Régime légal: la présomption de communauté ou d’acquêts (art. 1402 C. civ.)

==> Fonction de la présomption de communauté

Sous le régime légal, les biens communs ne sont pas seulement déterminés par la loi ou par le contrat de mariage que les époux auraient conclu.

La masse commune s’enrichit également de tous les biens qui relèvent du domaine de ce que l’on appelle la présomption d’acquêts ou de communauté.

Cette présomption est énoncée à l’article 1402 du Code civil qui prévoit que « tout bien, meuble ou immeuble, est réputé acquêt de communauté si l’on ne prouve qu’il est propre à l’un des époux par application d’une disposition de la loi. »

Il ressort de cette disposition que dès lors qu’une incertitude sur la propriété d’un bien existe, ce bien est réputé appartenir à la communauté.

Plus précisément, la présomption de communauté fait peser la charge de la preuve sur l’époux qui se prévaut de la propriété d’un bien.

Faute d’être en mesure de rapporter cette preuve, le bien est réputé commun.

À cet égard, la présomption de communauté ne règle pas seulement la charge de la preuve, elle organise également les modes d’établissement de la preuve ; ils sont visés au second alinéa de l’article 1402 du Code civil.

Au fond, comme souligné par Gérard Cornu, la présomption d’acquêts constitue une sorte de « facteur résiduel d’accroissement de la communauté au bénéfice du doute ».

La règle ainsi instituée n’est pas neutre : elle vise à renforcer, sinon amplifier, le pouvoir d’attraction de la masse commune sur les biens qui pénètrent la sphère patrimoniale du couple marié.

D’aucuns avancent qu’elle témoigne « du souci du législateur de souligner, au moyen de la préférence ainsi marquée, le caractère communautaire du régime légal »[1].

On peut également lire sous la plume d’André Coloner que « du point de vue de la gestion comme du point de vue de la propriété, la présomption de communauté est de nature à œuvrer dans le sens d’un renforcement de l’association conjugale »[2].

==> Nature de la présomption de communauté

Certains auteurs ont pu soutenir que la présomption d’acquêts ne serait pas seulement une règle de preuve, mais s’apparenterait également en une règle de fond[3].

Cette thèse a pour point de départ un constat : s’il est des biens dont la qualification est déterminée par la loi ou par le contrat de mariage, il est des cas où un bien est susceptible de se situer sur la frontière qui délimite la masse commune des masses propres.

En cas d’impossibilité de déterminer à quelle masse appartient un bien soulevant une difficulté de qualification, il y aurait lieu de faire jouer la présomption de communauté.

Dans cette configuration, elle se transformerait alors en règle de fond puisque attribuant, par défaut, la propriété du bien à la communauté quand bien même il serait établi que ce bien a été acquis, à titre personnel, par l’un ou l’autre époux.

Bien que séduisante, cette thèse doit être réfutée. L’article 1402 du Code civil se limite à présumer le caractère commun d’un bien dont l’origine est incertaine. Tout au plus, il organise les modes de preuve mis à la disposition de l’époux sur lequel pèse la charge de la preuve.

En aucune manière ce texte n’édicte des critères de répartition des biens entre la masse commune et les masses de propres.

Ainsi que le souligne Gérard Champenois, « la présomption de communauté ne saurait […] être autre chose qu’une présomption d’origine »[4].

Aussi, elle n’a pas vocation à combler les vides laissés par les textes ou le contrat de mariage qui déterminent la qualification de tel ou tel bien.

La présomption de communauté n’en joue pas moins un rôle central dans le régime légal et plus généralement dans les régimes communautaires.

Bien qu’elle ne soit qu’une règle de preuve, son incidence sur la répartition des biens entre les différentes masses est forte, ce serait-ce que parce que son domaine d’application est général et que ses effets opèrent tant dans les rapports entre époux que dans les rapports avec les tiers.

I) Le domaine de la présomption de communauté

==> Principe

Le rôle – central – joué par la présomption de communauté tient essentiellement à son domaine d’application : général.

Cette présomption joue pour tous les biens, sans distinction. Elle s’applique, tant aux meubles, qu’aux immeubles ainsi que le prévoit expressément l’article 1402 du Code civil.

  • S’agissant des immeubles
    • La présomption d’acquêts ne sera mobilisée que dans des hypothèses très exceptionnelles
    • L’acquisition d’un immeuble suppose, en effet, la régularisation d’un acte notarié.
    • Aussi, l’époux qui se prévaut de la propriété d’un immeuble n’éprouvera aucune difficulté à rapporter la preuve qu’il lui appartient en propre.
  • S’agissant des meubles
    • Leur acquisition n’est soumise à l’accomplissement d’aucune formalité de publicité, à tout le moins pour ceux qui ne sont pas immatriculés.
    • Dans ces conditions, la présomption de communauté d’acquêts produira ses effets, sans qu’il soit besoin de démontrer que le bien a été acquis avec des deniers communs.
    • La seule présence du bien dans le patrimoine des époux suffit à faire jouer la présomption de communauté.

==> Cas particulier des fonds déposés sur un compte personnel

Bien que la présomption d’acquêt soit d’application générale, elle est susceptible de se heurter, lorsque le bien disputé consiste en des deniers déposés sur le compte personnel d’un époux, à la présomption de pouvoir énoncée à l’article 221, al. 1er du Code civil qui prévoit que « à l’égard du dépositaire, le déposant est toujours réputé, même après la dissolution du mariage, avoir la libre disposition des fonds et des titres en dépôt. »

Cette précision vise à garantir une autonomie des plus larges aux époux, et plus encore à rappeler que, en matière bancaire, la femme mariée est désormais libérée de la tutelle de son mari.

Parce qu’elle relève du régime primaire, il s’agit là d’une règle d’ordre public à laquelle il ne peut pas être dérogé par convention contraire.

Pratiquement, elle implique que la responsabilité du banquier ne saurait être recherchée au motif qu’il n’aurait pas exigé de l’époux déposant des justifications quant à la réalisation d’opérations sur son compte.

En pareille hypothèse, ainsi qu’il l’a été rappelé par la Cour de cassation dans un arrêt du 9 juillet 2008, il appartient à celui qui revendique la propriété des fonds de rapporter la preuve de leur caractère propre (Cass. 1ère civ. 9 juill. 2008, n°07-16.545).

À cet égard, la première chambre civile a pris le soin de préciser, dans cette décision, s’agissant d’époux sont mariés sous un régime de communauté, que « les deniers déposés sur le compte bancaire d’un époux sont présumés, dans les rapports entre conjoints, être des acquêts ».

Il en résulte que la nature de propre des fonds versés sur le compte d’un époux ne peut se déduire du seul fait qu’ils proviennent de son compte personnel.

La présomption de pouvoir énoncée par l’article 221 du Code civil, cède sous l’effet de la présomption de communauté qui produit ses effets, nonobstant le pouvoir de gestion exclusive dont sont investis les époux sur les fonds déposés sur leurs comptes personnels.

II) Les effets de la présomption de communauté

A) Les effets de la présomption de communauté dans les rapports entre époux

En application de l’article 1402 du Code civil, la présomption de communauté a pour effet de faire peser la charge de la preuve sur l’époux qui se prévaut de la propriété d’un bien en propre.

Faute de rapporter cette preuve, le bien « est réputé acquêt de communauté », de sorte que lors de dissolution du mariage, il sera partagé par moitié entre les époux.

À cet égard, c’est surtout au moment de la liquidation de la communauté que présomption d’acquêts produira ses effets, période au cours de laquelle les époux procéderont aux opérations de reprise de leurs biens propres.

Tous les biens pour laquelle il existera un doute quant à l’origine seront intégrés d’office dans la masse partageable.

Pour les y soustraire, il appartiendra à l’époux revendiquant de rapporter la preuve que tel ou tel bien réputé commun lui appartient en propre.

La présomption de communauté n’aura pas seulement vocation à jouer au moment de la dissolution du mariage. Elle pourra également produire ses effets au cours de l’union matrimoniale.

À ce stade, l’enjeu sera toutefois moins de déterminer à qui appartient le bien, que de trancher un conflit quant au pouvoir de gestion qui s’exerce sur ce bien.

En effet, les biens communs font l’objet d’une gestion concurrente, voire dans certains cas, d’une gestion conjointe. Or les biens propres relèvent toujours de la gestion exclusive de l’époux propriétaire, exception faite du logement familial et des meubles le garnissant (Art. 215, al. 3e C civ.).

Dans ces conditions, selon que le bien est propre ou commun, le pouvoir de l’époux qui se prévaut de la propriété, en propre d’un bien, est susceptible d’être :

  • Soit dans le meilleur des cas, concurrencé par le pouvoir de son conjoint
  • Soit dans le pire des cas, neutralisé lorsque l’opération relève de la cogestion

Pour sortir de l’une ou l’autre situation, il appartiendra donc à l’époux qui prétend que le bien disputé lui appartient en propre d’en rapporter la preuve.

B) Les effets de la présomption de communauté dans les rapports avec les tiers

Bien que la présomption de communauté n’ait vocation à trancher qu’une question de propriété d’un bien que se disputent les époux et plus précisément à déterminer si ce bien tombe ou non en communauté, elle n’en produit pas moins des effets à l’égard des tiers.

Dans cette hypothèse, il ne s’agira donc pas de vérifier le bien-fondé d’une action en revendication exercée par le tiers, mais plutôt de déterminer si la dette dont il se prévaut est exécutoire sur le bien litigieux.

En effet, selon qu’un bien est propre ou commun, le périmètre du gage des créanciers s’en trouve plus ou moins étendue.

Lorsque, en effet, un époux contracte seul une dette auprès d’un tiers, conformément à l’article 1413 du Code civil, il engage, par principe, tous les biens communs à l’exclusion des biens propres et des gains et salaires de son conjoint.

Aussi, en application de la présomption de communauté, pour faire échec au droit de gage des créanciers agissant au titre d’une dette commune, le conjoint de l’époux débiteur devra établir que les biens poursuivis lui appartiennent en propre.

Là ne se limite pas le rôle de la présomption d’acquêt dans les rapports avec les tiers, elle aura également vocation à jouer lorsqu’un époux aura accompli un acte au mépris d’une règle de cogestion.

Il est, en effet, certains cas où l’accomplissement d’un acte portant sur un bien commun requiert l’accord des deux époux.

Tel est le cas des donations de biens communs ou encore l’aliénation ou la constitution de droits réels portant sur des immeubles, fonds de commerce et d’exploitations dépendant de la communauté.

En cas de violation de la règle de cogestion, l’acte accompli irrégulièrement encourt la nullité.

Seule solution pour le tiers qui cherche à déjouer cette nullité : neutraliser la présomption de communauté en démontrant que le bien sur lequel porte l’acte contesté appartient en propre à l’époux avec lequel il a contracté.

III) La force de la présomption de communauté

La présomption de communauté instituée à l’article 1402 du Code civil est une présomption simple. Il en résulte qu’elle souffre de la preuve contraire.

Aussi, appartient-il à l’époux qui se prévaut de la propriété d’un bien à titre exclusif de rapporter cette preuve.

Pour ce faire, il devra se conformer aux règles prescrites au second alinéa de l’article 1402 qui :

  • Pour certains cas, dispense de rapporter la preuve du caractère propre d’un bien
  • Pour d’autres cas, énonce les modes de preuve admis lorsque la preuve est exigée

A) La dispense de preuve

En application de l’article 1402, al. 2e du Code civil, il est deux cas où un époux peut se prévaloir d’une dispense de rapporter la preuve du caractère propre d’un bien :

  • La présence d’une preuve ou d’une marque de l’origine sur le bien
  • L’absence de contestation

==> La présence d’une preuve ou d’une marque de l’origine

Il ressort d’une lecture a contrario de l’article 1402, al. 2e du Code civil que lorsqu’un bien porte en lui-même la preuve ou la marque de son origine, l’époux qui prétend que ce bien lui appartient en propre est dispensé d’en rapporter la preuve.

La marque qui figure sur le bien suffit à prouver son caractère personnel. Tel est le cas d’un bien sur lequel seraient inscrites des armoiries ou des initiales ou sur lequel figurerait une dédicace personnalisée.

Qu’en est-il des biens qui forment des propres par nature au sens de l’article 1404 du Code civil ?

Pour mémoire, cette disposition prévoit que « forment des propres par leur nature, quand même ils auraient été acquis pendant le mariage, les vêtements et linges à l’usage personnel de l’un des époux, les actions en réparation d’un dommage corporel ou moral, les créances et pensions incessibles, et, plus généralement, tous les biens qui ont un caractère personnel et tous les droits exclusivement attachés à la personne ».

La doctrine est divisée sur le sujet. Certains auteurs avancent qu’il y aurait lieu d’étendre la dispense énoncée à l’article 1402 du Code civil aux biens par nature dans la mesure où « qu’elles qu’aient été les conditions de leur acquisition, [ils] ne peuvent qu’être propres »[5]. L’autre argument est de dire que cette solution était admise sous l’empire du droit antérieur et que rien n’indique qu’elle a été remise en cause.

D’autres auteurs soutiennent néanmoins en sens contraire que les biens par nature se caractérisent par le seul lien étroit qu’ils entretiennent avec un époux.

Or l’article 1402, al. 2e du Code civil subordonne la dispense de preuve à la présence d’une marque sur le bien, ce qui donc exclurait les biens par nature du domaine de la dispense[6].

Pour ce qui nous concerne, nous nous rangeons à cette seconde analyse, plus conforme à la lettre du texte.

==> L’absence de contestation

L’article 1402, al. 2e du Code civil prévoit qu’il n’est pas besoin de rapporter la preuve de la propriété personnelle d’un bien lorsqu’elle n’est pas contestée.

Si cette précision relève de l’évidence, dans la mesure où en droit commun, ne doivent être prouvés que les faits contestés ou contestables, elle présente néanmoins un réel intérêt en cas de liquidation amiable de la communauté.

Lorsque le notaire procédera aux opérations de liquidation il ne pourra pas, en effet, exiger des époux qu’ils rapportent la preuve du caractère propre d’un bien pour l’exclure de l’actif commun dès lors que la propriété de ce bien ne fait l’objet d’aucune contestation.

B) L’exigence de preuve

Lorsque la preuve du caractère propre d’un bien est exigée, faute pour l’époux revendiquant de justifier d’un cas de dispense, l’article 1402, al. 2e du Code civil pose le principe de la preuve par écrit. À titre exceptionnel, la preuve peut être rapportée par tous moyens.

1. Principe : l’exigence d’un écrit

L’article 1402, al. 2e du Code civil dispose que « si le bien est de ceux qui ne portent pas en eux-mêmes preuve ou marque de leur origine, la propriété personnelle de l’époux, si elle est contestée, devra être établie par écrit ».

Pour prouver le caractère propre d’un bien, c’est donc un écrit qui devra être produit. De quel écrit s’agit-il ?

Le texte précise que deux sortes d’écrits sont admises :

  • Les preuves préconstituées
    • Il s’agit ici des inventaires, des actes d’emploi ou de remploi, les actes constatant une libéralité ou encore l’acquisition d’un bien avant la célébration du mariage.
  • Les écrits de toutes natures
    • L’article 1402, al. 2e prévoit que faute de preuve préconstituée, le juge pourra prendre en considération tous écrits, notamment titres de famille, registres et papiers domestiques, ainsi que documents de banque et factures.

À l’analyse, il ressort de l’article 1402 qu’il n’est nullement nécessaire de produire, comme exigé en droit commun de la preuve, un acte authentique ou un acte sous seing privé, pour établir le caractère propre d’un bien.

Les exigences posées par ce texte sont bien moindres que celles énoncées à l’article 1359 du Code civil.

Pour exemple, tandis que le commencement de preuve par écrit ne peut, en droit commun, émaner que de celui à qui on l’oppose, l’article 1402 admet qu’il puisse avoir été établi par l’époux qui s’en prévaut.

2. Exception : la preuve par tous moyens

L’exigence d’écrit posée par l’article 1402, al. 2e du Code civil souffre d’une exception. Le texte précise que, faute d’écrit, le juge « pourra même admettre la preuve par témoignage ou présomption, s’il constate qu’un époux a été dans l’impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit. »

Dans cette hypothèse, la preuve du caractère propre du bien disputé pourra être rapportée par tous moyens.

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par la formule « impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit ». Quelles sont les situations visées par cette formule ?

Tout d’abord, il peut être observé qu’elle fait directement écho à la règle énoncée à l’article 1360 du Code civil qui prévoit que, pour la preuve des actes juridiques, l’exigence d’écrit reçoit exception « en cas d’impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit, s’il est d’usage de ne pas établir un écrit, ou lorsque l’écrit a été perdu par force majeure. »

Ensuite, s’agissant de l’impossibilité matérielle ou morale pour un époux de se procurer un écrit elle correspond à deux situations qu’il convient de distinguer :

  • L’impossibilité matérielle de se procurer un écrit
    • Cette situation se rencontre lorsque l’opération juridique a été accomplie dans des circonstances exceptionnelles qui empêchaient qu’un écrit soit régularisé.
    • L’ancien article 1348 du Code civil donnait des exemples, tels que « les dépôts faits en cas d’incendie, tumulte ou naufrage» ou encore « les obligations contractées en cas d’accidents imprévus, où l’on ne pourrait pas avoir fait des actes par écrit »
    • L’idée qui préside à cette exception est que lorsque, en raison des circonstances particulières, l’acte juridique n’a pas pu être régularisé dans les formes requises, il y a lieu de dispenser les parties d’écrit et de les autoriser à rapporter la preuve par tout moyen
  • L’impossibilité morale de se procurer un écrit
    • Cette situation se rencontre lorsque l’impossibilité de régulariser un écrit tient soit aux usages, soit aux relations particulières entretenues entre les parties.
    • Il est, en effet, peu courant de rédiger un contrat entre époux, entre parents et enfants ou encore entre concubins.
    • Aussi, parce que certaines relations font obstacle à l’établissement d’un écrit, le législateur autorise que la preuve puisse être rapportée par écrit.

Enfin, pour faire jouer l’exception tenant à l’impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit, l’époux revendiquant devra, au préalable, établir cette impossibilité. Parce qu’il s’agit d’un fait juridique, la preuve est libre.

Ce n’est que s’il y parvient que le juge pourra admettre que le caractère propre du bien dont l’époux revendique la propriété puisse être prouvé par témoignage ou par présomption.

S’agissant des tiers, la question s’est posée en doctrine de savoir s’ils pouvaient se prévaloir de l’exception tenant à l’impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit.

Si l’on s’en tient à une lecture littérale de l’article 1402, al. 2e in fine du Code civil, une réponse négative semble devoir être apportée à cette question.

Le texte prévoit en effet, que la preuve est libre que si le juge « constate qu’un époux a été dans l’impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit ». Il n’est pas fait ici mention des tiers.

Reste que, à l’analyse, les tiers ne seront que très rarement en capacité de se procurer un écrit.

Surtout, conformément au droit commun, si la preuve par écrit peut être imposée aux parties d’un acte, elle ne peut jamais l’être aux tiers.

Par hypothèse, ils sont, en effet, dans l’impossibilité de se constituer un écrit puisque étrangers à l’opération.

Dans ces conditions, les tiers seront toujours autorisés à rapporter le caractère propre d’un bien par tous moyens.

[1] F. Terré et Ph. Simler, Droit civil – Les régimes matrimoniaux, éd. Dalloz, 2011, n°302, p. 238.

[2] A. Coloner, Droit civil – Régimes matrimoniaux, éd. Litec, 2004, n°407, p.198.

[3] G. Ripert et J. Boulanger, Traité élémentaire de droit civil, t. IV, n° 261

[4] J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, éd. Armand Colin, 2001, n°328, p.321.

[5] A. Coloner, Droit civil – Les régimes matrimoniaux, éd. Litec, 2004, n°414, p. 200

[6] F. Terré et Ph. Simler, Droit civil – les régimes matrimoniaux, éd. Dalloz, 2011, n°374, p. 295.

Sociétés civiles et commerciales: tableau comparatif sur le régime des droits sociaux (Conditions de cession, procédure d’agrément, émission de titres etc.)

Nature de la sociétéSociétés de personnesSociété mixteSociétés de capitaux
Forme socialeSociétés civilesSNCSCSSARL/EURLSASCASAS/SASU
Typologie de droits sociauxParts socialesActions
Conditions de la cession des titres sociaux> Principe

• Le consentement de tous les associés est requis

> Exception

Les statuts peuvent:

• Soit prévoir que l'agrément sera obtenu à une majorité qu'ils déterminent
• Soit prévoir que l'agrément sera accordé par les gérants
• Soit dispenser d'agrément les cessions consenties à des associés ou au conjoint de l'un d'eux.

> Ne sont pas soumises à agrément les cessions consenties à des ascendants ou descendants du cédant, sauf clause contraire des statuts
• Le consentement de tous les associés est impérativement requis

• Toute clause contraire est réputée non écrite

• Conclusion d'une convention de croupier admise pour atténuer les effets de l'interdiction (partage des bénéfices et des pertes avec un tiers)
> Principe

• Le consentement de tous les associés est requis

> Exception

Les statuts peuvent stipuler :

• Que les parts des associés commanditaires sont librement cessibles entre associés
• Que les parts des associés commanditaires peuvent être cédées à des tiers étrangers à la société avec le consentement de tous les commandités et de la majorité en nombre et en capital des commanditaires
• Qu'un associé commandité peut céder une partie de ses parts à un commanditaire ou à un tiers étranger à la société avec le consentement de tous les commandités et de la majorité en nombre et en capital des commanditaires
> La cession de parts à un tiers étranger à la société

• Le consentement de la majorité des associés représentant au moins la moitié des parts sociales est requis,
• Les statuts peuvent prévoir une majorité plus forte.

> La cession de parts à un associé de la société

• Les parts sont librement cessibles entre les associés.
• Les statuts peuvent contenir une clause limitant la cessibilité des parts
• Dans cette hypothèse, ce sont les règles relatives à la cession à des tiers qui s'appliqueront
• Toutefois, les statuts peuvent réduire la majorité ou abréger les délais prévus

> La cession de parts entre conjoints, ascendants ou descendants

• Les parts sociales sont librement cessibles entre conjoints et entre ascendants et descendants.

• Les statuts peuvent stipuler que le conjoint, un héritier, un ascendant ou un descendant ne peut devenir associé qu'après avoir été agréé selon les règles applicables à la cession à des tiers

• A peine de nullité de la clause, les délais accordés à la société pour statuer sur l'agrément ne peuvent être plus longs que ceux prévus pour la cession à des tiers, et la majorité exigée ne peut être plus forte.
> Les SA/SCA non côtée

• Les actions peuvent être librement cédées à des tiers ou entre associés
• Les statuts peuvent stipuler des clauses d'agrément pour les cessions à des tiers ou entre associés

> Les SA/SCA côtées

• Les actions peuvent être librement cédées à des tiers ou entre associés
• La stipulation de clauses d'agrément est prohibée
> Principe

• Les actions peuvent être librement cédées à des tiers ou entre associés

> Exception

Les statuts peuvent stipuler:

• Une clause d'agrément pour les cessions à des tiers ou entre associés
• Une clause d'inaliénabilité pour une durée n'excédant pas dix ans
• Une clause d'exclusion aux termes de laquelle un associé peut être contraint de céder ses actions
Procédure d'agrémentNotification du projet de cession• L'agrément ne peut être octroyé qu'à l'unanimité des associés

• L'agrément doit nécessairement être exprès et ne peut donc pas se déduire de l'absence de réaction des associés consécutivement à la signification du projet de cession à la société

• En cas de refus d'agrémement, aucune obligation de rachat des parts ne pèse sur la société et les associés
• L'agrément ne peut être octroyé qu'à l'unanimité des associés ou selon les aménagements prévus par les statuts

• L'agrément doit nécessairement être exprès et ne peut donc pas se déduire de l'absence de réaction des associés consécutivement à la signification du projet de cession à la société

• En cas de refus d'agrémement, aucune obligation de rachat des parts ne pèse sur la société et les associés
Notification du projet de cession• En cas de stipulation d'une clause d'agrément dans les statuts, la procédure applicable est celle prévue par ces mêmes statuts.
• Notification du projet de cession à la société et à tous les associés par acte d'huissier ou LRAR

• Le projet de cession n'est notifié qu'à la société lorsque les statuts prévoit que l'agrément est accordé par les seuls gérants
• Le projet de cession est notifié à la société et à chacun des associés par acte d'huissier ou par LRAR
Délai de prise de décisionConvocation des associés
• La société dispose d'un délai de 6 mois pour approuver ou refuser le projet de cession.

• Ce délai peut être augmenté par les statuts sans excéder 1 an.
• Dans le délai de huit jours à compter de la notification qui lui a été faite, le gérant convoque l'assemblée des associés pour qu'elle délibère sur le projet de cession des parts sociales ou, si les statuts le permettent, consulte les associés par écrit sur ce projet.
Approbation du projet de cessionDécision de la société
• L'approbation du projet de cession doit être notifiée par LRAR dans le délai de 6 mois ou du délai fixé par les statuts, l'agrément est réputé acquis

• Faute de réponse apporté dans le délai de 6 mois ou du délai fixé par les statuts, l'agrément est réputé acquis
L'agrément est octroyé à l'associé cédant:

• Soit si la société n'a pas fait connaître sa décision dans le délai de trois mois à compter de la dernière des notifications faites aux associés
• Soit en cas d'obtention du consentement de la majorité des associés représentant au moins la moitié des parts sociales
Refus d'agrémentNotification de la décision
• Le refus d'agrément doit être notifiée par LRAR dans le délai de 6 mois ou du délai fixé par les statuts

• Lorsque les statuts prévoient que l'agrément des projets de cession de parts peut être accordé par le gérant, ce dernier, préalablement au refus d'agrément du cessionnaire proposé, doit, par lettre recommandée, aviser les associés de la cession projetée et leur rappeler les dispositions des articles 1862 et 1863 du code civil et, s'il y a lieu, les clauses statutaires aménageant ou complétant ces articles.

• L'avis de notification doit être adressé aux associés dans un délai qui ne peut excéder le tiers de celui prévu par les statuts conformément à l'article 1864 du code civil ou deux mois dans le silence des statuts.
• La décision de la société est notifiée au cédant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception
Obligation de rachat des partsObligations de rachat des parts
• En cas de refus d'agrément les associés et, le cas échéant, la société ont l'obligation de racheter les parts de l'associé cédant.

• Lorsque plusieurs associés expriment leur volonté d'acquérir, ils sont, sauf clause ou convention contraire, réputés acquéreurs à proportion du nombre de parts qu'ils détenaient antérieurement.

• Si aucun associé ne se porte acquéreur, la société peut faire acquérir les parts par un tiers désigné à l'unanimité des autres associés ou suivant les modalités prévues par les statuts. La société peut également procéder au rachat des parts en vue de leur annulation.

• Le nom du ou des acquéreurs proposés, associés ou tiers, ou l'offre de rachat par la société, ainsi que le prix offert sont notifiés au cédant.

• En cas de contestation, sur le prix, celui-ci est fixé conformément aux dispositions de l'article 1843-4, le tout sans préjudice du droit du cédant de conserver ses parts.

• Si aucune offre d'achat n'est faite au cédant dans un délai de six mois à compter de la dernière des notifications prévues au troisième alinéa de l'article 1861, l'agrément à la cession est réputé acquis, à moins que les autres associés ne décident, dans le même délai, la dissolution anticipée de la société.

• Dans ce dernier cas, le cédant peut rendre caduque cette décision en faisant connaître qu'il renonce à la cession dans le délai d'un mois à compter de ladite décision
• En cas de refus d'agrément, pèse sur les associés et la société une obligation de rachat des parts de l'associé cédant.

• Ce rachat forcé n'est possible que si l'associé cédant détient ses parts depuis au moins deux ans, sauf en cas de succession, de liquidation de communauté de biens entre époux, ou de donation au profit d'un conjoint, ascendant ou descendant

Lorsque les conditions sont réunies, le rachat peut être opéré:

• Soit par les associés qui sont tenus, dans le délai de trois mois à compter de ce refus, d'acquérir ou de faire acquérir les parts à un prix fixé dans les conditions prévues à l'article 1843-4 du code civil
• Soit par la société qui peut avec le consentement de l'associé cédant, décider, dans le délai de 3 mois à compter du refus d'agrément, de réduire son capital du montant de la valeur nominale des parts de cet associé et de racheter ces parts au prix déterminé dans les conditions prévues à l'article 1843-4 du code civil

• Si, à l'expiration du délai de trois mois, ni les associés, ni la société ne se sont portés acquereurs des parts de l'associé cédant, celui-ci peut réaliser la cession initialement prévue
Formalisme de la cession de titres sociaux> Forme

• Exigence de formalisation d'un écrit

> Opposabilité à la société

• Soit notification de la cession à la société par acte d'huissier
• Soit acceptation de la cession par la société par acte authentique

> Opposabilité aux tiers

• La publicité de la cession de parts est accomplie par dépôt, en annexe au registre du commerce et des sociétés, de l'original de l'acte de cession s'il est sous seing privé ou d'une copie authentique de celui-ci s'il est notarié.
• Il est admis que la publication des statuts constatant la cession la rend opposable aux tiers
> Forme

• Exigence de formalisation d'un écrit

> Opposabilité à la société

• Soit notification de la cession à la société par acte d'huissier
• Soit acceptation de la cession par la société par acte authentique
• Toutefois, la signification peut être remplacée par le dépôt d'un original de l'acte de cession au siège social contre remise par le gérant d'une attestation de ce dépôt.

> Opposabilité aux tiers

• Publication des statuts modifiés au registre du commerce et des sociétés
• Ce dépôt peut être effectué par voie électronique.
• Absence d'exigence d'écrit sauf clause contraire des statuts

• La cession des actions s'opère par virement de compte à compte

• Signification de la cession d'actions à la société aux fins d'inscription en compte et d'actualisation du registre des mouvements
Emission de titres opérant un traitement différencié des associésInterditL'émission d'actions de préférence permer d'aménager:

==> Le droit aux dividendes

> Augmentation du droit au bénéfice

• Soit, octroi d’un droit à un dividende supérieur à celui accordé à l’action ordinaire
• Soit octroi d’un droit à un dividende préciputaire, soit qui permet à son titulaire d’être payé avant les porteurs d’actions ordinaires

> Instauration d’un dividende cumulatif

• Si les bénéfices de l’exercice écoulé ne sont pas suffisants un prélèvement sera effectué par priorité sur les bénéfices ultérieurs

> Avantage octroyé au moment de la liquidation

• Le montant nominal des actions de préférence est remboursé avant celui des actions ordinaires
• Il peut encore être prévu que les actions de préférence ont une part supérieure dans le boni de liquidation

==> Le droit de vote

• Les actions de préférence peuvent être émises avec ou sans droit de vote

• Lorsqu’elles ne sont pas assorties d’un droit de vote, elles ne peuvent pas représenter plus de la moitié du capital social (pour les sociétés non cotées et donc les SAS).

• En dehors de cette contrainte, le droit de vote peut être aménagé pour un délai déterminé ou être suspendu pour une durée déterminable
Emission d'obligationsInterditL'émission d'obligation (faculté très limitée pour les SARL) confère au porteur des droits financiers et, dans une certaine mesure, politiques.

> Droits financiers

Les obligations qui confèrent au porteur un droit de créance au porteur contre la société émettrice à hauteur de leur montant nominal.

> Droits politiques

• Exercice de droits politiques limités via un représentant de la masse des obligations.
• Accès aux assemblées générales sans droit de vote
• Droit d’accès aux documents sociaux dans les mêmes conditions que les actionnaires
• Droit d’être consultés pour certaines opérations de nature à affecter leurs droits (modification de l’objet social, de la forme de la société, émission d’obligations nouvelles ou encore projet de fusion ou scission.