Le Droit dans tous ses états

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La reconnaissance en jurisprudence de la qualification de biens communs des revenus de propres: l’arrêt Authier et ses suites (Cass. 1re civ., 31 mars 1992)

Alors même que sous l’empire de la loi de 1965 aucune thèse n’emportait véritablement d’adhésion majoritaire s’agissant de la qualification des revenus de propres, il faut attendre le début des années 1980 pour que la Cour de cassation intervienne dans le débat.

Après avoir marqué un temps d’hésitation, elle a finalement opté pour la qualifications de biens communs.

1. Première étape : l’hésitation

==> Les revenus de propres sont des biens propres

Dans un arrêt remarqué, rendu en date 15 juillet 1981, la Cour de cassation a semblé opté pour la qualification de biens propres (Cass. 1ère civ. 15 juill. 1981, n°80-10318).

Cass. 1ère civ. 15 juill. 1981
Sur le premier moyen :

Vu l'article 1469, alinéa 3, du code civil, applicable, en vertu de l'article 12 de la loi du 13 juillet 1965, a toutes les communautés non encore liquidées à la date de la publication de ladite loi ;

Attendu qu'aux termes de ce texte, la récompense ne peut être moindre que le profit subsistant quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la dissolution de la communauté, dans le patrimoine emprunteur; attendu que, statuant sur la liquidation de la communauté réduite aux acquêts ayant existé, de 1952 à 1967, entre les époux Georges z... et Mme Michelle y..., la cour d'appel, pour écarter le droit à récompense de la communauté contre la femme en ce qui concerne certains travaux faits sur un immeuble situe à Senlis et appartenant à celle-ci, retient qu'aucun argument ne peut être tire du fait que cet immeuble, acheté 100 000 francs en 1961, ait été revendu 240 000 francs en 1970, l'augmentation dont s'agit étant justifiée autant par l'évolution du coût de la construction que par les améliorations relatives apportées a l'immeuble par la communauté;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, dans le cas où les dépenses faites par la communauté ont servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien, les récompenses doivent être évaluées en fonction du profit subsistant au jour de la liquidation ou au jour le plus proche possible ou encore au jour de l'aliénation du bien, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le troisième moyen :

Vu l'article 1473 du code civil ;

Attendu qu'aux termes de ce texte, les récompenses dues à la communauté emportent les intérêts de plein droit du jour de la dissolution; attendu que, pour refuser de mettre a la charge de Mme capitaine a... des récompenses dues par elle a la communauté, la cour d'appel se fonde sur ce que m. z... oublie que lui-même est débiteur de récompenses et doit des intérêts de ce chef et qu'il conviendrait aussi de tenir compte des intérêts des dettes post-communautaires remboursées par les deux époux; attendu qu'en statuant ainsi, au lieu de calculer les intérêts des récompenses dues par chacun des époux ou à chacun d'eux, sauf à en faire la balance, elle a violé le texte susvisé;

Et sur le cinquième moyen :

Vu l'article 1409 du code civil ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que la communauté n'est point tenue de contribuer aux dépenses faites sur les biens propres de l'un des époux b... celui-ci en a conservé la jouissance; attendu que la cour d'appel a refusé tout droit à récompense à la communauté pour des travaux de peinture et de revêtement de sols dans un immeuble propre à Mme y..., au motif qu'il s'agissait de travaux de simple entretien; attendu qu'en statuant ainsi, sans rechercher si ces travaux avaient été effectués antérieurement au 1er février 1966, date a laquelle Mme capitaine x..., en vertu de l'article 11, alinéa 2, de la loi du 13 juillet 1965, repris la jouissance de ses propres sous les charges correspondantes, ou si l'immeuble en question avait été utilisé dans l'intérêt du ménage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et quatrième moyens :

Casse et annule, dans ses dispositions concernant l'évaluation des récompenses relative à l'immeuble de Senlis, le refus du droit à récompense relatif aux travaux de peinture et de revêtement de sols, et le refus de condamner aux intérêts des récompenses, l'arrêt rendu entre les parties le 7 novembre 1979 par la cour d'appel d’Amiens ; remet, en conséquence la cause et les parties au même et semblable état ou elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai.

Dans cette décision la question se posait de savoir qui de la communauté ou des époux devait supporter les charges usufructuaires se rapportant à l’entretien d’un bien propre.

La réponse à cette question est directement liée à la qualification des revenus de propres. Pour le comprendre, revenons un instant sur la notion de charges usufructuaires.

Par charges usufructuaires il faut entendre l’ensemble des dépenses et des frais qui incombent à l’usufruitier en contrepartie de la jouissance de la chose.

Au nombre des charges usufructuaires figurent, d’une part, les charges périodiques (notamment les impôts et taxes générés par la jouissance du bien) et, d’autre part, les frais et dépenses d’entretien.

Le Doyen Carbonnier a écrit au sujet de ces charges « l’idée générale est que, dans la gestion d’une propriété, il y a des frais et des dettes qu’il est rationnel de payer avec les revenus et d’autres avec le capital. Si la propriété est démembrée, le passif de la première catégorie doit être à la charge de l’usufruitier, l’autre à la charge du nu-propriétaire ».

Ainsi parce que les charges usufructuaires sont attachées à la jouissance de la chose, elles doivent être supportées par celui qui profite de cette jouissance.

Appliquée à un bien appartenant en propre à un époux marié sous le régime légal, cette règle est susceptible à deux solutions différentes selon que l’on considère que les revenus tirés de la jouissance de ce bien sont des biens propres ou tombent en communauté :

  • Si l’on considère que les revenus tirés du bien propre reviennent en propre à l’époux propriétaire, les charges usufructuaires devront être supportées par lui seul
  • Si l’on considère que les revenus tirés du bien propre doivent être inscrits à l’actif commun, c’est à la communauté qu’il incombe de supporter les charges usufructuaires

Lorsqu’elle s’est prononcée dans l’arrêt rendu le 15 juillet 1981, la Cour de cassation a incliné dans le sens de la première solution.

Dans cette affaire, jugée sous l’empire de la loi de 1965, des travaux d’entretien d’un bien propre appartenant à l’épouse avaient été financés par des deniers communs.

Alors que la Cour d’appel avait refusé tout droit à récompense à la communauté, la Première chambre civil casse l’arrêt rendu au motif que les juges du fonds auraient dû rechercher si les travaux avaient été effectués antérieurement au 1er février 1966, date à laquelle l’épouse propriétaire du bien, en vertu de l’article 11, alinéa 2, de la loi du 13 juillet 1965, a repris la jouissance de ses propres sous les charges correspondantes, ou si l’immeuble en question avait été utilisé dans l’intérêt du ménage.

En somme, pour la Cour de cassation, dans la mesure où, la loi de 1965 a restitué aux époux la jouissance de leurs biens propres, c’est à eux seuls qu’il revient de supporter les charges usufructuaires.

On pouvait ainsi déduire de cet arrêt que les revenus tirés d’un bien propres sont eux-mêmes des biens propres.

==> Le revirement de jurisprudence

Bien que critiquée par une frange de la doctrine pour la solution finalement retenue, l’arrêt rendu par la Cour de cassation en 1981, avait le mérite de trancher une question restée trop long sans réponse.

Un an plus tard la controverse était néanmoins relancée à la suite d’un arrêt rendu par la Cour de cassation le 6 juillet 1982 (Cass. 1ère civ. 6 juill. 1982, n°81-12680).

Cass. 1ère civ. 6 juill. 1982
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches : attendu, selon les énonciations des juges du fond, que m o. et Mme Coutan, qui se sont mariés le 4 mars 1971, ont adopté par contrat de mariage le régime légal de la communauté d’acquêts ;

Que leur divorce a été prononcé, sur assignation en date du 22 décembre 1971, par jugement du 25 février 1972 ;

Que, pendant la durée du régime, m o. avait utilisé, pour payer les constructions élevées sur un immeuble à lui propre, d'une part, une somme de 104000 francs qui figurait au jour du mariage a des comptes bancaires et postal ouverts à son nom, d'autre part, la somme de 20260 francs 19, provenant des loyers d'immeubles propres ;

Que l'arrêt attaque a dit qu'il devrait à la communauté, a ce double titre, une récompense totale de 124260 francs 19 ;

Attendu que, pour lui reprocher d’avoir ainsi statué, m o. soutient, d'une part, que les dépenses faites sur ses propres, par un époux marié sous le régime de la communauté d’acquêts, au moyen de fonds provenant de dépôts bancaires ou postaux comptabilisés avant le mariage a son nom, ne peut donner lieu à récompense a la charge de cet époux et au profit de la communauté ;

D'autre part, que pas davantage ne peuvent donner lieu à récompense les dépenses faites sur des propres au moyen de loyers des immeubles propres, loyers dont m o. ne devait pas compte a la communauté des lors qu'ils avaient été consommés ;

Qu'il est enfin prétendu qu'en toute hypothèse la cour d'appel ne s'est pas prononcée sur la destination donnée par m o. aux revenus provenant de l'immeuble, situe à lion-sur-mer, qui lui appartenait, "revenus qu'elle n'a pas fait entrer en compte dans le montant des dépenses effectuées par m o., de telle sorte qu'elle n'a, en toute hypothèse, quel que soit le sort de ces sommes, pas donne de base légale a sa décision qui encourt la cassation au vu de l'article 455 du nouveau code de procédure civile" ;

Mais attendu, en premier lieu, que, s'il est exact que la somme de 104000 francs, demeurée propre a m o. et employée a l'amélioration de ses propres, n'aurait pas dû donner lieu à récompense, elle n'aurait pas dû, non plus, figurer comme reprise au profit de m o. ;

Que la cour d'appel a approuvé l'état liquidatif dresse par le notaire qui avait admis que le mari pouvait exercer une reprise de la somme de 104000 francs, figurant au jour du mariage aux comptes ouverts à son nom, et devait une récompense de même montant du fait de l'utilisation de cette somme à l'amélioration de ses propres ;

Que, dans l'espèce, et en l'absence d'une demande ou d'une décision tendant à ce que la récompense soit supérieure à la somme versée, et dès lors que la décision attaquée ne prévoit récompense que de cette somme, le mode de calcul retenu par la cour d'appel n'aboutit pas à un résultat différent de celui dont le moyen demande l'application ;

Attendu, en second lieu, que la communauté comprend, en vertu de l'article 1401 du code civil, les acquêts provenant des économies faites sur les fruits et revenus des biens propres des époux ;

Que, si, en vertu de l'article 1403 du même code, elle n'a pas droit aux fruits consommés sans fraude, on ne doit pas considérer comme consommés les revenus employés à l'amélioration d'un bien propre ;

Qu'il en résulte que la cour d'appel, ayant admis, comme le jugement qu'elle a infirmé, que les loyers des immeubles propres a m o., perçus pendant le mariage, avaient été utilisés pour la construction d'une maison sur un terrain propre, en a déduit à bon droit, contrairement au jugement, que cette utilisation donnait lieu à récompense au profit de la communauté ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche comme dénué d'intérêt, est mal fondé en chacune des deux autres ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 22 janvier 1981, par la cour d'appel de Reims,

Dans cette décision, la première chambre civile a, en effet, semblé opérer un revirement de jurisprudence en reconnaissant un droit à récompense au profit de la communauté en contrepartie de l’emploi par un époux de loyers tirés d’un bien lui appartenant en propre aux fins de financer des travaux d’amélioration de ce bien.

L’argument avancé par l’époux qui contestait devoir une quelconque récompense à la communauté, consistait à dire qu’il avait consommé les revenus tirés de son bien propre. Or en application de l’article 1403, al. 2e du Code civil « la communauté n’a droit qu’aux fruits perçus et non consommés. »

La thèse défendue ici était pour le moins séduisante, sinon imparable. Parce qu’il avait employé les loyers provenant de la location d’un bien propre à des fins personnels, l’époux soutenait que ces loyers échappaient à la communauté, cette dernière ne pouvant prétendre qu’aux revenus non consommés.

L’argument n’a pas emporté la conviction de la Cour de cassation qui a considéré que l’utilisation de revenus de propres par un époux à des fins personnelles était sans incidence sur le droit à récompense de la communauté.

Pour la Première chambre civile, il est indifférent que les loyers perçus par l’époux aient été consommés ou économisés. Dans les deux cas, leur emploi donne lieu à récompense.

Si récompense est due à la communauté en cas d’affectation de revenus tirés d’un bien propre au financement de l’amélioration de ce bien, cela signifie que la Cour de cassation a entendu appréhender ces revenus comme des biens communs.

Aussi, est-ce la solution inverse à celle adoptée par la Cour de cassation un an plus tôt qui est retenue dans cet arrêt.

Ce revirement de jurisprudence n’a pas manqué de semer le doute sur la position de la Haute juridiction.

Il faudra attendre près de dix ans pour que la Cour de cassation se prononce à nouveau sur cette question et tranche définitivement la question de la qualification des revenus de propres.

2. Seconde étape : la clarification

La Cour de cassation a mis fin à la controverse née sous l’empire de la loi du 13 juillet 1965 dans un arrêt « Authier » rendu en date du 31 mars 1921 (Cass. 1ère civ. 31 mars 1992, n°90-17212).

Arrêt « Authier »
(Cass. 1ère civ. 31 mars 1992)
Attendu, qu'un jugement du 18 janvier 1981, confirmé par un arrêt du 2 février 1982 a prononcé le divorce de M. Y... et Mme X... en prescrivant la liquidation de la communauté conjugale existant entre eux ; que, statuant sur des difficultés afférentes à cette liquidation, l'arrêt attaqué a dit qu'au titre de l'acquisition d'un immeuble propre, à Ormesson, Mme X... était redevable de " récompenses " se montant à 109 980 francs pour la communauté conjugale et à 16 136 francs pour M. Y... ; que cet arrêt a rejeté la demande de Mme X... pour obtenir le paiement d'une récompense de 68 090,96 francs par la communauté et décidé que toutes les parts d'une société Wilson 30, qui dépendait de la communauté au jour de sa dissolution, devraient être comprises dans le partage, pour leur valeur à la date de celui-ci, malgré la cession d'une fraction d'entre elles, réalisée par Mme X... après la dissolution de la communauté par le divorce ;

Sur le deuxième moyen : (sans intérêt) ;

Mais sur le premier moyen :

Vu les articles 1401 et 1403, 1433 et 1437 du Code civil, ensemble les articles 1469 et 1479 du même Code ;

Attendu que la communauté, à laquelle sont affectés les fruits et revenus des biens propres, doit supporter les dettes qui sont la charge de la jouissance de ces biens ; que, dès lors, leur paiement ne donne pas droit à récompense au profit de la communauté lorsqu'il a été fait avec des fonds communs ; qu'il s'ensuit que l'époux, qui aurait acquitté une telle dette avec des fonds propres, dispose d'une récompense contre la communauté ;

Attendu que pour chiffrer la récompense due par Mme X... à la communauté ayant existé entre elle-même et M. Y..., ainsi que l'indemnité qu'elle a cru devoir reconnaître à ce dernier, en raison des annuités servies par eux pour l'acquisition de l'immeuble d'Ormesson, la cour d'appel a retenu comme éléments de calcul, le prix d'acquisition du bien, sa valeur au jour du partage et les sommes versées par la communauté et le mari en capital et intérêts ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que pour déterminer la somme due par un époux, en cas de règlement des annuités afférentes à un emprunt souscrit pour l'acquisition d'un bien qui lui est propre, il y a lieu d'avoir égard à la fraction ainsi remboursée du capital, à l'exclusion des intérêts qui sont une charge de la jouissance, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

[…]

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions relatives à l'évaluation de la récompense due à la communauté par Mme X... et de la créance personnelle de M. Y... à l'encontre de cette dernière, ainsi qu'aux modalités de partage des parts de la société Wilson 30, l'arrêt rendu le 24 avril 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens

  • Faits
    • Un couple marié sous le régime de la communauté d’acquêts a fait l’acquisition, en 1974, d’un immeuble financé par :
      • Des deniers appartenant en propre à l’épouse
      • Des fonds communs
      • Un emprunt contracté solidairement par les époux
    • Il a été convenu entre les époux que cet immeuble appartiendrait en propre à l’épouse.
    • Reste que son acquisition a, pour partie, été financée par des fonds communs.
    • Quant à l’emprunt son remboursement a été supporté par la communauté pendant trois ans.
    • Il en est résulté, lors de la liquidation du régime matrimonial, la naissance d’un droit à récompense au profit de la communauté.
    • Si les époux étaient d’accord sur le bien-fondé de ce droit à récompense, ils se sont en revanche disputés, entre autres points de discordances que nous n’aborderons pas ici, ses modalités de calcul.
  • Procédure
    • Par un arrêt du 24 avril 1990, la Cour d’appel de Paris a octroyé une récompense à la communauté en retenant comme éléments de calcul, outre le prix d’acquisition du bien et sa valeur au jour du partage, les sommes versées par la communauté et le mari en capital augmenté des intérêts.
    • Ce qui retient l’attention ici c’est la prise en compte des intérêts dans le calcul de la récompense.
    • Tandis que le remboursement du capital de l’emprunt consiste en une dépense d’acquisition qui doit être supportée par le seul propriétaire du bien – au cas particulier l’épouse – il en va différemment des intérêts.
    • Ces derniers, que l’on peut qualifier de loyer de l’argent, se rapportent plutôt à la jouissance de la chose.
    • En l’espèce, le bien acquis servait de logement familial au couple marié, de sorte que c’est la communauté qui avait la jouissance de la chose.
    • En toute logique c’est donc à elle qu’il revenait de supporter la charge des intérêts.
    • Les juges du fond ne l’ont toutefois pas entendu ainsi.
    • À l’analyse, en intégrant dans l’assiette de calcul de la récompense les intérêts, cela revenait à les appréhender comme une dette personnelle.
    • Et si les intérêts constituent une dette personnelle, cela signifie que leur face opposée, soit les revenus tirés de la jouissance de la chose, sont des biens propres.
    • C’est donc une décision contraire à la solution adoptée par la Cour de cassation dans l’arrêt du 6 juillet 1982 ( 1ère civ. 6 juill. 1982, n°81-12680) qui a été prise ici par la Cour d’appel.
  • Décision
    • Dans l’arrêt rendu en date du 31 mars 1992, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel.
    • Au soutien de sa décision elle affirme que « la communauté, à laquelle sont affectés les fruits et revenus des biens propres, doit supporter les dettes qui sont la charge de la jouissance de ces biens ; que, dès lors, leur paiement ne donne pas droit à récompense au profit de la communauté lorsqu’il a été fait avec des fonds communs ; qu’il s’ensuit que l’époux, qui aurait acquitté une telle dette avec des fonds propres, dispose d’une récompense contre la communauté».
    • Ainsi, pour la Première chambre civile, les intérêts de l’emprunt souscrit par les époux constituent « la charge de la jouissance » du bien propre acquis.
    • Or cette jouissance a profité à la communauté.
    • La Cour de cassation en déduit que le remboursement des intérêts d’emprunt devait être supporté, non pas par l’épouse comme affirmé par la Cour d’appel, mais par la communauté à laquelle il n’est donc pas dû récompense pour cette partie du financement du bien propre.
    • Autre affirmation formulée par la Cour de cassation qui n’est pas sans retenir l’attention dans l’arrêt « Authier », la Première chambre civile précise que les fruits et revenus de biens propres sont affectés à la communauté.
    • Si elle ne dit pas explicitement que les revenus de propres sont des biens communs, elle crée, pour la première fois, un rapport d’affectation de ces revenus à la faveur de la communauté
    • Cette affectation vers la masse commune jouera toutefois les fois que la communauté aura la jouissance d’un bien propre.

Après l’arrêt « Authier », la Cour de cassation n’est jamais revenue sur sa position. Au contraire, elle l’a réaffirmée, notamment trois ans plus tard, dans un arrêt rendu le 4 janvier 1995 aux termes duquel elle a reproché aux juges du fonds, s’agissant de fonds affectés au financement de travaux réalisés sur une propriété agricole appartenant en propre au mari, si « ces fonds ne provenaient pas des revenus de l’exploitation agricole, lesquels tombaient en communauté bien qu’il s’agisse d’un bien propre du mari » (Cass. 1ère 4 janv. 1995, n°92-20013).

Bien qu’il faille être prudent avec le sens de cet arrêt dans la mesure où la Cour de cassation ne précise ici si les revenus tirés de l’exploitation agricole tombaient en communauté en tant que gains et salaires ou en tant que revenus de propres, d’aucuns y ont vu le franchissement d’un nouveau palier dans la reconnaissance de la qualification de biens communs aux revenus de propres.

Si le doute était encore permis, il a définitivement été évacué par un arrêt rendu en date du 20 février 2007 aux termes duquel la Cour de cassation a explicitement affirmé que « les fruits et revenus des biens propres ont le caractère de biens communs » (Cass. 1ère civ. 20 févr. 2007, n°05-18066).

À cet égard, il peut être observé que s’il est désormais bien établi en jurisprudence que les revenus de propres tombent en communauté, le principe est assorti de deux tempéraments :

  • Premier tempérament
    • Il est loisible aux époux de stipuler dans leur contrat de mariage une clause aux termes de laquelle les revenus de propres échapperaient à la communauté.
    • Il en résulterait, outre une réduction de la masse commune, que les biens acquis avec des revenus de propres seraient propres, sous réserve d’accomplissement des formalités d’emploi.
  • Second tempérament
    • Bien que, par principe, les revenus de propres tombent en communauté, chaque époux est autorisé à les consommer à des fins personnelles, sans que cette consommation ne donne lieu à récompense au profit de la communauté (art. 1403, al. 2e C. civ.).
    • Cette consommation ne pourra néanmoins pas consister en un investissement (acquisition d’un bien durable ou travaux d’amélioration d’un propre).
    • Elle ne devra pas non plus être frauduleuse.
    • Si l’une ou l’autre situation se présente, la communauté aura droit à récompense.

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