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Procédure orale devant le Tribunal judiciaire: la tentative préalable de conciliation

Dans le cadre de la procédure orale devant le Tribunal judiciaire, le demandeur dispose d’une option procédurale :

  • Soit il choisit de provoquer une tentative préalable de conciliation
  • Soit il choisit d’assigner aux fins de jugement

Nous nous focaliserons ici sur la première option. La tentative de conciliation provoquée par le demandeur est régie par les articles 820 à 826 du CPC.

I) La demande de conciliation

A) La présentation de la demande de conciliation

==> Forme de la demande

L’article 820, al. 1er du CPC dispose que « la demande aux fins de tentative préalable de conciliation est formée par requête faite, remise ou adressée au greffe. »

Alors que sous l’empire du droit antérieur, la demande de tentative de conciliation devait être formulée au moyen d’une déclaration au greffe, c’est désormais par voie de requête que la juridiction doit être saisie.

Cette modification est issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

L’objectif poursuivi par le législateur était de simplifier et d’unifier les modes de saisine, ce qui s’est notamment traduit par la suppression de la déclaration au greffe et de la présentation volontaire des parties comme modes de saisine des juridictions.

En matière de tentative de conciliation, la demande doit donc dorénavant être formée par requête, laquelle remplace la déclaration au greffe.

La requête est définie à l’article 57 du CPC comme l’acte par lequel le demandeur saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé.

À la différence de l’assignation, la requête est donc adressée, non pas à la partie adverse, mais à la juridiction auprès de laquelle est formulée la demande en justice.

Reste qu’elle produit le même effet, en ce qu’elle est un acte introductif d’instance.

==> Formalisme

À l’instar de l’assignation, la requête doit comporter un certain nombre de mentions prescrites à peine de nullité par le Code de procédure civile.

Mentions de droit commun
Art. 54• Lorsqu'elle est formée par voie électronique, la demande comporte également, à peine de nullité, les adresse électronique et numéro de téléphone mobile du demandeur lorsqu'il consent à la dématérialisation ou de son avocat.

• Elle peut comporter l'adresse électronique et le numéro de téléphone du défendeur.

• À peine de nullité, la demande initiale mentionne :

1° L'indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;

2° L'objet de la demande ;

3° a) Pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs ;

b) Pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l'organe qui les représente légalement ;

4° Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier ;

5° Lorsqu'elle doit être précédée d'une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les diligences entreprises en vue d'une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d'une telle tentative ;

6° L'indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s'expose à ce qu'un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire.
Art. 57• Elle contient, outre les mentions énoncées à l'article 54, également à peine de nullité :

-lorsqu'elle est formée par une seule partie, l'indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée ou s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social

-dans tous les cas, l'indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée.

•Elle est datée et signée.
Art. 757• Outre les mentions prescrites par les articles 54 et 57, la requête doit contenir, à peine de nullité, un exposé sommaire des motifs de la demande.

• Les pièces que le requérant souhaite invoquer à l'appui de ses prétentions sont jointes à sa requête en autant de copies que de personnes dont la convocation est demandée.

• Le cas échéant, la requête mentionne l'accord du requérant pour que la procédure se déroule sans audience en application de l'article L. 212-5-1 du code de l'organisation judiciaire.

• Lorsque la requête est formée par voie électronique, les pièces sont jointes en un seul exemplaire.

• Lorsque chaque partie est représentée par un avocat, la requête contient, à peine de nullité, la constitution de l'avocat ou des avocats des parties.

• Elle est signée par les avocats constitués.

==> Absence d’exigence tenant au montant de la demande

A la différence de la procédure orale aux fins de jugement qui n’autorise l’introduction de l’instance par requête qu’à la condition que le montant de la demande n’excède pas 5.000 euros, en matière de tentative de conciliation l’instance peut être introduite selon ce mode de saisine sans condition de montant.

B) Les effets de la demande de conciliation

À titre de remarque liminaire, il convient d’observer que la demande aux fins de tentative préalable de conciliation formée par requête ne s’analyse pas en une citation en justice.

La conséquence en est que, en cas d’échec de cette procédure, le juge ne sera nullement tenu par les termes de la conciliation.

Le principal effet de la demande de conciliation est d’interrompre la prescription et les délais pour agir en justice à compter de la date d’enregistrement de la déclaration faite au greffe.

Cette règle, énoncée par l’article 820, al. 2e du CPC ne fait que reprendre les termes de l’article 2238 du Code civil qui dispose que « la prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d’un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d’accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation. »

II) le déroulement de la conciliation

La tentative de conciliation peut être menée :

  • soit par un conciliateur délégué à cet effet
  • soit par le juge lui-même

A) La conciliation déléguée à un conciliateur de justice

==> La faculté de délégation

L’article 821 du CPC dispose que « le juge peut déléguer à un conciliateur de justice la tentative préalable de conciliation. »

Il ressort de cette disposition que la désignation d’un conciliateur aux fins de trouver une issue au litige qui oppose les parties est une simple faculté laissée au juge qu’il peut choisir de ne pas exercer.

Le juge optera pour ce choix, lorsqu’il estimera qu’une solution au litige est susceptible d’être rapidement trouvée, ce qui permettra d’accélérer le processus de conciliation.

Sous l’empire du droit antérieur l’exercice de cette faculté était subordonné à l’accord des parties.

L’exigence de cet accord a été supprimée par le décret n° 2015-282 du 11 mars 2015 lorsque la tentative de conciliation est engagée notamment en procédure orale devant le Tribunal judiciaire.

Le législateur a considéré que dans la mesure où les parties sont d’accord sur le principe de la conciliation, les modalités de cette conciliation doivent être librement décidées par le juge, c’est-à-dire qu’il peut soit procéder directement à cette conciliation, soit la déléguer à un conciliateur de justice.

==> La convocation des parties

Une fois le conciliateur de justice désigné par le juge, le greffier accomplit deux formalités successives :

  • D’une part, il avise par tous moyens le défendeur de la décision du juge.
    • L’avis précise les nom, prénoms, profession et adresse du demandeur et l’objet de la demande.
  • D’autre part, dans l’hypothèse où le défendeur ne refuse pas la désignation d’une tierce personne, il avise le demandeur et le conciliateur de justice de la décision du juge.
    • Une copie de la demande est adressée au conciliateur.

Pour procéder à la tentative de conciliation, l’article 129-3 du CPC dispose que le conciliateur de justice convoque les parties aux lieu, jour et heure qu’il détermine.

Cette disposition précise que cette convocation n’a lieu qu’« en tant que de besoin ». En effet, elle ne sera pas nécessaire lorsque le conciliateur est déjà présent à l’audience, comme cela se pratique devant de nombreux tribunaux.

==> Assistance des parties

L’alinéa 2 de l’article 129-3 du CPC dispose que lors de leur comparution devant le conciliateur de justice, les parties peuvent être assistées par une personne ayant qualité pour le faire devant la juridiction ayant délégué la conciliation.

En procédure orale devant le Tribunal judiciaire il s’agira donc des personnes figurant sur la liste énoncée à l’article 762 du CPC au nombre desquelles figurent :

  • L’avocat ;
  • Le conjoint ;
  • Le concubin ou la personne avec laquelle elles ont conclu un pacte civil de solidarité ;
  • Les parents ou alliés en ligne directe ;
  • Les parents ou alliés en ligne collatérale jusqu’au troisième degré inclus ;
  • Les personnes exclusivement attachées à leur service personnel ou à leur entreprise
  • Les fonctionnaires ou agents de l’administration lorsque l’État, les départements, les régions, les communes ou les établissements publics sont parties à l’instance

L’article 823 du CPC précise que « les avis adressés aux parties par le greffier précisent que chaque partie peut se présenter devant le conciliateur avec une personne ayant qualité pour l’assister devant le juge ».

==> Pouvoirs du conciliateur

À l’instar des mesures d’« investigation » que le conciliateur peut mener dans un cadre extrajudiciaire, il est prévu qu’il peut, avec l’accord des parties, se rendre sur les lieux et entendre toute personne dont l’audition lui paraît utile et qui l’accepte.

Il est précisé à l’article 129-4 du CPC que les constatations du conciliateur et les déclarations qu’il recueille ne peuvent être ni produites ni invoquées dans la suite de la procédure, sans l’accord des parties, ni, en tout état de cause, dans une autre instance.

L’article 129-5 du CPC ajoute que le conciliateur de justice doit tenir le juge informé des difficultés qu’il rencontre dans l’accomplissement de sa mission, ainsi que de la réussite ou de l’échec de la conciliation.

En cas d’échec de la conciliation, l’article 832 du CPC prévoit, à cet égard, que « le conciliateur de justice en informe le juge en précisant la date de la réunion à l’issue de laquelle il a constaté cet échec. »

==> Issue de la conciliation

  • Succès de la conciliation
    • En cas d’accord, il est établi un constat signé des parties et du conciliateur de justice.
    • En application de l’article 824 du CPC il s’ensuit la formulation d’une demande d’homologation du constat d’accord qui doit être transmise au juge par le conciliateur, étant précisé qu’une copie du constat doit y être jointe.
    • À défaut de saisine du juge par le conciliateur, l’article 131 du CPC dispose que, à tout moment, les parties ou la plus diligente d’entre elles peuvent soumettre à l’homologation du juge le constat d’accord établi par le conciliateur de justice.
    • Le juge statue sur la requête qui lui est présentée sans débat, à moins qu’il n’estime nécessaire d’entendre les parties à l’audience.
    • L’homologation relève de la matière gracieuse.
    • Aussi, le juge ne sera pas tenu de convoquer les parties avant de statuer sur la demande d’homologation ( 28 CPC).
    • Une telle requête pourra ainsi être présentée avant l’audience de rappel de l’affaire, pour éviter aux parties d’avoir à se déplacer à cette audience
    • En tout état de cause, conformément à l’article 130 du CPC la teneur de l’accord, même partiel, doit être consignée, selon le cas, dans un procès-verbal signé par les parties et le juge ou dans un constat signé par les parties et le conciliateur de justice.
    • Des extraits du procès-verbal dressé par le juge peuvent alors être délivrés.
    • L’article 131 du CPC prévoit que ces extraits valent titre exécutoire.
  • Échec de la conciliation
    • L’article 129-5, al. 2 du CPC prévoit que le juge peut mettre fin à tout moment à la conciliation, à la demande d’une partie ou à l’initiative du conciliateur.
    • Il peut également y mettre fin d’office lorsque le bon déroulement de la conciliation apparaît compromis.
    • Cette décision est une mesure d’administration judiciaire, prise sans forme et non susceptible de recours ( 129-6 CPC).
    • Le greffier en avise le conciliateur et les parties. La procédure reprend son cours, soit à la date qui avait été fixée par le juge pour le rappel de l’affaire, soit à une autre date dont les parties sont alors avisées conformément aux règles de procédure applicables devant la juridiction considérée.
    • En dehors de cette hypothèse, l’échec de cette tentative est constaté par le conciliateur qui en avise la juridiction ( 129-5 CPC), en lui précisant la date de la réunion à l’issue de laquelle le conciliateur a constaté cet échec (art. 822 CPC).
    • Cette date est importante à un double titre.
      • D’une part, à la différence du droit antérieur, cette date clôt la procédure de tentative de conciliation et constitue donc la date à compter de laquelle cesse l’interruption de la prescription.
      • D’autre part, elle constitue le point de départ du délai d’un mois offert au demandeur pour bénéficier de la « passerelle » permettant de saisir la juridiction par déclaration au greffe.

B) La conciliation menée par le juge

Le juge peut souhaiter mener lui-même la tentative de conciliation ou les parties s’opposer à la délégation d’un conciliateur de justice.

Dans ce cas, le régime de la tentative de conciliation est détaillé à l’article 825 du CPC.

==> Convocation des parties

Lorsque donc le juge décide de procéder lui-même à la conciliation ou que l’une des parties a refusé la désignation d’un conciliateur, l’article 825 du CPC dispose que le greffe avise le demandeur par tout moyen des lieu, jour et heure auxquels l’audience de conciliation se déroulera.

Ainsi, le demandeur est-il désormais avisé « par tout moyen » et non plus seulement par lettre simple, ce qui permet ainsi l’utilisation de moyens modernes de communication, à charge pour celui qui est en demande de donner les moyens de nature à lui transmettre utilement l’information.

Quant à la convocation du défendeur, elle intervient par lettre simple. L’article 825 al. 2 exige que la convocation mentionne les nom, prénoms, profession et adresse du demandeur ainsi que l’objet de la demande.

Enfin, l’avis et la convocation doivent préciser que chaque partie peut se faire assister par une des personnes énumérées à l’article 762 du CPC.

==> Pouvoirs du juge

L’objectif de souplesse, favorable à l’émergence d’une conciliation des parties, est conforté par la précision apportée à l’article 128 du CPC aux termes de laquelle le juge fixe les modalités de la tentative de conciliation.

Il sera ainsi possible pour le juge, s’il n’estime pas nécessaire de mobiliser un greffier pendant la tentative de conciliation se déroulant en dehors d’une audience de fond, de dispenser celui-ci d’y assister.

Cette dispense ne pourra toutefois pas concerner la phase finale de la conciliation : en cas d’accord des parties, il appartient au greffier d’établir le procès-verbal de conciliation, sous le contrôle du juge et en présence des parties, dont le greffier pourra ainsi attester du consentement.

Bien que la précision ne figure pas dans les dispositions propres à la procédure de tentative préalable de conciliation, celle-ci pourra toujours avoir lieu dans le cabinet du juge.

À cet égard, l’article 129 du CPC dispose que « la conciliation est tentée, sauf disposition particulière, au lieu et au moment que le juge estime favorables et selon les modalités qu’il fixe ».

==> Issue de la conciliation

  • Succès de la conciliation
    • En cas d’accord, même partiel, l’article 130 du CPC prévoit que la teneur de l’accord est consignée dans un procès-verbal signé par les parties et le juge
    • Des extraits de ce procès-verbal valent titre exécutoire en application de l’article 131 du CPC.
  • Échec de la conciliation
    • En cas d’échec total ou partiel de la tentative de conciliation, l’article 826 du CPC prévoit que le demandeur peut saisir la juridiction aux fins de jugement de tout ou partie de ses prétentions initiales.
    • La saisine de la juridiction est alors faite selon les modalités prévues par l’article 818 du CPC qui dispose que la demande est formée :
      • Soit par une assignation
      • Soit par une requête conjointe
      • Soit par une requête unilatérale lorsque le montant de la demande n’excède pas 5 000 euros

1 Comment

  1. Bonjour Maître,
    pour la requête en conciliation, il vaudrait mieux que le greffe de la juridiction soit informé des modifications de la loi.
    En effet ce dernier l’a refusé au motif de ne pas avoir demandé d’abord la conciliation au Conciliateur lui-même!
    TJ de CAHORS.


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