Le Droit dans tous ses états

LE DROIT DANS TOUS SES ETATS

La transaction: vue générale

Lorsque survient un différend entre justiciables, la saisine du juge constitue toujours un échec pour ces derniers.

Car en effet, porter son litige devant une juridiction c’est renoncer à son pouvoir de décision à la faveur d’une tierce personne.

Plus précisément, c’est accepter de faire dépendre son sort d’un aléa judiciaire, lequel est susceptible de faire pencher la balance dans un sens ou dans l’autre.

Certes, le juge tranche le litige qui lui est soumis en fonction des éléments de preuve produits par les parties. Ces éléments doivent néanmoins être appréciés par lui, sans compter qu’il tranchera, en définitive, selon son intime conviction.

Or cette intime conviction du juge est difficilement sondable. Il y a donc bien un aléa qui est inhérent à toute action en justice, ce qui est de nature à placer les parties dans une situation précaire dont elles n’ont pas la maîtrise.

Au surplus, quelle que soit la décision entreprise par le juge – le plus souvent après plusieurs années de procédure – il est un risque qu’elle ne satisfasse aucune des parties pour la raison simple que cette décision n’aura, par hypothèse, pas été voulue par ces dernières.

Est-ce à dire que la survenance d’un litige condamne nécessairement les parties à une relégation au rang de spectateur, compte tenu de ce qu’elles n’auraient d’autre choix que de subir une solution qui leur aura été imposée ?

À l’analyse, la conduite d’un procès n’est pas la seule solution qui existe pour éteindre un litige ; il est une autre voie susceptible d’être empruntée.

Cette voie réside dans le choix de ce que l’on appelle les modes alternatifs de règlement des conflits désignés couramment sous l’appellation générique de MARC.

Les MARC désignent tous les modes de règlement des conflits autres que le mode contentieux judiciaire traditionnel. Ils offrent la possibilité aux parties, seules ou avec l’aide d’un tiers, assistées ou non d’un avocat, d’être acteurs de leur propre litige.

Depuis le milieu des années 1990, les MARC connaissent un essor considérable en France, le législateur ayant adopté une succession de mesures tendant à en assurer le développement auprès des justiciables jusqu’à, dans certains cas, les rendre obligatoires.

Aujourd’hui, il existe une grande variété de MARC : arbitrage, conciliation, médiation, convention de procédure participative, transaction…

Les dernières réformes en date qui ont favorisé le recours aux modes alternatifs de règlement des conflits ne sont autres que :

  • La loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle qui a notamment introduit l’obligation de réaliser une tentative amiable de résolution du litige préalablement à la saisine de l’ancien Juge d’instance
  • La loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice qui a renforcé les obligations de recours à la conciliation ou à la médiation en conférant notamment au juge le pouvoir d’enjoindre les parties de rencontrer un médiateur

Plus récemment encore, le décret n°2023-686 du 29 juillet 2023 a créé deux nouveaux outils procéduraux visant à favoriser la résolution amiable des litiges devant le Tribunal judiciaire : l’audience de règlement amiable et la césure du procès civil.

Dans sa décision rendue le 21 mars 2019, le Conseil constitutionnel a affirmé que la démarche du législateur visant à réduire le nombre des litiges soumis au juge participe de la poursuite de l’objectif à valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice.

Parmi ces techniques, qui constituent autant d’alternatives au procès, il en est une qui offre la possibilité aux parties de régler elles-mêmes leur différend sans l’intervention d’un tiers : c’est la transaction.

🡺Notion

Le terme transaction résulte de la combinaison des mots latins « trans » (au-delà) et « agere » (pousser). Étymologiquement, la transaction exprime ainsi l’idée d’une technique visant à dépasser un conflit.

À cet égard, la transaction est une institution des plus anciennes qui était connue des romains. Ces derniers l’envisageaient comme un accord conclu entre les parties permettant de prévenir ou de mettre fin à un procès.

Elle avait également les faveurs de l’un des rédacteurs du Code civil, Bigot de Préameneu, qui, dans les travaux préparatoires, écrivaient que « de tous les moyens de mettre fin aux différents que font naître entre les hommes leurs rapports variés et multipliés à l’infini, le plus heureux dans tous ses effets est la transaction, ce contrat par lequel sont terminées les contestations existantes, ou par lequel on prévient les contestations à naître ».

Assez curieusement, il n’avait pourtant pas été prévu, à l’origine, de consacrer à la transaction des dispositions spécifiques dans le Code civil. Ce n’est qu’à la toute fin du parcours législatif que des articles portant sur la transaction ont été intégrés dans le Code Napoléonien.

Aujourd’hui, la définition que l’on retrouve de la transaction dans le Code civil n’est pas très éloignée de celle retenue par le droit romain.

L’article 2044 du Code civil définit, en effet, la transaction comme « un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître ».

Il ressort de cette disposition que la transaction s’analyse comme un contrat et plus précisément comme un contrat nommé.

À la vérité, elle est plus qu’un contrat dans la mesure où elle emprunte également au droit judiciaire privé, en raison de ses fonctions.

🡺Fonctions

La transaction, telle qu’envisagée par le Code civil, remplit les mêmes fonctions que la technique issue du droit romain :

  • Première fonction : prévenir une contestation à naître
    • Lorsque les parties optent pour la conclusion d’un accord transactionnel, elles font le choix de renoncer à faire trancher leur différend par un juge.
    • Transiger c’est donc éviter de s’engager dans une procédure judiciaire qui promet d’être longue, coûteuse et surtout incertaine.
    • La transaction permet ainsi aux parties de conserver la maîtrise de leur sort et, par voie de conséquence, de mieux accepter le compromis qui en résultera.
  • Seconde fonction : terminer une contestation née
    • La transaction n’a pas seulement pour fonction de prévenir un éventuel procès ; elle met fin à la contestation des parties.
    • Cette technique a, en effet, pour effet d’éteindre le droit d’agir en justice, en ce sens que, une fois conclue et sous réserve de valable, elle fait obstacle à la saisine du juge.
    • En transigeant, les parties vident le litige de sa substance. Or un litige qui perd son objet emporte extinction de l’intérêt à agir des parties.
    • Si une partie saisissait le juge, nonobstant la conclusion d’une transaction, elle se verrait opposer une fin de non-recevoir pour cause de chose transigée.

🡺Intérêt

L’intérêt de la transaction est triple pour les parties :

  • D’une part, la transaction confère aux parties la faculté de mettre définitivement fin à leur litige au moyen d’un compromis et donc d’éviter de subir une décision dont les termes seraient déterminés par le juge. Une solution négociée par les parties a, en effet, bien plus de chance d’être acceptée par elles et donc d’être exécutée, qu’une solution qui leur serait imposée.
  • D’autre part, la transaction est pourvue, à l’instar de n’importe quel contrat, de la force obligatoire, de sorte qu’elle ne peut pas être remise en cause, sauf irrégularité affectant la validité de l’accord transactionnel. Lorsqu’elle est homologuée, la transaction pourra, en outre, être dotée de la force exécutoire, ce qui signifie qu’elle s’élèvera au rang de titre exécutoire autorisant alors la partie créancière à solliciter une exécution forcée de l’accord conclu avec son cocontractant.
  • Enfin, la transaction permet de chasser l’incertitude quant à la mise en œuvre d’une procédure judiciaire. En transigeant, les parties acquièrent, en effet, la certitude que leur litige ne pourra pas être porté, dans le futur, devant une juridiction.

Ce triple intérêt que recèle la transaction est résumé par l’adage : « mieux vaut un mauvais arrangement qu’un bon procès ».

🡺Règles applicables

La transaction, en ce qu’elle consiste en un contrat, est régie par le droit commun des contrats, de sorte que s’appliquent notamment à elle les règles relatives à la formation, aux effets et à l’exécution des conventions.

Par ailleurs, parce qu’elle relève de la catégorie des contrats nommés, la transaction est également soumise à des règles spéciales. Ces règles sont énoncées aux articles 2044 à 2052 du Code civil.

Là ne sont pas les seules règles applicables à la transaction, il faut aussi compter sur les dispositions que l’on retrouve dans des matières très spécifiques, telles que le droit du travail ou encore le droit des accidents de la circulation.

On retrouve, en effet, dans ces matières des règles qui intéressent la transaction et qui dérogent au droit commun.

La Cour de cassation a, par exemple, décidé s’agissant d’une transaction ayant pour objet de mettre fin à un litige résultant d’un licenciement, qu’elle ne pouvait être valablement conclue qu’une fois la rupture du contrat de travail intervenue et définitive (Cass. soc. 29 mai 1996, n°92-45.115).

En matière d’indemnisation des accidents de la circulation, l’article 211-16 du Code des assurances atténue la force obligatoire de la transaction en prévoyant que « la victime peut, par lettre recommandée, ou par envoi recommandé électronique avec demande d’avis de réception, dénoncer la transaction dans les quinze jours de sa conclusion. »

 

  1. F. Terré, Ph. Simpler et Y. Lequette, Droit civil – Les obligations, Dalloz, 9e éd., 2005, coll. « précis », n°184, p. 185.
  2. Ph. Delebecque, Les clauses allégeant les obligations : thèse, Aix, 1981, p. 198, n° 164
  3. Ph. Malaurie, L’ordre public et le contrat, th., 1953, p. 69, n°99.
  4. J. Carbonnier, Droit civil : les biens, les obligations, PUF, 2004, n°984, p. 2037.
  5. Ibid.
  6. Ph. Malinvaud et D. Fenouillet, Droit des obligations, LexisNexis, 2012, n°267, p. 207-208.
  7. Lexique des termes juridiques, 30e éd. Dalloz
  8. V. en ce sens L. Thibierge, La transaction, Rép Dalloz. n°156.

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