La mitoyenneté est définie classiquement comme l’« état d’un bien sur lequel deux voisins ont un droit de copropriété et qui sépare des immeubles, nus ou construits, contigus »[1].
Il ressort de cette définition que la mitoyenneté se caractérise par trois éléments :
- Tout d’abord, elle consiste en un bien susceptible de faire l’objet de droits de propriété
- Ce bien peut prendre la forme d’un mur, d’une clôture, d’une haie, d’une barrière ou encore d’un fossé.
- Initialement, les rédacteurs du Code civil avaient circonscrit le domaine de la mitoyenneté aux seuls murs.
- La loi du 20 août 1880 l’a étendu à tout ouvrage ou plantations élevés sur la ligne séparative, étant précisé que le domaine d’application de certaines règles demeure cantonné aux murs
- Ensuite, la mitoyenneté implique que le bien sur lequel elle porte se situe au niveau de la ligne séparative
- Cette ligne séparative ou divisoire, est celle qui est marque la frontière entre deux fonds contigus
- La détermination de cette ligne séparative procède de ce que l’on appelle le bornage qui, selon la jurisprudence, a « pour objet de fixer définitivement les limites séparatives de deux propriétés contigües et d’assurer, par la plantation de pierres bornes, le maintien des limites ainsi déterminées» (Cass. 3e civ., 11 déc. 1901).
- En somme l’opération de bornage consister à déterminer les limites d’un fonds au moyen de bornes qui permettront de matérialiser ces limites.
- S’agissant de la mitoyenneté, elle ne peut être envisagée qu’à la condition que le mur, la clôture ou encore la haie se situe au niveau de la ligne séparative.
- Enfin, dernier élément qui caractère la mitoyenneté elle confère aux propriétaires des fonds séparés par le bien sur lequel elle porte un droit de propriété qu’ils exercent en indivision.
- La mitoyenneté conduit ainsi à la coexistence sur une même chose de droits de propriété concurrents de même nature.
- À la différence, néanmoins, de l’indivision de droit commun, la mitoyenneté confère un droit de propriété perpétuelle aux propriétaires des fonds contigus, mais encore elle est insusceptible de faire l’objet d’une demande de partage.
Il ressort de ces trois éléments qui caractérisent la mitoyenneté qu’il s’agit là d’une forme particulière de propriété qui a son régime propre.
Aussi, la mitoyenneté peut s’établir selon 4 modes d’acquisition différents. À cet égard, elle peut résulter :
- D’un accord de volontés
- D’une décision unilatérale
- De la prescription acquisitive
- De l’exercice du droit de se clore
Nous nous focaliserons ici sur le dernier mode d’acquisition de la mitoyenneté : l’exercice du droit de se clore.
I) Principe
Si tout propriétaire d’un fonds est titulaire du droit discrétionnaire de se clore, il est dès cas où cet acte lui est imposé par la loi.
L’article 663 du Code civil dispose en ce sens que « chacun peut contraindre son voisin, dans les villes et faubourgs, à contribuer aux constructions et réparations de la clôture faisant séparation de leurs maisons, cours et jardins assis ès dites villes et faubourgs »
Il ressort de cette disposition que le propriétaire d’un fonds situé dans un espace urbain peut contraindre son voisin à participer à la construction et à l’entretien d’une clôture afin d’empêcher toute communication entre les deux propriétés.
Cette clôture forcée est présentée par une partie de la doctrine comme répondant à un objectif de salubrité publique, en ce sens qu’il s’agirait d’empêcher la constitution de terrains vagues et de lutter contre l’insécurité.
D’autres auteurs arguent, au contraire, que dans la mesure où la règle ainsi édictée n’est pas d’ordre public elle viserait seulement à assurer la tranquillité et la vie privée des habitants des villes.
Reste que pour qu’un propriétaire soit contraint d’élever une clôture sur son fonds encore faut-il que son voisin se prévale du bénéfice de l’article 663. Or la mise en œuvre de cette disposition est subordonnée à la réunion de plusieurs conditions.
II) Conditions
- Des fonds situés en milieu urbains
- Le propriétaire d’un fonds ne peut contraindre son voisin à participer à l’élévation d’une clôture qu’à la condition que les fonds soient situés en milieu urbain, l’article 663 visant « les villes et les faubourgs».
- Il en résulte que cette obligation n’est pas applicable en zone rurale.
- En l’absence de définition des notions de villes et faubourgs, c’est au juge qu’il appartient d’apprécier la configuration de la zone dans laquelle sont situés les fonds concernés.
- Des fonds affectés à l’usage d’habitation
- Seuls les fonds affectés à l’usage d’habitation relèvent du domaine d’application de l’article 663 du Code civil ( req. 28 févr. 1905).
- Des fonds contigus
- La jurisprudence exige que les fonds soient contigus, faute de quoi l’article 663 est inapplicable ( req. 1er juill. 1857).
- Lorsque, dès lors, les deux fonds sont séparés par un espace qui ne leur appartient pas, aucune clôture ne pourra être imposée par un propriétaire à l’autre.
- L’absence de mur existant
- Il s’infère de l’article 663 qu’un propriétaire ne peut contraindre son voisin à ériger une clôture qu’à la condition qu’aucun mur ne sépare déjà les deux fonds.
- L’objectif recherché par le texte est de forcer l’édification d’une clôture et non l’acquisition de la mitoyenneté d’un mur (V. en ce sens Req. 25 juill. 1928).
III) Effets
==> Le partage des frais de construction
L’exercice de la faculté prévue à l’article 663 du Code civil a pour effet de contraindre le propriétaire du fonds voisin à « contribuer aux constructions et réparations de la clôture faisant séparation de leurs maisons, cours et jardins ».
Il s’infère de la règle ainsi poser que les frais de construction doivent être partagés à parts égales entre les propriétaires des deux fonds, étant précisé que le montant des frais s’évalue au jour de la construction.
La clôture alors édifiée sera mitoyenne de sorte que les propriétaires seront copropriétaires de l’ouvrage.
==> Les caractéristiques de la clôture
S’agissant des caractéristiques de la clôture, elles sont envisagées par l’article 663 qui prévoit que « la hauteur de la clôture sera fixée suivant les règlements particuliers ou les usages constants et reconnus et, à défaut d’usages et de règlements, tout mur de séparation entre voisins, qui sera construit ou rétabli à l’avenir, doit avoir au moins trente-deux décimètres de hauteur, compris le chaperon, dans les villes de cinquante mille âmes et au-dessus, et vingt-six décimètres dans les autres. »
Il ressort du texte que la clôture doit présenter certaines caractéristiques, faute de quoi l’un des propriétaires pourra contraindre l’autre à se conformer aux exigences requises.
- Un mur
- La première exigence tient à la nature de la clôture qui doit consister en un mur, de sorte qu’une simple haie, un grillage ou encore une palissade sont insuffisants
- Dimensions
- Le mur doit être édifié dans le respect de plusieurs dimensions fixées par l’article 663.
- Tout d’abord, il doit être édifié sur la ligne séparative et s’étendre sur toute la longueur de cette ligne.
- Ensuite, le mur doit atteindre une hauteur minimum de 3.20 m pour les villes de 50.000 habitants et plus et 2.60 m dans les autres villes, saufs règlements et usages contraires.
- Les dimensions du mur s’imposent aux propriétaires qu’autant qu’ils n’ont pas trouvé d’accord.
- Il leur est parfaitement loisible de s’entendre sur la nature de la clôture, en privilégiant par exemple l’installation d’un grillage à un mur ainsi que sur ces dimensions, pourvu que l’ouvrage respecte les règles d’urbanisme.
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