L’article 1128 du Code civil qui énonce les conditions de validité du contrat s’applique au cautionnement.
Aussi, pour être valide, le cautionnement doit-il satisfaire à trois conditions cumulatives que sont :
- Le consentement des parties
- La capacité des parties
- L’existence d’un contenu licite et certain
Nous nous focaliserons ici sur le consentement des parties.
Le cautionnement est un acte grave, car susceptible d’engager la caution pour un montant important et une durée indéterminée.
Il est donc absolument nécessaire que le consentement de la caution existe, mais encore que cette dernière se détermine en connaissance de cause, soit que son consentement ne soit pas vicié.
La théorie des vices du consentement, issu du droit commun des contrats, s’applique au cautionnement.
Le consentement de la caution ne doit pas seulement avoir été exprimé au moment de la conclusion de l’acte, il doit encore n’être affecté d’aucun vice.
Autrement dit, la caution doit s’être obligée au profit du créancier de façon libre et éclairée ce qui implique qu’elle ne se soit pas engagée par erreur, ni que son consentement ait été obtenu au moyen de manœuvres dolosives ou de la violence.
§1: L’erreur
==> Notion
L’erreur peut se définir comme le fait pour une personne de se méprendre sur la réalité. Cette représentation inexacte de la réalité vient de ce que l’errans considère, soit comme vrai ce qui est faux, soit comme faux ce qui est vrai.
L’erreur consiste, en d’autres termes, en la discordance, le décalage entre la croyance de celui qui se trompe et la réalité.
Lorsqu’elle est commise à l’occasion de la conclusion d’un contrat, l’erreur consiste ainsi dans l’idée fausse que se fait le contractant sur tel ou tel autre élément du contrat.
Il peut donc exister de multiples erreurs :
- L’erreur sur la valeur des prestations: j’acquiers un tableau en pensant qu’il s’agit d’une toile de maître, alors que, en réalité, il n’en est rien. Je m’aperçois peu de temps après que le tableau a été mal expertisé.
- L’erreur sur la personne: je crois solliciter les services d’un avocat célèbre, alors qu’il est inconnu de tous
- Erreur sur les motifs de l’engagement : j’acquiers un appartement dans le VIe arrondissement de Paris car je crois y être muté. En réalité, je suis affecté dans la ville de Bordeaux
Manifestement, ces hypothèses ont toutes en commun de se rapporter à une représentation fausse que l’errans se fait de la réalité.
Cela justifie-t-il, pour autant, qu’elles entraînent la nullité du contrat ? Les rédacteurs du Code civil ont estimé que non.
Afin de concilier l’impératif de protection du consentement des parties au contrat avec la nécessité d’assurer la sécurité des transactions juridiques, le législateur, tant en 1804, qu’à l’occasion de la réforme du droit des obligations, a décidé que toutes les erreurs ne constituaient pas des causes de nullité.
Aussi, certaines erreurs sont sans incidence sur la validité du contrat. Ce constat est d’autant plus vrai pour le cautionnement, dans la mesure où il s’agit d’un contrat unilatéral.
Parce que la caution est la seule partie à s’obliger, cette circonstance exclut d’emblée certains cas d’erreur.
Par exemple, la caution ne pourra pas se prévaloir d’une erreur sur la contrepartie attendue puisque, par hypothèse, cette contrepartie est inexistante.
Elle ne pourra pas non plus arguer que son erreur portait sur l’objet de son engagement, lequel n’est autre qu’une créance de somme d’argent. Or l’erreur sur la valeur est indifférente ; elle n’est pas une cause de nullité.
À l’analyse, si les cas d’erreur sont finalement assez réduits en matière de cautionnement, ceux admis par la jurisprudence ont donné lieu à un abondant contentieux, ce qui, la plupart du temps, s’explique par les circonstances qui ont entouré la souscription de l’engagement de caution.
I) Conditions de droit commun
Pour constituer une cause de nullité du cautionnement l’erreur doit, en toutes hypothèses, être :
==> Une erreur déterminante
- Principe
- L’article1130 du Code civil prévoit que l’erreur vicie le consentement lorsque sans elle « l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes»
- Autrement dit, l’erreur est une cause de consentement lorsqu’elle a été déterminante du consentement de l’errans, ce qui implique qu’elle portait sur des éléments essentiels du contrat.
- Pour faire échec au cautionnement, la caution devra donc démontrer qu’elle ne se serait jamais engagée si elle avait su, lors de la conclusion du contrat, que la réalité était différente de ce qu’elle croyait.
- Appréciation du caractère déterminant
- L’article 1130, al. 2 précise que le caractère déterminant de l’erreur « s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné»
- Le juge est ainsi invité à se livrer à une appréciation in concreto du caractère déterminant de l’erreur
==> Une erreur excusable
- Principe
- Il ressort de l’article 1132 du Code civil que, pour constituer une cause de nullité, l’erreur doit être excusable
- Par excusable, il faut entendre l’erreur commise une partie au contrat qui, malgré la diligence raisonnable dont elle a fait preuve, n’a pas pu l’éviter.
- Cette règle se justifie par le fait que l’erreur ne doit pas être la conséquence d’une faute de l’errans.
- Celui qui s’est trompé ne saurait, en d’autres termes, tirer profit de son erreur lorsqu’elle est grossière.
- C’est la raison pour laquelle la jurisprudence refuse systématiquement de sanctionner l’erreur inexcusable (V. en ce sens par exemple 3e civ., 13 sept. 2005).
- Domaine
- Le caractère excusable n’est exigé qu’en matière d’erreur sur les qualités essentielles de la prestation ou de la personne.
- En matière de dol, l’erreur commise par le cocontractant sera toujours sanctionnée par la nullité, quand bien même ladite erreur serait grossière.
- Dans un arrêt du 21 février 2001, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que la « réticence dolosive à la supposer établie, rend toujours excusable l’erreur provoquée» ( 3e civ., 21 févr. 2001).
- Appréciation
- L’examen de la jurisprudence révèle que les juges se livrent à une appréciation in concreto de l’erreur pour déterminer si elle est ou non inexcusable.
- Lorsque, de la sorte, l’erreur est commise par un professionnel, il sera tenu compte des compétences de l’errans (V. en ce sens soc., 3 juill. 1990).
- Les juges feront également preuve d’une plus grande sévérité lorsque l’erreur porte sur sa propre prestation.
- S’agissant de l’erreur commise par la caution, son caractère excusable peut s’avérer difficile à démontrer dans la mesure où pèse sur cette dernière une obligation de se renseigner.
II) Variétés d’erreurs commises en matière de cautionnement
Aux termes de l’article 1132 du Code civil « l’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant. »
Il ressort de cette disposition que seules deux catégories d’erreur sont constitutives d’une cause de nullité du contrat :
- L’erreur sur les qualités essentielles de la prestation due
- L’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant
À ces deux catégories d’erreur, il convient toutefois d’en ajouter une troisième à laquelle ne fait nullement référence l’ordonnance du 10 février 2016 et qui, pourtant regroupe des hypothèses où l’erreur est si grave qu’elle empêche la rencontre même des volontés. Il s’agit de la catégorie des erreurs obstacles.
A) L’erreur obstacle
1. Notion
Il s’agit de l’erreur qui procède d’un malentendu en ce sens que les parties n’ont pas voulu la même chose.
L’erreur est si grave que la rencontre des volontés n’a pas pu se réaliser. Traditionnellement, on distingue deux sortes d’erreur obstacle :
- L’erreur porte sur la nature de l’acte: une partie croyait acheter un bien alors que l’autre souhaitait simplement la louer.
- L’erreur porte sur l’objet de la prestation: une partie croyait acheter un immeuble, alors que l’autre entendait vendre un immeuble voisin
En matière de cautionnement, dans la mesure où la prestation fournie par la caution est toujours la même, soit garantir le paiement d’une créance de somme d’argent en cas de défaut du débiteur principal, la caution pourra difficilement se prévaloir d’une erreur sur l’objet de sa prestation.
Aussi, la seule erreur obstacle dont peut raisonnablement se prévaloir la caution est celle portant sur la nature de son engagement.
Deux cas de figure sont susceptibles de se présenter :
- La caution croit avoir souscrit un simple engagement moral au profit du créancier, alors qu’il s’agit d’un véritable cautionnement
- La caution croit que la signature de l’acte de cautionnement est une simple formalité nécessaire à la souscription du prêt garanti
Bien que la preuve de l’erreur obstacle soit extrêmement difficile à rapporter, il est certaines décisions qui l’ont admise.
Dans un arrêt du 25 mai 1964, la Cour de cassation a ainsi validé la décision rendue par une Cour d’appel qui avait annulé l’engagement de deux cautions au motif que compte tenu de leur illettrisme et de l’absence de lecture de l’acte avant sa signature, les intéressées « avaient donné leur consentement à une convention ayant un objet autre que celle à laquelle ils pensaient adhérer »
Pour la Cour de cassation « la méprise invoquée avait porté non sur les conséquences, mais sur la substance même de l’engagement et que l’erreur en résultant avait été le motif principal et déterminant de l’obligation contractée », raison pour laquelle l’annulation du cautionnement était pleinement justifié (Cass. 1ère civ. 25 mai 1964).
À l’analyse, les décisions qui font droit aux demandes de nullité d’un cautionnement sur le fondement de l’erreur obstacle demeurent rares.
Seules des circonstances exceptionnelles permettent à la caution d’obtenir ce résultat, les juges estimant, la plupart du temps, que l’ignorance de la caution sur la nature de son engagement est constitutive d’une erreur inexcusable et qui donc n’est pas sanctionnée (V. en ce sens CA Paris 9 avril 1992).
2. Effets
Lorsque l’erreur obstacle est admise, elle a pour effet de priver les parties de leur consentement, de sorte que leurs volontés n’ont pas pu se rencontrer.
Plus qu’un vice du consentement, l’erreur obstacle rend le consentement inexistant, de sorte que le contrat n’a pas pu se former.
3. Sanction
==> La reconnaissance souhaitable de l’inexistence
Dans la mesure où l’erreur obstacle a pour effet de faire « obstacle » à la rencontre des volontés, elle devrait être sanctionnée par l’inexistence.
- Notion
- Pour mémoire, l’inexistence consiste en la sanction généralement prononcée à l’encontre d’un acte dont l’un des éléments constitutifs essentiels à sa formation fait défaut.
- Plus précisément l’inexistence est prononcée lorsque la défaillance qui atteint l’une des conditions de validité de l’acte porte sur son processus de formation
- Aussi, en matière de contrat, l’inexistence vient-elle généralement sanctionner l’absence d’échange des consentements.
- Dans un arrêt du 5 mars 1991, la Cour de cassation a approuvé en ce sens une Cour d’appel qui, après avoir relevé qu’aucun échange de consentement n’était intervenu entre les parties, a estimé qu’il n’y avait pas pu y avoir de contrat elles ( 1ère civ., 5 mars 1991)
- Conformément à cette jurisprudence, l’erreur obstacle devrait donc, en toute logique, être sanctionnée par l’inexistence, comme le soutiennent certains auteurs[1]
- Tel n’est cependant pas, pour l’heure, la voie empruntée par la Cour de cassation.
- Intérêt
- Pourquoi, préférer la sanction de l’inexistence à la nullité ?
- Dans l’hypothèse, où le non-respect d’une condition de validité du contrat est sanctionné par la nullité, celui qui entend contester l’acte dispose d’un délai de 5 ans pour agir.
- Conformément à l’article 2224 du Code civil, le point de départ de ce délai de prescription court à compter « du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »
- Pour le cautionnement, il s’agira du jour de la conclusion du contrat
- Dans l’hypothèse toutefois où la sanction prononcée est l’inexistence de l’acte, le contrat n’a jamais été formé puisque les volontés ne se sont pas rencontrées.
- Il en résulte que les parties à l’acte inexistant ne sauraient se prévaloir d’aucun droit, sinon de celui de faire constater l’inexistence.
- Aussi, l’exercice de l’action en inexistence n’est-il subordonné à l’observation d’un quelconque délai de prescription.
- L’intérêt de la sanction de l’inexistence ne tient pas seulement à l’absence de prescription de l’action.
- Elle réside également dans l’impossibilité pour les parties de confirmer l’acte.
- On ne saurait, en effet, confirmer la validité d’un acte qui n’a jamais existé.
==> L’admission de la nullité
Bien que l’inexistence soit, eu égard à tout ce qui vient d’être rappelé, la sanction la plus appropriée quant à répondre à la situation à laquelle conduit l’erreur obstacle, soit l’absence de rencontre des volontés des parties, la jurisprudence préfère néanmoins opter pour la nullité du contrat (V. en ce sens Cass. 3e civ. 16 déc. 2014, n°14-14.168).
B) L’erreur sur les qualités essentielles de la prestation due
Aux termes de l’article 1132 du Code civil « l’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due »
Si cette règle de droit commun s’applique pleinement au cautionnement, encore faut-il déterminer quelles sont les qualités essentielles de la prestation en jeu dans cette variété de contrat.
==> L’erreur sur l’objet de l’obligation de la caution
Au préalable, il peut être observé que, dans la mesure où le cautionnement est un contrat unilatéral, la caution ne pourra se prévaloir que d’une erreur sur sa propre prestation et non sur celle fournie par le créancier qui, par hypothèse, est inexistante.
Alors que la question s’était posée en jurisprudence de savoir si l’erreur pouvait constituer une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur la propre prestation de l’errans, la Cour de cassation (Cass. civ. 23 juin 1873 ; Cass. 1ère civ., 22 févr. 1978), puis le législateur l’ont finalement admis.
L’article 1133, al. 2 du Code civil issu de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 prévoit en ce sens que « l’erreur est une cause de nullité qu’elle porte sur la prestation de l’une ou de l’autre partie. »
Rien n’exclut donc, en principe, que la caution puisse se prévaloir d’une erreur sur sa propre prestation, laquelle consiste à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci.
Reste que l’engagement de la caution se confond avec l’objet même du contrat de cautionnement, de sorte que, en pratique, il s’avérera extrêmement difficile pour cette dernière de prouver qu’elle ignorait ce à quoi elle s’engageait en souscrivant un cautionnement.
Surtout, l’objet de l’obligation garantie consiste toujours en une somme d’argent. Or l’erreur sur la valeur est indifférente.
Pour mémoire, l’article 1136 du Code civil prévoit que « l’erreur sur la valeur par laquelle, sans se tromper sur les qualités essentielles de la prestation, un contractant fait seulement de celle-ci une appréciation économique inexacte, n’est pas une cause de nullité. »
À cet égard, l’erreur sur la valeur doit s’entendre comme l’erreur sur l’évaluation économique de l’objet du contrat.
Dans ces conditions la caution ne pourra, a priori, pas obtenir la nullité du cautionnement en arguant qu’elle a commis une erreur sur le montant de son engagement.
Dans un arrêt du 17 juillet 1996, la Cour de cassation a, par exemple, jugé que « la disproportion entre les ressources de la caution et le montant du cautionnement n’est pas constitutive d’une erreur sur la substance » (Cass. 1ère civ. 17 juill. 1996, n°94-14.132).
==> L’erreur sur l’existence d’autres sûretés
Par exception, il est admis que l’erreur sur l’étendue de l’engagement de caution puisse être une cause de nullité du cautionnement lorsqu’elle consiste en la croyance – fausse – de l’existence d’autres sûretés.
Plus précisément, ce cas d’erreur correspond à l’hypothèse où la caution pensait, au moment de son engagement, que d’autres sûretés avaient été constituées au profit du créancier, de sorte que, en cas de défaillance du débiteur, ces sûretés viendraient mécaniquement limiter son obligation de payer, à tout le moins elles pourraient lui profiter par le jeu de la subrogation.
La caution s’aperçoit toutefois que, en réalité, soit aucune garantie n’a été prise, soit celles qu’elle croyait constituées sont frappées d’une irrégularité les privant de leur efficacité.
En première intention, on voit mal comment une telle erreur pourrait porter sur les qualités essentielles de l’engagement de caution dans la mesure où elle a, au contraire, pour objet la prestation fournie par des tiers, soit les autres garants de la dette cautionnée.
La méprise de la caution sur l’existence d’autres sûretés s’apparenterait donc plutôt en une erreur sur les motifs. Or il s’agit là d’une erreur qui, par principe, n’est pas sanctionnée.
Telle n’est pourtant pas l’analyse retenue par la Cour de cassation qui considère que ce sont bien les qualités essentielles de l’engagement de caution qui sont en jeu.
Dans un arrêt du 2 mai 1989 elle a par exemple jugé que « en cas de pluralité de cautions, dont l’une vient à disparaître ultérieurement, les autres cautions peuvent invoquer la nullité de leur engagement pour erreur sur l’étendue des garanties fournies au créancier en démontrant qu’elles avaient fait du maintien de la totalité des cautions la condition déterminante de leur propre engagement » (Cass. 1ère civ. 2 mai 1989, n°87-17.599).
Dans un arrêt du 1er juillet 1997, la Cour de cassation a encore validé la décision prise par une Cour d’appel qui avait annulé un cautionnement au motif que, lors de son engagement, la caution avait commis une erreur sur le rang de l’hypothèque constituée au profit du créancier sur un immeuble appartenant au débiteur principal.
Au soutien de sa décision, la Première chambre civile affirme que « l’erreur commise par la caution sur l’étendue des garanties fournies au créancier ayant déterminé son consentement constitue une cause de nullité de l’acte de cautionnement » (Cass. 1ère civ. 1er juill. 1997, n°95-12.163).
Pour la Cour de cassation l’erreur commise sur l’existence d’autres sûretés constitue donc bien une cause de nullité du cautionnement.
La raison en est que, si la caution s’est engagée, c’est qu’elle croyait que le poids de la dette serait réparti entre plusieurs garants, voire que son engagement consisterait seulement en une avance de paiement dans l’attente de pouvoir réaliser les autres sûretés constituées au profit du créancier.
En se méprenant sur cette situation, c’est la substance même de son engagement qui s’en trouve atteinte, d’où la position de la Cour de cassation.
Reste que, pour être sanctionnée, l’erreur commise par la caution doit avoir été déterminante de son engagement.
Cette condition se dégage notamment d’un arrêt remarqué rendu par la Cour de cassation le 18 mars 2014.
Dans cette décision, elle confirme l’arrêt d’une Cour d’appel aux termes duquel les juges du fond avaient prononcé la nullité d’un cautionnement au motif que la caution s’était portée garante dans la croyance erronée de l’engagement d’autres cautions.
Au soutien de sa décision, la Chambre commerciale affirme « qu’au regard de l’importance de l’engagement souscrit, Mme X… n’a pu se porter caution de la société, qu’en considération de l’existence des sept autres cofidéjusseurs, dont la société Segura investissement personne morale ; qu’ayant ainsi fait ressortir que Mme X… avait fait de l’existence des autres cautionnements souscrits la condition déterminante de son propre engagement, la cour d’appel a légalement justifié sa décision » (Cass. com. 18 mars 2014, n°13-11.733).
Ce qui donc importe c’est que la constitution d’autres sûretés (réelles ou personnelles) ait été déterminante de l’engagement de la caution.
Si cette condition n’est pas remplie, alors la Cour de cassation refusera de voir l’erreur commise comme constitutive d’une cause de nullité (V. en ce sens Cass. com. 24 nov. 1981, n°80-10.205).
==> Cas particulier de l’erreur en présence d’une garantie Bpifrance
Bpifrance (anciennement OSEO) est un organisme qui poursuit une mission d’intérêt public consistant notamment à garantir les financements octroyés aux entreprises par les établissements bancaires.
Si la garantie consentie par Bpirance présente toutes les apparences d’un cautionnement, en réalité elle s’en distingue.
Tout d’abord, cette garantie qui a pour objet d’assurer l’entrepreneur contre le risque de défaillance tout en ne garantissant les banques que pour une partie de leur perte finale éventuelle, ne bénéficie qu’à l’établissement financier et ne peut en aucun cas être invoquée par les tiers, notamment l’emprunteur et ses garants personnels.
Surtout, il s’agit d’une garantie finale qui couvre le risque au prorata de la proportion souscrite et n’a vocation à jouer qu’une fois épuisées toutes les poursuites contre le débiteur et la caution.
Autrement dit, la garantie fournie par Bpifgrance présente un caractère subsidiaire, en ce sens qu’elle ne peut être actionnée que lorsque l’ensemble des poursuites engagées à l’encontre des autres garants se sont révélées infructueuses.
Cette position privilégiée occupée par Bpifrance, qui donc ne se situe pas sur le même plan que les cofidéjusseurs, n’est pas sans avoir été source de contentieux.
Certaines cautions ont notamment cherché à se soustraire à leur engagement en avançant qu’elles avaient été induites en erreur par la présence de Bpifrance qui aurait été de nature à les tromper sur la portée de leur engagement.
Sensible à cet argument, la Cour de cassation a fait droit, dans plusieurs décisions, aux demandes formulées par des cautions en convoquant plusieurs fondements juridiques tels que l’erreur, le dol ou encore l’obligation d’information.
Dans un arrêt du 22 septembre 2015, elle a ainsi censuré la décision d’une Cour d’appel qui avait refusé d’annuler un cautionnement sur le fondement de l’erreur.
Dans cette décision elle reproche notamment aux juges du fonds d’avoir statué par des « motifs généraux relatifs aux caractéristiques de la garantie de la société Oseo, qui sont impropres à exclure, dès lors que M. X… soutenait n’avoir pas eu connaissance des conditions générales de cette garantie et avoir fait du maintien de celle-ci la condition déterminante de son engagement, l’existence d’une erreur de la caution sur le caractère subsidiaire de la garantie de la société Oseo » (Cass. com. 22 sept. 2015, n°14-17.671).
Dans un autre arrêt, rendu en date du 3 décembre 2013, la Chambre commerciale a pu retenir la responsabilité d’une banque en affirmant qu’il lui appartenait de démontrer qu’elle avait informé la caution sur les modalités de fonctionnement de la garantie OSEO et notamment sur son caractère subsidiaire, faute de quoi elle engageait sa responsabilité pour faute (Cass. com. 3 déc. 2013, n°12-23.976).
Dans un arrêt du 23 septembre 2014, la Chambre commerciale a encore pu juger que le défaut d’information imputable à la banque était susceptible de s’analyser en une réticence dolosive justifiant l’annulation du cautionnement (Cass. com. 23 sept. 2014, n°13-20.766).
Favorable aux cautions qui ont trouvé là un moyen fort astucieux pour faire échec aux poursuites des créanciers, cette stratégie devrait être plus difficile à mettre en œuvre aujourd’hui dans la mesure où les cautions sont désormais informées systématiquement informées par Bpifrance sur son rôle de sorte qu’elles pourront difficilement se prévaloir d’une erreur ou d’un dol.
Dans un arrêt du 14 novembre 2019 la Cour de cassation a ainsi refusé de statuer dans le sens d’une Cour d’appel qui avait annulé un cautionnement sur le fondement de l’erreur.
Elle reproche notamment aux juges du fond de n’avoir pas établi « le caractère déterminant qu’aurait eu pour la caution la connaissance du mécanisme de la garantie Oseo, à défaut de quoi, l’erreur sur la substance de son engagement ne pouvait être invoquée par la caution » (Cass. com. 14 nov. 2019, n°18-18.579).
C) L’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant
1. Principe général
L’article 1134 du Code civil prévoit que « l’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant n’est une cause de nullité que dans les contrats conclus en considération de la personne. »
Cela signifie donc que dans, l’hypothèse où la caution se méprendrait sur la personne du créancier, elle serait fondée à demander l’annulation du cautionnement.
Reste que, comme pour l’erreur sur les qualités essentielles de la prestation, l’erreur sur la personne n’est que très exceptionnellement une cause de nullité en matière de cautionnement.
Pour qu’elle le soit, la caution devra démontrer que la qualité essentielle du créancier sur laquelle elle s’est trompée était déterminante de son engagement.
Or en pratique, lorsque la caution s’engage, elle le fait en considération, non pas de pas de la personne du créancier, mais du débiteur.
Est-il besoin de rappeler que la cause de son engagement réside dans l’existence de la dette à garantir et non dans la fourniture d’une contrepartie qui, compte tenu du caractère unilatéral du cautionnement, est, en toute hypothèse, inexistante.
Aussi, les qualités du créancier sont indifférentes, à tout le moins subsidiaires, dans la mesure où la caution n’attend aucune prestation de lui.
Tout au contraire, elle est suspendue à l’exécution de l’obligation principale par le débiteur qu’elle garantit.
En réalité c’est la solvabilité de celui-ci qui sera déterminante de l’engagement souscrit par la caution.
La question qui alors se pose est alors de savoir si l’erreur commise sur cette solvabilité est une cause de nullité du cautionnement.
2. Cas particulier de l’erreur sur la solvabilité du débiteur
Si donc la caution s’oblige c’est, avant toute chose, en considération de la solvabilité du débiteur.
L’enjeu pour cette dernière est de ne pas être appelée en garantie ; d’où le caractère déterminant pour elle de la capacité du débiteur à rembourser le créancier.
Il est néanmoins des cas où la caution se méprendra sur la solvabilité du débiteur : elle croyait sa situation financière suffisamment solide pour supporter le poids de l’obligation principale, alors qu’il n’en était rien.
En pareille hypothèse, pourrait-elle se prévaloir d’une erreur aux fins d’échapper à son engagement de caution ?
Deux situations doivent être distinguées :
a. Première situation : l’erreur porte sur la solvabilité future du débiteur
La question qui ici se pose est de savoir si la caution peut se prévaloir, comme cause de nullité, de l’erreur qu’elle aurait commise sur l’insolvabilité du débiteur qui se révélerait postérieurement à son engagement.
Dans cette hypothèse, la jurisprudence estime fort logiquement que l’erreur commise ne constitue pas une cause de nullité.
Dans un arrêt du 13 novembre 1990, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « la seule appréciation erronée, par la caution, des risques que lui faisait courir son engagement, ne constitue pas une erreur sur la substance, de nature à vicier son consentement » (Cass. 1ère civ. 13 nov. 1990, n°89-13.270).
La solution se justifie pleinement dans la mesure où c’est l’objet même du cautionnement que de garantir le risque d’insolvabilité susceptible de se produire postérieurement à l’engagement de la caution.
L’erreur sur la réalisation future de ce risque ne saurait, dans ces conditions, constituer une cause de nullité du cautionnement.
Admettre la solution inverse reviendrait à considérer que le cautionnement est nul toutes les fois que la caution est appelée en garantie. Or cela n’aurait aucun sens.
b. Seconde situation : l’erreur porte sur la solvabilité actuelle du débiteur
==> Termes du débat
Cette situation est très différente de la première dans la mesure où l’erreur commise porte ici, non pas sur le risque futur d’insolvabilité du débiteur, mais sur sa capacité de remboursement au jour de l’engagement de la caution.
Lorsqu’une caution s’oblige, elle le fait, en principe, en considération de la solvabilité du débiteur et plus précisément parce qu’elle le croit en capacité d’exécuter l’obligation garantie.
Aussi, la caution espère-t-elle n’être jamais appelée en garantie et avoir à payer.
Ce n’est que dans des cas très exceptionnels que la caution s’engagera au profit du créancier alors qu’elle sait la situation financière du débiteur fragile, voire obérée.
La solvabilité de ce dernier est donc un élément déterminant de l’engagement de caution.
Est-ce à dire que, en cas d’erreur sur la solvabilité du débiteur au moment où elle s’engage, la caution est fondée à solliciter la nullité du cautionnement ?
Plusieurs arguments visant à apporter une réponse négative à cette question ont été avancés par les auteurs.
Tout d’abord, lorsque l’erreur est commise sur la solvabilité du débiteur, elle porte moins sur la prestation que sur la personne.
À cet égard, pour être cause de nullité, l’erreur sur la personne doit porter sur les qualités essentielles du cocontractant.
Or le débiteur principal est un tiers à l’opération de cautionnement, de sorte que la caution ne saurait se prévaloir d’une erreur sur sa personne pour être déchargée de son engagement.
Ensuite, à supposer que l’on admette que la croyance erronée dans la solvabilité du débiteur ait été déterminante du consentement de la caution, elle s’analyse en un simple motif de son engagement.
Or conformément à l’article 1135, al. 1er du Code civil, l’erreur sur les motifs est indifférente.
Cette erreur n’est sanctionnée qu’à la condition, précise le texte, que les parties « en aient fait expressément un élément déterminant de leur consentement. »
Enfin, d’aucuns soutiennent qu’il appartient à la caution de se renseigner sur la solvabilité du débiteur.
Dans ces conditions, elle ne saurait, postérieurement à son engagement, se prévaloir d’une erreur sur la capacité du débiteur à exécuter l’obligation principale.
==> Jurisprudence
- Première étape
- Au début des années 1970, la jurisprudence s’est montrée plutôt favorable à accueillir les demandes de nullité fondées sur l’erreur sur la solvabilité du débiteur.
- Dans un arrêt du 1er mars 1972, la Cour de cassation a ainsi validé l’annulation d’un cautionnement en retenant, au soutien de sa décision, que la caution « avait commis une erreur sur le motif principal et déterminant de l’engagement soumis à sa signature et que l’acte litigieux devait être déclaré nul pour vice du consentement» ( 1ère civ. 1er mars 1972, n°70-10.313).
- Deuxième étape
- Dans un arrêt du 25 octobre 1977, la Cour de cassation est, par suite, revenue sur sa position en affirmant que l’erreur sur la solvabilité du débiteur ne pouvait être constitutive d’une cause de nullité qu’à la condition que les parties l’aient fait entrer dans le champ contractuel.
- Plus précisément, elle affirme que les cautions qui, dans cette affaire, sollicitaient la nullité du cautionnement « ne pouvaient être déliées de leur obligation contractuelle de rembourser le prêt pour erreur sur la solvabilité de la société, au jour de leur engagement, que si [celles-ci] démontraient [qu’elles] avaient fait de cette circonstance la condition de leur engagement» ( 1ère civ. 25 oct. 1977, n°76-11.441).
- Cette position n’a pas manqué de faire réagir la doctrine qui a reproché à la Cour de cassation sa rigueur excessive.
- Il a notamment été soutenu que jamais les créanciers n’accepteraient, en pratique, que la caution déclare dans l’acte de cautionnement qu’elle a entendu faire de la solvabilité du débiteur un élément déterminant de son engagement, au risque de lui offrir la possibilité de se soustraire trop facilement de son obligation.
- Par ailleurs, la stipulation d’une telle clause serait de nature à retirer à l’opération de cautionnement une partie de son caractère aléatoire.
- Or comme relevé par des auteurs « le cautionnement garantie subsidiaire, reste-t-il un cautionnement s’il n’existe plus aucun aléa au sujet de l’appel en paiement de la caution, ni sur la possibilité de pour la caution de se faire rembourser par le débiteur ?»[2].
- Au surplus, exiger de la caution qu’elle prouve que la solvabilité du débiteur a été une condition de son engagement, revient finalement pour elle à démontrer que son erreur a été déterminante de son consentement.
- Troisième étape
- Sensible aux critiques émises contre sa position par une partie de la doctrine, la Cour de cassation a fini par infléchir sa jurisprudence.
- Dans un arrêt du 1er octobre 2002, elle a en effet admis que la caution puisse faire faire entrer tacitement dans le champ contractuel la condition tenant à la solvabilité du débiteur ( com. 1er oct. 2002, n°00-13.189).
- En l’espèce, une caution s’était engagée solidairement envers une banque à garantir le remboursement de toutes sommes dues ou à devoir par une société qui a, par suite, été mise en redressement judiciaire quelque mois après la souscription de son engagement.
- La Chambre commerciale admet que « la caution avait fait de la solvabilité du débiteur principal la condition tacite de sa garantie»
- Pour la haute juridiction, il n’est donc pas nécessaire qu’une clause soit expressément stipulée dans l’acte de cautionnement ; il suffit que la caution démontre que son engagement était tacitement subordonné à la solvabilité du débiteur.
- Avec cette décision, on passe d’un extrême à l’autre : il est désormais admis que la caution puisse se prévaloir postérieurement à la conclusion du cautionnement d’une erreur sur la solvabilité du débiteur en prétextant qu’il s’agissait là d’un élément déterminant de son engagement.
- Reste que, comme relevé par les auteurs, il est peu probable que cette solution puisse se concilier avec le nouvel article 1135, al. 1er du Code civil introduit par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.
- Cette disposition prévoit, pour mémoire, que l’erreur sur les motifs est une cause de nullité à la condition exclusive que les parties en aient « fait expressément un élément déterminant de leur consentement.»
- L’erreur sur la solvabilité du débiteur s’analysant précisément en une erreur sur les motifs on voit mal comment, en matière de cautionnement, elle pourrait déroger à la règle.
- Aussi, est-il fort probable que la Cour de cassation abandonne sa jurisprudence.
§2: Le dol
Le dol est un moyen de défense couramment invoqué par les cautions aux fins de faire échec aux poursuites des créanciers.
Classiquement, il est défini comme le comportement malhonnête d’une partie qui vise à provoquer une erreur déterminante du consentement de son cocontractant.
L’article 1137 prévoit en ce sens que « le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges. »
À cet égard, si le dol est de nature à vicier le consentement d’une partie au contrat, il constitue, pour son auteur, un délit civil susceptible d’engager sa responsabilité.
Contrairement à l’erreur qui est nécessairement spontanée, le dol suppose l’établissement d’une erreur provoquée par le cocontractant.
Depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016, il est régi par les articles 1137 à 1139 du Code civil.
Bien que le cautionnement soit un terrain particulièrement fertile pour l’accomplissement de manœuvres dolosives, il n’en demeure pas moins soumis au droit commun des contrats.
I) Les conditions du dol
Plusieurs conditions doivent être réunies pour que le dol soit constitué. Ces conditions tiennent :
- D’une part, à ses éléments constitutifs
- D’autre part, à son auteur
- Enfin, à la victime
A) Les conditions relatives aux éléments constitutifs du dol
Le dol est caractérisé par :
- Un élément matériel
- Un élément intentionnel
1. L’élément matériel du dol
L’article 1137 alinéa 1, du Code civil prévoit que « le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges ».
L’alinéa 2 ajoute que « constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie »
Il ressort de ces deux dispositions que le dol est susceptible de se manifester sous trois formes différentes :
- des manœuvres
- un mensonge
- un silence
Si, les deux premières formes de dol ne soulèvent guère de difficultés d’appréciation, il n’en va pas de même pour la réticence dolosive qui, si elle a été consacrée par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, n’en suscite pas moins des interrogations quant à sa mise en œuvre.
a. Les manœuvres ou mensonges
i. Droit commun
Dans un premier temps, la notion de manœuvres a été interprétée par la jurisprudence de manière restrictive.
Elles se limitaient à des actes positifs par lesquels une partie créait chez son cocontractant une fausse apparence de la réalité.
Par manœuvres, il fallait donc entendre les mises en scènes, les artifices réalisés par une partie en vue de tromper son cocontractant (V. en ce sens par exemple Cass. com., 19 déc. 1961)
Le dol était alors clairement assimilé à l’escroquerie, au sens du délit pénal.
Dans un second temps, les juridictions ont, après s’y être refusées (V. en ce sens Cass. Req. 29 nov. 1876), assimilé les manœuvres, au sens strict, au mensonge, soit à une affirmation contraire à la vérité faite dans l’intention de tromper.
Dans un arrêt du 6 novembre 1970 la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « un simple mensonge, non appuyé d’actes extérieurs, peut constituer un dol » (Cass. 3e civ. 6 nov. 1970).
Le dol était de la sorte susceptible d’être caractérisé toutes les fois qu’une partie formulait une affirmation fausse sur un élément du contrat.
Cette extension du domaine du dol a été consacrée par la réforme des obligations. Le nouvel article 1137 du Code civil vise désormais, au nombre des manifestations du dol, tant les manœuvres que les mensonges.
Dans un arrêt remarqué du 13 décembre 1994 dont la solution est toujours d’actualité, la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que lorsque le mensonge consiste en une simple exagération qui ne dépasse pas « ce qui est habituel dans les pratiques commerciales », il ne tombe pas sous le coup du dol (Cass. com., 13 déc. 1994, n°92-20.806).
Il s’agit de ce que l’on appelle un dolus bonus, soit un dol dont la caractérisation est insusceptible d’entraîner la nullité du contrat.
Cette solution se justifie par l’idée que l’exagération des qualités d’un produit ou d’une prestation est communément admise dans les relations d’affaires. Il s’agit là d’une pratique qui est inhérente aux négociations commerciales.
Qui plus est, la loi ne saurait protéger la naïveté ou la trop grande crédulité d’une partie au contrat.
La question qui alors se pose est de savoir où se trouve la limite entre le dolus bonus et le dolus malus.
Il ressort de la jurisprudence que l’exagération des qualités d’un produit ou d’une prestation est admise lorsque, d’une part, son auteur n’est animé par aucune intention de tromper et, d’autre part, lorsqu’aucun manquement à son obligation d’information ne saurait lui être reproché.
ii. Application au cautionnement
En matière de cautionnement, les manœuvres et mensonges constitutifs d’un dol consisteront, le plus souvent, pour le créancier à tromper la caution sur la situation financière du débiteur.
Dans un arrêt du 7 février 1983, la Cour de cassation a ainsi validé la décision d’une Cour d’appel qui avait annulé un cautionnement au motif que le créancier avait certifié à la caution que la situation du débiteur était saine et qu’il n’y avait aucun risque pour elle à se porter garante de l’opération, alors qu’il n’en était rien.
Pour la Chambre commerciale ces mensonges, qui ont été déterminants de l’engagement de la caution, constituaient bel et bien de manœuvres dolosives, ce qui justifiait, à ce titre, l’annulation du cautionnement (Cass. com. 7 fèvr. 1983, n°81-15.339).
b. La réticence dolosive
i. Droit commun
==> Évolution de la jurisprudence
Initialement, la jurisprudence considérait que le silence ne pouvait, en aucun cas, sauf disposition spéciale, être constitutif d’un dol.
Les rédacteurs du Code civil étaient guidés par l’idée que les parties à un contrat sont égales, de sorte qu’il leur appartient, à ce titre, de s’informer.
Aussi, le silence était regardé comme une arme dont les contractants étaient libres de se servir l’un contre l’autre.
Au fond, celui qui se tait et qui donc ne formule aucune affirmation fausse ne trompe pas. Rien ne justifie donc que le silence s’apparente à un dol.
C’est la raison pour laquelle, pendant longtemps, la Cour de cassation a été fermement opposée à la reconnaissance de ce que l’on appelle la réticence dolosive comme cause de nullité (V. en ce sens notamment Cass. req., 17 févr. 1874).
Le silence d’une partie à un contrat n’était sanctionné que dans l’hypothèse où un texte lui imposait une obligation spéciale d’information.
Par suite, la jurisprudence a évolué. Au début des années 1970, la Cour de cassation a, en effet, infléchi sa position an admettant que, dans certaines circonstances, la loyauté pouvait commander à une partie de communiquer à son cocontractant des renseignements dont elle sait qu’ils sont déterminants de son consentement.
Dans un arrêt du 15 janvier 1971, la troisième chambre civile a estimé en ce sens que « le dol peut être constitué par le silence d’une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s’il avait été connu de lui, l’aurait empêché de contracter » (Cass. 3e civ. 15 janv. 1971).
Immédiatement, la question s’est alors posée de savoir à quel fondement rattacher la réticence dolosive.
L’examen de la jurisprudence révèle que le silence pouvait constituer une cause de nullité du contrat :
- Soit parce qu’une obligation d’information pesait sur celui qui s’est tu
- Soit parce que ce dernier a manqué à son obligation de bonne foi
Ainsi les juridictions ont-elles assimilé la réticence dolosive à la violation de deux obligations distinctes, encore que, depuis les arrêts Vilgrain (Cass. com., 27 févr. 1996) et Baldus (Cass. 1ère civ. 3 mai 2000) les obligations de bonne foi et d’information ne semblent pas devoir être placées sur le même plan.
La première ne serait autre que le fondement de la seconde, de sorte que l’élément matériel de la réticence dolosive résiderait, en réalité, dans la seule violation de l’obligation d’information.
Est-ce cette solution qui a été retenue par le législateur lors de la réforme des obligations ?
==> Consécration légale
L’article 1137, al. 2e du Code civil, issu de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, prévoit que « constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie »
Le silence d’une partie a ainsi été reconnu par le législateur comme constituant une cause de nullité au même titre que les manœuvres dolosives ou les mensonges.
La réticence dolosive ne repose toutefois plus, comme c’était le cas sous l’empire du droit antérieur, sur le fondement de l’obligation précontractuelle d’information.
Pour mémoire, une obligation générale d’information a été consacrée par le législateur à l’article 1112-1 du Code civil, de sorte qu’elle dispose d’un fondement textuel qui lui est propre.
Aussi, cette obligation est-elle désormais totalement déconnectée des autres fondements juridiques auxquels elle était traditionnellement rattachée.
Il en résulte qu’il n’y a plus lieu de s’interroger sur l’opportunité de reconnaître une obligation d’information lors de la formation du contrat ou à l’occasion de son exécution.
Elle ne peut donc plus être regardée comme une obligation d’appoint de la théorie des vices du consentement.
La conséquence en est, s’agissant de la caractérisation de la réticence dolosive, qu’il n’est plus nécessaire pour la victime de démontrer que son cocontractant était tenu à une obligation d’information.
Il lui suffit de démontrer que l’auteur de la réticence dolosive avait connaissance d’informations déterminantes de son consentement, lesquelles lui ont été intentionnellement dissimulées.
ii. Application au cautionnement
Lorsque le dol est invoqué par une caution aux fins de faire annuler son engagement, elle soutiendra, avoir été victime du silence – dolosif – de son cocontractant.
Il est fréquent, en effet, que, au jour de l’engagement de la caution, le créancier savait que la situation du débiteur était fragile, sinon désespérée. Seulement, il ne lui a rien dit dans l’unique but de faire peser sur elle la charge de la dette qu’il entend faire garantir.
Si toutefois la caution avait eu connaissance de cette situation, qui lui a été sciemment dissimulée par le créancier, elle ne se serait jamais engagée à son profit.
Lorsque les juridictions ont à connaître de la validité d’un cautionnement conclu dans de telles circonstances, elles admettent régulièrement qu’il puisse être annulé sur le fondement de la réticence dolosive, à plus forte raison si la caution était profane.
Dans un arrêt du 10 mai 1989, la Cour de cassation a ainsi jugé que « manque à son obligation de contracter de bonne foi et commet ainsi un dol par réticence la banque qui, sachant que la situation de son débiteur est irrémédiablement compromise ou à tout le moins lourdement obérée, omet de porter cette information à la connaissance de la caution afin d’inciter celle-ci à s’engager » (Cass. 1ère civ. 10 mai 1989, n°87-14.294).
Par suite, la première chambre civile reconduira cette solution à plusieurs reprises et dans les mêmes termes (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 18 févr. 1997, n°95-11.816 ; Cass. 1ère civ. 4 janv. 2005, n°03-16.667)
La chambre commerciale statuera dans le même sens dans un arrêt du 26 mai 1992 (Cass. com. 26 mai 1992, n°90-13.540).
Dans un arrêt du 16 juin 2015, elle retiendra, par exemple, que « commet un dol par réticence la banque qui, sachant que la situation de son débiteur est lourdement obérée, omet de porter cette information à la connaissance de la caution, l’incitant ainsi à s’engager » (Cass. com. 16 juin 2015, n°14-10.375).
Dans un arrêt du 13 mai 2003, la Cour de cassation a précisé qu’il était indifférent que le créancier prenne la précaution de stipuler dans l’acte de cautionnement une clause énonçant que la caution ne fait pas de la situation du cautionné la condition déterminante de son engagement.
Elle considère que la réticence dolosive est caractérisée « dès lors que la banque l’avait stipulée en connaissance des difficultés financières du débiteur principal » (Cass. 1ère civ. 13 mai 2003, n°01-11-511).
Il reviendra toutefois à la caution de prouver que le créancier avait connaissance de la situation irrémédiablement compromise du débiteur (Cass. 1ère civ. 13 févr. 1996, n°94-10.908).
Si donc la réticence dolosive est caractérisée lorsque le créancier a dissimulé à la caution une information déterminante de son engagement, encore faut-il que cette dissimulation ait été intentionnelle.
2. L’élément intentionnel du dol
==> L’exigence d’intention
Le dol suppose la volonté de tromper son cocontractant. C’est en cela qu’il constitue un délit civil, soit une faute susceptible d’engager la responsabilité extracontractuelle de son auteur.
Aussi, est-ce sur ce point que le dol se distingue de l’erreur, laquelle ne peut jamais être provoquée. Elle est nécessairement spontanée.
- En matière de sol simple
- Dans un arrêt du 12 novembre 1987 la Cour de cassation reproche en ce sens à une Cour d’appel d’avoir retenu un dol à l’encontre du vendeur d’un camion qui ne répondait pas aux attentes de l’acquéreur « sans rechercher si le défaut de communication des factures de réparation et d’indication de réparations restant à effectuer avait été fait intentionnellement pour tromper le contractant et le déterminer à conclure la vente» ( 1ère civ. 12 nov. 1987)
- Plus récemment, la Cour de cassation a encore approuvé une Cour d’appel qui avait retenu un dol à l’encontre du vendeur d’un fonds de commerce, celle-ci ayant parfaitement « fait ressortir l’intention de tromper du cédant» ( com. 11 juin 2013).
- En matière de réticence dolosive
- Dans un arrêt du 28 juin 2005 rendu en matière de réticence dolosive, la haute juridiction a adopté une solution identique en affirmant que « le manquement à une obligation précontractuelle d’information, à le supposer établi, ne peut suffire à caractériser le dol par réticence, si ne s’y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement et d’une erreur déterminante provoquée par celui-ci» ( com. 28 juin 2005)
Le cautionnement n’échappe pas à la règle. La jurisprudence exige également pour retenir le dol que soit établie l’intention du créancier de tromper sciemment la caution.
Dans un arrêt du 13 février 1996 la Cour de cassation a ainsi censuré une Cour d’appel qui avait annulé un cautionnement, au motif qu’elle n’avait pas recherché « si le défaut d’information imputé à la banque avait pour objet de tromper [la caution] et de la déterminer à se rendre caution, de sorte que la réticence dolosive n’était pas caractérisée » (Cass. 1ère civ. 13 févr. 1996, n°94-10.908).
Elle a statué dans le même sens dans un arrêt du 9 juillet 2003 aux termes duquel elle refuse de valider l’annulation d’un cautionnement, faute pour la caution d’avoir prouvé que la banque avait cherché à la tromper (Cass. 1ère civ. 9 juill. 2003, n°01-11.959).
Aussi, l’omission d’information par négligence imputable au créancier ne suffit pas, à elle seule, à affecter le cautionnement de nullité. Elle permettra tout au plus à la caution d’obtenir des dommages et intérêts, à la condition qu’elle soit en mesure de justifier d’un préjudice.
==> La preuve de l’intention
Il peut tout d’abord être observé que la charge de la preuve pèse toujours sur la victime du dol.
Ainsi, lui appartiendra-t-il d’établir que son cocontractant était animé de l’intention de la tromper au moment de la formation du contrat
Comment prouver ?
- En matière de dol simple
- La volonté de tromper pourra se déduire des manœuvres ou du mensonge
- En matière de réticence dolosive
- La preuve sera manifestement plus délicate à rapporter
- Cela suppose, en effet, d’établir que l’auteur du dol avait la connaissance de l’information qu’il a, sciemment, dissimulée à son cocontractant.
- À défaut, la preuve du dol ne sera pas rapportée (V par exemple 3e civ., 28 mai 2013)
- Le juge sera alors tenté de déduire l’intention de tromper d’un double constat :
- D’une part, celui qui s’est tu connaissait l’information
- D’autre part, il connaissait son importance pour son cocontractant
- En matière de cautionnement, les juridictions auront tendance à déduire l’intention de tromper de la connaissance par le créancier de la situation irrémédiablement compromise du débiteur.
- À cet égard, la Cour de cassation a validé cette approche dans un arrêt du 22 mai 2013.
- Dans cette décision elle juge que la Cour d’appel avait pu valablement déduire de la détention par le créancier d’informations déterminantes sur la situation financière du débiteur dont les cautions ne disposaient pas, la volonté de ce dernier de dissimuler « délibérément le risque élevé de l’opération garantie»
- Pour la chambre commerciale, « par ces seuls motifs, dont il résultait que le [créancier] avait délibérément dissimulé aux cautions des informations, indépendantes des seuls risques et aléas du montage, sans lesquelles elles n’auraient pas contracté, la cour d’appel, hors toute dénaturation, sans méconnaître le secret bancaire, ni être tenue de procéder aux recherches inopérantes demandées, ni de répondre au moyen inopérant de la quatrième branche, a légalement justifié sa décision» ( com. 22 mai 2013, n°11-20.398)
B) Les conditions relatives à l’auteur du dol
==> Principe général
Pour être cause de nullité, le dol doit émaner, en principe, d’une partie au contrat. L’article 1137 du Code civil énonce en ce sens que « le dol est le fait pour un contractant ».
Aussi, le dol ne peut-il jamais avoir pour origine un tiers au contrat.
Dans un arrêt du 27 novembre 2001, la Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler cette règle en décidant que « le dol n’est une cause de nullité que s’il émane de la partie envers laquelle l’obligation est contractée » (Cass. com. 27 nov. 2001).
Si donc le dol émane d’un tiers, le contrat conclu par la victime n’encourt pas la nullité, quand bien même elle a été trompée sur l’étendue et la portée de son engagement.
Le cautionnement ne déroge pas à la règle. Dans un arrêt du 22 juillet 1986, la Cour de cassation a validé la décision d’une Cour d’appel qui a débouté la caution qui, pour se soustraire à son engagement, soutenait avoir été trompée par un tiers.
Pour justifier le rejet du pourvoi formé par cette dernière, la chambre commerciale affirme que « le dol viciant le consentement de l’une des parties à un contrat n’emporte la nullité de ce contrat que s’il émane de l’autre partie ».
Elle en déduit que les juges du fond n’avaient « pas à rechercher s’il existait ou non des manœuvres dolosives imputées à des tiers au contrat de cautionnement à l’occasion de la conclusion d’une autre convention, même si la caution s’était engagée en conséquence de cette dernière convention » (Cass. com. 22 juill. 1986, n°85-12.392).
Si donc le dol émanant d’un tiers ne constitue pas une cause de nullité du cautionnement, quid lorsqu’il est le fait d’une personne qui, sans être partie à l’acte, est intéressée à l’opération.
La question s’est notamment posée lorsque le dol émane du débiteur ou d’un cofidéjusseur.
- Le dol émane du débiteur
- En pratique, c’est l’hypothèse la plus fréquente. Le débiteur cherche à convaincre la caution de garantir son engagement en dissimulant des informations déterminantes sur sa situation financière ou sur les conditions de réalisation de l’opération.
- Reste que le débiteur est tiers à l’opération de cautionnement
- Lorsque, dès lors le dol émane du débiteur, en application de l’article 1137 du Code civil, il est sans effet sur la validité du cautionnement.
- La caution n’est donc pas fondée à se prévaloir de la nullité de l’acte.
- Dans un arrêt du 20 mars 1989, la Cour de cassation casse et annule la décision d’une Cour d’appel qui avait admis que le dol puisse émaner du débiteur.
- Au soutien de sa décision, elle affirme que « même dans un contrat unilatéral tel que le cautionnement, le dol ne peut entraîner la nullité de la convention que s’il émane du cocontractant» ( 1ère civ. 20 mars 1989, n°87-15.450).
- Le dol émane d’un cofidéjusseur
- Le cofidéjusseur est, pour mémoire, celui qui, pour garantir le paiement de la même dette d’un même débiteur, se porte caution solidairement ou non, avec d’autres personnes, tenues comme lui.
- Une application stricte de l’article 1137 du Code civil devrait conduire à exclure la possibilité pour la caution de se prévaloir du dol émanant d’un cofidéjusseur aux fins de faire annuler le cautionnement.
- Bien que les cofidéjusseurs soient tenus à la même dette, ils sont des tiers les uns envers les autres. Ils ne s’obligent qu’envers le seul créancier.
- La Cour de cassation n’a toutefois pas opté pour cette approche.
- Dans un arrêt du 29 mai 2001, elle a jugé que « dans les rapports entre cofidéjusseurs, le dol peut être invoqué par la caution qui se prévaut de la nullité du cautionnement lorsqu’il émane de son cofidéjusseur» ( com. 29 mai 2001, n°96-18.118).
- Faut-il interpréter cette décision comme admettant qu’une caution puisse se prévaloir à l’encontre du créancier du dol émanant d’un cofidéjusseur ? La doctrine est partagée.
- Pour certains auteurs, il y a lieu de répondre par l’affirmative à cette question, ce qui témoignerait de la volonté de la Cour de cassation d’adopter une interprétation extensive la règle énoncée à l’article 1137 du Code civil[3].
- Pour d’autres, la solution retenue par la Cour de cassation aurait, en réalité, une portée limitée[4].
- Lorsque le dol émanerait d’un cofidéjusseur il produirait ses effets, non pas contre le créancier, mais « dans les rapports entre cofidéjusseurs».
- Aussi, la caution ne serait, en aucune manière, fondée à solliciter la nullité du cautionnement qui demeurerait parfaitement valide.
- Elle pourrait seulement se prévaloir du dol dont elle a été victime à l’encontre du cofidéjusseur qui en est l’auteur, ce qui concrètement pourrait se traduire de deux façons différentes :
- Le cofidéjusseur dont émane le dol serait privé de la possibilité d’exercer tout recours en paiement contre la caution
- La caution pourrait solliciter auprès du cofidéjusseur le remboursement de la part de la dette qu’elle a été contrainte de régler.
- Compte tenu de ce que, dans sa décision, la chambre commerciale prend le soin de préciser que c’est « dans les rapports entre cofidéjusseurs» que le dol qui émane d’un cofidéjusseur peut être invoqué par la caution, nous inclinons pour la seconde thèse.
==> Correctif
La jurisprudence a apporté un correctif à la règle excluant les tiers de la catégorie des personnes dont doit nécessairement émaner le dol, en admettant que la victime puisse agir sur le fondement de l’erreur.
Dans un arrêt du 3 juillet 1996, la première chambre civile a affirmé en ce sens que « l’erreur provoquée par le dol d’un tiers à la convention peut entraîner la nullité du contrat lorsqu’elle porte sur la substance même de ce contrat » (Cass. 1ère civ. 3 juill. 1996).
La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par substance du contrat ?
Il peut être observé que la décision qui nous préoccupe a été rendue bien avant la réforme du droit des contrats.
Sous l’empire du droit antérieur à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, pour être cause de nullité l’erreur devait porter sur la « substance de la chose ».
Le législateur lui a préféré en 2016 le vocable « qualités essentielles de la prestation » aux fins de mettre un terme au débat qui portait sur le sens à donner à « substance de la chose ».
Si donc la solution rendue par la Cour de cassation devait être reconduite – ce qui en l’état du droit positif ne s’est pas produit – pour être fondée à solliciter l’annulation du contrat la victime du dol devra être en mesure de prouver qu’elle a été trompée par le tiers sur les qualités essentielles de la prestation promise.
Appliquée au cautionnement, cette solution ne devrait trouver à s’appliquer que dans de très rares cas.
Comme indiqué précédemment, en cette matière, l’erreur sur les qualités essentielles de la prestation se conçoit difficilement dans la mesure où ladite prestation se confond avec l’objet même de l’engagement de caution. On voit dès lors mal comment cette dernière pourrait soutenir avoir commis une erreur sur la prestation fournie.
Reste que, dans un arrêt du 28 octobre 2005, la Cour d’appel de Paris l’a admis en adoptant une approche pour le moins extensive de la notion d’erreur sur la substance.
Dans cette décision, les juges du second degré ont estimé qu’elle devait être envisagée comme une erreur déterminante du consentement, ce qui dès lors autorise la caution à se prévaloir d’une telle erreur (CA Paris, 28 oct. 2005).
Cette décision sera-t-elle reconduite ? Depuis l’entrée en vigueur de la réforme du droit des contrats, aucune juridiction n’a statué en ce sens, à tout le moins pas à notre connaissance.
==> Exceptions
Il ressort de l’article 1138 du Code civil que, par exception, le dol peut émaner :
- Soit du représentant, gérant d’affaires, préposé ou porte-fort du contractant
- L’ordonnance du 10 février 2016 est venue ici consacrer les solutions classiques adoptées par la jurisprudence.
- Dans un arrêt du 29 avril 1998, la Cour de cassation avait ainsi approuvé une Cour d’appel d’avoir retenu un dol à l’encontre d’une société, alors que les manœuvres avaient été effectuées par le mandataire de cette dernière.
- Au soutien de sa décision, la haute juridiction relève que « la SCI avait confié à la société CEF le mandat de vendre les appartements et qu’il n’était pas démontré que cette société aurait dépassé les limites des pouvoirs de représentation conférés par le mandant, alors que la SCI avait connaissance des informations fallacieuses communiquées par la société CEF aux acheteurs potentiels et avait bénéficié du dol, lequel avait été appuyé par l’offre d’une garantie locative excessive afin d’accréditer l’idée que le prêt bancaire serait remboursé par les loyers» ( 3e civ. 29 avr. 1998).
- Cette exception est susceptible de jouer en matière de cautionnement, lorsque, par exemple, la caution est trompée par le mandataire du créancier (V. en ce sens CA Paris, 22 sept. 1995).
- Soit d’un tiers de connivence
- L’article 1138, al. 2e du Code civil prévoit que le dol est constitué « lorsqu’il émane d’un tiers de connivence. »
- Comme la précédente, cette exception n’est pas nouvelle.
- Le législateur a simplement consacré une solution déjà existante.
- Dans un arrêt du 16 décembre 2008, la Cour de cassation a, par exemple, validé la décision d’une Cour d’appel qui avait annulé un acte en raison de l’existence d’une collusion entre l’auteur du dol et l’une des parties au contrat ( com. 16 déc. 2008).
- Cette solution a été appliquée par la Cour de cassation au cautionnement dans un plusieurs décisions.
- Dans un arrêt du 20 mars 1989 la première chambre civile a, par exemple, cassé et annulé la décision d’une Cour d’appel qui avait fait droit à la demande d’annulation d’un cautionnement formulée par une caution qui se prévalait d’un dol émanant d’un tiers.
- La haute juridiction reproche aux juges du fond d’avoir statué en ce sens, alors qu’elle n’avait relevé « l’existence d’aucune collusion frauduleuse» entre le créancier et le tiers ( 1ère civ. 20 mars 1989, n°87-15.450).
- À cet égard, c’est à la victime du dol qu’il appartient de prouver la connivence.
- L’article 1138, al. 2 ne dit cependant pas ce que l’on doit entendre par connivence
- Aussi, est-ce à la Cour de cassation qu’il reviendra la tâche de délimiter les contours de cette notion.
- La connivence suppose-t-elle seulement de la part du tiers qu’il ait connaissance d’une information déterminante du consentement de la victime ou doit-il être démontré que, comme son complice, il avait l’intention de tromper cette dernière ?
C) Les conditions relatives à la victime du dol
Pour que le dol constitue une cause de nullité,
- D’une part, le consentement de la victime doit avoir été donné par erreur
- D’autre part, l’erreur provoquée par l’auteur du dol doit avoir été déterminante
1. L’exigence d’une erreur
==> Existence d’une erreur
Pour que le dol puisse être retenu à l’encontre de l’auteur d’agissements trompeurs, encore faut-il qu’une erreur ait été commise par la victime.
À défaut, le contrat ne saurait encourir la nullité. Cette sanction ne se justifie, en effet, que s’il y a vice du consentement
Or lorsque les manœuvres d’une partie n’ont provoqué aucune erreur chez son cocontractant, le consentement de celle-ci n’a, par définition, pas été vicié.
==> Objet de l’erreur
Parce que le dol vient sanctionner un comportement malhonnête de son auteur, il constitue une cause de nullité quand bien même l’erreur qu’il provoque chez le cocontractant est indifférente.
Une erreur qui donc serait insusceptible d’entraîner l’annulation du contrat si elle avait été commise de manière spontanée, peut avoir l’effet opposé dès lors qu’elle a été provoquée.
Dans un arrêt du 2 octobre 1974, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « dès lors qu’elle a déterminé le consentement du cocontractant, l’erreur provoquée par le dol peut être prise en considération, même si elle ne porte pas sur la substance de la chose qui fait l’objet du contrat. » (Cass. 3e civ. 2 oct. 1974).
Cette solution a été consacrée à l’article 1139 du Code civil issu de l’ordonnance du 10 février 2016 qui prévoit que « l’erreur […] est une cause de nullité alors même qu’elle porterait sur la valeur de la prestation ou sur un simple motif du contrat ».
Il en résulte que, en matière de dol, l’erreur de la victime peut indifféremment porter :
- Sur la valeur de la prestation due ou fournie
- Sur les motifs de l’engagement
L’article 1139 du Code civil précise que lorsqu’elle est provoquée par un dol, l’erreur qui devrait être considérée comme inexcusable, quand elle est commise spontanément, devient excusable et donc une cause de nullité du contrat.
Le caractère excusable ou inexcusable de l’erreur est, de la sorte, indifférent.
Dans un arrêt du 21 février 2001, la Cour de cassation avait déjà eu l’occasion d’affirmer que « la réticence dolosive, à la supposer établie, rend toujours excusable l’erreur provoquée » (Cass. 3e civ. 21 févr. 2001).
En matière de cautionnement, l’erreur provoquée par le dol peut avoir plusieurs objets au nombre desquels figurent notamment :
- Solvabilité du débiteur
- L’existence d’autres garanties
- L’étendue de l’engagement de la caution
- L’objet réel de la dette garantie
Si, la jurisprudence admet, en matière de dol, tout type d’erreur, elle prête, en revanche, une attention toute particulière à la qualité de la caution.
==> L’Incidence de la qualité de la caution
L’examen de la jurisprudence révèle que les juges traitent différemment les cautions averties des cautions profanes.
- Les cautions averties
- Lorsque l’annulation d’un cautionnement est sollicitée sur le fondement du sol, il apparaît que les juges sont plus exigeants à l’égard des cautions averties, soit des personnes qui disposent de compétences dans le domaine des opérations financières.
- Dans un arrêt du 16 novembre 1993, la Cour de cassation a, par exemple, refusé de reconnaître le dol dont se prévalait une caution dirigeante au motif qu’elle « connaissait la situation de la société garantie lors de la constitution des cautionnements» ( com. 16 nov. 1993, n°91-14.388).
- Cette position est guidée par l’idée que, de par sa fonction, le dirigeant a accès à toutes les informations lui permettant d’apprécier la situation financière de la société qu’il garantit.
- Comment, dans ces conditions, pourrait-il arguer avoir été trompé sur la portée ou l’étendue de son engagement ?
- Dans un arrêt du 19 avril 2009, la Cour de cassation a fait application de ce raisonnement à un associé qui avait cautionné les dettes de sa société.
- Pour débouter ce dernier de sa demande de nullité du cautionnement souscrit, la chambre commerciale relève notamment « qu’il était acquis aux débats que la société Pradier industries était, à la date des cautionnements litigieux, associée à concurrence de 50 % de son capital de la société Matériaux modernes ce dont il se déduisait qu’étant, de ce fait même, déjà renseignée ou, du moins, en mesure d’obtenir sur la situation de la société Matériaux modernes toutes les informations propres à lui permettre d’apprécier l’opportunité des engagements qu’elle se proposait de souscrire» ( com. 19 avr. 2005, n°03-12.879).
- Si les juridictions font montre de sévérité à l’égard des cautions averties, cela ne signifie pas pour autant que ces dernières soient totalement privées de la possibilité de se prévaloir d’un dol.
- Pour être entendues, elles devront toutefois prouver que, nonobstant leur qualité de dirigeant ou d’associé de l’entreprise cautionnée, elles ne pouvaient pas connaître l’information qui leur a été dissimulée (V. en ce sens com. 26 mai 1992, n°90-13.540).
- Les cautions profanes
- Lorsque la caution est profane, la jurisprudence fait peser une obligation d’information renforcée sur le créancier professionnel.
- Aussi, appartient-il à ce dernier d’informer la caution sur la situation financière du débiteur.
- Dans un arrêt du 16 mai 1995, la Cour de cassation a, par exemple, validé l’annulation d’un cautionnement par une Cour d’appel au motif qu’il était établi que le créancier savait la situation de son débiteur irrémédiablement compromise et qu’il l’a laissé dans l’ignorance de la situation d’insolvabilité totale de ce dernier ( 1ère civ. 16 mai 1995, n°92-20.976).
- La première chambre civile a réitéré cette solution dans un arrêt du 9 juillet 1996 où il était également question de dissimulation par le créancier des lourdes difficultés financières rencontrées par le débiteur.
- Dans cette affaire, les juges du fond avaient relevé que la banque savait que la situation financière du débiteur principal était irrémédiablement compromise et qu’elle n’en avait pas informé les cautions au moment de la signature des actes de cautionnement, en sorte que ceux-ci, en cautionnant une facilité de caisse, avaient pu légitimement penser que la banque allait accorder à son débiteur un crédit de 300 000 francs, ce qui n’avait pas été le cas, puisque, très peu de temps après, elle refusait les chèques émis par lui pour défaut de provision.
- La Cour d’appel en déduit que la banque avait obtenu les cautionnements non pour bénéficier d’une garantie pour l’avenir, mais pour disposer, à la suite de la défaillance inéluctable du débiteur, de deux co-obligés solvables, en la personne des cautions, victimes du dol ( 1ère civ. 9 juill. 1996, n°94-15.412).
2. L’exigence d’une erreur déterminante
Pour que la nullité d’un contrat puisse être prononcée sur le fondement du dol, encore faut-il que l’erreur provoquée ait été déterminante du consentement du cocontractant.
Cette règle est désormais énoncée à l’article 1130 du Code civil qui prévoit que le dol constitue une cause de nullité lorsque sans lui l’une des parties n’aurait pas contracté (dol principal) ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes (dol incident).
Ainsi, le législateur a-t-il choisi de ne pas distinguer selon que le dol dont est victime l’une des parties au contrat est principal ou incident, conformément à la position adoptée par la jurisprudence.
Dans un arrêt du 2 mai 1984, la Cour de cassation avait ainsi condamné cette distinction en affirmant, au sujet d’une action en nullité pour dol d’une opération de cession de droits sociaux, que « après avoir recherché quelle était la commune intention des parties que la cour d’appel, qui a constaté que la cession des parts de la société était intervenue le 20 janvier 1976 a fait ressortir que les co-contractants, par la convention du 13 mai 1976, n’avaient pas manifesté la volonté de revenir sur la cession à laquelle ils avaient déjà consenti mais avaient, seulement, entendu modifier l’estimation de l’un des éléments entrant dans le calcul du prix des parts cédées, qu’elle a ainsi, abstraction faite du motif justement critique tire du caractère incident du dol, qui est surabondant, a légalement justifié sa décision dès lors qu’elle était saisie par les consorts a… outre d’une demande en nullité, d’une demande de dommages-intérêts en réparation de dommages causés par le comportement répréhensible de leurs co-contractants lors de l’exécution du contrat » (Cass. com. 2 mai 1984, n°82-16.880).
Plus récemment, dans un arrêt du 22 juin 2005, la Cour de cassation avait, en effet, approuvé une Cour d’appel « d’avoir déduit que les réticences dolosives imputables à la société Simco entraînaient la nullité de la vente », après avoir relevé que certains éléments qui avaient été dissimulés « étaient déterminants pour l’acquéreur qui devait être mis à même d’apprécier la rentabilité d’une opération et aurait à tout le moins acquis à un prix inférieur s’il avait connu la situation exacte » (Cass. 3e civ. 22 juin 2005, n°04-10.415).
S’agissant du cautionnement, l’exigence du caractère déterminant de l’erreur provoquée par le dol s’applique également.
Dans un arrêt du 8 juillet 2003, la Cour de cassation a, par exemple, rappelé, pour justifier le refus d’une Cour d’appel d’annuler un cautionnement sur le fondement de la réticence dolosive, que « le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté » (Cass. 1ère civ. 8 juillet 2003, n°01-02.664).
À cet égard, il peut être observé c’est à la caution qu’il revient de prouver le caractère déterminant de son erreur.
Il est néanmoins des décisions où la Cour de cassation a semblé se satisfaire de la preuve du dol dont elle déduit le caractère déterminant de l’erreur (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 10 mai 1989, n°87-14.294).
II) La sanction du dol
Lorsqu’un contrat a été conclu au moyen d’un dol, deux sanctions sont encourues :
- La nullité du contrat
- L’allocation de dommages et intérêts
A) Sur la nullité du contrat
Aux termes de l’article 1131 du Code civil, « les vices de consentement sont une cause de nullité relative du contrat ».
Aussi, cela signifie-t-il que seule la victime du dol, soit la partie dont le consentement a été vicié a qualité à agir en nullité du contrat.
Cette solution, consacrée par l’ordonnance du 10 février 2016, est conforme à la jurisprudence antérieure (V. notamment en ce sens Cass. 1ère civ. 4 juill. 1995).
B) Sur l’allocation de dommages et intérêts
Parce que le dol constitue un délit civil, la responsabilité extracontractuelle de son auteur est toujours susceptible d’être recherchée.
Dans la mesure où, en effet, le dol a été commis antérieurement à la formation du contrat, la victime ne peut agir que sur le fondement de la responsabilité délictuelle.
Dans un arrêt du 15 février 2002, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « la victime de manœuvres dolosives peut exercer, outre une action en annulation du contrat, une action en responsabilité délictuelle pour obtenir de leur auteur réparation du dommage qu’elle a subi » (Cass. com. 15 janv. 2002).
§3: La violence
==> Notion
Classiquement, la violence est définie comme la pression exercée sur un contractant aux fins de le contraindre à consentir au contrat.
Le nouvel article 1140 traduit cette idée en prévoyant qu’« il y a violence lorsqu’une partie s’engage sous la pression d’une contrainte qui lui inspire la crainte d’exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable. ».
Il ressort de cette définition que la violence doit être distinguée des autres vices du consentement pris dans leur globalité, d’une part et, plus spécifiquement du dol, d’autre part.
- Violence et vices du consentement
- La violence se distingue des autres vices du consentement, en ce que le consentement de la victime a été donné en connaissance de cause.
- Cependant, elle n’a pas contracté librement
- Autrement dit, en contractant, la victime avait pleinement conscience de la portée de son engagement, seulement elle s’est engagée sous l’empire de la menace
- Violence et dol
- Contrairement au dol, la violence ne vise pas à provoquer une erreur chez le cocontractant.
- La violence vise plutôt à susciter la crainte de la victime
- Ce qui donc vicie le consentement de cette dernière, ce n’est pas l’erreur qu’elle aurait commise sur la portée de son engagement, mais bien la crainte d’un mal qui pèse sur elle.
- Dit autrement, la crainte est à la violence ce que l’erreur est au dol.
- Ce qui dès lors devra être démontré par la victime, c’est que la crainte qu’elle éprouvait au moment de la conclusion de l’acte a été déterminante de son consentement
Antérieurement à l’ordonnance du 10 février 2016, le Code civil consacrait cinq dispositions à la violence : les articles 1111 à 1115.
L’article 1112 prévoyait notamment que « il y a violence lorsqu’elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable, et qu’elle peut lui inspirer la crainte d’exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent ».
Dorénavant, quatre articles sont consacrés par le Code civil au dol : les articles 1140 à 1143. Fondamentalement, le législateur n’a nullement modifié le droit positif, il s’est simplement contenté de remanier les dispositions existantes et d’entériner les solutions classiquement admises en jurisprudence.
Aussi, ressort-il de ces dispositions que la caractérisation de la violence suppose toujours la réunion de conditions qui tiennent :
- D’une part, à ses éléments constitutifs
- D’autre part, à son origine
Bien que la violence se rencontre rarement en matière de cautionnement – à tout le moins la jurisprudence ne fournit que peu d’illustrations – la caution peut être fondée à se prévaloir de ce vice du consentement aux fins de faire annuler son engagement.
Elle devra néanmoins prouver que les conditions énoncées par les textes qui régissent la violence sont réunies.
I) Les conditions de la violence
A) Les conditions relatives aux éléments constitutifs de la violence
Il ressort de l’article 1140 du Code civil que la violence est une cause de nullité lorsque deux éléments constitutifs sont réunis :
- L’exercice d’une contrainte
- L’inspiration d’une crainte
1. Une contrainte
==> L’objet de la contrainte : la volonté du contractant
Tout d’abord, il peut être observé que la violence envisagée à l’article 1140 du Code civil n’est autre que la violence morale, soit une contrainte exercée par la menace sur la volonté du contractant.
La contrainte exercée par l’auteur de la violence doit donc avoir pour seul effet que d’atteindre le consentement de la victime, à défaut de quoi, par hypothèse, on ne saurait parler de vice du consentement.
==> La consistance de la contrainte : une menace
- La contrainte visée à l’article 1140 s’apparente, en réalité, à une menace qui peut prendre différentes formes.
- Cette menace peut consister en tout ce qui est susceptible de susciter un sentiment de crainte chez la victime.
- Ainsi, peut-il s’agir indifféremment d’un geste, de coups, d’une parole, d’un écrit, d’un contexte, soit tout ce qui est porteur de sens.
- Le plus souvent, la violence exercée sera morale.
- Dans un arrêt du 28 mai 1991 la Cour de cassation a, par exemple, censuré la décision prise par une Cour d’appel de débouter une épouse de sa demande d’annulation du cautionnement garantissant une dette de la société dont son mari était le dirigeant, alors qu’il était établi que cette dernière avait fait l’objet de pressions verbales et écrites émanant d’élus locaux, d’un syndic de copropriété et du Président du Tribunal de commerce.
- La Chambre commerciale considère « qu’il résultait de l’ensemble des circonstances constatées dans cette affaire que [la caution], qui avait d’abord refusé de signer l’acte, pour finir par s’y résoudre, « n’avait contracté le cautionnement litigieux que sous l’empire d’une violence morale» ( com. 28 mai 1991, n°89-17.672).
- La violence a encore été retenue par la Cour de cassation dans une affaire où elle avait été exercée à l’encontre d’une veuve qui avait été contrainte, par son beau-père, de souscrire le cautionnement contesté ( com. 4 Juin 1973, n°72-10.782).
- L’exercice d’une contrainte sur le cocontractant ne suffit pas à caractériser une violence au sens de l’article 1140 du Code civil, pour être cause de nullité, cette contrainte doit être illégitime.
==> Le caractère de la contrainte : une menace illégitime
La menace dont fait l’objet le contractant doit être illégitime, en ce sens que l’acte constitutif de la contrainte ne doit pas être autorisé par le droit positif.
A contrario, lorsque la pression exercée sur le contractant est légitime, quand bien même elle aurait pour effet de faire plier la volonté de ce dernier, elle sera insusceptible d’entraîner l’annulation du contrat.
La question alors se pose de savoir quelles sont les circonstances qui justifient qu’une contrainte puisse être exercée sur un contractant.
En quoi consiste, autrement dit, une menace légitime ?
Pour le déterminer, il convient de se reporter à l’article 1141 qui prévoit que « la menace d’une voie de droit ne constitue pas une violence. Il en va autrement lorsque la voie de droit est détournée de son but ou lorsqu’elle est invoquée ou exercée pour obtenir un avantage manifestement excessif. »
Cette disposition est, manifestement, directement inspirée de la position de la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 17 janvier 1984 avait estimé que « la menace de l’emploi d’une voie de droit ne constitue une violence au sens des articles 1111 et suivants du code civil que s’il y a abus de cette voie de droit soit en la détournant de son but, soit en en usant pour obtenir une promesse ou un avantage sans rapport ou hors de proportion avec l’engagement primitif » (Cass. 3e civ. 17 janv. 1984).
Quel enseignement retenir de la règle énoncée par la jurisprudence, puis reprise sensiblement dans les mêmes termes par le législateur ?
Un principe assorti d’une limite.
- Principe
- La menace exercée à l’encontre d’un contractant est toujours légitime lorsqu’elle consiste en l’exercice d’une voie de droit.
- Ainsi, la menace d’une poursuite judiciaire ou de la mise en œuvre d’une mesure d’exécution forcée ne saurait constituer, en elle-même, une contrainte illégitime.
- Dans un arrêt du 22 janvier 2013, la Cour de cassation a estimé en ce sens, au sujet d’un cautionnement qui aurait été conclu sous la contrainte, que « la violence morale ne pouvait résulter des appels même incessants d’un banquier, dès lors qu’il existait une raison légitime comme celle de finaliser un acte de cautionnement pour garantir un concours bancaire à la société, dont le gérant n’était autre que le fils de la caution, et ce, bien avant la procédure de redressement judiciaire qui n’était intervenue que quinze mois plus tard et qu’aucun élément médical personnel ne venait corroborer la détresse psychologique dont elle se prévalait, qui l’aurait conduite à un discernement suffisamment altéré pour remettre en cause la validité de son consentement» ( com. 22 janv. 2013).
- Dans un arrêt du 28 janvier 2014, la chambre commerciale a encore refusé de faire droit à la demande d’annulation d’un cautionnement formulée par une caution, laquelle soutenait que son consentement avait été obtenu sous la menace de la suppression d’un concours financier dont dépendait la survie de la société, afin de tirer profit de la crainte de la déconfiture de celle-ci.
- Au soutien de sa décision la haute juridiction affirme que « c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation de la portée des éléments versés au débat que la cour d’appel a estimé que les correspondances échangées entre la caution et la banque en mai et juin 2008 ne contenaient aucune forme de pression psychologique ou autre de nature à faire impression sur une personne raisonnable et lui inspirer la crainte d’exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent au sens de l’article 1112 du code civil et considéré que Mme X… n’établissait pas l’existence d’actes de violence de nature à vicier son consentement» ( com. 28 janv. 2014, n°13-10.292).
- Elle a statué dans le même sens s’agissant d’un cautionnement qui avait été souscrit sous la menace de la mise en œuvre d’une procédure collective par l’URSAFF.
- Dans cette décision, la Cour de cassation rappelle que « la menace de l’emploi d’une voie de droit ne constitue une violence au sens des articles 1111 et suivants du Code civil que s’il y a abus de cette voie de droit» ( com 16 mai 2006, n°05-15.794).
- Limites
- La légitimité de la menace cesse, nous dit l’article 1141, lorsque la voie de droit est :
- Soit détournée de son but
- Il en va ainsi lorsque l’avantage procuré par l’exercice d’une voie de droit à l’auteur de la menace est sans rapport avec le droit dont il se prévaut
- La Cour de cassation a, de la sorte, approuvé une Cour d’appel pour avoir prononcé la nullité d’une reconnaissance de dette qui avait été « obtenue sous la menace d’une saisie immobilière relative au recouvrement d’une autre créance» ( 1ère civ. 25 mars 2003)
- Soit invoquée ou exercée pour obtenir un avantage manifestement excessif
- La menace sera ainsi considérée comme illégitime lorsqu’elle est exercée en vue d’obtenir un avantage hors de proportion avec l’engagement primitif ou le droit invoqué
- La Cour de cassation a ainsi estimé que la contrainte consistant à menacer son cocontractant d’une procédure de faillite était illégitime, dans la mesure où elle avait conduit le créancier à obtenir de son débiteur des avantages manifestement excessifs ( com. 28 avr. 1953).
2. Une crainte
La menace exercée à l’encontre d’un contractant ne sera constitutive d’une cause de nullité que si, conformément à l’article 1140, elle inspire chez la victime « la crainte d’exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable. »
Aussi, ressort-il de cette disposition que pour que la condition tenant à l’existence d’une crainte soit remplie, cela suppose :
- D’une part que cette crainte consiste en l’exposition d’un mal considérable
- D’autre part que ce mal considérable soit dirigé
- soit vers la personne même de la victime
- soit vers sa fortune
- soit vers ses proches
a. L’exposition à un mal considérable
==> Reprise de l’ancien texte
L’exigence tenant à l’établissement d’une crainte d’un mal considérable a été reprise de l’ancien article 1112 du Code civil qui prévoyait déjà cette condition.
Ainsi, le législateur n’a-t-il nullement fait preuve d’innovation sur ce point-là.
==> Notion
Que doit-on entendre par l’exposition à un mal considérable ?
Cette exigence signifie simplement que le mal en question doit être suffisamment grave pour que la violence dont est victime le contractant soit déterminante de son consentement.
Autrement dit, sans cette violence, la victime n’aurait, soit pas contracté, soit pas conclu l’acte à des conditions différentes.
Le caractère déterminant de la violence sera apprécié in concreto, soit en considération des circonstances de la cause.
La Cour de cassation prendra, en d’autres termes, en compte l’âge, les aptitudes, ou encore la qualité de la victime (V. en ce sens Cass. 3e civ. 13 janv. 1999).
Elle exigera, en outre, pour que le vice de violence soit constitué que la pression exercer sur la victime soit « de nature à faire impression sur une personne raisonnable » (V. notamment pour le cautionnement CA Paris 23 mai 1980).
==> Exclusion de la crainte révérencielle
L’ancien article 1114 du Code civil prévoyait que « la seule crainte révérencielle envers le père, la mère, ou autre ascendant, sans qu’il y ait eu de violence exercée, ne suffit point pour annuler le contrat. »
Cette disposition signifiait simplement que la crainte de déplaire ou de contrarier ses parents ne peut jamais constituer en soi un cas de violence.
La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser à plusieurs reprises que pour qu’une telle crainte puisse entraîner l’annulation d’un contrat, cela suppose qu’elle ait pour fait générateur une menace.
Dans un arrêt du 22 avril 1986, la première chambre civile a ainsi admis l’annulation d’une convention en relevant que « l’engagement pris par M.Philippe X… est dû aux pressions exercées par son père sur sa volonté ; que ces pressions sont caractérisées, non seulement par le blocage des comptes en banque de la défunte suivi d’une mainlevée une fois l’accord conclu, mais aussi par la restitution à la même date d’une reconnaissance de dette antérieure ; qu’elle retient que ces contraintes étaient d’autant plus efficaces qu’à cette époque M.Philippe X… souffrait d’un déséquilibre nerveux altérant ses capacités intellectuelles et le privant d’un jugement libre et éclairé »
La haute juridiction en déduit, compte tenu des circonstances que « ces pressions étaient susceptibles d’inspirer à celui qui les subissait la crainte d’exposer sa fortune à un mal considérable et présent, et constituaient une violence illégitime de la part de leur auteur de nature à entraîner la nullité de la convention » (Cass. 1ère civ. 22 avr. 1986 n°85-11.666).
b. L’objet de la crainte
Pour mémoire, l’ancien article 1113 du Code civil prévoyait que « la violence est une cause de nullité du contrat, non seulement lorsqu’elle a été exercée sur la partie contractante, mais encore lorsqu’elle l’a été sur son époux ou sur son épouse, sur ses descendants ou ses ascendants. »
Dorénavant, la violence est caractérisée dès lors que la crainte qu’elle inspire chez la victime expose à un mal considérable :
- soit sa personne
- soit sa fortune
- soit celles de ses proches
Ainsi, le cercle des personnes visées l’ordonnance du 10 février 2016 est-il plus large que celui envisagé par les rédacteurs du Code civil.
B) Les conditions relatives à l’origine de la violence
Il ressort des articles 1142 et 1143 du Code civil que la violence est sanctionnée quel que soit son auteur.
Contrairement au dol, elle peut émaner :
- Soit d’un tiers
- Soit de circonstances particulières
1. La violence émanant d’un tiers
L’article 1142 du Code civil prévoit expressément que « la violence est une cause de nullité qu’elle ait été exercée par une partie ou par un tiers. »
Pour mémoire, l’ancien article 1111 disposait que la violence est une cause de nullité quand bien même elle est « exercée par un tiers autre que celui au profit duquel la convention a été faite. »
Les auteurs justifient cette règle par le fait que la violence n’a pas seulement pour effet de vicier le consentement de la victime : elle porte atteinte à sa liberté de contracter.
Le contractant qui fait l’objet de violences est donc privé de tout consentement, d’où la sévérité du législateur à son endroit.
2. La violence émanant de circonstances
==> Exposé de la problématique
S’il ne fait aucun doute que la violence peut émaner d’une personne, qu’il s’agisse du contractant lui-même ou d’un tiers, la question s’est rapidement posée de savoir si elle ne pouvait pas dériver de circonstances extérieures au contrat.
Plus précisément, les auteurs se sont interrogés sur l’assimilation de ce que l’on appelle l’état de nécessité à la violence.
En matière contractuelle, l’état de nécessité se définit comme la situation dans laquelle se trouve une personne qui, en raison de circonstances économiques, naturelles ou politiques est contrainte, par la force des choses, de contracter à des conditions qu’elle n’aurait jamais acceptées si les circonstances qui la placent dans cette situation ne s’étaient pas produites.
L’exemple classique est celui du navire perdu en mer et d’un remorqueur qui profiterait de la situation pour lui imposer un prix bien plus élevé que celui habituellement pratiqué.
Doit-on considérer qu’il s’agit là d’un cas de violence, alors même qu’elle n’émane pas, à proprement parler, d’une personne ?
==> Consécration légale de l’abus de l’état de dépendance
L’ordonnance du 10 février 2016 a admis que la violence puisse résulter de circonstances en insérant dans le Code civil un article 1143 qui prévoit que « il y a également violence lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif. »
Ce texte reconnaît ainsi un nouveau cas de violence : l’abus par une partie de la situation de dépendance dans laquelle se trouve son cocontractant.
De l’avis des auteurs, l’élargissement du domaine de la violence à l’abus de dépendance ouvre aux cautions un nouveau moyen de faire échec aux poursuites des créanciers.
Il n’est pas rare que ce soient les circonstances – la plupart du temps économiques – qui contraignent la caution à s’engager.
Tel sera notamment le cas du dirigeant d’entreprise qui, compte tenu de la situation financière de sa société, sera contraint de se porter caution, faute de quoi le créancier refusera de lui octroyer un nouveau financement ou de maintenir sa ligne de crédit.
Sous l’empire du droit antérieur, la jurisprudence a toujours estimé que cette situation ne s’analysait pas en une violence économique justifiant l’annulation du cautionnement souscrit (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 22 janv. 2014, n°12-28.480).
La question qui alors se pose est de savoir si cette solution est remise en cause par la reconnaissance de la violence économique par le législateur ?
Pour le déterminer, il convient de se reporter aux conditions de mise en œuvre de l’article 1143 du Code civil.
Il ressort de cette disposition que pour être cause de nullité, l’abus de dépendance requiert la réunion de plusieurs conditions pour le moins restrictives.
- Une situation de dépendance
- Le texte ne précisant pas de quel type de dépendance il doit s’agir, on peut en déduire qu’il ne vise pas seulement l’état de dépendance économique.
- Est-ce à dire que l’état de dépendance morale serait également visé ?
- Rien ne permet d’exclure, en l’état du droit positif, cette éventualité.
- S’agissant de la caution, l’état de dépendance pourra sans doute être caractérisé s’il est établi que, en raison de sa relation avec le débiteur (affective) ou du rapport (économique) qu’elle entretient avec le créancier elle se trouve dans une situation qui l’a contraint à s’engager. Il pourrait s’agir, par exemple, d’un besoin de crédit dont dépend la survie de la société garantie.
- Un abus de la situation de dépendance
- Il ne suffit pas de démontrer qu’une partie au contrat se trouve dans un état de dépendance par rapport à une autre pour établir le vice de violence.
- Encore faut-il que la partie en position de supériorité ait abusé de la situation.
- Aussi, l’existence d’une situation de dépendance n’est pas propre à faire peser une présomption de violence.
- Il y a lieu de démontrer que le créancier a exploité sa position aux fins de contraindre la caution à s’engager.
- L’octroi d’un avantage manifestement excessif
- Pour que l’abus de dépendance soit caractérisé, cela suppose que l’auteur de la violence ait obtenu un avantage manifestement excessif que son cocontractant ne lui aurait jamais consenti s’il ne s’était pas retrouvé en situation de dépendance
- Cette condition a, manifestement, été reprise de la jurisprudence de la Cour de cassation qui, dès l’arrêt Bordas, faisait de cette exigence un élément constitutif de la violence économique (V. notamment 3e civ. 22 mai 2012).
- S’agissant du cautionnement, il s’agira notamment de vérifier que le créancier n’a pas exigé de la caution un engagement qui excèderait le montant de la dette ou encore ses capacités financières.
Au bilan, si l’article 1143 du Code civil autorise la caution à se prévaloir d’un abus de dépendance aux fins de faire annuler son engagement, il lui faudra néanmoins pour y parvenir démontrer que toutes les conditions posées par le texte sont réunies.
Or elles sont nombreuses et difficiles à remplir. A cet égard, comme observé par les auteurs, l’abus de dépendance se rapproche étroitement de certains mécanismes de protection de la caution qui sont susceptibles de lui être préférés.
On pense notamment au principe de proportionnalité, au devoir de mise en garde ou encore à l’obligation d’information.
II) La sanction de la violence
Lorsqu’un contrat a été conclu au moyen d’un acte de violence, deux sanctions sont encourues :
- La nullité du contrat
- L’allocation de dommages et intérêts
==> Sur la nullité du contrat
Aux termes de l’article 1131 du Code civil, « les vices de consentement sont une cause de nullité relative du contrat ».
Aussi, cela signifie-t-il que seule la victime de la violence, soit la partie dont le consentement a été vicié a qualité à agir en nullité du contrat.
Cette solution, consacrée par l’ordonnance du 10 février 2016, est conforme à la jurisprudence antérieure (V. notamment en ce sens Cass. 1ère civ. 4 juill. 1995).
==> Sur l’allocation de dommages et intérêts
Parce que la violence constitue un délit civil, la responsabilité extracontractuelle de son auteur est toujours susceptible d’être recherchée.
Dans la mesure où, en effet, la violence a été commise antérieurement à la formation du contrat, la victime ne peut agir que sur le fondement de la responsabilité délictuelle (V. notamment Cass. com. 18 février 1997).
[1] N. Rias, « La sanction de l’erreur-obstacle : pour un remplacement de la nullité par l’inexistence », RRJ, 2009, pp.1251 et s.
[2] M. Bourassin et V. Bremond, Droit des sûretés, éd. Dalloz, 2020, n°176, p. 116.
[3] D. Legeais, Droit des sûretés et garanties du crédit, éd. LGDJ, 2021, n°97, p. 94
[4] Ph. Simler, Cautionnement – Conditions de validité – Conditions du droit commun des contrats, Jur. Cl., Fasc. 20