Le Droit dans tous ses états

LE DROIT DANS TOUS SES ETATS

Exceptions de procédure: la litispendance

Les moyens de défense devant être soulevés in limine litis, soit avant toute défense au fond, sont ce que l’on appelle les exceptions de procédure.

L’article 73 du CPC définit l’exception de procédure comme « tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours. »

Il ressort de cette définition que l’exception de procédure se distingue très nettement de la défense au fond et des fins de non-recevoir.

I) Règles communes

A) Exception de procédure, défense au fond et fin de non-recevoir

L’exception de procédure s’oppose à la défense au fond car elle ne repose pas sur une contestation du bien-fondé de la prétention du demandeur, mais porte uniquement sur la procédure dont elle a pour objet de paralyser le cours.

L’exception de procédure se distingue également de la fin de non-recevoir, en ce qu’elle est constitutive d’une irrégularité qui concerne le fond ou la forme des actes de procédure ; elle affecte la validité de la procédure, alors que la fin de non-recevoir est une irrégularité qui touche au droit d’agir et atteint l’action elle-même : « est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir » (articles 32 et 122 du CPC).

B) Liste des exceptions de procédure

Au nombre des exceptions de procédure figurent :

  • Les exceptions d’incompétence
  • Les exceptions de litispendance et de connexité
  • Les exceptions dilatoires
  • Les exceptions de nullité

Cette liste est-elle limitative ? Selon certains auteurs, comme Serge Guinchard ou Isabelle Pétel-Teyssié, la définition de l’article 73 du CPC permet de concevoir d’autres exceptions, dès lors qu’elles tendent à la finalité énoncée par cet article.

Cette opinion a été illustrée par la jurisprudence qui a qualifié d’exception de procédure la règle « le criminel tient le civil en l’état » (Cass. 1ère civ., 28 avril 1982, n°80-16.546) en précisant que l’exception était de la nature de celle visée à l’article 108 du CPC, c’est-à-dire une exception dilatoire ou encore l’incident tendant à faire constater la caducité du jugement par application de l’article 478 du CPC procédure civile (Cass. 2e civ., 22 nov. 2001, n°99-17.875) ou l’incident de péremption (Cass. 2e civ., 31 janv. 1996, n°93-11.246).

Quant au régime juridique des exceptions de procédure, il obéit à des règles strictes fixées par l’article 74 du CPC : « les exceptions doivent être invoquées avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir » et la deuxième chambre civile, le 8 juillet 2004, puis le 14 avril 2005 a précisé, montrant la rigueur de ces dispositions, qu’une partie n’était pas recevable à soulever une exception de procédure après une fin de non-recevoir, peu important que les incidents aient été présentés dans les mêmes conclusions.

C) Spécificité des exceptions de procédure : la présentation in limine litis

Pour qu’une exception de procédure prospère, l’article 74 du CPC prévoit qu’elle doit, à peine d’irrecevabilité, être soulevée simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir.

Cette disposition précise qu’il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l’exception seraient d’ordre public (V. en ce sens Cass. soc., 5 janv. 1995, n° 92-19.823).

Il s’infère de l’article 74 du CPC que les exceptions de procédure ne peuvent donc pas être soulevées n’importe quand. Plusieurs règles doivent être observées par les parties.

1. Avant toute défense au fond

🡺Principe

Il est de principe que les exceptions de procédure doivent être soulevées in limine litis, soit avant toute défense au fond.

Pour mémoire, par défense au fond il faut entendre, selon l’article 71 du CPC, « tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l’adversaire. »

Dès lors que l’exception de procédure est soulevée après la prise de conclusions exposant les prétentions, fussent-elles banales et de pure forme, ou l’exercice d’un recours, elle est irrecevable.

Ainsi, il a par exemple été jugé que le fait de s’en rapporter à justice constitue une défense au fond, interdisant ensuite de soulever une exception d’incompétence (Cass. 2e civ., 7 juin 2007, n°06-15.920).

Cette règle est applicable devant toutes les juridictions, y compris devant la Cour d’appel.

S’agissant spécifiquement de la procédure applicable devant le Tribunal de grande, l’article 771 du CPC prévoit que les exceptions de procédure ne peuvent être soulevées que devant le Juge de la mise en état seul compétent pour statuer sur ces dernières.

Les parties ne sont donc plus recevables à soulever ces exceptions ultérieurement.

Dans un arrêt du 12 mai 2016, la Cour de cassation a précisé que le conseiller de la mise en état n’est saisi des demandes relevant de sa compétence que par les conclusions qui lui sont spécialement adressées (Cass. 2e civ.,12 mai 2016, n° 14-25.054).

En application, d’ailleurs, de l’article 775 du CPC « si les ordonnances du juge de la mise en état n’ont pas au principal autorité de la chose jugée, il est fait exception pour celles statuant sur les exceptions de procédure et sur les incidents mettant fin à l’instance ».

🡺Tempérament

Nonobstant la prise de conclusions au fond, il est admis que le plaideur puisse soulever, par la suite, une exception de procédure en cas de formulation d’une demande incidente par la partie adverse.

Peu importe la nature de la demande incidente (reconventionnelle, additionnelle ou en intervention), la partie contre qui cette demande est formulée peut, en réponse, opposer une exception d’incompétence en réponse.

2. Simultanéité

L’article 74 prévoit expressément que, pour être recevable, les exceptions de procédure doivent être soulevées simultanément

Cette règle a été posée afin d’éviter qu’un plaideur ne se livre à des manœuvres dilatoires, en étirant dans le temps, pour faire durer la procédure, l’invocation des exceptions de procédure.

Il en résulte un certain nombre de points de vigilances pour les plaideurs, tant en matière de procédure écrite, qu’en matière de procédure orale.

  • En matière de procédure écrite
    • Obligation est faite aux parties de soulever toutes les exceptions de procédures en même temps, ce qui implique qu’elles doivent figurer dans le même jeu de conclusions.
    • À cet égard, si la Cour de cassation admet que les exceptions de procédure puissent être présentées dans les mêmes écritures, elles doivent être formellement abordées par le plaideur avant l’exposé des défenses au fond.
    • Ajouté à cette exigence, les exceptions de procédure doivent être soulevées avant l’exposé d’une fin de non-recevoir, fût-ce à titre subsidiaire.
  • En matière de procédure orale
    • Les exceptions de procédure doivent être soulevées avant l’ouverture des débats.
    • La question s’est longtemps posée de savoir si la prise de conclusions au fond avant l’audience des plaidoiries ne rendait pas irrecevable les exceptions de procédure qui seraient soulevées pour la première fois le jour de l’audience.
    • Dans un arrêt du 6 mai 1999, la Cour de cassation a répondu positivement à cette question estimant qu’il était indifférent que la procédure soit orale : dès lors que des défenses au fond sont présentées par une partie, cela fait obstacle à l’invocation d’exceptions de procédure (Cass. 2e civ., 6 mai 1999, n°96-22.143).
    • Fortement critiquée par la doctrine, la Cour de cassation est revenue sur sa position dans un arrêt du 16 octobre 2003 considérant au visa de l’article 74 du CPC que « les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées avant toute défense au fond ; que, devant le tribunal de commerce, la procédure étant orale, les prétentions des parties peuvent être formulées au cours de l’audience et qu’il en est notamment ainsi des exceptions de procédure » (Cass. 2e civ., 16 oct. 2003, n°01-13.036).
    • Peu importe désormais que des conclusions au fond aient été prises avant l’audience des plaidoiries : les exceptions de procédure peuvent être soulevées, en tout état de cause, le jour de l’audience.
    • Seul l’ordre de présentation oral doit donc être considéré et il suffit, par conséquent, que l’exception de procédure soit exposée verbalement à l’audience, in limine litis, lors des plaidoiries, avant les autres explications orales touchant au fond de l’affaire, pour être recevable.
    • Selon les mêmes principes, un tribunal de commerce ne saurait relever d’office – qui plus est sans observer le principe de la contradiction et inviter les parties à présenter leurs observations – l’irrecevabilité d’une exception d’incompétence en se déterminant d’après la seule chronologie des conclusions du défendeur contenant ses différents moyens de défense, alors même que celui-ci aurait soulevé l’exception d’incompétence après une défense au fond exprimée dans des conclusions antérieures écrites (Cass. 2e civ., 20 nov. 2003, n°02-11.272).
    • C’est donc bien uniquement au jour des plaidoiries qu’il convient de se placer pour apprécier l’ordre des moyens de défense présentés par un plaideur et que doit, en particulier, être examinée l’antériorité de l’exception d’incompétence par rapport aux autres moyens.
    • Dans un arrêt du 22 juin 2017, la Cour de cassation est néanmoins venue apporter un tempérament à sa position en considérant, s’agissant de la procédure applicable devant le Tribunal de commerce que lorsque le juge a organisé les échanges écrits entre les parties conformément au dispositif de mise en état de la procédure orale prévu par l’article 446-2 du code de procédure civile, la date de leurs prétentions et moyens régulièrement présentés par écrit est celle de leur communication entre elles dès lors qu’un calendrier de mise en état a été élaboré par le juge (Cass. 2e civ., 22 juin 2017, n° 16-17.118).
    • En cas de calendrier fixé par le Juge, dans le cadre d’une procédure orale, la date de l’exposé des moyens et des prétentions qui doit être prise en compte est celle de leur communication entre parties et non celle de l’audience

3. Succession de procédures

Quid lorsque l’exception de procédure est soulevée pour la première fois, consécutivement à une procédure de référé, une tentative de conciliation ou encore dans le cadre d’un appel ou d’un pourvoi en cassation ?

🡺L’exception de procédure consécutivement à une procédure de référé

Il est de jurisprudence constante que les exceptions de procédure peuvent être soulevées dans le cadre d’une procédure de référé, alors même qu’elles n’auraient pas été préalablement présentées dans le cadre d’une instance en référé.

La raison en est que les deux procédures sont distinctes : tandis que le juge des référés statue au provisoire, le juge saisi du fond du litige statue au principal.

Dans un arrêt du 29 mai 1991, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « l’instance de référé étant distincte de l’instance au fond, la cour d’appel a justement retenu que le fait par une partie de ne pas invoquer une clause attributive de compétence dans le cadre d’une instance de référé ne manifestait pas la volonté non équivoque de cette partie de renoncer à s’en prévaloir dans le cadre d’une instance ultérieure au fond, quand bien même les deux instances concerneraient le même litige » (Cass. com. 28 mai 1991, n°89-19.683).

🡺L’exception de procédure consécutivement à une tentative de conciliation

  • Principe
    • En matière de conciliation, la solution retenue par la Cour de cassation est identique à celle adoptée pour la procédure de référé.
    • En effet, l’invocation, pour la première fois, d’une exception de procédure postérieurement à la tentative de conciliation n’est pas frappée d’irrecevabilité, alors même que des défenses au fond auraient été présentées dans le cadre de cette dernière procédure (Cass. soc., 22 janv. 1975, n°74-40.133).
    • Il importe peu que la tentative de conciliation ait ou non été obligatoire ; en tout état de cause elle ne fait pas obstacle à la présentation d’une exception de procédure.
  • Exception
    • En matière de divorce, les exceptions de procédure doivent être dès l’audience de conciliation, faute de quoi elles deviennent irrecevables dans le cadre de l’instance en divorce
    • L’article 1073 du CPC prévoit en ce sens que « le juge aux affaires familiales est, le cas échéant, juge de la mise en état. »
    • Dans la mesure où le juge de la mise en état possède une compétence exclusive pour statuer sur les exceptions de procédure, il est certain que le juge aux affaires familiales dispose des mêmes pouvoirs

🡺L’exception de procédure soulevée dans le cadre d’un appel

  • Principe
    • Lorsqu’une exception de procédure est soulevée pour la première fois en appel elle est, par principe, irrecevable, dans la mesure où, par hypothèse, des défenses au fond ont été présentées en première instance.
    • La condition tenant à l’invocation à titre in limine litis des exceptions de procédure n’est donc pas remplie (V. en ce sens Cass. 1ère civ., 14 avr. 2010, n°09-12.477).
    • Cette solution s’applique quand bien même c’est la compétence d’une juridiction étrangère qui serait revendiquée.
  • Exception
    • Il est de jurisprudence constante que, par dérogation, une exception d’incompétence peut être soulevée pour la première fois en appel, dès lors qu’elle est soulevée avant toute défense au fond, ce qui sera le cas lorsque le défendeur n’a pas comparu en première instance.
    • La Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 25 novembre 1981 qu’il n’était pas nécessaire que l’exception d’incompétence figure dans la déclaration d’appel
    • Elle peut valablement être soulevée dans des conclusions postérieures (Cass. 2e civ., 25 nov. 1981, n°80-11.378)

🡺L’exception de procédure soulevée dans le cadre d’un pourvoi en cassation

À l’instar de la procédure d’appel, la Cour de cassation considère que les exceptions de procédure ne peuvent pas être soulevées pour la première fois dans le cadre d’un pourvoi en cassation (Cass. 1ère civ., 28 févr. 2006, n° 03-21.048).

La règle posée à l’article 74 du CPC est d’interprétation stricte de sorte que dès lors que des défenses au fond ont été soulevées en première instance ou en appel par le plaideur, il lui est défendu d’exciper des exceptions de procédure devant la haute juridiction, quand bien même l’exception soulevée serait d’ordre public (Cass., ass. plén., 26 mai 1967, n°63-12.709).

D) Liste des exceptions de procédure

Au nombre des exceptions de procédure figurent :

  • Les exceptions d’incompétence
  • Les exceptions de litispendance et de connexité
  • Les exceptions dilatoires
  • Les exceptions de nullité

Cette liste est-elle limitative ? Selon certains auteurs, comme Serge Guinchard ou Isabelle Pétel-Teyssié, la définition de l’article 73 du CPC permet de concevoir d’autres exceptions, dès lors qu’elles tendent à la finalité énoncée par cet article.

Cette opinion a été illustrée par la jurisprudence qui a qualifié d’exception de procédure la règle « le criminel tient le civil en l’état » (Cass. 1ère civ., 28 avril 1982, n°80-16.546) en précisant que l’exception était de la nature de celle visée à l’article 108 du CPC, c’est-à-dire une exception dilatoire ou encore l’incident tendant à faire constater la caducité du jugement par application de l’article 478 du CPC procédure civile (Cass. 2e civ., 22 nov. 2001, n°99-17.875) ou l’incident de péremption (Cass. 2e civ., 31 janv. 1996, n°93-11.246).

Quant au régime juridique des exceptions de procédure, il obéit à des règles strictes fixées par l’article 74 du CPC : « les exceptions doivent être invoquées avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir » et la deuxième chambre civile, le 8 juillet 2004, puis le 14 avril 2005 a précisé, montrant la rigueur de ces dispositions, qu’une partie n’était pas recevable à soulever une exception de procédure après une fin de non-recevoir, peu important que les incidents aient été présentés dans les mêmes conclusions.

II) Régime

Les exceptions de litispendance et de connexité sont régies par les articles 100 à 107 du Code de procédure civile.

Ces deux situations sont envisagées dans la même section en raison des points communs qu’elles partagent :

  • D’une part, la litispendance et la connexité supposent que des demandes aient été formulées devant des juridictions différentes
  • D’autre part, dans les deux cas les juridictions saisies connaissent de demandes connexes ou identiques
  • Enfin, tant en matière de litispendance, qu’en matière de connexité, il s’agira pour l’une des juridictions saisies de décliner sa compétence au profit de l’autre.

Nonobstant ces points communs qui créent un lien étroit entre ces deux exceptions de procédure, elles possèdent un certain nombre de particularités qui justifient qu’elles soient abordées séparément.

Nous nous focaliserons ici sur l’exception de litispendance.

L’exception de litispendance est envisagée à l’article 100 du CPC qui prévoit que « si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l’autre si l’une des parties le demande »

Il ressort de cette disposition que la situation de litispendance se caractérise par la saisine de deux juridictions différentes, mais compétentes, qui ont vocation à statuer sur un même litige.

Plusieurs conditions doivent donc être réunies pour que cette situation conduise à ce que l’une des juridictions saisies décline sa compétence au profit de l’autre.

A) Conditions de l’incident de litispendance

Pour qu’une situation de litispendance soit caractérisée plusieurs conditions doivent être réunies :

  • Les litiges pendants devant les juridictions saisies doivent être identiques
  • Les litiges doivent être pendants devant deux juridictions
  • Les litiges doivent être pendants devant deux juridictions compétentes

🡺Une identité de litige

Pour qu’il y ait litispendance, l’article 100 du CPC exige qu’un « même litige » soit pendant devant deux juridictions.

Fondamentalement, la question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « même litige ». Quels sont les critères ?

Pour le déterminer, il convient de se reporter à la finalité de la règle qui pose l’obligation pour l’une des juridictions saisies de se dessaisir au profit de l’autre.

À l’examen, cette règle vise à éviter que deux décisions contradictoires soient rendues. Surtout, le danger réside dans l’autorité de la chose jugée dont sont susceptibles d’être pourvues ces décisions, ce qui conduirait à une situation inextricable.

Aussi, est-ce à la lumière de l’autorité de la chose jugée que la notion d’identité de litige se définit. En effet, il y aura litispendance lorsque la demande formulée en second aurait été déclarée irrecevable en raison de l’autorité de la chose jugée que posséderait le jugement qui aurait statué sur la première demande.

Pour mémoire, l’article 1355 du CPC dispose que « l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. »

Il s’infère de cette disposition que l’autorité de la chose jugée fait obstacle à l’examen d’une demande en justice dès lors qu’il y a :

  • Identité des parties
    • Il y aura donc litispendance lorsque les litiges pendants devant des juridictions distinctes opposent les mêmes parties
  • Identité d’objet
    • L’article 4 du CPC prévoit que « l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties »
    • La situation de litispendance sera donc caractérisée lorsque les prétentions des parties soumises aux juridictions saisies seront identiques
  • Identité de cause
    • Dans le silence des textes, la cause de la demande est définie par la doctrine comme le fondement juridique de la prétention des parties
    • Il y aura ainsi litispendance lorsque le fondement juridique dont les parties se prévalent aux fins qu’il soit fait droit à leurs demandes respectives par les juridictions saisies est le même.

Au bilan, la situation de litispendance sera caractérisée lorsque l’on constatera une identité des parties, une identité d’objet des demandes et une identité de leurs causes.

🡺Un litige pendant devant deux juridictions

L’article 100 du CPC prévoit que la litispendance suppose que le litige soit pendant « devant deux juridictions de même degré ».

Deux enseignements peuvent être retirés de cette disposition :

  • Le litige doit être pendant devant deux juridictions
    • Par pendant, il faut comprendre que les deux juridictions qui ont vocation à statuer sur le litige doivent avoir été saisies et ne soient pas dessaisies.
      • S’agissant de la saisine, elle ne sera effectivement qu’à la date d’enrôlement de l’affaire, étant précisé que la jurisprudence considère que l’accomplissement d’un acte introductif d’instance (assignation, requête, déclaration au greffe etc.) ne vaut pas saisine de la juridiction (V. en ce sens Cass. 3e civ., 10 déc. 1985, n° 84-16.799).
      • S’agissant du dessaisissement, il est caractérisé en cas d’extinction de l’instance, quelle qu’en soit la cause de cette extinction (désistement, péremption, caducité, acquiescement, jugement etc…).
  • Le litige doit être pendant devant deux juridictions distinctes
    • Pour qu’il y ait litispendance il faut que deux juridictions distinctes soient saisies.
    • Il peut s’agir
      • Soit de deux juridictions de premier degré (Art. 100 CPC)
      • Soit de deux juridictions second degré (Art. 100 CPC)
      • Soit d’une juridiction de premier degré et d’une juridiction de second degré (art. 102 CPC)
    • Ce qui importe c’est qu’il s’agisse de juridictions différentes, ce qui exclut l’hypothèse de litiges pendants devant des chambres ou des formations de jugement différentes au sein d’une même juridiction
    • Cette situation correspondrait, en effet, à un cas de connexité qui se règle au moyen d’une mesure d’administration judiciaire (art. 107 CPC)

🡺Un litige pendant devant deux juridictions compétentes

L’article 100 du CPC précise que, pour qu’il y ait litispendance, il est nécessaire que les deux juridictions saisies soient compétentes pour connaître du litige.

La raison en est que dans l’hypothèse où l’une des deux juridictions ne serait pas compétence, la situation relèvera du régime de l’exception d’incompétence et non de litispendance.

À cet égard, si elles sont du même degré, c’est à la juridiction saisie en second qu’il appartient de vérifier sa compétence.

Si, en revanche, les juridictions saisies sont d’un degré différent, la juridiction de premier degré doit vérifier que c’est le même litige qui est pendant devant la Cour d’appel. Dans l’affirmative, elle devra se dessaisir à la faveur de la Cour.

Si, lorsque la caractérisation de la litispendance ne soulève pas de difficulté lorsque les deux juridictions saisies sont compétence, plus délicate sont les hypothèses où leur compétence est contestée ou contestable :

Aussi, la Cour de cassation a-t-elle été conduite à préciser que la situation de litispendance sera caractérisée lorsque :

  • Soit la juridiction dont la compétence est contestée se déclare compétente
  • Soit en cas de prorogation de compétence en raison de l’inaction des parties
  • Soit dans l’hypothèse où la juridiction qui se déclare incompétence renvoie l’affaire par-devant une juridiction différente de celle saisie du même litige

B) Résolution de l’incident de litispendance

1. L’invocation de l’exception de litispendance

Le Code de procédure civile distingue selon que l’incompétence de la juridiction est soulevée par une partie ou par le juge.

🡺La litispendance soulevée par les parties

Il ressort de l’article 100 du CPC que l’exception de litispendance peut être soulevée, tant par le demandeur, que par le défendeur.

Cette exception se distingue, sur ce point, de l’exception d’incompétence qui n’est envisagée que comme un moyen de défense de sorte que le demandeur est irrecevable à la soulever.

En tout état de cause, comme l’exception d’incompétence, l’exception de litispendance doit nécessairement être soulevée in limine litis, soit avant toute défense au fond, conformément à l’article 74 du CPC.

🡺La litispendance relevée par le Juge

L’article 100 du CPC prévoit que, à défaut d’invocation de l’exception de litispendance par les parties, elle peut être relevée d’office par le juge.

Il s’agit là d’une simple faculté, faculté qu’il ne peut exercer qu’à titre subsidiaire, en cas de carence des parties.

Lorsque les juridictions saisies sont de même degré, il s’évince de l’article 100 du CPC que cette faculté est réservée à la juridiction saisie en second.

Lorsque, en revanche, elles sont d’un degré différent, c’est à la juridiction de degré inférieur qu’il appartient de relever d’office l’exception de litispendance, encore qu’il s’agit, ici encore, d’une simple faculté.

2. La décision du juge

a. Les modalités de règlement de l’incident

Lorsque la situation de litispendance est caractérisée, il est nécessaire que l’une des juridictions saisies se dessaisisse au profit de l’autre afin de mettre un terme à l’incident, faute de quoi il est un risque que deux décisions contradictoires soient rendues.

Aussi, le Code de procédure civil a-t-il posé des règles qui permettent de déterminer quelle juridiction saisie doit se dessaisir au profit de l’autre.

  • Les juridictions saisies sont du premier degré
    • Il est acquis qu’il appartient à la juridiction saisie en second de vérifier sa compétence, le cas échéant de se dessaisir et de renvoyer l’affaire devant la juridiction saisie en premier
    • La décision de renvoi s’impose à la juridiction désignée.
  • Les juridictions saisies sont du second degré
    • Dans cette hypothèse, l’exception de litispendance devrait être déclarée irrecevable dans la mesure où elle aurait dû être soulevée en première instance.
    • Reste que si l’une des parties n’a pas comparu dans le cadre de la première instance, elle sera toujours fondée à soulever l’exception en appel
    • Si la situation se produisait ce serait donc à la Cour d’appel saisie en second de se dessaisir au profit de la première Cour d’appel.
  • Les juridictions saisies ne sont pas du même degré
    • En pareil cas, l’article 102 du CPC prévoit qu’il appartient à la juridiction de degré inférieur de vérifier sa compétence et de renvoyer, le cas échéant, l’affaire devant la Cour d’appel.
    • En application de l’article 105 du CPC la décision rendue sur l’exception soit par la juridiction qui en est saisie s’impose tant à la juridiction de renvoi qu’à celle dont le dessaisissement est ordonné.
    • Une Cour d’appel ne pourra donc pas décliner sa compétence, quand bien même elle serait désignée à tort.

b. Le recours contre la décision

🡺Principe

L’article 104 du CPC dispose que les recours contre les décisions rendues sur la litispendance ou la connexité par les juridictions du premier degré sont formés et jugés comme en matière d’exception d’incompétence.

Il convient donc de se reporter aux articles 83 et suivants du CPC

À cet égard, l’article 83 pose que « lorsque le juge s’est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l’objet d’un appel dans les conditions prévues par le présent paragraphe. »

La voie du contredit est ainsi complètement abandonnée. Il en va de même, précise l’alinéa 2 de cette disposition, lorsque « le juge se prononce sur la compétence et ordonne une mesure d’instruction ou une mesure provisoire ».

Peu importe que la déclaration de litispendance soit assortie du prononcé d’une mesure provisoire ou d’instruction : la seule voie de recours ouverte aux parties c’est l’appel.

🡺Délai d’appel

L’article 84 du CPC prévoit que le délai pour interjeter appel est de quinze jours à compter de la notification du jugement.

En principe, la notification est assurée par le greffe qui notifie le jugement aux parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Il notifie également le jugement à leur avocat, dans le cas d’une procédure avec représentation obligatoire.

En cas d’appel, l’appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d’appel, saisir, dans le délai d’appel, le premier président en vue, selon le cas, d’être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d’une fixation prioritaire de l’affaire.

🡺Déclaration d’appel

L’article 85 prévoit que l’appel est interjeté par voie de déclaration accomplie auprès du greffe de la Cour d’appel

Cette déclaration d’appel doit contenir :

  • Les mentions prescrites selon le cas par les articles 901 ou 933
    • La représentation est obligatoire
      • L’article 901 prévoit que la déclaration d’appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l’article 58, et à peine de nullité :
        • La constitution de l’avocat de l’appelant ;
        • L’indication de la décision attaquée ;
        • L’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté ;
        • Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
        • Elle est signée par l’avocat constitué.
        • Elle est accompagnée d’une copie de la décision.
        • Elle est remise au greffe et vaut demande d’inscription au rôle.
    • La représentation n’est pas obligatoire
      • L’article 933 prévoit quant à lui que :
        • la déclaration comporte les mentions prescrites par l’article 58.
        • Elle désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible, et mentionne, le cas échéant, le nom et l’adresse du représentant de l’appelant devant la cour.
        • Elle est accompagnée de la copie de la décision.
  • La déclaration d’appel doit préciser qu’elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence et doit, à peine d’irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration.

🡺Recours multiples

L’article 104 du CPC prévoit que, en cas de recours multiples, la décision appartient à la cour d’appel la première saisie qui, si elle fait droit à l’exception, attribue l’affaire à celles des juridictions qui, selon les circonstances, paraît la mieux placée pour en connaître.

 

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