==> Exposé de la distinction entre obligation civile et obligation naturelle
- L’obligation civile
- L’obligation civile est celle qui, en cas d’inexécution de la part du débiteur, est susceptible de faire l’objet d’une exécution forcée
- L’obligation civile est donc contraignante : son titulaire peut solliciter en justice, s’il prouve le bien-fondé de son droit, le concours de la force publique aux fins d’exécution de l’obligation dont il est créancier
- L’obligation naturelle
- L’obligation naturelle, à la différence de l’obligation civile, n’est pas susceptible de faire l’objet d’une exécution forcée.
- Elle ne peut faire l’objet que d’une exécution volontaire
- L’obligation naturelle n’est donc pas contraignante : son exécution repose sur la seule volonté du débiteur.
- Ainsi, le créancier d’une obligation naturelle n’est-il pas fondé à introduire une action en justice pour en réclamer l’exécution
==> Fondement textuel de l’obligation naturelle
- L’obligation naturelle est évoquée à l’ancien 1235, al. 2 du Code civil (nouvellement art. 1302 C. civ).
- Cet article prévoit en ce sens que :
- « Tout paiement suppose une dette : ce qui a été payé sans être dû, est sujet à répétition.
- La répétition n’est pas admise à l’égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées. »
==> Domaine d’application de l’obligation naturelle
- L’obligation naturelle se rencontre dans deux hypothèses :
- En présence d’une obligation civile imparfaite
- L’obligation civile imparfaite est celle qui
- Soit est nulle en raison de la défaillance d’une condition de validité de l’acte juridique dont elle émane
- Soit est éteinte en raison de l’acquisition de prescription extinctive de la dette
- Dans les deux cas, le débiteur est libéré de son obligation sans avoir eu besoin d’exécuter la prestation initialement promise
- Le débiteur peut néanmoins se sentir tenu, moralement, de satisfaire son engagement pris envers le créancier : l’obligation civile qui « a dégénéré » se transforme alors en obligation naturelle
- L’obligation civile imparfaite est celle qui
- En présence d’un devoir moral
- Il est des situations où l’engagement d’une personne envers une autre sera dicté par sa seule conscience, sans que la loi ou qu’un acte juridique ne l’y oblige
- Le respect de principes moraux peut ainsi conduire:
- un mari à apporter une aide financière à son ex-épouse
- une sœur à loger gratuitement son frère sans abri
- un concubin à porter assistance à sa concubine
- l’auteur d’un dommage qui ne remplit pas les conditions de la responsabilité civile à indemniser malgré tout la victime.
- Dans toutes ces hypothèses, celui qui s’engage s’exécute en considération d’un devoir purement moral, de sorte que se crée une obligation naturelle
==> Transformation de l’obligation naturelle en obligation civile
- La qualification d’obligation naturelle pour une obligation civile imparfaite ou un devoir moral, ne revêt pas un intérêt seulement théorique. Cela présente un intérêt très pratique.
- La raison en est que l’obligation naturelle est susceptible de se transformer en obligation civile
- Il en résulte qu’elle pourra emprunter à l’obligation civile certains traits, voire donner lieu à l’exécution forcée
- La transformation de l’obligation naturelle en obligation civile se produira dans deux cas distincts :
- Le débiteur a exécuté l’obligation naturelle
- Le débiteur s’est engagé à exécuter l’obligation naturelle
- Le débiteur a exécuté l’obligation naturelle
- C’est l’hypothèse – la seule – visée à l’article 1302 C. civ (ancien art. 1235, al.2)
- Pour mémoire cette disposition prévoit que
- « La répétition n’est pas admise à l’égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées. »
- Lorsque le débiteur a effectué un paiement à la faveur du créancier d’une obligation naturelle, la répétition de la somme versée est ainsi
- Le débiteur s’est engagé à exécuter l’obligation naturelle
- Lorsque le débiteur d’une obligation naturelle promet d’assurer son exécution, cette obligation se transforme alors aussitôt en obligation civile.
- La Cour de cassation justifie cette transformation en se fondant sur l’existence d’un engagement unilatérale de volonté.
- Ainsi a-t-elle jugé dans un arrêt du 10 octobre 1995 que
- « la transformation improprement qualifiée novation d’une obligation naturelle en obligation civile, laquelle repose sur un engagement unilatéral d’exécuter l’obligation naturelle, n’exige pas qu’une obligation civile ait elle-même préexisté à celle-ci» ( Civ. 1re, 10 oct. 1995 : Bull. civ. 1995, I, n° 352).
- Cela suppose, en conséquence, pour le créancier de rapporter la preuve de l’engagement volontaire du débiteur d’exécuter l’obligation naturelle qui lui échoit
==> Consécration légale de l’obligation naturelle
- L’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, consacre, sans la nommer, l’obligation naturelle à l’article 1100 du Code civil.
- Cette disposition, prise en son alinéa 2, prévoit que les obligations :
- « peuvent naître de l’exécution volontaire ou de la promesse d’exécution d’un devoir de conscience envers autrui».