descendants puissent bénéficier équitablement de l’héritage, indépendamment des aléas de la vie ou de la mort.

La finalité de la représentation vise, en d’autres termes, à corriger les effets potentiellement injustes du décès prématuré d’un héritier, en garantissant que ses descendants ne soient pas injustement privés de l’héritage auquel leur parent aurait eu droit.

L’application du mécanisme de la représentation à l’hypothèse prise en exemple conduira à attribuer la moitié des biens de la défunte à sa fille et l’autre moitié à sa petite-fille.

Il peut être observé que, si la représentation a pour effet de promouvoir un héritier à un rang supérieur dans le classement des successibles par degré, il serait faux de penser qu’elle améliore systématiquement sa position.

Reprenons l’exemple précédent et supposons que le fils et la fille soient tous deux décédés avant leur mère et que la fille ait eu deux fils au lieu d’un seul.

Dans cette hypothèse, une applicable stricte du principe d’égalité entre les successibles de même ordre et de même degré aurait commandé de diviser la succession en trois parts égales, chaque petit-enfant recueillant un tiers de la succession de sa grand-mère.

Tel n’est toutefois pas le résultat auquel conduit le mécanisme de la représentation. Tandis que la situation de la petite-fille se trouve améliorée, celle-ci percevant la moitié de la succession au lieu d’un tiers, les petits-fils voient, quant à eux, leurs droits dans la succession sont réduits à un quart.

La raison en est que la représentation vise à assurer une égalité entre les souches et non entre les têtes.

Cette finalité s’infère très clairement de l’article 753 du Code civil qui prévoit que « dans tous les cas où la représentation est admise, le partage s’opère par souche, comme si le représenté venait à la succession ; s’il y a lieu, il s’opère par subdivision de souche ».

2.1. Le domaine de la représentation

a. Le domaine de la représentation quant à la dévolution successorale

La transmission du patrimoine d’une personne décédée obéit à un ensemble de règles, visant à organiser l’attribution de ses biens selon ses volontés ou, en l’absence de testament, selon la loi.

Ces règles se regroupent principalement en deux catégories :

  • La dévolution légale, qui s’applique en l’absence de dispositions testamentaires exprimées par le défunt
  • Les dispositions testamentaires elles-mêmes, lorsque le de cujus a choisi d’attribuer un ou plusieurs biens spécifiques à une personne déterminée.

À ces deux mécanismes traditionnels de transmission successorale s’ajoute une troisième voie, régie par un corpus normatif distinct : les règles gouvernant les contrats d’assurance-vie.

Le contrat d’assurance-vie est un mécanisme contractuel permettant à une personne de désigner un ou plusieurs bénéficiaires qui recevront, à son décès, les sommes accumulées dans le cadre du contrat, indépendamment des règles de succession classiques.

Aussi, existe-t-il une distinction fondamentale entre ces trois mécanismes : tandis que la représentation successorale — c’est-à-dire la possibilité pour les héritiers d’une personne prédécédée d’hériter à sa place — trouve application dans le cadre de la dévolution légale et des dispositions testamentaires, elle ne s’applique pas aux contrats d’assurance-vie.

En effet, en présence d’un tel contrat, la désignation des bénéficiaires par le souscripteur crée un droit direct et personnel pour ces derniers sur les sommes dues par l’assureur, droit qui se matérialise indépendamment des règles de succession traditionnelles et qui ne peut être modifié par la représentation.

La Cour de cassation a statué en ce sens dans un arrêt du 10 septembre 2015. Aux termes de cette décision, elle a notamment jugé, au visa des articles L. 132-9 et L. 132-11 du Code des assurances que « si l’attribution à titre gratuit du bénéfice d’une assurance sur la vie à une personne déterminée devient irrévocable par l’acceptation du bénéficiaire, cette attribution est présumée faite sous la condition de l’existence du bénéficiaire à l’époque de l’exigibilité du capital ou de la rente garantie, à moins que le contraire ne résulte des termes d’une clause de représentation, à défaut, elle est caduque et le capital ou la rente garantie font partie du patrimoine ou de la succession du contractant » (Cass. 2e civ. 10 sept. 2015, n°14-20.017).

Il ressort donc de cet arrêt que, en l’absence de clause de représentation expressément stipulée dans le contrat d’assurance vie, le mécanisme de la représentation ne pourra pas jouer à la faveur des descendants du bénéficiaire du contrat.

La conséquence en est l’intégration du contrat d’assurance-vie dans le patrimoine du défunt. Sa transmission obéira alors aux règles de la dévolution légale et, le cas échéant, aux dispositions testamentaires.

Pour que la représentation puisse jouer en matière de contrat d’assurance-vie, le souscripteur doit expressément le prévoit dans la clause bénéficiaire qui pourrait être rédigée comme suit :

*****

Je soussigné(e), [Nom et Prénom du Souscripteur], né(e) le [Date de Naissance], souscrivant le contrat d’assurance-vie numéro [Numéro du Contrat], auprès de [Nom de la Compagnie d’Assurance], désigne comme bénéficiaires en cas de décès, dans l’ordre suivant :

  1. À mon(mes) enfant(s) [Noms des Enfants], nés le(s) [Dates de Naissance], à parts égales. En cas de prédécès ou de renonciation de l’un(e) d’entre eux(elles), la part revenant à cet(cette) enfant sera répartie, par représentation, à ses descendants, à parts égales.
  2. À défaut de bénéficiaire(s) désigné(s) au premier rang, ou en cas de prédécès ou de renonciation de tous les bénéficiaires désignés au premier rang sans laisser de descendants, je désigne mon(mes) héritier(s) légal(aux) selon la dévolution successorale prévue par le Code civil.

Cette désignation est faite sous réserve de l’existence des bénéficiaires au moment de mon décès et selon les conditions précisées dans le contrat d’assurance-vie.

Je précise que, conformément à ma volonté, la représentation est admise pour mes descendants, permettant aux petits-enfants ou arrière-petits-enfants de se substituer à leur ascendant prédécédé dans les droits à la prestation d’assurance-vie, à condition que cette substitution soit expressément mentionnée pour chaque rang de bénéficiaires.

*****

b. Le domaine de la représentation quant aux ordres successoraux

La représentation n’est pas admise dans tous les ordres successoraux. Il est, en effet, certains ordres où elle ne peut pas jouer.

i. Les ordres dans lesquels la représentation est admise

La représentation est admise dans l’ordre successoral :

  • D’une part, des descendants
  • D’autre part, des collatéraux privilégiés

==>La représentation dans l’ordre des descendants

L’article 752 du Code civil prévoit que « la représentation a lieu à l’infini dans la ligne directe descendante. »

Il est ressort de cette disposition que les descendants en ligne directe, quelle que soit la proximité de degré qu’ils entretiennent avec le de cujus peuvent, par principe, toujours venir aux droits de ce dernier en représentation de leurs parents décédés.

Autrement dit, tous les descendants – en ligne directe – du de cujus sont admis à succéder, peu importe leur éloignement générationnel du défunt.

En énonçant que la représentation pour jouer « à l’infini », le législateur a souhaité exprimer sa volonté de garantir la perpétuation du droit de succession à travers les générations, sans limitation de degré dans la filiation.

Ce mécanisme permet donc à n’importe quel descendant en ligne directe, à défaut de présence ou en cas de prédécès d’un ascendant direct (parent, grand-parent, etc.), de se voir conférer le droit de recueillir la part successorale qui aurait dû revenir à cet ascendant.

Là ne s’arrête pas l’article 752 du Code civil. L’alinéa 2 précise que la représentation « est admise dans tous les cas, soit que les enfants du défunt concourent avec les descendants d’un enfant prédécédé, soit que tous les enfants du défunt étant morts avant lui, les descendants desdits enfants se trouvent entre eux en degrés égaux ou inégaux. »

Il faut comprendre ici que la représentation a vocation à jouer, peu importe que le représentant occupe un rang inférieur par rapport aux autres descendants avec lesquels il est en concours.

À l’analyse, ce texte vise deux situations bien distinctes :

  • Première situation : les enfants du défunt concourent avec les descendants d’un enfant prédécédé
    • Dans cette hypothèse, la représentation successorale permet aux petits-enfants (ou autres descendants directs) d’un enfant du défunt qui est lui-même décédé, de se substituer à leur parent prédécédé.
    • Ces descendants viennent donc concourir à la succession aux côtés des oncles et tantes (les enfants survivants du défunt), quand bien même ils occupent un rang inférieur, d’où la précision « dans tous les cas », soit peu importe que les descendants en concours soient de degrés inégaux.
    • Le second alinéa de l’article 752 du Code civil vise à écarter l’application de la règle de priorité de degré en présence d’une représentation.

  • Seconde situation : tous les enfants du défunt étant morts avant lui, les descendants desdits enfants se trouvent entre eux en degrés égaux ou inégaux
    • Cette situation survient lorsque tous les enfants du défunt sont décédés avant lui.
    • Les petits-enfants (ou arrière-petits-enfants, selon les cas) héritent alors directement de leur grand-parent (ou arrière-grand-parent), mais la répartition de la succession se fait selon que ces descendants sont au même degré de parenté (par exemple, tous petits-enfants du défunt) ou à des degrés de parenté différents (par exemple, des petits-enfants et des arrière-petits-enfants).
    • Le principe de la représentation joue toujours, permettant à ces descendants d’hériter en lieu et place de leurs parents prédécédés, avec une répartition qui tient compte des lignes familiales respectives.
    • Là encore, il est indifférent précise le texte que les descendants des enfants prédécédés soient de degré égaux ou inégaux.
    • « Dans tous les cas », dit le texte, la représentation leur permet de venir aux droits du de cujus.
    • Comme souligné précédemment, cette règle, si elle assure une égalité parfaite entre les souches, est susceptible de créer des inégalités entre les héritiers de degrés égaux.
    • Supposons, en effet, que les enfants précédés du de cujus ne laissent pas derrière eux le même nombre d’enfants.
    • La conséquence en est que tous ne percevront pas la même part, la répartition de la succession s’opérant par souche et non par tête.

==>La représentation dans l’ordre des collatéraux privilégiés

L’article 752-2 du Code civil prévoit que « en ligne collatérale, la représentation est admise en faveur des enfants et descendants de frères ou sœurs du défunt, soit qu’ils viennent à sa succession concurremment avec des oncles ou tantes, soit que tous les frères et sœurs du défunt étant prédécédés, la succession se trouve dévolue à leurs descendants en degrés égaux ou inégaux ».

Il ressort de cette disposition que si la représentation peut jouer en ligne collatérale, elle est limitée aux collatéraux privilégiés.

Ainsi, contrairement à la ligne directe où la représentation est admise « à l’infini », en ligne collatérale, elle est limitée aux enfants et descendants des frères ou sœurs du défunt. Cela signifie que les neveux et nièces du défunt (ainsi que leurs descendants) peuvent hériter par représentation, mais pas au-delà de ce degré de parenté.

À cet égard, le texte envisage deux situations :

  • Première situation : des neveux et nièces concourent à la succession avec des oncles ou tantes (frères et sœurs survivants du défunt)
    • Dans cette hypothèse, la représentation permet aux neveux et nièces de venir en concours de leurs oncles et tantes, alors mêmes qu’ils sont de degré inférieur.
    • Il peut être observé que, pour les collatéraux privilégiés, la représentation peut jouer à l’infini, ce qui concrètement signifie qu’elle peut bénéficier à tous les descendants des frères et sœurs et limitation de degré.
    • Selon la doctrine, cette disposition vise à préserver l’équité dans la répartition des biens du défunt, en permettant une distribution qui reflète plus fidèlement les liens familiaux et les intentions probables du défunt.
    • S’agissant de la limitation de la représentation en ligne collatérale elle reflète un choix législatif pragmatique, visant à équilibrer l’équité successorale avec la nécessité de ne pas trop compliquer la dévolution des successions.
    • Certains auteurs ont toutefois pu critiquer la portée limitée de la représentation en ligne collatérale, arguant qu’elle pourrait exclure injustement certains héritiers méritants.
    • D’autres, cependant, considèrent que cette limitation est justifiée par les complexités administratives et les difficultés pratiques qu’une application plus large pourrait engendrer.

  • Seconde situation : tous les frères et sœurs du défunt sont prédécédés
    • Dans cette hypothèse, l’article 752-2 du Code civil prévoit que la succession est dévolue aux descendants respectifs des frères et sœurs prédécédés (neveux et nièces, voire petits-neveux et petites-nièces), indépendamment du degré de parenté entre eux.
    • Ici aucun des frères ou sœurs du défunt n’est en vie pour hériter directement.
    • La succession passe donc aux descendants de rang subséquent, c’est-à-dire aux descendants des frères et sœurs du défunt.
    • Le texte précise qu’il est indifférent que ces héritiers soient à des « degrés égaux ou inégaux ».
    • Cela signifie que des descendants de frères et sœurs sont susceptibles de venir en concours d’autres collatéraux privilégiés occupant des rangs supérieurs.

    • Par ailleurs, comme pour la représentation jouant en ligne directe, lorsque les souches ne comptent pas le même nombre de collatéraux privilégiés, cette situation peut conduire à une inégalité entre successibles de même degré, dans la mesure où la répartition se fera par souche et non par tête.

ii. Les ordres dans lesquels la représentation n’est pas admise

Il ressort des articles 752-1 et 752-2 du Code civil que la représentation n’est pas admise :

  • D’une part, pour les ascendants en ligne directe
  • D’autre part, pour les collatéraux ordinaires

==>S’agissant des ascendants en ligne directe

L’article 752-1 du Code civil prévoit que « la représentation n’a pas lieu en faveur des ascendants ; le plus proche, dans chacune des deux lignes, exclut toujours le plus éloigné. »

Cela signifie que, en présence de plusieurs ascendants à l’intérieur d’une ligne, la règle de proximité de degré ne souffre d’aucune exception.

Aussi, dans l’hypothèse où l’ascendant de parents prédécédés du de cujus se retrouverait en concours avec un ascendant plus proche en degré, c’est ce dernier qui percevrait l’intégralité de la part de la succession dévolue à sa ligne d’appartenance.

Supposons que le défunt laisse derrière lui son père et, du côté de la branche maternelle, son grand-père et les parents de sa grand-mère.

Si l’on appliquait le mécanisme de la représentation, la succession devrait être répartie comme suit :

  • ½ pour le père
  • ¼ pour le grand-père maternel
  • ¼ pour les arrière-grands-parents qui viendraient en représentation de la grand-mère maternelle

En présence d’ascendants, la représentation, dit l’article 752-1 du Code civil, ne peut pas jouer.

Il en résulte que la succession sera répartie comme suit :

  • ½ pour le père
  • ½ pour le grand-père maternel qui exclut les arrière-grands-parents

À l’analyse, l’exclusion par le législateur de la représentation à la faveur des ascendants procède de la volonté de préserver une certaine cohérence dans la logique à laquelle obéit la dévolution successorale.

Cette dernière repose, en effet, sur le principe selon lequel la succession doit, dans la mesure du possible, refléter l’ordre naturel des choses, notamment l’ordre chronologique des décès au sein de la famille.

En permettant à un arrière-grand-parent de représenter un grand-parent décédé et ainsi de recueillir une part de la succession qui, selon l’ordre naturel des décès, ne lui serait normalement pas échue, le droit successoral introduirait une anomalie. Cette situation serait encore plus accentuée par le fait qu’il est déjà exceptionnel qu’un grand-parent hérite de son petit-enfant : permettre à un arrière-grand-parent de le faire par représentation aggraverait cette situation exceptionnelle.

Aussi, l’exclusion de la représentation pour les ascendants vise ainsi à neutraliser certains effets du hasard dans l’ordre chronologique des décès. Il s’agit, autrement dit, éviter que le hasard des décès au sein d’une famille ne vienne perturber la transmission logique du patrimoine. Si la représentation était permise en faveur des ascendants, cela pourrait en effet conduire à des situations où un ascendant éloigné serait avantagé par le décès prématuré d’un ascendant plus proche, ce qui irait à l’encontre de l’ordre naturel et présumé des successions.

Dans la ligne descendante, la représentation a pour effet de rétablir cet ordre lorsque, par exemple, un enfant décède avant ses parents, en permettant à ses descendants (les petits-enfants du de cujus) de recueillir sa part. Cependant, en ligne ascendante, cette logique ne tient plus : plutôt que de rétablir un ordre naturel, l’application de la représentation accentuerait le désordre en conférant des droits successoraux à des individus normalement éloignés de la succession par l’ordre des naissances et des décès.

À cet égard, il peut être observé que l’égalité successorale entre ascendants est assurée par le mécanisme de la fente qui opère, non pas par souche, mais par branche.

==>S’agissant des collatéraux ordinaires

Il s’évince d’une lecture a contrario de l’article 752-2 du Code civil que la représentation ne peut pas jouer pour les collatéraux ordinaires, soit les collatéraux autres que les frères et sœurs et les descendants de ces derniers.

Cela implique qu’en présence de plusieurs collatéraux ordinaires à l’intérieur d’une même ligne, la règle de proximité de degré n’admet aucune exception.

Ainsi, dans l’hypothèse où plusieurs collatéraux ordinaires se retrouvent en concours pour la succession, c’est le collatéral le plus proche en degré qui percevra l’intégralité de la part de la succession dévolue à sa ligne d’appartenance.

Prenons l’exemple d’un défunt qui laisserait derrière lui pour seule descendance une tante et des cousins germains issus d’un oncle prédécédé.

Si l’on appliquait le mécanisme de la représentation, la succession devrait théoriquement se répartir comme suit :

  • ½ pour la tante
  • ½ pour les cousins germains venant en représentation de l’oncle du de cujus

Toutefois, en présence de collatéraux ordinaires, la représentation, conformément à l’article 752-2 du Code civil, ne peut pas jouer. Par conséquent, l’intégralité de la succession reviendra à la tante qui exclut les cousins de la succession qui donc n’hériteront de rien, sauf disposition testamentaire contraire.

Comme souligné par les auteurs, l’exclusion des collatéraux ordinaires de la représentation tient au caractère hautement exceptionnel de leur appel à la succession. Dans l’ordre naturel des choses, l’occurrence où un collatéral ordinaire hériterait directement est déjà en elle-même un événement rarissime, supposant qu’aucun héritier plus proche ne soit en vie ou capable d’hériter, et que le défunt n’ait pas exprimé de volontés testamentaires spécifiques.

Aussi, le législateur a-t-il cherché ici à refléter et à respecter cet ordre naturel des choses. Introduire la représentation pour ces collatéraux reviendrait à permettre une rectification artificielle de l’ordre accidentel des décès, ce qui serait en contradiction flagrante avec cet ordre naturel. Il s’agirait, dans un sens, de permettre au hasard, à la chance, voire à la bonne fortune, de jouer un rôle prépondérant dans la dévolution du patrimoine, ce qui n’est pas l’objectif du droit successoral.

À fond, la représentation, si elle était étendue à ces cas, ne ferait qu’amplifier l’impact de tels hasards, en permettant potentiellement à des collatéraux encore plus éloignés de bénéficier d’une fortune inattendue, à la suite de séquences de décès tout aussi inattendues.

2.2. Les conditions de la représentation

a. Condition préalable : l’existence d’une pluralité de souches

La représentation ayant pour fonction d’assurer une égalité entre les souches, pour que ce mécanisme puisse jouer encore faut-il qu’existe une pluralité de souches.

Prenons l’exemple d’un grand-père, nommé Georges, qui a trois enfants : Denis, Élise, François. Supposons que Denis décède avant Georges.

Georges (Grand-père) décède en laissant deux enfants vivants (Élise, François) et plusieurs petits-enfants.

Par application de l’article 752 du Code civil, les enfants de Denis (par exemple, Hélène et Igor) peuvent « représenter » leur père Denis dans la succession de Georges. Cela signifie qu’ils prendront collectivement la part qui aurait été attribuée à Denis s’il avait été vivant. De leur côté, Élise et François héritent chacun leur part.

Supposons maintenant que Denis était le seul enfant de Georges et qu’il décède avant son père.

Dans cette hypothèse, la question se pose de savoir à quel titre Hélène et Igor ont-ils vocation à hériter ? Vont-ils hériter de Georges en représentation de leur père ou vont-ils hériter de leur propre chef ?

La question n’est pas sans importante, car il est des configurations où selon que l’on retient l’une ou l’autre solution la part revenant à Hélène et Igor peut varier.

Supposons, en effet, que Georges ait consenti de son vivant une donation à son fils rapportable à la succession et qu’il ait légué tout ou partie de la quotité disponible à un tiers.

Ici, selon que l’on considère que Hélène et Igor succèdent à Georges en représentation de leur père (Denis) ou de leur propre chef, la part qui leur revient n’est pas la même.

  • Option 1 : Hélène et Igor succèdent à Georges en représentation de leur père
    • Dans cette hypothèse, il y a lieu d’avoir à l’esprit que la représentation a pour effet de faire venir les représentants dans les droits du représenté.
    • Dès lors, en cas de libéralités consenties à un tiers par voie testamentaire, la seule réserve héréditaire dont ils pourront se prévaloir (part de la succession dont ne peut pas disposer librement le testateur car elle est réservée par la loi à certains héritiers, appelés héritiers réservataires) n’est autre que celle du représenté.
    • À cet égard, il peut être observé que les donations faites par le défunt de son vivant à des héritiers en ligne directe, doivent être rapportées à la succession.
    • Aussi, ces libéralités viennent-elles s’imputer sur la réserve de l’héritier réservataire et par voie de conséquence sur celle des descendants qui le représentent en cas de prédécès.
    • Au cas particulier, pour calculer la part qui revient à Hélène et Igor la libéralité consentie à Denis doit être imputée sur leur réserve et non sur la quotité disponible, de sorte que la part revenant au tiers ne s’en trouvera pas affectée.
    • La part revenant à Hélène et Igor sera en revanche diminuée du montant de la donation consentie du vivant de Georges à Denis, sauf à ce que cette donation soit toujours présente dans son patrimoine en valeur ou en nature.
  • Option 2 : Hélène et Igor succèdent à Georges de leur propre chef
    • Dans cette hypothèse, Hélène et Igor succèdent à Georges de leur propre chef.
    • Ils peuvent dès lors se prévaloir d’une réserve héréditaire qui leur est propre, en ce sens qu’elle est distincte de celle dont était titulaire leur ascendant.
    • La conséquence en est que la libéralité consentie à Denis ne pourra pas être rapportée à la succession ; elle doit être regardée comme si elle avait été faite au profit d’un tiers.
    • Afin de calculer la part revenant à Hélène et Igor dans la succession de Georges, il convient dès lors d’imputer la donation consentie au tiers, non pas sur leur réserve propre, mais sur la quotité disponible.
    • La part revenant à Hélène et Igor s’en trouve dès lors augmentée (à hauteur du montant de la donation consentie à Denis), tandis que le legs attribué au tiers est, quant à lui, diminué d’autant.

Par un arrêt du 25 septembre 2013, la Cour de cassation a opté pour la seconde option.

Aux termes de cette décision, elle a jugé « qu’il ne peut y avoir représentation dans la ligne directe descendante que si le défunt a eu plusieurs enfants » (Cass. 1ère civ. 25 sept. 2013, n°12-17.556).

En l’absence d’une pluralité de souches, les descendants de l’enfant unique du défunt ne viennent pas à la succession par représentation, mais « de leur propre chef », soit en leur propre nom, directement en tant qu’héritiers de leur grand-père.

Ils ne sont donc pas tenus de rapporter les donations que leur père avait reçues, puisqu’ils ne représentent pas leur père mais héritent directement de leur grand-père.

b. Les conditions tenant au représenté

i. Droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur, les règles de la représentation successorale étaient bien plus restrictives qu’elles ne le sont aujourd’hui.

En effet, avant les réformes du droit des successions opérées par la loi n°2006-728 du 23 juin 2006 et la loi n°2001-1135 du 3 décembre 2001, la représentation n’était pas admise dans certains cas où le représenté était jugé indigne ou avait renoncé à la succession.

Aussi, le mécanisme de la représentation ne pouvait jouer que si le représenté était prédécédé.

L’ancien article 744, al. 1er du Code civil disposait en ce sens que « on ne représente pas les personnes vivantes, mais seulement celles qui sont mortes. »

On en déduisait qu’une personne indigne ne pouvait pas succéder, puisque vivante. Pour mémoire, l’indignité est une situation dans laquelle un héritier est exclu de la succession car il a commis un acte jugé gravement répréhensible à l’égard du de cujus, comme un homicide ou une tentative d’homicide. Sous l’ancien droit, un héritier déclaré indigne ne pouvait donc pas être représenté dans la succession.

La solution retenue était la même en cas de renonciation à la succession par le représenté. Si, en effet, un héritier renonçait à la succession, ses descendants ne pouvaient pas le représenter pour hériter à sa place. La renonciation bloquait donc la transmission de la succession aux descendants du renonçant.

L’ancien article 754, al. 1er du Code civil disposait en ce sens que « on représente les prédécédés, on ne représente pas les renonçants ».

Jugées obsolètes et en décalage avec l’évolution des mœurs, ces règles ont été assouplies pour permettre une plus grande fluidité et justice dans la transmission patrimoniale, notamment pour protéger les intérêts des descendants qui ne devraient pas être pénalisés par les actions de leurs ascendants.

ii. Droit positif

Les réformes entreprises par la loi n°2006-728 du 23 juin 2006 et la loi n°2001-1135 du 3 décembre 2001 ont donc assoupli les conditions de la représentation tenant au représenté.

Aujourd’hui, la seule condition devant être remplie pour que la représentation puisse jouer, c’est que le représenté ne puisse pas venir aux droits du de cujus :

  • Soit parce qu’il est prédécédé (art. 754, al. 1er C. civ.)
  • Soit parce qu’il est frappé d’indignité (art. 729-1 C. civ.)
  • Soit parce qu’il est renonçant (art. 754, al. 1er C. civ.)

Envisageons successivement les trois situations :

==>Le représenté est prédécédé

Le prédécès du représenté est le principal cas ouvrant droit à la mise en œuvre du mécanisme de la représentation.

L’ancien article 744, al. 1er du Code civil énonçait en ce sens que « on ne représente pas les personnes vivantes, mais seulement celles qui sont mortes ».

S’il n’est désormais plus exigé que le représenté soit mort pour que la représentation puisse jouer, le prédécès n’en reste pas moins l’une des conditions alternatives avec l’indignité et la renonciation.

Aussi, le nouvel article 754, al. 1er du Code civil prévoit que « on représente les prédécédés ».

Si donc il ne fait aucun doute que la représentation peut jouer en cas de prédécès du de cujus, la question s’est posée de savoir s’il en allait de même en cas d’absence.

Pour mémoire, l’absence est définie à l’article 112 du Code civil comme la situation d’une personne qui « a cessé de paraître au lieu de son domicile ou de sa résidence sans que l’on en ait eu de nouvelles ».

Il s’agit, autrement dit, de l’hypothèse où une personne ne s’est pas manifestée auprès de ses proches pendant une période prolongée, de sorte que l’on ignore si elle est encore en vie ou si elle est décédée.

Cette situation se rencontrera essentiellement à des époques troublées par la guerre, la révolution ou encore des catastrophes naturelles.

Afin de déterminer si l’on peut ou non représenter une personne absente, il y a lieu de distinguer selon que cette personne est présumée absente ou déclarée absente :

  • Le représenté est présumé absent
    • L’article 112 du Code civil prévoit que « lorsqu’une personne a cessé de paraître au lieu de son domicile ou de sa résidence sans que l’on en ait eu de nouvelles, le juge des tutelles peut, à la demande des parties intéressées ou du ministère public, constater qu’il y a présomption d’absence. »
    • Durant toute la période au cours de laquelle la présomption d’absence joue l’absent est présumé en vie, ce qui signifie que, à ce stade, non seulement sa succession ne saurait s’ouvrir, mais encore il conserve sa capacité à hériter comme précisé par l’article 725, al. 2e du Code civil.
    • Il en résulte que l’on ne saurait représenter une personne présumée absente.
  • Le représenté est déclaré absent
    • Lorsque la période de présomption d’absence arrive à son terme, s’amorce une seconde phase, celle de la déclaration d’absence qui conduit à présumer l’absent décédé.
    • L’article 122 du Code civil prévoit en ce sens que « lorsqu’il se sera écoulé dix ans depuis le jugement qui a constaté la présomption d’absence, soit selon les modalités fixées par l’article 112, soit à l’occasion de l’une des procédures judiciaires prévues par les articles 217 et 219, 1426 et 1429, l’absence pourra être déclarée par le tribunal judiciaire à la requête de toute partie intéressée ou du ministère public ».
    • Il ne s’agit donc plus ici d’assurer la protection de l’absent dont on présume qu’il est en vie, mais d’organiser la liquidation de ses intérêts, puisqu’on présume dorénavant qu’il est mort.
    • Car en effet, conformément à l’article 128 du Code civil « le jugement déclaratif d’absence emporte, à partir de la transcription, tous les effets que le décès établi de l’absent aurait eus. »
    • Ce jugement produit donc l’effet inverse que la présomption d’absence : l’absent bascule du statut de présumé en vie en présumé mort.
    • Compte tenu de ce que la personne déclarée absente est présumée décédé, elle peut parfaitement être représentée.

==>Le représenté est frappé d’indignité

Envisagée aux articles 726 à 729-1 du Code civil, l’indignité successorale est classiquement définie comme la déchéance du droit de succéder au défunt à raison d’atteintes graves portées à son encontre.

Si, sous l’empire du droit antérieur, on ne pouvait pas représenter une personne frappée d’indignité successorale, cela est désormais permis.

L’article 729-1 du Code civil dispose en ce sens que « les enfants de l’indigne ne sont pas exclus par la faute de leur auteur, soit qu’ils viennent à la succession de leur chef, soit qu’ils y viennent par l’effet de la représentation »

Cette disposition, qui est issue de la loi n°2001-1135 du 3 décembre 2001, met fin à l’injustice dont étaient victimes les enfants de l’indigne : ceux-ci, qui n’ont commis aucune faute, peuvent désormais représenter leur auteur dans la succession dont il est exclu.

Si la plupart des auteurs ont salué cette réforme considérant qu’elle constituait un pas supplémentaire vers une application plus juste et plus humaine du droit successoral, d’autres, ont critiqué la possibilité d’une porte dérobée permettant à l’indigne de bénéficier indirectement de la succession à travers ses descendants.

Dans le prolongement de l’admission de la représentation d’une personne frappée d’indignité, la question s’est posée de savoir si l’on pouvait représenter un héritier exhérédé, c’est-à-dire expressément écarté de la succession par voie testamentaire.

Plus précisément, l’exhérédation est un acte par lequel le testateur exclut de sa succession une personne qui aurait autrement été héritière légale.

Dans la mesure où l’on peut désormais représenter un indigne, pourquoi ne pas admettre que la représentation puisse également jouer à la faveur des descendants d’une personne exhérédée ?

Par un arrêt du 17 avril 2019, la Cour de cassation a purement et simplement exclu cette possibilité au motif que « loi ne prévoit pas la représentation de l’héritier exhérédé par testament » (Cass. 1ère civ. 17 avr. 2019, n°17-11.508).

À l’analyse, cette décision peut surprendre. En effet, à l’instar des héritiers de l’indigne, les descendants de la personne exhérédée n’ont pas nécessairement contribué à la décision d’exhérédation et peuvent se retrouver pénalisés pour des actions ou des décisions qui ne sont pas les leurs.

Par ailleurs, permettre la représentation successorale en cas d’exhérédation pourrait prévenir des situations d’injustice où des enfants ou petits-enfants perdent leur droit à l’héritage en raison de conflits auxquels ils n’ont pris aucune part.

En n’admettant pas que l’on puisse représenter une personne exhérédée, la Cour de cassation fait primer la volonté du testateur exprimée clairement dans son testament.

Si le testateur a choisi d’exhéréder une personne, il n’est pas illogique de supposer qu’il a souhaité également exclure les descendants de cette personne.

Ignorer cette volonté pourrait être perçu comme une atteinte à l’autonomie personnelle du testateur dans la gestion de ses biens après sa mort.

En outre, si les descendants d’une personne exhérédée peuvent hériter par représentation, cela pourrait potentiellement encourager des comportements où des individus chercheraient à contourner les intentions claires d’un testateur, érodant ainsi la sécurité juridique des testaments.

Au total, il est autant d’arguments pour et contre la position adoptée par la Cour de cassation. La question de fond qui se pose est de savoir comment concilier l’autonomie de la volonté du testateur et la justice familiale.

==>Le représenté a renoncé à la succession

L’article 754, al. 1er du Code civil prévoit que « on ne représente les renonçants que dans les successions dévolues en ligne directe ou collatérale. »

Cette disposition a été introduite dans le Code civil par la loi n°2006-728 du 23 juin 2006.

Elle permet donc aux descendants de représenter un ascendant qui a renoncé à sa succession.

Cette évolution législative marque un changement significatif en revenant sur une règle bicentenaire qui empêchait toute représentation des renonçants vivants, limitant cette possibilité aux cas des prédécédés.

Cette ancienne règle créait, en effet, une iniquité manifeste : si un enfant renonçait de son vivant à la succession de ses parents, ses propres enfants se voyaient privés de la part d’héritage qui aurait dû revenir à leur parent renonçant, alors que si ce dernier décédait avant l’ouverture de la succession, la transmission de la part se faisait normalement à ses descendants.

La loi du 3 décembre 2001 avait déjà étendu la possibilité de représentation aux descendants de l’héritier jugé indigne, même encore vivant, permettant ainsi la représentation des indignes vivants.

La loi du 23 juin 2006 poursuit le même objectif : pallier les situations où la stricte application des règles antérieures aurait résulté en une exclusion injuste des descendants directs du renonçant.

Il peut être observé que, initialement, le législateur avait envisagé de limiter le domaine de la règle au bénéfice des seuls descendants en ligne directe.

Un amendement est toutefois venu étendre son champ d’application aux collatéraux privilégiés.

Il peut être observé que lorsque cet amendement a été intégré au projet de loi définitif, les parlementaires n’ont pas pris le soin de revoir la construction grammaticale du texte.

Or comme souligné très justement par des auteurs la restriction « ne…que » suggère que l’admission de la représentation des renonçants serait limitée à certains cas, alors qu’il n’en est rien[3].

c. Les conditions tenant au représentant

Pour venir en représentation des droits du représenté, le représentant doit être apte à succéder au de cujus.

Cela signifie qu’il doit remplir plusieurs conditions cumulatives :

  • Première condition
    • Le représentant doit répondre à l’exigence énoncée à l’article 725 du Code civil qui prévoit que « pour succéder, il faut exister à l’instant de l’ouverture de la succession ou, ayant déjà été conçu, naître viable ».
    • Ainsi, la représentation ne pourra jouer que si le représentant était né, à tout le moins conçu et viable au jour du décès du de cujus.
    • Ce qui importe c’est donc que le représentant ait existé, ce qui implique qu’il se soit vu reconnaître la personnalité juridique avant le décès du défunt.
    • Il est en revanche indifférent que le représentant soit frappé d’une incapacité d’exercice, tel que peut l’être le mineur ou un majeur protégé
  • Deuxième condition
    • Pour que la représentation puisse jouer, le représentant doit être un descendant direct de la personne représentée.
    • La représentation est principalement admise dans la ligne directe descendante (enfants, petits-enfants, etc. du défunt), et dans la ligne collatérale pour les descendants des frères et sœurs du défunt.
    • Parmi les descendants du défunt, la personne qui est admise à représenter le prédécédé est celle qui est le plus proche en degré de parenté.
    • Par exemple, si un enfant du défunt est décédé, ses propres enfants (les petits-enfants du défunt) le représenteront dans la succession. Cette règle assure que la succession reste aussi proche que possible du défunt en termes de lignées familiales.
    • Par ailleurs, pour que la représentation puisse être mise en œuvre, tous les degrés intermédiaires entre le représentant et le représenté doivent être vacants.
    • Cela signifie que chaque ascendant intermédiaire (par exemple, un parent ou un grand-parent dans la ligne directe) doit être soit décédé, soit incapable de succéder (par exemple, à cause de l’indignité ou de la renonciation à la succession).
  • Troisième condition
    • Le représentant ne doit pas être frappé d’indignité successorale, c’est-à-dire qu’il ne doit pas avoir commis d’actes graves contre du de cujus qui pourraient le rendre indigne de succéder (comme une tentative de meurtre sur le de cujus).
    • Le représentant ne doit pas non plus avoir été expressément exhérédé par le de cujus.

Il peut être observé que si, pour que la représentation puisse jouer, le représentant doit être apte à succéder au de cujus, il est en revanche indifférent qu’il remplisse cette condition à l’égard du représenté.

Cela signifie que le représentant est admis à succéder au de cujus, peu importe qu’il soit frappé d’indignité à l’égard du représenté.

L’article 754, al. 4 du Code civil ajoute, par ailleurs, que « on peut représenter celui à la succession duquel on a renoncé. »

Autrement dit, la renonciation par le représentant à la succession du représenté, ne fait pas obstacle à ce qu’il succède au de cujus par le jeu de la représentation.

Aussi, faut-il comprendre qu’une personne peut toujours faire valoir ses droits en tant que représentant dans la succession d’un autre, même s’il a précédemment renoncé à sa propre part de l’héritage de cette personne, ou s’il a été déclaré indigne de recevoir cet héritage.

La raison en est que le représentant tient ses droits dans la succession du de cujus non pas du représenté, mais directement de la loi.

En d’autres termes, le fondement des droits du représentant ne réside pas dans la transmission des biens du représenté prédécédé, mais découle directement des dispositions légales qui régissent la succession du de cujus.

Cette attribution du droit de succéder sur une base légale distincte, permet d’isoler les droits du représentant des potentielles circonstances affectant la situation du représenté, telles que l’indignité, la renonciation à la succession, ou d’autres facteurs qui pourraient disqualifier le représenté de la succession.

Par conséquent, même si le représenté est jugé inapte à hériter pour une raison quelconque, cela n’affectera pas l’aptitude du représentant à accéder aux droits successoraux dont aurait été titulaire le représenté.

2.3. Les effets de la représentation

Classiquement, on reconnaît la représentation plusieurs effets qui tiennent à la transmission des droits de successions et au partage de la succession.

a. Les effets tenant à la transmission de la succession

L’effet le plus direct de la représentation successorale est la transmission des droits successoraux de l’héritier prédécédé à ses descendants.

La représentation a, plus précisément, pour effet de hisser un héritier de rang inférieur, tel que les petits-enfants, de se hisser à un rang supérieur, occupant ainsi la place de leur parent prédécédé dans la succession.

Cet effet de la représentation est clairement exprimé à l’article 751 du Code civil qui prévoit que la représentation « a pour effet d’appeler à la succession les représentants aux droits du représenté ».

Cela signifie que les descendants peuvent hériter directement de leur grand-parent, recevant ainsi les droits et les parts que leur parent aurait normalement reçus s’il avait survécu.

La conséquence de cet effet de la représentation est qu’il est dérogé à la règle de proximité de degré.

En principe, selon cette règle, lorsqu’un successible du de cujus prédécède, ses descendants devraient être écartés de la succession en présence d’héritiers occupant le même rang que la personne prédécédée.

La représentation, parce qu’elle permet aux descendants de se prévaloir du même rang que leur auteur, déroge à la règle de priorité du degré et permet ainsi à un héritier de rang inférieur de venir en concours avec des héritiers de rang supérieur.

b. Les effets tenant au partage de la succession

Les effets tenant au partage de la succession dans le cadre de la représentation sont au nombre de deux :

  • Le partage par souche
  • Le rapport à la succession de certains biens

i. Le partage par souche

==>L’effet principal

L’autre effet de la représentation est qu’elle conduit à un partage par souche. L’article 753 du Code civil prévoit en ce sens que « dans tous les cas où la représentation est admise, le partage s’opère par souche, comme si le représenté venait à la succession ».

Pour mémoire, le partage par souche signifie que la succession est divisée en parts égales correspondant à chaque ligne descendant du défunt, chaque ligne représentant une « souche ».

Chaque souche reçoit la part qui aurait été attribuée à l’héritier représenté s’il avait été apte à succéder. L’objectif recherché ici est de garantir une égalité entre les souches, en s’assurant que chaque souche reçoive une part équivalente à celle qu’elle aurait reçue si tous les descendants prédécédés avaient survécu et accepté leur part dans la succession.

Il peut être observé que le principe d’égalité entre les souches est un principe d’ordre public.

Dans un arrêt du 26 octobre 1982, la Cour de cassation a ainsi censuré une Cour d’appel qui avait dérogé à cette règle en rappelant que « lorsque le partage se fait, soit par têtes, soit par souches, il doit être procédé à la composition d’autant de lots égaux qu’il y a d’héritiers copartageants ou de souches copartageantes » (Cass. 1ère civ. 26 oct. 1982, n°81-13.346).

L’article 753 du Code civil poursuit en disposant que « s’il y a lieu, [le partage] s’opère par subdivision de souche. »

Cela signifie que, à l’intérieur d’une même souche, si l’un des héritiers prédécède et laisse derrière lui des descendants, alors la part qui lui revenait sera également partagée par souche. Il est donc admis que puissent se créer des sous-souches. Autrement dit, le partage par souche peut jouer à plusieurs degrés et se renouveler, potentiellement, à l’infini.

En revanche, dit l’article 753, « à l’intérieur d’une souche ou d’une subdivision de souche, le partage se fait par tête ».

Cela signifie que le partage se fera de manière égale entre tous les descendants présents à l’intérieur de la souche ou de la sous-souche, indépendamment de leur génération ou degré de parenté direct avec le défunt.

==>Les effets secondaires

Il peut être observé que le partage par souche produit d’autres effets qualifiés par la doctrine de secondaires :

  • Les effets tenant à l’option successorale
    • Il est reconnu à tout héritier, dans le cadre de l’option successorale, la faculté de renoncer à ses droits dans la succession
    • Cette décision peut être motivée par diverses raisons, notamment le désir d’éviter d’hériter de dettes ou simplement une volonté personnelle de ne pas participer à la succession.
    • À cet égard conformément au principe du partage par souche en cas de représentation, lorsqu’un héritier renonce à sa part, celle-ci n’est pas répartie entre tous les héritiers de la succession acceptants, mais uniquement entre ceux appartenant à la même souche que l’héritier renonçant.
    • Ce mécanisme vise à garantir que les biens restent au sein de la souche familiale du renonçant, renforçant ainsi la cohésion patrimoniale de cette souche.
    • Au fond, cela procède de la recherche d’une certaine équité, évitant que les membres d’une souche familiale particulièrement nombreux ou favorisés ne diluent les parts d’héritiers relevant d’autres souches moins représentées.
  • Les effets tenant à la réserve héréditaire
    • En cas de représentation d’un héritier réservataire, la question se pose du calcul de la quotité disponible.
    • Pour mémoire, la réserve héréditaire est plus ou moins étendue selon le nombre d’enfants du de cujus. Elle sera de la moitié du patrimoine en présence d’un seul enfant, de deux tiers en présence de deux enfants et de trois quarts en présence de trois enfants ou plus.
    • Lorsqu’un héritier réservataire prédécède, doit-on calculer la réserve en se situant au niveau des représentés ou au niveau des représentants.
    • Pour le déterminer, il convient de se reporter à l’article 913-1 du Code civil qui prévoit que « sont compris dans l’article 913, sous le nom d’enfants, les descendants en quelque degré que ce soit, encore qu’ils ne doivent être comptés que pour l’enfant dont ils tiennent la place dans la succession du disposant. »
    • Il s’infère de cette disposition que si tous les descendants doivent être pris en compte dans le calcul de la réserve, ils ne sont comptés que pour l’enfant dont ils tiennent la place dans la succession.
    • Cela signifie que si un enfant du disposant est décédé et laisse derrière lui des propres enfants (les petits-enfants du disposant), ces petits-enfants ne sont comptés que pour une seule part, celle de leur parent prédécédé.
    • Ils ne multiplient donc pas les parts réservataires mais héritent collectivement de la part qui aurait été attribuée à leur parent.
  • Les effets tenant au passif successoral
    • Il est de principe que les dettes du défunt doivent être divisées entre tous les héritiers.
    • Cette division est proportionnelle à la part de l’héritage que chaque héritier reçoit.
    • Cela signifie que chaque héritier est responsable d’une fraction des dettes du défunt qui correspond à sa part de l’héritage.
    • En cas de représentation, le principe de division des dettes demeure applicable.
    • Toutefois, le partage des dettes s’opère, non pas par tête, mais, comme pour les biens, par souche.
    • La succession doit, en effet, être divisée en parts égales selon les souches, et non individuellement entre tous les héritiers.
    • À cet égard, si un héritier d’une souche renonce à la succession, sa part des dettes ne disparaît pas mais est redistribuée entre les autres membres de sa souche.
    • Ces derniers doivent, autrement dit, se répartir la part de la dette du renonçant.
    • Bien que les héritiers de la même souche reprennent la part de dettes du renonçant, il n’y a pas de solidarité entre eux pour ces dettes. Chacun est responsable uniquement de sa propre part.
    • Si, enfin, une souche est subdivisée en plusieurs souches, la répartition des dettes se fait à l’intérieur de chacune de ces sous-souches selon une seconde division.
    • Chaque souche supporte alors la part du passif successoral qui lui est dévolue sans que les membres des autres souches ne soient affectés par le poids de ce passif.

ii. Le rapport à la succession de certains biens

Supposons une famille où le père, Jean, renonce à hériter de son propre père, Jacques. Jean a trois enfants, Alice, Bruno et Claire, tous nés avant l’ouverture de la succession de leur grand-père.

L’application du principe de la représentation conduit à admettre que Alice, Bruno et Claire puisse venir aux droits de leur père Jean, bien que renonçant.

Si cette configuration ne soulève aucune difficulté depuis que la renonciation ne fait plus obstacle au jeu de la représentation, quid dans l’hypothèse où le représenté, qui est toujours vivant, aurait un nouvel enfant postérieurement à l’ouverture de la succession du de cujus ?

Si l’on s’en tient à une application stricte de l’article 725 du Code civil qui prévoit que « pour succéder il faut exister à l’instant de l’ouverture de la succession ou, ayant déjà été conçu, naître viable », il y a lieu de considérer que le dernier enfant de Jean ne peut pas hériter de son grand-père, puisque né postérieurement à l’ouverture de sa succession.

Bien que cette solution paraisse s’imposer, elle n’est pas sans interroger quant au principe d’égalité qui préside au partage d’une succession entre descendants d’une même souche et occupant le même rang.

C’est pour assurer cette égalité que le législateur a introduit dans le Code civil une dérogation à l’exigence d’existence de la personne de l’héritier au jour d’ouverture de la succession du de cujus.

Cette dérogation est énoncée à l’article 754, al. 2, lequel prévoit que « les enfants du renonçant conçus avant l’ouverture de la succession dont le renonçant a été exclu rapportent à la succession de ce dernier les biens dont ils ont hérité en son lieu et place, s’ils viennent en concours avec d’autres enfants conçus après l’ouverture de la succession. »

Il peut être observé que, conformément à l’article 755, al. 2 du Code civil, la règle trouve également à s’appliquer aux enfants du représenté frappé d’indignité.

De l’avis des auteurs, le dispositif de contournement élaboré par le législateur est « assez complexe »[4], puisqu’il consiste à recourir au mécanisme du rapport à la succession.

Le texte prévoit, en effet, que, à la mort du renonçant, les enfants qui sont venus à ses droits par le jeu d’une représentation pour succéder à leur ascendant, doivent rapporter à la succession du représenté la part qu’ils ont perçue afin que cette part puisse être partagée avec les enfants nés postérieurement à l’ouverture de la première succession.

Ce mécanisme vise donc à assurer l’équité entre tous les enfants d’un renonçant, qu’ils soient nés avant ou après l’ouverture de la succession. La loi cherche à prévenir une situation où les enfants nés avant l’ouverture de la succession bénéficieraient indûment des biens de la succession à l’exclusion des enfants nés ultérieurement.

Si la règle ainsi posée se justifie pour des raisons d’équité, elle n’est pas sans avoir fait l’objet de critiques.

L’une des principales critiques du dispositif réside dans sa mise en œuvre et plus précisément dans la difficulté qu’il y a à identifier des biens plusieurs années après le décès du de cujus, surtout lorsque les biens ont été intégrés au patrimoine des enfants ou ont changé de nature (transformation, vente, etc.). Cette intégration peut rendre la distinction entre les biens hérités et les autres biens acquis par les enfants extrêmement compliquée.

Une autre critique formulée par les auteurs, consiste à réfuter l’idée que la différence de traitement faite entre les enfants conçus avant l’ouverture de la succession et ceux conçus après s’analyserait en une discrimination.

Car en effet, dans la mesure où ces enfants se trouvent dans des situations différentes au moment de l’ouverture de la succession, il peut être apparaître justifié que leur soit réservé un traitement différent, soit de n’admettre que ne peuvent succéder que les seuls enfants conçus avant l’ouverture de la succession.

  1. R. Le Guedec, Succession : dévolution, Dalloz, Rép. Droit civil, 2022, n°259. ?
  2. G. Cornu, Vocabulaire juridique, éd. PUF, 2005, p. 795. ?
  3. F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet, Droit civil – Les successions – Les libéralités, éd. Dalloz, 2014, n°105, p. 119. ?
  4. F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet, Droit civil – Les successions – Les libéralités, éd. Dalloz, 2014, n°108, p. 122. ?
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