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RGPD: le principe du consentement

Par principe, un traitement de données à caractère personnel ne peut être mis en œuvre qu’à la condition d’avoir recueilli préalablement le consentement de la personne concernée.

A défaut, sauf à rentrer dans le champ d’application d’une exception, le traitement est illicite, ce qui est de nature à exposer le responsable à des sanctions.

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir ce que l’on doit entendre par consentement ?

Simple en apparence, l’appréhension de la notion de consentement n’est pas sans soulever de nombreuses difficultés.

L’altération de la volonté d’une personne est, en effet, susceptible de renvoyer à des situations très diverses :

  • La personne concernée peut être atteinte d’un trouble mental
  • Le consentement de la personne peut avoir été obtenu sous la contrainte physique ou morale
  • La personne concernée peut encore avoir été conduite à accepter le traitement sans que son consentement ait été donné en connaissance de cause, car une information déterminante lui a été dissimulée
  • Elle peut également s’être engagé par erreur

Il ressort de toutes ces situations que le défaut de consentement d’une personne peut être d’intensité variable et prendre différentes formes.

Aussi, convient-il de déterminer quels sont les caractères que doit présenter le consentement d’une personne faisant l’objet d’un traitement de données à caractère personnel pour être valable.

I) La qualité du consentement

Tandis que la LIL ne définit pas la notion de consentement, le RGPD remédie à ce silence textuel en le définissant comme « toute manifestation de volonté, libre, spécifique, éclairée et univoque par laquelle la personne concernée accepte, par une déclaration ou par un acte positif clair, que des données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement ».

Il ressort de cette définition que pour être valable, le consentement doit consister en :

  • Une manifestation de volonté par laquelle la personne concernée accepte le traitement
  • Une manifestation de volonté libre
  • Une manifestation de volonté spécifique
  • Une manifestement de volonté informée
  1. Une manifestation de volonté par laquelle la personne concernée accepte le traitement

La question qui ici se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par manifestation de volonté.

Pour le déterminer, il convient de se reporter au considérant n°32 du RGPD dont on peut tirer plusieurs enseignements.

  • Un acte positif
    • Si le texte ne limite pas les formes que peut revêtir le consentement, il doit en tout état de cause s’agi d’une manifestation de volonté, soit d’un acte positif.
    • L’exigence selon laquelle la personne concernée doit « donner » son consentement semble indiquer qu’une simple absence d’action est insuffisante et qu’une action quelconque est nécessaire pour constituer un consentement, bien que différents types d’action, à apprécier «selon le contexte», soient possibles.
    • Ainsi, il ne saurait y avoir de consentement en cas de silence, ce qui pourrait se traduire par l’inaction de la personne concernée ou par des cases cochées par défaut.
    • La manifestation de volonté peut se faire au moyen d’une déclaration écrite, y compris par voie électronique, ou d’une déclaration orale.
    • Cette manifestation de volonté peut encore se faire en cochant une case lors de la consultation d’un site internet, en optant pour certains paramètres techniques pour des services de la société de l’information ou au moyen d’une autre déclaration ou d’un autre comportement indiquant clairement dans ce contexte que la personne concernée accepte le traitement proposé de ses données à caractère personnel.
  • Un acte positif clair
    • Une manifestation de volonté en elle-même n’est pas suffisante à établir le consentement au traitement de la personne concernée.
    • Cette manifestation de volonté ne doit pas être équivoque : elle doit être indubitable
    • Pour qu’un consentement soit indubitable, la procédure relative à l’obtention et à l’octroi du consentement ne doit laisser aucun doute quant à l’intention de la personne concernée de donner son consentement.
    • En d’autres termes, la manifestation de volonté par laquelle la personne concernée marque son accord ne doit laisser aucune ambiguïté quant à son intention.
    • S’il existe un doute raisonnable sur l’intention de la personne concernée, il y a ambiguïté.
  • La portée de la manifestation de volonté
    • Le consentement donné par la personne concernée vaut pour toutes les activités de traitement ayant la ou les mêmes finalités.
    • Lorsque le traitement a plusieurs finalités, le consentement doit être donné pour l’ensemble d’entre elles.
    • Si le consentement de la personne concernée est donné à la suite d’une demande introduite par voie électronique, cette demande doit être claire et concise et ne doit pas inutilement perturber l’utilisation du service pour lequel il est accordé.

2. Une manifestation de volonté libre

Pour être valable, le consentement de la personne concernée doit avoir été donné sans contrainte.

Le consentement ne peut être valable que si la personne concernée est véritablement en mesure d’exercer un choix et s’il n’y a pas de risque de tromperie, d’intimidation, de coercition ou de conséquences négatives importantes si elle ne donne pas son consentement.

Si les conséquences du consentement sapent la liberté de choix des personnes, le consentement n’est pas libre.

C’est le cas, par exemple, lorsque la personne concernée est sous l’influence du responsable du traitement, dans le cadre d’une relation de travail, notamment.

Dans ce cas, même s’il n’en est pas nécessairement toujours ainsi, la personne concernée peut se trouver dans une situation de dépendance vis-à-vis du responsable du traitement – en raison de la nature de la relation ou de circonstances particulières – et peut craindre d’être traitée différemment si elle n’accepte pas le traitement de ses données.

Le Groupe de l’article 29 a eu l’occasion d’affirmer que «le consentement libre désigne une décision volontaire, prise par une personne en pleine possession de ses facultés, en l’absence de toute coercition, qu’elle soit sociale, financière, psychologique ou autre ».

3. Une manifestation de volonté spécifique

Pour être valable, le consentement ne doit pas seulement être libre, il doit également être spécifique.

En d’autres termes, un consentement général, sans préciser la finalité exacte du traitement, n’est pas valable.

Pour être spécifique, le consentement doit mentionner, de façon claire et précise, l’étendue et les conséquences du traitement des données. Il ne peut pas s’appliquer à un ensemble illimité d’activités de traitement.

En d’autres termes, le contexte dans lequel le consentement s’applique est limité.

Le consentement doit être donné sur les différents aspects, clairement définis, du traitement. Il couvre notamment les données qui sont traitées et les finalités pour lesquelles elles le sont.

Un « consentement spécifique » est dès lors intrinsèquement lié au fait que le consentement doit être informé.

En principe, il devrait suffire que les responsables du traitement obtiennent un consentement unique pour les différentes opérations, si celles-ci relèvent des attentes raisonnables de la personne concernée.

La Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée sur cette question dans un arrêt du 5 mai 2001, dans le cadre d’une question préjudicielle posée sur l’article 12, paragraphe 2, de la directive « vie privée et communications électroniques ».

Cette question portait sur la nécessité du renouvellement du consentement des abonnés qui ont déjà consenti à la publication de leurs données personnelles dans un annuaire, afin que celles-ci soient transférées en vue de leur publication par d’autres services d’annuaire.

La Cour a jugé que, dès lors que l’abonné a été correctement informé de la possible transmission des données à caractère personnel le concernant à une entreprise tierce et que celui-ci a consenti à la publication desdites données dans un tel annuaire, la transmission de ces données n’exige pas de nouveau consentement de la part de l’abonné, s’il est garanti que les données concernées ne seront pas utilisées à des fins autres que celles pour lesquelles elles ont été collectées en vue de leur première publication (CJUE,  5 mai 2001 Aff.  C-543/09, Deutsche Telekom AG)

4. Une manifestement de volonté informée

Il ressort du RGPD que le consentement de la personne concernée par le traitement doit être informée.

Selon le Groupe de l’article 29 cela signifie que qu’« un consentement … doit être fondé sur l’appréciation et la compréhension des faits et des conséquences d’une action. La personne concernée doit recevoir, de façon claire et compréhensible, des informations exactes et complètes sur tous les éléments pertinents, en particulier ceux spécifiés aux articles 10 et 11 de la directive, tels que la nature des données traitées, les finalités du traitement, les destinataires d’éventuels transferts et ses droits. Cela suppose également la connaissance des conséquences du refus de consentir au traitement des données en question ».

Autrement dit, la personne concernée doit être à même de consentir au traitement en toute connaissance de cause.

Afin de satisfaire cet objectif, il convient donc que les informations qui lui sont fournies appropriées.

Deux exigences doivent alors être remplies qui tiennent à :

  • La qualité des informations: la manière dont les informations sont communiquées (texte en clair, sans jargon, compréhensible, visible) est capitale pour apprécier si le consentement est « informé ». La manière dont les informations doivent être fournies dépend du contexte. Un utilisateur régulier/moyen devrait être en mesure de les comprendre ;
  • L’accessibilité et la visibilité des informations: les informations doivent être communiquées directement à la personne concernée. Il ne suffit pas que les informations soient « disponibles » quelque part.

II) La preuve du consentement

Le considérant n°42 du RGPD énonce que lorsque le traitement est fondé sur le consentement de la personne concernée, le responsable du traitement devrait être en mesure de prouver que ladite personne a consenti à l’opération de traitement.

Il échoit, en conséquence, aux responsables de traitements de données à caractère personnel de conserver les preuves attestant que le consentement a effectivement été donné par la personne concernée.

A cet égard, des déclarations expresses pour marquer un accord, comme un accord signé ou une déclaration écrite attestant la volonté de consentir sont des procédures ou des mécanismes qui se prêtent particulièrement bien à la fourniture d’un consentement indubitable.

Plus délicate en revanche est le système des cases à cocher :

  • Les cases à cocher
    • Sur le principe, un système de cases à cocher assorties, par exemple, de la mention « j’accepte les conditions générales d’utilisation», est admis pour recueillir le consentement de la personne concernée.
    • Dans une délibération 2013-420 du 3 janvier 2014 la CNIL a néanmoins posé des limites.
    • Elle a, en effet, considéré que ce système n’était autorisé que lorsque les informations relatives au traitement de données à caractère personnel étaient facilement accessibles.
    • La Commission a ainsi été conduite à sanctionner Google en suite de la modification de sa politique de confidentialité.
    • En l’espèce, le consentement se manifesterait par le fait que l’utilisateur coche la case matérialisant son accord aux conditions d’utilisation et aux règles de confidentialité.
    • Pour Google, ce consentement était éclairé dans la mesure où les informations données étaient suffisamment précises sur les opérations de traitement des données.
    • La CNIL relève toutefois que la mention de cette faculté de combinaison n’apparaît qu’au milieu des règles de confidentialité, dans le dernier tiers de la rubrique intitulée « Comment nous utilisons les données que nous collectons ».
    • Cette information, alors qu’elle a trait à une modification essentielle de la politique de confidentialité de la société, n’était donc pas accessible aux utilisateurs en première intention.
    • Par ailleurs, elle ne se distinguait pas des développements qui l’entourent, eux-mêmes formulés en termes généraux, notamment quant à la description des traitements de données.
    • Il était donc impossible de considérer en l’espèce que le fait de cliquer sur la case J’accepte des conditions d’utilisation puisse être considéré comme un accord explicite et spécifique à cette combinaison.
    • Pour être valable, le formulaire de consentement assorti de cases à cocher doit être suffisamment précis pour permettre à la personne de consentir en toute connaissance de cause.
  • Le recueil du consentement par défaut
    • Les cases pré-cochées
      • Les cases pré-cochés ne sont pas admises par la CNIL dans la mesure où la personne concernée reste passive.
      • Or l’exigence d’un consentement indubitable ne cadre pas bien avec les procédures d’obtention d’un consentement reposant sur l’inaction ou le silence des personnes concernées.
      • En effet, le silence ou l’inaction d’une partie comporte une ambiguïté intrinsèque (la personne concernée pourrait avoir voulu donner son accord ou pourrait simplement avoir voulu ne pas exécuter l’action).
    • Les courriers
      • Il y a pareillement ambiguïté lorsque des personnes sont réputées avoir donné leur consentement lorsqu’elles n’ont pas répondu à une lettre les informant que l’absence de réponse vaut consentement.
      • Dans ce type de situation, le comportement de la personne (ou plutôt son absence d’action) soulève de sérieux doutes sur le fait que la personne ait voulu marquer son accord.
      • Le fait que la personne n’ait pas effectué d’action positive ne permet pas de conclure qu’elle a donné son consentement.
      • Par conséquence, l’exigence de consentement indubitable ne sera pas satisfaite.
      • A cet égard, le groupe de travail a déclaré qu’un consentement fondé sur le silence de la personne est inadéquat dans le contexte de l’envoi de courriers électroniques à des fins de prospection directe.

III) Le consentement des enfants

Alors que la directive du 24 octobre 1995 n’abordait pas la question du consentement des mineurs, exposés tout autant au les majeurs, à des traitements de données à caractère personnel, le RGPD posent des conditions spécifiques applicables au consentement des enfants.

Le législateur européen justifie cette démarche en arguant que les enfants méritent une protection spécifique en ce qui concerne leurs données à caractère personnel parce qu’ils peuvent être moins conscients des risques, des conséquences et des garanties concernées et de leurs droits liés au traitement des données à caractère personnel.

Cette protection spécifique doit, notamment, s’appliquer à l’utilisation de données à caractère personnel relatives aux enfants à des fins de marketing ou de création de profils de personnalité ou d’utilisateur et à la collecte de données à caractère personnel relatives aux enfants lors de l’utilisation de services proposés directement à un enfant.

A cet égard, l’article 8 du RGPD prévoit que « en ce qui concerne l’offre directe de services de la société de l’information aux enfants, le traitement des données à caractère personnel relatives à un enfant est licite lorsque l’enfant est âgé d’au moins 16 ans. Lorsque l’enfant est âgé de moins de 16 ans, ce traitement n’est licite que si, et dans la mesure où, le consentement est donné ou autorisé par le titulaire de la responsabilité parentale à l’égard de l’enfant. »

Ainsi, cette disposition opère une distinction entre

  • D’une part, les enfants âgés de plus de 16 ans qui sont présumés être en mesure de consentir seuls, soit sans l’intervention de leurs représentants légaux, à un traitement de données à caractère personnel
  • D’autre part, les enfants âgés de moins de 16 ans qui, pour consentir à un traitement de données à caractère personnel, doivent obtenir l’autorisation de leurs représentants légaux

Le texte confère aux États membres une marge de manœuvre, en ce qu’ils peuvent prévoir par la loi un âge inférieur pour autant que cet âge inférieur ne soit pas en-dessous de 13 ans. Le législateur français a retenu comme limite, l’âge de 15 ans.

Lorsque le mineur n’a pas atteint l’âge limite, le RGPD précise qu’il appartient au responsable du traitement de vérifier que le consentement est donné ou autorisé par le titulaire de la responsabilité parentale à l’égard de l’enfant, compte tenu des moyens technologiques disponibles.

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