Le régime conventionnel de la communauté de meubles et acquêts (art. 1498 à 1501 C. civ.)

==> Généralités

Le régime de communauté de meubles et acquêts n’est autre que l’ancien régime légal. C’est celui qui avait été instauré par le législateur lors de l’adoption du Code civil en 1804.

C’est la loi du 13 juillet 1965 qui l’a relégué au rang de régime conventionnel en le remplaçant par le régime de la communauté réduite aux acquêts.

La spécificité de ce régime matrimonial tient aux règles qui gouvernent l’actif et le passif de la communauté :

  • S’agissant de l’actif
    • Lorsque les époux optent pour la communauté de meubles et d’acquêts, l’actif de la communauté est augmenté par rapport au nouveau régime légal.
    • En effet, il comprend, outre les biens qui relèvent de la masse commune sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, les biens meubles qui seraient qualifiés de propres sous ce régime.
    • Sont donc inclus dans la masse commune, lorsque les époux sont soumis au régime de communauté de meubles et d’acquêts, tous les biens meubles dont les époux avaient la propriété ou la possession au jour du mariage ou qui leur sont échus depuis par succession ou libéralité, à moins que le donateur ou testateur n’ait stipulé le contraire.
  • S’agissant du passif
    • Par symétrie avec la composition de l’actif, lorsque les époux ont opté pour le régime de la communauté de meubles et d’acquêts, le passif de la communauté est plus étendu que sous le régime légal.
    • En effet, entrent dans le passif commun, outre les dettes qui en feraient partie sous le régime légal, une fraction de celles dont les époux étaient déjà grevés quand ils se sont mariés, ou dont se trouvent chargées des successions et libéralités qui leur échoient durant le mariage.
    • À cet égard, la fraction de passif que doit supporter la communauté est proportionnelle à la fraction d’actif qu’elle recueille, soit dans le patrimoine de l’époux au jour du mariage, soit dans l’ensemble des biens qui font l’objet de la succession ou libéralité.
    • Il s’agit ici d’instaurer une corrélation entre l’actif et le passif : dès lors que l’actif augmenté, le passif doit s’en trouver élargi dans les mêmes proportions.

La substitution du régime de la communauté de meubles et acquêts par le régime de la communauté réduite aux acquêts est apparue nécessaire en raison de la proportion grandissante prise, dans le patrimoine du couple marié, par les richesses résultant des biens mobiliers.

En 1804, le patrimoine mobilier des époux ne représentait qu’une valeur modeste, l’essentiel de leur fortune résidant dans les immeubles et plus précisément dans la propriété foncière.

Dès lors, intégrer les meubles présents au jour du mariage et ceux reçus par voie de libéralité dans la masse commune était sans incidence sur le patrimoine propre des époux.

Aujourd’hui, cela est beaucoup moins vrai : les meubles sont susceptibles de représenter une valeur importante.

On pense notamment aux valeurs mobilières qui se sont considérablement développées et plus généralement à tous les biens incorporels qui occupent désormais une place prépondérante dans l’économie.

Pour cette raison, il a été décidé de les sortir de la communauté, à tout le moins pour les biens meubles acquis avant le mariage et ceux reçus par un époux à titre gratuit.

Si le régime de la communauté de meubles et acquêts a perdu son statut de régime légal, il n’en a pas moins été conservé par le législateur.

Aussi, fait-il partie des régimes conventionnels visés par l’article 1393, al. 1er du Code civil qui prévoit que « les époux peuvent déclarer, de manière générale, qu’ils entendent se marier sous l’un des régimes prévus au présent code. »

S’agissant de l’application de la loi dans le temps, l’article 10 de la loi du 13 juillet 1965 prévoit que « si les époux s’étaient mariés sans faire de contrat de mariage avant l’entrée en vigueur de la présente loi, ils continueront d’avoir pour régime matrimonial la communauté de meubles et d’acquêts ».

Le texte précise néanmoins que ces derniers « seront désormais soumis au droit nouveau en tout ce qui concerne l’administration des biens communs, des biens réservés et des biens propres. »

Autrement dit, les époux qui se sont mariés, sans contrat de mariage, avant l’entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 1965, soit avant le 1er février 1966 sont soumis :

  • Au régime de la communauté de meubles et acquêts pour tout ce qui intéresse la répartition de l’actif et du passif
  • Au régime de la communauté réduite aux acquêts pour tout ce qui intéresse la gestion de l’actif commun et des biens propres

Quant aux époux qui se sont mariés après l’entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 1965, ils ne peuvent opter pour le régime de la communauté de meubles et acquêts que par l’établissement d’un contrat de mariage.

Ce régime est régi par les articles 1498 à 1501 du Code cvil, étant précisé que ces dispositions ne règlent que la composition active et passive de la communauté.

S’agissant de l’administration de la communauté, de sa dissolution et de la liquidation du régime matrimonial, ce sont les règles du régime de la communauté réduite aux acquêts qui ont vocation à s’appliquer, saufs aménagements conventionnels des dispositions qui ne relèvent pas l’ordre public matrimonial

I) La composition active de la communauté

La spécificité du régime de la communauté de meubles et acquêts est l’intégration dans la masse commune de tous les biens meubles quelles que soient la date et les modalités de leur acquisition.

Le principe n’est toutefois pas absolu, il souffre d’exceptions, de sorte que les patrimoines propres des époux sont susceptibles de comprendre certains biens mobiliers.

A) L’actif commun

L’article 1498, al. 1er du Code civil prévoit que « lorsque les époux conviennent qu’il y aura entre eux communauté de meubles et acquêts, l’actif commun comprend, outre les biens qui en feraient partie sous le régime de la communauté légale, les biens meubles dont les époux avaient la propriété ou la possession au jour du mariage ou qui leur sont échus depuis par succession ou libéralité, à moins que le donateur ou testateur n’ait stipulé le contraire. »

Il ressort de cette disposition que l’actif commun comprend :

  • D’une part, les biens qui seraient qualifiés de communs sous le régime légal
  • D’autre part, les biens meubles qui seraient qualifiés de propres sous ce même régime légal

1. S’agissant des biens qui seraient qualifiés de communs sous le régime légal

Pour mémoire, sous le régime légal, les biens qui composent l’actif de la communauté sont énumérés à l’article 1401 du Code civil.

Cette disposition prévoit que « la communauté se compose activement des acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage, et provenant tant de leur industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres. »

Il ressort de cette disposition que la masse commune est alimentée par les tous les biens acquis à titre onéreux par les époux au cours du mariage.

C’est ce que l’on appelle des acquêts ; d’où le qualificatif attribué au régime légal de « communauté réduite aux acquêts ».

Dans le détail, les acquêts comprennent :

  • Les biens provenant d’une acquisition
  • Les biens provenant de l’industrie des époux
  • Les biens provenant des revenus des propres
  • Les biens provenant du jeu de l’accession
  • Les biens provenant du jeu de la subrogation
  • Les biens provenant d’un jeu de hasard ou d’un jeu-concours

2. S’agissant des biens meubles qui seraient qualifiés de propres sous le régime légal

==> Principe

L’article 1498, al. 1er du Code civil prévoit que, sous le régime de la communauté de meubles et acquêts, l’actif commun comprend, outre les biens qui seraient qualifiés de commun sous le régime légal, les meubles qui, soit étaient présents au jour du mariage, soit ont été acquis à titre gratuit au cours du mariage

  • S’agissant des biens présents au jour du mariage
    • Il s’agit de tous les biens que les époux ont acquis ou qu’ils possédaient avant la célébration du mariage quelles que soient les circonstances et modalités d’acquisition
  • S’agissant des biens acquis à titre gratuit au cours du mariage
    • Il s’agit de tous les biens qui ont été acquis, au cours du mariage, soit par voie de succession, soit par voie de donation ou de legs

==> Exceptions

Sous le régime de la communauté de meubles et acquêts, certains meubles sont, par exception, soustraits à l’actif commun.

Il s’agit, d’une part, des meubles exclus de la communauté par la volonté de l’auteur d’une libéralité, d’autre part, des meubles qui sont propres par nature et, enfin, des meubles qui sont propres par subrogation

  • S’agissant des meubles exclus de la communauté par la volonté de l’auteur d’une libéralité
    • L’article 1498, al. 1er in fine du Code civil autorise expressément l’auteur d’une libéralité à stipuler que le bien meuble dont il entend disposer à titre gratuit à la faveur d’un époux sera exclu de l’actif commun
    • Le texte fait ici primer la volonté du disposant sur l’intérêt de la communauté
    • À cet égard, il a été admis par la jurisprudence que la volonté de ne gratifier qu’un seul époux puisse être tacite ( Req. 19 avr. 1904).
  • S’agissant des meubles qui sont propres par nature
    • L’article 1498, al. 2e prévoit que restent propres « ceux de ces biens meubles qui auraient formé des propres par leur nature en vertu de l’article 1404, sous le régime légal, s’ils avaient été acquis pendant la communauté. »
    • Ainsi, sont exclus de la masse commune les biens qui endossent la qualification de propres par nature sous l’actuel régime légal, soit les biens qui entretiennent un lien étroit avec la personne d’un époux.
    • À l’analyse, les propres par nature au sens de l’article 1404 du Code civil recouvrent deux catégories de biens :
      • D’une part, les vêtements et linges à l’usage personnel de l’un des époux, les actions en réparation d’un dommage corporel ou moral, les créances et pensions incessibles, et, plus généralement, tous les biens qui ont un caractère personnel et tous les droits exclusivement attachés à la personne.
      • D’autre part, les instruments de travail nécessaires à la profession de l’un des époux, à moins qu’ils ne soient l’accessoire d’un fonds de commerce ou d’une exploitation faisant partie de la communauté.
    • La particularité des biens propres par nature est qu’ils sont exclus de la communauté, quelles que soient les modalités et la date de leur acquisition.
  • S’agissant des meubles qui sont propres par subrogation
    • Bien que l’article 1498 du Code civil ne le prévoit pas, la jurisprudence a admis que les biens qui se subrogeaient à des propres ne tombaient pas en communauté.
    • C’est là une autre exception au principe de mise en commun de tous les biens meubles des époux.
    • Dans un arrêt du 10 juillet 1996, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « sous l’ancien régime de la communauté de meubles et d’acquêts, le caractère mobilier des parts sociales n’était pas nécessairement exclusif de la qualification de propre ; que si l’article 1407 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 13 juillet 1965, ne vise que l’échange d’immeubles, la subrogation réelle permet, d’une manière plus générale, lorsqu’un bien propre se trouve remplacé par un autre bien, d’attribuer à ce dernier le caractère de propre ; que, spécialement, toute valeur mobilière acquise en remplacement d’un propre, même immobilier, doit revêtir le caractère de bien propre, et se trouve exclue de la communauté» ( 1ère civ. 10 juill. 1996, n°94-17.471).
    • Ainsi, lorsqu’un bien propre est remplacé, par le jeu de la subrogation réelle, par un autre bien, les droits de l’époux acquéreur sont inchangés : le nouveau bien reste propre.
    • Une récompense sera néanmoins due à la communauté dans l’hypothèse où le bien qui se subroge à un propre a été acquis au moyen, pour partie, de deniers communs.

B) L’actif propre

==> Principe

La particularité du régime de la communauté de meubles et acquêts réside dans l’exclusion, sauf exceptions, des meubles du périmètre des biens propres.

Aussi, dans le détail, le patrimoine propre des époux comprend :

  • Pour les immeubles
    • Les biens immobiliers présent au jour du mariage
    • Les biens immobiliers acquis à titre gratuit au cours du mariage
    • Les biens immobiliers acquis à titre onéreux au cours du mariage, mais qui :
      • Soit constituent l’accessoire d’un propre
      • Soit sont subrogés à un propre
  • Pour les meubles
    • Les meubles exclus de la communauté par la volonté de l’auteur d’une libéralité
    • Les meubles qui sont propres par nature
    • Les meubles qui sont propres par subrogation

==> Exception

Si, sous le régime de la communauté de meubles et acquêts, les immeubles acquis avant la célébration du mariage sont, en principe, exclus de la masse commune, l’article 1498, al. 3e du Code civil pose une exception.

Cette disposition prévoit, en effet, que « si l’un des époux avait acquis un immeuble depuis le contrat de mariage, contenant stipulation de communauté de meubles et acquêts, et avant la célébration du mariage, l’immeuble acquis dans cet intervalle entrera dans la communauté, à moins que l’acquisition n’ait été faite en exécution de quelque clause du contrat de mariage, auquel cas elle serait réglée suivant la convention. »

Autrement dit, lorsqu’un bien immobilier est acquis entre la date d’établissement de la convention matrimoniale aux termes de laquelle les époux expriment leur volonté d’opter pour le régime de la communauté de meubles et acquêts et le jour de la célébration du mariage, ce bien tombe en communauté.

En application de l’article 1395 du Code civil il devrait néanmoins être propre dans la mesure où cette disposition prévoit donc que les effets du contrat de mariage, qui aura nécessairement été établi avant la célébration de l’union des époux, sont différés au jour de cette célébration.

Cette exception au principe énoncé à l’article 1395 se justifie par la nécessité de prévenir toute tentative de distraction d’un immeuble par un époux qui serait acquis dans le laps de temps où le contrat de mariage est inopérant.

II) La composition passive de la communauté

A) Étendue du passif

Sous le régime de la communauté de meubles et acquêts, parce que l’actif commun est plus étendu que ce qu’il est sous le régime légal, le législateur a, par souci d’équité, fait le choix d’étendre, dans les mêmes proportions, le passif dévolu à la communauté.

En effet, il eût été injuste :

  • D’un côté, de cantonner le gage des créanciers personnels d’un époux aux seuls biens propres et aux revenus de celui-ci et ;
  • D’un autre côté, d’étendre le gage des créanciers communs à la masse commune augmentée des biens meubles des époux qui seraient qualifiés de propres sous le régime légal

Aussi, afin d’éviter cette situation qui reviendrait à priver les créanciers personnels des époux d’une fraction des biens propres (les meubles tombés en communauté), il a été décidé de corréler le périmètre du passif commun à l’extension de l’actif commun.

C’est donc le principe de corrélation entre passif et actif qui préside à la composition passive de la communauté.

À cet égard, l’article 1499 du Code civil prévoit que le passif commun comprend :

  • D’une part, les dettes qui seraient qualifiées de communes sous le régime légal
  • D’autre part, une fraction des dettes souscrites par les époux antérieurement à la célébration du mariage
  • Enfin, une fraction des dettes grevant les successions et libéralités qui échoient aux époux durant le mariage

S’agissant du calcul de la fraction supplémentaire du passif commun par rapport à celui institué sous le régime légal, il y a lieu de se reporter au troisième alinéa de l’article 1499.

Il y est énoncé que « pour l’établissement de cette proportion, la consistance et la valeur de l’actif se prouvent conformément à l’article 1402. »

La méthode de calcul suggérée par cette disposition est la suivante :

  • Premier temps
    • Il convient de déterminer la consistance et la valeur du patrimoine de l’époux qui serait propre selon le régime légal, conformément aux règles de preuve énoncées à l’article 1402 du Code civil.
  • Deuxième temps
    • Il convient de déterminer la part des meubles qui tombent en communauté sous l’effet du régime conventionnel, ce qui comprend les meubles présents au jour du mariage et les meubles reçus par voie de libéralité
  • Troisième temps
    • Il convient d’appliquer la proportion trouvée au passif qui serait personnel à l’époux sous le régime légal

À titre d’illustration, prenons un époux qui, sous le régime légal, aurait un patrimoine personnel d’une valeur de 100.000 euros.

Parmi les biens qu’ils possèdent, les meubles qui tombent en communauté sous l’effet du régime de la communauté de meubles et acquêts (biens présents au jour du mariage et biens reçus par voie de libéralités) représentent 25.000 euros, soit ¼ de ses biens propres.

Le passif personnel de cet époux, selon les règles du régime légal, est de 20.000 euros.

Afin de déterminer la fraction du passif supplémentaire qui revient à la communauté sous le régime de la communauté de meubles et acquêts, il suffit de rapporter la proportion que représentent les meubles tombés en communauté à l’ensemble de son passif propre, soit 1/4 appliqué à 20.000 euros.

Le passif qui revient à la charge de la communauté est donc de 5.000 euros, étant précisé que ce passif supplémentaire s’ajoute au passif commun qui lui est attribué selon les règles du régime légal.

B) La charge du passif

Une fois le périmètre du passif établi, il y a lieu de déterminer sur qui pèse la charge de ce passif, tant à titre temporaire (obligation à la dette), qu’à titre définitif (contribution à la dette).

Pour répondre à cette question il y a lieu de distinguer deux corps de règles :

  • D’un côté, les règles du régime légal qui gouvernent l’attribution des dettes qui seraient qualifiées de commune sous ce régime
  • D’un autre côté, les règles spécifiques du régime de la communauté de meubles et acquêts qui gouvernent l’attribution de la fraction de passif supplémentaire qui revient à la communauté sous ce régime conventionnel

Nous ne nous focaliserons ici que sur le second corps de règles, les règles de répartition du passif sous le régime légal faisant l’objet d’une étude séparée.

1. L’obligation à la dette

Afin de déterminer sur quelle masse de biens le passif commun contracté par les époux devait être supportée, le législateur a été guidé par la volonté de préserver les droits des créanciers antérieurs au mariage et ceux dont les droits procèdent d’une libéralité.

L’adoption du régime de meubles et acquêts par les époux conduit, en effet, à faire tomber en communauté tous les meubles, de sorte que le gage de ces créanciers personnels est susceptible de s’en retrouver réduit d’autant.

Afin d’empêcher que le gage de ces derniers ne soit cantonné qu’aux seuls biens propres et revenus de l’époux, le législateur a institué des correctifs

À l’analyse, le dispositif mis en place par le législateur distingue plusieurs masses de biens sur lesquels les créanciers peuvent, de façon variable, exercer leurs poursuites :

==> Les biens propres de l’époux débiteur

L’article 1501 du Code civil prévoit-il que « la répartition du passif antérieur au mariage ou grevant les successions et libéralités ne peut préjudicier aux créanciers. »

Il ressort de cette disposition que, nonobstant l’entrée en communauté des meubles présents au jour du mariage ou acquis par voie de libéralité, l’étendue du droit de gage des créanciers antérieurs ou ceux dont les droits procèdent d’une libéralité ne saurait s’en trouver diminuée.

Autrement dit, ils sont toujours fondés à exercer leurs poursuites pour la totalité de leur créance sur :

  • D’une part, les immeubles qui sont restés propres à leur débiteur
  • D’autre part, certains biens meubles qui endossent la qualification de propres au titre d’une dérogation prévue par la loi (propres par la volonté du disposant, propres par nature, propres par subrogation)
  • Enfin, les biens meubles présents au jour du mariage et ceux acquis par voie de libéralité

==> Les revenus de l’époux débiteur

Bien que cette règle ne soit pas formellement énoncée par les textes qui régissent le régime de la communauté de meubles et acquêts, il est admis que créanciers antérieurs et ceux dont les droits procèdent de libéralités peuvent poursuivre leur créance sur les revenus de l’époux débiteur.

Cette règle procède de l’application du principe de subsidiarité prévu à l’article 1497 du Code civil qui dispose que « les règles de la communauté légale restent applicables en tous les points qui n’ont pas fait l’objet de la convention des parties. »

Ainsi, en vertu de ce principe, il y a lieu de se reporter au régime légal, et plus précisément à l’article 1411 du Code civil qui prévoit l’extension du gage des créanciers sous le régime légal aux revenus de l’époux débiteur.

Cette disposition prévoit que les créanciers personnels de l’un ou de l’autre époux « ne peuvent poursuivre leur paiement que sur les biens propres et les revenus de leur débiteur. »

==> Les biens communs ordinaires

Sous le régime de la communauté de meubles et acquêts, il est admis que les créanciers antérieurs et ceux dont les droits procèdent de libéralités peuvent exercer leurs poursuites sur les biens communs ordinaires, soit au-delà de la fraction qui s’étend sur les biens meubles propres de l’époux débiteur.

Néanmoins, comme souligné par les auteurs, ces créanciers ne peuvent se faire payer sur les biens communs qu’« à concurrence de la fraction de leurs créances correspondant à la fraction de l’actif tombé en communauté »[1].

Si donc la part la part du passif qui revient à la charge de la communauté est de 25%, les créanciers ne pourront exercer leurs poursuites sur les biens communs qu’à concurrence de 25% de leur créance.

==> La confusion du mobilier

L’article 1501 in fine du Code civil prévoit que les créanciers antérieurs et dont les droits procèdent de libéralités « peuvent même poursuivre leur paiement sur l’ensemble de la communauté lorsque le mobilier de leur débiteur a été confondu dans le patrimoine commun et ne peut plus être identifié selon les règles de l’article 1402. »

Ainsi, en cas de confusion de mobilier, ces créanciers sont-ils autorisés à poursuivre leur créance sur l’ensemble de la masse commune et, ce, au-delà de la part du passif qui, sans cette confusion, devrait lui revenir.

Si l’on reprend l’exemple précédent, au lieu de supporter 25% du passif de l’époux débiteur, elle devra donc en supporter l’intégralité.

Dans un arrêt du 16 mai 2000, la Cour de cassation a précisé que c’est à l’époux débiteur qu’il appartenait de prouver l’absence de confusion de mobilier (Cass. 1ère civ. 16 2000, n°98-17.409).

Cette preuve ne sera rapportée que si ce dernier est en mesure d’identifier les biens meubles qui lui appartiennent en propre et auxquels la saisie doit être cantonnée.

S’il n’y parvient pas, le créancier poursuivant sera fondé à saisir l’ensemble du mobilier du couple touché par la confusion.

2. La contribution à la dette

L’article 1500 du Code civil prévoit que « les dettes dont la communauté est tenue en contrepartie des biens qu’elle recueille sont à sa charge définitive. »

Il ressort de cette disposition que la communauté assume la charge définitive des dettes dont elle est tenue proportionnellement aux meubles présents ou provenant de libéralités qu’elle a reçus.

Ici, le principe de corrélation entre le passif et l’actif est strictement respecté. La communauté n’a vocation à supporter que la fraction du passif qui correspond à la fraction de l’actif qui lui a été transféré sous l’effet du régime de la communauté de meubles et acquêts.

À cet égard, elle aura droit à récompense si la part du passif qui a été réglée avec des deniers communs est supérieur à celle qui lui revenait.

Inversement, elle devra une récompense à l’époux débiteur, si celui-ci a supporté, sur son patrimoine personnel, une partie de la dette qui devait être prise en charge par la communauté.

[1] F. Terré et Ph. Simlet, Droit civil – les régimes matrimoniaux, éd. Dalloz, 2011, n°442, p. 352.

Gestion des biens propres sous le régime légal: régime juridique (art. 1428 C. civ.)

==> Vue générale

Dans sa rédaction initiale, le Code civil prévoyait, en application du principe d’unité de gestion, que c’est le mari qui administrait, tant les biens relevant de la communauté, que ceux appartenant en propre à son épouse.

La seule limite qui s’imposait à lui concernait les biens personnels de cette dernière : l’ancien article 1428 du Code civil lui interdisait d’en disposer.

Reste que la femme mariée était frappée d’une incapacité d’exercice générale de sorte que pour aliéner ses biens propres elle devait obtenir le consentement de son mari.

Il a fallu attendre la loi du 13 février 1938, qui a aboli l’incapacité civile de la femme mariée, pour que celle-ci recouvre une parcelle de pouvoir sur ses biens personnels.

Désormais, elle était, en effet, autorisée à disposer de leur nue-propriété. Quant à l’usufruit, il demeurait rattaché à la communauté et, par voie de conséquence, relevait toujours du pouvoir de son mai.

Par suite, la loi du 22 septembre 1942 est venue étendre un peu plus le pouvoir de la femme marée sur ses biens propres. Elle l’autorisa à saisir le juge aux fins qu’il lui confie la gestion exclusive de ses biens propres, voire l’autorise à en disposer librement.

La loi du 13 juillet 1965 a franchi un pas supplémentaire vers l’émancipation de l’épouse de la tutelle de son mari quant à la gestion de ses biens personnels.

Animé par la volonté d’instaurer une égalité dans les rapports conjugaux, le législateur a soustrait de la masse commune l’usufruit des biens propres de la femme mariée, ce qui a eu pour effet de lui en attribuer la pleine maîtrise.

Cette règle a été formulée à l’ancien article 223 du Code civil qui disposait que « la femme a le droit d’exercer une profession sans le consentement de son mari, et elle peut toujours, pour les besoins de cette profession, aliéner et obliger seule ses biens personnels en pleine propriété. »

Vingt ans plus tard, le législateur a souhaité parachever la réforme qu’il avait engagée en 1965, l’objectif recherché était de supprimer les dernières marques d’inégalité dont étaient encore empreintes certaines dispositions.

Dans ce contexte, il a saisi l’occasion pour la toiletter la règle énoncée à l’article 223 qui reconnaissait à la femme mariée le pouvoir d’administrer et de disposer de ses biens propres sans le consentement de son mari.

Transférée à l’article 225 du Code civil, la nouvelle règle, toujours en vigueur aujourd’hui, prévoit que « chacun des époux administre, oblige et aliène seul ses biens personnels. »

Si, à l’analyse, la loi du 23 décembre 1985 n’a apporté aucune modification sur le fond du dispositif, sur la forme elle a « bilatéralisé » la règle.

Désormais, l’article 225 du Code civil confère à chaque époux un pouvoir de gestion exclusive de ses biens personnels, ce qui comprend, tant les actes d’administration, que les actes de disposition.

À cet égard, cette disposition est reprise en des termes similaires à l’article 1428 du Code civil.

I) Principe

L’article 1428 du Code civil prévoit que « chaque époux a l’administration et la jouissance de ses propres et peut en disposer librement. »

Deux enseignements peuvent être retirés de cette disposition :

  • Premier enseignement
    • Les biens propres des époux sous soumis à leur gestion exclusive, ce qui signifie qu’il n’est pas nécessaire pour eux d’obtenir le consentement pour les administrer ou en disposer.
    • Ils jouissent s’agissant de la gestion de leurs biens propres d’une autonomie des plus totales.
    • Surtout, cette autonomie est conférée aux deux époux, ces derniers étant placés désormais sur un pied d’égalité.
    • Il n’est plus besoin pour la femme mariée d’obtenir le consentement de son mari pour disposer de ses biens propres, comme c’était le cas sous l’empire de l’ancien droit.
  • Second enseignement
    • Les époux sont investis sur leurs biens propres des pouvoirs les plus étendus.
    • En effet, ils sont autorisés à accomplir
      • D’une part, des actes d’administration
        • Pour mémoire, les actes d’administration se définissent comme les actes d’exploitation ou de mise en valeur du patrimoine de la personne dénués de risque anormal.
        • Il s’agit, autrement dit, de tout acte qui vise à assurer la gestion courante d’un ou plusieurs biens sans que le patrimoine de son propriétaire s’en trouve modifié de façon importante.
      • D’autre part, des actes de disposition
        • Par actes de disposition, il faut entendre les actes qui engagent le patrimoine de la personne, pour le présent ou l’avenir, par une modification importante de son contenu, une dépréciation significative de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives de son titulaire.
        • Autrement dit, les actes de disposition correspondent aux actes les plus graves qui ont pour effet de modifier le patrimoine du propriétaire du bien sur lequel porte l’acte considéré.
      • Enfin, des actes de jouissance
        • Par jouissance de la chose, il faut entendre le pouvoir conféré au propriétaire de percevoir les revenus, les fruits que le bien lui procure.
        • Pour le propriétaire d’un immeuble, il s’agira de percevoir les loyers qui lui sont réglés par son locataire. Pour l’épargnant, il s’agira de percevoir les intérêts produits par les fonds placés sur un livret. Pour l’exploitant agricole, il s’agira de récolter le blé, le maïs ou encore le sésame qu’il a cultivé.
        • Bien que les revenus de propres soient communs, il est admis qu’ils soient exclus du domaine de la gestion concurrente à la faveur de l’application du principe de gestion exclusive.
    • Quel que soit l’acte régularisé par un époux, il est indifférent qu’il soit accompli à titre onéreux ou à titre gratuit : le pouvoir de gestion exclusive opère dès lors que l’acte porte sur un bien qui endosse la qualification de propre ou revenus de propre
    • Ainsi, les époux disposent-ils de la faculté de consentir discrétionnairement une donation de leurs biens propres.

À l’analyse, la règle énoncée par l’article 225 du Code civil apparaît pour le moins redondante avec les règles spécifiques propres à chaque régime matrimonial et notamment avec l’article 1428 applicable aux époux soumis au régime légal.

Qu’il s’agisse, en effet, d’un régime communautaire ou d’un régime séparatiste, tous confèrent aux époux le droit d’administrer et de disposer seul de leurs biens propres.

Aussi, pour la doctrine, le principal intérêt de cette disposition réside dans son intégration dans le régime primaire ce qui en fait une règle d’ordre public.

Il en résulte que les époux ne peuvent pas y déroger par convention contraire. Il leur est donc fait interdiction de stipuler dans un contrat de mariage :

  • Soit qu’un époux renonce à la gestion de ses biens propres, hors les cas de mandat, ce qui reviendrait à faire revivre la clause d’unité d’administration définitivement abolie par la loi du 23 décembre 1985
  • Soit qu’un époux se réserve le droit d’engager les biens propres de son conjoint pour les dettes contractées à titre personnel

L’autonomie patrimoniale des époux repose ainsi sur un socle de droits irréductibles, ce qui permet, non seulement de leur garantir une certaine indépendance, mais encore de faire obstacle à toute tentative de remise en cause de l’égalité qui préside aux rapports conjugaux.

II) Tempéraments

Si les articles 1428 et 225 du code civil reconnaissent, à chaque époux, le pouvoir de gérer seul ses biens propres, ce pouvoir est assorti de plusieurs limites :

==> Première limite : la protection du logement familial

L’article 215, al. 3e du Code civil prévoit que « les époux ne peuvent l’un sans l’autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni. ».

Il ressort de cet article que l’accomplissement d’actes de disposition sur la résidence familiale est soumis à codécision.

Aussi, quand bien même le logement de famille appartient en propre à un époux, celui-ci doit obtenir le consentement de son conjoint pour réaliser l’acte envisagé.

La violation de cette règle est sanctionnée par la nullité – relative – de l’acte accomplir par un époux en dépassement de ses pouvoirs.

L’article 215, al.3e prime ainsi les articles 225 et 1428 du Code civil qui s’effacent donc lorsque le bien en présence est le logement familial.

Encore faudra-t-il qu’il endosse cette qualification, ce qui ne sera notamment pas le cas pour une résidence secondaire.

==> Deuxième limite : la préservation de l’intérêt de la famille

L’article 220-1 du Code civil dispose, en effet, que « si l’un des époux manque gravement à ses devoirs et met ainsi en péril les intérêts de la famille, le président du tribunal judiciaire peut prescrire toutes les mesures urgentes que requièrent ces intérêts. »

Aussi, dans l’hypothèse, où la gestion par un époux de ses biens propres serait de nature à mettre en péril les intérêts de la famille, le juge serait investi du pouvoir d’intervenir.

Reste que pour donner lieu à la prescription de mesures urgentes, la mise en péril des intérêts de la famille doit avoir pour cause, prévoit le texte, des manquements graves aux devoirs du mariage.

Or on voit mal comment la gestion des biens propres fût-ce-t-elle illégale serait constitutif d’une violation des devoirs du mariage.

À supposer que cela soit le cas, ce qui correspondra à des situations très marginales, le juge ne pourra prescrire que des mesures temporaires dont la durée ne peut pas excéder trois ans.

==> Troisième limite : le retrait des pouvoirs d’un époux sur ses biens propres

L’article 1429 du Code civil prévoit que « si l’un des époux se trouve, d’une manière durable, hors d’état de manifester sa volonté, ou s’il met en péril les intérêts de la famille, soit en laissant dépérir ses propres, soit en dissipant ou détournant les revenus qu’il en retire, il peut, à la demande de son conjoint, être dessaisi des droits d’administration et de jouissance qui lui sont reconnus par l’article précédent. Les dispositions des articles 1445 à 1447 sont applicables à cette demande. »

Il s’agit autrement dit ici de transférer les pouvoirs dont est investi un époux sur ses biens propres à son conjoint.

Ce transfert pourra intervenir, soit dans l’hypothèse se trouve dans l’incapacité d’exprimer sa volonté, car gravement malade par exemple, soit dans l’hypothèse où il menacera, par sa conduite, les intérêts de la famille.

Lorsque l’une ou l’autre circonstance se rencontre, le texte prévoit que sauf à ce que la nomination d’un administrateur judiciaire n’apparaisse nécessaire, le juge octroie au conjoint le pouvoir d’administrer les propres de l’époux dessaisi, ainsi que d’en percevoir les fruits, qui devront être appliqués par lui aux charges du mariage et l’excédent employé au profit de la communauté.

Corrélativement, l’époux dessaisi ne peut disposer seul que de la nue-propriété de ses biens. Il est donc privé de son pouvoir de gestion exclusive sur l’usufruit de ses biens propres.

==> Quatrième limite : la conclusion d’un mandat

Si, la stipulation d’une clause d’unité d’administration dans le contrat de mariage est prohibée en raison du caractère d’ordre public de l’article 225, rien n’interdit un époux de confier la gestion de ses biens propres à son conjoint par voie de conclusion d’un contrat de mandat.

À cet égard, l’article 218 du Code civil prévoit que « un époux peut donner mandat à l’autre de le représenter dans l’exercice des pouvoirs que le régime matrimonial lui attribue ».

Seule condition pour que ce mandat soit valable, outre les conditions de droit commun, il doit être révocable ainsi que le prévoit l’article 218 in fine.

==> Cinquième limite : le jeu des présomptions de pouvoirs

Autre limite au principe de gestion exclusive des biens propres : les règles instituant des présomptions de pouvoirs conférant aux époux la faculté de disposer librement, à titre individuel, de certains biens.

Tel est notamment le cas des présomptions instituées en matière bancaire et mobilière ou encore en matière d’exploitation commune d’une entreprise commerciale, artisanale, libérale ou agricole :

  • S’agissant de la présomption de pouvoir instituée en matière bancaire
    • L’article 221, al. 2e du Code civil prévoit que « à l’égard du dépositaire, le déposant est toujours réputé, même après la dissolution du mariage, avoir la libre disposition des fonds et des titres en dépôt. »
    • Est ainsi instituée une présomption de pouvoir au profit de l’époux titulaire d’un compte ouvert en son nom personnel qui l’autorise à accomplir toutes opérations sur ce compte, sans qu’il lui soit besoin de solliciter l’autorisation de son conjoint.
    • Pratiquement, cette présomption dispense le banquier d’exiger la fourniture de justifications s’agissant des dépôts et des retraits qu’un époux est susceptible de réaliser sur son compte personnel.
    • Plus précisément, elle a pour effet de réputer l’époux titulaire du compte « avoir la libre disposition des fonds et des titres en dépôt. »
    • Le texte n’opérant aucune distinction entre les actes à titre onéreux et les actes à titre gratuit, il est admis que la présomption ainsi instituée prime sur l’article 1422 qui pose un principe de cogestion pour les donations de biens communs.
    • Aussi, lorsque des fonds communs sont déposés sur le compte personnel d’un époux, celui-ci est investi d’un pouvoir exclusif sur ces fonds.
    • Il est donc libre d’en disposer à titre gratuit sans que son conjoint ne puisse s’y opposer ou exiger du banquier qu’il lui octroie un quelconque pouvoir sur elles.
  • S’agissant de la présomption de pouvoir instituée en matière mobilière
    • L’article 222 du Code civil prévoit que « si l’un des époux se présente seul pour faire un acte d’administration, de jouissance ou de disposition sur un bien meuble qu’il détient individuellement, il est réputé, à l’égard des tiers de bonne foi, avoir le pouvoir de faire seul cet acte. »
    • Est ainsi instituée une présomption de pouvoir en matière mobilière, laquelle n’est autre que le corollaire de la présomption qui joue en matière bancaire.
    • Concrètement, cela signifie que la responsabilité du tiers ne saurait être recherchée au motif qu’il n’aurait pas exigé de l’époux avec lequel il a traité des justifications sur ses pouvoirs.
    • Les époux sont réputés, à l’égard des tiers, avoir tous pouvoirs pour accomplir les actes d’administration, de jouissance et de disposition sur les biens meubles qu’ils détiennent individuellement.
    • Là encore, le texte ne distingue pas selon que l’acte est accompli à titre onéreux ou à titre gratuit.
    • Il en résulte que lorsqu’un époux consent à un tiers une donation portant sur un meuble commun, l’acte n’encourt pas la nullité dès lors que le donataire est de bonne foi, étant précisé que, en matière civile, la bonne foi est toujours présumée ( 2274 C. civ.).
    • C’est là une autre dérogation au principe de cogestion posé par l’article 1422 du Code civil applicable aux actes de disposition à titre gratuit portant sur les biens communs.
  • S’agissant de la présomption instituée en matière d’exploitation commerciale, artisanale et libérale
    • Lorsque le conjoint d’un commerçant ou d’un artisan a opté pour le statut de conjoint collaborateur au sens de l’article L. 121-4 du Code de commerce, la loi lui confère un pouvoir de représentation du chef de l’entreprise.
    • L’article L. 121-6 du Code de commerce prévoit en ce sens que « le conjoint collaborateur, lorsqu’il est mentionné au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers ou au registre des entreprises tenu par les chambres de métiers d’Alsace et de Moselle est réputé avoir reçu du chef d’entreprise le mandat d’accomplir au nom de ce dernier les actes d’administration concernant les besoins de l’entreprise. »
    • Le pouvoir de représentation conféré au conjoint collaborateur s’ajoute à ceux dont il est investi au titre de son régime matrimonial.
    • L’intérêt d’autoriser le conjoint du commerçant ou de l’artisan à accomplir des actes de gestion de l’entreprise est double :
      • D’une part, cela permet de protéger le patrimoine du conjoint qui n’est pas engagé par les actes qu’il accomplit dans le cadre de la gestion de l’entreprise, dans les mesures où ces actes sont réputés avoir été passés par l’exploitant lui-même
      • D’autre part, cela permet de protéger les tiers qui, lorsqu’ils traitent avec le conjoint du chef d’entreprise ont la garantie que les actes conclus avec ce dernier ne pourront pas être remis en cause
    • Ce sont ces deux raisons qui ont conduit le législateur à instituer, lors de l’adoption de la loi n° 82-596 du 10 juillet 1982, une présomption de mandat au profit du conjoint collaborateur.
  • S’agissant de la présomption instituée en matière d’exploitation agricole
    • L’article L. 321-1 du Code rural institue une présomption de mandat en cas de participation des époux à une même exploitation agricole, quand bien même cette exploitation appartient en propre à un seul époux.
    • Cette disposition prévoit en ce sens que le mandataire est réputé avoir reçu le pouvoir « d’accomplir les actes d’administration concernant les besoins de l’exploitation. »
    • Ainsi, l’époux mandataire est-il autorisé à accomplir des actes de gestion de l’entreprise pour le compte de son conjoint et s’il est coexploitant pour son propre compte.
    • Autrement dit, il ne lui est pas nécessaire, et c’est là une dérogation au droit commun, de justifier d’un mandat exprès ou tacite, pour agir dans les rapports avec les tiers.
    • À l’instar du mandataire social de l’entreprise, le pouvoir de représentation dont le mandataire est titulaire lui est directement conféré par la loi.

Gestion de l’actif commun sous le régime légal: les actes portant sur les revenus de biens propres

==> Évolution

Dans sa rédaction initiale, le Code civil prévoyait, en application du principe d’unité de gestion, que c’est le mari qui administrait, tant les biens relevant de la communauté, que ceux appartenant en propre à son épouse.

La seule limite qui s’imposait à lui concernait les biens personnels de cette dernière : l’ancien article 1428 du Code civil lui interdisait d’en disposer.

Reste que la femme mariée était frappée d’une incapacité d’exercice générale de sorte que pour aliéner ses biens propres elle devait obtenir le consentement de son mari.

Il a fallu attendre la loi du 13 février 1938, qui a aboli l’incapacité civile de la femme mariée, pour que celle-ci recouvre une parcelle de pouvoir sur ses biens personnels.

Désormais, elle était, en effet, autorisée à disposer de leur nue-propriété. Quant à l’usufruit, il demeurait rattaché à la communauté et, par voie de conséquence, relevait toujours du pouvoir de son mai.

Par suite, la loi du 22 septembre 1942 est venue étendre un peu plus le pouvoir de la femme marée sur ses biens propres. Elle l’autorisa à saisir le juge aux fins qu’il lui confie la gestion exclusive de ses biens propres, voire l’autorise à en disposer librement.

La loi du 13 juillet 1965 a franchi un pas supplémentaire vers l’émancipation de l’épouse de la tutelle de son mari quant à la gestion de ses biens personnels.

Animé par la volonté d’instaurer une égalité dans les rapports conjugaux, le législateur a soustrait de la masse commune l’usufruit des biens propres de la femme mariée, ce qui a eu pour effet de lui en attribuer la pleine maîtrise.

Cette règle a été formulée à l’ancien article 223 du Code civil qui disposait que « la femme a le droit d’exercer une profession sans le consentement de son mari, et elle peut toujours, pour les besoins de cette profession, aliéner et obliger seule ses biens personnels en pleine propriété. »

Vingt ans plus tard, le législateur a souhaité parachever la réforme qu’il avait engagée en 1965, l’objectif recherché était de supprimer les dernières marques d’inégalité dont étaient encore empreintes certaines dispositions.

Dans ce contexte, il a saisi l’occasion pour la toiletter la règle énoncée à l’article 223 qui reconnaissait à la femme mariée le pouvoir d’administrer et de disposer de ses biens propres sans le consentement de son mari.

Transférée à l’article 225 du Code civil, la nouvelle règle, toujours en vigueur aujourd’hui, prévoit que « chacun des époux administre, oblige et aliène seul ses biens personnels. »

==> Le pouvoir de gestion exclusif des revenus de propres

Si, à l’analyse, la loi du 23 décembre 1985 n’a apporté aucune modification sur le fond du dispositif, sur la forme elle a « bilatéralisé » la règle.

À cet égard, la règle a été reprise à l’article 1428 du Code civil qui prévoit, sensiblement dans les mêmes termes, que « chaque époux a l’administration et la jouissance de ses propres et peut en disposer librement. »

Il ressort de ces deux dispositions que les époux sont investis d’un pouvoir de gestion exclusif sur leurs biens propres, pouvoir qui comprend notamment le droit d’en jouir et donc de percevoir et disposer des fruits produits. Pourtant, cette catégorie de revenus tombe en communauté.

En effet, dans un arrêt « Authier » rendu en date du 31 mars 1992, la Cour de cassation a jugé que les revenus de biens propres endossaient la qualification de biens communs (Cass. 1ère civ. 31 mars 1992, n°90-17212).

L’entrée de ces revenus dans la masse commune n’implique pas toutefois qu’ils fassent l’objet d’une gestion concurrente, dans la mesure où l’article 1428 du Code civil vise expressément les actes de jouissance des biens propres comme relevant du domaine de la gestion exclusif.

Or la jouissance d’une chose consiste pour le propriétaire à percevoir les revenus qu’elle lui procure et à en disposer librement.

S’agissant du droit de jouissance dont sont titulaires les époux sur leurs biens propres, il y a lieu de combiner l’article 1428 du Code civil à l’article 1403.

Cette dernière disposition ajoute, en effet, que « la communauté n’a droit qu’aux fruits perçus et non consommés. »

Il ressort de cette disposition que les revenus de propres peuvent être consommés par l’époux qui les perçoit sans qu’aucune récompense ne soit due à la communauté.

Encore faut-il néanmoins que cette consommation ne donne pas lieu à l’acquisition d’un bien durable ou se traduise par le financement de travaux d’amélioration d’un bien propre.

Comme souligné par Annie Chamoulaud-Trapiers, « la consommation doit s’entendre d’une utilisation qui n’a rien laissé subsister, aucune plus-value, aucun investissement »[2].

Autrement dit, il ne doit plus rien rester des revenus perçus, peu importe qu’ils aient été employés à des fins exclusivement personnelles.

À défaut, la communauté a droit à récompense. Tel est notamment le cas lorsque les revenus de propres sont utilisés aux fins d’acquisition ou d’amélioration d’un bien propre (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 6 juill. 1982).

Ce droit de consommer les revenus des propres conférés à chaque époux n’est pas sans limite.

L’article 1403, al. 2e du Code civil prévoit que si les revenus de propres consommés échappent à la communauté, c’est sous réserve de la fraude.

Cette fraude sera caractérisée lorsque la consommation des fruits a été dissimulée au conjoint et que la communauté s’en est trouvée lésée.

Lorsque la fraude est établie une récompense sera due à cette dernière. Son montant correspondra à l’enrichissement manqué par la communauté.

Comme pour l’hypothèse de la négligence dans la perception, seuls les revenus consommés les 5 dernières années à compter de la dissolution de la communauté pourront être intégrés dans l’assiette de calcul de la récompense.

Gestion de l’actif commun sous le régime légal: les actes portant sur les gains et salaires

Le XXe siècle est la période de l’Histoire au cours de laquelle on a progressivement vu s’instaurer une égalité dans les rapports conjugaux et plus précisément à une émancipation de la femme mariée de la tutelle de son mari.

Cette émancipation est intervenue dans tous les aspects de la vie du couple. Parmi ces aspects, l’autonomie professionnelle de la femme mariée qui a conquis :

  • La liberté d’exercer une profession
  • Le droit de percevoir et disposer de ses gains et salaires
  • Le droit de gérer seule les biens nécessaires à l’exercice de son activité professionnelle

L’autonomie dont jouit désormais la femme mariée en matière professionnelle est le produit d’une lente évolution qui, schématiquement, se décompose en plusieurs étapes :

  • Première étape : la situation de la femme mariée sous l’empire du Code civil dans sa rédaction de 1804
    • Dans sa rédaction initiale, le Code civil était pour le moins taiseux sur la faculté de la femme mariée à exercer une profession et, le cas échéant, à percevoir librement ses gains et salaires.
    • Dans ces conditions, il était admis qu’elle ne pouvait pas exercer d’activité professionnelle sans l’accord de son mari.
    • Quant à la perception de gains et salaires, elle était frappée d’une incapacité d’exercice générale.
    • Aussi, est-ce à son seul mari qu’il revenait, non seulement de les percevoir, mais encore de les administrer.
  • Deuxième étape : la création de l’institution des biens réservés par la loi du 13 juillet 1907
    • La loi du 13 juillet 1907 a reconnu à la femme mariée
      • D’une part, le droit de percevoir librement ses gains et salaires que lui procurait son activité professionnelle
      • D’autre part, le droit de les administrer seule et de les affecter à l’acquisition de biens dits réservés.
    • Par biens réservés, il faut entendre les biens acquis par la femme mariée avec ses revenus et dont la gestion lui était impérativement « réservée », alors même que, en régime communautaire, les gains et salaires endossaient la qualification de biens communs.
    • Ainsi, dès 1907 la femme mariée est investie du pouvoir de percevoir et d’administrer librement ses gains et salaires
  • Troisième étape : l’abolition de l’incapacité civile de la femme mariée par la loi du 13 février 1938
    • La loi du 13 février 1938 a aboli l’incapacité civile de la femme mariée, celle-ci étant dorénavant investie de la capacité d’exercer tous les pouvoirs que lui conférerait le régime matrimonial auquel elle était assujettie
    • Il en est résulté pour elle le droit d’exercer librement une profession.
    • L’article 216 du Code civil prévoyait néanmoins que « le mari peut, sauf dans les cas prévus par le troisième alinéa de l’article 213, s’opposer à ce que la femme exerce une profession séparée».
    • L’alinéa 2 de ce texte précisait que « si l’opposition du mari n’est pas justifiée par l’intérêt du ménage ou de la famille, le Tribunal peut sur la demande de la femme, autoriser celle-ci à passer outre cette opposition».
    • Si, à compter de l’entrée en vigueur de la loi du 13 février 1938 la femme mariée devient libre d’exercer la profession de son choix sans qu’il lui soit nécessaire d’obtenir l’autorisation de son mari, ce dernier conserve néanmoins le droit de contrarier l’exercice de cette liberté.
  • Quatrième étape : la reconnaissance par la loi du 13 juillet 1965 de la liberté professionnelle pleine et entière de la femme mariée
    • C’est la loi du 13 juillet 1965 qui a aboli la dernière restriction à l’indépendance professionnelle de la femme mariée.
    • Désormais, elle est libre d’exercer la profession de son choix sans que son mari ne puisse s’y opposer.
  • Cinquième étape : la reconnaissance par la loi du 23 décembre 1985 aux époux d’un monopole sur les actes nécessaires à l’exercice de leur profession
    • Afin de renforcer l’indépendance professionnelle des époux, le législateur leur a conféré un pouvoir exclusif sur les actes nécessaires à l’exercice de leur activité professionnelle.
    • Cette règle vise à prévenir toute tentative d’ingérence d’un époux qui pourrait venir perturber l’exercice de la profession du conjoint.
    • Ainsi, l’époux, qui exploite un fonds de commerce, une entreprise artisanale ou agricole, est seul investi du pouvoir d’en assurer la gestion courante.
    • Il devra néanmoins obtenir l’accord de son conjoint pour les actes les plus graves et notamment ceux qui visent à aliéner ou grever de droits réels un fonds de commerce, une exploitation dépendant de la communauté ou encore des droits sociaux non négociables.

Au bilan, la volonté du législateur d’instaurer une véritable égalité dans les rapports conjugaux, mouvement qui s’est amorcé dès le début du XXe siècle, l’a conduit à octroyer à la femme mariée une sphère d’autonomie, non seulement s’agissant du choix de sa profession, mais encore pour ce qui concerne la perception et la disposition de ses gains et salaires, ainsi que pour l’accomplissement des actes nécessaires à l’exercice de sa profession.

Cette indépendance professionnelle dont jouissent les époux désormais les époux se traduit, sur le plan de la gestion de l’actif, par l’octroi d’un pouvoir exclusif sur :

  • D’une part, les actes nécessaires à l’exercice d’une profession séparée
  • D’autre part, les actes portant sur les gains et salaires

Nous nous focaliserons ici sur la seconde catégorie d’actes.

Étonnement, la liberté pour la femme mariée de percevoir et de disposer de ses gains et salaires a été consacrée avant que ne lui soit reconnue la liberté d’exercer la profession de son choix.

La reconnaissance de cette liberté est le fruit de la loi du 13 juillet 1907 qui a donc admis que la femme mariée puisse :

  • D’une part, percevoir librement les gains et salaires que lui procurait son activité professionnelle
  • D’autre part, administrer seule et affecter ses revenus à l’acquisition de biens dits réservés.

Par biens réservés, il faut entendre les biens acquis par la femme mariée avec ses revenus et dont la gestion lui était impérativement « réservée », alors même que, en régime communautaire, les gains et salaires endossaient la qualification de biens communs.

Ainsi, dès 1907 la femme mariée est investie du pouvoir de percevoir et d’administrer librement ses gains et salaires.

Reste qu’il a fallu attendre la loi 23 décembre 1985 pour que le système des biens réservés soit aboli à la faveur de l’instauration d’une véritable égalité dans les rapports conjugaux.

Sous l’empire du droit antérieur, l’article 223 du Code civil prévoyait, en effet, que « la femme a le droit d’exercer une profession sans le consentement de son mari, et elle peut toujours, pour les besoins de cette profession, aliéner et obliger seule ses biens personnels en pleine propriété. »

Introduite par la loi du 13 juillet 1965, cette disposition portait manifestement la marque de l’inégalité entre le mari et la femme mariée qui avait cours jadis.

Si, à l’analyse, la loi du 23 décembre 1985 n’a apporté aucune modification sur le fond du dispositif, sur la forme elle a « bilatéralisé » la règle.

Désormais, l’article 223 du Code civil prévoit que « chaque époux peut librement exercer une profession, percevoir ses gains et salaires et en disposer après s’être acquitté des charges du mariage. ».

Afin de bien cerner le sens et la portée de cette règle il y a lieu, dans un premier temps, de s’interroger sur la notion de gains et salaires puis, dans un second temps, d’envisager les pouvoirs des époux sur ces derniers.

I) La notion de gains et salaires

Classiquement, les auteurs définissent les gains et salaires comme les revenus provenant de l’activité professionnelle des époux.

Tans les revenus principaux (salaires, traitements, honoraires, commissions, droits d’auteur etc.) que les revenus accessoires (primes, indemnités de fonction, gratifications, pourboires etc.) sont visés par l’article 223 du Code civil.

Il est par ailleurs, indifférent que ces revenus proviennent d’une activité commerciale, libérale, agricole ou encore publique, pourvu qu’il procède d’une activité exercée à titre professionnelle.

S’il s’agit d’un gain issu d’une activité qui relève d’un loisir, telle que la gratification reçue dans le cadre d’un concours, d’une loterie ou encore d’une contrepartie perçue au titre d’un service rendu à un tiers, l’article 223 ne sera pas applicable.

Quant aux revenus issus de l’exploitation d’un fonds commercial, agricole ou artisanale, les auteurs se sont interrogés sur leur qualification.

Ces revenus consistent tout à la fois en des produits du travail (industrie fournie par l’époux) qu’en des fruits du capital (bien exploité par l’époux).

Aussi, présentent-ils un caractère mixte, ce qui n’est pas sans interroger sur leur qualification. Doit-on opérer une distinction entre les produits du travail et les fruits générés par le bien comme envisagé par certains ?

De l’avis de la majorité des auteurs, une telle distinction ne serait pas heureuse, car pouvant difficilement être mise en œuvre. Comment distinguer les revenus issus du travail de ceux s’apparentant à des fruits ? Dans les deux cas, ils proviennent de l’exploitation du bien de sorte que, en réalité, ils se confondent.

Pour cette raison, les auteurs s’accordent à qualifier les bénéfices tirés d’une exploitation commerciale, agricole ou artisanale de gains et salaire, de sorte qu’ils donneraient lieu à l’application de l’article 223 du Code civil.

II) Les pouvoirs des époux sur les gains et salaires

==> Principe

L’article 223 du Code civil reconnaît aux époux le droit percevoir leurs gains et salaires et d’en disposer librement.

Cela signifie que le consentement du conjoint n’est jamais requis s’agissant de l’emploi des revenus professionnels qui peuvent être affectés par l’époux qui les perçoit à la destination qui lui sied.

Cette règle qui est d’ordre public s’impose quel que soit le régime matrimonial applicable, de sorte qu’il ne peut pas y être dérogé par convention contraire.

Un contrat de mariage ne saurait, dans ces conditions, prévoir par le biais d’une clause d’administration conjointe qu’un époux renonce à son droit de percevoir et de disposer librement de ses gains et salaires. Une telle clause matrimoniale serait réputée non écrite.

D’évidence, cette liberté reconnue aux époux d’avoir la maîtrise de leurs revenus professionnels présente un intérêt tout particulier en régime de communauté.

Lorsque, en effet, les époux sont mariés sous le régime légal, les gains et salaires sont des biens communs. Or en application de l’article 1421 du Code civil les biens communs font l’objet d’une gestion concurrente.

L’article 223 pose donc une exception de cette règle en posant un principe de gestion exclusive des gains et salaires, soit une gestion qui relève du monopole de l’époux qui les perçoit.

Là ne s’arrête pas le caractère dérogatoire de cette disposition. L’article 1422 du Code civil prévoit que « les époux ne peuvent, l’un sans l’autre, disposer entre vifs, à titre gratuit, des biens de la communauté ».

Est-ce dire que les époux ne peuvent pas disposer de leurs gains et salaires à titre gratuit ? Telle n’est pas la position défendue par les auteurs qui considèrent que l’article 223 du Code civil prime l’article 1422.

À cet égard dans un arrêt du 29 février 1984, la Cour de cassation a statué en ce sens, en affirmant que « chaque époux a le pouvoir de disposer de ses gains et salaires, à titre gratuit ou onéreux, après s’être acquitté de la part lui incombant dans les charges du mariage » (Cass. 1ère civ. 29 févr. 1984, n°82-15.712).

La donation de gains et salaires relève ainsi de la gestion exclusive de l’époux qui les perçoit, nonobstant la règle contraire énoncée par l’article 1422.

==> Limites

Les limites au principe de libre perception et disposition des gains et salaires sont au nombre de deux :

  • Première limite
    • Elle est expressément envisagée par l’article 223 du Code civil qui prévoit que, si les époux sont libres de disposer sans le consentement de l’autre de leurs gains et salaires, c’est à la condition d’avoir exécuté leur obligation de contribution aux charges du mariage.
    • Pour mémoire, l’article 214 du Code civil prévoit que « si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives»
    • Il échoit ainsi aux époux de s’acquitter des charges générées par la vie courante du ménage (loyer, facture d’électricité, frais de scolarité des enfants, frais d’alimentation etc.), après quoi seulement ils sont libres de disposer du reliquat.
  • Seconde limite
    • Elle tient à la nature des gains et salaires qui relèvent de la catégorie des biens communs.
    • Or les biens communs sont, par principe, soustraits à la gestion exclusive des époux à la faveur d’une gestion concurrente, voire d’une cogestion en certaines circonstances.
    • Tel est le cas des libéralités portant sur des biens communs qui, conformément à l’article 1422 du Code civil, requièrent le consentement des deux époux.
    • Si, comme vu précédemment, la donation de gains et salaires échappe à la règle, l’article 223 primant l’article 1422, la Cour de cassation a néanmoins précisé dans son arrêt rendu le 29 février 1984, que c’était sous réserve que les sommes, objets de la donation, n’aient pas été « économisées» auquel cas l’article 1422 retrouvait à s’appliquer.
    • Cette réserve a été réaffirmée par la Cour de cassation dans un arrêt du 20 novembre 2019 aux termes duquel elle a jugé que « ne sont pas valables les libéralités consenties par un époux commun en biens au moyen de sommes provenant de ses gains et salaires lorsque ces sommes ont été économisées » ( 1ère civ. 20 nove. 2019, n°16-15.867).
    • Dès lors, en effet, que les gains et salaires font l’objet d’une thésaurisation, ils deviennent des acquêts ordinaires.
    • Et si, tant qu’ils sont déposés sur le compte bancaire personnel d’un époux, ils relèvent de sa gestion exclusive conformément à l’article 221, cette gestion se heurte toutefois à l’article 1422 qui interdit à l’époux titulaire du compte de consentir une donation à un tiers sans le consentement de son conjoint.
    • La question qui alors se pose est de savoir à partir de quand les gains et salaires se transforment en économies.
    • Pour le déterminer, d’aucuns se réfèrent à l’article R. 162-9 du Code des procédures civiles d’exécution instituant en principe d’insaisissabilité des revenus du conjoint d’un époux débiteur contre lequel il mesure d’exécution est engagée.
    • Cette disposition prévoit que « lorsqu’un compte, même joint, alimenté par les gains et salaires d’un époux commun en biens fait l’objet d’une mesure d’exécution forcée ou d’une saisie conservatoire pour le paiement ou la garantie d’une créance née du chef du conjoint, il est laissé immédiatement à la disposition de l’époux commun en biens une somme équivalant, à son choix, au montant des gains et salaires versés au cours du mois précédant la saisie ou au montant moyen mensuel des gains et salaires versés dans les douze mois précédant la saisie. »
    • Il s’infère de la règle ainsi posée que les gains et salaires correspondraient à un mois de revenus, le surplus s’étant transformé en économies.
    • Des auteurs suggèrent encore de distinguer selon les gains et salaires sont déposés sur le compte courant de l’époux ou placés sur un placement à moyen ou long terme.
    • La jurisprudence n’a, toutefois, toujours pas tranché cette question qui est appréhendée au cas par cas par les juges du fond.

Gestion de l’actif commun sous le régime légal: les actes nécessaires à l’exercice d’une profession séparée

Le XXe siècle est la période de l’Histoire au cours de laquelle on a progressivement vu s’instaurer une égalité dans les rapports conjugaux et plus précisément à une émancipation de la femme mariée de la tutelle de son mari.

Cette émancipation est intervenue dans tous les aspects de la vie du couple. Parmi ces aspects, l’autonomie professionnelle de la femme mariée qui a conquis :

  • La liberté d’exercer une profession
  • Le droit de percevoir et disposer de ses gains et salaires
  • Le droit de gérer seule les biens nécessaires à l’exercice de son activité professionnelle

L’autonomie dont jouit désormais la femme mariée en matière professionnelle est le produit d’une lente évolution qui, schématiquement, se décompose en plusieurs étapes :

  • Première étape : la situation de la femme mariée sous l’empire du Code civil dans sa rédaction de 1804
    • Dans sa rédaction initiale, le Code civil était pour le moins taiseux sur la faculté de la femme mariée à exercer une profession et, le cas échéant, à percevoir librement ses gains et salaires.
    • Dans ces conditions, il était admis qu’elle ne pouvait pas exercer d’activité professionnelle sans l’accord de son mari.
    • Quant à la perception de gains et salaires, elle était frappée d’une incapacité d’exercice générale.
    • Aussi, est-ce à son seul mari qu’il revenait, non seulement de les percevoir, mais encore de les administrer.
  • Deuxième étape : la création de l’institution des biens réservés par la loi du 13 juillet 1907
    • La loi du 13 juillet 1907 a reconnu à la femme mariée
      • D’une part, le droit de percevoir librement ses gains et salaires que lui procurait son activité professionnelle
      • D’autre part, le droit de les administrer seule et de les affecter à l’acquisition de biens dits réservés.
    • Par biens réservés, il faut entendre les biens acquis par la femme mariée avec ses revenus et dont la gestion lui était impérativement « réservée », alors même que, en régime communautaire, les gains et salaires endossaient la qualification de biens communs.
    • Ainsi, dès 1907 la femme mariée est investie du pouvoir de percevoir et d’administrer librement ses gains et salaires
  • Troisième étape : l’abolition de l’incapacité civile de la femme mariée par la loi du 13 février 1938
    • La loi du 13 février 1938 a aboli l’incapacité civile de la femme mariée, celle-ci étant dorénavant investie de la capacité d’exercer tous les pouvoirs que lui conférerait le régime matrimonial auquel elle était assujettie
    • Il en est résulté pour elle le droit d’exercer librement une profession.
    • L’article 216 du Code civil prévoyait néanmoins que « le mari peut, sauf dans les cas prévus par le troisième alinéa de l’article 213, s’opposer à ce que la femme exerce une profession séparée».
    • L’alinéa 2 de ce texte précisait que « si l’opposition du mari n’est pas justifiée par l’intérêt du ménage ou de la famille, le Tribunal peut sur la demande de la femme, autoriser celle-ci à passer outre cette opposition».
    • Si, à compter de l’entrée en vigueur de la loi du 13 février 1938 la femme mariée devient libre d’exercer la profession de son choix sans qu’il lui soit nécessaire d’obtenir l’autorisation de son mari, ce dernier conserve néanmoins le droit de contrarier l’exercice de cette liberté.
  • Quatrième étape : la reconnaissance par la loi du 13 juillet 1965 de la liberté professionnelle pleine et entière de la femme mariée
    • C’est la loi du 13 juillet 1965 qui a aboli la dernière restriction à l’indépendance professionnelle de la femme mariée.
    • Désormais, elle est libre d’exercer la profession de son choix sans que son mari ne puisse s’y opposer.
  • Cinquième étape : la reconnaissance par la loi du 23 décembre 1985 aux époux d’un monopole sur les actes nécessaires à l’exercice de leur profession
    • Afin de renforcer l’indépendance professionnelle des époux, le législateur leur a conféré un pouvoir exclusif sur les actes nécessaires à l’exercice de leur activité professionnelle.
    • Cette règle vise à prévenir toute tentative d’ingérence d’un époux qui pourrait venir perturber l’exercice de la profession du conjoint.
    • Ainsi, l’époux, qui exploite un fonds de commerce, une entreprise artisanale ou agricole, est seul investi du pouvoir d’en assurer la gestion courante.
    • Il devra néanmoins obtenir l’accord de son conjoint pour les actes les plus graves et notamment ceux qui visent à aliéner ou grever de droits réels un fonds de commerce, une exploitation dépendant de la communauté ou encore des droits sociaux non négociables.

Au bilan, la volonté du législateur d’instaurer une véritable égalité dans les rapports conjugaux, mouvement qui s’est amorcé dès le début du XXe siècle, l’a conduit à octroyer à la femme mariée une sphère d’autonomie, non seulement s’agissant du choix de sa profession, mais encore pour ce qui concerne la perception et la disposition de ses gains et salaires, ainsi que pour l’accomplissement des actes nécessaires à l’exercice de sa profession.

Cette indépendance professionnelle dont jouissent les époux désormais les époux se traduit, sur le plan de la gestion de l’actif, par l’octroi d’un pouvoir exclusif sur :

  • D’une part, les actes nécessaires à l’exercice d’une profession séparée
  • D’autre part, les actes portant sur les gains et salaires

Nous nous focaliserons ici sur la première catégorie d’actes.

L’article 1421, al. 2e du Code civil prévoit que « l’époux qui exerce une profession séparée a seul le pouvoir d’accomplir les actes d’administration et de disposition nécessaires à celle-ci. »

La règle énoncée ici instaure donc un principe de gestion exclusive pour les actes nécessaires à l’activité professionnelle des époux.

À l’analyse, cette règle peut être envisagée sous deux aspects :

  • Positivement
    • Elle signifie que l’époux qui exerce une activité professionnelle est seul habilité à gérer les biens nécessaires à cette activité
  • Négativement
    • Elle signifie qu’il est fait interdiction aux époux de s’immiscer dans les affaires qui relèvent de l’activité professionnelle de leur conjoint.

Parce que les actes accomplis par un époux dans le cadre de l’exercice de son activité professionnelle sont susceptibles de porter sur des biens communs, la modalité de gestion instituée par l’article 1421, al. 2e du Code civil déroge à la règle.

En effet, les actes qui portent sur des éléments de l’actif commun relèvent, en principe, du domaine de la gestion concurrence.

Les époux devraient, dans ces conditions, être investis de pouvoirs égaux et concurrents sur les biens communs affectés à l’exercice d’une activité professionnelle.

L’application du principe de gestion concurrente conduirait toutefois à admettre qu’un époux puise s’ingérer dans les affaires de son conjoint, ingérence qui serait de nature à porter atteinte à l’indépendance professionnelle des époux.

Pour cette raison, le législateur a conféré aux époux un pouvoir de gestion exclusif pour les actes nécessaires à l’exercice de leur activité professionnelle.

Dans la mesure où il s’agit d’une dérogation portée au principe de gestion concurrence, le domaine de la règle a néanmoins été strictement circonscrit.

Quant à sa sanction, elle est assurée par l’article 1427 du Code civil qui prévoit la nullité des actes accomplis en dépassement des pouvoirs d’un époux.

I) Le domaine de la gestion exclusive

Le pouvoir exclusif dont sont investis les époux au titre de l’article 1421, al. 2e du Code civil tient :

  • D’une part, à l’exercice d’une profession séparée
  • D’autre part, l’accomplissement d’actes nécessaires à l’activité professionnelle

A) L’exercice d’une profession séparée

Pour qu’un époux soit investi du pouvoir exclusif prévu par l’article 1421, al. 1er du Code civil, il doit exercer une profession séparée de son conjoint.

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « profession séparée ».

Cette notion n’est définie par aucun texte, ni par aucune décision jurisprudentielle. C’est donc vers la doctrine qu’il y a lieu de se tourner.

À cet égard, les auteurs observent que l’identification de l’exercice d’une profession séparée ne soulèvera pas de difficulté lorsque :

  • Un seul des époux exerce une activité professionnelle
  • Les époux travaillent dans des entreprises différentes
  • Les époux travaillent dans une même entreprise, mais exercent des fonctions distinctes

À la vérité, la détermination de l’existence d’une séparation des activités professionnelles soulèvera une difficulté lorsque l’un des époux collabore à l’activité professionnelle de son conjoint.

Une assistance ponctuelle et temporaire à l’activité du conjoint suffit-elle à priver l’époux qui collabore du pouvoir de gestion exclusif prévu par l’article 1421, al .2e du Code civil, ou faut-il une collaboration régulière et permanente ?

À partir de quelle intensité dans la collaboration doit-on considérer que les époux n’exercent pas des professions séparées. ?

Pour les auteurs il y a lieu de distinguer selon la nature de la collaboration dont il est question.

Si l’on se réfère à l’article L. 121-4 du Code de commerce, cette disposition prévoit que le conjoint du chef d’une entreprise artisanale, commerciale ou libérale qui y exerce de manière régulière une activité professionnelle opte pour l’un des statuts prévus par la loi que sont :

  • Le statut de conjoint collaborateur
  • Le statut de conjoint salarié
  • Le statut de conjoint associé

L’article 321-5, al. 7e du Code rural énonce sensiblement la même règle pour le conjoint de l’exploitant agricole.

Le premier enseignement qui peut être retiré de ces dispositions, c’est que le choix de l’un de ces trois statuts n’est obligatoire que si la collaboration du conjoint est régulière.

On peut en déduire que lorsque la collaboration est seulement ponctuelle, le conjoint du chef d’entreprise pourra n’endosser aucun statut.

Dans cette hypothèse, il ne sera donc pas privé de la faculté de prouver qu’il exerce une profession séparée au sens de l’article 1421, al. 2e du Code civil.

Au vrai, l’établissement de cette preuve ne soulèvera des difficultés que lorsque le conjoint du chef d’entreprise collabore régulièrement à son activité.

Le second enseignement qui peut être retiré de l’article L. 121-4 du Code de commerce, c’est que, lorsqu’elle est régulière, la collaboration du conjoint se traduira nécessairement par l’adoption, au choix, du statut de coexploitant, de collaborateur ou de salarié.

Ce sont là autant de statuts susceptibles de priver le conjoint du chef d’entreprise de la possibilité de se prévaloir d’un pouvoir exclusif sur les biens communs affectés à l’exercice de son activité professionnelle.

Aussi, convient-il d’envisager chacun de ces statuts pris individuellement.

==> Le statut de conjoint associé

Le conjoint optera pour le statut d’associé lorsqu’il coexploitera l’entreprise commerciale, artisanale ou agricole et plus précisément lorsqu’il détiendra des parts ou actions dans la société, ce qui exige la fourniture d’un apport.

Lorsque cette condition est remplie, les époux sont exploitants. Parce qu’ils sont placés sur un pied d’égalité, l’un et l’autre ne saurait soutenir qu’il exerce une profession séparée.

Tous deux œuvrent dans le même sens : la réalisation de l’objet social de leur entreprise.

==> Le statut de conjoint collaborateur

Il sera opté pour le statut de collaborateur lorsque le conjoint exercera une activité professionnelle régulière dans l’entreprise sans percevoir de rémunération.

Parce que, par hypothèse, il n’est pas associé dans l’entreprise familiale, le conjoint collaborateur n’endosse pas la qualité de coexploitant : il a vocation à exécuter les missions qui lui sont confiées.

Est-ce à dire que ce statut le prive de tous pouvoirs sur les biens communs affectés à l’exploitation de l’entreprise ? Il n’en est rien.

La particularité du conjoint collaborateur est qu’il est investi d’un pouvoir de représentation de son époux quant à la gestion de l’entreprise.

L’article L. 121-6, al. 1er du Code de commerce prévoit en ce sens que « le conjoint collaborateur, lorsqu’il est mentionné au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers ou au registre des entreprises tenu par les chambres de métiers d’Alsace et de Moselle est réputé avoir reçu du chef d’entreprise le mandat d’accomplir au nom de ce dernier les actes d’administration concernant les besoins de l’entreprise. »

Est ainsi instituée une présomption légale de pouvoir qui, à l’égard des tiers, autorise le conjoint collaborateur à accomplir les actes de gestion courante de l’entreprise.

Une présomption de pouvoirs est instituée sensiblement dans les mêmes termes par l’article L. 321-1, al. 2e du Code rural à la faveur du conjoint collaborateur de l’exploitant agricole.

Ces présomptions de pouvoirs ont pour effet de réputer les actes d’administration accomplis par le conjoint collaborateur comme ayant été conclus par le chef d’entreprise lui-même.

Aussi, se concilient-elles mal avec le pouvoir de gestion exclusive dont est investi l’époux qui exerce une profession séparée.

Celui-ci ne peut pas agir exclusivement en son propre nom et tout à la fois agir exclusivement au nom du chef d’entreprise. Il y a là des pouvoirs qui sont incompatibles.

C’est la raison pour laquelle le statut de collaborateur est exclusif de l’exercice d’une profession séparée.

Le conjoint collaborateur est, dans ces conditions, insusceptible de se prévaloir d’un pouvoir de gestion exclusif sur les biens communs affectés à l’entreprise au sein de laquelle il collabore à titre régulier.

À l’opposé l’époux qui endosse la qualité de chef d’entreprise pourra se prévaloir d’un tel pouvoir, cette qualité le plaçant dans une situation où il exerce bien une profession séparée de celle de son conjoint.

==> Le statut de conjoint salarié

L’article L. 121-4, I du Code de commerce prévoit que le conjoint du chef d’une entreprise artisanale ou commerciale peut opter pour le statut de salarié, lequel offre incontestablement la protection sociale la plus étendue.

Il peut être observé que ce statut n’a été envisagé par loi qu’à compter de l’entrée en vigueur de la loi du 10 juillet 1982.

Sous l’empire du droit antérieur, la licéité de la conclusion d’un contrat de travail entre époux n’avait été admise que par la jurisprudence (V. en ce sens Cass. civ. 8 nov. 1937). L’intervention du législateur en 1982 a, sans aucun doute, permis de clarifier les choses.

Quoi qu’il en soit, le conjoint du chef d’entreprise peut désormais librement opter pour le statut de salarié.

Dans cette hypothèse, il est admis que le conjoint est fondé à se prévaloir de l’exercice d’une profession séparée.

Lui endosse la qualité de salarié, tandis que son époux exerce la fonction de chef d’entreprise.

Aussi, l’article 1421, al. 2e du Code civil peut parfaitement trouver à s’appliquer

II) Des actes nécessaires à l’exercice d’une activité professionnelle

Un époux ne peut se prévaloir d’un pouvoir de gestion exclusif sur les biens communs affectés à son activité professionnelle que s’il démontre que les actes accomplis sont nécessaires à l’exercice de cette activité.

Toute la question est alors de savoir ce que l’on doit entendre par « nécessaire ». L’article 1421, al. 2e ne définit pas la notion, ni ne fournit des critères d’appréciation.

Pour les auteurs, de façon générale « on vise par là tous les actes de gestion patrimoniale qu’implique un exercice normal de la profession : ventes ou achats de marchandises, contrats de location (d’un local par exemple), d’entreprise, d’assurance, location-gérance d’un fonds de commerce, cession de tel élément du fonds etc. »[1].

Reste que cette description ne fait que dégrossir la notion de nécessité. Elle ne permet pas d’en cerner les contours avec précision.

Faute d’indications dans les textes, il y a lieu de se reporter à la doctrine qui propose deux approches :

  • Première approche
    • Elle consiste à appréhender le critère de nécessité en recourant à la notion de bien affecté.
    • Autrement dit, il s’agirait de vérifier si un bien est affecté à l’exercice de la profession séparée de l’époux
    • Dans l’affirmative, le critère de nécessité serait rempli et, par voie de conséquence, l’époux fondé à exercer un pouvoir exclusif sur le bien affecté à son activité.
    • Le domaine de la gestion exclusive serait ainsi directement lié à la notion d’affectation.
    • Bien que séduisante, cette approche n’en a pas moins fait l’objet de critiques.
    • Les auteurs ont notamment fait remarquer qu’elle conduirait à créer une nouvelle catégorie de biens : les biens professionnels.
    • Or cela reviendrait à briser l’unité de la masse commune, alors même que sur le plan du passif, il n’existe aucune catégorie de dettes qui seraient exécutoires sur les seuls biens professionnels.
    • Dès lors qu’une dette est souscrite du chef d’un époux, elle peut être poursuivie sur l’ensemble des biens communs, quand bien même elle a été contractée à des fins professionnelles.
    • Aussi, cette approche du critère de nécessité doit, selon nous, être écartée.
  • Seconde approche
    • Elle consiste à se focaliser, non pas sur les biens affectés à l’activité professionnelle d’un époux, mais sur les actes accomplis dans le cadre de cette activité.
    • Plus précisément, il s’agit de déterminer quels sont les actes qui répondent au critère de nécessité.
    • Par la formule « actes nécessaires », d’aucuns plaident pour une interprétation extensive de la notion.
    • Aussi, conviendrait-il d’inclure dans son périmètre les actes utiles à l’exercice de la profession afin de ne pas limiter le domaine de la gestion exclusive aux seuls actes indispensables.
    • L’esprit du texte n’est pas, en effet, d’ériger en exception l’exercice par un époux d’un pouvoir de gestion exclusif sur les biens affectés à son activité professionnelle.
    • Ce pouvoir lui est conféré afin qu’il soit en capacité d’assurer, seul, la gestion normale de son activité, ce qui implique que les actes de gestion courante doivent être compris dans l’exclusivité envisagée par le législateur comme une garantie à l’indépendance professionnelle des époux.
    • Reste que pour les actes les plus graves et notamment les actes visant à aliéner ou grever de droits réels les immeubles, fonds de commerce et exploitations dépendant de la communauté, conformément à l’article 1424, al.1er du Code civil, le principe de gestion exclusive cède sous l’application du principe de la cogestion.

Au bilan, il y a lieu, selon nous, de retenir la seconde approche afin de délimiter le domaine de la gestion exclusive.

Les époux sont investis d’un pouvoir exclusif pour tous les actes d’administration et de disposition dont l’accomplissement est nécessaire à la gestion normale de leur activité professionnelle.