Deux sortes de contestations sont susceptibles d’être formulées à l’encontre de la mesure conservatoire pratiquée :
- Celles qui portent sur le bien-fondé de la mesure
- Celles qui portent sur l’exécution de la mesure
I) Les contestations relatives au bien-fondé de la mesure
Trois voies de droit sont susceptibles de conduire à l’anéantissement de la mesure, à tout le moins à la modification de son objet.
- La mainlevée de la mesure
- La rétractation de l’ordonnance
- La substitution de la mesure
A) La mainlevée de la mesure
==> Les causes de mainlevée
Les causes de mainlevée de la mesure conservatoire prise se classent en deux catégories :
- Les causes de mainlevée qui tiennent à l’inobservation des conditions de la procédure d’adoption d’une mesure conservatoire
- L’article L. 512-1 du CPCE prévoit que « même lorsqu’une autorisation préalable n’est pas requise, le juge peut donner mainlevée de la mesure conservatoire s’il apparaît que les conditions prescrites par l’article L. 511-1 ne sont pas réunies».
- Il ressort de cette disposition que lorsque les conditions d’adoption de la mesure conservatoire pratiquée ne sont pas réunies, le débiteur est fondé à solliciter la mainlevée de la mesure.
- L’article R. 512-1 du CPCE ajoute que la demande de mainlevée est encore possible si les conditions prévues aux articles R. 511-1 à R. 511-8 ne sont pas réunies, même dans les cas où l’article L. 511-2 permet que cette mesure soit prise sans son autorisation.
- Trois enseignements peuvent être retirés de ces deux dispositions :
- D’une part, la demande de mainlevée peut être demandée à tout moment, soit postérieurement à la réalisation de la mesure
- D’autre part, la demande de mainlevée peut être formulée nonobstant l’autorisation du juge
- Enfin, une demande de mainlevée peut être formulée, alors même que la mesure a été pratiquée sans autorisation du Juge
- L’article R. 512-1, al. 2 prévoit que c’est au créancier de prouver que les conditions requises sont réunies, soit les conditions de fond de la procédure d’adoption de la mesure.
- La règle est logique, car il n’est pas illégitime de considérer que c’est au demandeur initial de la mesure qu’il appartient de prouver son bien-fondé.
- La cause de mainlevée qui tient à la constitution d’une caution bancaire
- L’article L. 512-1, al. 3 du CPCE prévoit que la constitution d’une caution bancaire irrévocable conforme à la mesure sollicitée dans la saisie entraîne mainlevée de la mesure de sûreté, sous réserve des dispositions de l’article L. 511-4.
- Ainsi, en pareille hypothèse, la mainlevée opère de plein droit
==> Le juge compétent
- Principe
- L’article R. 512-2 du CPCE prévoit que la demande de mainlevée est portée devant le juge qui a autorisé la mesure.
- Si celle-ci a été prise sans autorisation préalable du juge, la demande est portée devant le juge de l’exécution du lieu où demeure le débiteur.
- Tempérament
- Lorsque la mesure est fondée sur une créance relevant de la compétence d’une juridiction commerciale, la demande de mainlevée peut être portée, avant tout procès, devant le président du tribunal de commerce de ce même lieu.
- Il s’agit là, néanmoins, d’une simple faculté, le Juge de l’exécution pouvant, en tout état de cause, être saisi.
- Lorsque, en revanche, une instance sera en cours, la demande de mainlevée devra nécessairement lui être adressée.
==> La saisine du Juge
La saisine du Juge compétent pour connaitre la demande de mainlevée s’opère par voie d’assignation dans les conditions prévues à l’article R. 121-11 du CPCE.
Cette disposition prévoit en ce sens que la demande est formée par assignation à la première audience utile du juge de l’exécution.
L’assignation doit contenir, à peine de nullité, la reproduction des dispositions des articles R. 121-6 à R. 121-10.
À cet égard, il peut être observé que, devant le Juge de l’exécution, en application de l’article R. 121-6 du CPCE les parties se défendent elles-mêmes, étant précisé qu’elles ont la faculté de se faire assister ou représenter par l’une des personnes visées à l’article R. 121-7.
B) La rétractation de l’ordonnance
==> Principe
L’article 17 du Code de procédure civile énonce un principe général aux termes duquel « lorsque la loi permet ou la nécessité commande qu’une mesure soit ordonnée à l’insu d’une partie, celle-ci dispose d’un recours approprié contre la décision qui lui fait grief. »
L’article 496 du Code de procédure civile, applicable aux ordonnances rendues sur requête, que « s’il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l’ordonnance ».
Il pourra alors être demandé au juge par le débiteur, dans le cadre d’un débat contradictoire, de rétracter son ordonnance.
Il appartiendra alors au créancier, en application de l’article R. 512-1, al. 2 du CPCE, de prouver que les conditions d’adoption de la mesure conservatoire requises ne sont pas réunies.
==> Juge compétent
Conformément à l’article R. 512-2 du CPCE la demande de rétractation de l’ordonnance est portée devant le juge qui a autorisé la mesure.
Lorsque, toutefois, la mesure est fondée sur une créance relevant de la compétence d’une juridiction commerciale, la demande de mainlevée peut être portée, avant tout procès, devant le président du tribunal de commerce de ce même lieu.
Il s’agit là, néanmoins, d’une simple faculté, le Juge de l’exécution pouvant, en tout état de cause, être saisi.
Lorsque, en revanche, une instance sera en cours, la demande de mainlevée devra nécessairement lui être adressée.
==> La saisine du Juge
La saisine du Juge s’opère de la même manière que lorsqu’une demande de mainlevée de la mesure conservatoire est sollicitée.
C) La substitution de la mesure
L’article L. 512-1, al. 2 du CPCE prévoit que « à la demande du débiteur, le juge peut substituer à la mesure conservatoire initialement prise toute autre mesure propre à sauvegarder les intérêts des parties. »
Cette demande de substitution peut être formulée quelle que soit la mesure conservatoire pratiquée et quelle que soit la procédure appliquée.
Il est donc indifférent que la mesure ait été adoptée sur le fondement d’une autorisation du juge ou d’un titre exécutoire.
Le juge compétent pour connaître de la demande de substitution est celui qui est compétent pour statuer sur la mainlevée de la mesure.
D) La demande de réparation
==> Les conditions de l’action
L’article L. 512-2 du CPCE prévoit que lorsque la mainlevée a été ordonnée par le juge, le créancier peut être condamné à réparer le préjudice causé par la mesure conservatoire.
Dans un arrêt du 21 octobre 2009, la Cour de cassation a estimé, après plusieurs tergiversations, que cette action n’était pas subordonnée à l’établissement d’une faute (Cass. 3e civ., 21 oct. 2009).
Alors qu’elle avait adopté, quelques années plus tôt, la solution inverse (Cass. com. 14 janv. 2004), la Chambre commerciale s’est finalement ralliée à la position, partagée, de la 2e et 3e chambre civile dans un arrêt du 25 septembre 2012 (Cass. com. 25 sept. 2012).
Aussi, appartient-il seulement au débiteur de démontrer qu’il a subi un préjudice du fait de la mesure conservatoire dont il a irrégulièrement fait l’objet.
Cass. 3e civ. 21 oct. 2009 | |
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Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 février 2008) qu'en novembre 2005, la Compagnie foncière du Grand Commerce (CFGC) a engagé des négociations en vue de l'achat de la totalité des parts sociales de la société Pierre Invest, puis des actifs immobiliers de cette société eux mêmes, constitués de lots dans trois immeubles en copropriété ; que la société Pierre Invest a mis fin à ces pourparlers le 19 mai 2006 et a conclu, le 17 mai 2006, avec la société DR Flandrin, une promesse de vente sur ces mêmes biens ; que M. X..., exerçant sous l'enseigne Etude Valri, a fait inscrire et publier deux hypothèques judiciaires provisoires en garantie de sa rémunération et au titre de la perte de chance de percevoir une commission sur la revente des lots de copropriété ; que la CFGC a assigné la société Pierre Invest en réalisation forcée de la vente à son profit et subsidiairement en réparation du préjudice causé par la rupture abusive des pourparlers ; que la société Pierre Invest, et la société DR Flandrin ont formé des demandes reconventionnelles en indemnisation contre la CFGC et contre M. X... ; Sur le quatrième moyen du pourvoi incident de M. X... : Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le condamner à payer des dommages intérêts à la société Pierre Invest, alors, selon le moyen, que lorsque la mainlevée d'une mesure conservatoire a été ordonnée par le juge, le créancier peut être condamné à réparer le préjudice subi à la condition que celui-ci soit directement lié à la mesure conservatoire ordonnée et qu'un abus dans l'exercice de la mesure conservatoire qui a été autorisée par le juge de l'exécution soit caractérisé ; que M. X... ayant été autorisé par le juge de l'exécution à prendre les inscriptions litigieuses, il appartenait à la cour d'appel de caractériser un abus dans le droit dont il disposait de procéder à ces inscriptions ; que faute d'avoir caractérisé cet abus, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 73, alinéa 2, de la loi du 9 juillet 1991 et 1382 du code civil ; Mais attendu que l'article 73, alinéa 2, de la loi du 9 juillet 1991 n'exige pas pour son application la constatation d'une faute ; qu'ayant retenu, par motifs adoptés, que M. X... était seul à l'origine des inscriptions hypothécaires provisoires pour une somme de 2 072 626, 14 euros, la cour d'appel, qui n'avait pas à démontrer un abus de droit, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision condamnant M. X... à indemniser la société Pierre Invest du préjudice résultant de l'immobilisation de cette somme ; PAR CES MOTIFS : REJETTE les pourvois ; |
==> Le Juge compétent
En application de l’article L. 213-6 du Code de l’organisation judiciaire, c’est le Juge de l’exécution qui est compétent pour connaître des demandes en réparation fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageables des mesures d’exécution forcée ou des mesures conservatoires.
Si, dès lors, la mainlevée d’une mesure conservatoire a été prononcée par le Président du Tribunal de commerce, le débiteur devra nécessairement saisir le JEX s’il souhaite obtenir réparation du préjudice subi.
II) Les contestations relatives à l’exécution de la mesure
S’agissant des contestations relatives à l’exécution de la mesure conservatoire pratiquée, l’article R. 512-3 du CPCE prévoit qu’elles doivent être portées devant le Juge de l’exécution du lieu d’exécution de la mesure.
Pour cette catégorie de contestations, le Président du Tribunal de commerce ne sera donc jamais compétent. Le Juge de l’exécution dispose d’une compétence exclusive.
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