Le Droit dans tous ses états

LE DROIT DANS TOUS SES ETATS

La force exécutoire de la transaction

Si les modalités de formalisation d’une transaction sont a priori sans incidence sur sa validité ; il n’en va pas de même pour la force exécutoire susceptible de lui être attachée.

Car en effet, selon que la transaction est conclue par voie d’acte sous signature privée ou par voie d’acte notarié, les conditions de reconnaissance de cette force obligatoire diffèrent.

1. La transaction conclue par voie d’acte sous signature privée

Afin de déterminer les conditions dans lesquelles une transaction conclue par voie d’acte sous signature privée est susceptible d’être pourvue de la force exécutoire, il y a lieu de distinguer selon qu’elle intervient ou non dans le cadre d’une procédure de résolution amiable des différends.

a. La transaction est conclue dans le cadre d’une procédure de résolution amiable des différends

Il est des cas où la transaction sera conclue consécutivement à la mise en œuvre d’une procédure de résolution amiable des différends au nombre desquels figurent :

  • La procédure de médiation
  • La procédure de conciliation
  • La procédure participative

Dans le cadre de ces procédures, deux options s’offrent aux parties pour conférer à la transaction en résultant une force exécutoire :

  • Saisir le juge aux fins d’homologation de la transaction
  • Faire contresigner la transaction par les avocats en présence

i. L’homologation judiciaire

?Principe

L’article 1565 du CPC prévoit donc que « l’accord auquel sont parvenues les parties à une médiation, une conciliation ou une procédure participative peut être soumis, aux fins de le rendre exécutoire, à l’homologation du juge compétent pour connaître du contentieux dans la matière considérée. »

Lorsqu’ainsi des parties ont emprunté la voie de la résolution amiable de leur différend en se soumettant à une procédure de médiation, de conciliation ou à une procédure participative et que leur démarche aboutit à la conclusion d’une transaction, elles peuvent solliciter son homologation en justice.

À cet égard, l’homologation de la transaction par un juge a pour effet, dit le texte, de la rendre exécutoire. Une fois homologuée, elle pourra dès lors donner lieu à la mise en œuvre de mesures d’exécution forcée par un commissaire de justice.

?Procédure

S’agissant de la procédure d’homologation judiciaire, elle est régie aux articles 1565 à 1566 du CPC.

  • Compétence
    • Le juge compétent pour homologuer une transaction est, selon l’article 1565 du CPC, celui-là même qui est compétent « pour connaître du contentieux dans la matière considérée. »
  • Saisine du juge
    • L’article 1567, al. 2e du CPC prévoit que le juge peut être saisi par la partie la plus diligente ou l’ensemble des parties à la transaction.
    • En tout état de cause, la saisine s’opère nécessairement au moyen d’une requête qui est présentée au juge sans débat.
    • Pour mémoire, la requête est définie à l’article 57 du CPC comme l’acte par lequel le demandeur saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé.
    • À la différence de l’assignation, la requête est donc adressée, non pas à la partie adverse, mais à la juridiction auprès de laquelle est formulée la demande en justice.
    • Reste qu’elle produit le même effet, en ce qu’elle est un acte introductif d’instance.
    • L’article 1566 du CPC précise que le juge peut entendre les parties s’il l’estime nécessaire.
  • Pouvoirs du juge
    • L’article 1565 du CPC prévoit que « le juge à qui est soumis l’accord ne peut en modifier les termes. »
    • Ainsi, est-il fait interdiction au juge de modifier la transaction qui lui est soumise.
    • Son pouvoir se limite à soit homologuer la transaction, soit à rejeter la demande d’homologation qui lui est adressée, s’il considère que l’accord conclu entre les parties ne répond pas aux exigences légales.
  • Décision du juge
    • Le juge dispose donc de deux options :
      • Première option : le juge accès à la demande d’homologation de la transaction
        • Dans cette hypothèse, le juge rend une ordonnance d’homologation qui confère à la transaction une force exécutoire.
        • L’article 1566, al. 2e du CPC précise toutefois que « s’il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu la décision. »
        • Cela signifie que dans l’hypothèse où la transaction porterait atteinte aux droits de tiers, ils disposent d’un recours aux fins d’obtenir la rétractation de l’ordonnance d’homologation rendue par le juge.
      • Seconde option : le juge rejette la demande d’homologation de la transaction
        • Le juge peut refuser d’homologuer la transaction qui lui est soumise s’il estime qu’elle ne répond pas aux exigences légales ou qu’elle porte atteinte à l’ordre public.
        • En tout état de cause, dans cette hypothèse, la transaction demeurera dépourvue de toute force exécutoire.
        • L’article 1566, al. 3e du CPC précise que la décision qui refuse d’homologuer l’accord peut faire l’objet d’un appel.
        • Cet appel doit alors être formé par déclaration au greffe de la cour d’appel.
        • La Cour d’appel statuera selon la procédure gracieuse.

ii. La contresignature d’avocats

?Principe

Depuis l’adoption de la loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, la saisine du juge aux fins d’homologation de la transaction conclue dans le cadre d’une procédure de résolution amiable des différends n’est plus la seule voie possible pour lui conférer une force exécutoire.

Ce texte a, en effet, créé une nouvelle voie qui consiste pour les parties à faire contresigner la transaction par leurs avocats respectifs, ce qui lui confère la valeur de titre exécutoire.

L’article L. 111-3, 7° du Code des procédures civiles d’exécution prévoit en ce sens que « les transactions et les actes constatant un accord issu d’une médiation, d’une conciliation ou d’une procédure participative, lorsqu’ils sont contresignés par les avocats de chacune des parties et revêtus de la formule exécutoire par le greffe de la juridiction compétente. »

Selon le législateur, l’objectif poursuivi par la création de ce nouveau titre exécutoire vise à favoriser le recours aux modes alternatifs de résolution des litiges, en renforçant l’efficacité des accords conclus par les parties.

À cet égard, l’acte contresigné par les avocats de chacune des parties apporte un certain nombre de garanties quant à la réalité et à la régularité de l’accord auquel elles sont parvenues.

En effet, pour mémoire, l’article 1374 du Code civil prévoit que « l’acte sous signature privée contresigné par les avocats de chacune des parties ou par l’avocat de toutes les parties fait foi de l’écriture et de la signature des parties, tant à leur égard qu’à celui de leurs héritiers ou ayants cause ».

En apposant leur contresignature à l’acte, les avocats des parties confèrent ainsi une valeur probante à l’origine de l’accord. Plus précisément, en contresignant, ils attestent l’identité des parties dont ils sont les conseils ainsi que l’authenticité de leur écriture et de leur signature.

L’autre garantie apportée par la contresignature de l’acte par les avocats est qu’elle permet d’opérer une partie du contrôle formel qui est habituellement réalisé par le juge de l’homologation.

?Domaine

Pour qu’une transaction conclue dans le cadre d’une procédure de résolution amiable des différends puisse se voir reconnaître la valeur de titre exécutoire en dehors de l’intervention du juge de l’homologation, elle doit avoir été contresignée, dit l’article L.111-3 du Code des procédures civiles d’exécution, par les avocats de chacune des parties.

Cela signifie donc que cette voie, qui permet de conférer à une transaction une force exécutoire sans qu’il soit besoin de saisir le juge, ne peut être empruntée que si toutes les parties sont représentées par un avocat.

Cette obligation, qui existe déjà par exemple dans le cadre du divorce par consentement mutuel sous signature privée prévu à l’article 229-1 du Code civil, est de nature à éviter tout conflit d’intérêts.

Aussi, dans l’hypothèse où les parties seraient représentées par un seul avocat, la contresignature ne conférera pas à l’acte la valeur de titre exécutoire.

Elles conservent toutefois la possibilité de recourir à l’homologation par le juge sur le fondement de l’article 1565 du CPC.

?Insuffisance de la contresignature d’avocats

S’il est désormais plus facile pour les parties de rendre exécutoire la transaction qu’elles ont conclue dans le cadre d’une procédure de résolution amiable des différends, le caractère de titre exécutoire n’est pas conféré directement à l’acte contresigné par les avocats, mais nécessite, en outre, l’apposition de la formule exécutoire par le greffe de la juridiction compétente.

L’article L. 111-3, 7° du Code des procédures civiles d’exécution prévoit en ce sens que la transaction ne peut valoir titre exécutoire qu’à la double condition qu’elle soit :

  • D’une part, contresignée par les avocats de chacune des parties
  • D’autre part, revêtue de la formule exécutoire apposée par le greffe de la juridiction compétente

Il ressort des travaux parlementaires que cette intervention du greffe vise à écarter le risque d’inconstitutionnalité pesant sur un dispositif qui aurait placé l’avocat comme seul acteur du contrôle de l’acte.

En effet, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur les conditions dans lesquelles le législateur peut autoriser une personne morale de droit privé à délivrer des titres exécutoires.

Dans sa décision n°99-416 DC du 23 juillet 1999, le Conseil constitutionnel a notamment jugé que « si le législateur peut conférer un effet exécutoire à certains titres délivrés par des personnes morales de droit public et, le cas échéant, par des personnes morales de droit privé chargées d’une mission de service public, et permettre ainsi la mise en œuvre de mesures d’exécution forcée, il doit garantir au débiteur le droit à un recours effectif en ce qui concerne tant le bien-fondé desdits titres et l’obligation de payer que le déroulement de la procédure d’exécution forcée ».

Il ressort notamment de cette décision que si une personne de droit privé peut être habilitée par le législateur à émettre des titres exécutoires, c’est à la condition qu’elle soit chargée d’une mission de service public.

La question qui alors se pose est de savoir comment identifier une personne de droit privé chargé d’une mission de service public.

Pour le déterminer, il convient de se reporter à un arrêt APREI rendu par le Conseil d’État le 22 février 2007, aux termes duquel il a été jugé qu’« une personne privée qui assure une mission d’intérêt général sous le contrôle de l’administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l’exécution d’un service public » (CE, 22 févr. 2007, n°26541).

À l’analyse, l’avocat contresignant un acte sous seing privé ne satisfait pas aux critères d’identification de la personne privée chargée d’une mission de service public énoncés dans cette décision.

D’une part, l’avocat n’exerce pas une mission de service public en tant que telle mais agit en tant que représentant de son client dont il cherche à préserver les intérêts.

La Cour de cassation a d’ailleurs qualifié l’avocat de « conseil représentant ou assistant l’une des parties en litige » et exclut de ce fait sa qualité de collaborateur occasionnel du service public de la justice (Cass. 1ère civ. 13 oct. 1998, n°96-13.862).

D’autre part, le critère du contrôle de l’administration ne saurait davantage être retenu à l’égard d’une profession libérale qui, contrairement aux notaires ou aux commissaires de justice dont certains actes ont valeur de titre exécutoire en application de l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution, sont des officiers publics ministériels.

C’est donc pour écarter le risque d’inconstitutionnalité d’un dispositif centré sur le seul acte contresigné par avocats qu’a été ajoutée la condition d’apposition par le greffe de la formule exécutoire.

?Procédure d’apposition de la formule exécutoire par le greffe

La procédure d’apposition de la formule exécutoire par le greffe sur un acte contresigné par des avocats est régie par les articles 1568 à 1571 du Code de procédure civile.

  • Auteur de la demande d’apposition de la formule exécutoire
    • L’article 1568 du CPC prévoit que la demande d’apposition de la formule exécutoire sur une transaction contresignée par des avocats peut être formulée par l’une ou l’autre partie.
  • Forme de la demande d’apposition de la formule exécutoire
    • La demande d’apposition de la formule exécutoire doit être formée par écrit et en double exemplaire, auprès du greffe de la juridiction du domicile du demandeur matériellement compétente pour connaître du contentieux de la matière dont relève l’accord.
  • Instruction de la demande d’apposition de la formule exécutoire
    • L’article 1568, al. 3e du CPC prévoit que le greffier n’appose la formule exécutoire qu’après avoir vérifié :
      • Sa compétence
      • La nature de l’acte qui lui est soumis
  • Communication et conservation de la décision du greffier
    • Le greffier accède à la demande d’apposition de la formule exécutoire
      • L’acte contresigné par avocats et revêtu de la formule exécutoire, est alors remis ou adressé au demandeur par lettre simple.
      • Le double de la demande ainsi que la copie de l’acte sont conservés au greffe.
    • Le greffier n’accède pas à la demande d’apposition de la formule exécutoire
      • La décision de refus du greffier d’apposer la formule exécutoire est notifiée par lettre simple au demandeur
      • Elle est conservée au greffe avec le double de la demande ainsi que la copie de l’acte
  • Contestation de l’apposition de la formule exécutoire
    • L’article 1570 du CPC prévoit que toute personne intéressée peut former une demande aux fins de suppression de la formule exécutoire devant la juridiction dont le greffe a apposé cette formule.
    • La demande est alors formée, instruite et jugée selon les règles de la procédure accélérée au fond.

b. La transaction est conclue en dehors d’une procédure de résolution amiable des différends

a. Principe : l’absence de force exécutoire

L’article 502 du Code de procédure civile prévoit que « nul jugement, nul acte ne peut être mis à exécution que sur présentation d’une expédition revêtue de la formule exécutoire, à moins que la loi n’en dispose autrement. »

Il ressort de cette disposition que pour que des obligations puissent faire l’objet d’une exécution forcée, l’acte constatant ces obligations doit revêtir ce que l’on appelle la « formule exécutoire ».

Cette formule est ce qui confère à l’acte ou à la décision de justice sur laquelle elle est apposée sa valeur de titre exécutoire.

À cet égard, conformément à l’article L. 111-2 du Code des procédures civiles d’exécution, seul le créancier muni d’un tel titre peut poursuivre l’exécution forcée de sa créance sur les biens de son débiteur.

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir comment se procurer un titre exécutoire.

Pour le déterminer, il convient de se reporter à l’article L. 111-3 du Code des procédures civiles d’exécution qui dresse une liste limitative des titres exécutoires. L’examen de cette liste révèle que les actes sous signature privée n’en font pas partie.

Il s’en déduit qu’une transaction conclue par voie d’acte sous signature privée est dépourvue de toute force exécutoire.

Autrement dit, en cas d’inexécution d’une obligation, le créancier n’aura d’autre choix que d’entreprendre des démarches auprès d’un juge aux fins d’obtenir un titre exécutoire.

La seule présentation d’un acte sous signature privée à un commissaire de justice, est donc impuissante à déclencher la mise en œuvre de mesures d’exécution forcée. Le commissaire de justice ne peut intervenir que s’il est en possession d’un titre exécutoire.

b. Exception : l’homologation judiciaire

Si, par principe, une transaction conclue sous signature privée est dépourvue de toute force exécutoire, il est fait exception à la règle en cas d’homologation judiciaire de celle-ci.

En effet, l’article 1567, al. 1er du CPC prévoit que « les dispositions des articles 1565 et 1566 sont applicables à la transaction conclue sans qu’il ait été recouru à une médiation, une conciliation ou une procédure participative »

Il ressort de cette disposition que lorsqu’une transaction a été conclue en dehors d’une procédure de résolution amiable des différends, la faculté est ouverte aux parties de saisir le juge aux fins de faire homologuer leur accord.

Cette possibilité d’homologation, qui n’est ouverte que pour les seules transactions, présente l’avantage pour les parties de conférer immédiatement à leur accord une force exécutoire sans qu’il leur soit besoin d’attendre la survenance d’une éventuelle inexécution, ce qui les contraindrait dès lors à devoir engager une procédure au fond.

La procédure d’homologation est quant à elle bien moins lourde et bien moins coûteuse à mettre en œuvre. Il s’agit en effet, comme vu précédemment, d’une procédure sur requête, soit une procédure non contradictoire.

S’agissant des dispositions encadrant la procédure d’homologation d’une transaction conclue en dehors d’une médiation, d’une conciliation ou d’une procédure participative, l’article 1567 du CPC renvoie aux articles 1565 à 1566 du même Code.

Aussi, se déroule-t-elle selon les mêmes règles procédurales que celles applicables à l’homologation judiciaire intervenant consécutivement à la mise en œuvre d’une procédure de résolution amiable des différends.

2. La transaction conclue par voie d’acte notarié

Une transaction peut être conclue par voie d’acte notarié, ce qui donc suppose l’intervention d’un notaire.

La particularité de l’acte notarié est qu’il est revêtu de la formule exécutoire ce qui présente l’immense avantage de conférer à l’accord constaté dans l’acte une force exécutoire.

L’article L. 111-3 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit en effet que les actes notariés revêtus de la formule exécutoire constituent des titres exécutoires.

Aussi, en cas d’inexécution de la transaction, la partie créancière de l’obligation inexécutée sera dispensée de saisir le juge de l’homologation.

Elle pourra, sans qu’il lui soit besoin d’accomplir aucune démarche auprès d’un juge ou du greffier, poursuivre, par l’entremise d’un commissaire de justice, l’exécution forcée de la transaction sur les biens de son débiteur

À cet égard, dans un arrêt du 21 octobre 2010, la Cour de cassation a précisé que « les dispositions de l’article 1441-4 du code de procédure civile [article 1567 aujourd’hui] ne font pas obstacle à ce qu’une transaction soit reçue par un notaire et que celui-ci lui confère force exécutoire » (Cass. 2e civ. 21 oct. 2010, n009-12.378).

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1 Comment

  1. Merci pour toutes ces precisions. Faut il que le notaire mentionne la force executoire ou est elle automatique dans un acte notarié?


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