Traitement des situations de crise traversées par le couple marié: les mesures de sauvegarde (art. 220-1 et s. C. civ.)

Si, comme aiment à le rappeler certains auteurs le mariage est envisagé par le droit comme ce qui « confère à la famille sa légitimité »[1] et plus encore, comme son « acte fondateur »[2], il demeure malgré tout impuissant à la mettre à l’abri des épreuves qui se dressent sur son chemin.

Pour paraphraser le titre d’un film désormais devenu célèbre mettant en scène deux familles qui évoluent dans des milieux sociaux radicalement opposés : la vie maritale n’est pas un long fleuve tranquille.

Nombre d’événements sont susceptibles d’affecter son cours, à commencer par ce qu’il y a de plus ordinaire, mais pas moins important : la maladie, les disputes et plus généralement toutes ces situations qui font obstacle au dialogue dans le couple.

Or sans dialogue, sans échange, sans compromis, le couple marié ne peut pas fonctionner, à tout le moins s’agissant de l’accomplissement des actes les plus graves, soit ceux qui requièrent le consentement des deux époux.

Que faire lorsque le couple rencontre des difficultés qui peuvent aller du simple désaccord à l’impossibilité pour un époux d’exprimer sa volonté ?

Afin de permettre au couple de surmonter ces difficultés, le législateur a mis en place plusieurs dispositifs énoncés aux articles 217, 219 et 220-1 du Code civil.

Parmi ces dispositifs qui visent spécifiquement à régler les situations de crise traversées par le couple marié on compte :

  • L’autorisation judiciaire
  • La représentation judiciaire
  • La sauvegarde judiciaire.

Nous nous focaliserons ici sur la sauvegarde judiciaire.

En situation de crise conjugale, tandis que la représentation judiciaire (art. 219 C. civ.) et l’autorisation judiciaire (art. 217 C. civ.) visent à étendre les pouvoirs d’un époux aux fins de lui permettre d’accomplir un ou plusieurs actes sans le consentement de son conjoint, il est des mesures qui produisent l’effet radicalement puisque consistant à réduire les prérogatives de ce dernier en l’interdisant d’agir.

Le point commun entre ces trois dispositifs réside dans leur finalité : ils ont vocation à permettre au couple de surmonter une crise et de préserver les intérêts de la famille.

S’agissant spécifiquement des mesures qui ont pour effet de restreindre les pouvoirs d’un époux, elles sont envisagées aux articles 220-1, 220-2 et 220-3 du Code civil.

Ces mesures sont issues de la loi n° 65-570 du 13 juillet 1965 portant réforme des régimes matrimoniaux.

Le législateur justifiait leur instauration à l’époque en indiquant, dans l’exposé des motifs de la loi, que « tout cet effort en vue d’accomplir l’égalité entre l’homme et

la femme dans le régime matrimonial devait, si l’on voulait qu’il fût efficace, suivant une vision réaliste des choses, être complété par trois séries de mesures, quelque peu extérieures à la structure même des régimes matrimoniaux ».

Il poursuit en affirmant que, au nombre de ces mesures, doivent figurer « des mesures de protection adaptées au quotidien de la vie, contre les dangers que peut faire courir aux intérêts familiaux un époux irréfléchi ou malveillant.

Tel est la finalité des mesures envisagées aux articles 220-1 et suivants du Code civil : octroyer le droit à chaque époux, pour les situations matrimoniales de crise, de recourir au juge afin d’obtenir des mesures urgentes et provisoires tendant à empêcher des actes juridiques de disposition, voire des actes matériels de détournement.

Le prononcé de ces mesures est toutefois subordonné à la réunion de plusieurs conditions. Lorsqu’elles sont réunies, le juge dispose d’une relativement grande latitude quant au choix des mesures urgentes qui peuvent être prises.

I) Les conditions des mesures

L’article 220-1 du Code civil prévoit que « si l’un des époux manque gravement à ses devoirs et met ainsi en péril les intérêts de la famille, le juge aux affaires familiales peut prescrire toutes les mesures urgentes que requièrent ces intérêts. »

Il ressort de cette disposition que la prescription par le juge de mesures urgentes est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives :

  • D’une part, l’établissement d’un manquement grave de l’un des époux à ses devoirs
  • D’autre part, l’existence d’une mise en péril des intérêts de la famille

A) S’agissant du manquement grave de l’un des époux à ses devoirs

L’exigence d’établissement d’un manquement grave de l’un des époux à ses devoirs n’est pas sans faire écho à la notion de faute en matière de divorce contentieux.

Pour mémoire, l’article 242 du Code civil prévoit que « le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque des faits constitutifs d’une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune. »

Si dans les deux cas le manquement aux devoirs du mariage doit être grave, là s’arrête la ressemblance.

En effet, l’article 220-1 du Code civil n’exige pas que ce manquement rende intolérable le maintien de la vie commune.

Par ailleurs, il est indifférent que ce manquement ne soit pas imputable au conjoint contre lequel les mesures urgences sont sollicitées, à tout le moins c’est la thèse que nous défendons.

Ce qui importe c’est qu’un manquement soit constaté, l’objectif recherché étant, moins de sanctionner un époux, que de sauvegarder les intérêts en péril de la famille.

Aussi, on pourrait envisager que des mesures urgentes puissent être prises à l’encontre d’un époux, alors même qu’il n’a commis aucune faute. Reste que sur ce point, la doctrine est divisée.

S’agissant des manquements susceptibles de justifier l’adoption de ces mesures, ils peuvent porter :

  • Soit sur des devoirs qui relèvent du régime primaire impératif
  • Soit sur des devoirs qui relèvent du régime matrimonial

Par ailleurs, les devoirs qui ont fait l’objet d’une violation peuvent tout aussi bien être d’ordre patrimonial, qu’extrapatrimonial.

Au nombre des devoirs dont le manquement est susceptible de donner lieu à l’adoption de mesures urgences on compte notamment :

  • L’obligation de vie commune ( 215 al. 1 C. civ.)
  • Le devoir de respect ( 212 C. civ.)
  • Le devoir de fidélité ( 212 C. civ.)
  • Le devoir de secours ( 212 C. civ.)
  • Le devoir d’assistance ( 212 C. civ.)
  • Le devoir conjugal ( 215, al. 1 C. civ.)
  • L’obligation de contribuer aux charges du mariage ( 214 C. civ.)
  • L’obligation de solidarité aux dettes ménagères ( 220 C. civ.)

Comme prévu par l’article 220-1, il ne suffit pas qu’un manquement aux devoirs de l’un des époux soit constaté pour que des mesures urgentes soient prises, qui rappelons le, conduisent à restreindre les pouvoirs d’un époux, ce qui n’est pas neutre.

Il faut encore que ce manquement soit « grave », en ce sens qu’il doit :

  • Soit être renouvelé
  • Soit être caractérisé

Un simplement manquement ne saurait justifier l’intervention du juge. Au fond, l’article 220-1 du Code civil ne peut être mobilisé par un époux que s’il y a lieu de résoudre une crise profonde traversée par le couple.

Le juge n’a pas vocation à régler les difficultés du quotidien que le couple est en mesure de surmonter lui-même, à tout le moins qui ne sont pas de nature à mettre en péril les intérêts de la famille.

Car c’est là le critère décisif d’appréciation qui guidera le juge quant à l’opportunité de prononcer une mesure urgente.

B) S’agissant de la mise en péril des intérêts de la famille

Le manquement grave de l’un des époux à ses devoirs doit donc être apprécié en fonction des conséquences que ce manquement emporte et plus précisément du péril qu’il fait courir aux intérêts de la famille.

La question qui alors se pose est double :

  • Que doit-on entendre par péril
  • Que doit-on entendre par intérêt de la famille

==> Sur la notion de péril

Le texte est silencieux sur la notion de péril. Si l’on se reporte à la définition commune, il s’agit de l’état d’une personne qui court de grands risques, qui est menacée dans sa sécurité, dans ses intérêts ou dans son existence même.

Ce qu’il y a lieu de retenir de cette définition, c’est que lorsqu’il y a péril, le préjudice bien que, imminent, ne s’est pas encore réalisé.

Aussi, faut-il interpréter l’article 220-1 du Code civil comme autorisant à saisir le juge, alors même que les intérêts de la famille n’ont pas été contrariés. Ils sont seulement menacés par la conduite déviante d’un époux.

Afin d’empêcher que cette conduite ne cause un préjudice à la famille, il est nécessaire d’adopter des mesures préventives.

Pour mettre en jeu l’article 220-1 du Code civil, il est donc indifférent qu’un dommage se soit produit. Ce qui importe c’est que soit établi l’existence d’un risque imminent de réalisation de se dommage.

==> Sur la notion d’intérêt de la famille

Pour que des mesures urgentes soient prises par le juge, le manquement de l’un des époux doit être de nature à mettre en péril les intérêts de la famille.

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir ce que l’on doit entendre par intérêt de la famille. Que recouvre cette notion que l’on retrouve dans de nombreuses autres dispositions du Code civil et notamment, en matière d’autorisation judiciaire (art. 217 C. civ.) ou encore en matière de changement de régime matrimonial (art. 1397 C. civ.) ?

À l’analyse, la notion d’intérêt de la famille n’est définie par aucun texte. La raison en est que le législateur a souhaité conférer une liberté d’appréciation au juge qui donc n’est pas entravé dans son appréhension de la situation qui lui est soumise.

Dans un arrêt du 6 janvier 1976, la Cour de cassation est seulement venue préciser, dans une affaire se rapportant à un changement de régime matrimonial, que « l’existence et la légitimé d’un tel intérêt doivent faire l’objet d’une appréciation d’ensemble, le seul fait que l’un des membres de la famille de se trouver lésé n’interdisant pas nécessairement la modification ou le changement envisagé » (Cass. 1ère civ. 6 janv. 1976, n°74-12.212).

Il s’infère de cette décision que la notion d’intérêt de la famille doit faire l’objet d’une appréciation d’ensemble.

Autrement dit, il appartient au juge d’apprécier cet intérêt pris dans sa globalité, soit en considération des intérêts de chaque membre de la famille, étant précisé que la jurisprudence tient compte, tant des intérêts des époux, que de celui des enfants.

La Cour d’appel de Paris a jugé en ce sens que « les descendants des époux doivent être pris en compte pour l’appréciation objective qui doit être donnée de l’intérêt de la famille pris dans sa globalité » (CA Paris, 11 sept. 1997).

L’intérêt de la famille doit ainsi être apprécié par le juge comme constituant un tout, ce qui exige qu’il cherche à en avoir une vue d’ensemble.

Aussi, l’intérêt de la famille ne saurait se confondre avec l’intérêt personnel d’un seul de ses membres.

Et s’il est des cas où c’est la préservation d’un intérêt individuel qui guidera la décision de juge quant à retenir l’intérêt de la famille. Reste qu’il ne pourra statuer en ce sens qu’après avoir réalisé une balance des intérêts en présence.

Quelles sont les situations de mise en péril des intérêts de la famille susceptibles de justifier l’adoption de mesures urgentes ?

Il s’agit, la plupart du temps, de situations qui présentent un enjeu pécuniaire, bien que l’intérêt de la famille puisse être tout autant d’ordre patrimonial, que d’ordre extrapatrimonial.

S’agissant de la charge de la preuve, dans la mesure où l’intérêt de la famille doit faire l’objet d’une appréciation d’ensemble, elle pèserait, selon André Colomer, sur les deux époux, chacun devant convaincre le juge du caractère justifié ou injustifié du refus d’accomplir l’acte discuté.

Reste que, en cas de doute, il conviendra d’appliquer l’article 1353 du Code civil, qui fait peser la charge de la preuve sur l’époux qui sollicite une mesure urgente.

II) L’objet des mesures

Il ressort du premier alinéa de l’article 220-1 du Code civil que les mesures susceptibles d’être prises par le juge peuvent être classées en deux catégories :

  • Les mesures prises en application d’un principe général
  • Les mesures prises en application de dispositions spéciales

A) Les mesures prises en application d’un principe général

L’article 220-1 du Code civil pose un principe général aux termes duquel, lorsque les conditions sont réunies, le juge peut prescrire toutes les mesures urgentes que requièrent les intérêts de la famille.

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par mesures urgentes. Le texte ne fournit aucune définition.

Classiquement, on dit qu’il y a urgence lorsque « qu’un retard dans la prescription de la mesure sollicitée serait préjudiciable aux intérêts du demandeur » (R. Perrot, Cours de droit judiciaire privé, 1976-1977, p. 432).

Il appartient de la sorte au juge de mettre en balance les intérêts de la famille qui, en cas de retard, sont susceptibles d’être mis en péril et les intérêts de l’époux défendeur qui pourraient être négligés en cas de décision trop hâtive à tout le moins mal-fondée.

En toute hypothèse, l’urgence est appréciée in concreto, soit en considération des circonstances de la cause.

En tout état de cause, les mesures urgentes peuvent être, tout aussi bien des mesures d’ordre patrimonial (interdiction d’accomplir un acte sur un bien) que des mesures extrapatrimoniales (éloignement du conjoint violent de la résidence familiale).

B) Les mesures prises en application de dispositions spéciales

L’alinéa 2 de l’article 220-1 du Code civil envisage deux séries de mesures susceptibles d’être prises par le juge en situation de crise conjugale :

  • En premier lieu, il peut interdire à un époux de faire, sans le consentement de l’autre, des actes de disposition sur ses propres biens ou sur ceux de la communauté, meubles ou immeubles.
  • En second lieu, Il peut interdire le déplacement des meubles, sauf à spécifier ceux dont il attribue l’usage personnel à l’un ou à l’autre des conjoints.

==> S’agissant de l’interdiction d’accomplir des actes de disposition

Il s’agit donc ici d’interdire à un époux d’accomplir des actes de disposition sans le consentement de son conjoint, ce qui revient à étendre, temporairement, le domaine de la cogestion.

Le texte ne précisant pas quels biens seraient concernés par cette mesure, on en déduit qu’il est indifférent qu’il s’agisse d’un bien commun ou d’un bien propre.

Il est encore indifférent que le bien consiste en un meuble ou un immeuble. Tous les biens sont susceptibles de faire l’objet d’une mesure de sauvegarde.

Par ailleurs, ce type de mesure peut être prononcé dans le cadre de n’importe quel régime matrimonial, notamment sous la séparation de biens. Il s’agit là d’une règle particulièrement dérogatoire au droit commun.

La seule contrainte qui s’impose au juge est que la mesure prise se limite à sauvegarder les intérêts de la famille, en ce sens qu’elle doit être adoptée à titre conservatoire.

Elle ne saurait produire des effets irréversibles au préjudice de l’époux contre lequel elle est prononcée.

Ainsi, est-il exclu que le juge puisse autoriser l’accomplissement d’un acte de disposition sur le fondement de l’article 220-1 du Code civil.

==> S’agissant de l’interdiction de déplacer des meubles

Il s’agit ici d’interdire à un époux de meubles, sauf à spécifier ceux dont il attribue l’usage personnel à l’un ou à l’autre des conjoints.

Là encore, le texte n’opère aucune distinction entre les biens, sinon celle tenant à leur caractère mobilier. Car seuls les meubles sont visés ici.

En revanche, il est indifférent que le bien soit commun ou appartienne en propre à un époux.

Le plus souvent, seront concernés par ce type de mesures les biens affectés à l’activité professionnelle d’un époux ou les meubles qui garnissent le logement familial.

À la vérité, il s’agit là d’une mesure qui sera prononcée en prévision de la mise en œuvre d’une procédure de divorce.

III) La mise en œuvre des mesures

A) Procédure

L’article 1290 du Code de procédure civile prévoit que « les mesures urgentes prévues à l’article 220-1 du code civil sont prescrites par le juge aux affaires familiales statuant en référé ou, en cas de besoin, par ordonnance sur requête. »

Le juge peut ainsi être saisi :

  • Soit par voie d’assignation en référé
    • Dans cette hypothèse, l’adoption de la mesure sollicitée féra l’objet d’un débat contradictoire
  • Soit par voie de requête
    • Dans cette hypothèse, la mesure pourra être prononcée par le juge sans discussion préalable entre les époux sur son bien-fondé

La voie la plus rapide est, sans aucun doute, la procédure sur requête. Elle est particulièrement indiquée lorsqu’il s’agit de provoquer un effet de surprise ou d’obtenir une décision dans l’urgence.

Elle présente néanmoins l’inconvénient de conduire à l’adoption d’une mesure pour le moins fragile puisque plus facilement révocable en raison de son caractère non contradictoire.

Pour ce faire, il appartiendra à l’époux défendeur d’engager une procédure de référé-rétraction qui, quelle que soit l’issue, aura pour effet de retarder la mise en œuvre de la mesure.

B) Durée de la mesure

L’article 220-1 al. 3e du Code civil prévoit que « la durée des mesures prises en application du présent article doit être déterminée par le juge et ne saurait, prolongation éventuellement comprise, dépasser trois ans. »

Ainsi, s’il appartient au juge de fixer la durée de la mesure, cette durée ne peut excéder trois ans ce qui confère un caractère nécessairement provisoire à la mesure.

À cet égard, il est admis qu’en cas de circonstances nouvelles, de nouvelles mesures seraient susceptibles d’être prises à l’issue du délai de trois ans.

À l’inverse, en cas de disparition des circonstances qui justifiaient l’adoption de la mesure, le juge pourra être saisi pour en prononcer la révocation ou la modification.

Dans un arrêt du 25 octobre 1972, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « l’obligation faite aux juges […] de déterminer la durée des mesures de sauvegarde qu’il ordonne n’est pas prévue à peine de nullité de la décision qui a un caractère provisoire et dont les dispositions peuvent à tout moment être rapportée ou modifiées » (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 25 oct. 1972, n°71-13073).

C) Publicité de la mesure

S’agissant de la publicité de la mesure prononcée par le juge, elle n’est exigée que pour les mesures spécifiques visées par l’alinéa 2 de l’article 220-1 du Code civil, c’est-à-dire :

  • L’interdiction d’accomplir des actes de disposition
  • L’interdiction de déplacer des meubles

==> S’agissant de l’interdiction d’accomplir des actes de disposition

L’article 220-2, al. 1er du Code civil prévoit que si l’ordonnance porte interdiction de faire des actes de disposition sur des biens dont l’aliénation est sujette à publicité, elle doit être publiée à la diligence de l’époux requérant.

Lorsque le bien est un immeuble, la publicité devra être réalisée conformément aux règles de la publicité foncière.

En tout état de cause, cette publication cesse de produire effet à l’expiration de la période déterminée par l’ordonnance, sauf à la partie intéressée à obtenir dans l’intervalle une ordonnance modificative, qui sera publiée de la même manière.

==> S’agissant de l’interdiction de déplacer des meubles

L’article 220-2, al. 2e du Code civil prévoit que si l’ordonnance porte interdiction de disposer des meubles corporels, ou de les déplacer, elle est signifiée par le requérant à son conjoint, et a pour effet de rendre celui-ci gardien responsable des meubles dans les mêmes conditions qu’un saisi.

Lorsqu’elle est signifiée à un tiers, elle le constitue de mauvaise foi. Autrement dit, en cas d’acquisition du bien déplacé, il sera contraint de le restituer.

Si, en revanche, la mesure ne lui est pas signifiée, il sera présumé de bonne foi, de sorte qu’elle lui sera inopposable, sauf à ce qu’il soit établi qu’il en avait connaissance.

D) Sanction de l’inobservation de la mesure

  1. La nullité de l’acte

L’article 220-3 du Code civil prévoit que l’inobservation de la mesure de sauvegarde prononcée par le juge est sanctionnée par la nullité de l’acte.

Par nullité, il faut entendre l’anéantissement de l’acte, en ce sens qu’il est censé n’avoir jamais existé.

Il est donc supprimé de l’ordonnancement juridique, tant pour ses effets passés, que pour ses effets futurs.

  1. Caractère de la nullité

Une lecture de l’article 220-3 du Code civil révèle que les actes accomplis en violation de l’ordonnance peuvent ne pas être systématiquement annulés. Ils sont seulement « annulables ».

La doctrine a déduit de cette formulation que la nullité visée par l’article 220-3 du Code civil était facultative, en ce sens qu’elle ne s’impose pas au juge.

Il lui est donc permis de ne pas prononcer la nullité de l’acte, alors mêmes que les conditions seraient réunies. Il dispose, en la matière, d’un large pouvoir d’appréciation.

  1. Titularité de l’action en nullité

L’article 220-3 du Code civil prévoit que les actes accomplis en violation de l’ordonnance sont annulables « à la demande du conjoint requérant ».

L’action appartient donc au seul époux que la mesure vise à protéger. Il s’agit là d’une nullité relative, car sanctionnant la violation d’une règle de protection.

  1. Les actes annulables

La question qui ici se pose est de savoir quels sont les actes accomplis en violation de l’ordonnance qui sont susceptibles d’être annulés.

L’article 220-3 du Code civil prévoit que sont annulables « tous les actes accomplis en violation de l’ordonnance, s’ils ont été passés avec un tiers de mauvaise foi, ou même s’agissant d’un bien dont l’aliénation est sujette à publicité, s’ils sont simplement postérieurs à la publication prévue par l’article précédent. »

Il s’infère de cette disposition qu’il y a lieu de distinguer deux situations :

==> L’aliénation du bien discuté n’exige pas l’accomplissement d’une mesure de publicité

Dans cette hypothèse, l’acte de disposition ne pourra être annulé qu’à la condition que la mauvaise foi du tiers soit établie.

À cet égard, sa mauvaise foi sera présumée, dès lors que l’ordonnance lui aura été signifié. Il ne pourra, en effet, pas avancer qu’il ignorait l’existence de la mesure.

==> L’aliénation du bien discuté exige l’accomplissement d’une mesure de publicité

Dans cette hypothèse, l’article 220-3, al. 1er du Code civil distingue deux situations :

  • Les actes ont été accomplis postérieurement à la publication de l’ordonnance
    • Dans cette hypothèse, ils sont annulables peu importe que tiers soit de bonne ou de mauvaise moi.
    • Il y a, en quelque sorte, présomption irréfragable de mauvaise foi du tiers.
  • Les actes ont été accomplis antérieurement à la publication de l’ordonnance
    • Dans cette hypothèse, il y a lieu de distinguer selon que le tiers est de bonne ou de mauvaise foi.
      • S’il est de mauvaise foi, l’acte pourra être annulé
      • S’il est de bonne foi, l’acte ne demeurera validé
    • La bonne ou mauvaise foi du tiers tient à sa connaissance de la mesure
  1. La prescription de l’action en nullité

L’article 220-3, al. 2e du Code civil prévoit que l’action en nullité est ouverte à l’époux requérant pendant deux années à partir du jour où il a eu connaissance de l’acte, sans pouvoir jamais être intentée, si cet acte est sujet à publicité, plus de deux ans après sa publication.

Cette disposition enferme ainsi l’action en nullité dans un double délai :

  • Le requérant doit agir dans un délai de deux ans à compter du jour où il a connaissance de l’acte accompli en violation de l’ordonnance
  • Le requérant ne pourra jamais agir au-delà d’un délai de deux ans, à compter de la date de publication de l’ordonnance.

[1] F. Terré, Droit civil – La famille, éd. Dalloz, 2011, n°325, p. 299

[2] Ph. Malaurie et H. Fulchiron, La famille, Defrénois, coll. « Droit civil », 2006, n°47, p. 25.

Les troubles de voisinage: régime juridique

==> Éléments de contexte

Aux côtés de la théorie de l’abus de droit, la jurisprudence a construit la théorie de l’excès de droit de propriété aux fins d’appréhender ce que l’on appelle les troubles de voisinage.

La situation de voisinage comporte généralement des inconvénients. Certains comportements peuvent excéder ces inconvénients normaux, sans toutefois être constitutifs d’une faute au sens de l’article 1240 du Code civil.

Aussi, Geneviève Viney et Patrice Jourdain ont-ils pu écrire que « les inconvénients liés au voisinage doivent être supportés jusqu’à une certaine limite, parce qu’ils sont inhérents à la vie en société ; au-delà de ce seuil, la responsabilité sera engagée, même en l’absence de faute de l’auteur, parce que la gêne devient intolérable et ne peut plus être justifiée par des relations de voisinage ».

Au nombre de ces troubles qui sont de nature à menacer la paix sociale entre voisins, on compte les bruits, les odeurs malsaines, les fumées délétères d’usine, les aboiements de chien, le plancher qui craque, les ébranlements, les poussières de chantier, la réduction de l’ensoleillement etc.

La difficulté ici est donc d’appréhender des troubles de voisinage susceptibles de causer un dommage à autrui sans pour autant que l’on puisse reprocher une quelconque faute à leur auteur.

==> Fondements

Plusieurs fondements ont été envisagés par la jurisprudence et la doctrine pour reconnaître à la victime de troubles de voisinage un droit à réparation du préjudice subi.

  • La théorie de l’abus de droit
    • Dans un premier temps, la jurisprudence s’est saisie de la question des troubles de voisinage en recourant à la théorie d’abus de droit.
    • C’est ainsi que dans l’arrêt Clément-Bayard, la Cour de cassation a été en mesure de valider la condamnation d’un propriétaire qui avait érigé des tiges en fer à la lisière de son terrain dans l’unique but de nuire à son voisin en ce que cela compliquait considérablement les manœuvres qu’il devait effectuer pour entreposer son ballon dirigeable dans son hangar ( req. 3 août 1915).
    • Bien que novatrice, l’inconvénient de la solution dégagée par la Cour de cassation, est que pour sanctionner les troubles de voisinage, cela suppose, pour la victime, d’établir la volonté de nuire du propriétaire.
    • Or cette intention de nuire n’existe pas toujours.
    • Bien au contraire, le plus souvent les troubles sont causés sans volonté du propriétaire de porter atteinte à la quiétude de son voisin.
    • Les limites de la théorie de l’abus de droit se sont ainsi très vite révélées à la jurisprudence qui a été contrainte d’envisager un autre fondement.

Clément-Bayard
(Cass. req. 3 août 1915)
Sur le moyen de pourvoi pris de la violation des articles 544 et suivants, 552 et suivants du code civil, des règles du droit de propriété et plus spécialement du droit de clore, violation par fausse application des articles 1388 et suivants du code civil, violation de l'article 7 de la loi du 20 avril 1810, défaut de motifs et de base légale.

Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué que Coquerel a installé sur son terrain attenant à celui de Clément-Bayard, des carcasses en bois de seize mètres de hauteur surmontées de tiges de fer pointues ; que le dispositif ne présentait pour l'exploitation du terrain de Coquerel aucune utilité et n'avait été érigée que dans l'unique but de nuire à Clément-Bayard, sans d'ailleurs, à la hauteur à laquelle il avait été élevé, constituer au sens de l'article 647 du code civil, la clôture que le propriétaire est autorisé à construire pour la protection de ses intérêts légitimes ; que, dans cette situation des faits, l'arrêt a pu apprécier qu'il y avait eu par Coquerel abus de son droit et, d'une part, le condamner à la réparation du dommage causé à un ballon dirigeable de Clément-Bayard, d'autre part, ordonner l'enlèvement des tiges de fer surmontant les carcasses en bois.

Attendu que, sans contradiction, l'arrêt a pu refuser la destruction du surplus du dispositif dont la suppression était également réclamée, par le motif qu'il n'était pas démontré que ce dispositif eût jusqu'à présent causé du dommage à Clément-Bayard et dût nécessairement lui en causer dans l'avenir.

Attendu que l'arrêt trouve une base légale dans ces constatations ; que, dûment motivé, il n'a point, en statuant ainsi qu'il l'a fait, violé ou faussement appliqué les règles de droit ou les textes visés au moyen.

Par ces motifs, rejette la requête, condamne le demandeur à l'amende.

  • Responsabilité civile
    • Afin de fonder la théorie des troubles du voisinage, la jurisprudence a cherché à la rattacher à la responsabilité civile et plus précisément sur l’article 1382 du Code civil (nouvellement 1240).
    • C’est ainsi que, dans un arrêt du 27 novembre 1844, elle a été amenée à se prononcer sur un inconvénient résultant de la fumée, qui, de l’établissement du demandeur, de la cheminée de la forge d’ajustement et de la cheminée à vapeur, se répandait sur les propriétés des défendeurs ( civ. 27 nov. 1844).
    • À cet égard, elle considère dans cette décision, au visa des articles 544 et 1382 du Code civil, que « si d’un côté, on ne peut méconnaître que le bruit causé par une usine, lorsqu’il est porté à un degré insupportable pour les propriétés voisines, ne soit une cause légitime d’indemnité; d’un autre côté, on ne peut considérer toute espèce de bruit causé par l’exercice d’une industrie comme constituant le dommage qui peut donner lieu à une indemnité».
    • Elle nuance néanmoins son propos en fin d’arrêt, en précisant que, au cas particulier, la Cour d’appel avait « exagéré l’application de l’article 1382 du Code civil».
    • Ainsi la Cour de cassation déconnecte ici la faute du trouble qui se suffit à lui seul pour donner droit à indemnisation.

Cass. civ. 27 nov. 1844
En ce qui concerne la partie du dispositif de l’arrêt attaqué, relative à l’inconvénient résultant de la fumée, qui, de l’établissement du demandeur, de la cheminée de la forge d’ajustement et de la cheminée à vapeur, se répand sur les propriétés des défendeurs;

Attendu que cet arrêt, en déclarant qu’il était possible, sans nuire aux droits légitimes de Derosne, d’éviter cette espèce de dommage, moyennant certaines précautions, et en condamnant Derosne à des dommages-intérêts pour ne les avoir pas prises, n’a violé ni faussement appliqué les lois de la matière, et en a fait, au contraire, une juste application;

Rejette le pourvoi quant à ce; Mais, en ce qui concerne le surplus de l’arrêt :

Vu les articles 544 et 1382 du Code civil;

Attendu que, si d’un côté, on ne peut méconnaître que le bruit causé par une usine, lorsqu’il est porté à un degré insupportable pour les propriétés voisines, ne soit une cause légitime d’indemnité; d’un autre côté, on ne peut considérer toute espèce de bruit causé par l’exercice d’une industrie comme constituant le dommage qui peut donner lieu à une indemnité;

Attendu que l’arrêt attaqué s’est, il est vrai, expliqué sur les causes et l’intensité du bruit provenant de l’usine du demandeur; mais que, tout en déclarant que ce bruit était préjudiciable aux propriétés voisines, il n’a point déclaré qu’il fut, d’une manière continue, porté à un degré qui excédât la mesure des obligations ordinaires du voisinage;

Que même, l’arrêt attaqué, en réglant à l’avance une indemnité pour les préjudices futurs, a prévu les cas où les dommages éprouvés seront aggravés ou atténués par l’exploitation future; ce qui ne peut s’entendre, quant à ce, que de l’augmentation ou de la diminution du bruit causé par ladite exploitation, et qu’il n’a considéré l’indemnité comme devant entièrement cesser, que si tout dommage venait à disparaître, sans indiquer à quelle limite l’incommodité, résultant du bruit, cesse d’avoir la gravité suffisante pour constituer le dommage dont la loi autorise la réparation : d’où il suit qu’il a exagéré l’application de l’article 1382 du Code civil, et a, par suite, violé cet article et l’article 544 du même code;

Casse en cette partie.

  • Dépassement des inconvénients normaux du voisinage
    • Dans les décisions qui suivirent, la Cour de cassation précisa sa position, en se détachant de l’article 1382 du Code civil, en jugeant que l’auteur du trouble qui a causé un dommage dépasse les inconvénients normaux du voisinage, soit les limites ordinaires de son droit (V. en en ce sens req., 3 janv. 1887)
    • Dans un arrêt du 24 mars 1966, la deuxième chambre civile a jugé en ce sens que « l’exercice même légitime du droit de propriété devient générateur de responsabilité quand le trouble qui en résulte pour autrui dépasse la mesure des obligations ordinaires du voisinage» ( 2e civ. 24 mars 1966, n°64-10737).
    • Dans un arrêt du 3 janvier 1969 la troisième Chambre civile a, quant à elle, estimé que « le droit pour [un propriétaire] de jouir de sa chose de la manière la plus absolue, sauf usage prohibé par la loi ou les règlements, est limité par l’obligation qu’il a de ne causer aucun dommage à la propriété d’autrui, dépassant les inconvénients normaux du voisinage» ( 3e civ. 3 janv. 1969)
    • Il ressort des décisions ainsi rendues par la Cour de cassation que la notion de faute cède sous la caractérisation du « dépassement des inconvénients normaux de voisinage».
    • À l’analyse, ces décisions annoncent un glissement du fondement de la responsabilité civile vers une théorie autonome des troubles de voisinage
    • Certains auteurs ont justifié cette position adoptée par la jurisprudence en convoquant la théorie du risque selon laquelle celui qui crée un risque qui est susceptible de causer un préjudice à autrui, engage sa responsabilité si ce risque se réalise.
    • L’approche est néanmoins ici excessive, car elle suggère que le propriétaire serait tenu de réparer tous les dommages causés par les troubles ce sans considération d’anormalité
  • L’autonomisation de la théorie des troubles de voisinage
    • Animée par la volonté de reconnaître un droit à l’indemnisation aux victimes de troubles de voisinage en s’affranchissant de l’exigence de caractérisation de la faute, la jurisprudence en a tiré toutes les conséquences en faisant de la théorie des troubles de voisinage un régime de responsabilité autonome.
    • Cet affranchissement de la théorie des troubles de voisinage par rapport à la responsabilité civile, fondée sur la faute, s’est traduit par la consécration d’un principe général dégagé par la jurisprudence selon lequel « nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage».
    • Tandis que deux arrêts rendus en date du 14 février 1971 étaient annonciateurs de cette consécration ( 3e civ., 4 févr. 1971, n°69-14.964), c’est dans un arrêt du 19 novembre 1986 que le principe général a formellement été énoncé pour la première fois (Cass. 2e civ. 19 nov. 1986, n°84-16379).
    • Il était question dans cet arrêt d’indemniser la victime de bruits et d’odeurs d’un compresseur installé dans la cave d’une boulangerie.

Cass. 2e civ. 19 nov. 1986
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu le principe suivant lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les époux X... habitant dans l'immeuble contigu à la boulangerie exploitée par M. Y... se plaignant des bruits et odeurs en émanant ont assigné celui-ci en réparation du dommage qui leur aurait été ainsi causé par des troubles anormaux de voisinage ;

Attendu que l'arrêt ayant constaté que le bruit provenant d'un compresseur installé dans la cave était doux et régulier, a ordonné cependant l'isolation de ce compresseur et la pose d'un capot de protection au motif que M. Y... l'avait fait pour un autre compresseur ;

Qu'en se déterminant ainsi la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences de ses propres constatations, a violé le principe susvisé ;

Depuis lors, la jurisprudence est constante (V. en ce sens Cass. 3e civ., 13 avr. 2005, n° 03-20575). Aussi, c’est désormais au seul visa de ce principe qu’une cassation peut, le cas échéant, intervenir (V. en ce sens Cass. 2e civ. 28 juin 1995, n°93-12681).

À cet égard, il a été jugé que cette solution jurisprudentielle ne constituait pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété tel que protégé par la Convention européenne des droits de l’homme (Cass. 2e Civ., 23 octobre 2003, n° 02-16303).

I) Les conditions de mise en œuvre de la responsabilité pour troubles anormaux de voisinage

A) Les conditions tenant à l’existence de troubles de voisinage

  1. Notion de trouble

Classiquement, le trouble est défini comme une atteinte aux conditions de jouissance du bien d’autrui. Il s’apparente, autrement dit, à une nuisance.

Les formes que peut prendre cette nuisance sont innombrables (bruit, odeurs, fumée, privation d’ensoleillement, vibration, poussières, émanations etc.)

Afin d’apprécier le trouble il convient de se placer du point de vue de la victime. Le trouble est, en effet, ce qui est ressenti par elle et non ce qui est produit.

Il en résulte que, ni l’intention de nuire, ni la faute ne sont des conditions ne conditionnent la caractérisation d’un trouble. Peu importe donc que l’activité de l’auteur du trouble soit licite ou illicite (V. en ce sens Cass. 2e civ., 17 févr. 1993).

Seule compte la gêne, la nuisance occasionnée à la victime qui est affectée dans la jouissance de son bien.

2. Caractérisation du trouble

Après avoir déterminé ce que l’on devait entendre par trouble, la question qui se pose de savoir à partir de quand peut-on considérer qu’une nuisance est constitutive d’un trouble ?

Un simple un désagrément causé à la victime suffit-elle à engager la responsabilité de l’auteur de ce désagrément ou faut-il que la nuisance présente une intensité particulière ? Où doit-on placer le curseur sur l’échelle de la nuisance ?

À l’examen, pour que le trouble engage la responsabilité de son auteur, encore faut-il, d’une part, qu’il cause un préjudice à la victime et, d’autre part, que ce préjudice soit réparable.

Bien qu’ils entretiennent une proximité pour le moins étroite, trouble et préjudice ne se confondent pas.

Le trouble correspond, en effet, au fait générateur de la responsabilité (bruit), tandis que le préjudice n’en est la conséquence (maux de tête).

Il en résulte que le trouble peut parfaitement exister, sans pour autant causer de préjudice à la victime, à tout le moins de préjudice réparable.

La caractérisation du trouble doit ainsi être envisagée indépendamment de la question du préjudice qui ne peut donc pas se déduire de la nuisance dont se plaint la victime.

3. Extension de la notion de trouble

À l’examen, la jurisprudence a progressivement adopté une approche extensive de la notion de trouble, en reconnaissant qu’il pouvait également consister, d’une part, en un risque, d’autre part en une gêne esthétique.

==> L’extension de la notion trouble au risque éventuel occasionnée

 Plusieurs arrêts rendus par la Cour de cassation ont retenu l’attention en ce qu’ils ont admis que le trouble puisque consister en le risque créé pour le voisinage

Dans un arrêt du 10 juin 2004, la deuxième chambre civile a, par exemple, jugé s’agissant d’une propriété située en bordure d’un golf que la contrainte pour le propriétaire de vivre sous la menace constante d’une projection de balles qui devait se produire d’une manière aléatoire et néanmoins inéluctable, et dont le lieu et la force d’impact, comme la gravité des conséquences potentielles, étaient totalement imprévisibles était constitutive d’un trouble, en ce sens que cette menace excédait dans de fortes proportions ceux que l’on pouvait normalement attendre du voisinage d’un parcours de golf (Cass. 2e civ. 10 juin 2004, n°03-10434).

Ainsi le trouble ne s’apparente pas seulement en une nuisance tangible qui doit nécessairement se produire, il peut également consister en une simple menace qui pèse sur le voisinage, telle la menace de recevoir à tout moment des balles de golf dans sa propriété.

Dans un arrêt du 24 février 2005, la Cour de cassation est allée plus loin en jugeant que « la présence d’un tas de paille à moins de 10 mètres de la maison des époux X… stockage qui, selon lui posait un problème au niveau de la sécurité incendie, ainsi qu’un dépôt de paille dans une grange située à proximité de l’immeuble des intimés ; que, le stockage de paille ou de foin, en meules à l’extérieur ou entreposé dans une grange est bien de nature à faire courir un risque, dès lors qu’il était effectué en limite de propriété et à proximité immédiate d’un immeuble d’habitation ; que si la paille est effectivement un produit inerte, il n’en demeure pas moins que son pouvoir de combustion est particulièrement rapide et important, et qu’une simple étincelle peut suffire à provoquer son embrasement ; que, compte-tenu du risque indéniable qu’elle faisait courir à l’immeuble des époux X…, la proximité immédiate du stockage de paille de Mme Y… constituait pour ceux-ci un trouble anormal de voisinage, auquel il devait être remédié » (Cass. 2e civ. 24 févr. 2005, n°04-10362).

Ainsi, pour la deuxième chambre civile le simple risque d’incendie, bien que, sa réalisation ne soit, par hypothèse, qu’éventuelle, peut être constitutif d’un trouble.

Il s’agit là d’une approche pour le moins extensive de la notion de trouble, en ce qu’il consiste ici en une gêne psychologique, soit non tangible.

==> L’extension de la notion de trouble à la gêne esthétique occasionné

Dans un arrêt du 9 mai 2001, la Cour de cassation jugé que « la dégradation du paysage et de l’environnement urbain » peut constituer « un trouble anormal et excessif de voisinage, peu important qu’une telle opération eût été réalisée conformément aux règles de l’urbanisme ».

La deuxième chambre civile admet ainsi que l’on puisse compter parmi les troubles de voisinage la gêne esthétique.

Cette décision, n’est pas sans avoir fait réagir la doctrine qui s’est demandé si la haute juridiction n’était pas allée trop loin dans l’extension de la notion de trouble.

Dans un arrêt du 8 juin 2004, la Cour de cassation a semblé revenir sur sa position en excluant l’existence d’un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage s’agissant de l’édification d’un immeuble qui privait le fonds voisin de la vue sur mer (Cass. 1ère civ. 8 juin 2004, n°02-20906).

Elle a néanmoins fait machine arrière, un an plus tard, dans l’arrêt du 24 février 2005 aux termes duquel elle admet que l’importance de dépôts de machines usagées, caravane, camion et autres matériels divers entreposés en limite de propriété ou stationnements prolongés de matériels hors d’usage ou usagés, à proximité immédiate du fonds voisin, était source d’une gêne esthétique anormale pour ceux-ci, d’autant plus injustifiée que, eu égard à la taille de sa propriété, l’auteur de la nuisance était en mesure de procéder sans difficulté au stockage de ces biens en un endroit plus éloigné de la limite des deux fonds, dans des conditions qui ne soient pas susceptibles de nuire à ses voisins (Cass. 2e civ. 24 févr. 2005, n°04-10362)

4. La préexistence du trouble

Très tôt la question s’est posée en jurisprudence de la recevabilité de l’action engagée à l’encontre du voisin qui se serait installé antérieurement à la victime des troubles.

Il ne s’agit pas ici de s’intéresser au contexte général dans lequel s’inscrit l’immeuble, mais à la prééxistence, apparente, du gêneur particulier duquel émane le trouble.

Doit-on admettre que l’antériorité d’installation confère à l’occupant une immunité contre les actions fondées sur les troubles de voisinage ou doit-on considérer que cette situation est sans incidence sur le droit à indemnisation de la victime du trouble ?

La réponse à cette question est réglée par la théorie dite de la « pré-occupation » laquelle a donné lieu à une évolution de la jurisprudence, sous l’impulsion du législateur.

==> Évolution

  • La position orthodoxe de la jurisprudence
    • Dans un premier temps la jurisprudence refusait catégoriquement d’écarter l’indemnisation de la victime de troubles de voisinage au seul nom de l’antériorité d’installation de l’auteur des nuisances (V. en ce sens civ., 18 févr. 1907).
    • Une certaine doctrine soutenait pourtant que lorsque le trouble préexistait de manière apparente à l’installation de la victime, cette dernière avait, en quelque sorte, accepté les risques.
    • Or pour mémoire, l’acceptation des risques constitue, en matière de responsabilité délictuelle, un fait justificatif susceptible d’exonérer l’auteur du dommage de sa responsabilité.
    • Bien que audacieuse, cette thèse n’a pas convaincu les juridictions qui, en substance, considéraient que l’antériorité d’occupation de l’auteur des troubles ne pouvait, en aucune manière, lui conférer une immunité civile.
    • L’admettre, serait revenu pour la jurisprudence à légaliser la création d’une servitude en dehors du cadre défini à l’article 691 du Code civil, lequel prévoit que « les servitudes continues non apparentes, et les servitudes discontinues apparentes ou non apparentes, ne peuvent s’établir que par titres».
    • Considérant que la position adoptée par la Cour de cassation manquait de souplesse, le législateur est intervenu en 1976.
  • L’assouplissement de la règle par le législateur
    • Le législateur est intervenu dès 1976 pour assouplir la position pour le moins orthodoxe de la jurisprudence.
    • Aussi, a-t-il introduit un article L. 421-9 dans le Code de l’urbanisme, que la loi du 4 juillet 1980 a, par suite, transféré à l’article L. 112-16 du Code de la construction et de l’habitation.
    • Cette disposition prévoit que « les dommages causés aux occupants d’un bâtiment par des nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales, touristiques, culturelles ou aéronautiques, n’entraînent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent au bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé ou l’acte authentique constatant l’aliénation ou la prise de bail établi postérieurement à l’existence des activités les occasionnant dès lors que ces activités s’exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et qu’elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions. »
    • À l’examen, ce texte prévoit un certain nombre de cas qui exonèrent, sous certaines conditions, l’auteur des dommages de toute responsabilité au titre des troubles anormaux du voisinage en raison de l’antériorité de son occupation.
    • Il s’agit là, en quelque sorte d’une servitude d’intérêt économique qui est consentie aux personnes qui exploitent des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales, touristiques, culturelles ou aéronautiques.
    • La règle posée par la jurisprudence aux termes de laquelle l’antériorité de l’installation est sans incidence sur le droit à indemnisation d’une victime de troubles de voisinage est ainsi assortie d’exceptions.
  • L’intervention du Conseil constitutionnel
    • Dans le cadre d’un litige engagé par des propriétaires pour qu’il soit mis fin à des troubles anormaux du voisinage causés par les clients d’un relais routier dont le parking est contigu à leur habitation, la Cour de cassation a été saisie aux fins que soit portée devant le Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité ( 3e civ., 27 janv. 2011, n° 10-40.056).
    • La question posée était de savoir si l’article L. 112-16 du code de la construction et de l’habitation portait atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution en ses articles 1 à 4 de la Charte de l’environnement de 2004 intégrée au préambule de la Constitution de 1958 ?
    • À cette question, le Conseil constitutionnel a, dans une décision du 8 avril 2011, répondu par la négative, considérant que « l’article L. 112-16 du code de la construction et de l’habitation interdit à une personne s’estimant victime d’un trouble anormal de voisinage d’engager, sur ce fondement, la responsabilité de l’auteur des nuisances dues à une activité agricole, industrielle, artisanale, commerciale ou aéronautique lorsque cette activité, antérieure à sa propre installation, a été créée et se poursuit dans le respect des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et, en particulier, de celles qui tendent à la préservation et à la protection de l’environnement ; que cette même disposition ne fait pas obstacle à une action en responsabilité fondée sur la faute ; que, dans ces conditions, l’article L. 112-16 du code de la construction et de l’habitation ne méconnaît ni le principe de responsabilité ni les droits et obligations qui résultent des articles 1er à 4 de la Charte de l’environnement» ( const., 8 avr. 2011, n° 2011-116 QPC).

==> Conditions

L’application de l’article L. 112-16 du Code de la construction et de l’habitation est subordonnée à la réunion de plusieurs conditions :

  • L’exploitation d’une activité agricole, industrielle, artisanale, commerciale ou aéronautique
    • La prise en compte de l’antériorité de l’installation ne bénéficie qu’aux seules personnes qui exploitent des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales, touristiques, culturelles ou aéronautiques.
    • À cet égard, la Cour de cassation se refuse à toute extension du champ d’application de l’article L. 112-16 qui fait l’objet d’une interprétation stricte.
    • Ainsi, a-t-elle refusé, par exemple, qu’il puisse être invoqué dans le cadre d’un litige opposant des copropriétaires (V. en ce sens ass. 3e civ., 23 janv. 1991).
  • L’exigence d’antériorité du trouble
    • L’article L. 112-16 du Code de la construction et de l’habitation prévoit que seules les activités qui « se sont poursuivies dans les mêmes conditions» que celles qui existaient au moment de l’installation de la victime du trouble.
    • Si, autrement dit, les conditions d’exercice de l’activité se sont transformées postérieurement à l’installation de la victime et que la survenance du trouble procède de cette transformation, alors l’auteur des nuisances ne pourra se prévaloir d’aucune immunité.
    • Dans un arrêt du 18 janvier 2005, la Cour de cassation a jugé en ce sens que bien que l’activité agricole des exploitants était antérieure à l’installation des victimes des nuisances, ces nuisances avaient pour origine l’accroissement d’un élevage qui est intervenu postérieurement à cette installation.
    • La troisième chambre civile en déduit que les requérants étaient parfaitement fondés à solliciter une indemnisation à raison de l’existence de troubles qui excédaient les inconvénients normaux du voisinage ( 3e civ. 18 janv. 2005, n°03-18914).
  • L’existence de conformité de l’activité aux lois et règlements
    • L’article L. 112-16 du Code de la construction et de l’habitation n’est applicable qu’à la condition que l’exercice de l’activité agricole, industrielle, artisanale, commerciale ou aéronautique soit conforme aux lois et règlements.
    • Dans le cas contraire, l’antériorité de l’activité sera inopposable à la victime des troubles de voisinage.
    • Dans un arrêt du 13 janvier 2005, la Cour de cassation a, par exemple, considéré qu’une activité antérieure à l’installation du voisin, mais dont la légalité n’est clairement établie que postérieurement à cette installation, est une activité postérieure à l’installation de l’article L. 112-16 du Code de la construction de l’habitation (V. en ce sens 2e civ. 13 janv. 2005, n°04-12.623).
    • Dans un autre arrêt du 10 juin 2004, la question s’est posée de savoir si, en l’absence de réglementation spécifique de l’activité, l’article L. 112-16 pouvait s’appliquer.
    • Dans cette décision, le voisin d’un golf se plaignait des balles qui atterrissaient régulièrement dans sa propriété, ce qui était de nature à troubler la jouissance de son bien.
    • Reste qu’il s’était installé postérieurement à l’exploitation de ce golf, si bien que l’on eût pu penser que l’article L. 112-16 était applicable au cas particulier.
    • C’est sans compter sur la Cour de cassation qui, dans cette affaire, a jugé « qu’en l’absence de texte définissant les règles d’exploitation d’un terrain de golf autre que le règlement du lotissement qu’elle n’a pas dénaturé, la société Massane loisirs ne pouvait utilement invoquer en l’espèce les dispositions de l’article L. 112-16 du Code de la construction et de l’Habitation qui ne prévoient une exonération de responsabilité que si l’activité génératrice du trouble s’exerce conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur, de sorte qu’il convenait de faire application du principe général selon lequel l’exercice même légitime du droit de propriété devient générateur de responsabilité lorsque le trouble qui en résulte pour autrui dépasse la mesure des obligations ordinaires du voisinage» ( 2e civ. 10 juin 2004, n°03-10434).

B) Les conditions tenant à l’anormalité de troubles de voisinage

Pour que le trouble de voisinage soit de nature à engager la responsabilité de son auteur, encore faut-il qu’il soit anormal.

Dans la mesure où, en matière de responsabilité fondée sur les troubles de voisinage, il est indifférent qu’une faute puisse être reprochée à l’auteur des nuisances, l’anormalité ne se confond pas avec l’illicéité.

En effet, un trouble peut parfaitement n’être en contravention avec aucun texte et pourtant être anormal et, par voie de conséquence, ouvrir droit à réparation pour la victime.

À l’analyse, il ressort de la jurisprudence que l’anormalité du trouble est caractérisée lorsque deux conditions cumulatives sont réunies :

  • Le trouble présente un certain degré de gravité
  • Le trouble est persistant et récurrent

==> Sur la gravité du trouble

Seul le trouble de voisinage qui présente une gravité suffisante engage la responsabilité de son auteur. Les désagréments mineurs et qui, au fond, sont inhérents aux rapports de voisinage et plus généralement à la vie en société ne sont pas sanctionnés.

Seul l’excès ouvre droit à réparation, soit lorsque le trouble atteint un certain niveau de désagrément.

La jurisprudence retient ainsi la responsabilité de l’auteur d’un trouble lorsqu’il « excède les inconvénients normaux de voisinage » (Cass. 2e civ. 16 juill. 1969).

À l’évidence, la notion d’« anormalité » est une notion relative qui ne peut pas s’apprécier intrinsèquement.

Elle requiert, en effet, une appréciation in concreto en tenant compte des circonstances de temps (nuit et jour) et de lieu (milieu rural ou citadin, zone résidentielle ou industrielle), mais également en prenant en considération la perception des personnes qui se plaignent (V. en ce sens Cass. 3e civ., 14 janvier 2004, n°01-17.687).

Aussi, convient qu’il faut désigner seulement par trouble « anormal » celui que les voisins n’ont pas l’habitude de subir dans telle région et à telle époque. Car au fond, ce qu’on doit supporter de ses voisins, et ce que, pour leur être supportable, on doit éviter, est affaire de convenance et d’usage, donc de temps et de lieu.

C’est la raison pour laquelle le caractère excessif du trouble doit s’apprécier compte tenu de toutes les circonstances du cas et notamment de sa permanence . À cet égard, ce trouble dommageable est caractérisé par l’aggravation des embarras inhérents au voisinage se traduisant notamment par toutes dégradations de vie.

Dans ce cadre, les juges du fond apprécient souverainement le caractère anormal du trouble (Cass. 2e  civ., 27 mai 1999, n° 97-20488) ainsi que les mesures propres à le faire cesser (Cass. 2e civ., 9 octobre 1996, n° 94-16616).

Dans un arrêt du 13 juillet 2004, la Cour de cassation a ainsi opposé à l’auteur d’un pourvoi contestant la caractérisation d’un trouble par la Cour d’appel que « d’une part, que sous le couvert du grief non fondé de manque de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil, la première branche du moyen ne tend qu’à remettre en discussion le pouvoir souverain des juges du fond en ce qui concerne l’existence de troubles anormaux du voisinage » (Cass. 1ère civ. 13 juill. 2004, n°02-15176).

Cela n’empêche pas la Cour de cassation d’exercer un contrôle étroit sur la motivation de la Cour d’appel quant à la caractérisation du trouble.

==> Sur la persistance et la récurrence du trouble

L’anormalité du trouble ne procède pas seulement de sa gravité : la nuisance doit encore être persistance et récurrente.

Dans un arrêt du 5 février 2004, la deuxième chambre civile a, par exemple, jugé que « procédant d’une appréciation souveraine des éléments de preuve et desquels il ressort que les troubles, qui, en raison de leur durée, ne résultaient plus d’un cas de force majeure, excédaient les inconvénients normaux du voisinage, la cour d’appel a légalement justifié sa décision » (Cass. 2e civ. 5 févr. 2004, n°02-15206).

Ainsi, pour ouvrir droit à indemnisation le trouble doit être continu, à tout le moins répétitif. S’il n’est que très ponctuel, il ne saurait présenter un caractère anormal.

II) Les conditions d’exercice de l’action en responsabilité pour troubles anormaux de voisinage

Pour que la responsabilité fondée sur les troubles anormaux de voisinage soit mise en œuvre, encore faut-il qu’il soit établi que la victime entretient une relation de voisinage avec l’auteur des troubles.

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par relation de voisinage. Communément, cette notion renvoie à la situation d’une personne qui réside à faible distance d’une autre personne.

Quant au Code civil, il est silencieux sur ce point. Il n’aborde les relations de voisinage que sous l’angle des problématiques de mitoyenneté.

Aussi, est-ce à la jurisprudence qu’est revenue la tâche :

  • D’une part, de définir la notion de voisin, afin de déterminer quelles étaient les personnes fondées à agir
  • D’autre part, d’identifier les personnes susceptibles d’engager leur responsabilité au titre d’un trouble anormal de voisinage

A) Le demandeur à l’action en responsabilité fondée sur les troubles de voisinage

Parce que seules les personnes qui ont intérêt et qualité à agir peuvent engager une action en responsabilité fondée sur la théorie des troubles de voisinage, la jurisprudence s’est employée à déterminer des critères permettant de délimiter la notion de voisin.

  • Proximité de la source du trouble
    • Le premier critère permettant de caractériser l’existence d’une relation de voisinage est la proximité.
    • Le voisin est nécessairement celui qui occupe un immeuble à proximité de la source du trouble.
    • Il est toutefois indifférent que le voisin occupe un fonds contigu
    • Par hypothèse, le trouble est susceptible de se communiquer d’un lieu à un autre, sans considération de bornage, de clôture ou de mitoyenneté.
    • Ainsi, la fumée ou le bruit qui émanent d’une usine peuvent affecter la jouissance de fonds voisins se situant dans un périmètre plus ou moins large selon l’intensité et la teneur du trouble
    • Il suffit donc d’être touché par le trouble pour endosser la qualification de voisin
  • Indifférence de la qualité de propriétaire
    • Il est de jurisprudence constante que la qualité de propriétaire est sans incidence sur la qualification de voisin.
    • Dans un arrêt du 17 mars 2005, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble de voisinage s’applique à tous les occupants d’un immeuble en copropriété quel que soit le titre de leur occupation» ( 2e civ. 17 mars 2005, n°04-11279)
    • À cet égard, il peut être observé que, si l’article 544 du Code civil ne peut pas servir de fondement à la théorie des troubles de voisinage, c’est, en particulier, parce qu’il est indifférent que le voisin ait la qualité de propriétaire.
    • Pour endosser la qualification de voisin, il emporte donc peu que la victime des troubles soit propriétaire, locataire ou encore usufruitier
    • Dans un arrêt du
  • Indifférence de l’occupation du fonds
    • Dans un arrêt du 28 juin 1995, la Cour de cassation a précisé « qu’un propriétaire, même s’il ne réside pas sur son fonds, est recevable à demander qu’il soit mis fin aux troubles anormaux de voisinage provenant d’un fonds voisin» ( 2e civ. 28 juin 1995, n°93-12681).
    • Dans son rapport annuel de 1995, la Cour de cassation commente cette décision en relevant qu’elle « règle une question qui n’avait pas encore été jugée : l’action pour trouble de voisinage peut-elle être intentée uniquement par les victimes directes, celles qui subissent le trouble quotidiennement, ou bien peut-elle être mise en mouvement par les propriétaires du bien où le trouble est subi, indépendamment du fait qu’ils ne résident plus dans les lieux ? Par la présente décision, la cour s’est orientée vers une solution qui permet au propriétaire d’agir même si l’immeuble est inoccupé et quand bien même la victime directe, locataire ou occupant à titre gratuit, s’abstiendrait de le faire. »
    • Ainsi il indifférait que le fonds soit occupé par le propriétaire, son intérêt à agir résidant, en définitive, dans la nécessité de protéger son bien.

B) Le défendeur à l’action en responsabilité fondée sur les troubles de voisinage

Il est admis en jurisprudence que le défendeur n’est pas nécessairement la personne qui a causé le trouble, il peut également s’agir du propriétaire du fonds dont émane le trouble, alors même qu’il n’en est pas à l’origine.

1. L’auteur du trouble

La personne qui est à l’origine du trouble engage sa responsabilité, sans qu’il soit besoin d’établir qu’elle a commis une faute. La seule constatation du trouble anormal suffit à engager sa responsabilité.

À cet égard, il est indifférent que l’auteur du trouble soit propriétaire, locataire ou usufruitier. Ce qui importe c’est qu’il occupe le fonds dont émane le trouble.

La question s’est néanmoins posée en jurisprudence de la responsabilité des entrepreneurs et des maîtres d’ouvrage dont l’intervention sur un fonds est à l’origine d’un trouble affectant la jouissance des fonds voisins.

Dans un arrêt du 30 juin 1998, la Cour de cassation a ainsi retenu, sur le fondement de la théorie des troubles anormaux de voisinage, la responsabilité d’un entrepreneur qui avait injecté du béton dans le sol avec une intensité telle que « ce matériau avait pénétré dans les locaux occupés par les [occupants] du fonds situés au-delà des limites du terrain de la construction ».

Relevant que la preuve était rapportée d’un lien de cause à effet entre ces travaux et les dommages constatés chez les voisins la troisième chambre civile valide la décision de la Cour d’appel « qui n’était pas tenue de caractériser la faute du constructeur » et qui a pu légitimement en déduire que l’entrepreneur « était responsable du trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage » subi par les occupants du fonds voisin (Cass. 3e civ. 30 juin 1998, n°96-13039).

Il ressort de cet arrêt que la Cour de cassation n’hésite pas à retenir la responsabilité de l’entrepreneur à l’origine du trouble, alors même que son intervention n’était que ponctuelle et, surtout qu’il n’entretenait aucune relation de voisinage, au sens commun du terme, avec la victime du trouble.

La Cour de cassation justifie néanmoins sa position dans son rapport annuel en arguant que « bien que celui-ci ne soit pas, normalement, le voisin de la victime, on peut retenir que c’est en travaillant chez un voisin qu’il a commis le trouble anormal et cet arrêt montre la volonté de la troisième chambre d’unifier la jurisprudence dans deux des côtés du triangle unissant entre eux les trois acteurs de l’opération de construction litigieuse ».

Dans un arrêt du 22 juin 2005, la Cour de cassation a précisé sa position en se référant à la notion de « voisins occasionnels ».

Elle a, en effet, confirmé l’arrêt d’une Cour d’appel qui a retenu « à bon droit que le propriétaire de l’immeuble auteur des nuisances, et les constructeurs à l’origine de celles-ci sont responsables de plein droit vis-à-vis des voisins victimes, sur le fondement de la prohibition du trouble anormal de voisinage, ces constructeurs étant, pendant le chantier, les voisins occasionnels des propriétaires lésés » (Cass. 3e civ. 22 juin 2005, n°03-20068).

Pour que la responsabilité du voisin occasionnel soit engagée sur le fondement des troubles de voisinage, encore faut-il, ajoute la Cour de cassation :

  • D’une part, que l’entrepreneur contre qui l’action est dirigée soit l’auteur du trouble, ce qui implique qu’en cas de sous-traitance, le sous-traitant engage seul sa responsabilité (V. en ce sens 3e civ. 21 mai 2008, n°07-13769)
  • D’une part, que les troubles subis soient en relation de cause directe avec la réalisation des missions confiées à l’auteur des troubles (V. en ce sens 3e civ. 9 févr. 2011, n°09-71.570 et 09-72.494)

2. Le propriétaire du fonds dont émane le trouble

Alors même qu’il n’est pas l’auteur du trouble, la jurisprudence a admis que le propriétaire du terrain dont ce trouble émane engage sa responsabilité.

Il s’agit là d’un cas spécifique de responsabilité du fait d’autrui qui ne repose, ni sur l’article 1240 du Code civil, ni sur l’article 1242, al. 1er, mais sur le fondement de la théorie des troubles anormaux de voisinage.

Ainsi que le résument Philippe Malaurie et Laurent Aynès « la victime peut agir directement contre l’auteur du trouble, même s’il n’est pas propriétaire : locataire ou entrepreneur ; ou contre le propriétaire, même s’il n’est pas l’auteur du trouble, car il répond du locataire ou de l’entrepreneur. Le propriétaire, le locataire et l’entrepreneur sont solidairement responsables ».

L’objectif ici visé par la jurisprudence est de faciliter l’exercice du droit à réparation en multipliant les débiteurs d’indemnisation.

Ainsi, le propriétaire du fonds engage sa responsabilité de plein droit à raison du trouble anormal causé par son locataire ou par l’entrepreneur de travaux qu’il a commis .

i) S’agissant de la responsabilité du propriétaire-bailleur du fait du locataire

Deux recours doivent ici être distingués :

  • Le recours de la victime des troubles de voisinage contre le propriétaire-bailleur
  • Le recours du propriétaire-bailleur contre le locataire

==> Le recours de la victime du trouble contre le propriétaire-bailleur

Dans un arrêt du 17 avril 1996, la Cour de cassation a jugé que « la victime d’un trouble de voisinage trouvant son origine dans l’immeuble donné en location, peut en demander réparation au propriétaire » (Cass. 3e civ., 17 avril 1996, n° 94-15.876)

Elle précise, en outre, que le bailleur ne pouvait pas, au cas particulier, se réfugier derrière l’envoi de mises en demeure à l’auteur du trouble, ce qui était insuffisant pour l’exonérer de sa responsabilité.

À cet égard, dans un arrêt du 31 mai 2000, la Cour de cassation ajoute que le seul fait de mentionner dans le contrat de bail que le propriétaire demandait la suppression des micros et musique était insuffisant pour démontrer qu’il avait mis en demeure son locataire de respecter la réglementation sur le bruit et qu’il ne justifiait pas de vérifications particulières pour s’assurer que son locataire respectait les obligations souscrites (Cass. 2e civ. 31 mai 2000, n°98-17532)

La deuxième chambre civile en déduit que l’existence de troubles anormaux du voisinage émanant de l’immeuble donné en location par le propriétaire justifiait que, indépendamment de toute faute de la part du bailleur, le propriétaire était tenu d’en réparer les conséquences dommageables subies par un tiers

Il en résulte que, pour pouvoir s’exonérer de sa responsabilité en cas de trouble causé par son locataire, le bailleur doit, non seulement le mettre en demeure de cesser les troubles dont il est l’origine, mais encore il est tenu d’obtenir la cessation définitive de ces troubles par tous moyens fût-il obligé de menacer le locataire de la résiliation du bail

==> Le recours du propriétaire-bailleur contre le locataire

S’il ne parvient pas à faire cesser le trouble et qu’il est condamné consécutivement à une action engagée contre lui par la victime des troubles de voisinage, tout n’est pas perdu pour le propriétaire.

En effet, lorsque le propriétaire a été condamné à indemniser la victime du trouble, alors même qu’il n’en était pas à l’origine, la jurisprudence admet qu’il dispose d’un recours contre son locataire.

Dans un arrêt du 8 juillet 1987, la Cour de cassation a considéré en ce sens que « lorsque le trouble de voisinage émane d’un immeuble donné en location, la victime de ce trouble peut en demander réparation au propriétaire, qui dispose d’un recours contre son locataire lorsque les nuisances résultent d’un abus de jouissance ou d’un manquement aux obligations nées du bail »

Pour que le bailleur soit fondé à exercer un recours contre son locataire il lui incombe ainsi de démontrer, soit un manquement au contrat de bail, soit un abus de jouissance du local loué.

ii) S’agissant de la responsabilité du propriétaire-maître d’ouvrage du fait de l’entrepreneur de travaux

Plusieurs actions doivent être envisagées :

  • L’action de la victime des troubles contre le maître d’ouvrage
  • Le recours du maître d’ouvrage contre les entrepreneurs de travaux
  • Les recours des entrepreneurs de travaux entre eux

==> L’action de la victime des troubles contre le maître d’ouvrage

À l’instar de la responsabilité du propriétaire du fait de son locataire, lorsqu’il endosse la qualité de maître d’ouvrage il est pareillement responsable du fait de l’intervention de l’entrepreneur de travaux qu’il a commis.

Cette solution a d’abord été consacrée par la Cour de cassation dans un arrêt du 4 février 1971.

La troisième chambre civile a estimé, dans cette décision, au visa des articles 544 et 1382 (nouvellement 1240) du Code civil que :

  • D’une part, si « aux termes du premier de ces textes, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements, le propriétaire voisin de celui qui construit légitimement sur son terrain est néanmoins tenu de subir les inconvénients normaux du voisinage»
  • D’autre part, « qu’en revanche, il est en droit d’exiger une réparation dès lors que ces inconvénients excédent cette limite»

Il ressort ainsi de cet arrêt que le maître d’ouvrage est responsable du fait de son constructeur dont l’intervention est à l’origine du trouble.

La Cour de cassation a statué, dans le même sens, d’un arrêt du 22 juin 2005, aux termes duquel elle a estimé que « le propriétaire de l’immeuble auteur des nuisances, et les constructeurs à l’origine de celles-ci sont responsables de plein droit vis-à-vis des voisins victimes, sur le fondement de la prohibition du trouble anormal de voisinage, ces constructeurs étant, pendant le chantier, les voisins occasionnels des propriétaires lésés » (Cass. 3e civ., 22 juin 2005, n° 03-20.068 et 03-20.991).

Le propriétaire engage également sa responsabilité du fait de l’entrepreneur (Cass. 3e civ., 11 mai 2000, n°98-18249) ou encore du maître d’œuvre (Cass. 3e civ., 20 déc. 2006, n°05-10.855)

À cet égard, il convient d’observer que, à la différence du maître d’ouvrage qui engage sa responsabilité de plein droit dès lors que le trouble anormal est caractérisé, celle de l’entrepreneur de travaux ne peut l’être qu’à la condition qu’il soit démontré que le trouble est en relation directe avec la mission qui lui a été confiée (V. en ce sens Cass. 3e civ. 9 févr. 2011, n°09-71.570 et 09-72.494).

==> Le recours du maître d’ouvrage contre les entrepreneurs de travaux

Lorsque le propriétaire a été condamné à indemniser la victime du trouble, alors même qu’il n’en était pas à l’origine, la jurisprudence admet qu’il dispose d’un recours contre l’entrepreneur de travaux.

Dans un arrêt du 2 juin 2015, la Cour de cassation a, par exemple, jugé « qu’un maître de l’ouvrage condamné pour avoir réalisé des travaux ayant causé à autrui un trouble anormal de voisinage et contre lequel n’est établi ni immixtion fautive ni acceptation délibérée des risques est, subrogé, après paiement de l’indemnité, dans les droits de la victime et est bien fondé, avec son assureur, à recourir contre les constructeurs qui par leur action ont été seuls à l’origine des troubles invoqués et leurs assureurs, sans avoir à prouver leur faute, pour obtenir leur garantie intégrale » (Cass. 3e civ., 2 juin 2015, n° 14-11149)

Ainsi, en cas de condamnation consécutivement à l’action engagée par la victime de troubles anormaux de voisinage, le propriétaire du fonds dont émanent ces troubles dispose d’un recours contre l’entrepreneur de travaux qu’il a commis.

Selon que l’auteur des troubles sera l’entrepreneur principal ou un sous-traitant le fondement du recours sera, tantôt de nature contractuelle, tantôt de nature délictuelle.

Il importe encore de distinguer selon que le recours du maître d’ouvrage est exercé, avant l’indemnisation de la victime du trouble ou après.

  • Le recours intervient avant l’indemnisation de la victime du trouble
    • Dans cette hypothèse, le maître d’ouvrage ne disposera que d’un seul recours, fondé sur la responsabilité contractuelle.
    • Aussi, pour mener à bien son action contre l’auteur des troubles devra-t-il établir une inexécution contractuelle.
    • Cette exigence a été affirmée par la Cour de cassation notamment dans un arrêt du 28 novembre 2001.
    • Elle a, en effet, jugé dans cette décision que « la responsabilité de l’entrepreneur vis-à-vis du maître de l’ouvrage condamné à réparer les dommages causés à un tiers sur le fondement des troubles anormaux du voisinage est de nature contractuelle, et que le maître de l’ouvrage ne peut invoquer une présomption de responsabilité à l’encontre de l’entrepreneur gardien du chantier» ( 3e civ. 28 nov. 2001, n°00-13559 00-14450).
    • Manifestement, lorsque le maître d’ouvrage est contraint d’agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle, sa situation n’est pas des plus confortables, dans la mesure où il est contraint de caractériser une faute.
    • Cette exigence a été rappelée dans un arrêt du 24 février 2003 aux termes duquel la 3e chambre civile a reproché à une Cour d’appel d’avoir condamné l’entrepreneur de travaux « sans caractériser les fautes éventuellement commises par la société Sade CGTH, sur le fondement de la responsabilité contractuelle régissant les rapports unissant le maître de l’ouvrage à l’entrepreneur ayant exécuté les travaux» ( 3e civ. 24 févr. 2003, n°01-18017).
    • Pour cette raison, le maître d’ouvrage a plutôt intérêt à indemniser la victime du trouble avant d’exercer son recours contre l’entrepreneur de travaux, ce afin de bénéficier du recours subrogatoire qui, en ce qu’il repose sur la théorie des troubles de voisinage, le dispense de rapporter la preuve de la faute.
  • Le recours intervient après l’indemnisation de la victime du trouble
    • Lorsque le recours exercé par le maître d’ouvrage intervient postérieurement à l’indemnisation de la victime du trouble, le maître d’ouvrage dispose de deux sortes de recours : un recours personnel et un recours personnel
      • S’agissant du recours personnel
        • Ce recours présente l’inconvénient d’exiger du maître d’ouvrage qu’il rapporte la preuve d’un manquement par l’entrepreneur de travaux à ses obligations contractuelles
        • Le succès de son action s’en trouve dès lors pour le moins incertain.
        • Il se retrouve, en effet, dans la même situation que si l’indemnisation de la victime du trouble était intervenue après l’exercice de son recours.
      • S’agissant du recours subrogatoire
        • Ce recours présente l’avantage de permettre au maître d’ouvrage de se subroger dans les droits de la victime du trouble et, par voie de conséquence, d’exercer son recours sur le fondement de la théorie des troubles de voisinage.
        • Dans ces conditions, il sera dispensé de rapporter la preuve d’une faute : la seule caractérisation du trouble suffit à obtenir gain de cause.
        • C’est ainsi que dans un arrêt du 21 juillet 1999, la Cour de cassation a censuré une Cour d’appel qui pour débouter un maître d’ouvrage et son assureur, de leur action récursoire, elle considère que « le maître de l’ouvrage, agissant contre l’entrepreneur général sur un fondement juridique qui n’est pas celui de l’article 1792 du Code civil doit démontrer l’existence d’une faute et que la preuve de cette faute n’est pas rapportée»
        • La troisième chambre civile juge néanmoins « qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait relevé, par un motif non critiqué, que l’association Institut Curie était subrogée dans les droits et actions de ses voisins, victimes de troubles anormaux du voisinage, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le principe susvisé» ( 3e civ. 21 juill. 1999, n°96-22735).
        • Lorsque donc le maître d’ouvrage exerce un recours subrogatoire, il est dispensé de rapporter la preuve d’une faute.
        • La Cour de cassation a réitéré cette solution dans un arrêt du 24 septembre 2003 en jugeant « qu’ayant relevé qu’il était établi par les pièces produites que [le maître d’ouvrage] avait effectué des paiements au profit des voisins victimes des désordres, la cour d’appel a retenu à bon droit qu’étant subrogée dans les droits de ces derniers à hauteur de ces paiements, cette société était bien fondée à recourir contre les constructeurs et leurs assureurs sur le fondement du principe prohibant les troubles anormaux du voisinage, qui ne requiert pas la preuve d’une faute» ( 3e civ. 24 sept. 2003, n°02-12873).
        • Elle a encore précisé, dans un arrêt du 22 juin 2005, que le maître d’ouvrage était fondé à solliciter des entrepreneurs de travaux une indemnisation à hauteur de l’intégralité des sommes versées à l’auteur du trouble, nonobstant l’absence de faute commise par eux.
        • Ainsi, dans cet arrêt la troisième chambre civile juge « qu’ayant relevé que l’Hôtel George V avait exécuté le jugement et payé les dédommagements accordés aux voisins par le Tribunal, et retenu qu’il n’était pas démontré par les contrats, les correspondances échangées et le rapport des experts que le maître de l’ouvrage ait été pleinement informé des risques de troubles au voisinage, ait entendu décharger les entreprises de leurs responsabilités, et ait prescrit dans ces conditions la poursuite du chantier, la cour d’appel en a déduit à bon droit, sans dénaturation, que du fait de la subrogation dont elle était bénéficiaire dans les droits des victimes, la société George V était fondée à obtenir la garantie totale des locateurs d’ouvrage auteurs du trouble, dont la responsabilité vis-à-vis du maître de l’ouvrage n’exigeait pas la caractérisation d’une faute» ( 3e civ. 22 juin 2005, n°03-20068).
        • Il ressort de cet arrêt que si le maître d’ouvrage dispose d’un recours contre les sous-traitants, par exception, il peut être privé de ce recours dans l’hypothèse où pleinement informé des risques de troubles au voisinage, il aurait entendu décharger les entreprises de leurs responsabilités en leur prescrivant, nonobstant la situation, de poursuivre le chantier sans en tirer les conséquences qui s’imposent

==> Les recours des entrepreneurs de travaux entre eux

Le maître d’ouvrage n’est pas le seul à bénéficier d’une action récursoire en cas de condamnation à indemniser l’auteur des troubles, les entrepreneurs de travaux disposent également de recours entre eux.

À cet égard, dans un arrêt du 26 avril 2006, la Cour de cassation a précisé que « l’entrepreneur principal ne peut exercer de recours subrogatoire contre les sous-traitants que pour la fraction de la dette dont il ne doit pas assumer la charge définitive » (Cass. 3e civ. 26 avr. 2006, n°05-10100).

S’agissant, par ailleurs, de la contribution à la dette des entrepreneurs de travaux lorsqu’ils sont plusieurs à être intervenus sur le chantier, il y a lieu de distinguer deux situations

À cet égard, deux situations doivent être distinguées :

  • Des fautes peuvent être reprochées aux entrepreneurs de travaux
    • Dans cette hypothèse, la Cour de cassation a jugé dans l’arrêt du 26 avril 2006 que « dans les rapports entre le locateur d’ouvrage auteur du trouble anormal causé aux voisins et les autres professionnels dont la responsabilité peut être recherchée, la charge finale de la condamnation, formant contribution à la dette, se répartit en fonction de la gravité de leurs fautes respectives» ( 3e civ. 26 avr. 2006, n°05-10100).
    • Lorsque, de la sorte, le trouble de voisinage procède de fautes commises par les entrepreneurs de travaux, ils engagent leur responsabilité à concurrence de la gravité du manquement susceptible de leur être reproché
  • Aucune faute ne peut être reprochée aux entrepreneurs des travaux
    • Dans un arrêt du 20 décembre 2006, la Cour de cassation a considéré que « dans l’exercice du recours du maître de l’ouvrage ou de son assureur au titre d’un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, la contribution à la dette, en l’absence de faute, se répartit à parts égales entre les co-obligés» ( 3e civ. 20 déc. 2006, n°05-10855).
    • Dans cette situation, si plusieurs entrepreneurs de travaux ont concouru à la production du préjudice subi par la victime des troubles de voisinage, aucune faute ne peut leur être reproché.
    • C’est la raison pour laquelle la Cour de cassation décide qu’il s’agit là d’un cas de partage de responsabilité.

III) La réparation du préjudice causé par des troubles de voisinage

L’action en responsabilité fondée sur les troubles anormaux de voisinage peut avoir pour objet

  • L’octroi de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé
  • La cessation du trouble causant un préjudice au demandeur

==> S’agissant de l’octroi de dommages et intérêts

L’octroi de dommages et intérêts est subordonné à l’établissement, par la victime des nuisances, d’un préjudice qui a pour cause les troubles anormaux de voisinage.

Les préjudices dont est susceptible de se prévaloir le demandeur peuvent être de différentes natures.

Il peut s’agit de compenser la perte de valeur du bien atteint par les troubles de voisinage. Il peut encore s’agir de compenser un préjudice corporel, qui résulterait d’un bruit intensif, de poussières corrosives ou encore un préjudice psychologique en raison de l’état d’anxiété de la victime provoqué par les troubles.

La charge de la preuve du préjudice pèse ici sur le demandeur, étant précisé qu’il est dispensé de démontrer la faute de l’auteur des troubles.

==> S’agissant de la cessation du trouble

L’action engagée par la victime des troubles de voisinage peut également tendre à faire cesser les nuisances.

Pour ce faire, le demandeur pourra notamment agir en référé sur le fondement de l’article 835 du Code de procédure civile.

Cette disposition prévoit, en effet, que « le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. »

À cet égard, il convient de noter que, en matière d’urbanisme, lorsque l’activité à l’origine des troubles est exploitée sur la base d’une autorisation administrative, le juge ne dispose pas du pouvoir d’en ordonner la cessation.

L’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme prévoit en ce sens que « lorsqu’une construction a été édifiée conformément à un permis de construire […] Le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l’ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative et, sauf si le tribunal est saisi par le représentant de l’État dans le département sur le fondement du second alinéa de l’article L. 600-6, si la construction est située dans l’une des zones suivantes »

Tout au plus, le juge peut prononcer la condamnation de l’exploitant au paiement de dommages et intérêts, voire à prendre des mesures aux fins de diminuer les troubles.

En dehors des règles d’urbanisme, le juge judiciaire est, en principe, habilité à ordonner la cessation de l’activité ou la démolition de l’ouvrage.

Dans un arrêt du 30 septembre 1998, la Cour de cassation a par exemple censuré une Cour d’appel qui avait refusé de prononcer la démolition d’un ouvrage édifié sur la base d’un permis de construire annulé (Cass. 3e civ. 30 sept. 1998, n°96-19771).

Après avoir rappelé au visa de l’ancien article 1143 du Code civil (1142 nouveau), que « le créancier a le droit de demander que ce qui aurait été fait par contravention à l’engagement du débiteur soit détruit », la troisième chambre civile considère, après avoir relevé que le demandeur subissait un préjudice tenant à des nuisances phoniques d’intensité importante, et à un défaut d’ensoleillement affectant sept pièces de la maison, et que ces nuisances étaient imputables partiellement à la violation de la règle d’urbanisme, qu’il n’y avait pas lieu de rejeter la demande de démolition de l’ouvrage.

Reste que, dans certains cas, la mesure est susceptible de se heurter à des intérêts économiques et sociaux qui priment l’intérêt individuel.

C’est la raison pour laquelle, la cessation de l’activité ou la démolition de l’ouvrage ne pourra pas, à tout le moins difficilement, être ordonnée lorsque la mesure apparaît disproportionnée avec les troubles de voisinage dénoncés par le demandeur, sauf à justifier de manquements d’une particulière gravité.

Cass. 3e civ. 30 sept. 1998
Sur le second moyen : (sans intérêt) ;
Mais sur le premier moyen :

Vu l'article 1143 du Code civil ;

Attendu que le créancier a le droit de demander que ce qui aurait été fait par contravention à l'engagement du débiteur soit détruit ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 avril 1996), qu'en 1981, M. Z... a édifié une construction sur un terrain jouxtant un fonds appartenant à M. Y..., à une distance de 5 mètres de la limite séparative, alors que la réglementation imposait une distance minimale de 13,5 mètres ; qu'invoquant des préjudices causés par la violation de la règle d'urbanisme, M. Y... a sollicité la démolition de la construction de M. Z... ;

Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt retient que le préjudice causé à M. Y... du fait des nuisances phoniques et de la perte d'ensoleillement dues à l'édifice de M. Z... est dû essentiellement à l'existence même de cette construction, et que la démolition de cette dernière entraînerait des inconvénients sociaux ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que le permis de construire autorisant la construction avait été annulé pour illégalité, que M. Y... avait subi un préjudice tenant à des nuisances phoniques d'intensité importante, et à un défaut d'ensoleillement affectant sept pièces de la maison, et que ces nuisances étaient imputables partiellement à la violation de la règle d'urbanisme, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a débouté les consorts X... de leurs demandes, et en ce qu'il a rejeté la demande d'expertise portant sur l'écoulement des eaux, l'arrêt rendu le 23 avril 1996, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.

Les actions qui assurent la protection de la possession ou la disparition des actions possessoires

L’article 2278 du Code civil prévoit que « la possession est protégée, sans avoir égard au fond du droit, contre le trouble qui l’affecte ou la menace. »

Si la possession est une situation de fait, elle produit des effets de droits qui justifient que le possesseur bénéficie d’une protection juridique en cas d’atteinte à son droit.

==> Droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur, la protection de la possession était assurée par les actions possessoires dont étaient titulaires, en application de l’ancien article 2279 du Code civil, celui qui possédait utilement et le détendeur précaire de la chose.

Cette disposition prévoyait en ce sens que « les actions possessoires sont ouvertes dans les conditions prévues par le code de procédure civile à ceux qui possèdent ou détiennent paisiblement. »

Au nombre des actions possessoires figuraient :

  • La complainte
    • Il s’agit de l’action de droit commun du possessoire, de sorte que tout trouble subi par le possesseur pouvait justifier l’exercice de cette action, à l’exception des troubles sanctionnés par les deux autres actions possessoires.
    • L’exercice de la complainte était conditionné par la caractérisation d’un trouble, par la paisibilité de la possession et par sa durée qui devait être supérieure à un an.
    • Ainsi, les conditions d’exercice de cette action possessoire étaient plutôt souples puisqu’il n’était pas nécessaire de justifier de tous les autres caractères de la possession (continue, publique, non équivoque)
  • La dénonciation de nouvel œuvre
    • Tandis que la complainte avait vocation à mettre fin au trouble subi par le possesseur, la dénonciation de nouvel œuvre visait à prévenir un trouble futur.
    • La décision rendue consistait ainsi à enjoindre l’auteur du trouble de cesser son activité en prévision de l’atteinte à venir à la possession du demandeur
  • L’action en réintégration
    • Cette action était pour le moins particulière dans la mesure où elle permettait d’assurer la protection de la possession qui avait duré moins d’un an.
    • La raison en est que cette action visait à sanctionner les troubles d’une extrême gravité
    • Il s’agit, en effet, de protéger une personne qui a été dépossédée du bien qu’elle occupait paisiblement, soit par violence (expulsion par la force du possesseur), soit par voie de fait (appropriation du bien sans recours à la force)
    • Afin de prévenir la vengeance du possesseur dépouillé, le droit l’autorisait à exercer une action en justice quand bien même il était en possession de la chose depuis moins d’un an

Bien que profondément ancrées dans le droit des biens, depuis 2015, les actions possessoires ne sont plus : elles ont été supprimées par le législateur pour plusieurs raisons :

Tout d’abord, il peut être observé que la protection possessoire ne concernait que les immeubles, ce qui n’était pas sans restreindre son champ d’application.

Par ailleurs, les actions possessoires soulevaient des difficultés, notamment quant à leur distinction avec les actions pétitoires, soit les actions qui visent à établir, non pas la possession ou la détention d’un bien, mais le fond du droit de propriété.

En effet, il était toujours difficile d’exiger du juge qu’il ignore le fond du droit lorsqu’il est saisi au possessoire.

À cela s’ajoutait la règle énoncée à l’ancien article 1265 du Code civil qui posait le principe de non-cumul de l’action possessoire avec l’action pétitoire. Celui qui agissait au fond n’était pas recevable à agir au possessoire et le défendeur au possessoire ne peut agir au fond qu’après avoir mis fin au trouble.

En outre, il est apparu au législateur que les actions en référé étaient préférées aux actions possessoires, rendues trop complexes en raison notamment de ce principe du non-cumul du possessoire et du pétitoire.

Aussi, le groupe de travail sur la réforme du droit des biens, présidé par le professeur Périnet-Marquet, sous l’égide de l’association Henri Capitant, a « dans un but de simplification souhaité la suppression pure et simple des actions possessoires figurant dans le code de procédure civile »

Cette idée a été reprise une première fois par la Cour de cassation, dans son rapport d’activité de 2009. Selon ce rapport « les multiples difficultés nées de l’application de ce principe et de l’efficacité des procédures de référé actuelles permettent légitimement de justifier la suppression suggérée, la protection du trouble causé par une voie de fait relevant des attributions du juge des référés et le tribunal de grande instance statuant au fond sur le litige de propriété proprement dit ».

Un premier pas vers un rapprochement des actions possessoires et pétitoires avait été fait en 2005, lorsque le décret n°2005-460 du 13 mai 2005 relatif aux compétences des juridictions civiles, à la procédure civile et à l’organisation judiciaire a transféré la compétence du juge d’instance en matière d’action possessoire au juge du Tribunal de grande instance qui était déjà investi d’une compétence exclusive en matière d’action pétitoire.

Le législateur a finalement décidé de supprimer les actions possessoires en 2015 du dispositif de protection de la possession.

==> Droit positif

La loi n°2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures a donc abrogé l’ancien article 2279 du Code civil qui envisageait les actions possessoires.

Aussi, désormais, la seule action qui vise à assurer la protection du possesseur contre les troubles dont il est susceptible de faire l’objet est l’action en référé.

Lorsqu’un litige exige qu’une solution, au moins provisoire, soit prise dans l’urgence par le juge, une procédure spécifique dite de référé est prévue par la loi.

Elle est confiée à un juge unique, généralement le président de la juridiction qui rend une ordonnance de référé.

L’article 484 du Code de procédure civile définit l’ordonnance de référé comme « une décision provisoire rendue à la demande d’une partie, l’autre présente ou appelée, dans les cas où la loi confère à un juge qui n’est pas saisi du principal le pouvoir d’ordonner immédiatement les mesures nécessaires. »

Il ressort de cette disposition que la procédure de référé présente trois caractéristiques :

  • D’une part, elle conduit au prononcé d’une décision provisoire, en ce sens que le juge des référés ne se prononce pas sur le fond du litige. L’ordonnance rendue en référé n’est donc pas définitive
  • D’autre part, la procédure de référé offre la possibilité à un requérant d’obtenir du Juge toute mesure utile afin de préserver ses droits et intérêts
  • Enfin, la procédure de référé est, à la différence de la procédure sur requête, placée sous le signe du contradictoire, le Juge ne pouvant statuer qu’après avoir entendu les arguments du défendeur

Le juge des référés, juge de l’urgence, juge de l’évidence, juge de l’incontestable, paradoxalement si complexes à saisir, est un juge au sens le plus complet du terme.

Il remplit une fonction sociale essentielle, et sa responsabilité propre est à la mesure du pouvoir qu’il exerce.

Selon les termes de Pierre DRAI, ancien Premier Président de la Cour de cassation « toujours présent et toujours disponible (…) (il fait) en sorte que l’illicite ne s’installe et ne perdure par le seul effet du temps qui s’écoule ou de la procédure qui s’éternise ».

Le référé ne doit cependant pas faire oublier l’intérêt de la procédure à jour fixe qui répond au même souci, mais avec un tout autre aboutissement : le référé a autorité provisoire de chose jugée alors que dans la procédure à jour fixe, le juge rend des décisions dotées de l’autorité de la chose jugée au fond.

En toute hypothèse, avant d’être une technique de traitement rapide aussi bien de l’urgence que de plusieurs cas d’évidence, les référés ont aussi été le moyen de traiter l’urgence née du retard d’une justice lente.

Reste que les fonctions des référés se sont profondément diversifiées. Dans bien des cas, l’ordonnance de référé est rendue en l’absence même d’urgence.

Mieux encore, lorsqu’elle satisfait pleinement le demandeur, il arrive que, provisoire en droit, elle devienne définitive en fait – en l’absence d’instance ultérieure au fond.

En outre, la Cour européenne des droits de l’homme applique désormais au juge du provisoire les garanties du procès équitable de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH, gde ch., arrêt du 15 octobre 2009, Micallef c. Malte, no 17056/06). S’affirme ainsi une véritable juridiction du provisoire.

Le juge des référés est saisi par voie d’assignation. Il instruit l’affaire de manière contradictoire lors d’une audience publique, et rend une décision sous forme d’ordonnance, dont la valeur n’est que provisoire et qui n’est pas dotée au fond de l’autorité de la chose jugée.

L’ordonnance de référé ne tranche donc pas l’entier litige. Elle est cependant exécutoire à titre provisoire.

Le recours au juge des référés, qui n’est qu’un juge du provisoire et de l’urgence, n’est possible que dans un nombre limité de cas :

  • Le référé d’urgence
    • Dans les cas d’urgence, le juge peut prononcer toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence du litige en question. On dit à cette occasion que le juge des référés est le juge de l’évidence, de l’incontestable.
  • Le référé conservatoire
    • Le juge des référés peut également prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite (il peut ainsi, par exemple, suspendre la diffusion d’une publication portant manifestement atteinte à la vie privée d’un individu).
  • Le référé provision
    • Le juge des référés est compétent pour accorder une provision sur une créance qui n’est pas sérieusement contestable.
  • Le référé injonction
    • Le juge des référés peut enjoindre une partie d’exécuter une obligation, même s’il s’agit d’une obligation de faire
  • Le référé probatoire
    • Lorsqu’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de certains faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, le juge peut ordonner des mesures d’instruction, par exemple une expertise.

S’agissant de la protection de la possession, pour exercer une action en référé il conviendra de remplir les conditions de recevabilité propres à chaque action.

S’agissant du référé urgence, l’article 834 du CPC) prévoit que « dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend » (Pour plus de détails V. Fiche sur le référé d’urgence).

S’agissant du référé conservatoire ou remise en état, l’article 835, al. 1er prévoit que « le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite » (Pour plus de détails V. Fiches sur le référé conservatoire et sur le référé remise en état)

La procédure de référé devant le Tribunal de commerce: représentation des parties, instance, ordonnance et voies de recours

« La procédure est la forme dans laquelle on doit intenter les demandes en justice, y défendre, intervenir, instruire, juger, se pourvoir contre les jugements et les exécuter » (R.-J. POTHIER, Traité de procédure civile, in limine, 1er volume Paris, 1722, Debure)

==>Présentation générale

Lorsqu’un litige exige qu’une solution, au moins provisoire, soit prise dans l’urgence par le juge, une procédure spécifique dite de référé est prévue par la loi.

Elle est confiée à un juge unique, généralement le président de la juridiction qui rend une ordonnance de référé.

L’article 484 du Code de procédure civile définit l’ordonnance de référé comme « une décision provisoire rendue à la demande d’une partie, l’autre présente ou appelée, dans les cas où la loi confère à un juge qui n’est pas saisi du principal le pouvoir d’ordonner immédiatement les mesures nécessaires. »

Il ressort de cette disposition que la procédure de référé présente trois caractéristiques :

  • D’une part, elle conduit au prononcé d’une décision provisoire, en ce sens que le juge des référés ne se prononce pas sur le fond du litige. L’ordonnance rendue en référé n’est donc pas définitive
  • D’autre part, la procédure de référé offre la possibilité à un requérant d’obtenir du Juge toute mesure utile afin de préserver ses droits et intérêts
  • Enfin, la procédure de référé est, à la différence de la procédure sur requête, placée sous le signe du contradictoire, le Juge ne pouvant statuer qu’après avoir entendu les arguments du défendeur

Le juge des référés, juge de l’urgence, juge de l’évidence, juge de l’incontestable, paradoxalement si complexes à saisir, est un juge au sens le plus complet du terme.

Il remplit une fonction sociale essentielle, et sa responsabilité propre est à la mesure du pouvoir qu’il exerce.

Selon les termes de Pierre DRAI, ancien Premier Président de la Cour de cassation « toujours présent et toujours disponible (…) (il fait) en sorte que l’illicite ne s’installe et ne perdure par le seul effet du temps qui s’écoule ou de la procédure qui s’éternise ».

Le référé ne doit cependant pas faire oublier l’intérêt de la procédure à jour fixe qui répond au même souci, mais avec un tout autre aboutissement : le référé a autorité provisoire de chose jugée alors que dans la procédure à jour fixe, le juge rend des décisions dotées de l’autorité de la chose jugée au fond.

En toute hypothèse, avant d’être une technique de traitement rapide aussi bien de l’urgence que de plusieurs cas d’évidence, les référés ont aussi été le moyen de traiter l’urgence née du retard d’une justice lente.

Reste que les fonctions des référés se sont profondément diversifiées. Dans bien des cas, l’ordonnance de référé est rendue en l’absence même d’urgence.

Mieux encore, lorsqu’elle satisfait pleinement le demandeur, il arrive que, provisoire en droit, elle devienne définitive en fait – en l’absence d’instance ultérieure au fond.

En outre, la Cour européenne des droits de l’homme applique désormais au juge du provisoire les garanties du procès équitable de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH, gde ch., arrêt du 15 octobre 2009, Micallef c. Malte, no 17056/06). S’affirme ainsi une véritable juridiction du provisoire.

Le juge des référés est saisi par voie d’assignation. Il instruit l’affaire de manière contradictoire lors d’une audience publique, et rend une décision sous forme d’ordonnance, dont la valeur n’est que provisoire et qui n’est pas dotée au fond de l’autorité de la chose jugée.

L’ordonnance de référé ne tranche donc pas l’entier litige. Elle est cependant exécutoire à titre provisoire.

Le recours au juge des référés, qui n’est qu’un juge du provisoire et de l’urgence, n’est possible que dans un nombre limité de cas :

  • Le référé d’urgence
    • Dans les cas d’urgence, le juge peut prononcer toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence du litige en question. On dit à cette occasion que le juge des référés est le juge de l’évidence, de l’incontestable.
  • Le référé conservatoire
    • Le juge des référés peut également prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite (il peut ainsi, par exemple, suspendre la diffusion d’une publication portant manifestement atteinte à la vie privée d’un individu).
  • Le référé provision
    • Le juge des référés est compétent pour accorder une provision sur une créance qui n’est pas sérieusement contestable.
  • Le référé injonction
    • Le juge des référés peut enjoindre une partie d’exécuter une obligation, même s’il s’agit d’une obligation de faire.
  • Le référé probatoire
    • Lorsqu’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de certains faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, le juge peut ordonner des mesures d’instruction, par exemple une expertise.

Dans la pratique, les justiciables tendent à avoir de plus en plus recours au juge des référés, simplement dans le but d’obtenir plus rapidement une décision judiciaire, détournant ainsi la fonction initiale de cette procédure.

On peut en outre souligner que depuis la loi du 30 juin 2000, une procédure de référé administratif a été introduite dans cet ordre juridictionnel.

I) L’instance en référé

A) La représentation des parties

Tandis que sous l’empire du droit antérieur la représentation des parties par avocat n’était jamais obligatoire devant le Tribunal de commerce, elle le devient désormais depuis l’adoption du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

Le nouvel article 853 dispose en ce sens que « les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat devant le tribunal de commerce. »

L’alinéa 3 de cette disposition précise néanmoins que « les parties sont dispensées de l’obligation de constituer avocat dans les cas prévus par la loi ou le règlement, lorsque la demande porte sur un montant inférieur ou égal à 10 000 euros ou qu’elle a pour origine l’exécution d’une obligation dont le montant n’excède pas 10 000 euros, dans le cadre des procédures instituées par le livre VI du Code de commerce ou pour les litiges relatifs à la tenue du registre du commerce et des sociétés. Le montant de la demande est apprécié conformément aux dispositions des articles 35 à 37. »

Si, dès lors, devant le Tribunal de commerce le principe est la représentation obligatoire des parties, par exception, elle peut être facultative, notamment lorsque le montant de la demande est inférieur à 10.000 euros.

Le calcul du montant de la demande s’opère de la même manière que si elle était formulée devant le Tribunal judiciaire.

1. Le principe de représentation obligatoire

L’article 853 du CPC dispose donc que « les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat devant le tribunal de commerce. »

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir si cette représentation relève de ce que l’on appelle le monopole de postulation de l’avocat érigé à l’article 5, al. 2 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971.

==>Notion de postulation

Pour mémoire, la postulation est, selon le dictionnaire du vocabulaire juridique du doyen Cornu, « la mission consistant à accomplir au nom d’un plaideur les actes de la procédure qui incombent, du seul fait qu’elle est constituée, à la personne investie d’un mandat de représentation en justice ».

En d’autres termes, la postulation pour autrui est la représentation appliquée à des hypothèses limitées où la partie ne peut être admise elle-même à faire valoir ses droits et où la loi prévoit que cette représentation obligatoire sera confiée à une personne qualifiée.

Parfois qualifié de mandat ad litem, le mandat de représentation confère à l’avocat la mission de conduire le procès.

Lorsque la représentation est obligatoire, cette situation correspond à l’activité de postulation de l’avocat, laquelle se distingue de sa mission d’assistance qui comprend, notamment, la mission de plaidoirie.

==>Postulation et plaidoirie

L’activité de postulation de l’avocat ne doit pas être confondue avec l’activité de plaidoirie à plusieurs titres :

  • Tout d’abord
    • Tandis que la plaidoirie relève de la mission d’assistance de l’avocat, la postulation relève de sa mission de représentation.
      • Lorsque, en effet, l’avocat plaide la cause de son client, il n’est que son porte-voix, en ce sens que son intervention se limite à une simple assistance.
      • Lorsque, en revanche, l’avocat postule devant une juridiction, soit accomplit les actes de procédure que requiert la conduite du procès, il représente son client, car agit en son nom et pour son compte.
  • Ensuite
    • L’avocat « postulant » est seul investi du pouvoir d’accomplir les actes de procédure auprès de la juridiction devant laquelle la représentation est obligatoire.
    • L’avocat « plaidant », ne peut, quant à lui, que présenter oralement devant la juridiction saisie la défense de son client.
  • Enfin
    • Les avocats sont autorisés à plaider devant toutes les juridictions et organes disciplinaires sans limitation territoriale
    • Les avocats ne sont, en revanche, autorisés à postuler que devant les Tribunaux judiciaires relevant de la Cour d’appel dans le ressort de laquelle est établie leur résidence professionnelle

==>L’absence de monopole de postulation

À l’examen, devant le Tribunal de commerce les avocats ne disposent d’aucun monopole de postulation.

La raison en est que ce monopole est circonscrit pat l’article 5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques aux seuls tribunaux judiciaires du ressort de cour d’appel dans lequel ils ont établi leur résidence professionnelle ainsi qu’aux seules Cours d’appel.

Aussi, en application du 1er alinéa de l’article 5 ce texte, devant le Tribunal de commerce, les avocats exercent leur ministère et peuvent plaider sans limitation territoriale

À cet égard, l’article 853, al. 5 du CPC prévoit que « le représentant, s’il n’est avocat, doit justifier d’un pouvoir spécial. »

Lorsque le mandataire est avocat, il n’a donc pas l’obligation de justifier d’un pouvoir spécial, l’article 411 du CPC disposant que « la constitution d’avocat emporte mandat de représentation en justice »

Le plus souvent, sa mission consistera à assister et représenter la partie dont il assure la défense des intérêts.

Le dernier alinéa du texte précise que « l’État, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics peuvent se faire assister ou représenter par un fonctionnaire ou un agent de leur administration. »

1.1. Représentation et assistance

==>Notion

L’article 411 du CPC prévoit que « le mandat de représentation en justice emporte pouvoir et devoir d’accomplir au nom du mandant les actes de la procédure. »

Il ressort de cette disposition que la mission de représentation dont est investi l’avocat consiste à endosser la qualité de mandataire.

Lorsque l’avocat intervient en tant que représentant de son client, il est mandaté par lui, en ce sens qu’il est investi du pouvoir d’accomplir au nom et pour son compte des actes de procédure.

Aussi, dans cette configuration, les actes régularisés par l’avocat engagent son client comme si celui-ci les avait accomplis personnellement.

À cet égard, la mission de représentation de l’avocat ne se confond pas avec sa mission d’assistance.

==>Représentation et assistance

La différence entre la représentation et l’assistance tient à l’étendue des pouvoirs dont est investi l’avocat dans l’une et l’autre mission.

  • Lorsque l’avocat assiste son client, il peut :
    • Lui fournir des conseils
    • Plaider sa cause
  • Lorsque l’avocat représente son client, il peut
    • Lui fournir des conseils
    • Plaider sa cause
    • Agir en son nom et pour son compte

Lorsque dès lors l’avocat plaide la cause de son client dans le cadre de sa mission d’assistance, il ne le représente pas : il ne se fait que son porte-voix.

Lorsque, en revanche, l’avocat se livre à la joute oratoire dans le cadre d’un mandat de représentation, ses paroles engagent son client comme s’il s’exprimait à titre personnel.

Ainsi, la mission de représentation est bien plus large que la mission d’assistance. C’est la raison pour laquelle l’article 413 du CPC prévoit que « le mandat de représentation emporte mission d’assistance, sauf disposition ou convention contraire ».

À cet égard, tandis que l’avocat investi d’un mandat de représentation est réputé à l’égard du juge et de la partie adverse avoir reçu pouvoir spécial de faire ou accepter un désistement, d’acquiescer, de faire, accepter ou donner des offres, un aveu ou un consentement, tel n’est pas le cas de l’avocat seulement titulaire d’un mandat d’assistance.

La raison en est que dans cette dernière hypothèse, l’avocat n’agit pas au nom et pour le compte de son client. Il ne peut donc accomplir aucun acte qui l’engage personnellement.

1.2. Le mandat ad litem

==>Le principe du mandat ad litem

Aux termes de l’article 411 du CPC, la constitution d’avocat emporte mandat de représentation en justice : l’avocat reçoit ainsi pouvoir et devoir d’accomplir pour son mandant et en son nom, les actes de la procédure. On parle alors traditionnellement de mandat « ad litem », en vue du procès.

Comme démontré précédemment, ce mandat ad litem est obligatoire devant certaines juridictions (Tribunal judiciaire, Tribunal de commerce, Cour d’appel, Cour de cassation etc.).

L’article 413 du CPC précise que le mandat de représentation emporte mission d’assistance (présenter une argumentation orale ou écrite et plaider).

Par dérogation à l’exigence qui pèse sur le représentant d’une partie de justifier d’un mandat ad litem, l’avocat est dispensé de justifier du mandat qu’il a reçu de son mandant (art. 416 CPC).

L’article 416 du CPC prévoit en ce sens que « quiconque entend représenter ou assister une partie doit justifier qu’il en a reçu le mandat ou la mission. L’avocat est toutefois dispensé d’en justifier ».

L’article 6.2 du Règlement Intérieur National de la Profession d’Avocat dispose encore que « lorsqu’il assiste ou représente ses clients en justice, devant un arbitre, un médiateur, une administration ou un délégataire du service public, l’avocat n’a pas à justifier d’un mandat écrit, sous réserve des exceptions prévues par la loi ou le règlement ».

La présomption ainsi établie de l’existence même du mandat de représentation peut néanmoins être combattue par la preuve contraire (Cass. com., 19 oct. 1993 n°91-15.795).

Le mandat de représentation emporte, à l’égard du juge et de la partie adverse, pouvoir spécial de faire ou accepter un désistement, d’acquiescer, de faire accepter ou donner des offres, un aveu ou un consentement (art. 417 CPC).

La Cour de Cassation juge qu’il s’agit là d’une règle de fond, non susceptible de preuve contraire, dont il découle qu’un acquiescement donné par le représentant ad litem engage irrévocablement le mandant (Cass. 2e civ, 27 févr. 1980 n°78-14.761).

Par ailleurs, si une partie peut révoquer son avocat, c’est à la condition de pourvoir immédiatement à son remplacement, faute de quoi son adversaire serait fondé à poursuivre la procédure jusqu’à la décision de la cour en continuant à ne connaître que l’avocat révoqué (art. 418 CPC).

Inversement, un avocat ayant décidé de se démettre de son mandat n’en est effectivement déchargé, d’une part, qu’après avoir informé son mandant, le juge et la partie adverse de son intention, et, d’autre part, seulement à compter du jour où il est remplacé par un nouvel avocat (art. 419 CPC).

Enfin, l’avocat est tenu de porter à la connaissance du juge son nom et sa qualité dans une déclaration au secrétariat-greffe.

==>L’étendue du mandat ad litem

L’avocat qui a reçu mandat par son client de le représenter en justice peut accomplir tous les actes de procédures utiles à la conduite du procès.

À cet égard, lorsque la postulation est obligatoire, c’est « l’avocat postulant » qui exercera cette mission, tandis que « l’avocat plaidant » ne pourra qu’assurer, à l’oral, la défense du justiciable devant la juridiction saisie.

En tout état de cause, le mandat ad litem confère à l’avocat les pouvoirs les plus étendus pour accomplir les actes de procédure, tant au stade de l’instance, qu’au stade de l’exécution de la décision.

L’article 420 du CPC dispose en ce sens que « l’avocat remplit les obligations de son mandat sans nouveau pouvoir jusqu’à l’exécution du jugement pourvu que celle-ci soit entreprise moins d’un an après que ce jugement soit passé en force de chose jugée »

  • Au stade de l’instance l’avocat investi d’un mandat ad litem peut :
    • Placer l’acte introductif d’instance
    • Prendre des conclusions et mémoires
    • Provoquer des incidents de procédure
  • Au stade de l’exécution de la décision, l’avocat peut :
    • Faire notifier la décision
    • Mandater un huissier aux fins d’exécution de la décision rendue

Bien que le périmètre des pouvoirs de l’avocat postulant soit relativement large, le mandat ad litem dont est investi l’avocat ne lui confère pas des pouvoirs illimités.

Pour l’accomplissement de certains actes, les plus graves, l’avocat devra obtenir un pouvoir spécial afin qu’il soit habilité à agir au nom et pour le compte de son client.

Tel n’est notamment le cas s’agissant de l’exercice d’une voie de recours (appel et pourvoi en cassation), en conséquence de quoi l’avocat devra justifier d’un pouvoir spécial (V. en ce sens Cass. soc. 2 avr. 1992, n° 87-44229 et Cass. 2e civ., 10 févr. 1993, n° 92-50.008).

Il en va également ainsi en matière d’inscription en faux, de déféré de serment décisoire, de demande de récusation ou de renvoi pour cause de suspicion légitime ou encore de la transaction.

Plus généralement, il ressort de la jurisprudence constante que l’avocat ne peut accomplir aucun acte qui serait étranger à l’instance.

S’agissant des actes énoncés à l’article 417 du Code de procédure civile, (faire ou accepter un désistement, d’acquiescer, de faire, accepter ou donner des offres, un aveu ou un consentement) si l’avocat est réputé être investi d’un pouvoir spécial à l’égard du juge et de la partie adverse, il engage sa responsabilité à l’égard de son mandant en cas de défaut de pouvoir.

2. La dispense de représentation obligatoire

Par dérogation au principe de représentation obligatoire devant le Tribunal de commerce, l’article 853, al. 2 du CPC pose que les parties sont dispensées de l’obligation de constituer avocat dans les cas prévus par la loi ou le règlement, lorsque

  • Soit la demande porte sur un montant inférieur ou égal à 10 000 euros
  • Soit dans le cadre des procédures instituées par le livre VI du Code de commerce consacré au traitement des entreprises en difficulté
  • Soit pour les litiges relatifs à la tenue du registre du commerce et des sociétés.
  • Soit en matière de gage des stocks et de gage sans dépossession

Lorsque l’une de ses situations est caractérisée, il ressort de l’article 853, al. 3 du CPC que les parties ont la faculté :

  • Soit de se défendre elles-mêmes
  • Soit de se faire assister ou représenter par toute personne de leur choix.

2.1. La comparution personnelle des parties

En application de l’article 853 du CPC, les parties disposent de la faculté, devant le Tribunal de commerce, de se défendre elles-mêmes.

Le dernier alinéa du texte précise que « l’État, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics peuvent se faire assister ou représenter par un fonctionnaire ou un agent de leur administration. »

Cette faculté qui leur est octroyée implique que non seulement elles sont autorisées à accomplir des actes de procédure (assignation, déclaration au greffe, requête, conclusions etc.), mais encore qu’elles peuvent plaider pour leur propre compte sans qu’il leur soit besoin de solliciter l’intervention d’un avocat.

Les enjeux financiers limités des affaires soumises aux tribunaux judiciaires en procédure orale peuvent justifier qu’une partie fasse le choix de ne pas recourir à l’assistance d’un avocat pour participer à une procédure qui peut d’ailleurs ne présenter aucune complexité particulière.

Dans une réponse du Ministère de la justice et des libertés publiée le 13 janvier 2011, il a été précisé que ce dispositif n’a, en revanche, aucunement pour effet d’exclure les personnes ayant des moyens financiers limités du bénéfice de l’assistance d’un avocat.

Ainsi les parties qui remplissent les conditions de ressources peuvent demander le bénéfice de l’aide juridictionnelle.

De nombreux contrats d’assurance offrent aux assurés le bénéfice d’une protection juridique. En ce cas, le financement de l’assistance de l’avocat pourra être assuré par la compagnie en question selon les modalités fixées au contrat.

Il ne peut donc être conclu que la possibilité pour les parties de se faire assister ou représenter par avocat soit de nature à créer une iniquité entre les parties.

En outre, si la partie qui comparaît seule à une audience face à une partie adverse représentée par un avocat n’est pas tenue elle-même de constituer avocat, elle peut en revanche solliciter du juge un renvoi de l’affaire à une audience ultérieure pour lui permettre de préparer utilement sa défense.

À cet effet, la partie peut décider de se faire assister ou représenter pour la suite de la procédure, ou solliciter en amont de l’audience les conseils juridiques d’un avocat, le cas échéant lors des permanences gratuites qui peuvent être organisées dans le cadre de la politique de l’accès au droit.

Reste que les parties qui entendent, de bout en bout de la procédure, assurer leur propre défense ne doivent pas être frappées d’une incapacité.

En pareil cas, seul le représentant de l’incapable pourrait agir en justice au nom et pour son compte.

2.2. La désignation d’un mandataire par les parties

a. Le choix du mandataire

Lorsque les parties décident de se faire assister ou représenter, elles peuvent désigner « toute personne de leur choix ».

C’est là une différence notable avec les procédures sans représentation obligatoire devant le Tribunal judiciaire qui limite le nombre de personnes susceptibles de représenter ou d’assister les parties (V. en ce sens art. 762 CPC).

Il est donc indifférent que le représentant soit l’avocat, le concubin, un parent ou encore un officier ministériel.

Ce qui importe c’est que le mandataire désigné soit muni d’un pouvoir spécial.

Le dernier alinéa de l’article 853 précise que « l’État, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics peuvent se faire assister ou représenter par un fonctionnaire ou un agent de leur administration. »

b. Le pouvoir du mandataire

L’article 853, al. 3e du CPC dispose que « le représentant, s’il n’est avocat, doit justifier d’un pouvoir spécial. »

Ainsi, s’agissant du pouvoir dont est investi le mandataire désigné pour représenter une partie devant le Tribunal de commerce, il y a lieu de distinguer selon qu’il est avocat ou non.

i. Le mandataire exerçant la profession d’avocat

Lorsque le mandataire est avocat, il n’a pas l’obligation de justifier d’un pouvoir spécial, l’article 411 du CPC disposant que « la constitution d’avocat emporte mandat de représentation en justice »

Le plus souvent, sa mission consistera à assister et représenter la partie dont il assure la défense des intérêts.

Plus précisément, l’avocat qui a reçu mandat par son client de le représenter en justice peut accomplir tous les actes de procédures utiles à la conduite du procès.

le mandat ad litem confère à l’avocat les pouvoirs les plus étendus pour accomplir les actes de procédure, tant au stade de l’instance, qu’au stade de l’exécution de la décision.

L’article 420 du CPC dispose en ce sens que « l’avocat remplit les obligations de son mandat sans nouveau pouvoir jusqu’à l’exécution du jugement pourvu que celle-ci soit entreprise moins d’un an après que ce jugement soit passé en force de chose jugée »

  • Au stade de l’instance l’avocat investi d’un mandat ad litem peut :
    • Placer l’acte introductif d’instance
    • Prendre des conclusions et mémoires
    • Provoquer des incidents de procédure
  • Au stade de l’exécution de la décision, l’avocat peut :
    • Faire notifier la décision
    • Mandater un huissier aux fins d’exécution de la décision rendue

Ainsi, l’avocat sera ici investi des mêmes pouvoirs que s’il intervenait au titre de la représentation obligatoire.

Dès lors que les parties sont représentées par un avocat, ce sont les règles qui régissent le mandat ad litem qui s’appliquent.

ii. Le mandataire n’exerçant pas la profession d’avocat

En application de l’article 853, al. 5e du CPC, « le représentant, s’il n’est avocat, doit justifier d’un pouvoir spécial. »

À la différence de l’avocat qui est présumé être investi d’un pouvoir général pour représenter son client, tel n’est pas le cas d’un mandataire ordinaire qui doit justifier d’un pouvoir spécial.

Non seulement ce dernier devra justifier de sa qualité de représentant, mais encore de son pourvoir d’agir en justice au nom et pour le compte de la partie dont il représente les intérêts (Cass. 2e civ., 23 mars 1995).

À cet égard, l’article 415 du CPC précise que « le nom du représentant et sa qualité doivent être portés à la connaissance du juge par déclaration au greffier de la juridiction. »

Une fois cette démarche accomplie, en application de l’article 417 « la personne investie d’un mandat de représentation en justice est réputée, à l’égard du juge et de la partie adverse, avoir reçu pouvoir spécial de faire ou accepter un désistement, d’acquiescer, de faire, accepter ou donner des offres, un aveu ou un consentement. »

B) L’introduction de l’instance

1. L’acte introductif d’instance

==>L’assignation

L’article 485, al. 1er du Code de procédure civile prévoit que « la demande est portée par voie d’assignation à une audience tenue à cet effet aux jour et heure habituels des référés. »

Il n’existe ainsi qu’un seul mode de saisine du Juge des référés : l’assignation. Elle est définie à l’article 55 du CPC comme « l’acte d’huissier de justice par lequel le demandeur cite son adversaire à comparaître devant le juge. »

L’assignation consiste, autrement dit, en une citation à comparaître par-devant la juridiction saisie, notifiée à la partie adverse afin qu’elle prenne connaissance des prétentions du demandeur et qu’elles puissent, dans le cadre d’un débat contradictoire, fournir des explications.

L’assignation présente cette particularité de devoir être notifiée au moyen d’un exploit d’huissier.

Ainsi, doit-elle être adressée, non pas au juge, mais à la partie mise en cause qui, par cet acte, est informée qu’un procès lui est intenté, en conséquence de quoi elle est invitée à se défendre.

==>Formalisme

Dans le cadre de la procédure de référé par-devant le Tribunal de commerce, l’assignation doit comporter, à peine de nullité, un certain nombre de mentions énoncées par le Code de procédure. Elles sont reproduites ci-dessous :

Mentions de droit commun
Art. 54• A peine de nullité, la demande initiale mentionne :

1° L’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;

2° L’objet de la demande ;

3° a) Pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs ;

b) Pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l’organe qui les représente légalement ;

4° Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier ;

5° Lorsqu’elle doit être précédée d’une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les diligences entreprises en vue d’une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d’une telle tentative.
Art. 56• L’assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d’huissier de justice et celles énoncées à l’article 54 :

1° Les lieu, jour et heure de l’audience à laquelle l’affaire sera appelée ;

2° Un exposé des moyens en fait et en droit ;

3° La liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée dans un bordereau qui lui est annexé ;

4° L’indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire.

L’assignation précise également, le cas échéant, la chambre désignée.
Art. 648• Tout acte d’huissier de justice indique, indépendamment des mentions prescrites par ailleurs

1. Sa date ;

2. a) Si le requérant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;

b) Si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement.

3. Les nom, prénoms, demeure et signature de l’huissier de justice

4. Si l’acte doit être signifié, les nom et domicile du destinataire, ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social.
Art. 473• Lorsque le défendeur ne comparaît pas, le jugement est rendu par défaut si la décision est en dernier ressort et si la citation n’a pas été délivrée à personne.

• Le jugement est réputé contradictoire lorsque la décision est susceptible d’appel ou lorsque la citation a été délivrée à la personne du défendeur.
Mentions spécifiques
Art. 855• L’assignation contient, à peine de nullité, outre les mentions prescrites par les articles 54 et 56, les nom, prénoms et adresse de la personne chez qui le demandeur élit domicile en France s’il réside à l’étranger.

• L’acte introductif d’instance mentionne en outre les conditions dans lesquelles le défendeur peut ou doit se faire assister ou représenter, s’il y a lieu, le nom du représentant du demandeur ainsi que, lorsqu’il contient une demande en paiement, les dispositions de l’article 861-2.
Art. 861-2• Sans préjudice des dispositions de l’article 68, la demande incidente tendant à l’octroi d’un délai de paiement en application de l’article 1343-5 du code civil peut être formée par requête faite, remise ou adressée au greffe, où elle est enregistrée. L’auteur de cette demande doit justifier avant l’audience que l’adversaire en a eu connaissance par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Les pièces que la partie invoque à l’appui de sa demande de délai de paiement sont jointes à la requête.

• L’auteur de cette demande incidente peut ne pas se présenter à l’audience, conformément au second alinéa de l’article 446-1. Dans ce cas, le juge ne fait droit aux demandes présentées contre cette partie que s’il les estime régulières, recevables et bien fondées.
Art. 853• Les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat devant le tribunal de commerce.

• La constitution de l’avocat emporte élection de domicile.

• Les parties sont dispensées de l’obligation de constituer avocat dans les cas prévus par la loi ou le règlement, lorsque la demande porte sur un montant inférieur ou égal à 10 000 euros ou qu’elle a pour origine l’exécution d’une obligation dont le montant n’excède pas 10 000 euros, dans le cadre des procédures instituées par le livre VI du code de commerce ou pour les litiges relatifs à la tenue du registre du commerce et des sociétés. Le montant de la demande est apprécié conformément aux dispositions des articles 35 à 37.

• Dans ces cas, elles ont la faculté de se faire assister ou représenter par toute personne de leur choix.

• Le représentant, s’il n’est avocat, doit justifier d’un pouvoir spécial.

2. La comparution

Pour mémoire, la comparution est l’acte par lequel une partie se présente devant une juridiction.

Pour comparaître, encore faut-il que le justiciable ait eu connaissance de la citation en justice dont il fait l’objet.

Lorsque cette citation prend la forme d’une assignation, elle doit être délivrée au défendeur par voie d’huissier.

La question qui alors se pose est de savoir jusqu’à quelle date avant l’audience l’assignation peut être notifiée.

En effet, la partie assignée en justice doit disposer du temps nécessaire pour

  • D’une part, prendre connaissance des faits qui lui sont reprochés
  • D’autre part, préparer sa défense et, le cas échéant, consulter un avocat

À l’analyse, ce délai de comparution, soit la date butoir au-delà de laquelle l’assignation ne peut plus être délivrée diffère d’une procédure à l’autre.

Qu’en est-il en matière de référé ?

==>Règles communes aux juridictions civiles et commerciales

  • Principe
    • Aucun délai de comparution n’est prévu par les textes. Il est seulement indiqué à l’article 486 du Code de procédure civile que « le juge s’assure qu’il s’est écoulé un temps suffisant entre l’assignation et l’audience pour que la partie assignée ait pu préparer sa défense ».
    • Le défendeur doit, autrement dit, avoir pu disposer de suffisamment de temps pour assurer sa défense avant la tenue de l’audience, faute de quoi il sera fondé à solliciter du Juge un renvoi (V. en ce sens Cass. 2e civ., 9 nov. 2006, n° 06-10.714).
    • L’article 486 du CPC doit néanmoins être combiné à l’article 856 d’où il s’infère que, pour la procédure de référé, l’enrôlement de l’affaire doit intervenir dans un délai de 15 jours avant l’audience.
    • Il en résulte que le délai entre la date de signification de l’assignation et la date d’audience doit être suffisant pour que le demandeur puisse procéder au placement de l’assignation dans le délai fixé.
    • À défaut l’assignation encourt la caducité.
  • Exception
    • L’article 485, al. 2e du Code de procédure civile prévoit que si « le cas requiert célérité, le juge des référés peut permettre d’assigner, à heure indiquée, même les jours fériés ou chômés »
    • Cette procédure, qualifiée de référé d’heure à heure, permet ainsi à une personne d’obtenir une audience dans un temps extrêmement rapproché, l’urgence étant souverainement appréciée par le juge
    • Reste que pour assigner en référé d’heure à heure le requérant devra avoir préalablement obtenu l’autorisation du Juge
    • Pour ce faire, il devra lui adresser une requête selon la procédure prévue aux articles 493 et suivants du Code de procédure civile (procédure sur requête)
    • Cette requête devra être introduite aux fins d’obtenir l’autorisation d’assigner à heure indiquée
    • Quant au défendeur, il devra là encore disposer d’un délai suffisant pour assurer sa défense.
    • La faculté d’assigner d’heure à heure est permise par-devant toutes les juridictions à l’exception du Conseil de prud’hommes.

==>Règles spécifiques au Tribunal de commerce

Les dispositions communes qui régissent les procédures pendantes devant le Tribunal judiciaire ne fixent aucun délai de comparution, de sorte qu’il y a lieu de se reporter aux règles particulières applicables à chaque procédure.

En matière de référé, c’est donc les articles 484 et suivants du CPC qui s’appliquent, lesquels ne prévoient, ainsi qu’il l’a été vu, aucun délai de comparution.

Le juge doit seulement s’assurer qu’il s’est écoulé un temps suffisant entre l’assignation et l’audience pour que la partie assignée ait pu préparer sa défense.

Est-ce à dire que, si cette condition est remplie, l’assignation peut être délivrée – hors le cas du référé heure à heure – moins d’une semaine avant l’audience ?

A priori, aucun texte ne l’interdit, à tout le moins en référé. Il faut néanmoins compter avec un autre paramètre qui n’est autre que le délai d’enrôlement de l’assignation.

En effet, pour saisir le juge, il ne suffit pas de faire délivrer une citation en justice au défendeur avant l’audience. Il faut encore, que cette citation soit inscrite au rôle de la juridiction.

Or cette formalité doit être accomplie dans un certain délai, lequel est parfois plus long que le délai de comparution, étant précisé que l’enrôlement suppose la production de l’acte de signification de la citation.

En pareille hypothèse, cela signifie que l’assignation devra avoir été délivrée avant l’expiration du délai d’enrôlement, ce qui n’est pas sans affecter le délai de comparution qui, mécaniquement, s’en trouve allongé.

Pour exemple :

Dans l’hypothèse où aucun délai de comparution n’est prévu, ce qui est le cas pour la procédure de référé pendante devant le Tribunal judiciaire et que le délai d’enrôlement de l’assignation est fixé à 15 jours, il en résulte l’obligation pour le demandeur de faire signifier l’assignation au défendeur avant l’expiration de ce délai.

En pratique, il devra se ménager une marge de sécurité d’un ou deux jours compte tenu des contraintes matérielles inhérentes à la notification et à l’accomplissement des formalités d’enrôlement.

Aussi, afin de déterminer la date butoir de délivrance de l’assignation, il y a lieu de se référer tout autant au délai de comparution, qu’au délai d’enrôlement les deux étant très étroitement liés.

3. L’enrôlement de l’affaire

Bien que l’acte de constitution d’avocat doive être remis au greffe, il n’a pas pour effet de saisir le Tribunal.

Il ressort de l’article 857 du CPC que cette saisine ne s’opère qu’à la condition que l’acte introductif d’instance accompli par les parties (assignation, requête ou requête conjointe) fasse l’objet d’un « placement » ou, dit autrement, d’un « enrôlement ».

Ces expressions sont synonymes : elles désignent ce que l’on appelle la mise au rôle de l’affaire. Par rôle, il faut entendre le registre tenu par le secrétariat du greffe du Tribunal qui recense toutes les affaires dont il est saisi, soit celles sur lesquels il doit statuer.

Cette exigence de placement d’enrôlement de l’acte introductif d’instance a été généralisée pour toutes les juridictions, de sorte que les principes applicables sont les mêmes, tant devant le Tribunal judiciaire, que devant le Tribunal de commerce.

À cet égard, la saisine proprement dite de la juridiction comporte trois étapes qu’il convient de distinguer

  • Le placement de l’acte introductif d’instance
  • L’enregistrement de l’affaire au répertoire général
  • La constitution et le suivi du dossier

a. Le placement de l’acte introductif d’instance

==>La remise de l’assignation au greffe

L’article 857, al. 1er du CPC dispose que « le tribunal est saisi, à la diligence de l’une ou l’autre partie, par la remise au greffe d’une copie de l’assignation. »

C’est donc le dépôt de l’assignation au greffe du Tribunal de commerce qui va opérer la saisine et non sa signification à la partie adverse.

==>Le délai

L’article 857, al. 2e du CPC prévoit que la remise de l’assignation au greffe « doit avoir lieu au plus tard huit jours avant la date de l’audience, sous peine de caducité de l’assignation constatée d’office par ordonnance, selon le cas, du président ou du juge chargé d’instruire l’affaire, ou, à défaut, à la requête d’une partie. »

Le placement de l’assignation doit ainsi intervenir dans un délai de huit jours avant la date de l’audience.

==>La sanction

L’article 857 prévoit que le non-respect du délai de huit jours est sanctionné par la caducité de l’assignation, soit son anéantissement rétroactif, lequel provoque la nullité de tous les actes subséquents.

Cette disposition précise que la caducité est « constatée d’office par ordonnance, selon le cas, du président ou du juge chargé d’instruire l’affaire, ou, à défaut, à la requête d’une partie ».

À défaut, le non-respect du délai d’enrôlement peut être soulevé par requête présentée au président en vue de faire constater la caducité. Celui-ci ne dispose alors d’aucun pouvoir d’appréciation.

En tout état de cause, lorsque la caducité est acquise, elle a pour effet de mettre un terme à l’instance.

Surtout, la caducité de l’assignation n’a pas pu interrompre le délai de prescription qui s’est écoulé comme si aucune assignation n’était intervenue (Cass. 2e civ., 11 oct. 2001, n°9916.269).

b. L’enregistrement de l’affaire au répertoire général

L’article 726 du CPC prévoit que le greffe tient un répertoire général des affaires dont la juridiction est saisie. C’est ce que l’on appelle le rôle.

Le répertoire général indique la date de la saisine, le numéro d’inscription, le nom des parties, la nature de l’affaire, s’il y a lieu la chambre à laquelle celle-ci est distribuée, la nature et la date de la décision

Consécutivement au placement de l’acte introductif d’instance, il doit inscrire au répertoire général dans la perspective que l’affaire soit, par suite, distribuée.

c. La constitution et le suivi du dossier

Consécutivement à l’enrôlement de l’affaire, il appartient au greffier de constituer un dossier, lequel fera l’objet d’un suivi et d’une actualisation tout au long de l’instance.

==>La constitution du dossier

L’article 727 du CPC prévoit que pour chaque affaire inscrite au répertoire général, le greffier constitue un dossier sur lequel sont portés, outre les indications figurant à ce répertoire, le nom du ou des juges ayant à connaître de l’affaire et, s’il y a lieu, le nom des personnes qui représentent ou assistent les parties.

Sont versés au dossier, après avoir été visés par le juge ou le greffier, les actes, notes et documents relatifs à l’affaire.

Y sont mentionnés ou versés en copie les décisions auxquelles celle-ci donne lieu, les avis et les lettres adressés par la juridiction.

Lorsque la procédure est orale, les prétentions des parties ou la référence qu’elles font aux prétentions qu’elles auraient formulées par écrit sont notées au dossier ou consignées dans un procès-verbal.

Ainsi, le dossier constitué par le greffe a vocation à recueillir tous les actes de procédure. C’est là le sens de l’article 769 du CPC qui prévoit que « la remise au greffe de la copie d’un acte de procédure ou d’une pièce est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué. »

==>Le suivi du dossier

L’article 771 prévoit que le dossier de l’affaire doit être conservé et tenu à jour par le greffier de la chambre à laquelle l’affaire a été distribuée.

Par ailleurs, il est établi une fiche permettant de connaître à tout moment l’état de l’affaire.

En particulier, en application de l’article 728 du CPC, le greffier de la formation de jugement doit tenir un registre où sont portés, pour chaque audience :

  • La date de l’audience ;
  • Le nom des juges et du greffier ;
  • Le nom des parties et la nature de l’affaire ;
  • L’indication des parties qui comparaissent elles-mêmes dans les matières où la représentation n’est pas obligatoire ;
  • Le nom des personnes qui représentent ou assistent les parties à l’audience.

Le greffier y mentionne également le caractère public ou non de l’audience, les incidents d’audience et les décisions prises sur ces incidents.

L’indication des jugements prononcés est portée sur le registre qui est signé, après chaque audience, par le président et le greffier.

Par ailleurs, l’article 729 précise que, en cas de recours ou de renvoi après cassation, le greffier adresse le dossier à la juridiction compétente, soit dans les quinze jours de la demande qui lui en est faite, soit dans les délais prévus par des dispositions particulières.

Le greffier établit, s’il y a lieu, copie des pièces nécessaires à la poursuite de l’instance.

Depuis l’adoption du décret n°2005-1678 du 28 décembre 2005, il est admis que le dossier et le registre soient tenus sur support électronique, à la condition que le système de traitement des informations garantisse l’intégrité et la confidentialité et permettre d’en assurer la conservation.

C) Le déroulement de l’instance

1. Une procédure contradictoire

À la différence de la procédure sur requête, la procédure de référé présente un caractère contradictoire

Conformément à l’article 15 du CPC il est donc exigé que les parties se fassent connaître mutuellement en temps utile :

  • Les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions
  • Les éléments de preuve qu’elles produisent
  • Les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense.

L’article 16 ajoute que le juge ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.

À cet égard, en application de l’article 132 la partie qui fait état d’une pièce s’oblige à la communiquer à toute autre partie à l’instance et la communication des pièces doit être spontanée.

À défaut, le juge peut écarter du débat les pièces qui n’ont pas été communiquées en temps utile.

Reste que dans la mesure où la procédure de référé est animée par l’urgence, la question se pose du délai de la communication des écritures et des pièces.

Quid dans l’hypothèse où ces éléments seraient communiqués la veille de l’audience voire le jour-même ?

Dans un arrêt du 12 juin 2002, la Cour de cassation a admis que des écritures puissent être communiquées le jour-même dès lors que la partie concluante ne soulevait aucune prétention nouvelle (Cass. 3e civ. 12 juin 2002, n°01-01.233).

Lorsque toutefois des circonstances particulières empêchent la contradiction, la Cour de cassation considère que la communication d’écriture au dernier moment n’est pas recevable (Cass. 2e civ. 4 déc. 2003, n°01-17.604).

Dans un arrêt du 1er mars 2006, la Cour de cassation a encore considéré que « les conclusions doivent être communiquées en temps utile au sens de l’article 15 du nouveau code de procédure civile ; qu’ayant relevé que les conclusions de M. P., appelant, avaient été remises au greffe de la juridiction huit minutes avant le début de l’audience, la cour d’appel [statuant en référé] a, par ce seul motif, souverainement rejeté des débats ces conclusions tardives, auxquelles l’adversaire était dans l’incapacité de répondre » (Cass. 3e civ, 1er mars 2006, n° 04-18.327).

2. Une procédure orale

La procédure de référé est orale, de sorte qu’il appartient à chaque partie de développer verbalement à l’audience ses arguments en fait et en droit.

Bien que les conclusions écrites ne soient pas obligatoires, il est d’usage qu’elles soient adressées au juge des référés

Dans un arrêt du 25 septembre 2013 la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que « la procédure de référé étant orale et en l’absence de disposition particulière prévoyant que les parties peuvent être autorisées à formuler leurs prétentions et leurs moyens par écrit sans se présenter à l’audience, le dépôt par une partie d’observations écrites, ne peut suppléer le défaut de comparution » (Cass. soc. 25 sept. 2013, n° 12-17.968).

Si le contenu des débats oraux diffère de ce qui figure dans les écritures des parties, le juge ne doit, en principe, fonder sa décision que sur les seuls arguments oraux développés en audience.

S’agissant de l’invocation des exceptions de procédure, dans un arrêt du 16 octobre 2003 la Cour de cassation a jugé que ces « exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées avant toute défense au fond ; que, devant le tribunal de commerce, la procédure étant orale, les prétentions des parties peuvent être formulées au cours de l’audience et qu’il en est notamment ainsi des exceptions de procédure » (Cass. 2e civ. 16 oct. 2003, n°01-13.036).

2. Renvoi de l’affaire au fond

L’article 873-1 du CPC dispose « à la demande de l’une des parties, et si l’urgence le justifie, le président saisi en référé peut renvoyer l’affaire à une audience dont il fixe la date pour qu’il soit statué au fond. »

Il est ainsi des cas où le juge des référés peut estimer que la question qui lui est soumise ne relève pas de l’évidence et qu’elle se heurte à une contestation sérieuse.

Dans cette hypothèse, il dispose de la faculté, en cas d’urgence, de renvoyer l’affaire au fond, soit pour qu’il soit tranché au principal et non seulement au provisoire.

Lorsque le Juge des référés procède à un tel renvoi, il doit veiller, en fixant la date d’audience, à ce que le défendeur dispose d’un temps suffisant pour préparer sa défense.

L’ordonnance rendue emporte alors saisine de la juridiction.

II) L’ordonnance de référé

A) L’autorité de l’ordonnance

==>Une décision provisoire

L’article 484 du Code de procédure civile prévoit que « l’ordonnance de référé est une décision provisoire ».

Par provisoire il faut entendre que la décision rendue par le Juge des référés a vocation à être substituée par une décision définitive qui sera rendue par une juridiction statuant au fond.

Aussi, les mesures prises par le Juge des référés ne sont pas destinées à être pérennes. Elles sont motivées, le plus souvent, par l’urgence, à tout le moins par la nécessité de sauvegarder, à titre conservatoire, les intérêts du demandeur.

==>Une décision dépourvue de l’autorité de la chose jugée au principal

L’article 488 du Code de procédure civile ajoute que « l’ordonnance de référé n’a pas, au principal, l’autorité de la chose jugée. »

Cela signifie que la décision rendue par le juge des référés ne lie pas le juge du fond saisi ultérieurement ou concomitamment pour les mêmes fins.

Dans un arrêt du 13 novembre 2014, la Cour de cassation a considéré en ce sens que « l’ordonnance de référé étant dépourvue d’autorité de la chose jugée au principal, il est toujours loisible à l’une des parties à la procédure de référé de saisir le juge du fond pour obtenir un jugement définitif » (Cass. 2e civ., 13 nov. 2014, n°13-26.708).

Sensiblement dans les mêmes termes elle a encore affirmé dans un arrêt du 25 février 2016 que « une décision de référé étant dépourvue d’autorité de la chose jugée au principal, l’une des parties à l’instance en référé a la faculté de saisir le juge du fond afin d’obtenir un jugement » (Cass. 3e civ. 25 févr. 2016, n°14-29.760).

Les parties disposent donc de la faculté de saisir la juridiction au fond pour trancher un litige dont l’objet est identique à celui sur lequel le juge des référés s’est prononcé.

Quant au juge statuant au fond, il n’est nullement tenu de statuer dans le même sens que la décision rendue par le Juge des référés ni même de tenir compte de la solution adoptée qui, par nature, est provisoire.

En résumé, les juges du fond ne sont tenus, ni par les constatations de fait ou de droit du juge des référés, ni par les déductions qu’il a pu en faire, ni par sa décision (V. en ce sens Cass. 2e civ., 2 févr. 1982)

==>Une décision pourvue de l’autorité de la chose jugée au provisoire

Si la décision du juge des référés est dépourvue de l’autorité de la chose jugée au principal, elle possède, en revanche, l’autorité de la chose jugée au provisoire.

Cela signifie que, tant qu’aucune décision au fond n’est intervenue, l’ordonnance du juge des référés s’impose aux parties.

L’article 488, al. 2 du Code de procédure civile prévoit en ce sens que l’ordonnance de référé « ne peut être modifiée ou rapportée en référé qu’en cas de circonstances nouvelles ».

Ce n’est donc qu’en cas de survenance de circonstances nouvelles que les parties peuvent solliciter du Juge des référés la rétractation de son ordonnance.

Dans un arrêt du 16 décembre 2003, la Cour de cassation a précisé que « ne constituent pas une circonstance nouvelle autorisant la rétractation d’une ordonnance de référé des faits antérieurs à la date de l’audience devant le juge des référés qui a rendu l’ordonnance et connus de celui qui sollicite la rétractation » (Cass. 3e civ. 16 déc. 2003, n°02-17.316).

Pour être une circonstance nouvelle, il est donc nécessaire que :

  • D’une part, le fait invoqué soit intervenu postérieurement à l’audience de référé ou ait été ignoré du plaideur au jour de l’audience
  • D’autre part, qu’il soit un élément d’appréciation nécessaire à la décision du Juge ou ayant une incidence sur elle

La Cour de cassation a, par exemple, considéré que des conclusions d’expertise rendues par un expert pouvaient constituer des circonstances nouvelles au sens de l’article 488 du Code de procédure civile (Cass. 3e civ. 20 oct. 1993).

Enfin, pour la Cour de cassation, le recours en rétractation prévu à l’article 488 du Code de procédure civile écarte le recours en révision de l’article 593 du code de procédure civile. Dans un arrêt du 11 juillet 2013 elle a, en effet, jugé que « le recours en révision n’est pas ouvert contre les ordonnances de référé susceptibles d’être rapportées ou modifiées en cas de circonstances nouvelles » (Cass. 2e civ., 11 juill. 2013, n°12-22.630).

B) L’exécution de l’ordonnance

En application de l’article 514 du CPC l’ordonnance de référé en de droit exécutoire à titre provisoire à l’instar de l’ensemble des décisions de première instance.

Le caractère exécutoire à titre provisoire de l’ordonnance de référé lui est conféré de plein droit, c’est-à-dire sans qu’il soit besoin pour les parties d’en formuler la demande auprès du juge.

À la différence néanmoins d’une ordonnance sur requête qui est exécutoire sur minute, l’ordonnance de référé doit, au préalable, avoir été signifiée à la partie adverse pour pouvoir être exécutée, sauf à ce que le juge ordonne expressément dans sa décision, comme le lui permet « en cas de nécessité » l’alinéa 3 de l’article 489, que « l’exécution de l’ordonnance aura lieu au seul vu de la minute ».

Une fois signifiée, l’ordonnance de référé pourra alors donner lieu à l’exécution forcée des mesures prononcées par le Juge.

Il convient enfin d’observer que cette ordonnance est exécutoire à titre provisoire en toutes ces dispositions, y compris celles statuant sur les dépens et l’article 700.

C) L’astreinte

L’astreinte, qui s’apparente à une mesure comminatoire, a pour but d’assurer l’exécution des décisions de justice par le prononcé d’une condamnation pécuniaire accessoire et éventuelle.

L’astreinte n’est pas une modalité de l’exécution forcée des jugements pour deux raisons :

  • D’une part, le juge de l’exécution tient de la loi des compétences particulières en matière de prononcé et de liquidation d’astreinte, il peut être saisi à cette fin en dehors de toute procédure d’exécution engagée.
  • D’autre part, la décision qui liquide l’astreinte est exécutoire de plein droit par provision, et on sait qu’en cas d’appel, le premier président n’a pas le pouvoir d’arrêter l’exécution d’une décision exécutoire de droit. De leur côté, les décisions prises par le juge de l’exécution, qui sont exécutoires de droit, peuvent être l’objet d’un sursis à exécution par le premier Président de la Cour d’appel

1. Compétence

L’article L. 131-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que « tout juge peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision ».

Il s’agit aussi bien des juges du fond (juridictions du premier degré, juges d’appel) que des juges du provisoire (référés) ou des juges chargés de l’instruction des affaires (dans les limites fixées par le Code de procédure civile).

Reste que le Juge de l’exécution est investi d’un pouvoir particulier en matière d’astreinte dans la mesure où :

  • En premier lieu, il peut assortir d’une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité
  • En second lieu, il peut assortir sa propre décision d’une astreinte.

Aussi, le JEX dispose-t-il en matière d’astreinte des pouvoirs les plus étendus.

2. Pouvoirs du juge

Le prononcé de l’astreinte procède de l’imperium du juge et relève de son pouvoir discrétionnaire.

De là découlent plusieurs conséquences que la loi nouvelle n’a pas remises en cause et qu’il convient de rappeler brièvement :

  • L’astreinte peut être prononcée d’office par le juge sans qu’une demande n’ait été formée en ce sens. En ordonnant une astreinte, le juge ne statue jamais ultra petita, même s’il fixe un taux plus élevé que celui qui est demandé ;
  • Le juge n’est pas tenu de provoquer au préalable les observations des parties (Cass. 2e civ., 21 mars 1979) ;
  • Le juge n’a pas à motiver sa décision, même s’il rejette une demande d’astreinte (Cass. 3e civ., 3 nov. 1983, n°82-14.775). La dispense de motivation est une caractéristique du pouvoir discrétionnaire, et les motifs que le juge a pu retenir sont considérés par la Cour de cassation comme surabondants ;
  • L’astreinte peut être appliquée, non seulement à une obligation de faire ou de ne pas faire (sous réserve des obligations à caractère personnel), mais aussi à une obligation de payer une somme d’argent (Cass. soc. 29 mai 1990, n°87-40.182), sans faire double emploi avec les intérêts légaux dont la condamnation est assortie ;
  • La décision qui prononce l’astreinte est dépourvue de l’autorité de la chose jugée, car il n’y a rien de jugé. Le juge utilise seulement un moyen pour qu’on obéisse à ce qu’il a jugé. Dès lors, le taux ou la durée de l’astreinte, qui relèvent également du pouvoir discrétionnaire du juge, peuvent être ensuite modifiés.

3. Astreinte provisoire et astreinte définitive

Deux règles essentielles gouvernent le prononcé d’une astreinte (art. L. 131-2 CPCE) :

  • D’une part, une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu’après le prononcé d’une astreinte provisoire
  • D’autre part, l’astreinte provisoire ne peut être déterminée que pour une durée que le juge détermine

Si l’une de ces conditions n’a pas été respectée, l’astreinte est liquidée comme une astreinte provisoire.

Pour qu’une astreinte soit considérée comme définitive, il faut que le juge ait précisé son caractère définitif (art. L. 131-2, al. 2e CPCE).

Seule l’utilisation des termes « définitif » ou « définitive » est de nature à n’entretenir aucune ambiguïté.

Le juge doit donc se garder, sous peine de voir son astreinte être toujours considérée comme provisoire, d’employer un terme approchant, comme « forfaitaire », « irrévocable » ou « non comminatoire » (Cass. 2e civ., 23 nov. 1994).

En outre, lorsqu’une décision mentionne qu’une astreinte est prononcée « pendant deux mois, passé lequel délai il sera à nouveau fait droit », cela signifie qu’après le délai de deux mois, l’astreinte précédemment fixée est liquidée (estimée par le juge, si elle était provisoire, ou calculée mathématiquement, si elle était définitive) et qu’une nouvelle astreinte pourra être fixée : provisoire majorée (si elle était initialement provisoire), ou définitive, ou définitive majorée…

Si la décision ne précise pas de délai pour l’astreinte provisoire, la partie elle-même appréciera à quel moment il sera opportun de la faire liquider et de demander la fixation d’une nouvelle astreinte.

4. Point de départ de l’astreinte

L’article R. 131-1 du CPCE dispose que l’astreinte prend effet à la date fixée par le juge, laquelle ne peut pas être antérieure au jour où la décision portant obligation est devenue exécutoire.

Le juge qui prononce une astreinte doit donc fixer le moment de sa prise d’effet et, par hypothèse, puisque l’astreinte est la sanction de l’inexécution du jugement qui en est assorti, ce point de départ ne peut être antérieur au jour où la décision portant obligation est devenue exécutoire.

Il importe que la décision ordonnant l’astreinte soit signifiée, la signification devant être régulièrement faite au débiteur même de l’obligation (Cass. 2e civ., 1er mars 1995).

L’alinéa 2 de l’article R. 131-1 du CPCE prévoit néanmoins que l’astreinte peut prendre effet dès le jour de son prononcé si elle assortit une décision qui est déjà exécutoire.

Ainsi, deux situations doivent être envisagées :

  • La décision qui est assortie d’une astreinte est exécutoire
    • Dans cette hypothèse, l’astreinte prend effet au jour de son prononcé
    • Ainsi, l’appel ne produit aucun effet suspensif sur une décision exécutoire par provision.
  • La décision qui est assortie d’une astreinte n’est pas exécutoire
    • Dans cette hypothèse, l’astreinte ne prendra effet qu’au jour où la décision sera devenue exécutoire

5. Liquidation de l’astreinte

==>Pouvoirs du Juge

Il ressort de l’article L. 131-3 du CPCE que le juge de l’exécution a une compétence exclusive pour liquider, non seulement ses propres astreintes (c’est-à-dire les astreintes qui assortissent ses décisions ou celles qu’il prononce pour assortir d’une astreinte les décisions prises par d’autres juges), mais aussi celles qui émanent d’autres juges, y compris de la cour d’appel. Cette compétence est bien exclusive, puisque tout autre juge doit relever d’office son incompétence.

Deux exceptions sont toutefois prévues :

  • Première exception
    • Le juge qui a ordonné l’astreinte reste saisi de l’affaire.
    • On songe au jugement avant dire droit assorti d’une astreinte, à la liquidation d’une astreinte prononcée par un magistrat de la mise en état (le tribunal judiciaire est normalement compétent pour liquider une astreinte prononcée par le juge de la mise en état, de même que la cour d’appel pour liquider une astreinte émanant du conseiller de la mise en état, les magistrats de la mise en état n’étant en effet qu’une émanation de la formation de jugement et leurs décisions ne dessaisissant pas la juridiction à laquelle ils appartiennent), notamment à l’occasion d’un incident de communication de pièces, à la liquidation par le bureau de jugement du conseil de prud’hommes d’une astreinte prononcée par le bureau de conciliation.
  • Seconde exception
    • Le juge s’en est expressément réservé le pouvoir.
    • Cette faculté est plus particulièrement exercée par les juges de référé désireux de suivre l’application des mesures qu’ils prennent.
    • Cette dérogation à la compétence exclusive du juge de l’exécution ne présente pas de difficulté, car la juridiction qui se réserve de liquider l’astreinte doit le faire expressément et donc le mentionner dans sa décision.

Quid de la faculté d’une Cour d’appel de liquider l’astreinte prononcée par le jugement qui lui est déféré par la voie de l’appel ?

Deux situations doivent être distinguées :

  • Le juge s’est réservé le pouvoir de liquider l’astreinte
    • Dans cette hypothèse
      • Soit, c’est le juge de première instance qui liquide l’astreinte
      • Soit, en application de l’effet dévolutif de l’appel c’est la Cour qui y procède (Cass. 2e civ. 20 mars 2003, n°00-13.429).
  • Le juge ne s’est pas réservé le pouvoir de liquider l’astreinte

==>Montant de l’astreinte

La liquidation de l’astreinte, quant à son montant, est différente selon qu’il s’agit d’une astreinte provisoire ou définition.

  • S’agissant de l’astreinte provisoire
    • L’article L. 131-4, al. 1er du CPCE prévoit que « le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter. »
    • Ainsi, l’astreinte provisoire est liquidée en tenant compte
      • Et du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée
      • Et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter
    • Par exemple, une astreinte fixée à 1.000 € par jour de retard pourra être liquidée, pour un retard de 20 jours, à 8.000 € en fonction des éléments de l’affaire.
    • Cette obligation à laquelle est ainsi soumis le juge de tenir compte de la faute du débiteur de l’obligation, doit le conduire à motiver sa décision, si bien que la deuxième Chambre civile considère, en ce qui concerne l’étendue de son contrôle, que la fixation du montant de l’astreinte ne relève pas d’un pouvoir discrétionnaire du juge qui le dispenserait de motivation, mais d’un pouvoir souverain, que la deuxième Chambre a étendu à l’appréciation de la cause étrangère.
    • Ce pouvoir souverain, affirmé notamment par des arrêts du 27 mars 1996, du 3 juillet 1996, du 25 juin 1997 ou encore du 8 octobre 1997, se distingue du pouvoir discrétionnaire en ce sens que la décision doit comporter des motifs dont l’existence, mais non la valeur, est vérifiée par la Cour de cassation.
    • Si le juge peut décider comme il l’entend dans le cadre des critères d’appréciation fixés par la loi, encore faut-il que les motifs de sa décision soient en rapport avec ces critères.
  • S’agissant de l’astreinte définitive
    • L’article L. 131-4, al. 2e du CPCE dispose que « le taux de l’astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation »
    • L’astreinte définitive, qui doit être prononcée pour une durée que le juge détermine, est liquidée de manière mathématique : 1.000 € X 20 jours de retard = 20.000 €.
  • En toute hypothèse
    • L’article L. 131-4, al. 3e du CPCE prévoit que « l’astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction du juge provient, en tout ou partie, d’une cause étrangère. »
    • Ainsi, l’astreinte, qu’elle soit provisoire ou définitive, est supprimée en tout ou en partie si l’inexécution ou le retard dans l’exécution provient, en tout ou en partie, d’une cause étrangère.
    • Cette notion de cause étrangère semble plus large que les seuls force majeure et cas fortuit, car elle pourrait être considérée comme englobant le fait du tiers et le fait du créancier.
    • Il est à noter qu’on ne peut en déduire, par un a contrario, qu’il y aurait toujours lieu à liquidation d’une astreinte, même définitive, dès lors que l’existence d’une cause étrangère n’a pas été constatée.
    • Si la décision du juge assortie de l’astreinte a été exécutée, il n’y a pas lieu à liquidation (Cass. 2e civ., 9 juillet 1997, n°95-19.100).

Le juge qui procède à la liquidation d’une astreinte doit examiner quelles obligations avaient été mises à la charge de la partie condamnée sous astreinte (Cass. 2e civ., 11 juill. 1994), ce qui peut nécessiter, le cas échéant, d’avoir recours à une interprétation de la décision.

Selon l’article 461 du Code de procédure civile, il appartient à tout juge d’interpréter la décision qu’il a rendue (si elle n’est pas frappée d’appel).

Mais la Cour de cassation admettait l’interprétation par un autre juge par voie incidente (Cass. 1ère Civ. 18 janv. 1989), notamment par le juge chargé de régler les difficultés d’exécution d’un jugement (Cass. 1ère civ. 24 février 1987), qui était, avant la réforme des procédures d’exécution, le président du tribunal de grande instance dans les conditions prévues à l’article 837 du Code de procédure civile.

La deuxième Chambre civile a reconnu ce pouvoir au juge de l’exécution, concurremment avec le juge qui a rendu la décision, à l’égard des décisions de justice sur lesquelles les poursuites sont fondées (Cass. 2e civ. 9 juillet 1997).

À plus forte raison, il appartient au juge de l’exécution qui liquide une astreinte « de rechercher, s’il y a lieu, par une nécessaire interprétation de la décision l’ayant ordonnée, quelles injonctions ou interdictions en étaient assorties » (Cass. 2e civ., 26 mars 1997).

Mais, bien entendu, interpréter c’est éclairer la portée d’un dispositif incertain par les motifs, ce n’est pas apporter une modification quelconque aux dispositions précises du jugement.

D) Les voies de recours

1. Les voies de recours ordinaires

==>L’appel

  • Taux de ressort
    • L’article 490 du CPC prévoit que « l’ordonnance de référé peut être frappée d’appel à moins qu’elle n’émane du premier président de la cour d’appel ou qu’elle n’ait été rendue en dernier ressort en raison du montant ou de l’objet de la demande. »
    • Ainsi, est-il possible pour une partie d’interjeter appel d’une ordonnance de référé à la condition
      • Soit qu’elle n’émane pas du Premier Président de la Cour d’appel
      • Soit qu’elle n’ait pas été rendue en dernier ressort
  • Délai d’appel
    • Le délai pour interjeter appel d’une ordonnance de référé est, en application de l’article 490 du CPC, de 15 jours
    • Ce délai court à compter de la signification de l’ordonnance à la partie adverse
    • Dans la mesure où les ordonnances de référé sont exécutoires de plein droit, l’appel n’est ici pas suspensif

==>L’opposition

L’article 490 du CPC envisage la possibilité de former opposition d’une ordonnance de référé dans un cas très spécifique : lorsque l’ordonnance a été rendue en dernier ressort par défaut.

Le délai d’opposition est de 15 jours à compter de la signification de l’ordonnance.

2. Les voies de recours extraordinaires

==>La tierce opposition

Pour rappel, définie à l’article 582 du CPC la tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l’attaque.

Aussi, a-t-elle pour effet de remettre en question relativement à son auteur les points jugés qu’elle critique, pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit.

À cet égard, l’article 585 du CPC prévoit que « tout jugement est susceptible de tierce opposition si la loi n’en dispose autrement. »

Il est de jurisprudence constante que l’ordonnance de référé est regardée comme un jugement au sens de ce texte, raison pour laquelle il est admis que la tierce opposition est admise en matière de référé.

==>Le pourvoi en cassation

Si le pourvoi en cassation n’est pas ouvert pour les ordonnances de référés susceptibles d’appel (Cass. 3e civ., 25 nov. 2014, n° 13-10.653), il est admis pour les ordonnances rendues en dernier ressort.

Le délai pour former un pourvoi auprès de la Cour de cassation est de deux mois à compter de la notification de l’ordonnance (Cass. soc., 30 janv. 2002, n° 99-45.140).

Procédure de référé devant le Tribunal de commerce: le référé provision (art. 873, al. 2e CPC)

« La procédure est la forme dans laquelle on doit intenter les demandes en justice, y défendre, intervenir, instruire, juger, se pourvoir contre les jugements et les exécuter » (R.-J. POTHIER, Traité de procédure civile, in limine, 1er volume Paris, 1722, Debure)

==>Présentation générale

Lorsqu’un litige exige qu’une solution, au moins provisoire, soit prise dans l’urgence par le juge, une procédure spécifique dite de référé est prévue par la loi.

Elle est confiée à un juge unique, généralement le président de la juridiction qui rend une ordonnance de référé.

L’article 484 du Code de procédure civile définit l’ordonnance de référé comme « une décision provisoire rendue à la demande d’une partie, l’autre présente ou appelée, dans les cas où la loi confère à un juge qui n’est pas saisi du principal le pouvoir d’ordonner immédiatement les mesures nécessaires. »

Il ressort de cette disposition que la procédure de référé présente trois caractéristiques :

  • D’une part, elle conduit au prononcé d’une décision provisoire, en ce sens que le juge des référés ne se prononce pas sur le fond du litige. L’ordonnance rendue en référé n’est donc pas définitive
  • D’autre part, la procédure de référé offre la possibilité à un requérant d’obtenir du Juge toute mesure utile afin de préserver ses droits et intérêts
  • Enfin, la procédure de référé est, à la différence de la procédure sur requête, placée sous le signe du contradictoire, le Juge ne pouvant statuer qu’après avoir entendu les arguments du défendeur

Le juge des référés, juge de l’urgence, juge de l’évidence, juge de l’incontestable, paradoxalement si complexes à saisir, est un juge au sens le plus complet du terme.

Il remplit une fonction sociale essentielle, et sa responsabilité propre est à la mesure du pouvoir qu’il exerce.

Selon les termes de Pierre DRAI, ancien Premier Président de la Cour de cassation « toujours présent et toujours disponible (…) (il fait) en sorte que l’illicite ne s’installe et ne perdure par le seul effet du temps qui s’écoule ou de la procédure qui s’éternise ».

Le référé ne doit cependant pas faire oublier l’intérêt de la procédure à jour fixe qui répond au même souci, mais avec un tout autre aboutissement : le référé a autorité provisoire de chose jugée alors que dans la procédure à jour fixe, le juge rend des décisions dotées de l’autorité de la chose jugée au fond.

En toute hypothèse, avant d’être une technique de traitement rapide aussi bien de l’urgence que de plusieurs cas d’évidence, les référés ont aussi été le moyen de traiter l’urgence née du retard d’une justice lente.

Reste que les fonctions des référés se sont profondément diversifiées. Dans bien des cas, l’ordonnance de référé est rendue en l’absence même d’urgence.

Mieux encore, lorsqu’elle satisfait pleinement le demandeur, il arrive que, provisoire en droit, elle devienne définitive en fait – en l’absence d’instance ultérieure au fond.

En outre, la Cour européenne des droits de l’homme applique désormais au juge du provisoire les garanties du procès équitable de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH, gde ch., arrêt du 15 octobre 2009, Micallef c. Malte, no 17056/06). S’affirme ainsi une véritable juridiction du provisoire.

Le juge des référés est saisi par voie d’assignation. Il instruit l’affaire de manière contradictoire lors d’une audience publique, et rend une décision sous forme d’ordonnance, dont la valeur n’est que provisoire et qui n’est pas dotée au fond de l’autorité de la chose jugée.

L’ordonnance de référé ne tranche donc pas l’entier litige. Elle est cependant exécutoire à titre provisoire.

Le recours au juge des référés, qui n’est qu’un juge du provisoire et de l’urgence, n’est possible que dans un nombre limité de cas :

  • Le référé d’urgence
    • Dans les cas d’urgence, le juge peut prononcer toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence du litige en question. On dit à cette occasion que le juge des référés est le juge de l’évidence, de l’incontestable.
  • Le référé conservatoire
    • Le juge des référés peut également prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite (il peut ainsi, par exemple, suspendre la diffusion d’une publication portant manifestement atteinte à la vie privée d’un individu).
  • Le référé provision
    • Le juge des référés est compétent pour accorder une provision sur une créance qui n’est pas sérieusement contestable.
  • Le référé injonction
    • Le juge des référés peut enjoindre une partie d’exécuter une obligation, même s’il s’agit d’une obligation de faire.
  • Le référé probatoire
    • Lorsqu’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de certains faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, le juge peut ordonner des mesures d’instruction, par exemple une expertise.

Nous nous focaliserons ici sur le référé provision.

L’article 873, al. 2e du CPC prévoit que « Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation […].»

Il ressort de cette disposition que, dans l’hypothèse où l’obligation dont se prévaut le demandeur n’est pas « sérieusement contestable », il peut solliciter du juge des référés l’octroi d’une provision.

Plusieurs règles encadrent la demande d’une provision fondée sur l’article 873, al. 2e du CPC :

==>L’indifférence d’établissement d’un cas d’urgence

Lorsque le Juge des référés est saisi sur le fondement de l’article 873, al. 2e du CPC, la Cour de cassation a précisé qu’il n’était pas nécessaire pour le demandeur d’établir l’existence d’un cas d’urgence, comme exigé lorsque la demande est fondée sur l’article 872 du CPC.

Dans un arrêt du 25 mars 2003, la première chambre civile a jugé en ce sens que « la faculté accordée au juge d’allouer une provision au créancier n’est pas subordonnée à la constatation de l’urgence » (Cass. 1ère civ., 25 mars 2003, n° 00-13.471)

Aussi, est-ce sur cet élément essentiel que le référé d’urgence et le référé provision se distinguent. Tandis que pour l’un l’urgence est indifférente, pour l’autre elle est une condition essentielle.

Ils se rejoignent néanmoins sur un point : l’exigence d’absence de contestation sérieuse.

==>L’exigence d’absence d’obligation sérieusement contestable

L’article 873, al. 2e du CPC subordonne la demande d’une provision à l’absence d’obligation sérieusement contestable.

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « obligation sérieusement contestable ».

À la vérité, cette formule se rapproche très étroitement des termes de l’article 872 du CPC qui autorise à solliciter du Juge des référés « toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ».

Autant dire que les deux notions se confondent. Elles peuvent donc être envisagées de la même manière.

L’existence d’une obligation une obligation sérieusement contestable doit se comprendre comme l’interdiction pour le juge de prononcer une mesure qui supposerait qu’il tranche une question au fond.

En d’autres termes le prononcé de la mesure sollicité ne doit, en aucun cas, préjudicier au principal.

La contestation sérieuse s’oppose ainsi à ce qui est manifeste et qui relève de l’évidence. À cet égard, la contestation sera qualifiée de sérieuse toutes les fois qu’il s’agira :

  • Soit de trancher une question relative au statut des personnes
  • Soit de se prononcer sur le bien-fondé d’une action en responsabilité
  • Soit d’interpréter ou d’apprécier la validité un acte juridique

Lorsque l’absence d’obligation sérieusement contestable est établie, le juge intervient dans sa fonction d’anticipation, en ce sens qu’il va faire produire à la règle de droit substantiel objet du litige des effets de droit. D’où la faculté dont il dispose d’allouer une provision, en prévision du jugement à intervenir.

Aussi lorsque l’obligation invoquée sera sérieusement contestable, le pouvoir du Juge des référés sera cantonné à l’adoption de mesures conservatoires. Il ne pourra, dans ces conditions, être saisi, soit sur le fondement de l’article 872 du CPC, soit sur le fondement de l’article 873, al. 1er.

S’agissant de l’appréciation de l’absence d’« obligation sérieusement contestable », elle fait l’objet d’un contrôle de la cour de cassation à l’instar de la notion de « contestation sérieuse » (Cass. 2e civ., 24 mars 2016, n° 15-15.306).

==>La demande d’octroi d’une provision

En cas d’obligation non sérieusement contestable, une provision peut être accordée : le demandeur peut donc solliciter l’octroi d’une somme provisionnelle, et non d’une somme à titre de dommages-intérêts ou au titre d’une créance contractuelle.

Dans le cas contraire, la demande pourrait être rejetée au motif qu’elle ne relève pas du pouvoir du juge des référés qui pourrait considérer « n’y avoir lieu à référé sur la demande d’indemnisation ».

S’il est investi d’un pouvoir d’anticipation, cela ne lui permet, pour autant, pas de statuer au principal.

Dès lors qu’est démontrée l’absence d’obligation sérieusement contestable, le Juge des référés dispose d’un pouvoir souverain pour déterminer le montant de la provision à allouer au demandeur (Cass. com., 20 nov. 2007, n° 06-20.669).

Aussi, rien ne s’oppose à ce que le Juge des référés alloue une provision une somme correspondant à l’intégralité de la créance qui sera invoquée au principal.

Dans un arrêt du 20 janvier 1981, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « le montant de la provision n’avait d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée » (Cass. com., 20 janv. 1981, n°79-13.050).

Dans l’hypothèse où l’obligation invoquée serait partiellement contestable, le juge pourra allouer une provision pour la partie non sérieusement contestable.

Procédure de référé devant le Tribunal de commerce: le référé conservatoire (art. 873, al. 1er CPC)

« La procédure est la forme dans laquelle on doit intenter les demandes en justice, y défendre, intervenir, instruire, juger, se pourvoir contre les jugements et les exécuter » (R.-J. POTHIER, Traité de procédure civile, in limine, 1er volume Paris, 1722, Debure)

==>Présentation générale

Lorsqu’un litige exige qu’une solution, au moins provisoire, soit prise dans l’urgence par le juge, une procédure spécifique dite de référé est prévue par la loi.

Elle est confiée à un juge unique, généralement le président de la juridiction qui rend une ordonnance de référé.

L’article 484 du Code de procédure civile définit l’ordonnance de référé comme « une décision provisoire rendue à la demande d’une partie, l’autre présente ou appelée, dans les cas où la loi confère à un juge qui n’est pas saisi du principal le pouvoir d’ordonner immédiatement les mesures nécessaires. »

Il ressort de cette disposition que la procédure de référé présente trois caractéristiques :

  • D’une part, elle conduit au prononcé d’une décision provisoire, en ce sens que le juge des référés ne se prononce pas sur le fond du litige. L’ordonnance rendue en référé n’est donc pas définitive
  • D’autre part, la procédure de référé offre la possibilité à un requérant d’obtenir du Juge toute mesure utile afin de préserver ses droits et intérêts
  • Enfin, la procédure de référé est, à la différence de la procédure sur requête, placée sous le signe du contradictoire, le Juge ne pouvant statuer qu’après avoir entendu les arguments du défendeur

Le juge des référés, juge de l’urgence, juge de l’évidence, juge de l’incontestable, paradoxalement si complexes à saisir, est un juge au sens le plus complet du terme.

Il remplit une fonction sociale essentielle, et sa responsabilité propre est à la mesure du pouvoir qu’il exerce.

Selon les termes de Pierre DRAI, ancien Premier Président de la Cour de cassation « toujours présent et toujours disponible (…) (il fait) en sorte que l’illicite ne s’installe et ne perdure par le seul effet du temps qui s’écoule ou de la procédure qui s’éternise ».

Le référé ne doit cependant pas faire oublier l’intérêt de la procédure à jour fixe qui répond au même souci, mais avec un tout autre aboutissement : le référé a autorité provisoire de chose jugée alors que dans la procédure à jour fixe, le juge rend des décisions dotées de l’autorité de la chose jugée au fond.

En toute hypothèse, avant d’être une technique de traitement rapide aussi bien de l’urgence que de plusieurs cas d’évidence, les référés ont aussi été le moyen de traiter l’urgence née du retard d’une justice lente.

Reste que les fonctions des référés se sont profondément diversifiées. Dans bien des cas, l’ordonnance de référé est rendue en l’absence même d’urgence.

Mieux encore, lorsqu’elle satisfait pleinement le demandeur, il arrive que, provisoire en droit, elle devienne définitive en fait – en l’absence d’instance ultérieure au fond.

En outre, la Cour européenne des droits de l’homme applique désormais au juge du provisoire les garanties du procès équitable de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH, gde ch., arrêt du 15 octobre 2009, Micallef c. Malte, no 17056/06). S’affirme ainsi une véritable juridiction du provisoire.

Le juge des référés est saisi par voie d’assignation. Il instruit l’affaire de manière contradictoire lors d’une audience publique, et rend une décision sous forme d’ordonnance, dont la valeur n’est que provisoire et qui n’est pas dotée au fond de l’autorité de la chose jugée.

L’ordonnance de référé ne tranche donc pas l’entier litige. Elle est cependant exécutoire à titre provisoire.

Le recours au juge des référés, qui n’est qu’un juge du provisoire et de l’urgence, n’est possible que dans un nombre limité de cas :

  • Le référé d’urgence
    • Dans les cas d’urgence, le juge peut prononcer toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence du litige en question. On dit à cette occasion que le juge des référés est le juge de l’évidence, de l’incontestable.
  • Le référé conservatoire
    • Le juge des référés peut également prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite (il peut ainsi, par exemple, suspendre la diffusion d’une publication portant manifestement atteinte à la vie privée d’un individu).
  • Le référé provision
    • Le juge des référés est compétent pour accorder une provision sur une créance qui n’est pas sérieusement contestable.
  • Le référé injonction
    • Le juge des référés peut enjoindre une partie d’exécuter une obligation, même s’il s’agit d’une obligation de faire.
  • Le référé probatoire
    • Lorsqu’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de certains faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, le juge peut ordonner des mesures d’instruction, par exemple une expertise.

Nous nous focaliserons ici sur le référé conservatoire.

L’article 873, al. 1er du CPC dispose que « le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.»

Il ressort de cette disposition que lorsqu’il s’agit de prévenir un dommage imminent ou de faire cesser un trouble illicite, le Juge des référés dispose du pouvoir de prononcer deux sortes de mesures :

  • Des mesures conservatoires
  • Des remises en état

La question qui rapidement s’est posée a été de savoir si ces mesures pouvaient indifféremment être prononcées lorsqu’est établi, soit la survenance d’un dommage imminent, soit l’existence d’un trouble manifestement illicite.

À l’examen, il apparaît que l’adoption d’une mesure de remise en état ne saurait, par définition, être prononcée pour prévenir un dommage imminent. Cette mesure ne se conçoit que si le dommage s’est déjà réalisé. Or s’il est imminent, cela signifie qu’il n’a pas encore eu lieu.

De ce constat, on peut en déduire que :

  • D’une part, l’adoption d’une mesure de remise en état ne sera prononcée que pour faire cesser un trouble manifestement illicite
  • D’autre part, la prescription d’une mesure conservatoire ne se justifiera que dans l’hypothèse où il est nécessaire de prévenir un dommage imminent

En toute hypothèse, comme prévu par l’article 873, al. 1er du CPC, il est indifférent qu’existe une contestation sérieuse.

Lorsque le juge est saisi sur le fondement de cette disposition, l’établissement d’une telle contestation sera sans incidence sur le pouvoir du Juge de prononcer une mesure conservatoire ou une mesure de remise en état.

I) Prévention du dommage imminent et prescription d’une mesure conservatoire

Pour solliciter la prescription d’une mesure conservatoire du Juge des référés, il convient donc de justifier l’existence d’un dommage imminent.

==>Sur le dommage imminent

Le dommage imminent s’entend du dommage qui n’est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer (V. en ce sens Cass. com., 13 avr. 2010, n° 09-14.386).

Ainsi, appartient-il au demandeur de démontrer que, sans l’intervention du Juge, il est un risque dont la probabilité est certaine qu’un dommage irréversible se produise.

Ce dommage peut procéder d’une situation de fait, de la méconnaissance d’un droit ou de la violation d’une règle.

La probabilité de la survenance de ce dommage doit être suffisamment forte pour justifier l’adoption de mesures conservatoires, soit de mesures qui peuvent être contraignantes pour la partie contre laquelle elles sont prises.

Il convient d’observer que, dans ce cas de figure, le pouvoir dont est investi le Juge des référés est semblable à celui qu’il détient en application de l’article 873 du CPC, l’existence d’une contestation sérieuse étant indifférent.

Pour ce qui est de la condition tenant à l’urgence, elle est comprise dans l’exigence de survenance imminente du dommage.

S’agissant de l’appréciation du dommage imminent elle relève de l’appréciation souveraine des juges du fonds, la Cour de cassation n’exerçant aucun contrôle sur cette notion (V. en ce sens Cass. 3e civ., 5 nov. 2015, n° 14-18.184).

==>Sur les mesures conservatoires

Lorsque le juge constate le risque de survenance d’un dommage imminent, il est investi du pouvoir de prononcer des mesures conservatoires.

La mesure conservatoire est à l’opposé de la mesure d’anticipation, en ce qu’elle ne doit pas consister à anticiper la décision au fond. Autrement dit, elle a seulement vocation à geler une situation dans l’attente qu’il soit statué au principal sur le litige.

Une mesure conservatoire peut consister en la suspension de travaux, en la désignation d’un administrateur judiciaire pour une personne morale, en la suspension des effets d’un commandement de payer, en la désignation d’un séquestre etc.

A contrario, une mesure conservatoire ne pourra pas consister en l’octroi d’une provision ou en la mainlevée d’un commandement de payer.

II) Cessation d’un trouble manifestement illicite et adoption d’une mesure de remise en état

Pour solliciter du Juge des référés l’adoption d’une mesure de remise en état, le demander doit justifier la nécessité de faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans un arrêt du 22 mars 1983, la Cour de cassation a précisé que, dans cette hypothèse, il n’était pas nécessaire de démontrer l’urgence à l’instar d’une demande de référé (Cass. 3e civ. 22 mars 1983, n°81-14.547).

Cette décision a été confirmée à plusieurs reprises par la Cour de cassation, notamment dans un arrêt du 5 mai 2011 (Cass. 2e civ., 5 mai 2011, n°10-19.231).

==>Sur le trouble manifestement illicite

Le trouble manifestement illicite s’entend, selon un auteur, de « toute perturbation résultant d’un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit ».

Il ressort de la jurisprudence que ce trouble peut résulter de la méconnaissance d’un droit ou d’une règle (V. en ce sens Cass. 1ère civ., 17 mars 2016, n° 15-14.072).

Il importe peu que la règle violée soit d’origine légale ou contractuelle. Il est également indifférent que la norme méconnue soit de nature civile ou pénale.

À cet égard, constitue un trouble manifestement illicite :

S’agissant de l’appréciation de l’existence d’un trouble manifestement illicite, la Cour de cassation exerce son contrôle sur cette notion (Cass. ass. plén., 28 juin 1996, n°94-15.935) ou son absence (pour une corrida organisée dans la zone couverte par une tradition locale ininterrompue : Cass. 2e Civ., 22 nov. 2001, n°00-16.452).

Plus précisément, la deuxième chambre civile a décidé de laisser à l’appréciation souveraine des juges du fond les éléments de preuve établissant l’existence du trouble, mais exerce son contrôle sur l’illicéité manifeste de ce trouble (Cass. 2e Civ., 7 juin 2007, n°07-10.601 ; Cass. 2e civ., 6 déc. 2007, n°07-12.256).

Les juges du provisoire apprécient ensuite souverainement la mesure propre à mettre fin au trouble qu’ils ont constaté (Cass. 2e civ., 12 juillet 2012n°11-20.687), car il résulte de la lettre même du texte que l’intervention du juge des référés ne peut tendre qu’à faire cesser le trouble (ou à empêcher la survenance du dommage imminent), ce qui lui laisse une latitude importante dans le choix des mesures, à cette exception près que la mesure ne doit pas être inopérante (Cass. 2e civ., 30 avr. 2009, n°08-16.493) et ne pas porter une atteinte excessive à la liberté d’expression (Cass. soc., 26 mai 2010, n°09-12.282).

Mais si, au jour où le juge des référés statue, le trouble allégué a pris fin, aucune mesure ne peut être prononcée sur le fondement de l’article 835, al. 1er, du CPC, étant précisé qu’en cas d’appel, la cour d’appel statuant en référé doit apprécier l’existence du trouble ou du risque allégué en se plaçant au jour où le premier juge a rendu sa décision et non au jour où elle statue (Cass. 2e civ., 4 juin 2009, n°08-17.174).

En cas de cessation du trouble au jour de l’ordonnance, seule la réparation du dommage peut alors être envisagée, mais elle relève du juge du fond (Cass. 2e civ., 22 sept. 2005, n°04-12.032), ce dernier ne disposant pas, en l’état des textes, des moyens de faire cesser l’illicite, quoiqu’il puisse condamner, sur le fondement de l’article 1240 du Code civil, à des dommages-intérêts pour compenser le coût de réparations de nature à empêcher la survenance d’un dommage grave et imminent, que la jurisprudence assimile au préjudice certain (Cass. 2e civ., 15 mai 2008, n°07-13.483).

==>Sur les mesures de remise en état

La mesure de remise en état prescrite par le juge doit avoir pour finalité de faire cesser le trouble manifestement illicite dont il est fait état par le demandeur.

Il pourra donc s’agir de faire cesser la diffusion d’un article de presse diffamatoire, de prononcer la mainlevée d’une saisie pratiquée sans titre exécutoire, d’ordonner la destruction de travaux, la remise en état des lieux ou encore l’expulsion d’un occupant sans droit ni titre.

La demande d’adoption d’une mesure de remise en état ne pourra être motivée que par la nécessité de faire cesser un trouble manifestement illicite.

Procédure de référé devant le Tribunal de commerce: le référé d’urgence (art. 872 CPC)

« La procédure est la forme dans laquelle on doit intenter les demandes en justice, y défendre, intervenir, instruire, juger, se pourvoir contre les jugements et les exécuter » (R.-J. POTHIER, Traité de procédure civile, in limine, 1er volume Paris, 1722, Debure)

==>Présentation générale

Lorsqu’un litige exige qu’une solution, au moins provisoire, soit prise dans l’urgence par le juge, une procédure spécifique dite de référé est prévue par la loi.

Elle est confiée à un juge unique, généralement le président de la juridiction qui rend une ordonnance de référé.

L’article 484 du Code de procédure civile définit l’ordonnance de référé comme « une décision provisoire rendue à la demande d’une partie, l’autre présente ou appelée, dans les cas où la loi confère à un juge qui n’est pas saisi du principal le pouvoir d’ordonner immédiatement les mesures nécessaires. »

Il ressort de cette disposition que la procédure de référé présente trois caractéristiques :

  • D’une part, elle conduit au prononcé d’une décision provisoire, en ce sens que le juge des référés ne se prononce pas sur le fond du litige. L’ordonnance rendue en référé n’est donc pas définitive
  • D’autre part, la procédure de référé offre la possibilité à un requérant d’obtenir du Juge toute mesure utile afin de préserver ses droits et intérêts
  • Enfin, la procédure de référé est, à la différence de la procédure sur requête, placée sous le signe du contradictoire, le Juge ne pouvant statuer qu’après avoir entendu les arguments du défendeur

Le juge des référés, juge de l’urgence, juge de l’évidence, juge de l’incontestable, paradoxalement si complexes à saisir, est un juge au sens le plus complet du terme.

Il remplit une fonction sociale essentielle, et sa responsabilité propre est à la mesure du pouvoir qu’il exerce.

Selon les termes de Pierre DRAI, ancien Premier Président de la Cour de cassation « toujours présent et toujours disponible (…) (il fait) en sorte que l’illicite ne s’installe et ne perdure par le seul effet du temps qui s’écoule ou de la procédure qui s’éternise ».

Le référé ne doit cependant pas faire oublier l’intérêt de la procédure à jour fixe qui répond au même souci, mais avec un tout autre aboutissement : le référé a autorité provisoire de chose jugée alors que dans la procédure à jour fixe, le juge rend des décisions dotées de l’autorité de la chose jugée au fond.

En toute hypothèse, avant d’être une technique de traitement rapide aussi bien de l’urgence que de plusieurs cas d’évidence, les référés ont aussi été le moyen de traiter l’urgence née du retard d’une justice lente.

Reste que les fonctions des référés se sont profondément diversifiées. Dans bien des cas, l’ordonnance de référé est rendue en l’absence même d’urgence.

Mieux encore, lorsqu’elle satisfait pleinement le demandeur, il arrive que, provisoire en droit, elle devienne définitive en fait – en l’absence d’instance ultérieure au fond.

En outre, la Cour européenne des droits de l’homme applique désormais au juge du provisoire les garanties du procès équitable de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH, gde ch., arrêt du 15 octobre 2009, Micallef c. Malte, no 17056/06). S’affirme ainsi une véritable juridiction du provisoire.

Le juge des référés est saisi par voie d’assignation. Il instruit l’affaire de manière contradictoire lors d’une audience publique, et rend une décision sous forme d’ordonnance, dont la valeur n’est que provisoire et qui n’est pas dotée au fond de l’autorité de la chose jugée.

L’ordonnance de référé ne tranche donc pas l’entier litige. Elle est cependant exécutoire à titre provisoire.

Le recours au juge des référés, qui n’est qu’un juge du provisoire et de l’urgence, n’est possible que dans un nombre limité de cas :

  • Le référé d’urgence
    • Dans les cas d’urgence, le juge peut prononcer toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence du litige en question. On dit à cette occasion que le juge des référés est le juge de l’évidence, de l’incontestable.
  • Le référé conservatoire
    • Le juge des référés peut également prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite (il peut ainsi, par exemple, suspendre la diffusion d’une publication portant manifestement atteinte à la vie privée d’un individu).
  • Le référé provision
    • Le juge des référés est compétent pour accorder une provision sur une créance qui n’est pas sérieusement contestable.
  • Le référé injonction
    • Le juge des référés peut enjoindre une partie d’exécuter une obligation, même s’il s’agit d’une obligation de faire.
  • Le référé probatoire
    • Lorsqu’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de certains faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, le juge peut ordonner des mesures d’instruction, par exemple une expertise.

Nous nous focaliserons ici sur le référé urgence.

L’article 872 du Code de procédure civile dispose que « dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. »

L’intérêt de ce référé réside indéniablement dans la possibilité pour le demandeur de solliciter du Juge des référés l’adoption de toutes mesures qu’il jugera utiles dès lors que leur prononcé n’implique pas un examen du litige au fond.

Reste que, en contrepartie, il devra démontrer la réunion de plusieurs conditions qui seront appréciées strictement par le Juge.

I) Sur la recevabilité de la demande

La recevabilité d’une action en référé sur le fondement de l’article 872 du Code de procédure civile est subordonnée à la satisfaction de deux conditions :

A) L’établissement d’un cas d’urgence

Première condition à remplir pour solliciter le Juge des référés sur le fondement de l’article 872 du CPC : l’établissement d’un cas d’urgence.

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par urgence.

Classiquement, on dit qu’il y a urgence lorsque « qu’un retard dans la prescription de la mesure sollicitée serait préjudiciable aux intérêts du demandeur » (R. Perrot, Cours de droit judiciaire privé, 1976-1977, p. 432).

Il appartient de la sorte au juge de mettre en balance les intérêts du requérant qui, en cas de retard, sont susceptibles d’être mis en péril et les intérêts du défendeur qui pourraient être négligés en cas de décision trop hâtive à tout le moins mal-fondée.

En toute hypothèse, l’urgence est appréciée in concreto, soit en considération des circonstances de la cause.

Son appréciation relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond. L’urgence de l’article 872 du code de procédure civile ne fait, en effet, pas l’objet d’un contrôle de la part de la Cour de cassation, en raison de son caractère factuel, ce qui donne aux arrêts rendus sur cette question la valeur de simples exemples, qui se bornent à constater que les juges l’ont caractérisée (V. en ce sens Cass. 2e civ., 3 mai 2006, n°04-11.121).

B) L’absence de contestation sérieuse ou l’existence d’un différend

Pour saisir le juge des référés sur le fondement de l’article 872 du CPC, l’établissement d’un cas d’urgence ne suffit pas. Il faut encore démontrer que la mesure sollicitée :

  • Soit ne se heurte à aucune contestation sérieuse
  • Soit se justifie par l’existence d’un différend

Il convient d’observer que ces deux conditions énoncées, en sus de l’exigence d’urgence, sont alternatives, de sorte que la non satisfaction de l’une ne fait pas obstacle à l’adoption par le juge de la mesure sollicitée par le demandeur (Cass. 2e civ., 19 mai 1980, n°78-15.549).

Ainsi, dans l’hypothèse où ladite mesure se heurterait à une contestation sérieuse, tout ne serait pas perdu pour le requérant qui peut toujours obtenir gain cause si l’adoption de la mesure est justifiée par l’existence d’un différend.

Reste que, en pareille hypothèse, le pouvoir du Juge des référés sera limité à l’adoption d’une mesure conservatoire, soit d’une mesure qui ne consistera pas en l’application de la règle de droit substantielle, objet du litige.

A contrario, en l’absence de contestation sérieuse, le juge sera investi d’un pouvoir des plus étendue, en sorte qu’il pourra prononcer une mesure d’anticipation de la décision au fond.

Lorsqu’il est saisi sur le fondement de l’article 872 du CPC, l’étendue du pouvoir du Juge des référés dépend ainsi de l’existence d’une contestation sérieuse, la démonstration de l’existence d’un différend n’étant nécessaire qu’en présente d’une telle contestation.

==>Sur l’absence de contestation sérieuse

Dès lors que la mesure sollicitée se heurtera à une contestation sérieuse, le juge des référés saisi sur le fondement de l’article 872 du CPC sera contraint de rejeter la demande formulée par le requérant.

Il convient d’observer que l’existence d’une contestation sérieuse ne constitue pas une exception d’incompétence, mais s’apparente à un défaut de pouvoir du juge. Elle n’a donc pas à être soulevée avant toute défense au fond (V. en ce sens Cass. 3e civ., 19 mars 1986, n° 84-17.524).

À l’instar de la notion d’urgence, la référence à l’absence de contestation sérieuse ne se laisse pas aisément définir. Que faut-il entendre par cette formule ?

Elle doit se comprendre comme l’interdiction pour le juge de prononcer une mesure qui supposerait qu’il tranche une question au fond. En d’autres termes le prononcé de la mesure sollicité ne doit, en aucun cas, préjudicier au principal.

La contestation sérieuse s’oppose ainsi à ce qui est manifeste et qui relève de l’évidence. À cet égard, la contestation sera qualifiée de sérieuse toutes les fois qu’il s’agira :

  • Soit de trancher une question relative au statut des personnes
  • Soit de se prononcer sur le bien-fondé d’une action en responsabilité
  • Soit d’interpréter ou d’apprécier la validité un acte juridique

Plusieurs exemples peuvent être convoqués pour illustrer les limites du pouvoir du juge des référés saisi sur le fondement de l’article 872 du CPC.

Ont été considérées comme constitutifs d’une contestation sérieuse et donc ne relevant pas du pouvoir du juge des référés :

Si le Juge des référés excède ses pouvoirs et encourt la cassation pour violation de la loi dans l’hypothèse où il est contraint de se livrer à l’interprétation pour statuer, il en va autrement lorsqu’il lui incombe, pour statuer sur le caractère non sérieusement contestable d’une obligation, d’interpréter non pas un contrat, mais la loi.

À cet égard, la Cour de cassation a pu censurer le juge du provisoire qui s’était refusé à mettre en œuvre une telle interprétation et s’est alors prononcée au visa de l’article 12 du code de procédure civile selon lequel le juge (des référés également) doit trancher le litige conformément aux règles de droit (Cass. soc., 24 juin 2009, n° 08-42.116).

S’agissant de l’appréciation de l’absence de contestation sérieuse, elle ne relève plus du pouvoir souverain des juges du fonds depuis un arrêt rendu par l’assemblée plénière en date du 16 novembre 2001 (Cass. ass. plén., 16 nov. 2001, n° 99-20.114).

==>Sur l’existence d’un différend

Si la démonstration de l’existence d’un différend n’est pas nécessaire lorsque, en cas d’urgence, il est établi l’absence de contestation sérieuse, tel n’est pas le cas en présence d’une contestation sérieuse.

Dans cette dernière hypothèse, il appartiendra, en effet, au demandeur, de démontrer que la mesure sollicitée est justifiée par l’existence d’un différend.

Par différend, il faut entendre tout litige ou désaccord, de quelque nature que ce soit, entre les parties.

Reste que pour que le juge prononce une mesure conservatoire s’il constate l’existence d’un différend entre les parties, celui-ci devra justifier l’adoption de la mesure.

Autrement dit, la mesure sollicitée ne devra pas être étrangère au différend. Elle devra être en lien avec lui.

Il pourra, par exemple, s’agir de la désignation d’un mandataire ad hoc en cas de mésentente entre associés d’une société (Cass. 1ère civ. 17 oct. 2012, n°11-23.153).

La mesure prise peut encore consister en la suspension d’un commandement de payer en cas de litige entre le créancier et son débiteur (Cass. com., 26 févr. 1980, n°78-15.687)

Cette appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond (V. en ce sens Cass. 3e civ., 1er févr. 2011, n°10-10.353).

II) Sur les mesures prononcées

==>Les mesures autorisées

Pour mémoire, l’article 872 du CPC prévoir que, lorsque le juge des référés en cas d’urgence il peut « ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend ».

À l’examen, il apparaît que l’article 872 du CPC confère au juge le pouvoir de prononcer deux sortes de mesures, selon qu’il existe ou non une contestation sérieuse :

  • En l’absence de contestation sérieuse
    • Le juge dispose du pouvoir de prononcer des mesures d’anticipation, soit des mesures qui sont très proches de celles susceptibles d’être prononcées à l’issue de l’instance au fond.
    • Dans cette hypothèse, l’application de la règle de droit substantielle n’est contestée, de sorte que le juge des référés dispose du pouvoir de lui faire produire ses effets.
  • En présence d’une contestation sérieuse
    • Le juge des référés sera privé de son pouvoir de prononcer une mesure d’anticipation de la décision au fond.
    • Il ne pourra prononcer des mesures conservatoires, soit des mesures qui, en raison de l’existence d’un différend, doivent permettre d’attendre la décision au principal
    • La mesure prononcée sera donc nécessairement éloignée des effets de la règle de droit substantielle dont l’application est débattue par les parties.
    • Il pourra s’agir, par exemple, de la désignation d’un administrateur provisoire ou de la mise sous séquestre d’une somme d’argent.
    • Ainsi, la mesure prise ne consistera pas à anticiper la décision rendue au fond, mais seulement à geler une situation conflictuelle (suspension de travaux dans l’attente de la décision du juge du fond, désignation d’un administrateur judiciaire pour une association ou une copropriété, suspension des effets d’un commandement de payer, désignation d’un séquestre etc.)

==>Les mesures interdites

Bien que le Juge des référés dispose, lorsqu’il est saisi sur le fondement de l’article 872 du CPC du pouvoir de prononcer des mesures d’anticipation de la décision au fond, il lui est interdit d’ordonner une mesure qui se heurte à une contestation sérieuse.

Ainsi lui est-il interdit de prononcer une mesure qui procède :

  • Soit de l’appréciation du statut des personnes ou de biens
  • Soit de l’appréciation du bien-fondé d’une action en responsabilité
  • Soit de l’interprétation des termes d’un acte juridique ou de l’appréciation de sa validité

Les pouvoirs du Président du Tribunal judiciaire

Ce tableau synthétise les pouvoirs conférés au Président du Tribunal judiciaire, nouvelle juridiction de droit commun issue de la fusion entre le Tribunal de grande instance et le Tribunal d’instance opérée par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et mise en oeuvre par:

  • Le décret n°2019-912
  • Le décret n°2019-913
  • Le décret n°2019-914
  • Le décret n°2019-965
  • L’ordonnance n° 2019-964

PRÉSIDENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE
DomainePouvoirsTexte
Juge des référés
Pouvoirs générauxEn toutes matières, le président du tribunal judiciaire statue en référé ou sur requête.COJ
Article

L. 213-2
Les pouvoirs du président du tribunal judiciaire prévus aux deux articles précédents s'étendent à toutes les matières où il n'existe pas de procédure particulière de référé.CCP
Article

810
Référé urgenceDans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.CCP
Article

808
Référé conservatoirePrescription de mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.CCP
Article

809, al. 1er
Référé provisionDans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.CCP
Article

809, al. 2e
Référé probatoireS'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.CPC
Article

145
Juge des requêtes
Pouvoirs générauxEn toutes matières, le président du tribunal judiciaire statue en référé ou sur requête.COJ
Article

L. 213-2
Cas spécifiés par la loi Le président du tribunal est saisi par requête dans les cas spécifiés par la loi.CPC
Article

812
Les circonstances exigent que des mesues urgences ne soient pas prises contradictoirementIl peut également ordonner sur requête toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirementCPC
Article

812
Juge de l'acte d'état civil
Rectification des actes de l'état civilLe président du tribunal judiciaire connaît de la rectification des actes de l'état civil.COJ
Article

R. 213-1-1
Juge des loyers commerciaux
Fixation du bail commercial et du bail à constructionLe président du tribunal judiciaire connaît :

1° Des contestations relatives à la fixation du prix des baux commerciaux dans les cas et conditions prévus par l'article R. 145-23 du code de commerce ;

2° Des contestations relatives au prix du bail à construction dans les cas et conditions prévus par l'article L. 251-5 du code de la construction et de l'habitation.
COJ
Article

R. 213-2
Juge des procédures collectives agricoles
Procédures collectives des exploitations agricolesLe président du tribunal judiciaire connaît du règlement amiable, du redressement et de la liquidation judiciaires des exploitations agricoles dans les cas et conditions prévus par les articles L. 351-2 à L. 351-8 du code rural et de la pêche maritime.COJ
Article

R. 213-3
Juge de l'honoraire de l'avocat
Honoraires des avocatsLe président du tribunal judiciaire connaît des contestations relatives aux honoraires du bâtonnier de l'ordre des avocats, dans les cas et conditions prévus par l'article 179 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat.COJ
Article

R. 213-4
Juge de la protection des données à caractère personnel
Contentieux des données personnellesLe président du tribunal judiciaire connaît de la demande formée, sur le fondement du IV de l'article 21 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'encontre des personnes ou des organismes autres que ceux mentionnés à l'article R. 555-1 du code de justice administrative.COJ
Article

R. 213-5
Juge de la publicité des appels d'offres publics
Publicité en matière de contrats de droit privé relevant de la commande publiqueLe président du tribunal judiciaire compétent en application de l'article L. 211-14 connaît des contestations relatives aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des contrats de droit privé relevant de la commande publique dans les cas et conditions prévus par les articles 2 à 20 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique.COJ
Article

R. 213-5-1
Juge du contentieux douanier
Contentieux douanierLe président du tribunal judiciaire connaît des actions et requêtes dans les cas et conditions prévus au code des douanes.COJ
Article

R. 213-5-2
Juge de l'exécution
Titre exécutoire et exécution forcéeLe juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.COJ
Article

L. 213-6
Mesures conservatoiresLe juge de l'exécution autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en oeuvre.
Saisie immobilièreLe juge de l'exécution connaît, sous la même réserve, de la procédure de saisie immobilière, des contestations qui s'élèvent à l'occasion de celle-ci et des demandes nées de cette procédure ou s'y rapportant directement, même si elles portent sur le fond du droit ainsi que de la procédure de distribution qui en découle.
Réparation du préjudice causé par l'exécution forcée ou des mesures conservatoiresLe juge de l'exécution connaît, sous la même réserve, des demandes en réparation fondées sur l'exécution ou l'inexécution dommageables des mesures d'exécution forcée ou des mesures conservatoires.
Saisie des rémunérationsLe juge de l'exécution Il connaît de la saisie des rémunérations, à l'exception des demandes ou moyens de défense échappant à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.
Pouvoirs spécifiques conférés par le Code des procédures civiles d'exécutionLe juge de l'exécution exerce également les compétences particulières qui lui sont dévolues par le code des procédures civiles d'exécution.
Juge de l'injonction de payer
(Compétence du Tribunal de proximité lorsque en dehors du siège du TJ)
Procédure en injonction de payerLa demande est portée, selon le cas, devant le tribunal judiciaire ou devant le président du tribunal judiciaire ou du tribunal de commerce, dans la limite de la compétence d'attribution de ces juridictions.CPC
Article

1406
Juge de la copropriété
Contentieux de la copropriété des immeubles bâtisA défaut de nomination du syndic par l'assemblée générale des copropriétaires convoquée à cet effet, le syndic est désigné par le président du tribunal judiciaire saisi à la requête d'un ou plusieurs copropriétaires, du maire de la commune ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat du lieu de situation de l'immeuble.Art. 17 de la loi du 10 juillet 1965
Après mise en demeure restée infructueuse, le syndic nouvellement désigné ou le président du conseil syndical pourra demander au président du tribunal judiciaire statuant en référé, d'ordonner sous astreinte la remise des pièces et des fonds mentionnés aux deux premiers alinéas ainsi que le versement des intérêts provisionnels dus à compter de la mise en demeure, sans préjudice de toute provision à valoir sur dommages et intérêts.Art. 18-2 de la loi du 10 juillet 1965
Le copropriétaire défaillant peut, même en cas d'instance au principal, sous condition d'une offre de paiement suffisante ou d'une garantie équivalente, demander mainlevée totale ou partielle au président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond.Art. 19 de la loi du 10 juillet 1965
Le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, après avoir constaté, selon le cas, l'approbation par l'assemblée générale des copropriétaires du budget prévisionnel, des travaux ou des comptes annuels, ainsi que la défaillance du copropriétaire, condamne ce dernier au paiement des provisions ou sommes exigibles.Art. 19-2 de la loi du 10 juillet 1965
En cas d'indivision ou de démembrement du droit de propriété, les intéressés doivent être représentés par un mandataire commun qui est, à défaut d'accord, désigné par le président du tribunal judiciaire à la requête de l'un d'entre eux ou du syndic.Art. 23 de la loi du 10 juillet 1965
Le président du tribunal judiciaire, saisi dans les conditions prévues à l'article 29-1A et statuant par ordonnance sur requête ou selon la procédure accélérée au fond, peut désigner un mandataire ad hoc dont il détermine la mission et la rémunération. Les modalités d'intervention des mandataires ad hoc sont fixées par décret.Art. 29-1 B de la loi du 10 juillet 1965
Si l'équilibre financier du syndicat des copropriétaires est gravement compromis ou si le syndicat est dans l'impossibilité de pourvoir à la conservation de l'immeuble, le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond ou sur requête peut désigner un administrateur provisoire du syndicat.Art. 29-1 de la loi du 10 juillet 1966
Juge de la taxation des dépens
DépensLe président de la juridiction ou le magistrat délégué à cet effet statue par ordonnance au vu du compte vérifié et de tous autres documents utiles, après avoir recueilli les observations du défendeur à la contestation ou les lui avoir demandées.CPC
Article

709
Juge des mesures provisoires en matière de contrefaçon
ContrefaçonToute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon. La juridiction civile compétente peut également ordonner toutes mesures urgentes sur requête lorsque les circonstances exigent que ces mesures ne soient pas prises contradictoirement, notamment lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au demandeur. Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente.

La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d'un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. Si le demandeur justifie de circonstances de nature à compromettre le recouvrement des dommages et intérêts, la juridiction peut ordonner la saisie conservatoire des biens mobiliers et immobiliers du prétendu contrefacteur, y compris le blocage de ses comptes bancaires et autres avoirs, conformément au droit commun. Pour déterminer les biens susceptibles de faire l'objet de la saisie, elle peut ordonner la communication des documents bancaires, financiers, comptables ou commerciaux ou l'accès aux informations pertinentes.

Elle peut également accorder au demandeur une provision lorsque l'existence de son préjudice n'est pas sérieusement contestable.

Saisie en référé ou sur requête, la juridiction peut subordonner l'exécution des mesures qu'elle ordonne à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du défendeur si l'action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée ou les mesures annulées.

Lorsque les mesures prises pour faire cesser une atteinte aux droits sont ordonnées avant l'engagement d'une action au fond, le demandeur doit, dans un délai fixé par voie réglementaire, soit se pourvoir par la voie civile ou pénale, soit déposer une plainte auprès du procureur de la République. A défaut, sur demande du défendeur et sans que celui-ci ait à motiver sa demande, les mesures ordonnées sont annulées, sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés.
CPI
Article

L. 615-3

Modèle d’assignation en référé-rétractation par-devant le Président près le Tribunal de grande instance (art. 497 CPC)