Le Droit dans tous ses états

LE DROIT DANS TOUS SES ETATS

Théorie de l’équivalence des conditions et théorie de la causalité adéquate

?Complexité de l’appréhension du rapport de causalité

Bien que l’exigence d’un rapport de causalité ne soulève guère de difficulté dans son énoncé, sa mise en œuvre n’en est pas moins éminemment complexe.

La complexité du problème tient à la détermination du lien de causalité en elle-même.

Afin d’apprécier la responsabilité du défendeur, la question se posera, en effet, au juge de savoir quel fait retenir parmi toutes les causes qui ont concouru à la production du dommage.

Or elles sont potentiellement multiples, sinon infinies dans l’absolu.

?Illustration de la difficulté d’appréhender le rapport de causalité

  • En glissant sur le sol encore humide d’un supermarché, un vendeur heurte un client qui, en tombant, se fracture le coccyx
  • Ce dernier est immédiatement pris en charge par les pompiers qui décident de l’emmener à l’hôpital le plus proche.
  • En chemin, l’ambulance a un accident causant, au patient qu’elle transportait, au traumatisme crânien.
  • Par chance, l’hôpital n’étant plus très loin, la victime a été rapidement conduite au bloc opératoire.
  • L’opération se déroule au mieux.
  • Cependant, à la suite de l’intervention chirurgicale, elle contracte une infection nosocomiale, dont elle décédera quelques jours plus tard

?Quid juris : qui est responsable du décès de la victime?

Plusieurs responsables sont susceptibles d’être désignés en l’espèce :

  • Est-ce l’hôpital qui a manqué aux règles d’asepsie qui doivent être observées dans un bloc opératoire ?
  • Est-ce le conducteur du véhicule à l’origine de l’accident dont a été victime l’ambulance ?
  • Est-ce le supermarché qui n’a pas mis en garde ses clients que le sol était encore glissant ?
  • Est-ce le vendeur du magasin qui a heurté le client ?

À la vérité, si l’on raisonne par l’absurde, il est possible de remonter la chaîne de la causalité indéfiniment.

Il apparaît, dans ces conditions, que pour chaque dommage les causes sont multiples.

Une question alors se pose : faut-il retenir toutes les causes qui ont concouru à la production du dommage ou doit-on seulement en retenir certaines ?

?Causes juridiques / causes scientifiques

Fort logiquement, le juge ne s’intéressera pas à toutes les causes qui ont concouru à la production du dommage.

Ainsi, les causes scientifiques lui importeront peu, sauf à ce qu’elles conduisent à une personne dont la responsabilité est susceptible d’être engagée

Deux raisons l’expliquent :

  • D’une part, le juge n’a pas vocation à recenser toutes les causes du dommage. Cette tâche revient à l’expert.
  • D’autre part, sa mission se borne à déterminer si le défendeur doit ou non répondre du dommage.

Ainsi, le juge ne s’intéressera qu’aux causes du dommage que l’on pourrait qualifier de juridiques, soit aux seules causes génératrices de responsabilité.

Bien que cela exclut, de fait, un nombre important de causes – scientifiques – le problème du lien de causalité n’en est pas moins résolu pour autant.

En effet, faut-il retenir toutes les causes génératrices de responsabilité ou seulement certaines d’entre elles ?

?Les théories de la causalité

Afin d’appréhender le rapport de causalité dont l’appréhension est source de nombreuses difficultés, la doctrine a élaboré deux théories :

  • La théorie de l’équivalence des conditions
  • La théorie de la causalité adéquate
La théorie de l’équivalence des conditions
  • Exposé de la théorie
    • Selon la théorie de l’équivalence des conditions, tous les faits qui ont concouru à la production du dommage doivent être retenus, de manière équivalente, comme les causes juridiques dudit dommage, sans qu’il y ait lieu de les distinguer, ni de les hiérarchiser.
    • Cette théorie repose sur l’idée que si l’un des faits à l’origine de la lésion n’était pas survenu, le dommage ne se serait pas produit.
    • Aussi, cela justifie-t-il que tous les faits qui ont été nécessaires à la production du dommage soient placés sur un pied d’égalité.
  • Critique
    • Avantages
      • La théorie de l’équivalence des conditions est, incontestablement, extrêmement simple à mettre en œuvre, dans la mesure où il n’est point d’opérer de tri entre toutes les causes qui ont concouru à la production du dommage
      • Tous les maillons de la chaîne de responsabilité sont mis sur le même plan.
    • Inconvénients
      • L’application de la théorie de l’équivalence des conditions est susceptible de conduire à retenir des causes très lointaines du dommage dès lors que, sans leur survenance, le dommage ne se serait pas produit, peu importe leur degré d’implication.
      • Comme le relève Patrice Jourdain, il y a donc un risque, en retenant cette théorie de contraindre le juge à remonter la « causalité de l’Univers ».
La théorie de la causalité adéquate
  • Exposé de la théorie
    • Selon la théorie de la causalité adéquate, tous les faits qui ont concouru à la production du dommage ne sont pas des causes juridiques.
    • Tous ne sont pas placés sur un pied d’égalité, dans la mesure où chacun possède un degré d’implication différent dans la survenance du dommage.
    • Aussi, seule la cause prépondérante doit être retenue comme fait générateur de responsabilité.
    • Il s’agit, en d’autres termes, pour le juge de sélectionner, parmi la multitude de causes qui se présentent à lui, celle qui a joué un rôle majeur dans la réalisation du préjudice.
  • Critique
    • Avantage
      • En ne retenant comme fait générateur de responsabilité que la cause « adéquate », cela permet de dispenser le juge de remonter à l’infini la chaîne de la causalité
      • Ainsi, seules les causes proches peuvent être génératrices de responsabilité
    • Inconvénient
      • La détermination de la « véritable cause du dommage », procède plus de l’arbitraire que de la raison.
      • Sur quel critère objectif le juge doit-il s’appuyer pour déterminer quelle cause est adéquate parmi tous les faits qui ont concouru à la production du dommage ?
      • La théorie est alors susceptible de conduire à une injustice :
        • Tantôt en écartant la responsabilité d’un agent au seul motif qu’il n’a pas joué à un rôle prépondérant dans la réalisation du préjudice.
        • Tantôt en retenant la responsabilité de ce même agent au motif qu’il se situe en amont de la chaîne de causalité.

?La réception par la jurisprudence des théories de l’équivalence des conditions et de la causalité adéquate

Quelle théorie la jurisprudence a-t-elle retenu entre la thèse de l’équivalence des conditions et celle de la causalité adéquate ?

À la vérité, la Cour de cassation fait preuve de pragmatisme en matière de causalité, en ce sens que son choix se portera sur l’une ou l’autre théorie selon le résultat recherché :

  • Lorsqu’elle souhaitera trouver un responsable à tout prix, il lui faudra retenir une conception large de la causalité, de sorte que cela la conduira à faire application de la théorie de l’équivalence des conditions
  • Lorsque, en revanche, la Cour de cassation souhaitera écarter la responsabilité d’un agent, elle adoptera une conception plutôt restrictive de la causalité, ce qui la conduira à recourir à la théorie de la causalité adéquate

?Application de la théorie de l’équivalence des conditions : Cass. 2e civ., 27 mars 2003, n°01-00.850

Cass. 2e civ., 27 mars 2003

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le 28 avril 1995, un véhicule appartenant à M. X…, qui n’était pas assuré, a défoncé la devanture du commerce de M. Y… et a terminé sa course contre le comptoir, causant des dégâts importants ; que le commerce de M. Y… est resté fermé pendant 433 jours ouvrables ; que M. Y… a assigné la compagnie les Mutuelles du Mans, auprès de laquelle il avait souscrit une police multirisques “dommages aux biens et pertes pécuniaires” couvrant les dommages matériels ainsi que les pertes d’exploitation et les pertes de valeur sur une période de 200 jours au maximum, et le Fonds de garantie contre les accidents de circulation et de chasse (FGA) en réparation de ses dommages ; que M. X… a été appelé en la cause ;

Attendu que le FGA fait grief à l’arrêt de l’avoir condamné à payer à M. Y… certaines sommes correspondant au préjudice non couvert par la compagnie les Mutuelles du Mans, alors, selon le moyen :

[…]

Mais attendu que l’arrêt retient que l’accident constitue une cause de la perte d’exploitation excédant les 200 jours subie ultérieurement par M. Y…, que le lien de causalité est direct et certain puisqu’en l’absence de survenance de l’accident, le dommage ne se serait pas produit alors que si des fautes successives imputables à des auteurs différents ont pu jouer un rôle causal sur ce poste de préjudice, ainsi que le soutient le FGA, cette pluralité des causes, à supposer qu’elle soit démontrée, n’est pas de nature à faire obstacle à l’indemnisation de l’entier dommage par l’auteur initial par application du principe de l’équivalence des causes dans la production d’un même dommage en matière de responsabilité délictuelle ;

Qu’en l’état de ces constatations et énonciations d’où il résulte que le dommage de perte d’exploitation était en relation de causalité directe avec l’accident, la cour d’appel, répondant aux conclusions dont elle était saisie, a légalement justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé

Faits :

  • Une voiture, non-assurée, cause de gros dégâts à un commerçant en emboutissant la devanture de son magasin.
  • Le commerçant est alors contraint de suspendre temporairement l’exploitation de son activité, ce qui lui occasionnera une importante perte de chiffre d’affaires.

Demande :

Le propriétaire du commerce assigne son assureur, le FGA, ainsi que le conducteur du véhicule en réparation du préjudice occasionné.

Procédure :

  • Dispositif de la Cour d’appel :
    • Par un arrêt du 20 novembre 2000, la Cour d’appel de Bastia accède à la requête du commerçant et condamne le FGA à indemniser le préjudice de ce dernier à hauteur de qui n’a pas été pris en charge par son assureur.
  • Motivation de la Cour d’appel :
    • Pour les juges du fond, dans la mesure où l’accident dont a été victime le commerçant constitue l’une des causes du préjudice subi par lui, le FGA doit satisfaire à son obligation de réparation, laquelle lui incombe toutes les fois qu’une victime ne peut faire l’objet d’une indemnisation, soit par son assureur, soit par l’assureur de l’auteur du dommage.

Problème de droit :

Le FDA peut-il être appelé à indemniser le commerçant victime d’un dommage dans l’hypothèse où l’assureur de celui-ci ne satisferait pas à son obligation de réparation ?

Solution de la Cour de cassation :

La cour de cassation valide l’arrêt de la Cour d’appel en motivant sa décision par un attendu que retient tout particulièrement l’attention.

Pour la Cour de cassation, quand bien même il existe une pluralité de causes dans la production du préjudice subi par le commerçant – qui consiste, on le rappelle, en la perte d’une partie de son exploitation – cette pluralité de cause ne fait pas obstacle à l’indemnisation de celui-ci.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation fait ainsi application de la théorie de l’équivalence des conditions !

Surtout, elle affirme expressément que « si des fautes successives imputables à des auteurs différents ont pu jouer un rôle causal sur ce poste de préjudice, ainsi que le soutient le FGA, cette pluralité des causes, à supposer qu’elle soit démontrée, n’est pas de nature à faire obstacle à l’indemnisation de l’entier dommage par l’auteur initial par application du principe de l’équivalence des causes dans la production d’un même dommage en matière de responsabilité délictuelle ».

Manifestement, cet attendu laisse à penser que la théorie de l’équivalence des conditions serait le principe en matière de responsabilité.

Or comme le souligne G. Viney « il est exceptionnel que les juges fassent référence explicitement à cette théorie en employant les termes mêmes par lesquels la doctrine la désigne ».

Deux observations appellent néanmoins à nuancer la solution retenue par la Cour de cassation :

  • D’une part, les faits relatés dans l’arrêt en l’espèce que plusieurs fautes ont concouru à la production du dommage.
    • Or la Cour de cassation fait presque toujours application de la théorie de l’équivalence des conditions, lorsque l’on se trouve en présence d’une multitude de fautes.
    • Il y a forte à parier que la solution retenue eût été différence, si l’on était en présence d’une responsabilité sans faute, soit s’il s’agissait de condamner un non-fautif, tel que le gardien d’une chose dont l’implication dans la survenance du dommage est insignifiante.
  • D’autre part, il est peu probable que la Cour de cassation ait décidé de se lier les mains en portant son dévolu sur une théorie de la causalité en particulier.
    • Pareil choix aurait pour effet de priver les juges du fond de la possibilité d’opter, au gré des circonstances, pour une conception plus ou moins large de la causalité, selon le résultat recherché.
    • En retenant la théorie de l’équivalence des conditions, la liberté du juge demeurerait toutefois relativement préservée dans la mesure où cette théorie correspond à une conception large de la causalité.

?Application de la théorie de la causalité adéquate : Cass. 1ère Civ., 19 février 2003, n°00-13.253

Cass. 1ère Civ., 19 février 2003

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Douai, 27 janvier 2000), que Mlle X…, assurée par la société Garantie mutuelle des fonctionnaires, (la GMF), est locataire d’un logement appartenant à M. Y… ; qu’une décision de justice a déclaré Mlle X… responsable d’un incendie ayant détruit son appartement et une partie du toit ; que le propriétaire ayant fait procéder à un bâchage de la toiture, un autre locataire de l’immeuble, M. Z…, a subi un dégât des eaux, les bâches s’étant détachées ; que M. Z… et son assureur, la Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes, ont assigné le propriétaire et sa compagnie d’assurances, l’Union générale du Nord, en responsabilité et indemnisation ; que M. Y… et son assureur ont assigné Mlle X… et la GMF en garantie ;

Attendu que par arrêt n° 1437 D du 6 novembre 2001, la Troisième chambre civile a cassé l’arrêt de la cour d’appel de Douai en ce qu’il a condamné la GMF à garantir à hauteur des deux tiers M. Y… et l’Union générale du Nord de leurs condamnations et à leur payer 5 000 francs sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu qu’il résulte de la déclaration de pourvoi que M. Y… était seul défendeur à la cassation et que c’est pas suite d’une erreur matérielle que la cassation a été étendue au chef de dispositif qui concernait l’Union générale du Nord, qui n’avait pas été appelée comme défenderesse à l’instance en cassation ;

Qu’il y a lieu, en conséquence, de rapporter l’arrêt du 6 novembre 2001 et de statuer à nouveau ;

Sur le moyen unique :

Vu l’article 1382 du Code civil ;

Attendu que pour condamner la GMF à garantir, à hauteur des deux tiers, le propriétaire et sa compagnie d’assurances des condamnations prononcées contre eux, l’arrêt retient que l’incendie qui a contraint M. Y… à couvrir le toit est une des causes du dégât des eaux, que l’assureur de Mlle X…, présumée responsable de cet incendie à l’égard du propriétaire, ayant refusé sa garantie sur la foi de constatations superficielles et inexactes et obtenu une expertise judiciaire, a commis une faute causale dans la réalisation du préjudice du locataire, l’expertise ayant retardé la réparation du toit et soumis les occupants de l’immeuble aux risques des intempéries de l’hiver et que le dommage a pour origine une combinaison de causes imputables en grande partie à la GMF ;

Qu’en se déterminant ainsi, alors qu’il résultait de ses propres constatations que la compagnie d’assurances avait réclamé une mesure d’instruction pour rechercher les causes de l’incendie, les experts des assureurs ne s’accordant pas sur l’origine du sinistre, qu’un bâchage normalement étanche aurait permis la conservation des lieux, que les opérations successives de couverture de la toiture avaient présenté des défauts et qu’il en ressortait que l’incendie, lui-même, n’était pas la cause directe du dommage subi par M. Z…, et qu’un rapport de causalité certain existait entre la faute constituée par les défauts présentés par les bâchages du toit et le dégât des eaux subi par le locataire, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a condamné la GMF à garantir à hauteur des deux tiers M. Y… de ses condamnations et à lui payer la somme de 5 000 francs sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, l’arrêt rendu le 27 janvier 2000, entre les parties, par la cour d’appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Amiens

Faits :

  • Incendie d’un appartement à la suite de quoi le propriétaire procédera à un bâchage du toit de la résidence afin d’éviter que l’eau ne s’infiltre à l’intérieur.
  • Les bâches vont néanmoins se détacher ce qui provoquera un dégât des eaux chez l’un des voisins.

Demande :

La victime du dégât des eaux et son assureur introduisent une action en réparation du préjudice occasionné contre le propriétaire de l’appartement incendié.

Procédure :

  • Dispositif de la Cour d’appel :
    • Par un arrêt du 27 janvier 2000, la Cour d’appel de Douai condamne l’assureur du locataire – déclaré responsable de l’incendie dans une autre décision – à garantir le propriétaire de l’appartement et son assureur contre les condamnations prononcées contre eux.
  • Motivation de la Cour d’appel :
    • Les juges du fond estiment que l’incendie de l’appartement constitue l’une des causes du préjudice occasionné au voisin.
    • En conséquence, pour la Cour d’appel de Douai, il revient à l’assureur de la locataire de l’appartement incendié (assurance habitation) de garantir le propriétaire de l’appartement et son assureur contre leur condamnation à réparer le dommage du voisin, ce quand bien même le dégât des eaux subi par lui est, en réalité, le fait de la défectuosité de la bâche installé par le propriétaire.
    • C’est d’ailleurs pour cette raison que l’assureur de la locataire ne sera tenu de garantir le propriétaire de l’appartement et son assureur qu’à hauteur des deux tiers.

Solution de la Cour de cassation

  • Dispositif de l’arrêt :
    • Par un arrêt du 19 février 2003, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, casse et annule la décision des juges du fond.
    • Visa : 1382
    • Cas d’ouverture : violation de la loi
  • Sens de l’arrêt :
    • Pour la Cour de cassation, le dégât des eaux est la conséquence du mauvais bâchage du toit de l’appartement par son propriétaire.
    • Ainsi, pour la Cour de cassation, le lien de causalité entre l’incendie de l’appartement et le dégât des eaux du voisin n’est qu’indirect.
    • Il s’ensuit, pour la troisième chambre civile, que l’assureur du locataire ne saurait être appelé à garantir la condamnation du propriétaire à réparer le dégât des eaux occasionné par la défectuosité de la bâche installée sur le toit de son appartement incendié.
  • Valeur de l’arrêt :
    • En l’espèce, la troisième chambre civile fait clairement application de la théorie de la causalité adéquate.
    • En en effet, les juges du fond avaient le choix de faire application des deux théories en l’espèce ce qui aurait conduit à des résultats totalement différents :
      • Si application de la théorie de l’équivalence des conditions, il apparaît que bien que l’incendie ne soit pas la cause la plus proche du dommage (le dégât des eaux) dans la chaîne de causalité, la survenance de cet incendie n’en a pas moins été indispensable à sa réalisation.
        • Si pas d’incendie, pas de bâchage du toit et si pas de bâchage du toit alors pas de dégât des eaux.
        • En retenant la théorie de l’équivalence des conditions, les juges du fond auraient, de toute évidence, pu retenir la responsabilité du locataire de l’appartement responsable de l’incendie, et donc de son assureur !
        • C’est précisément ce que les juges du fond ont décidé de faire.
        • Mais ils auraient pu appliquer l’autre théorie : la théorie de la causalité adéquate.
      • Si application de la théorie de la causalité adéquate, on considère alors que la véritable cause du dommage, ce n’est pas l’incendie, mais la faute du propriétaire qui n’a pas correctement bâché le toit de son appartement.
        • De toute évidence, si le propriétaire de l’appartement n’avait pas commis cette faute, le voisin n’aurait pas subi de dégât des eaux, malgré l’incendie de l’appartement.
        • En l’espèce, c’est dans cette voie que la Cour de cassation a choisi de s’engager.

En conclusion, il apparaît que la Cour de cassation fait preuve de pragmatisme en matière de causalité.

Si elle était amenée à choisir entre l’une ou l’autre théorie, elle disposerait d’une bien moins grande latitude pour déterminer la responsabilité de l’auteur d’un dommage.

En n’arrêtant pas de position précise, cela lui permet d’aller chercher la responsabilité de qui elle souhaite, selon les circonstances, surtout en matière de responsabilité sans faute.

La seule ligne directrice qui se dégage de sa jurisprudence est la suivante :

  • En matière de responsabilité objective, soit sans faute (fait d’autrui et fait des choses), la Cour de cassation fera surtout application de la théorie de la causalité adéquate.
  • En matière de responsabilité pour faute, c’est plutôt la théorie de l’équivalence des conditions qui prédomine.
    • Cette solution se justifie par le fait que lorsque plusieurs fautes sont en concours, pourquoi retenir la faute d’un protagoniste plutôt que celle de l’autre ?
    • Dans ces conditions, la Cour de cassation préférera faire reposer la responsabilité sur tous ceux dont la faute a concouru à la production du dommage.

2 Comments

  1. Super clair. Merci

  2. Merci pour vos services, personnellement je vous encourage de continuer ainsi cordialement


Add a Comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *