De la distinction entre les exceptions de procédures, les fins de non-recevoir et les défenses au fond

Pour faire échec aux prétentions du requérant, la partie adverse peut, pour assurer sa défense, soutenir trois sortes de moyens qui consisteront à faire déclarer la demande :

  • Soit irrégulière
  • Soit irrecevable
  • Soit mal-fondée

S’agissant de la demande irrégulière, il s’agit de celle qui tombe sous le coup d’une exception de procédure, soit d’une irrégularité qui procède, par exemple, de l’incompétence du Juge ou encore de la nullité d’un acte.

S’agissant de la demande irrecevable, il s’agit de celle qui tombe sous le coup d’une fin de non-recevoir, soit d’une règle qui prive le demandeur du droit d’agir.

S’agissant de la demande mal-fondée, il s’agit de celle n’est pas justifiée en droit et/ou en fait, de sorte que le Juge, après examen du fond de cette demande, ne peut pas l’accueillir favorablement

Lorsque les moyens ci-dessus énoncés sont soulevés alternativement ou cumulativement dans des conclusions en défense, ils doivent être exposés dans un ordre déterminé par le Code de procédure civile.

Plus précisément, il ressort des textes que doivent être distingués les moyens devant être soulevées avant toute défense au fond (in limine litis), de ceux qui peuvent être soulevés en tout état de cause.

§1 : Les moyens de défense devant être soulevés in limine litis

I) Règles communes

Les moyens de défense devant être soulevés in limine litis, soit avant toute défense au fond, sont ce que l’on appelle les exceptions de procédure.

L’article 73 du CPC définit l’exception de procédure comme « tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours. »

Il ressort de cette définition que l’exception de procédure se distingue très nettement de la défense au fond et des fins de non-recevoir.

A) Exception de procédure, défense au fond et fin de non-recevoir

L’exception de procédure s’oppose à la défense au fond car elle ne repose pas sur une contestation du bien-fondé de la prétention du demandeur, mais porte uniquement sur la procédure dont elle a pour objet de paralyser le cours.

L’exception de procédure se distingue également de la fin de non-recevoir, en ce qu’elle est constitutive d’une irrégularité qui concerne le fond ou la forme des actes de procédure ; elle affecte la validité de la procédure, alors que la fin de non-recevoir est une irrégularité qui touche au droit d’agir et atteint l’action elle-même : « est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir » (articles 32 et 122 du CPC).

B) Liste des exceptions de procédure

Au nombre des exceptions de procédure figurent :

  • Les exceptions d’incompétence
  • Les exceptions de litispendance et de connexité
  • Les exceptions dilatoires
  • Les exceptions de nullité

Cette liste est-elle limitative ? Selon certains auteurs, comme Serge Guinchard ou Isabelle Pétel-Teyssié, la définition de l’article 73 du CPC permet de concevoir d’autres exceptions, dès lors qu’elles tendent à la finalité énoncée par cet article.

Cette opinion a été illustrée par la jurisprudence qui a qualifié d’exception de procédure la règle « le criminel tient le civil en l’état » (Cass. 1ère civ., 28 avril 1982, n°80-16.546) en précisant que l’exception était de la nature de celle visée à l’article 108 du CPC, c’est-à-dire une exception dilatoire ou encore l’incident tendant à faire constater la caducité du jugement par application de l’article 478 du CPC procédure civile (Cass. 2e civ., 22 nov. 2001, n°99-17.875) ou l’incident de péremption (Cass. 2e civ., 31 janv. 1996, n°93-11.246).

Quant au régime juridique des exceptions de procédure, il obéit à des règles strictes fixées par l’article 74 du CPC : « les exceptions doivent être invoquées avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir » et la deuxième chambre civile, le 8 juillet 2004, puis le 14 avril 2005 a précisé, montrant la rigueur de ces dispositions, qu’une partie n’était pas recevable à soulever une exception de procédure après une fin de non-recevoir, peu important que les incidents aient été présentés dans les mêmes conclusions.

C) Spécificité des exceptions de procédure : la présentation in limine litis

Pour qu’une exception de procédure prospère, l’article 74 du CPC prévoit qu’elle doit, à peine d’irrecevabilité, être soulevée simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir.

Cette disposition précise qu’il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l’exception seraient d’ordre public (V. en ce sens Cass. soc., 5 janv. 1995, n° 92-19.823).

Il s’infère de l’article 74 du CPC que les exceptions de procédure ne peuvent donc pas être soulevées n’importe quand. Plusieurs règles doivent être observées par les parties.

1. Avant toute défense au fond

🡺Principe

Il est de principe que les exceptions de procédure doivent être soulevées in limine litis, soit avant toute défense au fond.

Pour mémoire, par défense au fond il faut entendre, selon l’article 71 du CPC, « tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l’adversaire. »

Dès lors que l’exception de procédure est soulevée après la prise de conclusions exposant les prétentions, fussent-elles banales et de pure forme, ou l’exercice d’un recours, elle est irrecevable.

Ainsi, il a par exemple été jugé que le fait de s’en rapporter à justice constitue une défense au fond, interdisant ensuite de soulever une exception d’incompétence (Cass. 2e civ., 7 juin 2007, n°06-15.920).

Cette règle est applicable devant toutes les juridictions, y compris devant la Cour d’appel.

S’agissant spécifiquement de la procédure applicable devant le Tribunal de grande, l’article 771 du CPC prévoit que les exceptions de procédure ne peuvent être soulevées que devant le Juge de la mise en état seul compétent pour statuer sur ces dernières.

Les parties ne sont donc plus recevables à soulever ces exceptions ultérieurement.

Dans un arrêt du 12 mai 2016, la Cour de cassation a précisé que le conseiller de la mise en état n’est saisi des demandes relevant de sa compétence que par les conclusions qui lui sont spécialement adressées (Cass. 2e civ.,12 mai 2016, n° 14-25.054).

En application, d’ailleurs, de l’article 775 du CPC « si les ordonnances du juge de la mise en état n’ont pas au principal autorité de la chose jugée, il est fait exception pour celles statuant sur les exceptions de procédure et sur les incidents mettant fin à l’instance ».

🡺Tempérament

Nonobstant la prise de conclusions au fond, il est admis que le plaideur puisse soulever, par la suite, une exception de procédure en cas de formulation d’une demande incidente par la partie adverse.

Peu importe la nature de la demande incidente (reconventionnelle, additionnelle ou en intervention), la partie contre qui cette demande est formulée peut, en réponse, opposer une exception d’incompétence en réponse.

2. Simultanéité

L’article 74 prévoit expressément que, pour être recevable, les exceptions de procédure doivent être soulevées simultanément

Cette règle a été posée afin d’éviter qu’un plaideur ne se livre à des manœuvres dilatoires, en étirant dans le temps, pour faire durer la procédure, l’invocation des exceptions de procédure.

Il en résulte un certain nombre de points de vigilances pour les plaideurs, tant en matière de procédure écrite, qu’en matière de procédure orale.

  • En matière de procédure écrite
    • Obligation est faite aux parties de soulever toutes les exceptions de procédures en même temps, ce qui implique qu’elles doivent figurer dans le même jeu de conclusions.
    • À cet égard, si la Cour de cassation admet que les exceptions de procédure puissent être présentées dans les mêmes écritures, elles doivent être formellement abordées par le plaideur avant l’exposé des défenses au fond.
    • Ajouté à cette exigence, les exceptions de procédure doivent être soulevées avant l’exposé d’une fin de non-recevoir, fût-ce à titre subsidiaire.
  • En matière de procédure orale
    • Les exceptions de procédure doivent être soulevées avant l’ouverture des débats.
    • La question s’est longtemps posée de savoir si la prise de conclusions au fond avant l’audience des plaidoiries ne rendait pas irrecevable les exceptions de procédure qui seraient soulevées pour la première fois le jour de l’audience.
    • Dans un arrêt du 6 mai 1999, la Cour de cassation a répondu positivement à cette question estimant qu’il était indifférent que la procédure soit orale : dès lors que des défenses au fond sont présentées par une partie, cela fait obstacle à l’invocation d’exceptions de procédure (Cass. 2e civ., 6 mai 1999, n°96-22.143).
    • Fortement critiquée par la doctrine, la Cour de cassation est revenue sur sa position dans un arrêt du 16 octobre 2003 considérant au visa de l’article 74 du CPC que « les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées avant toute défense au fond ; que, devant le tribunal de commerce, la procédure étant orale, les prétentions des parties peuvent être formulées au cours de l’audience et qu’il en est notamment ainsi des exceptions de procédure » (Cass. 2e civ., 16 oct. 2003, n°01-13.036).
    • Peu importe désormais que des conclusions au fond aient été prises avant l’audience des plaidoiries : les exceptions de procédure peuvent être soulevées, en tout état de cause, le jour de l’audience.
    • Seul l’ordre de présentation oral doit donc être considéré et il suffit, par conséquent, que l’exception de procédure soit exposée verbalement à l’audience, in limine litis, lors des plaidoiries, avant les autres explications orales touchant au fond de l’affaire, pour être recevable.
    • Selon les mêmes principes, un tribunal de commerce ne saurait relever d’office – qui plus est sans observer le principe de la contradiction et inviter les parties à présenter leurs observations – l’irrecevabilité d’une exception d’incompétence en se déterminant d’après la seule chronologie des conclusions du défendeur contenant ses différents moyens de défense, alors même que celui-ci aurait soulevé l’exception d’incompétence après une défense au fond exprimée dans des conclusions antérieures écrites (Cass. 2e civ., 20 nov. 2003, n°02-11.272).
    • C’est donc bien uniquement au jour des plaidoiries qu’il convient de se placer pour apprécier l’ordre des moyens de défense présentés par un plaideur et que doit, en particulier, être examinée l’antériorité de l’exception d’incompétence par rapport aux autres moyens.
    • Dans un arrêt du 22 juin 2017, la Cour de cassation est néanmoins venue apporter un tempérament à sa position en considérant, s’agissant de la procédure applicable devant le Tribunal de commerce que lorsque le juge a organisé les échanges écrits entre les parties conformément au dispositif de mise en état de la procédure orale prévu par l’article 446-2 du code de procédure civile, la date de leurs prétentions et moyens régulièrement présentés par écrit est celle de leur communication entre elles dès lors qu’un calendrier de mise en état a été élaboré par le juge (Cass. 2e civ., 22 juin 2017, n° 16-17.118).
    • En cas de calendrier fixé par le Juge, dans le cadre d’une procédure orale, la date de l’exposé des moyens et des prétentions qui doit être prise en compte est celle de leur communication entre parties et non celle de l’audience

3. Succession de procédures

Quid lorsque l’exception de procédure est soulevée pour la première fois, consécutivement à une procédure de référé, une tentative de conciliation ou encore dans le cadre d’un appel ou d’un pourvoi en cassation ?

🡺L’exception de procédure consécutivement à une procédure de référé

Il est de jurisprudence constante que les exceptions de procédure peuvent être soulevées dans le cadre d’une procédure de référé, alors même qu’elles n’auraient pas été préalablement présentées dans le cadre d’une instance en référé.

La raison en est que les deux procédures sont distinctes : tandis que le juge des référés statue au provisoire, le juge saisi du fond du litige statue au principal.

Dans un arrêt du 29 mai 1991, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « l’instance de référé étant distincte de l’instance au fond, la cour d’appel a justement retenu que le fait par une partie de ne pas invoquer une clause attributive de compétence dans le cadre d’une instance de référé ne manifestait pas la volonté non équivoque de cette partie de renoncer à s’en prévaloir dans le cadre d’une instance ultérieure au fond, quand bien même les deux instances concerneraient le même litige » (Cass. com. 28 mai 1991, n°89-19.683).

🡺L’exception de procédure consécutivement à une tentative de conciliation

  • Principe
    • En matière de conciliation, la solution retenue par la Cour de cassation est identique à celle adoptée pour la procédure de référé.
    • En effet, l’invocation, pour la première fois, d’une exception de procédure postérieurement à la tentative de conciliation n’est pas frappée d’irrecevabilité, alors même que des défenses au fond auraient été présentées dans le cadre de cette dernière procédure (Cass. soc., 22 janv. 1975, n°74-40.133).
    • Il importe peu que la tentative de conciliation ait ou non été obligatoire ; en tout état de cause elle ne fait pas obstacle à la présentation d’une exception de procédure.
  • Exception
    • En matière de divorce, les exceptions de procédure doivent être dès l’audience de conciliation, faute de quoi elles deviennent irrecevables dans le cadre de l’instance en divorce
    • L’article 1073 du CPC prévoit en ce sens que « le juge aux affaires familiales est, le cas échéant, juge de la mise en état. »
    • Dans la mesure où le juge de la mise en état possède une compétence exclusive pour statuer sur les exceptions de procédure, il est certain que le juge aux affaires familiales dispose des mêmes pouvoirs

🡺L’exception de procédure soulevée dans le cadre d’un appel

  • Principe
    • Lorsqu’une exception de procédure est soulevée pour la première fois en appel elle est, par principe, irrecevable, dans la mesure où, par hypothèse, des défenses au fond ont été présentées en première instance.
    • La condition tenant à l’invocation à titre in limine litis des exceptions de procédure n’est donc pas remplie (V. en ce sens Cass. 1ère civ., 14 avr. 2010, n°09-12.477).
    • Cette solution s’applique quand bien même c’est la compétence d’une juridiction étrangère qui serait revendiquée.
  • Exception
    • Il est de jurisprudence constante que, par dérogation, une exception d’incompétence peut être soulevée pour la première fois en appel, dès lors qu’elle est soulevée avant toute défense au fond, ce qui sera le cas lorsque le défendeur n’a pas comparu en première instance.
    • La Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 25 novembre 1981 qu’il n’était pas nécessaire que l’exception d’incompétence figure dans la déclaration d’appel
    • Elle peut valablement être soulevée dans des conclusions postérieures (Cass. 2e civ., 25 nov. 1981, n°80-11.378)

🡺L’exception de procédure soulevée dans le cadre d’un pourvoi en cassation

À l’instar de la procédure d’appel, la Cour de cassation considère que les exceptions de procédure ne peuvent pas être soulevées pour la première fois dans le cadre d’un pourvoi en cassation (Cass. 1ère civ., 28 févr. 2006, n° 03-21.048).

La règle posée à l’article 74 du CPC est d’interprétation stricte de sorte que dès lors que des défenses au fond ont été soulevées en première instance ou en appel par le plaideur, il lui est défendu d’exciper des exceptions de procédure devant la haute juridiction, quand bien même l’exception soulevée serait d’ordre public (Cass., ass. plén., 26 mai 1967, n°63-12.709).

II) Règles propres à chaque exception de procédure

A) L’exception d’incompétence

L’exception d’incompétence est régie par les articles 75 à 91 du Code de procédure civile. Le moyen tiré de l’incompétence consiste à contester à la juridiction saisie :

  • Soit sa compétence matérielle
  • Soit sa compétence territoriale

1. Incompétence et défaut de pouvoir

L’incompétence ne doit pas être confondue avec le défaut de pouvoir du Juge.

  • Une juridiction peut avoir été valablement saisie par une partie, sans pour autant être investie du pouvoir de trancher le litige.
    • Tel sera le cas du Juge des référés qui, nonobstant les règles qui régissent sa compétence matérielle et territoriale, ne dispose pas du pouvoir de statuer au principal
    • Tel sera encore le cas du Juge-commissaire dont le pouvoir est limité à la vérification des créances, de sorte qu’il lui est interdit de statuer sur leur validité
  • Une Juridiction peut, à l’inverse, être pleinement investie du pouvoir de trancher une question qui lui est soumise, sans pour autant être matériellement ou territorialement compétente pour statuer.
    • Tel sera le cas du Tribunal judiciaire qui dispose du pouvoir de statuer au principal tout en étant incompétent pour se prononcer sur un litige de nature commerciale
    • Il en va de même pour le Tribunal de commerce de Paris qui dispose du pouvoir de statuer sur l’ouverture d’une procédure collective, mais qui n’est pas compétent pour se prononcer sur une procédure de redressement judiciaire ouverte à l’encontre d’un débiteur dont le siège social est situé à Marseille

Tandis que l’incompétence relève de la catégorie des exceptions de procédure, et qui donc ne peut être soulevée qu’in limine litis, le défaut de pouvoir est constitutif d’une fin de non-recevoir et peut, dès lors, être soulevée en tout état de cause.

2. Le déclinatoire d’incompétence

L’article 75 du CPC dispose que s’il est prétendu que la juridiction saisie en première instance ou en appel est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d’irrecevabilité

  • D’une part, la motiver, soit exposer les raisons en fait et en droit qui fonde l’incompétence excipée
  • D’autre part, désigner la juridiction compétence, faute de quoi l’incompétence soulevée est irrecevable

3. L’invocation de l’exception d’incompétence

Le Code de procédure civile distingue selon que l’incompétence de la juridiction est soulevée par une partie ou par le juge.

🡺L’incompétence soulevée par les parties

L’exception d’incompétence n’étant envisagée par le Code de procédure civile que comme un moyen de défense, le demandeur est irrecevable à contester la compétence de la juridiction qu’il a saisie (V. en ce sens Cass. 3e civ., 29 avr. 2002, n° 00-20.973).

🡺L’incompétence relevée par le Juge

Il ressort des articles 76 et 77 du Code de procédure civile qu’il convient de distinguer selon que le juge soulève d’office son incompétence matérielle ou territoriale

  • L’incompétence matérielle
    • Principe
      • L’article 76 du CPC prévoit que, sauf application de l’article 82-1, l’incompétence peut être prononcée d’office en cas de violation d’une règle de compétence d’attribution lorsque cette règle est d’ordre public ou lorsque le défendeur ne comparaît pas.
      • Cette disposition précise que l’incompétence matérielle ne peut l’être qu’en ces cas.
      • Le pouvoir du juge de soulever d’office son incompétence matérielle reste une faculté, de sorte qu’il ne le fera que si les intérêts de l’une des parties sont menacés.
      • En cas d’inaction du juge ou des parties, la compétence de la juridiction saisie pourra donc être prorogée
    • Tempérament
      • L’alinéa 2 de l’article 76 du CPC ajoute que devant la cour d’appel et devant la Cour de cassation, cette incompétence ne peut être relevée d’office que si l’affaire relève de la compétence d’une juridiction répressive ou administrative ou échappe à la connaissance de la juridiction française.
  • L’incompétence territoriale
    • Principe
      • Il ressort de l’article 76 du CPC que l’incompétence territoriale ne peut jamais être soulevée en matière contentieuse.
      • En matière gracieuse, en revanche, l’article 77 prévoit que le juge peut relever d’office son incompétence territoriale
      • Là encore, il ne s’agit que d’une simple faculté, de sorte que la compétence territoriale de la juridiction saisie peut être prorogée en cas d’inaction du juge ou des parties.
    • Exception
      • Le juge ne peut relever d’office son incompétence territoriale en matière contentieuse que dans les litiges relatifs à l’état des personnes, dans les cas où la loi attribue compétence exclusive à une autre juridiction ou si le défendeur ne comparaît pas.

🡺Cas particulier de l’exception de compétence au sein du Tribunal judiciaire

Animé par le souci de limiter les incidents d’instance, le législateur a, dans concomitamment à la fusion du Tribunal de grande instance et du Tribunal d’instance, introduit un article 82-1 dans le Code de procédure civile qui vise à régler les questions de compétence au sein du Tribunal judiciaire.

La création de nouvelle disposition est issue du rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile.qui comportait 30 propositions « pour une justice civile de première instance modernisée ».

Au nombre de ces propositions figurait celle appelant à « mettre fin aux exceptions d’incompétence et simplifier la gestion des fins de non-recevoir et des exceptions de nullité » (proposition n°18)

À cette fin il était notamment suggéré :

  • D’une part, dans l’attente de l’instauration du point d’entrée unique que pourrait constituer le tribunal judiciaire, de permettre au juge de trancher les exceptions d’incompétence territoriale et matérielle au sein du tribunal de grande instance, voire au sein du tribunal de grande instance et du tribunal d’instance
  • D’autre part, en cas de mise en place du Tribunal judiciaire, de permettre au juge de statuer sur les exceptions d’incompétence par simple mesure d’administration judiciaire, insusceptible de recours, puisque seule la compétence territoriale sera concernée, à l’instar des juridictions administratives.

Le tribunal judiciaire ayant finalement été créé, c’est la seconde option qui a été retenue par le législateur.

  • Principe : règlement de l’incident de compétence par l’adoption d’une mesure judiciaire
    • L’article 82-1 du CPC dispose en ce sens que « par dérogation aux dispositions de la présente sous-section, les questions de compétence au sein d’un tribunal judiciaire peuvent être réglées avant la première audience par mention au dossier, à la demande d’une partie ou d’office par le juge. »
    • Ainsi, lorsqu’un incident de compétence survient dans le cadre d’une instance pendante devant le Tribunal judiciaire et que la difficulté d’attribution est interne, celui-ci peut être réglé par l’adoption d’une mesure d’administration judiciaire.
    • La conséquence en est que, contrairement à un incident de compétence ordinaire, la mesure prise par le juge est insusceptible de voie de recours.
    • La difficulté de compétence peut être réglée
      • Soit à la demande des parties
      • Soit d’office par le juge
    • S’agissant de la difficulté de compétence en elle-même, elle peut concerner l’attribution de l’affaire au juge des contentieux de la protection, au juge de l’exécution, au Juge aux affaires familiale ou encore au Président de la juridiction.
  • Formalités
    • En ce que le règlement de l’incident de compétence interne au Tribunal judiciaire consiste en l’adoption d’une mesure d’administration judiciaire, la décision du juge se traduit, non pas par le prononcé d’une décision, mais par l’apposition d’une mention au dossier tenu par le greffe.
  • Notification
    • Les parties ou leurs avocats en sont avisés sans délai par tout moyen conférant date certaine.
  • Renvoi
    • Une fois le juge compétent (JCP, JEX, JAF etc.) désigné par le juge saisi à tort, le dossier de l’affaire est aussitôt transmis par le greffe au juge désigné.
  • Contestations
    • À l’examen, les parties sont susceptibles de contester la compétence du juge désigné à deux stades de la procédure
      • Contestation devant le juge désigné par le premier Juge saisi
        • La compétence du juge à qui l’affaire a été ainsi renvoyée peut être remise en cause par ce juge ou une partie dans un délai de trois mois.
        • Le délai pour contester la compétence du juge désigné est donc de trois mois, ce qui est un délai bien plus longtemps que le délai de droit commun pour interjeter appel d’une décision statuant sur un incident de compétence, lequel est de 15 jours à compter de la notification de la décision (art. 84 CPC).
        • En cas de contestation de la compétence du juge désigné, la procédure se déroule en deux temps
          • Premier temps : le juge, d’office ou à la demande d’une partie, renvoie l’affaire par simple mention au dossier au président du tribunal judiciaire.
          • Second temps : le président renvoie l’affaire, selon les mêmes modalités, au juge qu’il désigne, étant précisé que sa décision n’est pas susceptible de recours.
      • Contestation devant le Juge désigné par le Président du tribunal judiciaire
        • Lorsque l’affaire est renvoyée par le Président du tribunal judiciaire, la compétence du Juge désigné peut être contestée par les parties
        • En pareil cas, la décision se prononçant sur la compétence peut faire l’objet d’un appel dans les conditions prévues aux articles 83 à 91 du CPC.
        • Le délai pour interjeter appel est donc ici, non pas de trois mois, mais de 15 jours.

4. La décision du Juge

Lorsqu’une exception d’incompétence est caractérisée, le juge dispose de deux options :

  • Soit il admet l’exception d’incompétence
  • Soit il rejette l’exception d’incompétence

a. La décision admettant l’exception d’incompétence

Lorsque le juge initialement saisi se déclare incompétent, il convient de distinguer deux hypothèses :

  • Soit il invite seulement les parties à mieux se pourvoir
  • Soit il désigne la juridiction compétente

🡺Invitation à mieux se pourvoir

L’article 81 du CPC prévoit que « lorsque le juge estime que l’affaire relève de la compétence d’une juridiction répressive, administrative, arbitrale ou étrangère, il renvoie seulement les parties à mieux se pourvoir. »

Dans ces hypothèses, la désignation de la juridiction compétente est donc prohibée puisque le juge n’a pas le pouvoir d’imposer sa compétence à ces juridictions.

Ainsi, le juge peut se contenter, dans le dispositif de son jugement, d’inviter les parties à saisir la juridiction compétente, sans pour autant la désigner. Il les invitera donc à « mieux se pourvoir ».

🡺Désignation de la juridiction compétente

Lorsque le litige relève de la compétence d’une juridiction autre que des juridictions répressives, administratives arbitrales ou étrangères, le juge qui se déclare incompétent a l’obligation, conformément à l’article 81 du CPC, de désigner la juridiction qu’il estime compétente.

Tel sera le cas lorsque le litige relèvera de la compétence des juridictions civiles ou commerciales.

Précision qui n’est pas sans importance, l’alinéa 2 in fine de l’article 81 du CPC prévoit que la désignation par le juge de la juridiction compétente « s’impose aux parties et au juge de renvoi ».

Cela signifie que, quand bien même le juge de renvoi s’estimerait incompétent, il n’a d’autre choix que de statuer le litige qui lui est soumis en suite d’une déclaration d’incompétence.

🡺Modalités du renvoi

L’article 82 du CPC prévoit que, en cas de renvoi devant une juridiction désignée, le dossier de l’affaire lui est transmis par le greffe, avec une copie de la décision de renvoi, à défaut d’appel dans le délai.

Dans un arrêt du 6 juillet 2000, la Cour de cassation a précisé que, en cas de carence du greffe, les dispositions de l’article 82 du CPC « ne dispensent pas les parties d’accomplir, s’il y a lieu, les diligences propres à éviter la péremption de l’instance » (Cass. 2e civ. 6 juill. 2000, n°98-17.893).

Lorsque le greffe accomplit sa tâche, dès réception du dossier, les parties sont invitées par tout moyen par le greffe de la juridiction désignée à poursuivre l’instance et, s’il y a lieu, à constituer avocat dans le délai d’un mois à compter de cet avis.

Lorsque devant la juridiction désignée les parties sont tenues de se faire représenter, l’affaire est d’office radiée si aucune d’elles n’a constitué avocat dans le mois de l’invitation qui leur a été faite en application de l’alinéa précédent.

🡺Effets de la déclaration d’incompétence

Deux situations doivent être distinguées :

  • Le juge invite les parties à mieux se pourvoir
    • Dans cette hypothèse le juge est immédiatement dessaisi et l’instance est éteinte.
    • Il en résulte que les parties sont dans l’obligation :
      • Soit d’interjeter appel si elles entendent contester cette déclaration d’incompétence
      • Soit d’introduire une nouvelle instance devant la juridiction compétente qui
    • En toute hypothèse, il leur reviendra de déterminer la juridiction compétente qui, par hypothèse, n’a pas été désignée.
  • Le juge désigne la juridiction qu’il estime compétente
    • Dans cette hypothèse, il est dessaisi de l’affaire, sans pour autant qu’il en résulte une extinction de l’instance
    • En effet, l’instance a vocation à se poursuivre devant la juridiction désignée
    • Les parties sont donc dispensées d’accomplir des formalités de saisine, soit concrètement de faire délivrer une nouvelle assignation.
    • L’instance est suspendue tant que le délai pour interjeter appel de la déclaration d’appel n’a pas écoulé.
    • Ce n’est qu’à l’expiration de ce délai que le dossier de l’affaire est transmis à la juridiction désignée.

En tout état de cause l’article 79 du CPC précise que « lorsqu’il ne se prononce pas sur le fond du litige, mais que la détermination de la compétence dépend d’une question de fond, le juge doit, dans le dispositif du jugement, statuer sur cette question de fond et sur la compétence par des dispositions distinctes ».

L’alinéa 2 précise que « sa décision a autorité de chose jugée sur cette question de fond ».

Il ressort de la règle ainsi posée que lorsque le juge est contraint, pour statuer sur sa compétence, de trancher une question de fond, sa décision aura autorité de la chose jugée sur cette question de fond.

Par exception, la décision rendue par le juge des référés ne sera jamais revêtue de cette autorité de la chose jugée. Et pour cause, celui-ci ne statue jamais au principal. Sa décision est toujours rendue au provisoire.

b. La décision rejetant l’exception d’incompétence

Lorsque le juge s’estime compétent, il dispose de deux options :

  • Soit il dissocie la question de sa compétence du reste de l’affaire
  • Soit il statue sur le tout dans un même jugement

🡺Le juge dissocie la question de sa compétence du reste de l’affaire

Dans cette hypothèse, le juge statuera en deux temps :

  • Première phase
    • Il statue sur sa compétence et corrélativement sursoit à statuer sur le fond
    • En application de l’article 80 du CPC, dans cette hypothèse l’instance est alors suspendue jusqu’à l’expiration du délai pour former appel et, en cas d’appel, jusqu’à ce que la cour d’appel ait rendu sa décision.
    • L’incident de compétence sera ainsi définitivement réglé avant que le juge ne se prononce sur le fond.
  • Seconde phase
    • Le juge statue sur le fond du litige, étant précisé que toutes les voies de recours seront épuisées contre la décision qui a préalablement tranché la question de la compétence
    • L’appel de cette décision ne pourra donc porter que sur le fond et non plus sur la compétence.

🡺Le juge statue sur le tout dans un même jugement

L’article 78 du CPC prévoit que le juge peut, dans un même jugement, mais par des dispositions distinctes, se déclarer compétent et statuer sur le fond du litige, après avoir, le cas échéant, mis préalablement les parties en demeure de conclure sur le fond.

Ainsi, la possibilité s’offre au juge de ne pas dissocier la question de la compétence du reste de l’affaire. Il optera notamment pour cette option lorsque l’incident de compétence n’est pas sérieux, à tout le moins ne soulève aucune difficulté.

Le juge est sûr de son fait, de sorte qu’il n’est pas nécessaire qu’il dissocie la compétence du fond.

Reste que l’article 78 du CPC lui impose de trancher par dispositions distinctes dans son dispositif.

Par ailleurs, il doit avoir préalablement et expressément invité les parties à conclure sur le fond, étant précisé que cette obligation pèse sur toutes les juridictions, y compris les Cours d’appel.

5. Les voies de recours

Jusqu’en 2017 il existait une dualité des voies de recours pour contester une décision statuant sur la compétence d’une juridiction : le contredit et l’appel.

Ces deux recours étaient tous deux portés devant la cour d’appel, et leur existence interdisait le pourvoi en cassation contre la décision des premiers juges même rendue en premier et dernier ressort mais ils n’étaient pas utilisables indifféremment.

Cette dualité des voies de recours a été supprimée par le décret n°2017-891 du 6 mai 2017 à la faveur de l’appel qui est désormais la seule voie de recours pour contester une décision qui tranche une question de compétence.

Reste que le Code distingue désormais deux procédures d’appel, selon que le jugement contesté statue exclusivement sur la compétence ou selon qu’elle statue sur la compétence et sur le fond du litige

a. L’appel du jugement statuant exclusivement sur la compétence

🡺Une voie de recours unique : l’appel

L’article 83 du CPC pose que « lorsque le juge s’est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l’objet d’un appel dans les conditions prévues par le présent paragraphe. »

La voie du contredit est ainsi complètement abandonnée. Il en va de même, précise l’alinéa 2 de cette disposition, lorsque « le juge se prononce sur la compétence et ordonne une mesure d’instruction ou une mesure provisoire ».

Peu importe que la déclaration d’incompétence soit assortie du prononcé d’une mesure provisoire ou d’instruction : la seule voie de recours ouverte aux parties c’est l’appel.

🡺Délai d’appel

L’article 84 du CPC prévoit que le délai pour interjeter appel est de quinze jours à compter de la notification du jugement.

En principe, la notification est assurée par le greffe qui notifie le jugement aux parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Il notifie également le jugement à leur avocat, dans le cas d’une procédure avec représentation obligatoire.

En cas d’appel, l’appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d’appel, saisir, dans le délai d’appel, le premier président en vue, selon le cas, d’être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d’une fixation prioritaire de l’affaire.

🡺Déclaration d’appel

L’article 85 prévoit que l’appel est interjeté par voie de déclaration accomplie auprès du greffe de la Cour d’appel

Cette déclaration d’appel doit contenir :

  • Les mentions prescrites selon le cas par les articles 901 ou 933
    • La représentation est obligatoire
      • L’article 901 prévoit que la déclaration d’appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l’article 58, et à peine de nullité :
        • La constitution de l’avocat de l’appelant ;
        • L’indication de la décision attaquée ;
        • L’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté ;
        • Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
        • Elle est signée par l’avocat constitué.
        • Elle est accompagnée d’une copie de la décision.
        • Elle est remise au greffe et vaut demande d’inscription au rôle.
    • La représentation n’est pas obligatoire
      • L’article 933 prévoit quant à lui que :
        • la déclaration comporte les mentions prescrites par l’article 58.
        • Elle désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible, et mentionne, le cas échéant, le nom et l’adresse du représentant de l’appelant devant la cour.
        • Elle est accompagnée de la copie de la décision.
  • La déclaration d’appel doit préciser qu’elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence et doit, à peine d’irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration.

🡺Instruction et jugement

L’article 85 du CPC prévoit que l’appel est instruit et jugé comme en matière de procédure à jour fixe si les règles applicables à l’appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le jugement frappé d’appel imposent la constitution d’avocat, ou, dans le cas contraire, comme il est dit à l’article 948.

🡺La décision de la Cour d’appel

Qu’elle confirme ou infirme la décision contestée, en application de l’article 86 du CPC, il échoit à la Cour d’appel de renvoyer l’affaire à la juridiction qu’elle estime compétente. Cette décision s’impose aux parties et au juge de renvoi.

Lorsque le renvoi est fait à la juridiction qui avait été initialement saisie, l’instance se poursuit à la diligence du juge.

🡺Notification

Le greffier de la cour notifie aussitôt l’arrêt aux parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

🡺Voies de recours

Si l’arrêt rendu par la Cour d’appel n’est pas susceptible d’opposition, il peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation.

Le délai de pourvoi en cassation (deux mois) court à compter de sa notification.

🡺Évocation au fond

  • Principe
    • L’article 88 du CPC autorise la Cour d’appel à évoquer le fond
    • Autrement dit, il lui est permis de se prononcer au-delà de la compétence de la juridiction saisie en première instance, ce qui revient à priver les parties d’un double degré de juridiction
    • C’est la raison pour laquelle cette faculté est subordonnée à la satisfaction de conditions.
  • Conditions
    • Deux conditions cumulatives doivent être remplies pour que la Cour d’appel soit autorisée à évoquer l’affaire qui lui est déférée au fond :
      • D’une part, elle doit être la juridiction d’appel relativement à la juridiction qu’elle estime compétente
        • La Cour d’appel doit ainsi posséder une plénitude de juridiction
        • La juridiction qu’elle considère comme compétence doit, en particulier, se situer dans son ressort
      • D’autre part, l’évocation de l’affaire au fond est permise si la Cour d’appel estime de bonne justice de donner à l’affaire une solution définitive après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d’instruction.
        • Cette condition, purement subjective, est laissée à l’appréciation souveraine de la Cour d’appel
  • Procédure
    • L’article 89 du CPC pose que quand elle décide d’évoquer, la cour invite les parties, le cas échéant par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à constituer avocat dans le délai qu’elle fixe, si les règles applicables à l’appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le jugement frappé d’appel imposent cette constitution.
    • Si aucune des parties ne constitue avocat, la cour peut prononcer d’office la radiation de l’affaire par décision motivée non susceptible de recours.
    • Copie de cette décision est portée à la connaissance de chacune des parties par lettre simple adressée à leur domicile ou à leur résidence.

b. L’appel du jugement statuant sur la compétence et le fond du litige

L’appel du jugement statuant sur la compétence et le fond du litige est régi par les articles 90 et 91 du CPC.

Il ressort de ces dispositions qu’il convient de distinguer selon que le jugement critiqué a été rendu en premier ressort ou en dernier ressort.

Les pouvoirs de la Cour d’appel sont, en effet, différents selon que l’on se trouve dans l’une ou l’autre situation.

En tout état de cause, le délai pour interjeter appel de la décision de première instance est d’un mois à compter de la notification de la décision.

🡺Le jugement critiqué a été rendu en premier ressort

Dans cette hypothèse, l’article 90 du CPC pose que le jugement critiqué peut alors être frappé d’appel dans l’ensemble de ses dispositions.

Les modalités d’application de ce principe diffèrent toutefois selon que l’arrêt rendu confirme ou infirme la décision rendue en première instance du chef de la compétence

  • L’arrêt de la Cour d’appel confirme le jugement du chef de la compétence
    • Lorsque la Cour confirme la décision rendue en première instance du chef de la compétence, rien ne fait obstacle à ce qu’elle se prononce, dans le même temps, sur le fond du litige.
    • Dans cette hypothèse, c’est donc la même Cour d’appel qui est amenée à statuer sur l’ensemble des dispositions du jugement critiqué.
  • L’arrêt de la Cour d’appel infirme le jugement du chef de la compétence
    • Dans cette hypothèse, l’article 90 du CPC distingue deux situations :
      • La Cour est juridiction d’appel relativement à la juridiction qu’elle estime compétente
        • En pareil cas, l’article 90, al. 2e du CPC dispose que la Cour d’appel saisie statue néanmoins sur le fond du litige
        • Ainsi, l’incompétence de la juridiction de première instance ne fait pas obstacle à ce que la Cour statue sur le fond du litige
        • La solution est logique puisque cette dernière est, en tout état de cause, la juridiction compétente pour connaître de l’appel sur le fond dont est frappé le jugement rendu en première instance
      • La Cour n’est pas la juridiction d’appel relativement à la juridiction qu’elle estime compétente
        • Dans cette hypothèse, l’article 90 al. 3 du CPC prévoit que la Cour doit renvoyer l’affaire devant la cour qui est juridiction d’appel relativement à la juridiction qui eût été compétente en première instance.
        • Cette décision s’impose alors aux parties et à la cour de renvoi.
        • Quand bien même cette dernière s’estimerait incompétente, elle n’aura donc d’autre choix que de statuer.

🡺Le jugement critiqué a été rendu en dernier ressort

  • Principe
    • L’article 91 du CPC prévoit que lorsque le juge s’est déclaré compétent et a statué sur le fond du litige dans un même jugement rendu en dernier ressort, celui-ci peut être frappé d’appel exclusivement sur la compétence.
    • Ainsi l’effet dévolutif de l’appel ne pourra pas s’étendre aux dispositions sur le fond.
    • La raison en est que le jugement frappé d’appel a été rendu en dernier ressort, ce qui dès lors implique qu’il est insusceptible d’être frappé d’appel sur le fond du litige.
    • Tout au plus les parties pourront former un pourvoi en cassation, si elles souhaitent critiquer les dispositions du jugement sur le fond.
  • Mise en œuvre du principe
    • L’alinéa 2 de l’article 91 précise que, en cas d’appel, lorsque la cour infirme la décision attaquée du chef de la compétence, elle renvoie l’affaire devant la juridiction qu’elle estime compétente à laquelle le dossier est transmis à l’expiration du délai du pourvoi ou, le cas échéant, lorsqu’il a été statué sur celui-ci.
    • Plusieurs enseignements peuvent être retirés de cette disposition
      • Renvoi devant la juridiction compétente
        • En cas d’infirmation du jugement rendu en dernier ressort du chef de la compétence, la Cour d’appel doit renvoyer l’affaire devant la juridiction compétence
        • À cet égard le texte précise que la décision de renvoi s’impose aux parties et à la juridiction de renvoi.
        • Cette dernière n’aura ainsi d’autre choix que de statuer, quand bien même elle s’estimerait compétente
      • Délai du renvoi
        • L’affaire est renvoyée à la juridiction compétente seulement à l’expiration du délai de pouvoir, soit deux mois à compter de la notification de la décision
      • Réformation des dispositions sur le fond
        • Lorsque la Cour d’appel infirme le jugement qui lui est déféré du chef de la compétence, quand bien même il a été rendu en dernier ressort, le renvoi devant la juridiction compétence a pour conséquence de réformer les dispositions du jugement sur le fond.
        • C’est là une véritable entorse au principe qui pose l’absence d’un double degré de juridiction pour les décisions rendues en dernier ressort.
  • Exception au principe
    • L’article 91 du CPC prévoit que, un pourvoi formé à l’encontre des dispositions sur le fond rend l’appel irrecevable.
    • Ainsi, si les parties entendent former un pourvoi en cassation, elles se privent de la possibilité d’interjeter appel de la décision rendue en dernier ressort du chef de la compétence.
    • Dans l’hypothèse, où la compétence serait discutable, les parties auront dès lors tout intérêt à saisir d’abord la Cour d’appel avec cette perspective de voir leur affaire rejuger sur le fond en cas d’arrêt infirmatif.

B) Les exceptions de litispendance et de connexité

Les exceptions de litispendance et de connexité sont régies par les articles 100 à 107 du Code de procédure civile.

Ces deux situations sont envisagées dans la même section en raison des points communs qu’elles partagent :

  • D’une part, la litispendance et la connexité supposent que des demandes aient été formulées devant des juridictions différentes
  • D’autre part, dans les deux cas les juridictions saisies connaissent de demandes connexes ou identiques
  • Enfin, tant en matière de litispendance, qu’en matière de connexité, il s’agira pour l’une des juridictions saisies de décliner sa compétence au profit de l’autre.

Nonobstant ces points communs qui créent un lien étroit entre ces deux exceptions de procédure, elles possèdent un certain nombre de particularités qui justifient qu’elles soient abordées séparément.

1. L’exception de litispendance

L’exception de litispendance est envisagée à l’article 100 du CPC qui prévoit que « si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l’autre si l’une des parties le demande ».

Il ressort de cette disposition que la situation de litispendance se caractérise par la saisine de deux juridictions différentes, mais compétentes, qui ont vocation à statuer sur un même litige.

Plusieurs conditions doivent donc être réunies pour que cette situation conduise à ce que l’une des juridictions saisies décline sa compétence au profit de l’autre.

a. Conditions de l’incident de litispendance

Pour qu’une situation de litispendance soit caractérisée plusieurs conditions doivent être réunies :

  • Les litiges pendants devant les juridictions saisies doivent être identiques
  • Les litiges doivent être pendants devant deux juridictions
  • Les litiges doivent être pendants devant deux juridictions compétentes

🡺Une identité de litige

Pour qu’il y ait litispendance, l’article 100 du CPC exige qu’un « même litige » soit pendant devant deux juridictions.

Fondamentalement, la question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « même litige ». Quels sont les critères ?

Pour le déterminer, il convient de se reporter à la finalité de la règle qui pose l’obligation pour l’une des juridictions saisies de se dessaisir au profit de l’autre.

À l’examen, cette règle vise à éviter que deux décisions contradictoires soient rendues. Surtout, le danger réside dans l’autorité de la chose jugée dont sont susceptibles d’être pourvues ces décisions, ce qui conduirait à une situation inextricable.

Aussi, est-ce à la lumière de l’autorité de la chose jugée que la notion d’identité de litige se définit. En effet, il y aura litispendance lorsque la demande formulée en second aurait été déclarée irrecevable en raison de l’autorité de la chose jugée que posséderait le jugement qui aurait statué sur la première demande.

Pour mémoire, l’article 1355 du CPC dispose que « l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. »

Il s’infère de cette disposition que l’autorité de la chose jugée fait obstacle à l’examen d’une demande en justice dès lors qu’il y a :

  • Identité des parties
    • Il y aura donc litispendance lorsque les litiges pendants devant des juridictions distinctes opposent les mêmes parties
  • Identité d’objet
    • L’article 4 du CPC prévoit que « l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties »
    • La situation de litispendance sera donc caractérisée lorsque les prétentions des parties soumises aux juridictions saisies seront identiques
  • Identité de cause
    • Dans le silence des textes, la cause de la demande est définie par la doctrine comme le fondement juridique de la prétention des parties
    • Il y aura ainsi litispendance lorsque le fondement juridique dont les parties se prévalent aux fins qu’il soit fait droit à leurs demandes respectives par les juridictions saisies est le même.

Au bilan, la situation de litispendance sera caractérisée lorsque l’on constatera une identité des parties, une identité d’objet des demandes et une identité de leurs causes.

🡺Un litige pendant devant deux juridictions

L’article 100 du CPC prévoit que la litispendance suppose que le litige soit pendant « devant deux juridictions de même degré ».

Deux enseignements peuvent être retirés de cette disposition :

  • Le litige doit être pendant devant deux juridictions
    • Par pendant, il faut comprendre que les deux juridictions qui ont vocation à statuer sur le litige doivent avoir été saisies et ne soient pas dessaisies.
      • S’agissant de la saisine, elle ne sera effectivement qu’à la date d’enrôlement de l’affaire, étant précisé que la jurisprudence considère que l’accomplissement d’un acte introductif d’instance (assignation, requête, déclaration au greffe etc.) ne vaut pas saisine de la juridiction (V. en ce sens Cass. 3e civ., 10 déc. 1985, n° 84-16.799).
      • S’agissant du dessaisissement, il est caractérisé en cas d’extinction de l’instance, quelle qu’en soit la cause de cette extinction (désistement, péremption, caducité, acquiescement, jugement etc…).
  • Le litige doit être pendant devant deux juridictions distinctes
    • Pour qu’il y ait litispendance il faut que deux juridictions distinctes soient saisies.
    • Il peut s’agir
      • Soit de deux juridictions de premier degré (Art. 100 CPC)
      • Soit de deux juridictions second degré (Art. 100 CPC)
      • Soit d’une juridiction de premier degré et d’une juridiction de second degré (art. 102 CPC)
    • Ce qui importe c’est qu’il s’agisse de juridictions différentes, ce qui exclut l’hypothèse de litiges pendants devant des chambres ou des formations de jugement différentes au sein d’une même juridiction
    • Cette situation correspondrait, en effet, à un cas de connexité qui se règle au moyen d’une mesure d’administration judiciaire (art. 107 CPC)

🡺Un litige pendant devant deux juridictions compétentes

L’article 100 du CPC précise que, pour qu’il y ait litispendance, il est nécessaire que les deux juridictions saisies soient compétentes pour connaître du litige.

La raison en est que dans l’hypothèse où l’une des deux juridictions ne serait pas compétence, la situation relèvera du régime de l’exception d’incompétence et non de litispendance.

À cet égard, si elles sont du même degré, c’est à la juridiction saisie en second qu’il appartient de vérifier sa compétence.

Si, en revanche, les juridictions saisies sont d’un degré différent, la juridiction de premier degré doit vérifier que c’est le même litige qui est pendant devant la Cour d’appel. Dans l’affirmative, elle devra se dessaisir à la faveur de la Cour.

Si, lorsque la caractérisation de la litispendance ne soulève pas de difficulté lorsque les deux juridictions saisies sont compétence, plus délicate sont les hypothèses où leur compétence est contestée ou contestable :

Aussi, la Cour de cassation a-t-elle été conduite à préciser que la situation de litispendance sera caractérisée lorsque :

  • Soit la juridiction dont la compétence est contestée se déclare compétente
  • Soit en cas de prorogation de compétence en raison de l’inaction des parties
  • Soit dans l’hypothèse où la juridiction qui se déclare incompétence renvoie l’affaire par-devant une juridiction différente de celle saisie du même litige

b. Résolution de l’incident de litispendance

b.1) L’invocation de l’exception de litispendance

Le Code de procédure civile distingue selon que l’incompétence de la juridiction est soulevée par une partie ou par le juge.

🡺La litispendance soulevée par les parties

Il ressort de l’article 100 du CPC que l’exception de litispendance peut être soulevée, tant par le demandeur, que par le défendeur.

Cette exception se distingue, sur ce point, de l’exception d’incompétence qui n’est envisagée que comme un moyen de défense de sorte que le demandeur est irrecevable à la soulever.

En tout état de cause, comme l’exception d’incompétence, l’exception de litispendance doit nécessairement être soulevée in limine litis, soit avant toute défense au fond, conformément à l’article 74 du CPC.

🡺La litispendance relevée par le Juge

L’article 100 du CPC prévoit que, à défaut d’invocation de l’exception de litispendance par les parties, elle peut être relevée d’office par le juge.

Il s’agit là d’une simple faculté, faculté qu’il ne peut exercer qu’à titre subsidiaire, en cas de carence des parties.

Lorsque les juridictions saisies sont de même degré, il s’évince de l’article 100 du CPC que cette faculté est réservée à la juridiction saisie en second.

Lorsque, en revanche, elles sont d’un degré différent, c’est à la juridiction de degré inférieur qu’il appartient de relever d’office l’exception de litispendance, encore qu’il s’agit, ici encore, d’une simple faculté.

b.2) La décision du juge

i. Les modalités de règlement de l’incident

Lorsque la situation de litispendance est caractérisée, il est nécessaire que l’une des juridictions saisies se dessaisisse au profit de l’autre afin de mettre un terme à l’incident, faute de quoi il est un risque que deux décisions contradictoires soient rendues.

Aussi, le Code de procédure civil a-t-il posé des règles qui permettent de déterminer quelle juridiction saisie doit se dessaisir au profit de l’autre.

  • Les juridictions saisies sont du premier degré
    • Il est acquis qu’il appartient à la juridiction saisie en second de vérifier sa compétence, le cas échéant de se dessaisir et de renvoyer l’affaire devant la juridiction saisie en premier
    • La décision de renvoi s’impose à la juridiction désignée.
  • Les juridictions saisies sont du second degré
    • Dans cette hypothèse, l’exception de litispendance devrait être déclarée irrecevable dans la mesure où elle aurait dû être soulevée en première instance.
    • Reste que si l’une des parties n’a pas comparu dans le cadre de la première instance, elle sera toujours fondée à soulever l’exception en appel
    • Si la situation se produisait ce serait donc à la Cour d’appel saisie en second de se dessaisir au profit de la première Cour d’appel.
  • Les juridictions saisies ne sont pas du même degré
    • En pareil cas, l’article 102 du CPC prévoit qu’il appartient à la juridiction de degré inférieur de vérifier sa compétence et de renvoyer, le cas échéant, l’affaire devant la Cour d’appel.
    • En application de l’article 105 du CPC la décision rendue sur l’exception soit par la juridiction qui en est saisie s’impose tant à la juridiction de renvoi qu’à celle dont le dessaisissement est ordonné.
    • Une Cour d’appel ne pourra donc pas décliner sa compétence, quand bien même elle serait désignée à tort.

ii. Le recours contre la décision

🡺Principe

L’article 104 du CPC dispose que les recours contre les décisions rendues sur la litispendance ou la connexité par les juridictions du premier degré sont formés et jugés comme en matière d’exception d’incompétence.

Il convient donc de se reporter aux articles 83 et suivants du CPC

À cet égard, l’article 83 pose que « lorsque le juge s’est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l’objet d’un appel dans les conditions prévues par le présent paragraphe. »

La voie du contredit est ainsi complètement abandonnée. Il en va de même, précise l’alinéa 2 de cette disposition, lorsque « le juge se prononce sur la compétence et ordonne une mesure d’instruction ou une mesure provisoire ».

Peu importe que la déclaration de litispendance soit assortie du prononcé d’une mesure provisoire ou d’instruction : la seule voie de recours ouverte aux parties c’est l’appel.

🡺Délai d’appel

L’article 84 du CPC prévoit que le délai pour interjeter appel est de quinze jours à compter de la notification du jugement.

En principe, la notification est assurée par le greffe qui notifie le jugement aux parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Il notifie également le jugement à leur avocat, dans le cas d’une procédure avec représentation obligatoire.

En cas d’appel, l’appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d’appel, saisir, dans le délai d’appel, le premier président en vue, selon le cas, d’être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d’une fixation prioritaire de l’affaire.

🡺Déclaration d’appel

L’article 85 prévoit que l’appel est interjeté par voie de déclaration accomplie auprès du greffe de la Cour d’appel

Cette déclaration d’appel doit contenir :

  • Les mentions prescrites selon le cas par les articles 901 ou 933
    • La représentation est obligatoire
      • L’article 901 prévoit que la déclaration d’appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l’article 58, et à peine de nullité :
        • La constitution de l’avocat de l’appelant ;
        • L’indication de la décision attaquée ;
        • L’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté ;
        • Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
        • Elle est signée par l’avocat constitué.
        • Elle est accompagnée d’une copie de la décision.
        • Elle est remise au greffe et vaut demande d’inscription au rôle.
    • La représentation n’est pas obligatoire
      • L’article 933 prévoit quant à lui que :
        • la déclaration comporte les mentions prescrites par l’article 58.
        • Elle désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible, et mentionne, le cas échéant, le nom et l’adresse du représentant de l’appelant devant la cour.
        • Elle est accompagnée de la copie de la décision.
  • La déclaration d’appel doit préciser qu’elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence et doit, à peine d’irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration.

🡺Recours multiples

L’article 104 du CPC prévoit que, en cas de recours multiples, la décision appartient à la cour d’appel la première saisie qui, si elle fait droit à l’exception, attribue l’affaire à celles des juridictions qui, selon les circonstances, paraît la mieux placée pour en connaître.

2. L’exception de connexité

L’exception de connexité est envisagée à l’article 101 du CPC qui prévoit que « s’il existe entre des affaires portées devant deux juridictions distinctes un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble, il peut être demandé à l’une de ces juridictions de se dessaisir et de renvoyer en l’état la connaissance de l’affaire à l’autre juridiction ».

La connexité correspond ainsi à la situation où deux litiges différents sont pendants devant deux juridictions distinctes et qui, en raison du lien étroit qu’ils entretiennent, commande une jonction d’instance par souci de bonne administration de la justice.

À la différence de la situation de litispendance, la connexité implique que les affaires portées devant les juridictions saisies ne soient pas identiques, soit en raison des parties qui s’opposent, soit en raison de l’objet ou de la cause des demandes.

Bien que les affaires doivent être différentes pour que la connexité soit caractérisée, un lien étroit doit les unir, à défaut de quoi la jonction demande de jonction d’instance sera irrecevable.

À cet égard, il ressort de l’article 101 du CPC que plusieurs conditions cumulatives doivent être réunies pour que la situation de connexité soit établie.

a. Conditions de l’incident de connexité

🡺Un lien étroit entre deux affaires

Pour que la situation de connexité soit caractérisée, l’article 101 du CPC exige que soit établi un lien entre les deux affaires. Quelle doit être la teneur de ce lien, son intensité ? Le texte ne le dit pas.

L’examen de la jurisprudence révèle que ce lien sera caractérisé dès lors qu’il est un risque que des décisions contradictoires, à tout le moins difficilement conciliables soient rendues.

Le lien de connexité peut donc tenir, par exemple, à l’identité des parties ou encore à l’objet de leurs prétentions.

🡺Intérêt d’une bonne justice de les instruire et juger ensemble

Non seulement il doit exister un lien entre les deux affaires pour la connexité soit établie, mais encore il est nécessaire que leur jonction soit justifiée par l’« intérêt d’une bonne justice de les instruire et juger ensemble ».

C’est la raison pour laquelle, la Cour de cassation a eu l’occasion d’affirmer que l’admission de l’exception de connexité est une simple faculté laissée à l’appréciation du juge (Cass. 1ère civ., 20 oct. 1987, n°85-18.877).

🡺Deux affaires pendantes

Par pendant, il faut comprendre que les deux juridictions qui ont vocation à statuer sur le litige doivent avoir été saisies et ne soient pas dessaisies.

  • S’agissant de la saisine, elle ne sera effectivement qu’à la date d’enrôlement de l’affaire, étant précisé que la jurisprudence considère que l’accomplissement d’un acte introductif d’instance (assignation, requête, déclaration au greffe etc.) ne vaut pas saisine de la juridiction (V. en ce sens Cass. 3e civ., 10 déc. 1985, n° 84-16.799).
  • S’agissant du dessaisissement, il est caractérisé en cas d’extinction de l’instance, quelle qu’en soit la cause de cette extinction (désistement, péremption, caducité, acquiescement, jugement etc…)

🡺Deux affaires pendantes devant des juridictions distinctes

Pour que l’exception de connexité puisse être soulevée, encore faut-il que l’affaire soit pendante devant deux juridictions distinctes et compétentes.

L’article 107 du CPC précise que s’il s’élève sur la connexité des difficultés entre diverses formations d’une même juridiction, elles sont réglées sans formalité par le président, étant précisé que sa décision est une mesure d’administration judiciaire.

Cette décision est, en conséquence, dépourvue de l’autorité de la chose jugée, à la différence d’une décision qui statuerait sur l’exception de connexité.

b. Résolution de l’incident de connexité

b.1) L’invocation de l’exception de connexité

i. Par qui ?

À la différence de l’exception d’incompétence ou de litispendance, l’exception de connexité ne peut être soulevée que par les parties. Elle ne peut pas être relevée d’office par le juge, faute de texte qui lui confère cette faculté.

ii. Quand ?

L’article 103 du CPC dispose que « l’exception de connexité peut être proposée en tout état de cause. »

Ainsi, à la différence de l’exception d’incompétence ou de litispendance, il est indifférent que l’exception de connexité soit soulevée in limine litis.

Elle peut être soulevée à n’importe quel stade de la procédure, ce qui est une dérogation majeure au principe posée à l’article 74 du CPC.

Pour mémoire cette disposition prévoit que « les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l’exception seraient d’ordre pub ».

Tel n’est pas le cas pour l’exception de connexité qui peut être soulevée en tout état de cause, ce qui la rapproche, sur ce point, d’une fin de non-recevoir ou d’une défense au fond.

Reste que l’article 103 du CPC exige que cette exception soit soulevée le plus tôt possible. En cas de manœuvre dilatoire de la partie adverse, le juge disposera toujours de la faculté de l’écarter.

iii. Devant quelle juridiction ?

L’article 101 du CPC ne précise pas devant quelle juridiction l’exception de connexité doit être soulevée. En matière de litispendance, l’exception doit être soulevée devant la seconde juridiction saisie.

En matière de connexité, c’est égal. Cette exception peut être indifféremment soulevée devant l’une ou l’autre juridiction, voire devant les deux. Selon le cas, le régime applicable diffère.

Il convient ici de distinguer deux hypothèses :

🡺Les juridictions saisies sont du même degré

Dans cette hypothèse plusieurs situations peuvent se présenter :

  • Une juridiction de droit commun (TGI) et une juridiction d’exception (TI, TC etc.) sont saisies
    • C’est alors devant la juridiction d’exception que l’exception de connexité doit être soulevée
    • Entre les deux, c’est la juridiction d’exception qui a vocation à se dessaisir au profit de la juridiction de droit commun.
  • Parmi les juridictions saisies, l’une d’entre elle possède une compétence exclusive
    • L’exception de connexité doit être soulevée devant la juridiction dont la compétence est exclusive
    • Entre les deux juridictions saisies, c’est la juridiction dont la compétence n’est pas exclusive qui doit se dessaisir

🡺Les juridictions saisies ne sont pas du même degré

Dans cette hypothèse, l’article 102 du CPC prévoit que l’exception ne peut être soulevée que devant la juridiction de premier degré, quand bien même elle aurait été saisie antérieurement à la date de saisine de la Cour d’appel

b.2) La décision du juge

i. Les modalités de règlement de l’incident

🡺Le dessaisissement

Pour déterminer quelle juridiction doit se dessaisir en cas d’admission de l’exception de connexité, il convient de distinguer plusieurs hypothèses

  • Une juridiction de droit commun et une juridiction d’exception sont saisies
    • C’est à la juridiction d’exception de se dessaisir au profit de la juridiction de droit commun, cette dernière étant seule compétence pour connaître de l’entier litige.
  • L’une des deux juridictions saisies possède une compétence exclusive
    • C’est la juridiction qui ne possède pas de compétence exclusive qui doit se dessaisir au profit de l’autre juridiction.
  • Les juridictions saisies sont des juridictions d’exception
    • C’est à la juridiction saisie en second de se dessaisir au profit de la juridiction saisie en premier

🡺Le renvoi

L’article 105 du CPC dispose que « la décision rendue sur l’exception soit par la juridiction qui en est saisie, soit à la suite d’un recours s’impose tant à la juridiction de renvoi qu’à celle dont le dessaisissement est ordonné. »

Ainsi, après avoir admis l’exception de connexité, le juge qui a statué doit renvoyer l’affaire devant l’autre juridiction saisie.

Cette décision s’impose à la juridiction de renvoi qui ne peut pas décliner sa compétence

Dans l’hypothèse où l’exception de connexité serait soulevée devant les deux juridictions, l’article 106 du CPC précise que « dans le cas où les deux juridictions se seraient dessaisies, la décision intervenue la dernière en date est considérée comme non avenue. »

Ainsi, c’est la juridiction qui a statué en second sur la demande de renvoi qui devra connaître l’affaire dans son ensemble.

ii. Le recours contre la décision

🡺Principe

L’article 104 du CPC dispose que les recours contre les décisions rendues sur la litispendance ou la connexité par les juridictions du premier degré sont formés et jugés comme en matière d’exception d’incompétence.

Il convient donc de se reporter aux articles 83 et suivants du CPC

À cet égard, l’article 83 pose que « lorsque le juge s’est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l’objet d’un appel dans les conditions prévues par le présent paragraphe. »

La voie du contredit est ainsi complètement abandonnée. Il en va de même, précise l’alinéa 2 de cette disposition, lorsque « le juge se prononce sur la compétence et ordonne une mesure d’instruction ou une mesure provisoire ».

Peu importe que la déclaration de litispendance soit assortie du prononcé d’une mesure provisoire ou d’instruction : la seule voie de recours ouverte aux parties c’est l’appel.

🡺Délai d’appel

L’article 84 du CPC prévoit que le délai pour interjeter appel est de quinze jours à compter de la notification du jugement.

En principe, la notification est assurée par le greffe qui notifie le jugement aux parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Il notifie également le jugement à leur avocat, dans le cas d’une procédure avec représentation obligatoire.

En cas d’appel, l’appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d’appel, saisir, dans le délai d’appel, le premier président en vue, selon le cas, d’être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d’une fixation prioritaire de l’affaire.

🡺Déclaration d’appel

L’article 85 prévoit que l’appel est interjeté par voie de déclaration accomplie auprès du greffe de la Cour d’appel

Cette déclaration d’appel doit contenir :

  • Les mentions prescrites selon le cas par les articles 901 ou 933
    • La représentation est obligatoire
      • L’article 901 prévoit que la déclaration d’appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l’article 58, et à peine de nullité :
        • La constitution de l’avocat de l’appelant ;
        • L’indication de la décision attaquée ;
        • L’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté ;
        • Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
        • Elle est signée par l’avocat constitué.
        • Elle est accompagnée d’une copie de la décision.
        • Elle est remise au greffe et vaut demande d’inscription au rôle.
    • La représentation n’est pas obligatoire
      • L’article 933 prévoit quant à lui que :
        • La déclaration comporte les mentions prescrites par l’article 58.
        • Elle désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible, et mentionne, le cas échéant, le nom et l’adresse du représentant de l’appelant devant la cour.
        • Elle est accompagnée de la copie de la décision.
  • La déclaration d’appel doit préciser qu’elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence et doit, à peine d’irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration.

🡺Recours multiples

L’article 104 du CPC prévoit que, en cas de recours multiples, la décision appartient à la cour d’appel la première saisie qui, si elle fait droit à l’exception, attribue l’affaire à celles des juridictions qui, selon les circonstances, paraît la mieux placée pour en connaître.

C) L’exception dilatoire

1. Définition

L’exception dilatoire, qui est comptée parmi les exceptions de procédure, se définit par sa finalité. Elle constitue un moyen par lequel une partie demande au juge de surseoir à statuer.

En effet, l’exception dilatoire a vocation, pour le plaideur qui l’invoque, à suspendre la procédure.

Plus précisément, elles créent un obstacle temporaire à la poursuite de l’instance et obligent le juge ou l’autorisent à suspendre l’instance jusqu’à l’expiration d’un certain délai.

Les exceptions dilatoires sont régies aux articles 108 à 111 du CPC.

2. Liste des exceptions dilatoires

Il convient de distinguer les cas de suspension de l’instance expressément visés par la loi, de ceux qui ne sont le sont pas.

🡺Les cas de suspension visés par la loi

Il ressort de la combinaison des articles 108, 109 et 110 que plusieurs cas de suspension de l’instance sont prévus par la loi.

  • Le délai d’option successorale
    • L’article 108 du CPC prévoit que « le juge doit suspendre l’instance lorsque la partie qui le demande jouit soit d’un délai pour faire inventaire et délibérer ».
    • Manifestement, c’est le délai d’option successorale qui est envisagé par ce texte.
    • L’article 771 du Code civil prévoit que L’héritier ne peut être contraint à opter avant l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de l’ouverture de la succession.
    • Ainsi, le bénéficiaire de ce délai peut solliciter du juge un sursis à statuer pendant afin de prendre le temps d’opter.
    • À l’expiration du délai de 4 mois, l’héritier pourra être sommé d’exercer son option successorale, ce qui ouvrira un nouveau délai de deux mois.
  • Le bénéfice de discussion ou de division
    • L’article 108 prévoit encore que « le juge doit suspendre l’instance lorsque la partie qui le demande jouit […] d’un bénéfice de discussion ou de division », étant précisé que ces mécanismes se rencontrent dans le cadre d’un engagement de caution.
      • Le bénéfice de la discussion prévu à l’article 2298 du Code civil permet à la caution d’exiger du créancier qu’il saisisse et fasse vendre les biens du débiteur avant de l’actionner en paiement.
      • Le bénéfice de division quant à lui, prévu à l’article 2303 du Code civil autorise la caution à exiger du créancier qu’il divise préalablement son action, et la réduise à la part et portion de chaque caution.
    • Tant le bénéfice de discussion que le bénéfice de division sont envisagées par le Code de procédure civile comme des exceptions dilatoires.
    • La caution est donc fondée à s’en prévaloir afin de solliciter un sursis à statuer.
    • Tel sera le cas lorsqu’elle sera poursuivie par le créancier, sans que celui-ci n’ait préalablement actionné en paiement le débiteur principal ou divisé ses poursuites en autant d’actions qu’il y a de cautions.
  • Le délai d’appel à un garant
    • L’article 109 du CPC prévoit que « le juge peut accorder un délai au défendeur pour appeler un garant. »
    • Le texte fait ici référence à la faculté pour l’une des parties de solliciter la mise en œuvre d’une garantie simple ou formelle.
    • À cet égard, l’article 334 du CPC prévoit que la garantie est simple ou formelle selon que le demandeur en garantie est lui-même poursuivi comme personnellement obligé ou seulement comme détenteur d’un bien.
    • Dans les deux cas, le demandeur peut avoir besoin de temps pour appeler à la cause le garant.
    • C’est précisément là la fonction de l’article 109 du CPC que d’autoriser le juge à octroyer au demandeur ce temps nécessaire à l’organisation de sa défense.
  • Délai nécessaire à l’exercice d’une voie de recours extraordinaire
    • L’article 110 du CPC prévoit que « le juge peut également suspendre l’instance lorsque l’une des parties invoque une décision, frappée de tierce opposition, de recours en révision ou de pourvoi en cassation. »
    • Ainsi, lorsque l’une des parties entend se prévaloir d’une décision frappée par l’une de ces voies de recours, elle peut solliciter du juge un sursis à statuer.
    • Celui-ci accédera à la demande qui lui est présentée lorsque la décision dont se prévaut le demandeur est susceptible d’avoir une incidence sur la solution du litige qui lui est soumis.
    • L’objectif visé par cette règle est d’éviter que des décisions contradictoires puissent être rendues, raison pour laquelle il convient que la décision frappée d’une voie de recours extraordinaire soit définitive.

🡺Les cas de suspension non visés par la loi

L’article 108 du CPC prévoit outre les exceptions dilatoires tenant au délai d’option successorale ou aux bénéfices de discussion et de division, « le juge doit suspendre l’instance lorsque la partie qui le demande jouit […]de quelque autre délai d’attente en vertu de la loi. »

Il ressort de cette disposition que la liste des exceptions dilatoires énoncée aux articles 108, 109 et 110 du CPC n’est pas exhaustive. Elle demeure ouverte.

Reste à déterminer quels sont les autres cas de suspension de l’instance en dehors de ceux expressément par la loi.

L’examen de la jurisprudence révèle que les principaux cas admis au rang des exceptions dilatoires sont :

  • La formulation d’une question préjudicielle adressée au Juge administratif
    • Dans cette hypothèse, l’article 49, al. 2 du CPC prévoit que « lorsque la solution d’un litige dépend d’une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente en application du titre Ier du livre III du code de justice administrative. Elle sursoit à statuer jusqu’à la décision sur la question préjudicielle. »
  • La formulation d’une question prioritaire de constitutionnalité
    • La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a introduit dans la Constitution du 4 octobre 1958 un article 61-1 disposant que « lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. »
    • Pour permettre le contrôle par le Conseil constitutionnel, par voie d’exception, des dispositions législatives promulguées, la réforme instaure un dispositif qui comprend une suspension d’instance.
    • En effet, à l’occasion d’une instance en cours, une partie peut désormais soulever un moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.
    • Ce moyen est qualifié par la loi organique de question prioritaire de constitutionnalité.
    • Lorsqu’une telle question est posée devant une juridiction judiciaire, il incombe à celle-ci de statuer sans délai sur sa transmission à la Cour de cassation.
    • Cette transmission doit être ordonnée dès lors que la disposition législative contestée est applicable au litige ou à la procédure ou constitue le fondement des poursuites, qu’elle n’a pas déjà, sauf changement des circonstances, été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel et que la question n’est pas dépourvue de caractère sérieux.
    • Cette transmission impose, en principe, à la juridiction initialement saisie de surseoir à statuer sur le fond de l’affaire dans l’attente de la décision sur la question prioritaire de constitutionnalité.
  • Le criminel tient le civil en l’état
    • L’ancien article 4 du CPC prévoyait un sursis obligatoire à statuer de l’action civile « tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement sur l’action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement ».
    • Ce sursis au jugement de l’action civile reposait sur le principe prétorien selon lequel « le criminel tient le civil en l’état ».
    • La primauté de la décision pénale s’expliquait notamment en raison des moyens d’investigation plus efficaces dont dispose le juge répressif, ainsi que par le nécessaire respect de la présomption d’innocence.
    • Ce principe ne valait toutefois que pour les actions civiles engagées pendant ou après la mise en mouvement de l’action publique, et en aucun cas pour celles ayant déjà été tranchées lorsque celle-ci est mise en mouvement.
    • En outre, l’action publique et l’action civile devaient être relatives aux mêmes faits.
    • Ainsi en était-il par exemple d’une action civile exercée en réparation du dommage causé par l’infraction pour laquelle est engagée une procédure pénale.
    • La Cour de cassation avait interprété assez largement ce principe et considéré que le sursis à statuer devait être prononcé dès lors que le même fait avait servi de fondement à l’action publique et à l’action civile, sans pour autant que cette dernière corresponde à la réparation du préjudice subi du fait de l’infraction (V. en ce sens Cass., civ., 11 juin 1918).
    • La Cour de cassation considérait donc que le sursis à statuer devait être prononcé lorsque la décision prise sur l’action publique était « susceptible d’influer sur celle de la juridiction civile ».
    • Cette règle visait principalement à assurer une primauté de la chose jugée par le pénal sur le civil et à éviter ainsi une divergence de jurisprudence.
    • Au fil du temps, une pratique s’est toutefois installée, laquelle consistait à mettre en mouvement une action publique devant le juge pénal dans le seul objectif de suspendre un procès civil.
    • Afin de mettre un terme aux abus, la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale a considérablement limité la portée de la règle selon laquelle « le criminel tient le civil en l’état » en cantonnant son application aux seules actions civiles exercées en réparation du dommage causé par l’infraction.
    • Ainsi, désormais, le sursis à statuer ne peut être sollicité que dans l’hypothèse où l’action civile est exercée en réparation d’un dommage causé par une infraction pour laquelle une action publique aurait été mise en mouvement devant le juge pénal.

3. La recevabilité de l’exception dilatoire

  • Qui peut soulever l’exception dilatoire ?
    • Dans la mesure où l’exception dilatoire consiste en un moyen de défense, classiquement on considère seul le défendeur est recevable à s’en prévaloir
    • Reste que, en matière de question préjudicielle, la jurisprudence admet qu’elle puisse être invoquée par le demandeur (Cass. 2e civ., 20 déc. 2012, n°11-18.095).
  • Quand soulever l’exception dilatoire ?
    • En application de l’article 74 du CPC l’exception dilatoire doit être soulevée in limine litis, soit avant la présentation de toute défense au fond.
    • Il est néanmoins dérogé à l’exigence de simultanéité de présentation des exceptions de procédure s’agissant de la mise en œuvre de l’exception dilatoire tenant au délai d’option successorale.
    • L’article 111 du CPC prévoit, en effet, que « le bénéficiaire d’un délai pour faire inventaire et délibérer peut ne proposer ses autres exceptions qu’après l’expiration de ce délai ».
    • Autrement dit, dans ce cas précis, l’exception dilatoire et les autres exceptions de procédure pourront être soulevées séparément.
  • Quid de l’office du Juge ?
    • L’examen de la jurisprudence révèle qu’aucune obligation ne pèse sur le juge de relever d’office une exception dilatoire
    • Il s’agit là pour lui d’une simple faculté
    • Dans un arrêt du 6 février 1996, la Cour de cassation a jugé en ce sens s’agissant de l’exception dilatoire qui tenait au principe selon lequel « le criminel tient le civil en état » qu’elle « n’est pas une fin de non-recevoir que le juge serait tenu de relever d’office en raison de son caractère d’ordre public, mais constitue une exception tendant à suspendre le cours de l’action »
    • Elle en déduit que « la cour d’appel n’était donc pas tenue de surseoir à statuer dès lors qu’aucune demande en ce sens ne lui était soumise » (Cass. soc. 6 févr. 1996, n°92-44.964).

4. La décision

🡺Nature de la décision

Lorsque le juge accueille favorablement l’invocation de l’exception dilatoire, en application de l’article 378 du CPC, il rend une décision de sursis à statuer.

À cet égard, cette disposition prévoit que « la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine. »

Surtout, à la différence des mesures d’administration judiciaire, les décisions de sursis à statuer sont de véritables jugements de sorte qu’elles sont assujetties à des voies de recours.

🡺Effets de la décision

Lorsque l’exception dilatoire est retenue par le juge, elle a pour effet de suspendre le cours de l’instance, de sorte qu’il y a interruption du délai de péremption.

Aussi, le sursis à statuer ne dessaisit pas le juge. À l’expiration du sursis, l’instance est poursuivie à l’initiative des parties ou à la diligence du juge, sauf la faculté d’ordonner, s’il y a lieu, un nouveau sursis.

🡺Voie de recours

  • La juridiction saisie ne retient pas l’exception dilatoire
    • Dans cette hypothèse, la décision rendue est susceptible d’une voie de recours, sauf à ce qu’elle tranche, concomitamment, le litige au principal.
    • La décision ne peut donc faire l’objet, ni d’un appel, ni d’un pourvoi en cassation.
    • Elle aura la même valeur qu’un jugement avant dire droit.
  • La juridiction saisie ne retient pas l’exception dilatoire
    • Dans cette hypothèse, la décision rendue s’apparente à une décision de sursis à statuer.
    • Il en résulte qu’elle peut faire l’objet d’une voie de recours
    • L’article 380 du CPC prévoit en ce sens que la décision de sursis peut être frappée d’appel sur autorisation du premier président de la cour d’appel s’il est justifié d’un motif grave et légitime.
    • Pratiquement, la partie qui veut faire appel saisit le premier président, qui statue dans la forme des référés. L’assignation doit être délivrée dans le mois de la décision.
    • S’il accueille la demande, le premier président fixe, par une décision insusceptible de pourvoi, le jour où l’affaire sera examinée par la cour, laquelle est saisie et statue comme en matière de procédure à jour fixe ou comme il est dit à l’article 948, selon le cas.

D) Les exceptions de nullité

🡺Notion

La nullité est la « sanction encourue par un acte juridique entaché d’un vice de forme ou d’une irrégularité de fond qui consiste dans l’anéantissement de l’acte »[1].

Si en droit public les nullités sont en principe toujours absolues et existent sans texte, en droit privé il n’en est pas de même.

Ainsi la procédure civile opère-t-elle une distinction majeure entre les nullités pour vice de fond et les nullités pour vice de forme.

  • Les nullités pour vice de forme sont réglées par l’article 114, alinéa 1er aux termes duquel « aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme, si la nullité n’est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public ».
  • Les nullités pour vice de fond sont énumérées à l’article 117 du CPC. Il s’agit du défaut de capacité d’ester en justice et du défaut de pouvoir.

La distinction entre nullités de forme et de fond est la principale difficulté du système actuel des nullités.

Aux nullités de forme, qui constituent le régime général des nullités procédurales, dont l’article 114 du nouveau code de procédure civile précise qu’elles ne peuvent être sanctionnées que si la nullité est « expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public », s’opposent donc les nullités de fond énumérées de façon exhaustive à l’article 117.

Entre les deux catégories de nullités, le critère général de distinction certainement voulu par les rédacteurs du code consiste en ce que les vices de forme affectent l’instrumentum, alors que les nullités pour irrégularités de fond atteignent le negotium.

Récusé par une partie de la doctrine, au sein de laquelle M. Perrot critique en particulier le recours, selon lui inadapté à la nature des actes de procédure, à des catégories issues du droit civil, ce critère général de distinction est toutefois le plus souvent admis. L’importance du débat tient au fait que les deux sortes de nullités ont des régimes très différents.

Alors que la nullité de forme doit être soulevée in limine litis, et que, selon l’article 114, elle « ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public », ces restrictions ne s’appliquent pas aux nullités de fond.

La distinction entre nullité de fond et nullité de forme présente ainsi un intérêt procédural, raison pour laquelle il convient de les envisager séparément.

1. Les nullités des actes de procédure pour vice de forme

a. Les causes de nullité pour vice de forme

Au nombre des causes de nullités d’actes de procédure, on rencontre d’abord le très vaste domaine des vices de forme auquel le législateur a délibérément donné la prééminence en y incluant la plupart des déficiences de nature à affecter la validité d’un acte et en soumettant l’admission de la nullité comme sanction à des conditions très contraignantes.

L’exception doit être soulevée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Elle n’aura d’effet que si aucune régularisation ultérieure n’est venue effacer rétroactivement le vice initial et si celui qui s’en prévaut démontre l’existence du grief que lui cause l’irrégularité.

Surtout, l’article 114 du CPC prévoit qu’aucun acte ne peut être déclaré nul en ce cas si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi. Est ainsi énoncé par cette disposition le fameux principe : point de nullité sans texte.

Ce principe est toutefois assorti d’une exception en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public (formalité qui donne à l’acte sa nature, ses caractères, qui en constitue sa raison d’être)

🡺Principe : pas de nullité sans texte

En matière de nullité pour vice de forme, l’anéantissement de l’acte ne sera encouru qu’à la condition qu’un texte le prévoit expressément.

Pour déterminer les causes de nullité pour vice de conforme, il convient, par conséquent, de se reporter à toutes les règles qui sont prescrites à « peine de nullité ».

Un petit tour d’horizon révèle qu’elles sont nombreuses, à tel point que la nullité pour vice de forme représente la plupart des causes de nullité d’actes de procédure.

Parmi les vices de forme pouvant entacher un acte de procédure et entraîner sa nullité, on peut citer notamment :

  • Les mentions qui doivent figurer sur l’assignation
  • L’omission ou l’inexactitude de certaines mentions propres à l’acte d’huissier de justice
  • Les mentions qui doivent figurer sur l’acte de déclaration d’appel
  • Les formalités de notification des actes de procédure et des décisions de justice

🡺Exception : l’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public

Le principe énoncé à l’article 114 du CPC selon lequel « pas de nullité sans texte » est assorti d’une exception remarquable : l’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public

Cette exception est issue de l’ancienne distinction opérée par la jurisprudence entre les formalités substantielles et les formalités secondaires.

Dans un arrêt du 18 novembre 1947, la Cour de cassation avait, en effet, écarté l’application du principe « pas de nullité sans grief » (introduit par un décret-loi du 30 octobre 1935) en cas de violation d’une formalité substantielle.

Elle en avait donné la définition dans un arrêt du 3 mars 1955, aux termes duquel elle avait jugé que « le caractère substantiel est attaché dans un acte de procédure à ce qui tient à sa raison d’être et lui est indispensable pour remplir son objet » (Cass. 3e civ., 3 mars 1955 ; V. également en ce sens Cass. 2e civ. 20 oct. 1967).

Une partie de la doctrine avait critiqué cette jurisprudence, contraire selon elle aux vœux du législateur, en faisant valoir notamment qu’elle consistait à raisonner inexactement comme si la violation d’une formalité substantielle frappait l’acte d’inexistence.

Cela n’a pas empêché la jurisprudence de maintenir la distinction entre les formalités substantielles, dont l’inobservation est sanctionnée par la nullité alors qu’aucun texte ne le prévoit, des formalités secondaires assujetties au principe « pas de nullité sans texte ».

Pour déterminer si l’on est en présence d’une formalité substantielle ou secondaire il convient donc de se demander si la formalité qui lui est attachée est indispensable à la réalisation de son objet.

À l’examen, les formalités reconnues par la jurisprudence comme substantielles sont rares. Il en va ainsi de l’exigence de production d’un certificat médical au soutien d’une requête aux fins d’ouverture d’une mesure de curatelle ou de tutelle ou encore l’exigence de signature de l’auteur de l’acte de procédure.

b. L’exigence d’un grief

L’article 114, al. 2 du CPC prévoit que « la nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public. »

Pour que la nullité pour vice de forme produise ses effets, ce texte exige ainsi que la partie qui s’en prévaut justifie d’un grief. Cette règle est résumée par la formule « pas de nullité sans grief ».

La cause de la nullité est indifférente : ce qui importe c’est qu’il s’agisse d’un vice de forme. Cette exigence de justification d’un grief trouve sa source dans la volonté du législateur de prévenir les manœuvres dilatoires des parties.

Cette règle s’inspire, à certains égards, du droit de la responsabilité civile qui subordonne le succès d’une action en réparation à la démonstration d’un préjudice.

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par grief.

Le grief est constitué par le tort causé à la partie qui invoque le vice et qui a été empêché ou limité dans ses possibilités de défense.

Dès lors que le vice de forme a pour incidence de nuire ou de désorganiser la défense de la partie qui s’en prévaut, le grief est constitué. En somme, le grief sera caractérisé toutes les fois qu’il sera démontré que l’irrégularité a perturbé le cours du procès.

Comme tout fait juridique, le grief doit pouvoir être établi par tous moyens. En général le grief est apprécié par les juridictions in concreto, soit compte tenu des circonstances et conditions particulières, tenant à la cause, aux parties, à la nature de l’irrégularité, à ses incidences (Cass. 2e civ., 27 juin 2013, n°12-20.929).

Cependant, exceptionnellement certaines juridictions s’en tiennent à l’importance de la règle transgressée lorsqu’elle porte par elle-même atteinte aux droits de la défense (Cass. 3e civ., 3 déc. 2015, n°14-12.809).

L’interprétation in abstracto aurait, de toute évidence, pour effet de dénaturer et plus encore de limiter la portée de la règle « nullité sans grief n’opère rien », ce qui équivaudrait pratiquement à revenir au système des nullités substantielles.

C’est la raison pour laquelle cette appréciation du grief in abstracto est limitée aux cas d’inexistence de l’acte (absence de signature, acte formalisé par un officier ministériel incompétent, sans qualité etc.).

Dans un arrêt du 3 décembre 2015, la Cour de cassation a déduit, en ce sens, l’existence d’un grief de la seule omission de mentions essentielles à la validité d’un congé (Cass. 3e civ., 3 déc. 2015, n°14-12.809).

Dans ces circonstances, le préjudice résulte, en quelque sorte, par lui-même, de l’importance de la règle transgressée, de sorte qu’il ne saurait être question d’accorder une valeur quelconque à un acte qui n’existe pas, le préjudice existant de plano.

Reste les cas dans lesquels la nullité d’un acte de procédure est prononcée en l’absence de démonstration d’un grief et en présence d’un vice qui n’entre pas dans l’énumération de l’article 117. La doctrine les range en trois catégories.

  • Tout d’abord, il s’agit, des actes affectés d’un vice qui porte atteinte aux règles d’organisation judiciaire, par exemple l’acte signifié par un huissier de justice instrumentant en dehors de son ressort territorial.
  • Ensuite, seraient en cause également des actes portant gravement atteinte aux droits de la défense (encore qu’on puisse penser que dans les affaires concernées, la nullité aurait généralement pu être aussi prononcée sur le fondement de l’article 114 en constatant l’existence d’un grief).
  • Enfin, il s’agit des actes omis, catégorie qui, elle-même, se subdivise entre les hypothèses où l’acte n’a pas été accompli du tout, et celles où a été fait un acte à la place d’un autre requis par la loi (ainsi la jurisprudence retient-elle que l’appel interjeté dans une forme autre que celle prévue équivaut à une absence d’acte).

Toutes ces décisions sont en général approuvées par les auteurs, y compris par ceux qui estiment que l’énumération de l’article 117 est limitative, parce qu’ils considèrent, soit qu’elles entrent en réalité dans les cas de nullités de fond ou de forme prévus par la loi, soit, pour ce qui concerne les omissions d’actes que la Cour de cassation sanctionne par la nullité (Cass. 2e civ. 27 nov. 1996) en évitant de parler de vice de fond, qu’il s’agit d’un type de nullité légitimement créé par la jurisprudence.

c. La régularisation de la nullité pour vice de forme

L’article 115 du CPC prévoit que « la nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l’acte si aucune forclusion n’est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief. »

Il ressort de cette disposition que tout n’est pas perdu en cas de nullité pour vice de forme. L’auteur de l’acte irrégulier dispose, par principe, de la faculté de régulariser la situation.

Il s’ensuivra une validation rétroactive de l’acte entaché de nullité, celui-ci retrouvant la potentialité de produire tous ses effets.

La lecture de l’article 115 du CPC révèle cependant que trois conditions cumulatives doivent être réunies :

  • Première condition
    • Pour que la nullité pour vice de forme soit couverte cela suppose, avant toute chose, que l’auteur de l’acte procède à sa régularisation.
    • Un nouvel acte rectifié et annulant et remplaçant celui entaché d’une irrégularité devra donc être accompli.
    • Il pourra s’agir, par exemple, en cas d’omission de mentions prescrites à peine de nullité, de délivrer à la partie adverse une nouvelle assignation ou de procéder à de nouvelles formalités de notifications ou de saisie.
  • Deuxième condition
    • Aucune forclusion ne doit être intervenue entre la naissance de l’irrégularité et la régularisation de l’acte
    • Reste que depuis l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, il est peu de chance que cette situation se rencontre dans la mesure où, en application de l’article 2241 du Code civil, la demande en justice interrompt les délais de prescription et de forclusion.
    • L’article 2242 précise que « l’interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance. »
  • Troisième condition
    • Pour que régularisation de l’acte soit opérante, l’article 115 du CPC exige qu’elle ne laisse subsister aucun grief.
    • Cela signifie donc que l’irrégularité dont était frappé l’acte ne doit plus causer aucun tort à la partie adverse, faute de quoi cette dernière sera toujours fondée à se prévaloir de la nullité
    • Il en résulte que la régularisation devra intervenir dans les plus brefs délais, sans quoi il est un risque que la défense de l’adversaire s’en trouve durablement perturbée.

d. Mise en œuvre de la nullité pour vice de forme

  • Présentation de l’exception de nullité pour vice de forme
    • Seule la partie destinataire de l’acte entaché d’une irrégularité ou celle au préjudice de laquelle il est accompli sont recevables à se prévaloir de la nullité pour vice de forme.
    • Dans un arrêt du 21 juillet 1986, la Cour de cassation avait jugé en ce sens, en des termes généraux, qu’un acte de procédure ne pouvait être annulé pour vice de forme que sur la demande d’une partie « intéressée » (Cass. 2e civ., 21 juill. 1986).
  • Office du Juge
    • À la différence de la nullité pour vice de fond, le Juge n’est pas investi du pouvoir de soulever d’office une nullité pour vice de forme.
  • Moment de la présentation de l’exception de nullité pour vice de forme
    • L’article 112 du CPC prévoit que « la nullité des actes de procédure peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement ; mais elle est couverte si celui qui l’invoque a, postérieurement à l’acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité. »
    • L’article 113 poursuit en disposant que « tous les moyens de nullité contre des actes de procédure déjà faits doivent être invoqués simultanément à peine d’irrecevabilité de ceux qui ne l’auraient pas été. »
    • Il ressort de ces deux dispositions :
      • D’une part, que l’exception de nullité pour vice de forme doit être soulevée à mesure que les actes susceptibles d’être affectés par une irrégularité sont accomplis
      • D’autre part, que cette exception doit être présentée avant toute défense au fond, ce qui implique, lorsque l’acte irrégulier intervient postérieurement à la présentation d’un moyen de défense, de se référer à la date de l’acte pour apprécier la recevabilité de l’exception de nullité

2. Les nullités des actes de procédure pour vice de fond

a. Les causes de nullité pour vice de fond

L’article 117 du CPC prévoit que constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l’acte :

  • Le défaut de capacité d’ester en justice
    • Il peut s’agir soit d’une personne frappée d’une incapacité, doit d’un groupement qui ne dispose pas de la personnalité juridique (société en participation, société de fait, créée de fait etc..).
  • Le défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant soit d’une personne morale, soit d’une personne atteinte d’une incapacité d’exercice
    • Il s’agit ici du défaut de pouvoir de représentation, soit d’une personne morale, soit d’une personne physique
  • Le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice
    • Ce cas renvoie ici à l’hypothèse de la représentation ad litem, soit au pouvoir de représentation d’une personne en justice
    • Si ce pouvoir de représentation est présumé pour les avocats, pour les autres personnes il doit être prouvé, sans compter que selon la juridiction saisie les règles de représentation diffèrent

Très vite, la question s’est posée de savoir si la liste des irrégularités de fond énoncées par cette disposition était ou non limitative ?

Pendant longtemps, la doctrine et la jurisprudence se sont divisées sur ce point.

Si la Cour de cassation a plusieurs fois posé en principe que « seules affectent la validité d’un acte indépendamment du grief qu’elles ont pu causer les irrégularités de fond limitativement énumérées par l’article 117 du nouveau code de procédure civile » (Cass. 2e civ. 15 mars 1989, n°87-19.599 et 87-45.773), des décisions font exception à ce principe.

Quant à la doctrine, elle considère en majorité que l’énumération de l’article 117 n’est pas limitative, justifiant sa position par :

  • Un argument de texte : l’emploi de l’article indéfini « des » à l’article 117 « Constituent des nullités de fond… » impliquerait qu’il peut y en avoir d’autres
  • Un argument d’opportunité, qui tiendrait à la nécessité de ne pas laisser sans sanction, pour la seule raison qu’elles n’auraient pas causé grief, des irrégularités très graves qui affectent la substance de l’acte, et où selon une expression de M. Perrot, l’irrégularité de forme n’est que la projection d’un vice de fond sous-jacent, si bien qu’elles portent atteinte à l’organisation judiciaire ou aux droits de la défense.

Depuis un arrêt rendu en date du 7 juillet 2006, il semble que la position de la Cour de cassation, réunie en chambre mixte, soit arrêtée désormais (Cass. ch. mixte, 7 juill. 2006, n°03-20.026).

Aux termes de cet arrêt, il a été jugé que « quelle que soit la gravité des irrégularités alléguées, seuls affectent la validité d’un acte de procédure, soit les vices de forme faisant grief, soit les irrégularités de fond limitativement énumérées à l’article 117 du nouveau code de procédure civile »

Depuis lors, la position de la Cour de cassation est demeurée inchangée (V. en ce sens Cass. 1ère civ., 17 janv. 2008, n°06-14.380).

b. La régularisation de la nullité pour vice de fond

L’article 121 du CPC prévoit que « dans les cas où elle est susceptible d’être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue. »

Il ressort de cette disposition que, à l’instar de la nullité pour vice de forme, tout n’est pas perdu en cas de nullité pour irrégularité de fond. L’auteur de l’acte irrégulier dispose, par principe, de la faculté de régulariser la situation.

Il s’ensuivra une validation rétroactive de l’acte entaché de nullité, celui-ci retrouvant la potentialité de produire tous ses effets.

La lecture de l’article 21 du CPC révèle cependant que trois conditions cumulatives doivent être réunies :

  • Première condition
    • Pour que la nullité pour vice de fond soit couverte cela suppose, avant toute chose, que l’auteur de l’acte procède à sa régularisation.
    • Un nouvel acte rectifié et annulant et remplaçant celui entaché d’une irrégularité devra donc être accompli.
    • En cas de défaut de pouvoir de l’auteur de l’acte, il s’agira pour la personne valablement investie de ce pouvoir de réitérer l’acte.
  • Deuxième condition
    • Pour que la régularisation soit opérante, l’article 121 du CPC exige que la nullité soit susceptible d’être couverte.
    • On en déduit alors que toutes les nullités ne peuvent pas être couvertes.
    • Le texte ne pose cependant aucun critère permettant de déterminer les nullités éligibles à une régularisation.
    • Ce qui est a priori acquis c’est que pour que la nullité puisse être couverte aucune forclusion ne doit être intervenue entre la naissance de l’irrégularité et la régularisation de l’acte.
    • Pour le reste, les juridictions apprécieront la possibilité d’une couverture de la nullité au cas par cas.
    • La jurisprudence a, en tout état de cause, estimé que le caractère d’ordre public d’une nullité n’était, en soi, pas rédhibitoire (V. en ce sens Cass. 3e 11 janv. 1984).
  • Troisième condition
    • Pour que régularisation de l’acte soit opérante, l’article 121 du CPC exige que la nullité ait disparu au jour où le juge statue.
    • Cette disparition doit, en conséquence, intervenir avant la clôture des débats.

c. La mise en œuvre de la nullité pour vice de fond

À l’examen, le régime juridique auquel sont assujetties les nullités pour vice de fond se rapproche plus de celui applicable aux fins de non-recevoir que de celui auquel sont soumises les nullités pour vice de forme.

  • Absence de justification d’un grief
    • L’article 119 du CPC prévoit que « les exceptions de nullité fondées sur l’inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d’un grief et alors même que la nullité ne résulterait d’aucune disposition expresse. »
    • De toute évidence, c’est là une grande différence avec les nullités pour vice de forme dont la recevabilité est précisément subordonnée à l’établissement d’un grief
    • Dès lors que la nullité pour irrégularité de fond est caractérisée, elle peut être soulevée, alors même que l’existence de cette nullité ne cause aucun tort à la partie adverse.
  • Office du Juge
    • À la différence des nullités pour vice de forme qui ne peuvent, en aucune manière, être relevées d’office par le Juge, lorsqu’il s’agit d’une nullité pour vice de fond, l’article 120 du CPC confère au Juge ce pouvoir dès lors que nullité en question présente un caractère d’ordre public.
  • Moment de la présentation de l’exception de nullité pour vice de forme
    • L’article 118 du CPC dispose que « les exceptions de nullité fondées sur l’inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu’il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt. »
    • Il ressort de cette disposition que, par principe, les nullités pour vice de fond peuvent être soulevées en tout état de cause, soit à n’importe quel moment de la procédure.
    • Si toutefois leur invocation procède d’une manœuvre dilatoire de la partie qui s’en prévaut, ce qui devra être démontré, le juge pourra octroyer à la victime de cette manœuvre des dommages et intérêts.
    • Est ainsi énoncée la même règle qu’en matière de fin de non-recevoir (V. en ce sens l’article 123 du CPC).

§2 : Les moyens de défense pouvant être soulevés en tout état de cause

Deux sortes de moyens peuvent être soulevées en tout état de cause, soit au cours des débats :

  • Les fins de non-recevoir
  • Les défenses au fond

Dans la mesure où, en cas de succès, la fin de non-recevoir dispensera le juge d’examiner la demande au fond, elle doit être soulevée en premier.

I) Les fins de non-recevoir

🡺Définition

L’article 122 du Code de procédure civile définit la fin de non-recevoir comme « tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. ».

La liste de l’article 122 du code de procédure civile n’est pas limitative : des fins de non-recevoir nombreuses existent en droit de la famille(procédure de réconciliation des époux dans la procédure de divorce, filiation…), en matière de publicité foncière (fin de non-recevoir pour non-publication de la demande au bureau des hypothèques, dans les actions en nullité ou en résolution affectant des droits immobiliers – décret 4 janvier 1955, art 28), en matière de surendettement des particuliers (absence de bonne foi du demandeur).

Tandis que l’exception de procédure est une irrégularité qui concerne le fond ou la forme des actes de procédure qui affecte la validité de la procédure, la fin de non-recevoir est une irrégularité qui touche au droit d’agir : elle affecte l’action elle-même, la justification même de l’acte.

  • Le défaut de qualité
    • Avoir qualité, c’est être titulaire du droit litigieux ou être le représentant légal ou conventionnel du titulaire.
  • Le défaut d’intérêt
    • Il n’existe pas de définition juridique de l’intérêt, mais il est certain qu’avoir intérêt est la condition première pour pouvoir saisir la justice ainsi que le souligne l’adage bien connu : « Pas d’intérêt pas d’action ».
    • Le défaut d’intérêt se double souvent, d’ailleurs, d’un défaut de qualité.
    • L’intérêt doit être légitime, né et actuel ; un intérêt simplement éventuel n’est pas suffisant.
  • La prescription
    • La prescription extinctive a pour effet d’éteindre l’action du créancier attaché au droit dont il est titulaire par le seul écoulement du temps
    • Toutefois elle laisse subsister une obligation naturelle à la charge du créancier.
  • Délai préfix
    • On appelle délai « préfix » un délai de rigueur, fondé sur l’intérêt général, qui échappe entièrement à la volonté des parties.
    • La déchéance encourue résulte automatiquement et nécessairement de l’expiration du délai.
    • Le délai préfix n’est, en principe, pas susceptible d’être suspendu, ce qui le différencie du délai de prescription.
    • Par ailleurs, il n’est pas possible de renoncer à se prévaloir d’un délai préfix et, à la différence de ce qui se passe pour la prescription, le tribunal doit soulever ce moyen d’office.
  • Chose jugée
    • L’expression « chose jugée » dans le langage juridique s’applique à la décision prise par un jugement.
    • Dès que celui-ci est rendu, on lui reconnaît « autorité de chose jugée », en ce qu’il met fin au litige.
    • Le point sur lequel il a été statué ne peut plus, en principe, être remis en question dès lors qu’une présomption de vérité est attachée au jugement rendu.
    • Le principe de l’autorité de la chose jugée a été posé par le code civil qui prévoit en son article 1355 que
    • L’article 1351 du code civil énonce que l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement.
    • Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formées par elles et contre elles en la même qualité.
    • Ainsi, l’autorité de la chose jugée par une décision rendue dans un litige de plein contentieux est subordonnée à la triple identité des parties, d’objet et de cause.
    • L’autorité de la chose jugée peut être ou non définitive selon que les décisions auxquelles elle s’attache sont devenues ou non inattaquables.
    • C’est pourquoi, on distingue :
      • Les jugements passés en force de chose jugée irrévocable qui ne peuvent être remis en question devant aucun tribunal (lorsque les délais des voies de recours ordinaires et extraordinaires sont expirés ou qu’il a été fait usage en vain de ces voies de droit)
      • Les jugements qui ont acquis simplement la force de chose jugée, lesquels ne peuvent être attaqués que par des voies de recours extraordinaires (tierce opposition, recours en révision, pourvoi en cassation) ;
      • Les jugements qui n’ont que l’autorité de la chose jugée, et sont susceptibles d’être attaqués par les voies de recours ordinaires.
    • La notion d’autorité de la chose jugée répond à un souci de sécurité juridique et de paix sociale : il est en effet primordial que les relations entre les particuliers eux-mêmes ou entre les particuliers et l’administration demeurent stables et ne soient pas sans cesse remises en cause devant les juridictions.
    • À cet égard, la chose jugée constitue une fin de non-recevoir et peut être opposée par l’une des parties pour empêcher que la partie adverse ne remette en question un point litigieux déjà tranché.

🡺Conditions

Contrairement aux exceptions de procédure les fins de non-recevoir, elles peuvent être invoquées en tout état de cause, à cette nuance près que l’article 123 du CPC réserve au juge la possibilité de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de soulever plus tôt.

L’article 124 précise, par ailleurs, que les fins de non-recevoir doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d’un grief et alors même que l’irrecevabilité ne résulterait d’aucune disposition expresse.

🡺Pouvoirs du Juge

En application de l’article 125 du CPC, le juge est investi du pouvoir de relever d’office les fins de non-recevoir, dès lors qu’elles ont un caractère d’ordre public, notamment lorsqu’elles résultent de l’inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l’absence d’ouverture d’une voie de recours.

S’agissant de relever d’office la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt, du défaut de qualité ou de la chose jugée, aucune obligation ne pèse sur le juge. Il dispose d’une simple faculté.

Il peut être observé que le décret du 3 juillet 2024 a enrichi l’article 125 d’un troisième alinéa qui prévoit que « lorsqu’une fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir dans le même jugement, mais par des dispositions distinctes. Sa décision a l’autorité de la chose jugée relativement à la question de fond et à la fin de non-recevoir ».

Il ressort de cette nouvelle disposition que la possibilité de trancher au préalable une question de fond dont dépend l’examen d’une fin de non-recevoir devient une règle générale ; il ne s’agit plus d’un pouvoir que détenait, seul, sous l’empire du droit antérieur, le juge de la mise en état.

Ainsi, le régime des fins de non-recevoir est dorénavant aligné sur celui des exceptions d’incompétence nécessitant de trancher au préalable une question de fond, prévu par l’article 79.

🡺Régularisation

L’article 126 du CPC prévoit que l’irrégularité tirée d’une fin de non-recevoir peut être couverte si elle a disparu au moment où le juge statue.

Il en est de même lorsque, avant toute forclusion, la personne ayant qualité pour agir devient partie à l’instance.

II) Les défenses au fond

L’article 71 du CPC définit la défense au fond comme « tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l’adversaire. »

Il ressort de cette disposition que la défense au fond n’a d’autre objet ou finalité que d’obtenir le rejet, comme non fondée, de la prétention adverse en déniant le droit prétendu de l’adversaire.

Autrement dit, c’est « un moyen directement dirigé à l’encontre de la prétention du demandeur pour établir qu’elle est injustifiée, non fondée »[2]

La défense au fond se situe ainsi sur le fond du droit, et non plus sur le terrain de la procédure ou du droit d’agir. Il s’agit de combattre la demande de la partie adverse en démontrant qu’elle est mal-fondée en fait et/ou en droit.

À l’instar de la fin de non-recevoir, la défense au fond peut être proposée en tout état de cause. Mieux, elle n’est soumise à aucune condition de recevabilité.

  1. G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, 1992, p. 545
  2. S. Guinchard, F. Ferrand, et C. Chaisnais, Procédure civile, Dalloz, 2010, 30 ème édition, n° 317

La convention de procédure participative: régime juridique

==> Vue générale

Inspirée du droit collaboratif anglo-saxon, la procédure participative est une procédure de négociation entre les parties, conduite par leurs avocats, en vue de régler leur différend.

La loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 relative à l’exécution des décisions de justice, aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires a introduit dans le Code de procédure civile la procédure participative, nouveau mode de résolution des conflits.

Puis, le décret n° 2012-66 du 20 janvier 2012 relatif à la résolution amiable des différends a créé les articles 1542 à 1568 du code de procédure civile.

La loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a, par suite, permis que la procédure participative puisse être mise œuvre en cours d’instance aux fins de mise en état de l’affaire.

À cet égard, l’article 2062 du code civil, définit la convention de procédure participative comme « une convention par laquelle les parties à un différend s’engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend ou à la mise en état de leur litige.».

Les parties qui signent ce type de convention s’engagent donc, pour une durée déterminée, à tout mettre en œuvre pour résoudre leur conflit.

==> Intérêts de la procédure participative

Le recours à la procédure participative présente plusieurs intérêts pour les parties :

  • Écarter les risques liés à l’aléa judiciaire
    • L’un des principaux intérêts pour les parties de recourir à la procédure participative est d’écarter, à tout le moins de limiter, le risque d’aléa judiciaire
    • Confier au juge la tâche de trancher un litige, c’est s’exposer à faire l’objet d’une condamnation
    • En effet, le juge tranche le litige qui lui est soumis en fonction, certes des éléments de preuve produits par les parties
    • Ces éléments doivent néanmoins être appréciés par lui, sans compter qu’il tranchera toujours, en définitive, selon son intime conviction.
    • Or par hypothèse, cette intime conviction est difficilement sondable
    • Il y a donc un aléa inhérent à l’action en justice auxquelles les parties sont bien souvent avisées de se soustraire.
    • À cette fin, elles sont libres d’emprunter, au civil, la voie de la résolution amiable des différends au rang desquels figure la procédure participative fait partie
  • Maîtrise de la procédure
    • Le recours à la procédure participative ne permet pas seulement d’écarter le risque d’aléa judiciaire, il permet également aux parties de s’approprier la procédure, d’en définir les termes.
    • Dans le cadre de cette procédure, il appartient, en effet, aux parties assistées par leurs avocats, de définir l’approche des négociations à intervenir et le calendrier de travail en fonction de leurs besoins et des spécificités du dossier
    • Elles peuvent également désigner, de concert, les techniciens qui ont vocation à diligenter des expertises, ce qui permet une meilleure acceptabilité des constats rendus, tout en renforçant la légitimité de l’intervention sollicitée.
  • Réduire les flux de dossiers traités par les juridictions
    • L’assouplissement des conditions de mise en œuvre des procédures de résolution amiable des litiges n’est pas seulement commandé par le souci de responsabiliser les parties, il vise également à désengorger les juridictions qui peinent à traiter dans un temps raisonnable les litiges qui leur sont soumis.
    • Ainsi que le relève le Rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile piloté par Frédérique Agostini et Nicolas Molfessis « les réformes successives ont doté le juge chargé de la mise en état de l’affaire, tant en procédure écrite qu’en procédure orale, de pouvoirs lui permettant de rythmer la mise en état de l’affaire avec pour objectif d’en permettre le jugement au fond dans un délai raisonnable adapté à chaque affaire. Toutefois, compte tenu de l’insuffisance des moyens alloués aux juridictions civiles, la mise en état a pour objet premier de gérer les flux et les stocks pour les adapter à la capacité de traitement des formations civiles, les juges considérant ne pas être en capacité de faire une mise en état intellectuelle des affaires».
    • C’est la raison pour laquelle il y a lieu d’inviter les parties au plus tôt dans la procédure d’emprunter la voie de la procédure conventionnelle, la procédure aux fins de jugement ne devant être envisagée qu’à titre subsidiaire.

Fort de ce constat, en adoptant la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, le législateur s’est donné pour tâche de développer la culture du règlement alternatif des différends.

Cette volonté a été traduite dans le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile qui rend plus attractive la procédure participative notamment lorsqu’elle est conclue aux fins de mise en état.

Pour ce faire, plusieurs mesures sont prises par le décret :

  • Tout d’abord, il favorise le recours à la procédure participative dans le cadre de la procédure écrite ordinaire. Ainsi, le juge doit, lors de l’audience d’orientation ( 776 et svts CPC), demander aux avocats des parties s’ils envisagent de conclure une convention de procédure participative aux fins de mise en état.
  • Ensuite, en procédure écrite, le décret autorise les parties qui sont en mesure d’évaluer la durée prévisionnelle de leur mise en état à obtenir, dès le début de la procédure, la date à laquelle sera prononcée la clôture de l’instruction et la date de l’audience de plaidoirie.
  • Par ailleurs, le texte valorise l’acte contresigné par avocat ( 1546-3 CPC), qui peut désormais avoir lieu en dehors de toute procédure participative.
  • Enfin, le décret s’attache à assouplir le régime de la convention de procédure participative.
    • D’une part, si l’ensemble des parties en sont d’accord, il est désormais possible de saisir le juge d’une difficulté en cours de procédure participative sans que cela ne mette fin à la convention ( 1555 5 CPC).
    • D’autre part, la signature de cette convention interrompt l’instance ( 369 CPC), même en cas de retrait du rôle de l’affaire;

Au bilan, il apparaît que la procédure participative occupe désormais une place de premier choix parmi les dispositifs mis à la disposition des parties par le Code de procédure civile pour régler, à l’amiable, leur différend.

Cette procédure comporte, à l’examen, deux phases :

  • Première phase : la conclusion de la convention de procédure participative
  • Seconde phase : la mise en œuvre de la convention de procédure participative

I) La conclusion de la convention de procédure participative

A) Les conditions de la convention

Plusieurs conditions doivent être remplies pour qu’une convention de procédure participative puisse être conclue.

1. Conditions du droit commun des contrats

La convention de procédure participative est un contrat. À ce titre, sa validité est soumise au respect des conditions du droit commun des contrats.

Pour mémoire, l’article 1128 du Code civil dispose que sont nécessaires à la validité d’un contrat :

  • Le consentement des parties ;
  • Leur capacité de contracter ;
  • Un contenu licite et certain.

La convention de procédure participative ne sera  donc valide qu’à la condition que ces trois conditions soient remplies, au premier rang desquelles figure la capacité à contracter.

  1. L’assistance obligatoire d’un avocat

L’article 2064 du Code civil dispose que « toute personne, assistée de son avocat, peut conclure une convention de procédure participative »

Il ressort de cette disposition que la conclusion d’une convention de procédure participative est subordonnée à l’assistance de chaque partie par un avocat.

À cet égard, l’article 4, al. 3 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques prévoit que « nul ne peut, s’il n’est avocat, assister une partie dans une procédure participative prévue par le code civil. »

L’exigence posée par l’article 2064 du Code civil s’explique par la volonté du législateur de voir la conduite de la procédure participative assurée par des auxiliaires de justice, ce que sont les avocats, et qui donc ont vocation à conseiller et assister les parties dans leur démarche de résolution amiable du différend qui les oppose.

Surtout, la présence des avocats permet d’assurer la sécurité juridique des actes susceptibles d’être rédigés dans le cadre de la procédure participative, notamment au moyen de l’acte d’avocat

L’article 1374 dispose en ce sens que « l’acte sous signature privée contresigné par les avocats de chacune des parties ou par l’avocat de toutes les parties fait foi de l’écriture et de la signature des parties, tant à leur égard qu’à celui de leurs héritiers ou ayants cause. »

L’article 66-3-1 de la loi du 31 décembre 1971 ajoute que « en contresignant un acte sous seing privé, l’avocat atteste avoir éclairé pleinement la ou les parties qu’il conseille sur les conséquences juridiques de cet acte. »

Il peut enfin être observé que l’article 7.2 du Règlement Intérieur National de la Profession d’avocat prévoit que, de manière générale, « l’avocat rédacteur d’un acte juridique assure la validité et la pleine efficacité de l’acte selon les prévisions des parties ».

Il incombe également à l’avocat, de refuser « de participer à la rédaction d’un acte ou d’une convention manifestement illicite ou frauduleuse. »

Ainsi, en confiant aux avocats la mission de conduire la procédure participative, le législateur a-t-il voulu qu’un contrôle soit exercé sur sa régularité et qu’il soit veillé à l’équilibre des intérêts en présence.

  1. Droits dont les parties ont la libre disposition

==> Principe

L’article 2064 du Code civil dispose que « toute personne, assistée de son avocat, peut conclure une convention de procédure participative sur les droits dont elle a la libre disposition. »

Les droits dont les parties ont la libre disposition sont tous ceux sur lesquels, elles peuvent transiger ou auxquels elles peuvent renoncer.

À l’inverse, les droits indisponibles sont, si l’on se réfère à l’article 6 du Code civil, tous ceux qui « intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs ». Tel est notamment le cas des droits qui portent sur des choses hors du commerce ou qui sont relatifs à l’état des personnes.

==> Tempérament

L’article 2064 du Code civil apporte un tempérament au domaine d’application de la procédure participative.

Si, en effet, il peut être recouru à cette procédure par les époux dans le cadre d’une procédure de divorce ou de séparation de corps, les suites de la convention qu’ils auront conclue seront régies par les règles prévues au titre VI du livre Ier relatif au divorce et non par celles énoncées à l’article 2066 du Code civil.

B) Le contenu de la convention

  1. Un écrit

L’article 2063 du Code civil exige que la convention de procédure participative soit régularisée par écrit. Cette exigence est sanctionnée par la nullité de l’acte.

Elle se justifie pour plusieurs raisons :

  • Conserver la preuve de l’existence de la convention et de son contenu
  • Archiver la convention au rang des minutes
  • Permettre au juge, en cas d’échec des négociations, de prendre connaissance :
    • de l’objet du différend qui oppose les parties ainsi que son étendue
    • du contenu des négociations et des pièces échangées
  1. Les mentions obligatoires

L’article 2063 du Code civil exige, outre l’établissement d’un écrit, que la convention contienne, à peine de nullité :

  • Son terme
  • L’objet du différend
  • Les pièces et informations nécessaires à la résolution du différend ou à la mise en état du litige et les modalités de leur échange
  • Le cas échéant, les actes contresignés par avocats que les parties s’accordent à établir, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État.

L’article 1545 du CPC ajoute que « outre les mentions prévues à l’article 2063 du code civil, la convention de procédure participative mentionne les noms, prénoms et adresses des parties et de leurs avocats. »

==> Sur l’identité des parties et des avocats

L’article 1545 exige donc, à peine de nullité, que mention soit faite dans la convention de l’identité civile des parties mais également de leurs avocats.

  • S’agissant de l’identité des parties, il conviendra de mentionner
    • Pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance
    • Pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l’organe qui les représente légalement ;
  • S’agissant des avocats des parties, il conviendra de mentionner
    • Les nom, prénoms, qualité, Barreau de rattachement ainsi que le siège social de leur cabinet

==> Sur la durée de la convention

L’article 2062 du Code civil dispose que la convention de procédure participative ne peut être conclue que pour une durée déterminée.

À cet égard, la mention de son terme est exigée à peine de nullité, comme énoncé par l’article 2063.

L’article 1546 du Code de procédure civile autorise une prorogation du terme de la convention en prévoyant que « la convention de procédure participative est modifiée dans les mêmes formes que celles prévues pour son établissement. »

L’objet visé ici est double :

  • Laisser aux parties la maîtrise du temps
  • Limiter le temps des négociations qui ne doivent pas s’étirer dans la durée au risque de ne jamais sortir du processus

Surtout, le terme de la convention est un marqueur temporel pour les parties en ce qu’il a une incidence sur :

  • La recevabilité de l’action en justice susceptible d’être engagée par les parties
    • L’article 2065 du Code civil prévoit que « tant qu’elle est en cours, la convention de procédure participative conclue avant la saisine d’un juge rend irrecevable tout recours au juge pour qu’il statue sur le litige. »
    • Ainsi, pendant toute la durée de la convention les parties sont irrecevables à saisir le juge pour faire trancher leur différend, sauf inexécution de la convention par l’une des parties.
  • La prescription de l’action en justice susceptible d’être engagée par les parties
    • L’article 2238 du Code civil dispose que « la prescription est […] suspendue à compter de la conclusion d’une convention de procédure participative»
    • Le délai de prescription recommencera à courir à compter du terme de la convention, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois.

==> Sur l’objet du différend

Il appartient aux parties de soigneusement délimiter l’objet de leur différend, car tout ce qui ne sera pas compris dans cet objet pourra faire l’objet d’une action en justice.

À l’inverse, en cas d’échec des négociations, le juge ne pourra statuer que sur les points qui relèvent du périmètre du litige déterminé dans la convention

Il y a donc lieu pour les parties d’être particulièrement exhaustives et appliquées dans la rédaction de la clause relative à l’objet de la convention.

==> Sur les pièces et informations nécessaires à la résolution du différend ou à la mise en état du litige et les modalités de leur échange

L’article 2063 du Code civil exige que les parties énoncent, dans la convention, la liste des pièces échangées entre elles, les informations nécessaires à la résolution du différend ou à la mise en état du litige ainsi que les modalités des leurs échanges.

  • Sur les pièces échangées par les parties et les informations nécessaires à la résolution du différend ou à la mise en état du litige
    • L’article 2062 du Code civil exige que les négociations se déroulent dans la bonne foi et la loyauté, comme exigé par l’article.
    • Tel est l’objectif recherché par l’obligation faite aux parties d’énoncer dans la convention les pièces échangées ainsi que toutes les informations nécessaire à la résolution du différend ou à la mise en état du litige
    • Ces échanges de pièces et d’informations entre les parties permettent, au surplus, d’instaurer entre elles un climat de confiance qui favorise la conclusion d’un accord
  • Sur les modalités des échanges qui se tiennent entre les parties
    • L’obligation d’énoncer dans la convention les modalités d’échanges entre les parties consiste à prévoir selon quelles formalités et par qui les pièces et informations seront échangées.
    • À cet égard, l’article 1545 du CPC prévoit que « la communication des prétentions et des moyens en fait et en droit, des pièces et informations entre les parties se fait par l’intermédiaire de leurs avocats selon les modalités prévues par la convention ; ceux-ci les portent à la connaissance des intéressés par tous moyens appropriés. Un bordereau est établi lorsqu’une pièce est communiquée.»
    • Il ressort de cette disposition que :
      • D’une part, les échanges de pièces et informations doivent nécessairement intervenir par l’entremise des avocats
      • D’autre part, les éléments transmis selon cette modalité concernent les prétentions, les moyens et les pièces, ainsi que toutes les informations qui intéressent le dossier
      • Enfin, les pièces communiquées doivent être numérotées et listées dans un bordereau
      • Au surplus, les parties peuvent prévoir dans la convention les délais de communication des pièces échangées, ainsi que la fréquence des échanges, soit, par exemple, au fur et à mesure de la mise en état conventionnelle à des dates déterminées à l’issue de chaque rencontre

==> Sur les actes contresignés par avocats que les parties s’accordent à établir

L’article 2063, 4° prévoit que la convention de procédure participative doit comporter, « le cas échéant, les actes contresignés par avocats que les parties s’accordent à établir ».

De véritables actes de procédure d’avocats peuvent ainsi être régularisés dans le cadre de la procédure participative.

L’acte de procédure d’avocats a été défini par le groupe de travail présidé par le magistrat Renaud Le Breton de Vannoise comme « un acte signé par les avocats des parties à un litige ayant ou non donné lieu à la saisine d’une juridiction, visant à définir l’objet de la preuve et à administrer celle-ci, conjointement et de bonne foi ».

Il prend ainsi la forme d’un acte contresigné par un avocat, au sens du Chapitre Ier bis de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

À cet égard, dans son rapport sur le juge du XXIème siècle, M. Pierre Delmas-Goyon a identifié plusieurs sortes d’actes de procédure d’avocat :

  • Les actes de constatation (déplacement sur les lieux, constatations matérielles en présence d’un sachant…)
  • Les actes de certification des pièces détenues par les parties, les actes d’enquête (auditions, consultations de techniciens…)
  • Les actes de désignation (d’un sachant, d’un médiateur…)

Ces actes permettent aux parties de s’accorder sur certains éléments de l’administration de la preuve.

Afin de sécuriser cette extension du champ de la convention de procédure participative à la mise en état du litige, une liste des actes de procédure sur lesquels les parties peuvent s’accorder est énoncée à l’article 1546-3 du CPC.

Cette disposition prévoit que, par actes contresignés par avocats précisés dans la convention de procédure participative, les parties peuvent notamment :

  • Énumérer les faits ou les pièces qui ne l’auraient pas été dans la convention, sur l’existence, le contenu ou l’interprétation desquels les parties s’accordent ;
  • Déterminer les points de droit auxquels elles entendent limiter le débat, dès lors qu’ils portent sur des droits dont elles ont la libre disposition ;
  • Convenir des modalités de communication de leurs écritures ;
  • Recourir à un technicien selon les modalités des articles 1547 à 1554 ;
  • Désigner un conciliateur de justice ou un médiateur ayant pour mission de concourir à la résolution du litige. L’acte fixe la mission de la personne désignée, le cas échéant, le montant de sa rémunération et ses modalités de paiement ;
  • Consigner les auditions des parties, entendues successivement en présence de leurs conseils, comportant leur présentation du litige, leurs prétentions, les questions de leurs avocats ainsi que leurs réponses et les observations qu’elles souhaitent présenter ;
  • Consigner les déclarations de toute personne acceptant de fournir son témoignage sur les faits auxquels il a assisté ou qu’il a personnellement constatés, recueillies ensemble par les avocats, spontanément ou sur leur interrogation. L’acte contient les mentions prévues au deuxième alinéa de l’article 202. Le témoin fait précéder sa signature de la mention prévue au troisième alinéa du même article ;
  • Consigner les constatations ou avis donnés par un technicien recueillis ensemble par les avocats.

Manifestement, les actes de procédure d’avocats vont permettre aux parties de procéder elles-mêmes à des constats, des expertises, des auditions… sans attendre que le juge les ordonne, gagnant ainsi un temps précieux et allégeant d’autant la charge des juridictions.

Cette procédure permet donc d’« affiner » le litige avant sa transmission au juge permettant ainsi un traitement judiciaire plus efficace et plus rapide.

En tout état de cause, dès lors que les parties envisagent de procéder, dans le cadre de la mise en état conventionnelle, par voie d’actes d’avocats, ils devront, au préalable, le préciser dans la convention de procédure participative et déterminer de façon précise les actes qu’ils seront autorisés à établir.

==> Répartition des frais

Dernier élément qui doit être prévu par la convention: la répartition des frais générés par la procédure participative.

L’article 1545, al. 3 du CPC dispose en ce sens que « la convention fixe également la répartition des frais entre les parties sous réserve des dispositions de l’article 123-2 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 lorsque l’une des parties bénéficie de l’aide juridictionnelle. »

À défaut de précision dans la convention, les frais de la procédure participative sont partagés entre les parties à parts égales.

  1. La date de la convention

Afin de conférer une date certaine à la convention de procédure participative qui serait conclue par acte sous seing privé, les parties disposent de la faculté de la faire enregistrer

L’enregistrement et l’archivage de la convention pourront notamment être effectués auprès du service e-Barreau.

C) Les effets de la convention

La conclusion d’une convention de procédure participative produit plusieurs effets :

==> Irrecevabilité de toute demande en justice

  • Principe
    • L’article 2065 du Code civil dispose que « tant qu’elle est en cours, la convention de procédure participative conclue avant la saisine d’un juge rend irrecevable tout recours au juge pour qu’il statue sur le litige. »
    • Ainsi, la conclusion d’une telle convention fait obstacle à l’introduction par les parties d’une demande en justice aux fins de faire trancher leur litige, à tout le moins dans les limites de l’objet défini dans la convention.
    • Cette règle s’inspire de la position adoptée par la Cour de cassation en matière de conciliation et de médiation conventionnelles (V. en ce sens ch. Mixte, 14 févr. 2003, n°00-19423 et Cass. 1ère civ. 8 avr. 2009, n°08-10866)
  • Exceptions
    • Plusieurs exceptions au principe d’irrecevabilité de la demande en justice en cas de conclusion d’une procédure participative sont prévues par l’article 2065 du Code civil
      • L’inexécution de la convention
        • Le texte prévoit que « l’inexécution de la convention par l’une des parties autorise une autre partie à saisir le juge pour qu’il statue sur le litige. »
        • Ainsi, en cas de manquement par l’une des parties à la convention, elle pourra saisir le Juge avant son terme
      • L’adoption de mesures provisoires ou conservatoires
        • L’article 2065 dispose que « en cas d’urgence, la convention ne fait pas obstacle à ce que des mesures provisoires ou conservatoires soient demandées par les parties. »
        • Il sera donc toujours possible pour une partie de prévenir un dommage ou l’insolvabilité de son contradicteur, en sollicitant du Juge l’adoption de mesures provisoires ou conservatoires
        • Il lui faudra néanmoins démontrer l’urgence de la situation, faute de quoi sa demande demeurera irrecevable

==> Renonciation aux fins de non-recevoir et exception de procédure

L’article 1546-1 du CPC dispose que « la signature d’une convention de procédure participative aux fins de mise en état vaut renonciation de chaque partie à se prévaloir d’une fin de non-recevoir, de toute exception de procédure et des dispositions de l’article 47 du présent code, à l’exception de celles qui surviennent ou sont révélées postérieurement à la signature de la convention de procédure participative. »

La conclusion de procédure participative a ainsi pour effet de purger la procédure de son contentieux accessoire relatif :

  • Aux fins de non-recevoir ( 122 à 126 CPC)
  • Aux exceptions de procédures ( 73 à 121 CPC)
  • À la saisine d’une juridiction lorsqu’un magistrat ou un auxiliaire de justice est partie à un litige ( 47 CPC)

Cette renonciation ne vaut néanmoins que pour les fins de non-recevoir ou exceptions de procédures qui se sont révélées antérieurement à la conclusion de la convention.

==> Retrait du rôle et fixation d’une date d’audience

L’article 1546-1 du CPC prévoit que lorsque les parties et leurs avocats justifient avoir conclu une convention de procédure participative aux fins de mise en état, le juge peut, à leur demande fixer une date d’audience de clôture de l’instruction et une date d’audience de plaidoiries.

Ces dernières auront ainsi jusqu’à la date d’audience de clôture pour mettre conventionnellement leur affaire en état d’être jugée

==> Interruption de l’instance

L’article 369 du CPC dispose que « l’instance est interrompue par […] la conclusion d’une convention de procédure participative aux fins de mise en état y compris en cas de retrait du rôle. »

L’interruption de l’instance a pour effet de faire obstacle à la poursuite des débats. Plus aucun acte ne donc peut être accompli.

Bien que le juge demeure saisi de l’affaire (art. 376 CPC), l’instance pendante devant lui n’est plus considérée comme étant en cours (Cass. com., 17 juill. 2001, n° 98-19.258).

Surtout, l’article 372 du CPC précise que « les actes accomplis et les jugements même passés en force de chose jugée, obtenus après l’interruption de l’instance, sont réputés non avenus à moins qu’ils ne soient expressément ou tacitement confirmés par la partie au profit de laquelle l’interruption est prévue. »

Autrement dit, tous les actes de procédure qui seraient accomplis au mépris de l’interruption d’instance sont privés d’effets, sauf à ce qu’ils soient couverts par la partie à la faveur de laquelle l’instance est interrompue.

À cet égard, l’article 392 du CPC précise que « l’interruption de l’instance emporte celle du délai de péremption. »

==> Suspension de la prescription extinctive

L’article 2238 du Code civil dispose que « la prescription est […] suspendue à compter de la conclusion d’une convention de procédure participative »

Le délai de prescription recommencera à courir à compter du terme de la convention, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois.

==> Interruption des délais en appel

L’article 1546-2 du CPC prévoit que devant la cour d’appel, l’information donnée au juge de la conclusion d’une convention de procédure participative entre toutes les parties à l’instance d’appel interrompt les délais impartis pour conclure et former appel incident mentionnés aux articles 905-2 et 908 à 910 du CPC.

L’interruption de ces délais produit ses effets jusqu’à l’information donnée au juge de l’extinction de la procédure participative (art. 1546-2 CPC).

II) La mise en œuvre de la convention de procédure participative

Il ressort de l’article 1543 du CPC que la procédure participative comporte deux phases :

  • Une phase conventionnelle au cours de laquelle les parties sont à la recherche d’un accord
  • Une phase judiciaire au cours de laquelle les parties cherchent à faire homologuer par le juge l’accord qu’elles ont trouvé

A) La procédure conventionnelle

L’article 1544 du CPC prévoit que « les parties, assistées de leurs avocats, œuvrent conjointement, dans les conditions fixées par convention, à un accord mettant un terme au différend qui les oppose ou à la mise en état de leur litige. »

Il ressort de cette disposition que la phase conventionnelle de la procédure participative peut s’inscrire dans deux cadres bien distincts :

  • Soit en dehors de toute instance, l’objectif recherché par les parties étant de trouver un accord amiable
  • Soit en cours d’instance, l’objectif recherché par les parties étant la mise en état de l’affaire

Dans les deux cas, quel que soit l’objectif poursuivi par les parties, l’article 2062 du Code civil leur commande d’œuvrer conjointement et de bonne foi.

  1. La conduite de la procédure

La procédure participative étant, dans sa première phase, de nature conventionnelle sa conduite est, par hypothèse, assurée par les parties, à tout le moins par l’entremise de leurs avocats.

Outre les termes de la convention qui a pour objet de régler les modalités de mise en état du litige ou de conduite des discussions, elles peuvent recourir à plusieurs outils procéduraux encadrés par les textes au nombre desquels figurent notamment, l’accomplissement d’actes d’avocats ou encore le recours à un technicien.

==> L’accomplissement d’actes d’avocats :

Lorsque la convention le prévoit, les parties disposent de la faculté d’accomplir des actes de procédure d’avocats aux fins de :

  • Énumérer les faits ou les pièces qui ne l’auraient pas été dans la convention, sur l’existence, le contenu ou l’interprétation desquels les parties s’accordent ;
  • Déterminer les points de droit auxquels elles entendent limiter le débat, dès lors qu’ils portent sur des droits dont elles ont la libre disposition ;
  • Convenir des modalités de communication de leurs écritures ;
  • Recourir à un technicien selon les modalités des articles 1547 à 1554 ;
  • Désigner un conciliateur de justice ou un médiateur ayant pour mission de concourir à la résolution du litige. L’acte fixe la mission de la personne désignée, le cas échéant, le montant de sa rémunération et ses modalités de paiement ;
  • Consigner les auditions des parties, entendues successivement en présence de leurs conseils, comportant leur présentation du litige, leurs prétentions, les questions de leurs avocats ainsi que leurs réponses et les observations qu’elles souhaitent présenter ;
  • Consigner les déclarations de toute personne acceptant de fournir son témoignage sur les faits auxquels il a assisté ou qu’il a personnellement constatés, recueillies ensemble par les avocats, spontanément ou sur leur interrogation. L’acte contient les mentions prévues au deuxième alinéa de l’article 202. Le témoin fait précéder sa signature de la mention prévue au troisième alinéa du même article ;
  • Consigner les constatations ou avis donnés par un technicien recueillis ensemble par les avocats.

Cette faculté de recourir à l’acte d’avocats est ouverte aux parties à un litige ayant ou non donné lieu à la saisine d’une juridiction, en dehors ou dans le cadre d’une procédure participative.

==> Le recours à un technicien

Dans le cadre de la procédure participative, les parties désignent, de concert des techniciens qui ont vocation à diligenter des expertises, ce qui permet une meilleure acceptabilité des constats rendus, tout en renforçant la légitimité de l’intervention sollicitée.

À cet égard, le recours par les parties à un technicien est régi par les articles 1547 à 1554 du CPC, étant précisé que, en application de l’article 1546-3 du CPC, les constatations formulées par ce technicien pourront faire l’objet d’une consignation par acte d’avocats.

  • La désignation du technicien
    • En application de l’article 1547 du CPC lorsque les parties envisagent de recourir à un technicien, elles le choisissent d’un commun accord et déterminent sa mission.
    • Il s’agit ici d’assurer la légitimité de la désignation afin qu’elle ne puisse pas être remise en cause.
    • À cet égard, lorsque le technicien accepte sa mission il doit de révéler toute circonstance susceptible d’affecter son indépendance afin que les parties en tirent les conséquences qu’elles estiment utiles.
    • Ainsi, doit-il faire état de l’existence de toute situation de conflit d’intérêts dans laquelle il est susceptible de se trouver.
    • Quant à la rémunération du technicien, il est rémunéré par les parties selon les modalités convenues entre eux.
  • La mission du technicien
    • Objet de la mission
      • L’objet de la mission confiée au technicien est défini dans le contrat régularisé avec les parties qui en fixe le périmètre.
      • L’article 1550 du CPC précise que, à la demande du technicien ou après avoir recueilli ses observations, les parties peuvent modifier la mission qui lui a été confiée ou confier une mission complémentaire à un autre technicien.
    • Déroulement de la mission
      • L’article 1549 du CPC prévoit que le technicien commence ses opérations dès que les parties et lui-même se sont accordés sur les termes de leur contrat.
      • Il doit accomplir sa mission avec conscience, diligence et impartialité, dans le respect du principe du contradictoire.
      • Cette exigence se justifie par la possibilité, pour les parties, de produire le rapport en justice (art. 1554, al. 2e CPC)
      • Afin que le technicien puisse mener à bien sa mission, l’article 1551 du CPC exige des parties qu’elles lui communiquent les documents nécessaires à l’accomplissement de sa mission.
      • À cet égard, en application de l’article 1552, tout tiers intéressé peut, avec l’accord des parties et du technicien, intervenir aux opérations menées par celui-ci.
      • Le technicien l’informe qu’elles lui sont alors opposables.
      • En cas d’inertie d’une partie qui empêche le technicien de mener à bien sa mission, il dispose de la faculté convoque l’ensemble des parties en leur indiquant les diligences qu’il estime nécessaires.
      • Dans l’hypothèse où la partie à l’origine de la difficulté d’exécution de la mission du technicien, ne défère pas à sa demande, il est autorisé à poursuivre sa mission à partir des seuls éléments dont il dispose.
  • La fin de la mission
    • La mission du technicien prend fin dans deux cas :
      • Achèvement des opérations
        • La mission du technicien prend fin lorsque les opérations menées par lui sont, conformément aux termes du contrat, achevées.
        • À l’issue des opérations, le technicien remet un rapport écrit aux parties, et, le cas échéant, au tiers intervenant.
        • Ce rapport peut être produit en justice.
      • Révocation du technicien
        • La mission du technicien peut prendre fin en cas de révocation de celui-ci.
        • Cette révocation ne peut intervenir que si les parties y consentent à l’unanimité.

2. L’issue de la procédure conventionnelle

En substance, la procédure participative peut avoir pour issue :

  • Soit l’adoption d’un accord
  • Soit l’absence d’accord

==> L’absence d’accord

À l’issue de la procédure participative, les parties peuvent ne pas avoir trouvé d’accord sur le différend qui les oppose.

Cette absence d’accord entre les parties met fin à la procédure participative :

  • Soit en cas d’arrivée du terme de la convention
  • Soit en cas de résiliation anticipée de la convention par les parties assistées de leurs avocats
  • Soit en cas d’inexécution par l’une des parties de la convention
  • Soit en cas de saisine du Juge dans le cadre d’une procédure participative aux fins de mise en état, aux fins de statuer sur un incident, sauf si la saisine émane de l’ensemble des parties

Cette absence d’accord ouvre aux parties deux options : renoncer à leurs prétentions respectives ou saisir le juge pour trancher leur différend.

Dans cette dernière hypothèse, il leur appartiendra d’établir un acte constatant la persistance de tout ou partie du différend.

==> L’adoption d’un accord

À l’issue de la procédure participative, les parties sont susceptibles de trouver un accord qui peut être soit total, soit partiel.

  • Lorsque l’accord trouvé est total, l’article 1555, 3° du CPC prévoit qu’il s’agit là d’une cause d’extinction de la procédure.
  • Lorsque l’accord trouvé est partiel, les parties disposent de la faculté de faire trancher par le juge le différend résiduel

En tout état de cause, l’article 1555-1 du CPC prévoit que l’accord conclu entre les parties doit être constaté par écrit dans un acte sous seing privé établi sans les conditions de l’article 1374 du Code civil, soit contresigné par les avocats de chacune des parties.

Surtout cet accord doit alors énoncer de manière détaillée les éléments ayant permis sa conclusion.

Parce que l’accord est régularisé au moyen d’un acte d’avocat, il fait foi de l’écriture et de la signature des parties, tant à leur égard qu’à celui de leurs héritiers ou ayants cause.

À cet égard, les avocats des parties sont tenus à une obligation de résultat quant à l’efficacité de l’acte.

L’article 7.2 du Règlement Intérieur National de la Profession d’avocat prévoit en ce sens que, de manière générale, « l’avocat rédacteur d’un acte juridique assure la validité et la pleine efficacité de l’acte selon les prévisions des parties ».

Une fois l’accord régularisé par acte d’avocat, les parties disposent de la faculté de le soumettre, aux fins de le rendre exécutoire, à l’homologation du juge compétent pour connaître du contentieux dans la matière considérée.

B) La procédure aux fins de jugement

La procédure aux fins de jugement est régie par des dispositions communes qui s’appliquent quel que soit le cadre dans lequel le juge est saisi.

Des règles spécifiques encadrent ensuite la procédure aux fins de jugement, selon que la demande s’inscrit dans le cadre d’une mise en état conventionnelle de l’affaire ou de la résolution d’un litige.

  1. Tronc procédural commun

==> Juridiction compétente

L’article 1565 du CPC prévoit que « l’accord auquel sont parvenues les parties à une médiation, une conciliation ou une procédure participative peut être soumis, aux fins de le rendre exécutoire, à l’homologation du juge compétent pour connaître du contentieux dans la matière considérée. »

Si, dès lors, l’accord porte sur un litige de nature commerciale, c’est le Tribunal de commerce qui sera compétent pour connaître de son homologation.

Si, en revanche, le différend qui opposait les parties présente un caractère civil, c’est le Tribunal judiciaire qui devra être saisi.

Il convient ainsi de se reporter aux règles qui régissent les compétences d’attribution des différentes juridictions.

==> Demande

L’article 1566 du CPC prévoit que la demande est formée par voie de requête, laquelle peut, être, selon les cas, soit conjointe, soit unilatérale.

==> Pouvoirs du juge

L’article 1565, al. 2 du CPC prévoit que « le juge à qui est soumis l’accord ne peut en modifier les termes. » Aussi ne peut-il que se borner à constater l’accord, après quoi il lui appartient de l’homologuer.

Tout au plus, l’article 1566 autorise le juge à entendre les parties s’il l’estime nécessaire. Il le fera lorsqu’il aura un doute sur les termes de l’accord conclu entre les parties.

==> Décision du juge

Lorsque l’accord est homologué par le juge, la décision a pour effet de rendre cet accord exécutoire.

Pratiquement, cela signifie que, en cas défaillance de l’une des parties, l’autre disposera d’un titre exécutoire qui lui permettra de solliciter auprès d’un huissier de justice l’exécution forcée de l’accord.

==> Voies de recours

L’article 1566, al. 3 du CPC dispose que la décision qui refuse d’homologuer l’accord peut faire l’objet d’un appel.

Cet appel est alors formé par déclaration au greffe de la cour d’appel. Il est jugé selon la procédure gracieuse.

2. Règles spécifiques

L’article 1556 du CPC dispose que « à l’issue de la procédure conventionnelle et exception faite des demandes en divorce ou en séparation de corps sur lesquelles il est statué conformément aux dispositions de la section II du chapitre V du titre Ier du livre III, le juge peut être saisi de l’affaire ou celle-ci être rétablie à la demande d’une des parties, selon le cas, pour homologuer l’accord des parties mettant fin en totalité au différend ou au litige, pour homologuer un accord partiel des parties et statuer sur la partie du litige persistant ou pour statuer sur l’entier litige. »

Il ressort de cette disposition que lorsque les parties empruntent la voie de la procédure aux fins de jugement il convient de distinguer deux situations :

  • La convention de procédure participative a été conclue, avant la saisine du juge, aux fins de résolution du litige
  • La convention de procédure participative a été conclue, après la saisine du juge, aux fins de mise en état de l’affaire

2.1 La convention de procédure participative a été conclue aux fins de résolution du litige

Lorsque la convention de procédure participative a été conclue aux fins de résolution du litige, le juge peut être saisi, à l’issue de la procédure conventionnelle, pour deux raisons bien distinctes :

  • Homologuer l’accord mettant fin à l’entier différend
  • Trancher le différend persistant qui oppose les parties

a) L’homologation de l’accord mettant fin à l’entier différend

==> Demande

L’article 1557 du CPC dispose que la demande tendant à l’homologation de l’accord des parties établi conformément à l’article 1555 est présentée au juge par requête de la partie la plus diligente ou de l’ensemble des parties.

La requête peut donc être, soit unilatérale, soit conjointe. Selon le cas, elle devra comporter les mentions propres à la forme de requête retenue.

À cet égard, l’article 1557 du CPC précise que « lorsque l’accord concerne un mineur capable de discernement, notamment lorsqu’il porte sur les modalités de l’exercice de l’autorité parentale, la requête mentionne les conditions dans lesquelles le mineur a été informé de son droit à être entendu par le juge ou la personne désignée par lui et à être assisté par un avocat. »

La requête devra ainsi comporter cette mention spécifique, faute de quoi la demande sera irrecevable.

Au surplus, et là encore à peine d’irrecevabilité,la requête doit être accompagnée de la convention de procédure participative qui constate les termes de l’accord, étant précisé que cet accord doit énoncer de manière détaillée les éléments ayant permis sa conclusion.

==> Force exécutoire de l’accord

En application de l’article 1565 du CPC l’homologation par le juge de l’accord conclu entre les parties à pour effet de le rendre exécutoire.

La conséquence en est que cet accord, pourvu de la force exécutoire, constitue un titre exécutoire au sens de l’article L. 111-3 du Code des procédures civiles d’exécution.

En cas d’inexécution par l’une des parties des termes de l’accord, l’autre peut donc requérir un huissier de justice aux fins d’exécution forcée.

À défaut d’homologation de l’accord par le juge, celui-ci s’apparente à un acte sous seing privé insusceptible de fonder une mesure d’exécution forcée. Le créancier de l’obligation inexécutée sera donc contraint de saisir le juge pour obtenir un titre exécutoire. D’où l’intérêt de faire homologuer l’accord une fois conclu.

b) Trancher le différend persistant qui oppose les parties

Lorsque le différend entre les parties persisite au terme de la convention de procédure participative, elles disposent de la faculté de saisir le juge auquel il appartient de trancher.

Deux situations doivent alors être distinguées :

  • La saisine du juge vise à homologuer un accord partiel et à trancher le différend résiduel
  • La saisine du juge vise à trancher l’entier différent en l’absence total d’accord

Reste que dans les deux cas, les parties bénéficieront d’une instance accélérée, sauf modification de la demande initiale ou ajout de nouveaux moyens.

i) Règles communes : une instance accélérée

Les articles 1558 et 1559 prévoient que, lorsque le juge est saisi au terme d’une convention de procédure participative, l’instance est accélérée dans deux cas :

==> Premier cas : la dispense de tentative préalable de conciliation ou de médiation

L’article 1558 du Code civil prévoit que lorsque les règles de procédure applicables devant le juge saisi aux fins de statuer sur tout ou partie du litige sur le fondement du paragraphe 2 ou 3 de l’article 2066 du Code civil prévoient une tentative préalable de conciliation ou de médiation, l’affaire est directement appelée à une audience pour y être jugée.

À cet égard, l’article 2066 dispose que lorsque, faute de parvenir à un accord au terme de la convention conclue avant la saisine d’un juge, les parties soumettent leur litige au juge, elles sont dispensées de la conciliation ou de la médiation préalable le cas échéant prévue.

Ainsi, cette dispense a-t-elle pour conséquence d’opérer un renvoi de l’affaire directement en audience de jugement.

Tel sera le cas devant le Tribunal judiciaire en procédure orale.

==> Second cas : la dispense de mise en état de l’affaire

  • Principe
    • L’article 1559 du CPC dispose que devant le tribunal judiciaire et à moins que l’entier différend n’ait été soumis à la procédure de droit commun, l’affaire est directement appelée à une audience de jugement de la formation à laquelle elle a été distribuée.
    • Ainsi, là encore, au terme de la convention de procédure participative, l’affaire n’a pas vocation à emprunter le circuit classique qui consiste à la soumettre à une mise en état.
    • Elle est directement renvoyée à une audience de jugement, ce qui, pour les parties, constitue un gain de temps considérable
    • Tel sera notamment le cas en procédure écrite, soit pour les cas où la représentation par avocat est obligatoire
  • Exceptions
    • Deux exceptions à la dispense de mise en état sont prévues par l’article 1559 du CPC
      • Première exception
        • L’entier différend a, en amont, été soumis à la procédure de droit commun
        • Dans cette hypothèse, l’affaire devra emprunter le circuit classique et devra donc éventuellement faire l’objet d’une instruction si elle n’est pas en état d’être jugée
      • Seconde exception
        • L’article 1559 in fine dispose que l’affaire ne peut être renvoyée devant le juge de la mise en état que dans les cas prévus au deuxième et au troisième alinéa de l’article 1561.
        • Aussi, le renvoi devant le juge de la mise en état sera possible dans les situations suivantes :
          • Les parties modifient leurs prétentions, sauf à ce qu’il s’agisse
            • Soit d’actualiser le montant d’une demande relative à une créance à exécution successive
            • Soit d’opposer un paiement ou une compensation ultérieur
            • Soit faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait postérieur à l’établissement de l’accord.
          • Les parties modifient le fondement juridique de leur demande ou soulèvent de nouveaux moyens, sauf à ce qu’il s’agisse de répondre à l’invitation du juge de fournir les explications de fait ou de droit qu’il estime nécessaires à la solution du litige.

ii) La saisine du juge vise à homologuer un accord partiel et à trancher le différend résiduel

Lorsque les parties ont trouvé un accord seulement partiel à leur différend, plusieurs options s’offrent à elles :

  • Se limiter à la formaliser l’accord en établissant un acte sous seing privé
  • Faire seulement homologuer l’accord partiel par le juge selon la procédure prévue à l’article 1557 du CPC
  • Faire homologuer l’accord partiel par le juge et lui demander de trancher, dans le même temps, le différend résiduel

L’article 1556 du CPC envisage cette dernière hypothèse qui donc à mettre définitivement un terme au litige dans toutes ses composantes.

==> Saisine du juge

L’article 1560 du CPC prévoit que lorsque les parties ne sont parvenues qu’à un accord partiel, elles peuvent saisir le juge à l’effet qu’il statue sur le différend résiduel selon deux modalités différentes :

  • Soit selon la procédure applicable devant lui
  • soit par une requête conjointe

Lorsque la saine du juge s’opère par voie de requête conjointe, l’acte doit comporter un certain de mentions, outre celles visées à l’article 57 du CPC, au nombre desquelles figurent :

  • La signature des avocats ayant assisté les parties au cours de la procédure participative
  • Les points faisant l’objet d’un accord entre les parties, dont elles peuvent demander au juge l’homologation dans la même requête ;
  • Les prétentions respectives des parties relativement aux points sur lesquels elles restent en litige, accompagnées des moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée, avec l’indication pour chaque prétention des pièces invoquées.

L’exigence ainsi posée est sanctionnée par l’irrecevabilité de la requête conjointe, irrecevabilité qui peut être soulevée d’office par le juge.

Par ailleurs, sous la même sanction, la requête doit être accompagnée de plusieurs éléments attachés en annexe :

  • La convention de procédure participative
  • Les pièces et informations nécessaires à la résolution du différend ou à la mise en état du litige et les modalités de leur échange
  • Les pièces communiquées au cours de la procédure conventionnelle.
  • Le cas échéant, le rapport du technicien

==> Périmètre du litige

  • Principe
    • L’article 1561 du CPC prévoit que l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties telles que formulées dans l’acte de saisine du juge.
    • Il ressort de cette disposition que ce sont les parties qui déterminent le périmètre du différend résiduel qu’elles soumettent au juge aux fins de jugement
    • Il s’agit là d’un rappel de l’article 4 du CPC qui pose le principe dispositif, soit le principe selon lequel ce sont les parties qui déterminent le contenu du procès
  • Exceptions
    • L’article 1561 du CPC pose deux limites à la liberté des parties de déterminer le périmètre du différend résiduel
      • Première limite
        • Les parties ne peuvent modifier leurs prétentions, si ce n’est pour actualiser le montant d’une demande relative à une créance à exécution successive, opposer un paiement ou une compensation ultérieur ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait postérieur à l’établissement de l’accord.
      • Seconde limite
        • Les parties ne peuvent modifier le fondement juridique de leur demande ou soulever de nouveaux moyens qu’en vue de répondre à l’invitation du juge de fournir les explications de fait ou de droit qu’il estime nécessaires à la solution du litige.

iii) La saisine du juge vise à trancher l’entier différent en l’absence total d’accord

Au terme de la convention de procédure participative, les parties peuvent n’avoir trouvé aucun accord, de sorte que leur différend persiste dans son entier.

En pareil cas, elles disposent de la faculté de saisir le juge aux fins de jugement, selon la procédure prévue aux articles 1562 à 1564 du CPC

==> Saisine du juge

L’article 1562 du CPC dispose que lorsque le différend entre les parties persiste en totalité, le juge peut en connaître :

  • soit conformément aux règles régissant la procédure applicable devant lui ;
  • soit sur requête conjointe
  • soit sur requête unilatérale sur laquelle il statue suivant les règles applicables devant lui

==> Formalisme de la requête

Lorsque le Juge est saisi par voie de requête, plusieurs règles de forme énoncées par l’article 1563 du CPC doivent être observées par les parties.

  • Dépôt de la requête
    • La requête doit être déposée au greffe par l’avocat de la partie la plus diligente.
    • À peine d’irrecevabilité, ce dépôt doit intervenir dans un délai de trois mois suivant le terme de la convention de procédure participative.
  • Mentions obligatoires
    • Outre les mentions prescrites, à peine de nullité, par l’article 58, la requête doit :
      • D’une part, contenir un exposé des moyens de fait et de droit
      • D’autre part, être accompagnée de la liste
        • Des pièces et informations nécessaires à la résolution du différend ou à la mise en état du litige et les modalités de leur échange
        • Des pièces communiquées au cours de la procédure conventionnelle.
  • Constitution d’avocat
    • Devant le Tribunal judiciaire, dans les cas où la représentation est obligatoire, le dépôt de la requête au greffe doit contenir la constitution de l’avocat.

==> Notification

L’article 1563 du CPC prévoit que l’avocat qui procède au dépôt en informe la partie adverse elle-même ainsi que l’avocat l’ayant assisté au cours de la procédure conventionnelle, selon le cas, par notification ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Deux situations doivent alors être distinguées :

  • La requête a été déposée au greffe du tribunal judiciaire
    • Dans cette hypothèse, la notification doit indiquer que la partie adverse doit constituer avocat dans un délai de quinze jours suivant cette notification.
  • La requête n’a pas été déposée au greffe du tribunal judiciaire
    • Dans cette hypothèse, l’avocat du requérant est informé par le greffe, dès remise de la requête, de la date de la première audience utile à laquelle l’affaire sera appelée.
    • Cette date est alors portée à la connaissance de la partie adverse dans la notification qui doit être effectuée par l’avocat du requérant.

2.2 La convention de procédure participative a été conclue aux fins de mise en état

Lorsque la procédure participative a été mise en œuvre aux fins de mise en état de l’affaire, le dénouement est régi par les articles 1564-1 à 1564-7 du CPC.

Pour mémoire, l’article 1546-1 du CPC prévoit que lorsque les parties et leurs avocats justifient avoir conclu une convention de procédure participative aux fins de mise en état, le juge peut, à leur demande fixer une date d’audience de clôture de l’instruction et une date d’audience de plaidoiries.

Ces dernières ont ainsi jusqu’à la date d’audience de clôture pour mettre conventionnellement leur affaire en état d’être jugée.

a) Rétablissement de l’affaire au rôle

À l’issue de la mise en état conventionnelle de l’affaire, l’article 1564-1 du CPC prévoit qu’elle est rétablie à la demande de l’une des parties.

Cela signifie donc que l’instance qui avait été suspendue, conformément à l’article 369 du CPC peut reprendre son cours.

La demande de rétablissement de l’affaire au rôle par les parties peut être formulée :

  • Soit pour que le juge homologue l’accord trouvé entre les parties
  • Soit pour que le juge homologue l’accord partiel et statue sur la partie du litige persistant
  • Soit pour que le juge statue sur l’entier litige après avoir, le cas échéant, mis l’affaire en état d’être jugée.

En tout état de cause, la demande de rétablissement de l’affaire au rôle doit être accompagnée de plusieurs éléments :

  • La convention de procédure participative conclue entre les parties
  • Les pièces et informations nécessaires à la résolution du différend ou à la mise en état du litige et les modalités de leur échange
  • Les pièces communiquées au cours de la procédure conventionnelle
  • Le cas échéant, le rapport du technicien

L’article 1564-7 du CPC précise en outre que lorsque l’examen de l’affaire a été renvoyé à l’audience de clôture de l’instruction en application des dispositions du deuxième alinéa de l’article 1546-1, les actes et pièces mentionnés aux articles 1564-1,1564-3 et 1564-4 sont communiqués au juge de la mise en état au plus tard à la date de cette audience.

Les parties devront ainsi être particulièrement vigilantes quant à l’observation de ce délai.

b) Dénouement de l’instance

Une fois l’affaire rétablie au rôle, l’instance peut reprendre son cours. Deux situations doivent alors être distinguées :

  • À l’issue de la procédure participative, l’affaire est en état d’être jugée
  • À l’issue de la procédure participative, l’affaire n’est pas en état d’être jugée

i) L’affaire est en état d’être jugée

Dans cette hypothèse, l’instance est régie par des règles qui diffèrent selon que les parties sont ou non parvenues à un accord au terme de la mise en état conventionnelle.

==> Les parties sont parvenues à un accord total sur le fond du litige

Dans cette hypothèse, le rétablissement de l’affaire au rôle vise, pour les parties, à obtenir du juge une homologation de l’accord qu’elles ont trouvé.

À cet égard, l’article 1564-2 du CPC prévoit que la demande tendant à l’homologation de l’accord des parties établi conformément aux dispositions de l’article 1555-1, est présentée au juge par la partie la plus diligente ou l’ensemble des parties.

Pour mémoire, l’article 1555-1 du CPC prévoit que l’accord conclu entre les parties doit être constaté par écrit dans un acte sous seing privé établi sans les conditions de l’article 1374 du Code civil, soit contresigné par les avocats de chacune des parties.

Surtout cet accord doit alors énoncer de manière détaillée les éléments ayant permis sa conclusion.

Au surplus, lorsque l’accord concerne un mineur capable de discernement, notamment lorsqu’il porte sur les modalités de l’exercice de l’autorité parentale, la demande mentionne les conditions dans lesquelles le mineur a été informé de son droit à être entendu par le juge ou la personne désignée par lui et à être assisté par un avocat.

==> Les parties sont parvenues à un accord partiel sur le fond du litige

Dans cette hypothèse, le rétablissement de l’affaire au rôle vise à obtenir du juge l’homologation de l’accord partiel et qu’il tranche le différend résiduel.

L’article 1564-3 du CPC exige alors que la demande de rétablissement soit accompagnée d’un acte sous signature privée contresigné par avocats.

Cet acte doit formaliser les points faisant l’objet d’un accord entre les parties, ainsi que les prétentions respectives des parties relativement aux points sur lesquels elles restent en litige, accompagnées des moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée, avec l’indication pour chaque prétention des pièces invoquées.

En application de l’article 1564-6 du CPC l’affaire est fixée à bref délai.

==> Les parties ne sont parvenues à aucun accord sur le fond du litige

Cette situation correspond à l’hypothèse où l’entier litige persiste faute d’accord entre les parties.

L’article 1564-4 prévoit alors que la demande de rétablissement est accompagnée d’un acte sous signature privée contresigné par avocats, formalisant les prétentions respectives des parties, accompagnées des moyens en fait et en droit, avec l’indication pour chaque prétention des pièces invoquées.

En application de l’article 1564-6 du CPC l’affaire est fixée à bref délai.

ii) L’affaire n’est pas en état d’être jugée

Cette situation se rencontre lorsque la procédure participative aux fins de mise en état a, par hypothèse, échoué.

L’article 1564-5 du CPC en tire alors les conséquences en prévoyant que l’affaire est rétablie à la demande de la partie la plus diligente, pour être mise en état, conformément aux règles de procédure applicables devant le juge de la mise en état.

S’ouvre alors une nouvelle phase d’instruction qui, cette fois-ci, sera judiciaire, soit conduite non plus par les avocats des parties, mais par le Juge de la mise en état près la juridiction saisie.

La procédure de référé devant le Tribunal de commerce: représentation des parties, instance, ordonnance et voies de recours

« La procédure est la forme dans laquelle on doit intenter les demandes en justice, y défendre, intervenir, instruire, juger, se pourvoir contre les jugements et les exécuter » (R.-J. POTHIER, Traité de procédure civile, in limine, 1er volume Paris, 1722, Debure)

==>Présentation générale

Lorsqu’un litige exige qu’une solution, au moins provisoire, soit prise dans l’urgence par le juge, une procédure spécifique dite de référé est prévue par la loi.

Elle est confiée à un juge unique, généralement le président de la juridiction qui rend une ordonnance de référé.

L’article 484 du Code de procédure civile définit l’ordonnance de référé comme « une décision provisoire rendue à la demande d’une partie, l’autre présente ou appelée, dans les cas où la loi confère à un juge qui n’est pas saisi du principal le pouvoir d’ordonner immédiatement les mesures nécessaires. »

Il ressort de cette disposition que la procédure de référé présente trois caractéristiques :

  • D’une part, elle conduit au prononcé d’une décision provisoire, en ce sens que le juge des référés ne se prononce pas sur le fond du litige. L’ordonnance rendue en référé n’est donc pas définitive
  • D’autre part, la procédure de référé offre la possibilité à un requérant d’obtenir du Juge toute mesure utile afin de préserver ses droits et intérêts
  • Enfin, la procédure de référé est, à la différence de la procédure sur requête, placée sous le signe du contradictoire, le Juge ne pouvant statuer qu’après avoir entendu les arguments du défendeur

Le juge des référés, juge de l’urgence, juge de l’évidence, juge de l’incontestable, paradoxalement si complexes à saisir, est un juge au sens le plus complet du terme.

Il remplit une fonction sociale essentielle, et sa responsabilité propre est à la mesure du pouvoir qu’il exerce.

Selon les termes de Pierre DRAI, ancien Premier Président de la Cour de cassation « toujours présent et toujours disponible (…) (il fait) en sorte que l’illicite ne s’installe et ne perdure par le seul effet du temps qui s’écoule ou de la procédure qui s’éternise ».

Le référé ne doit cependant pas faire oublier l’intérêt de la procédure à jour fixe qui répond au même souci, mais avec un tout autre aboutissement : le référé a autorité provisoire de chose jugée alors que dans la procédure à jour fixe, le juge rend des décisions dotées de l’autorité de la chose jugée au fond.

En toute hypothèse, avant d’être une technique de traitement rapide aussi bien de l’urgence que de plusieurs cas d’évidence, les référés ont aussi été le moyen de traiter l’urgence née du retard d’une justice lente.

Reste que les fonctions des référés se sont profondément diversifiées. Dans bien des cas, l’ordonnance de référé est rendue en l’absence même d’urgence.

Mieux encore, lorsqu’elle satisfait pleinement le demandeur, il arrive que, provisoire en droit, elle devienne définitive en fait – en l’absence d’instance ultérieure au fond.

En outre, la Cour européenne des droits de l’homme applique désormais au juge du provisoire les garanties du procès équitable de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH, gde ch., arrêt du 15 octobre 2009, Micallef c. Malte, no 17056/06). S’affirme ainsi une véritable juridiction du provisoire.

Le juge des référés est saisi par voie d’assignation. Il instruit l’affaire de manière contradictoire lors d’une audience publique, et rend une décision sous forme d’ordonnance, dont la valeur n’est que provisoire et qui n’est pas dotée au fond de l’autorité de la chose jugée.

L’ordonnance de référé ne tranche donc pas l’entier litige. Elle est cependant exécutoire à titre provisoire.

Le recours au juge des référés, qui n’est qu’un juge du provisoire et de l’urgence, n’est possible que dans un nombre limité de cas :

  • Le référé d’urgence
    • Dans les cas d’urgence, le juge peut prononcer toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence du litige en question. On dit à cette occasion que le juge des référés est le juge de l’évidence, de l’incontestable.
  • Le référé conservatoire
    • Le juge des référés peut également prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite (il peut ainsi, par exemple, suspendre la diffusion d’une publication portant manifestement atteinte à la vie privée d’un individu).
  • Le référé provision
    • Le juge des référés est compétent pour accorder une provision sur une créance qui n’est pas sérieusement contestable.
  • Le référé injonction
    • Le juge des référés peut enjoindre une partie d’exécuter une obligation, même s’il s’agit d’une obligation de faire.
  • Le référé probatoire
    • Lorsqu’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de certains faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, le juge peut ordonner des mesures d’instruction, par exemple une expertise.

Dans la pratique, les justiciables tendent à avoir de plus en plus recours au juge des référés, simplement dans le but d’obtenir plus rapidement une décision judiciaire, détournant ainsi la fonction initiale de cette procédure.

On peut en outre souligner que depuis la loi du 30 juin 2000, une procédure de référé administratif a été introduite dans cet ordre juridictionnel.

I) L’instance en référé

A) La représentation des parties

Tandis que sous l’empire du droit antérieur la représentation des parties par avocat n’était jamais obligatoire devant le Tribunal de commerce, elle le devient désormais depuis l’adoption du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

Le nouvel article 853 dispose en ce sens que « les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat devant le tribunal de commerce. »

L’alinéa 3 de cette disposition précise néanmoins que « les parties sont dispensées de l’obligation de constituer avocat dans les cas prévus par la loi ou le règlement, lorsque la demande porte sur un montant inférieur ou égal à 10 000 euros ou qu’elle a pour origine l’exécution d’une obligation dont le montant n’excède pas 10 000 euros, dans le cadre des procédures instituées par le livre VI du Code de commerce ou pour les litiges relatifs à la tenue du registre du commerce et des sociétés. Le montant de la demande est apprécié conformément aux dispositions des articles 35 à 37. »

Si, dès lors, devant le Tribunal de commerce le principe est la représentation obligatoire des parties, par exception, elle peut être facultative, notamment lorsque le montant de la demande est inférieur à 10.000 euros.

Le calcul du montant de la demande s’opère de la même manière que si elle était formulée devant le Tribunal judiciaire.

1. Le principe de représentation obligatoire

L’article 853 du CPC dispose donc que « les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat devant le tribunal de commerce. »

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir si cette représentation relève de ce que l’on appelle le monopole de postulation de l’avocat érigé à l’article 5, al. 2 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971.

==>Notion de postulation

Pour mémoire, la postulation est, selon le dictionnaire du vocabulaire juridique du doyen Cornu, « la mission consistant à accomplir au nom d’un plaideur les actes de la procédure qui incombent, du seul fait qu’elle est constituée, à la personne investie d’un mandat de représentation en justice ».

En d’autres termes, la postulation pour autrui est la représentation appliquée à des hypothèses limitées où la partie ne peut être admise elle-même à faire valoir ses droits et où la loi prévoit que cette représentation obligatoire sera confiée à une personne qualifiée.

Parfois qualifié de mandat ad litem, le mandat de représentation confère à l’avocat la mission de conduire le procès.

Lorsque la représentation est obligatoire, cette situation correspond à l’activité de postulation de l’avocat, laquelle se distingue de sa mission d’assistance qui comprend, notamment, la mission de plaidoirie.

==>Postulation et plaidoirie

L’activité de postulation de l’avocat ne doit pas être confondue avec l’activité de plaidoirie à plusieurs titres :

  • Tout d’abord
    • Tandis que la plaidoirie relève de la mission d’assistance de l’avocat, la postulation relève de sa mission de représentation.
      • Lorsque, en effet, l’avocat plaide la cause de son client, il n’est que son porte-voix, en ce sens que son intervention se limite à une simple assistance.
      • Lorsque, en revanche, l’avocat postule devant une juridiction, soit accomplit les actes de procédure que requiert la conduite du procès, il représente son client, car agit en son nom et pour son compte.
  • Ensuite
    • L’avocat « postulant » est seul investi du pouvoir d’accomplir les actes de procédure auprès de la juridiction devant laquelle la représentation est obligatoire.
    • L’avocat « plaidant », ne peut, quant à lui, que présenter oralement devant la juridiction saisie la défense de son client.
  • Enfin
    • Les avocats sont autorisés à plaider devant toutes les juridictions et organes disciplinaires sans limitation territoriale
    • Les avocats ne sont, en revanche, autorisés à postuler que devant les Tribunaux judiciaires relevant de la Cour d’appel dans le ressort de laquelle est établie leur résidence professionnelle

==>L’absence de monopole de postulation

À l’examen, devant le Tribunal de commerce les avocats ne disposent d’aucun monopole de postulation.

La raison en est que ce monopole est circonscrit pat l’article 5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques aux seuls tribunaux judiciaires du ressort de cour d’appel dans lequel ils ont établi leur résidence professionnelle ainsi qu’aux seules Cours d’appel.

Aussi, en application du 1er alinéa de l’article 5 ce texte, devant le Tribunal de commerce, les avocats exercent leur ministère et peuvent plaider sans limitation territoriale

À cet égard, l’article 853, al. 5 du CPC prévoit que « le représentant, s’il n’est avocat, doit justifier d’un pouvoir spécial. »

Lorsque le mandataire est avocat, il n’a donc pas l’obligation de justifier d’un pouvoir spécial, l’article 411 du CPC disposant que « la constitution d’avocat emporte mandat de représentation en justice »

Le plus souvent, sa mission consistera à assister et représenter la partie dont il assure la défense des intérêts.

Le dernier alinéa du texte précise que « l’État, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics peuvent se faire assister ou représenter par un fonctionnaire ou un agent de leur administration. »

1.1. Représentation et assistance

==>Notion

L’article 411 du CPC prévoit que « le mandat de représentation en justice emporte pouvoir et devoir d’accomplir au nom du mandant les actes de la procédure. »

Il ressort de cette disposition que la mission de représentation dont est investi l’avocat consiste à endosser la qualité de mandataire.

Lorsque l’avocat intervient en tant que représentant de son client, il est mandaté par lui, en ce sens qu’il est investi du pouvoir d’accomplir au nom et pour son compte des actes de procédure.

Aussi, dans cette configuration, les actes régularisés par l’avocat engagent son client comme si celui-ci les avait accomplis personnellement.

À cet égard, la mission de représentation de l’avocat ne se confond pas avec sa mission d’assistance.

==>Représentation et assistance

La différence entre la représentation et l’assistance tient à l’étendue des pouvoirs dont est investi l’avocat dans l’une et l’autre mission.

  • Lorsque l’avocat assiste son client, il peut :
    • Lui fournir des conseils
    • Plaider sa cause
  • Lorsque l’avocat représente son client, il peut
    • Lui fournir des conseils
    • Plaider sa cause
    • Agir en son nom et pour son compte

Lorsque dès lors l’avocat plaide la cause de son client dans le cadre de sa mission d’assistance, il ne le représente pas : il ne se fait que son porte-voix.

Lorsque, en revanche, l’avocat se livre à la joute oratoire dans le cadre d’un mandat de représentation, ses paroles engagent son client comme s’il s’exprimait à titre personnel.

Ainsi, la mission de représentation est bien plus large que la mission d’assistance. C’est la raison pour laquelle l’article 413 du CPC prévoit que « le mandat de représentation emporte mission d’assistance, sauf disposition ou convention contraire ».

À cet égard, tandis que l’avocat investi d’un mandat de représentation est réputé à l’égard du juge et de la partie adverse avoir reçu pouvoir spécial de faire ou accepter un désistement, d’acquiescer, de faire, accepter ou donner des offres, un aveu ou un consentement, tel n’est pas le cas de l’avocat seulement titulaire d’un mandat d’assistance.

La raison en est que dans cette dernière hypothèse, l’avocat n’agit pas au nom et pour le compte de son client. Il ne peut donc accomplir aucun acte qui l’engage personnellement.

1.2. Le mandat ad litem

==>Le principe du mandat ad litem

Aux termes de l’article 411 du CPC, la constitution d’avocat emporte mandat de représentation en justice : l’avocat reçoit ainsi pouvoir et devoir d’accomplir pour son mandant et en son nom, les actes de la procédure. On parle alors traditionnellement de mandat « ad litem », en vue du procès.

Comme démontré précédemment, ce mandat ad litem est obligatoire devant certaines juridictions (Tribunal judiciaire, Tribunal de commerce, Cour d’appel, Cour de cassation etc.).

L’article 413 du CPC précise que le mandat de représentation emporte mission d’assistance (présenter une argumentation orale ou écrite et plaider).

Par dérogation à l’exigence qui pèse sur le représentant d’une partie de justifier d’un mandat ad litem, l’avocat est dispensé de justifier du mandat qu’il a reçu de son mandant (art. 416 CPC).

L’article 416 du CPC prévoit en ce sens que « quiconque entend représenter ou assister une partie doit justifier qu’il en a reçu le mandat ou la mission. L’avocat est toutefois dispensé d’en justifier ».

L’article 6.2 du Règlement Intérieur National de la Profession d’Avocat dispose encore que « lorsqu’il assiste ou représente ses clients en justice, devant un arbitre, un médiateur, une administration ou un délégataire du service public, l’avocat n’a pas à justifier d’un mandat écrit, sous réserve des exceptions prévues par la loi ou le règlement ».

La présomption ainsi établie de l’existence même du mandat de représentation peut néanmoins être combattue par la preuve contraire (Cass. com., 19 oct. 1993 n°91-15.795).

Le mandat de représentation emporte, à l’égard du juge et de la partie adverse, pouvoir spécial de faire ou accepter un désistement, d’acquiescer, de faire accepter ou donner des offres, un aveu ou un consentement (art. 417 CPC).

La Cour de Cassation juge qu’il s’agit là d’une règle de fond, non susceptible de preuve contraire, dont il découle qu’un acquiescement donné par le représentant ad litem engage irrévocablement le mandant (Cass. 2e civ, 27 févr. 1980 n°78-14.761).

Par ailleurs, si une partie peut révoquer son avocat, c’est à la condition de pourvoir immédiatement à son remplacement, faute de quoi son adversaire serait fondé à poursuivre la procédure jusqu’à la décision de la cour en continuant à ne connaître que l’avocat révoqué (art. 418 CPC).

Inversement, un avocat ayant décidé de se démettre de son mandat n’en est effectivement déchargé, d’une part, qu’après avoir informé son mandant, le juge et la partie adverse de son intention, et, d’autre part, seulement à compter du jour où il est remplacé par un nouvel avocat (art. 419 CPC).

Enfin, l’avocat est tenu de porter à la connaissance du juge son nom et sa qualité dans une déclaration au secrétariat-greffe.

==>L’étendue du mandat ad litem

L’avocat qui a reçu mandat par son client de le représenter en justice peut accomplir tous les actes de procédures utiles à la conduite du procès.

À cet égard, lorsque la postulation est obligatoire, c’est « l’avocat postulant » qui exercera cette mission, tandis que « l’avocat plaidant » ne pourra qu’assurer, à l’oral, la défense du justiciable devant la juridiction saisie.

En tout état de cause, le mandat ad litem confère à l’avocat les pouvoirs les plus étendus pour accomplir les actes de procédure, tant au stade de l’instance, qu’au stade de l’exécution de la décision.

L’article 420 du CPC dispose en ce sens que « l’avocat remplit les obligations de son mandat sans nouveau pouvoir jusqu’à l’exécution du jugement pourvu que celle-ci soit entreprise moins d’un an après que ce jugement soit passé en force de chose jugée »

  • Au stade de l’instance l’avocat investi d’un mandat ad litem peut :
    • Placer l’acte introductif d’instance
    • Prendre des conclusions et mémoires
    • Provoquer des incidents de procédure
  • Au stade de l’exécution de la décision, l’avocat peut :
    • Faire notifier la décision
    • Mandater un huissier aux fins d’exécution de la décision rendue

Bien que le périmètre des pouvoirs de l’avocat postulant soit relativement large, le mandat ad litem dont est investi l’avocat ne lui confère pas des pouvoirs illimités.

Pour l’accomplissement de certains actes, les plus graves, l’avocat devra obtenir un pouvoir spécial afin qu’il soit habilité à agir au nom et pour le compte de son client.

Tel n’est notamment le cas s’agissant de l’exercice d’une voie de recours (appel et pourvoi en cassation), en conséquence de quoi l’avocat devra justifier d’un pouvoir spécial (V. en ce sens Cass. soc. 2 avr. 1992, n° 87-44229 et Cass. 2e civ., 10 févr. 1993, n° 92-50.008).

Il en va également ainsi en matière d’inscription en faux, de déféré de serment décisoire, de demande de récusation ou de renvoi pour cause de suspicion légitime ou encore de la transaction.

Plus généralement, il ressort de la jurisprudence constante que l’avocat ne peut accomplir aucun acte qui serait étranger à l’instance.

S’agissant des actes énoncés à l’article 417 du Code de procédure civile, (faire ou accepter un désistement, d’acquiescer, de faire, accepter ou donner des offres, un aveu ou un consentement) si l’avocat est réputé être investi d’un pouvoir spécial à l’égard du juge et de la partie adverse, il engage sa responsabilité à l’égard de son mandant en cas de défaut de pouvoir.

2. La dispense de représentation obligatoire

Par dérogation au principe de représentation obligatoire devant le Tribunal de commerce, l’article 853, al. 2 du CPC pose que les parties sont dispensées de l’obligation de constituer avocat dans les cas prévus par la loi ou le règlement, lorsque

  • Soit la demande porte sur un montant inférieur ou égal à 10 000 euros
  • Soit dans le cadre des procédures instituées par le livre VI du Code de commerce consacré au traitement des entreprises en difficulté
  • Soit pour les litiges relatifs à la tenue du registre du commerce et des sociétés.
  • Soit en matière de gage des stocks et de gage sans dépossession

Lorsque l’une de ses situations est caractérisée, il ressort de l’article 853, al. 3 du CPC que les parties ont la faculté :

  • Soit de se défendre elles-mêmes
  • Soit de se faire assister ou représenter par toute personne de leur choix.

2.1. La comparution personnelle des parties

En application de l’article 853 du CPC, les parties disposent de la faculté, devant le Tribunal de commerce, de se défendre elles-mêmes.

Le dernier alinéa du texte précise que « l’État, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics peuvent se faire assister ou représenter par un fonctionnaire ou un agent de leur administration. »

Cette faculté qui leur est octroyée implique que non seulement elles sont autorisées à accomplir des actes de procédure (assignation, déclaration au greffe, requête, conclusions etc.), mais encore qu’elles peuvent plaider pour leur propre compte sans qu’il leur soit besoin de solliciter l’intervention d’un avocat.

Les enjeux financiers limités des affaires soumises aux tribunaux judiciaires en procédure orale peuvent justifier qu’une partie fasse le choix de ne pas recourir à l’assistance d’un avocat pour participer à une procédure qui peut d’ailleurs ne présenter aucune complexité particulière.

Dans une réponse du Ministère de la justice et des libertés publiée le 13 janvier 2011, il a été précisé que ce dispositif n’a, en revanche, aucunement pour effet d’exclure les personnes ayant des moyens financiers limités du bénéfice de l’assistance d’un avocat.

Ainsi les parties qui remplissent les conditions de ressources peuvent demander le bénéfice de l’aide juridictionnelle.

De nombreux contrats d’assurance offrent aux assurés le bénéfice d’une protection juridique. En ce cas, le financement de l’assistance de l’avocat pourra être assuré par la compagnie en question selon les modalités fixées au contrat.

Il ne peut donc être conclu que la possibilité pour les parties de se faire assister ou représenter par avocat soit de nature à créer une iniquité entre les parties.

En outre, si la partie qui comparaît seule à une audience face à une partie adverse représentée par un avocat n’est pas tenue elle-même de constituer avocat, elle peut en revanche solliciter du juge un renvoi de l’affaire à une audience ultérieure pour lui permettre de préparer utilement sa défense.

À cet effet, la partie peut décider de se faire assister ou représenter pour la suite de la procédure, ou solliciter en amont de l’audience les conseils juridiques d’un avocat, le cas échéant lors des permanences gratuites qui peuvent être organisées dans le cadre de la politique de l’accès au droit.

Reste que les parties qui entendent, de bout en bout de la procédure, assurer leur propre défense ne doivent pas être frappées d’une incapacité.

En pareil cas, seul le représentant de l’incapable pourrait agir en justice au nom et pour son compte.

2.2. La désignation d’un mandataire par les parties

a. Le choix du mandataire

Lorsque les parties décident de se faire assister ou représenter, elles peuvent désigner « toute personne de leur choix ».

C’est là une différence notable avec les procédures sans représentation obligatoire devant le Tribunal judiciaire qui limite le nombre de personnes susceptibles de représenter ou d’assister les parties (V. en ce sens art. 762 CPC).

Il est donc indifférent que le représentant soit l’avocat, le concubin, un parent ou encore un officier ministériel.

Ce qui importe c’est que le mandataire désigné soit muni d’un pouvoir spécial.

Le dernier alinéa de l’article 853 précise que « l’État, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics peuvent se faire assister ou représenter par un fonctionnaire ou un agent de leur administration. »

b. Le pouvoir du mandataire

L’article 853, al. 3e du CPC dispose que « le représentant, s’il n’est avocat, doit justifier d’un pouvoir spécial. »

Ainsi, s’agissant du pouvoir dont est investi le mandataire désigné pour représenter une partie devant le Tribunal de commerce, il y a lieu de distinguer selon qu’il est avocat ou non.

i. Le mandataire exerçant la profession d’avocat

Lorsque le mandataire est avocat, il n’a pas l’obligation de justifier d’un pouvoir spécial, l’article 411 du CPC disposant que « la constitution d’avocat emporte mandat de représentation en justice »

Le plus souvent, sa mission consistera à assister et représenter la partie dont il assure la défense des intérêts.

Plus précisément, l’avocat qui a reçu mandat par son client de le représenter en justice peut accomplir tous les actes de procédures utiles à la conduite du procès.

le mandat ad litem confère à l’avocat les pouvoirs les plus étendus pour accomplir les actes de procédure, tant au stade de l’instance, qu’au stade de l’exécution de la décision.

L’article 420 du CPC dispose en ce sens que « l’avocat remplit les obligations de son mandat sans nouveau pouvoir jusqu’à l’exécution du jugement pourvu que celle-ci soit entreprise moins d’un an après que ce jugement soit passé en force de chose jugée »

  • Au stade de l’instance l’avocat investi d’un mandat ad litem peut :
    • Placer l’acte introductif d’instance
    • Prendre des conclusions et mémoires
    • Provoquer des incidents de procédure
  • Au stade de l’exécution de la décision, l’avocat peut :
    • Faire notifier la décision
    • Mandater un huissier aux fins d’exécution de la décision rendue

Ainsi, l’avocat sera ici investi des mêmes pouvoirs que s’il intervenait au titre de la représentation obligatoire.

Dès lors que les parties sont représentées par un avocat, ce sont les règles qui régissent le mandat ad litem qui s’appliquent.

ii. Le mandataire n’exerçant pas la profession d’avocat

En application de l’article 853, al. 5e du CPC, « le représentant, s’il n’est avocat, doit justifier d’un pouvoir spécial. »

À la différence de l’avocat qui est présumé être investi d’un pouvoir général pour représenter son client, tel n’est pas le cas d’un mandataire ordinaire qui doit justifier d’un pouvoir spécial.

Non seulement ce dernier devra justifier de sa qualité de représentant, mais encore de son pourvoir d’agir en justice au nom et pour le compte de la partie dont il représente les intérêts (Cass. 2e civ., 23 mars 1995).

À cet égard, l’article 415 du CPC précise que « le nom du représentant et sa qualité doivent être portés à la connaissance du juge par déclaration au greffier de la juridiction. »

Une fois cette démarche accomplie, en application de l’article 417 « la personne investie d’un mandat de représentation en justice est réputée, à l’égard du juge et de la partie adverse, avoir reçu pouvoir spécial de faire ou accepter un désistement, d’acquiescer, de faire, accepter ou donner des offres, un aveu ou un consentement. »

B) L’introduction de l’instance

1. L’acte introductif d’instance

==>L’assignation

L’article 485, al. 1er du Code de procédure civile prévoit que « la demande est portée par voie d’assignation à une audience tenue à cet effet aux jour et heure habituels des référés. »

Il n’existe ainsi qu’un seul mode de saisine du Juge des référés : l’assignation. Elle est définie à l’article 55 du CPC comme « l’acte d’huissier de justice par lequel le demandeur cite son adversaire à comparaître devant le juge. »

L’assignation consiste, autrement dit, en une citation à comparaître par-devant la juridiction saisie, notifiée à la partie adverse afin qu’elle prenne connaissance des prétentions du demandeur et qu’elles puissent, dans le cadre d’un débat contradictoire, fournir des explications.

L’assignation présente cette particularité de devoir être notifiée au moyen d’un exploit d’huissier.

Ainsi, doit-elle être adressée, non pas au juge, mais à la partie mise en cause qui, par cet acte, est informée qu’un procès lui est intenté, en conséquence de quoi elle est invitée à se défendre.

==>Formalisme

Dans le cadre de la procédure de référé par-devant le Tribunal de commerce, l’assignation doit comporter, à peine de nullité, un certain nombre de mentions énoncées par le Code de procédure. Elles sont reproduites ci-dessous :

Mentions de droit commun
Art. 54• A peine de nullité, la demande initiale mentionne :

1° L’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;

2° L’objet de la demande ;

3° a) Pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs ;

b) Pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l’organe qui les représente légalement ;

4° Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier ;

5° Lorsqu’elle doit être précédée d’une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les diligences entreprises en vue d’une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d’une telle tentative.
Art. 56• L’assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d’huissier de justice et celles énoncées à l’article 54 :

1° Les lieu, jour et heure de l’audience à laquelle l’affaire sera appelée ;

2° Un exposé des moyens en fait et en droit ;

3° La liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée dans un bordereau qui lui est annexé ;

4° L’indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire.

L’assignation précise également, le cas échéant, la chambre désignée.
Art. 648• Tout acte d’huissier de justice indique, indépendamment des mentions prescrites par ailleurs

1. Sa date ;

2. a) Si le requérant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;

b) Si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement.

3. Les nom, prénoms, demeure et signature de l’huissier de justice

4. Si l’acte doit être signifié, les nom et domicile du destinataire, ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social.
Art. 473• Lorsque le défendeur ne comparaît pas, le jugement est rendu par défaut si la décision est en dernier ressort et si la citation n’a pas été délivrée à personne.

• Le jugement est réputé contradictoire lorsque la décision est susceptible d’appel ou lorsque la citation a été délivrée à la personne du défendeur.
Mentions spécifiques
Art. 855• L’assignation contient, à peine de nullité, outre les mentions prescrites par les articles 54 et 56, les nom, prénoms et adresse de la personne chez qui le demandeur élit domicile en France s’il réside à l’étranger.

• L’acte introductif d’instance mentionne en outre les conditions dans lesquelles le défendeur peut ou doit se faire assister ou représenter, s’il y a lieu, le nom du représentant du demandeur ainsi que, lorsqu’il contient une demande en paiement, les dispositions de l’article 861-2.
Art. 861-2• Sans préjudice des dispositions de l’article 68, la demande incidente tendant à l’octroi d’un délai de paiement en application de l’article 1343-5 du code civil peut être formée par requête faite, remise ou adressée au greffe, où elle est enregistrée. L’auteur de cette demande doit justifier avant l’audience que l’adversaire en a eu connaissance par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Les pièces que la partie invoque à l’appui de sa demande de délai de paiement sont jointes à la requête.

• L’auteur de cette demande incidente peut ne pas se présenter à l’audience, conformément au second alinéa de l’article 446-1. Dans ce cas, le juge ne fait droit aux demandes présentées contre cette partie que s’il les estime régulières, recevables et bien fondées.
Art. 853• Les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat devant le tribunal de commerce.

• La constitution de l’avocat emporte élection de domicile.

• Les parties sont dispensées de l’obligation de constituer avocat dans les cas prévus par la loi ou le règlement, lorsque la demande porte sur un montant inférieur ou égal à 10 000 euros ou qu’elle a pour origine l’exécution d’une obligation dont le montant n’excède pas 10 000 euros, dans le cadre des procédures instituées par le livre VI du code de commerce ou pour les litiges relatifs à la tenue du registre du commerce et des sociétés. Le montant de la demande est apprécié conformément aux dispositions des articles 35 à 37.

• Dans ces cas, elles ont la faculté de se faire assister ou représenter par toute personne de leur choix.

• Le représentant, s’il n’est avocat, doit justifier d’un pouvoir spécial.

2. La comparution

Pour mémoire, la comparution est l’acte par lequel une partie se présente devant une juridiction.

Pour comparaître, encore faut-il que le justiciable ait eu connaissance de la citation en justice dont il fait l’objet.

Lorsque cette citation prend la forme d’une assignation, elle doit être délivrée au défendeur par voie d’huissier.

La question qui alors se pose est de savoir jusqu’à quelle date avant l’audience l’assignation peut être notifiée.

En effet, la partie assignée en justice doit disposer du temps nécessaire pour

  • D’une part, prendre connaissance des faits qui lui sont reprochés
  • D’autre part, préparer sa défense et, le cas échéant, consulter un avocat

À l’analyse, ce délai de comparution, soit la date butoir au-delà de laquelle l’assignation ne peut plus être délivrée diffère d’une procédure à l’autre.

Qu’en est-il en matière de référé ?

==>Règles communes aux juridictions civiles et commerciales

  • Principe
    • Aucun délai de comparution n’est prévu par les textes. Il est seulement indiqué à l’article 486 du Code de procédure civile que « le juge s’assure qu’il s’est écoulé un temps suffisant entre l’assignation et l’audience pour que la partie assignée ait pu préparer sa défense ».
    • Le défendeur doit, autrement dit, avoir pu disposer de suffisamment de temps pour assurer sa défense avant la tenue de l’audience, faute de quoi il sera fondé à solliciter du Juge un renvoi (V. en ce sens Cass. 2e civ., 9 nov. 2006, n° 06-10.714).
    • L’article 486 du CPC doit néanmoins être combiné à l’article 856 d’où il s’infère que, pour la procédure de référé, l’enrôlement de l’affaire doit intervenir dans un délai de 15 jours avant l’audience.
    • Il en résulte que le délai entre la date de signification de l’assignation et la date d’audience doit être suffisant pour que le demandeur puisse procéder au placement de l’assignation dans le délai fixé.
    • À défaut l’assignation encourt la caducité.
  • Exception
    • L’article 485, al. 2e du Code de procédure civile prévoit que si « le cas requiert célérité, le juge des référés peut permettre d’assigner, à heure indiquée, même les jours fériés ou chômés »
    • Cette procédure, qualifiée de référé d’heure à heure, permet ainsi à une personne d’obtenir une audience dans un temps extrêmement rapproché, l’urgence étant souverainement appréciée par le juge
    • Reste que pour assigner en référé d’heure à heure le requérant devra avoir préalablement obtenu l’autorisation du Juge
    • Pour ce faire, il devra lui adresser une requête selon la procédure prévue aux articles 493 et suivants du Code de procédure civile (procédure sur requête)
    • Cette requête devra être introduite aux fins d’obtenir l’autorisation d’assigner à heure indiquée
    • Quant au défendeur, il devra là encore disposer d’un délai suffisant pour assurer sa défense.
    • La faculté d’assigner d’heure à heure est permise par-devant toutes les juridictions à l’exception du Conseil de prud’hommes.

==>Règles spécifiques au Tribunal de commerce

Les dispositions communes qui régissent les procédures pendantes devant le Tribunal judiciaire ne fixent aucun délai de comparution, de sorte qu’il y a lieu de se reporter aux règles particulières applicables à chaque procédure.

En matière de référé, c’est donc les articles 484 et suivants du CPC qui s’appliquent, lesquels ne prévoient, ainsi qu’il l’a été vu, aucun délai de comparution.

Le juge doit seulement s’assurer qu’il s’est écoulé un temps suffisant entre l’assignation et l’audience pour que la partie assignée ait pu préparer sa défense.

Est-ce à dire que, si cette condition est remplie, l’assignation peut être délivrée – hors le cas du référé heure à heure – moins d’une semaine avant l’audience ?

A priori, aucun texte ne l’interdit, à tout le moins en référé. Il faut néanmoins compter avec un autre paramètre qui n’est autre que le délai d’enrôlement de l’assignation.

En effet, pour saisir le juge, il ne suffit pas de faire délivrer une citation en justice au défendeur avant l’audience. Il faut encore, que cette citation soit inscrite au rôle de la juridiction.

Or cette formalité doit être accomplie dans un certain délai, lequel est parfois plus long que le délai de comparution, étant précisé que l’enrôlement suppose la production de l’acte de signification de la citation.

En pareille hypothèse, cela signifie que l’assignation devra avoir été délivrée avant l’expiration du délai d’enrôlement, ce qui n’est pas sans affecter le délai de comparution qui, mécaniquement, s’en trouve allongé.

Pour exemple :

Dans l’hypothèse où aucun délai de comparution n’est prévu, ce qui est le cas pour la procédure de référé pendante devant le Tribunal judiciaire et que le délai d’enrôlement de l’assignation est fixé à 15 jours, il en résulte l’obligation pour le demandeur de faire signifier l’assignation au défendeur avant l’expiration de ce délai.

En pratique, il devra se ménager une marge de sécurité d’un ou deux jours compte tenu des contraintes matérielles inhérentes à la notification et à l’accomplissement des formalités d’enrôlement.

Aussi, afin de déterminer la date butoir de délivrance de l’assignation, il y a lieu de se référer tout autant au délai de comparution, qu’au délai d’enrôlement les deux étant très étroitement liés.

3. L’enrôlement de l’affaire

Bien que l’acte de constitution d’avocat doive être remis au greffe, il n’a pas pour effet de saisir le Tribunal.

Il ressort de l’article 857 du CPC que cette saisine ne s’opère qu’à la condition que l’acte introductif d’instance accompli par les parties (assignation, requête ou requête conjointe) fasse l’objet d’un « placement » ou, dit autrement, d’un « enrôlement ».

Ces expressions sont synonymes : elles désignent ce que l’on appelle la mise au rôle de l’affaire. Par rôle, il faut entendre le registre tenu par le secrétariat du greffe du Tribunal qui recense toutes les affaires dont il est saisi, soit celles sur lesquels il doit statuer.

Cette exigence de placement d’enrôlement de l’acte introductif d’instance a été généralisée pour toutes les juridictions, de sorte que les principes applicables sont les mêmes, tant devant le Tribunal judiciaire, que devant le Tribunal de commerce.

À cet égard, la saisine proprement dite de la juridiction comporte trois étapes qu’il convient de distinguer

  • Le placement de l’acte introductif d’instance
  • L’enregistrement de l’affaire au répertoire général
  • La constitution et le suivi du dossier

a. Le placement de l’acte introductif d’instance

==>La remise de l’assignation au greffe

L’article 857, al. 1er du CPC dispose que « le tribunal est saisi, à la diligence de l’une ou l’autre partie, par la remise au greffe d’une copie de l’assignation. »

C’est donc le dépôt de l’assignation au greffe du Tribunal de commerce qui va opérer la saisine et non sa signification à la partie adverse.

==>Le délai

L’article 857, al. 2e du CPC prévoit que la remise de l’assignation au greffe « doit avoir lieu au plus tard huit jours avant la date de l’audience, sous peine de caducité de l’assignation constatée d’office par ordonnance, selon le cas, du président ou du juge chargé d’instruire l’affaire, ou, à défaut, à la requête d’une partie. »

Le placement de l’assignation doit ainsi intervenir dans un délai de huit jours avant la date de l’audience.

==>La sanction

L’article 857 prévoit que le non-respect du délai de huit jours est sanctionné par la caducité de l’assignation, soit son anéantissement rétroactif, lequel provoque la nullité de tous les actes subséquents.

Cette disposition précise que la caducité est « constatée d’office par ordonnance, selon le cas, du président ou du juge chargé d’instruire l’affaire, ou, à défaut, à la requête d’une partie ».

À défaut, le non-respect du délai d’enrôlement peut être soulevé par requête présentée au président en vue de faire constater la caducité. Celui-ci ne dispose alors d’aucun pouvoir d’appréciation.

En tout état de cause, lorsque la caducité est acquise, elle a pour effet de mettre un terme à l’instance.

Surtout, la caducité de l’assignation n’a pas pu interrompre le délai de prescription qui s’est écoulé comme si aucune assignation n’était intervenue (Cass. 2e civ., 11 oct. 2001, n°9916.269).

b. L’enregistrement de l’affaire au répertoire général

L’article 726 du CPC prévoit que le greffe tient un répertoire général des affaires dont la juridiction est saisie. C’est ce que l’on appelle le rôle.

Le répertoire général indique la date de la saisine, le numéro d’inscription, le nom des parties, la nature de l’affaire, s’il y a lieu la chambre à laquelle celle-ci est distribuée, la nature et la date de la décision

Consécutivement au placement de l’acte introductif d’instance, il doit inscrire au répertoire général dans la perspective que l’affaire soit, par suite, distribuée.

c. La constitution et le suivi du dossier

Consécutivement à l’enrôlement de l’affaire, il appartient au greffier de constituer un dossier, lequel fera l’objet d’un suivi et d’une actualisation tout au long de l’instance.

==>La constitution du dossier

L’article 727 du CPC prévoit que pour chaque affaire inscrite au répertoire général, le greffier constitue un dossier sur lequel sont portés, outre les indications figurant à ce répertoire, le nom du ou des juges ayant à connaître de l’affaire et, s’il y a lieu, le nom des personnes qui représentent ou assistent les parties.

Sont versés au dossier, après avoir été visés par le juge ou le greffier, les actes, notes et documents relatifs à l’affaire.

Y sont mentionnés ou versés en copie les décisions auxquelles celle-ci donne lieu, les avis et les lettres adressés par la juridiction.

Lorsque la procédure est orale, les prétentions des parties ou la référence qu’elles font aux prétentions qu’elles auraient formulées par écrit sont notées au dossier ou consignées dans un procès-verbal.

Ainsi, le dossier constitué par le greffe a vocation à recueillir tous les actes de procédure. C’est là le sens de l’article 769 du CPC qui prévoit que « la remise au greffe de la copie d’un acte de procédure ou d’une pièce est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué. »

==>Le suivi du dossier

L’article 771 prévoit que le dossier de l’affaire doit être conservé et tenu à jour par le greffier de la chambre à laquelle l’affaire a été distribuée.

Par ailleurs, il est établi une fiche permettant de connaître à tout moment l’état de l’affaire.

En particulier, en application de l’article 728 du CPC, le greffier de la formation de jugement doit tenir un registre où sont portés, pour chaque audience :

  • La date de l’audience ;
  • Le nom des juges et du greffier ;
  • Le nom des parties et la nature de l’affaire ;
  • L’indication des parties qui comparaissent elles-mêmes dans les matières où la représentation n’est pas obligatoire ;
  • Le nom des personnes qui représentent ou assistent les parties à l’audience.

Le greffier y mentionne également le caractère public ou non de l’audience, les incidents d’audience et les décisions prises sur ces incidents.

L’indication des jugements prononcés est portée sur le registre qui est signé, après chaque audience, par le président et le greffier.

Par ailleurs, l’article 729 précise que, en cas de recours ou de renvoi après cassation, le greffier adresse le dossier à la juridiction compétente, soit dans les quinze jours de la demande qui lui en est faite, soit dans les délais prévus par des dispositions particulières.

Le greffier établit, s’il y a lieu, copie des pièces nécessaires à la poursuite de l’instance.

Depuis l’adoption du décret n°2005-1678 du 28 décembre 2005, il est admis que le dossier et le registre soient tenus sur support électronique, à la condition que le système de traitement des informations garantisse l’intégrité et la confidentialité et permettre d’en assurer la conservation.

C) Le déroulement de l’instance

1. Une procédure contradictoire

À la différence de la procédure sur requête, la procédure de référé présente un caractère contradictoire

Conformément à l’article 15 du CPC il est donc exigé que les parties se fassent connaître mutuellement en temps utile :

  • Les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions
  • Les éléments de preuve qu’elles produisent
  • Les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense.

L’article 16 ajoute que le juge ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.

À cet égard, en application de l’article 132 la partie qui fait état d’une pièce s’oblige à la communiquer à toute autre partie à l’instance et la communication des pièces doit être spontanée.

À défaut, le juge peut écarter du débat les pièces qui n’ont pas été communiquées en temps utile.

Reste que dans la mesure où la procédure de référé est animée par l’urgence, la question se pose du délai de la communication des écritures et des pièces.

Quid dans l’hypothèse où ces éléments seraient communiqués la veille de l’audience voire le jour-même ?

Dans un arrêt du 12 juin 2002, la Cour de cassation a admis que des écritures puissent être communiquées le jour-même dès lors que la partie concluante ne soulevait aucune prétention nouvelle (Cass. 3e civ. 12 juin 2002, n°01-01.233).

Lorsque toutefois des circonstances particulières empêchent la contradiction, la Cour de cassation considère que la communication d’écriture au dernier moment n’est pas recevable (Cass. 2e civ. 4 déc. 2003, n°01-17.604).

Dans un arrêt du 1er mars 2006, la Cour de cassation a encore considéré que « les conclusions doivent être communiquées en temps utile au sens de l’article 15 du nouveau code de procédure civile ; qu’ayant relevé que les conclusions de M. P., appelant, avaient été remises au greffe de la juridiction huit minutes avant le début de l’audience, la cour d’appel [statuant en référé] a, par ce seul motif, souverainement rejeté des débats ces conclusions tardives, auxquelles l’adversaire était dans l’incapacité de répondre » (Cass. 3e civ, 1er mars 2006, n° 04-18.327).

2. Une procédure orale

La procédure de référé est orale, de sorte qu’il appartient à chaque partie de développer verbalement à l’audience ses arguments en fait et en droit.

Bien que les conclusions écrites ne soient pas obligatoires, il est d’usage qu’elles soient adressées au juge des référés

Dans un arrêt du 25 septembre 2013 la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que « la procédure de référé étant orale et en l’absence de disposition particulière prévoyant que les parties peuvent être autorisées à formuler leurs prétentions et leurs moyens par écrit sans se présenter à l’audience, le dépôt par une partie d’observations écrites, ne peut suppléer le défaut de comparution » (Cass. soc. 25 sept. 2013, n° 12-17.968).

Si le contenu des débats oraux diffère de ce qui figure dans les écritures des parties, le juge ne doit, en principe, fonder sa décision que sur les seuls arguments oraux développés en audience.

S’agissant de l’invocation des exceptions de procédure, dans un arrêt du 16 octobre 2003 la Cour de cassation a jugé que ces « exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées avant toute défense au fond ; que, devant le tribunal de commerce, la procédure étant orale, les prétentions des parties peuvent être formulées au cours de l’audience et qu’il en est notamment ainsi des exceptions de procédure » (Cass. 2e civ. 16 oct. 2003, n°01-13.036).

2. Renvoi de l’affaire au fond

L’article 873-1 du CPC dispose « à la demande de l’une des parties, et si l’urgence le justifie, le président saisi en référé peut renvoyer l’affaire à une audience dont il fixe la date pour qu’il soit statué au fond. »

Il est ainsi des cas où le juge des référés peut estimer que la question qui lui est soumise ne relève pas de l’évidence et qu’elle se heurte à une contestation sérieuse.

Dans cette hypothèse, il dispose de la faculté, en cas d’urgence, de renvoyer l’affaire au fond, soit pour qu’il soit tranché au principal et non seulement au provisoire.

Lorsque le Juge des référés procède à un tel renvoi, il doit veiller, en fixant la date d’audience, à ce que le défendeur dispose d’un temps suffisant pour préparer sa défense.

L’ordonnance rendue emporte alors saisine de la juridiction.

II) L’ordonnance de référé

A) L’autorité de l’ordonnance

==>Une décision provisoire

L’article 484 du Code de procédure civile prévoit que « l’ordonnance de référé est une décision provisoire ».

Par provisoire il faut entendre que la décision rendue par le Juge des référés a vocation à être substituée par une décision définitive qui sera rendue par une juridiction statuant au fond.

Aussi, les mesures prises par le Juge des référés ne sont pas destinées à être pérennes. Elles sont motivées, le plus souvent, par l’urgence, à tout le moins par la nécessité de sauvegarder, à titre conservatoire, les intérêts du demandeur.

==>Une décision dépourvue de l’autorité de la chose jugée au principal

L’article 488 du Code de procédure civile ajoute que « l’ordonnance de référé n’a pas, au principal, l’autorité de la chose jugée. »

Cela signifie que la décision rendue par le juge des référés ne lie pas le juge du fond saisi ultérieurement ou concomitamment pour les mêmes fins.

Dans un arrêt du 13 novembre 2014, la Cour de cassation a considéré en ce sens que « l’ordonnance de référé étant dépourvue d’autorité de la chose jugée au principal, il est toujours loisible à l’une des parties à la procédure de référé de saisir le juge du fond pour obtenir un jugement définitif » (Cass. 2e civ., 13 nov. 2014, n°13-26.708).

Sensiblement dans les mêmes termes elle a encore affirmé dans un arrêt du 25 février 2016 que « une décision de référé étant dépourvue d’autorité de la chose jugée au principal, l’une des parties à l’instance en référé a la faculté de saisir le juge du fond afin d’obtenir un jugement » (Cass. 3e civ. 25 févr. 2016, n°14-29.760).

Les parties disposent donc de la faculté de saisir la juridiction au fond pour trancher un litige dont l’objet est identique à celui sur lequel le juge des référés s’est prononcé.

Quant au juge statuant au fond, il n’est nullement tenu de statuer dans le même sens que la décision rendue par le Juge des référés ni même de tenir compte de la solution adoptée qui, par nature, est provisoire.

En résumé, les juges du fond ne sont tenus, ni par les constatations de fait ou de droit du juge des référés, ni par les déductions qu’il a pu en faire, ni par sa décision (V. en ce sens Cass. 2e civ., 2 févr. 1982)

==>Une décision pourvue de l’autorité de la chose jugée au provisoire

Si la décision du juge des référés est dépourvue de l’autorité de la chose jugée au principal, elle possède, en revanche, l’autorité de la chose jugée au provisoire.

Cela signifie que, tant qu’aucune décision au fond n’est intervenue, l’ordonnance du juge des référés s’impose aux parties.

L’article 488, al. 2 du Code de procédure civile prévoit en ce sens que l’ordonnance de référé « ne peut être modifiée ou rapportée en référé qu’en cas de circonstances nouvelles ».

Ce n’est donc qu’en cas de survenance de circonstances nouvelles que les parties peuvent solliciter du Juge des référés la rétractation de son ordonnance.

Dans un arrêt du 16 décembre 2003, la Cour de cassation a précisé que « ne constituent pas une circonstance nouvelle autorisant la rétractation d’une ordonnance de référé des faits antérieurs à la date de l’audience devant le juge des référés qui a rendu l’ordonnance et connus de celui qui sollicite la rétractation » (Cass. 3e civ. 16 déc. 2003, n°02-17.316).

Pour être une circonstance nouvelle, il est donc nécessaire que :

  • D’une part, le fait invoqué soit intervenu postérieurement à l’audience de référé ou ait été ignoré du plaideur au jour de l’audience
  • D’autre part, qu’il soit un élément d’appréciation nécessaire à la décision du Juge ou ayant une incidence sur elle

La Cour de cassation a, par exemple, considéré que des conclusions d’expertise rendues par un expert pouvaient constituer des circonstances nouvelles au sens de l’article 488 du Code de procédure civile (Cass. 3e civ. 20 oct. 1993).

Enfin, pour la Cour de cassation, le recours en rétractation prévu à l’article 488 du Code de procédure civile écarte le recours en révision de l’article 593 du code de procédure civile. Dans un arrêt du 11 juillet 2013 elle a, en effet, jugé que « le recours en révision n’est pas ouvert contre les ordonnances de référé susceptibles d’être rapportées ou modifiées en cas de circonstances nouvelles » (Cass. 2e civ., 11 juill. 2013, n°12-22.630).

B) L’exécution de l’ordonnance

En application de l’article 514 du CPC l’ordonnance de référé en de droit exécutoire à titre provisoire à l’instar de l’ensemble des décisions de première instance.

Le caractère exécutoire à titre provisoire de l’ordonnance de référé lui est conféré de plein droit, c’est-à-dire sans qu’il soit besoin pour les parties d’en formuler la demande auprès du juge.

À la différence néanmoins d’une ordonnance sur requête qui est exécutoire sur minute, l’ordonnance de référé doit, au préalable, avoir été signifiée à la partie adverse pour pouvoir être exécutée, sauf à ce que le juge ordonne expressément dans sa décision, comme le lui permet « en cas de nécessité » l’alinéa 3 de l’article 489, que « l’exécution de l’ordonnance aura lieu au seul vu de la minute ».

Une fois signifiée, l’ordonnance de référé pourra alors donner lieu à l’exécution forcée des mesures prononcées par le Juge.

Il convient enfin d’observer que cette ordonnance est exécutoire à titre provisoire en toutes ces dispositions, y compris celles statuant sur les dépens et l’article 700.

C) L’astreinte

L’astreinte, qui s’apparente à une mesure comminatoire, a pour but d’assurer l’exécution des décisions de justice par le prononcé d’une condamnation pécuniaire accessoire et éventuelle.

L’astreinte n’est pas une modalité de l’exécution forcée des jugements pour deux raisons :

  • D’une part, le juge de l’exécution tient de la loi des compétences particulières en matière de prononcé et de liquidation d’astreinte, il peut être saisi à cette fin en dehors de toute procédure d’exécution engagée.
  • D’autre part, la décision qui liquide l’astreinte est exécutoire de plein droit par provision, et on sait qu’en cas d’appel, le premier président n’a pas le pouvoir d’arrêter l’exécution d’une décision exécutoire de droit. De leur côté, les décisions prises par le juge de l’exécution, qui sont exécutoires de droit, peuvent être l’objet d’un sursis à exécution par le premier Président de la Cour d’appel

1. Compétence

L’article L. 131-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que « tout juge peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision ».

Il s’agit aussi bien des juges du fond (juridictions du premier degré, juges d’appel) que des juges du provisoire (référés) ou des juges chargés de l’instruction des affaires (dans les limites fixées par le Code de procédure civile).

Reste que le Juge de l’exécution est investi d’un pouvoir particulier en matière d’astreinte dans la mesure où :

  • En premier lieu, il peut assortir d’une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité
  • En second lieu, il peut assortir sa propre décision d’une astreinte.

Aussi, le JEX dispose-t-il en matière d’astreinte des pouvoirs les plus étendus.

2. Pouvoirs du juge

Le prononcé de l’astreinte procède de l’imperium du juge et relève de son pouvoir discrétionnaire.

De là découlent plusieurs conséquences que la loi nouvelle n’a pas remises en cause et qu’il convient de rappeler brièvement :

  • L’astreinte peut être prononcée d’office par le juge sans qu’une demande n’ait été formée en ce sens. En ordonnant une astreinte, le juge ne statue jamais ultra petita, même s’il fixe un taux plus élevé que celui qui est demandé ;
  • Le juge n’est pas tenu de provoquer au préalable les observations des parties (Cass. 2e civ., 21 mars 1979) ;
  • Le juge n’a pas à motiver sa décision, même s’il rejette une demande d’astreinte (Cass. 3e civ., 3 nov. 1983, n°82-14.775). La dispense de motivation est une caractéristique du pouvoir discrétionnaire, et les motifs que le juge a pu retenir sont considérés par la Cour de cassation comme surabondants ;
  • L’astreinte peut être appliquée, non seulement à une obligation de faire ou de ne pas faire (sous réserve des obligations à caractère personnel), mais aussi à une obligation de payer une somme d’argent (Cass. soc. 29 mai 1990, n°87-40.182), sans faire double emploi avec les intérêts légaux dont la condamnation est assortie ;
  • La décision qui prononce l’astreinte est dépourvue de l’autorité de la chose jugée, car il n’y a rien de jugé. Le juge utilise seulement un moyen pour qu’on obéisse à ce qu’il a jugé. Dès lors, le taux ou la durée de l’astreinte, qui relèvent également du pouvoir discrétionnaire du juge, peuvent être ensuite modifiés.

3. Astreinte provisoire et astreinte définitive

Deux règles essentielles gouvernent le prononcé d’une astreinte (art. L. 131-2 CPCE) :

  • D’une part, une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu’après le prononcé d’une astreinte provisoire
  • D’autre part, l’astreinte provisoire ne peut être déterminée que pour une durée que le juge détermine

Si l’une de ces conditions n’a pas été respectée, l’astreinte est liquidée comme une astreinte provisoire.

Pour qu’une astreinte soit considérée comme définitive, il faut que le juge ait précisé son caractère définitif (art. L. 131-2, al. 2e CPCE).

Seule l’utilisation des termes « définitif » ou « définitive » est de nature à n’entretenir aucune ambiguïté.

Le juge doit donc se garder, sous peine de voir son astreinte être toujours considérée comme provisoire, d’employer un terme approchant, comme « forfaitaire », « irrévocable » ou « non comminatoire » (Cass. 2e civ., 23 nov. 1994).

En outre, lorsqu’une décision mentionne qu’une astreinte est prononcée « pendant deux mois, passé lequel délai il sera à nouveau fait droit », cela signifie qu’après le délai de deux mois, l’astreinte précédemment fixée est liquidée (estimée par le juge, si elle était provisoire, ou calculée mathématiquement, si elle était définitive) et qu’une nouvelle astreinte pourra être fixée : provisoire majorée (si elle était initialement provisoire), ou définitive, ou définitive majorée…

Si la décision ne précise pas de délai pour l’astreinte provisoire, la partie elle-même appréciera à quel moment il sera opportun de la faire liquider et de demander la fixation d’une nouvelle astreinte.

4. Point de départ de l’astreinte

L’article R. 131-1 du CPCE dispose que l’astreinte prend effet à la date fixée par le juge, laquelle ne peut pas être antérieure au jour où la décision portant obligation est devenue exécutoire.

Le juge qui prononce une astreinte doit donc fixer le moment de sa prise d’effet et, par hypothèse, puisque l’astreinte est la sanction de l’inexécution du jugement qui en est assorti, ce point de départ ne peut être antérieur au jour où la décision portant obligation est devenue exécutoire.

Il importe que la décision ordonnant l’astreinte soit signifiée, la signification devant être régulièrement faite au débiteur même de l’obligation (Cass. 2e civ., 1er mars 1995).

L’alinéa 2 de l’article R. 131-1 du CPCE prévoit néanmoins que l’astreinte peut prendre effet dès le jour de son prononcé si elle assortit une décision qui est déjà exécutoire.

Ainsi, deux situations doivent être envisagées :

  • La décision qui est assortie d’une astreinte est exécutoire
    • Dans cette hypothèse, l’astreinte prend effet au jour de son prononcé
    • Ainsi, l’appel ne produit aucun effet suspensif sur une décision exécutoire par provision.
  • La décision qui est assortie d’une astreinte n’est pas exécutoire
    • Dans cette hypothèse, l’astreinte ne prendra effet qu’au jour où la décision sera devenue exécutoire

5. Liquidation de l’astreinte

==>Pouvoirs du Juge

Il ressort de l’article L. 131-3 du CPCE que le juge de l’exécution a une compétence exclusive pour liquider, non seulement ses propres astreintes (c’est-à-dire les astreintes qui assortissent ses décisions ou celles qu’il prononce pour assortir d’une astreinte les décisions prises par d’autres juges), mais aussi celles qui émanent d’autres juges, y compris de la cour d’appel. Cette compétence est bien exclusive, puisque tout autre juge doit relever d’office son incompétence.

Deux exceptions sont toutefois prévues :

  • Première exception
    • Le juge qui a ordonné l’astreinte reste saisi de l’affaire.
    • On songe au jugement avant dire droit assorti d’une astreinte, à la liquidation d’une astreinte prononcée par un magistrat de la mise en état (le tribunal judiciaire est normalement compétent pour liquider une astreinte prononcée par le juge de la mise en état, de même que la cour d’appel pour liquider une astreinte émanant du conseiller de la mise en état, les magistrats de la mise en état n’étant en effet qu’une émanation de la formation de jugement et leurs décisions ne dessaisissant pas la juridiction à laquelle ils appartiennent), notamment à l’occasion d’un incident de communication de pièces, à la liquidation par le bureau de jugement du conseil de prud’hommes d’une astreinte prononcée par le bureau de conciliation.
  • Seconde exception
    • Le juge s’en est expressément réservé le pouvoir.
    • Cette faculté est plus particulièrement exercée par les juges de référé désireux de suivre l’application des mesures qu’ils prennent.
    • Cette dérogation à la compétence exclusive du juge de l’exécution ne présente pas de difficulté, car la juridiction qui se réserve de liquider l’astreinte doit le faire expressément et donc le mentionner dans sa décision.

Quid de la faculté d’une Cour d’appel de liquider l’astreinte prononcée par le jugement qui lui est déféré par la voie de l’appel ?

Deux situations doivent être distinguées :

  • Le juge s’est réservé le pouvoir de liquider l’astreinte
    • Dans cette hypothèse
      • Soit, c’est le juge de première instance qui liquide l’astreinte
      • Soit, en application de l’effet dévolutif de l’appel c’est la Cour qui y procède (Cass. 2e civ. 20 mars 2003, n°00-13.429).
  • Le juge ne s’est pas réservé le pouvoir de liquider l’astreinte

==>Montant de l’astreinte

La liquidation de l’astreinte, quant à son montant, est différente selon qu’il s’agit d’une astreinte provisoire ou définition.

  • S’agissant de l’astreinte provisoire
    • L’article L. 131-4, al. 1er du CPCE prévoit que « le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter. »
    • Ainsi, l’astreinte provisoire est liquidée en tenant compte
      • Et du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée
      • Et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter
    • Par exemple, une astreinte fixée à 1.000 € par jour de retard pourra être liquidée, pour un retard de 20 jours, à 8.000 € en fonction des éléments de l’affaire.
    • Cette obligation à laquelle est ainsi soumis le juge de tenir compte de la faute du débiteur de l’obligation, doit le conduire à motiver sa décision, si bien que la deuxième Chambre civile considère, en ce qui concerne l’étendue de son contrôle, que la fixation du montant de l’astreinte ne relève pas d’un pouvoir discrétionnaire du juge qui le dispenserait de motivation, mais d’un pouvoir souverain, que la deuxième Chambre a étendu à l’appréciation de la cause étrangère.
    • Ce pouvoir souverain, affirmé notamment par des arrêts du 27 mars 1996, du 3 juillet 1996, du 25 juin 1997 ou encore du 8 octobre 1997, se distingue du pouvoir discrétionnaire en ce sens que la décision doit comporter des motifs dont l’existence, mais non la valeur, est vérifiée par la Cour de cassation.
    • Si le juge peut décider comme il l’entend dans le cadre des critères d’appréciation fixés par la loi, encore faut-il que les motifs de sa décision soient en rapport avec ces critères.
  • S’agissant de l’astreinte définitive
    • L’article L. 131-4, al. 2e du CPCE dispose que « le taux de l’astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation »
    • L’astreinte définitive, qui doit être prononcée pour une durée que le juge détermine, est liquidée de manière mathématique : 1.000 € X 20 jours de retard = 20.000 €.
  • En toute hypothèse
    • L’article L. 131-4, al. 3e du CPCE prévoit que « l’astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction du juge provient, en tout ou partie, d’une cause étrangère. »
    • Ainsi, l’astreinte, qu’elle soit provisoire ou définitive, est supprimée en tout ou en partie si l’inexécution ou le retard dans l’exécution provient, en tout ou en partie, d’une cause étrangère.
    • Cette notion de cause étrangère semble plus large que les seuls force majeure et cas fortuit, car elle pourrait être considérée comme englobant le fait du tiers et le fait du créancier.
    • Il est à noter qu’on ne peut en déduire, par un a contrario, qu’il y aurait toujours lieu à liquidation d’une astreinte, même définitive, dès lors que l’existence d’une cause étrangère n’a pas été constatée.
    • Si la décision du juge assortie de l’astreinte a été exécutée, il n’y a pas lieu à liquidation (Cass. 2e civ., 9 juillet 1997, n°95-19.100).

Le juge qui procède à la liquidation d’une astreinte doit examiner quelles obligations avaient été mises à la charge de la partie condamnée sous astreinte (Cass. 2e civ., 11 juill. 1994), ce qui peut nécessiter, le cas échéant, d’avoir recours à une interprétation de la décision.

Selon l’article 461 du Code de procédure civile, il appartient à tout juge d’interpréter la décision qu’il a rendue (si elle n’est pas frappée d’appel).

Mais la Cour de cassation admettait l’interprétation par un autre juge par voie incidente (Cass. 1ère Civ. 18 janv. 1989), notamment par le juge chargé de régler les difficultés d’exécution d’un jugement (Cass. 1ère civ. 24 février 1987), qui était, avant la réforme des procédures d’exécution, le président du tribunal de grande instance dans les conditions prévues à l’article 837 du Code de procédure civile.

La deuxième Chambre civile a reconnu ce pouvoir au juge de l’exécution, concurremment avec le juge qui a rendu la décision, à l’égard des décisions de justice sur lesquelles les poursuites sont fondées (Cass. 2e civ. 9 juillet 1997).

À plus forte raison, il appartient au juge de l’exécution qui liquide une astreinte « de rechercher, s’il y a lieu, par une nécessaire interprétation de la décision l’ayant ordonnée, quelles injonctions ou interdictions en étaient assorties » (Cass. 2e civ., 26 mars 1997).

Mais, bien entendu, interpréter c’est éclairer la portée d’un dispositif incertain par les motifs, ce n’est pas apporter une modification quelconque aux dispositions précises du jugement.

D) Les voies de recours

1. Les voies de recours ordinaires

==>L’appel

  • Taux de ressort
    • L’article 490 du CPC prévoit que « l’ordonnance de référé peut être frappée d’appel à moins qu’elle n’émane du premier président de la cour d’appel ou qu’elle n’ait été rendue en dernier ressort en raison du montant ou de l’objet de la demande. »
    • Ainsi, est-il possible pour une partie d’interjeter appel d’une ordonnance de référé à la condition
      • Soit qu’elle n’émane pas du Premier Président de la Cour d’appel
      • Soit qu’elle n’ait pas été rendue en dernier ressort
  • Délai d’appel
    • Le délai pour interjeter appel d’une ordonnance de référé est, en application de l’article 490 du CPC, de 15 jours
    • Ce délai court à compter de la signification de l’ordonnance à la partie adverse
    • Dans la mesure où les ordonnances de référé sont exécutoires de plein droit, l’appel n’est ici pas suspensif

==>L’opposition

L’article 490 du CPC envisage la possibilité de former opposition d’une ordonnance de référé dans un cas très spécifique : lorsque l’ordonnance a été rendue en dernier ressort par défaut.

Le délai d’opposition est de 15 jours à compter de la signification de l’ordonnance.

2. Les voies de recours extraordinaires

==>La tierce opposition

Pour rappel, définie à l’article 582 du CPC la tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l’attaque.

Aussi, a-t-elle pour effet de remettre en question relativement à son auteur les points jugés qu’elle critique, pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit.

À cet égard, l’article 585 du CPC prévoit que « tout jugement est susceptible de tierce opposition si la loi n’en dispose autrement. »

Il est de jurisprudence constante que l’ordonnance de référé est regardée comme un jugement au sens de ce texte, raison pour laquelle il est admis que la tierce opposition est admise en matière de référé.

==>Le pourvoi en cassation

Si le pourvoi en cassation n’est pas ouvert pour les ordonnances de référés susceptibles d’appel (Cass. 3e civ., 25 nov. 2014, n° 13-10.653), il est admis pour les ordonnances rendues en dernier ressort.

Le délai pour former un pourvoi auprès de la Cour de cassation est de deux mois à compter de la notification de l’ordonnance (Cass. soc., 30 janv. 2002, n° 99-45.140).

Les incidents d’instance

Les incidents d’instance sont envisagés par le Titre XI du Livre 1er du Code de procédure civile consacré aux dispositions communes à toutes les juridictions.

À défaut de définition légale, ils peuvent être définis comme les événements qui modifient le cours de l’instance, soit en ce qu’ils affectent sa continuité (suspension ou interruption), soit en ce qu’ils provoquent son extinction (péremption, désistement, acquiescement, etc.).

Le Code de procédure civile énumère aux articles 367 à 410 quatre sortes d’incidents, au nombre desquels figurent :

  • La jonction et la disjonction d’instance
  • L’interruption de l’instance
  • La suspension de l’instance
  • L’extinction de l’instance

I) La jonction et la disjonction d’instances

Lorsque des affaires pendantes devant lui présentent un lien de connexité, le juge peut, à la demande des parties ou d’office, ordonner la jonction de plusieurs instances.

Inversement, il peut prononcer la disjonction d’une instance en plusieurs (art. 367 CPC).

Tandis que la jonction ne peut être prononcée qu’à l’égard des instances qui doivent être suivies selon la même procédure, la disjonction doit être prononcée si deux demandes introduites par un acte commun doivent être suivies selon des procédures différentes.

L’article 368 du CPC prévoit que « les décisions de jonction ou disjonction d’instances sont des mesures d’administration judiciaire ». Il en résulte qu’elles sont insusceptibles de voies de recours.

II) L’interruption de l’instance

A) Les causes d’interruption de l’instance

Le code de procédure civile opère une distinction entre les événements qui emportent de plein droit interruption de l’instance et ceux qui l’interrompent seulement à compter d’une notification de ces événements faite à l’autre partie.

🡺Les événements emportant de plein droit interruption de l’instance

L’article 369 du CPC envisage quatre causes d’interruption de plein de droit de l’instance :

  • La majorité d’une partie
  • La cessation de fonctions de l’avocat lorsque la représentation est obligatoire
  • Les effets du jugement qui prononce la sauvegarde, le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur
  • La conclusion d’une convention de procédure participative aux fins de mise en état y compris en cas de retrait du rôle
  • La décision de convocation des parties à une audience de règlement amiable.

🡺Les événements interrompant l’instance à compter d’une notification de ces événements à la partie adverse

L’article 370 du CPC énonce trois causes d’interruption de l’instance subordonnées à leur notification :

  • Le décès d’une partie dans les cas où l’action est transmissible, étant précisé que la jurisprudence décide que la dissolution d’une société en cours d’instance n’interrompt pas celle-ci, la société étant réputée se survivre pour les besoins de la liquidation (Cass. com. 21 oct. 2008, n°07-19.102).
  • La cessation de fonctions du représentant légal d’un mineur et de la personne chargée de la protection juridique d’un majeur
  • Le recouvrement ou la perte par une partie de la capacité d’ester en justice

B) Le moment de l’interruption

L’article 371 du CPC prévoit que « en aucun cas l’instance n’est interrompue si l’événement survient ou est notifié après l’ouverture des débats. »

Il en résulte que la cause d’interruption de l’instance doit intervenir avant l’ouverture des débats, soit le moment où à l’audience de plaidoirie, la parole est donnée, soit au demandeur, soit au juge rapporteur.

C) Les effets de l’interruption de l’instance

L’interruption de l’instance a pour effet de faire obstacle à la poursuite des débats. Plus aucun acte ne peut être accompli.

Bien que le juge demeure saisi de l’affaire (art. 376 CPC), l’instance pendante devant lui n’est plus considérée comme étant en cours (Cass. com., 17 juill. 2001, n° 98-19.258).

Surtout, l’article 372 du CPC précise que « les actes accomplis et les jugements même passés en force de chose jugée, obtenus après l’interruption de l’instance, sont réputés non avenus à moins qu’ils ne soient expressément ou tacitement confirmés par la partie au profit de laquelle l’interruption est prévue. »

Autrement dit, tous les actes de procédure qui seraient accomplis au mépris de l’interruption d’instance sont privés d’effets, sauf à ce qu’ils soient couverts par la partie à la faveur de laquelle l’instance est interrompue.

D) La reprise de l’instance

1. Les modalités de reprise de l’instance

🡺La reprise de l’instance initiée par les parties

L’article 373 du CPC prévoit que « l’instance peut être volontairement reprise dans les formes prévues pour la présentation des moyens de défense »

Il ressort de cette disposition que la reprise d’instance est subordonnée à l’accomplissement d’un acte de procédure.

Cette reprise peut être impulsée, soit par la partie à la faveur de laquelle l’interruption de l’instance est intervenue, soit par l’adversaire.

Deux hypothèses doivent ainsi être distinguées :

  • La reprise de l’instance est initiée par la partie en faveur de laquelle l’interruption est intervenue, elle peut être formalisée selon deux modalités différentes :
    • En matière de procédure écrite, la reprise peur être engagée au moyen de la prise de conclusions
    • En matière de procédure orale, la reprise pourra être déclenchée au moyen d’une déclaration du greffe de la juridiction saisie.
  • La reprise de l’instance est initiée par l’adversaire de la partie en faveur de laquelle l’interruption est intervenue
    • Dans cette hypothèse, la reprise de l’instance ne pourra être effectuée que par voie de citation, selon les mêmes modalités que l’acte introductif d’instance
    • À cet égard, l’article 375 du CPC précise que si la partie citée en reprise d’instance ne comparaît pas, il est procédé comme il est dit aux articles 471 et suivants, soit selon les dispositions qui régissent le jugement rendu par défaut et le jugement réputé contradictoire

🡺La reprise de l’instance provoquée par le Juge

L’article 376 du CPC prévoit que le juge « peut inviter les parties à lui faire part de leurs initiatives en vue de reprendre l’instance et radier l’affaire à défaut de diligences dans le délai par lui imparti. »

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette disposition :

  • Premier enseignement
    • La reprise de l’instance peut être provoquée par le juge, qui sans se substituer aux parties, peut les « inviter » à accomplir tous les actes utiles en vue de la reprise des débats, ce qui peut se traduire par la fixation de délais
    • En application de l’article 376 du CPC, il peut encore demander au ministère public de recueillir les renseignements nécessaires à la reprise d’instance.
    • Cette faculté réservée au juge s’explique par l’absence de dessaisissement, de sorte que l’affaire demeure toujours sous son contrôle.
  • Second enseignement
    • En cas de non-respect des délais et injonctions prescrits par le Juge, celui-ci peut prononcer la radiation de l’affaire
    • La radiation emporte, non pas le retrait de l’affaire du rôle, mais seulement sa suppression « du rang des affaires en cours ».
    • Cette sanction n’a donc pas pour effet d’éteindre l’instance : elle la suspend
    • L’article 383 autorise toutefois le juge de la mise en état à revenir sur cette radiation.
    • En effet, sauf à ce que la péremption de l’instance ne soit acquise, cette disposition prévoit que « l’affaire est rétablie, en cas de radiation, sur justification de l’accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné celle-ci ou, en cas de retrait du rôle, à la demande de l’une des parties. »

2. Les effets de la reprise de l’instance

L’article 374 du CPC dispose que « l’instance reprend son cours en l’état où elle se trouvait au moment où elle a été interrompue. »

Dans la mesure où l’interruption de l’instance emporte l’interruption du délai de péremption, ce délai court à nouveau à compter de la reprise de l’instance.

III) La suspension de l’instance

L’instance se trouve suspendue lorsque certains événements étrangers à la situation personnelle des parties ou à celle de leur représentant, viennent arrêter son cours.

Tel est le cas pour :

  • Le sursis à statuer
  • La radiation de l’affaire
  • Le retrait du rôle

A) Le sursis à statuer

🡺Notion de sursis à statuer

Le sursis à statuer est défini à l’article 378 du CPC comme la décision qui « suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine. »

Classiquement, on distingue deux sortes de sursis à statuer : le sursis à statuer obligatoire et le sursis à statuer facultatif.

  • S’agissant du sursis à statuer obligatoire
    • Il s’agit du sursis à statuer qui s’impose au juge, tel que prévu à l’article 108 du CPC.
    • Cette disposition prévoit que le juge doit suspendre l’instance lorsque la partie qui le demande jouit :
      • Soit d’un délai pour faire inventaire et délibérer
      • Soit d’un bénéfice de discussion ou de division
      • Soit de quelque autre délai d’attente en vertu de la loi.
  • S’agissant du sursis à statuer facultatif
    • Il s’agit du sursis à statuer qui résulte d’un événement que le juge a déterminé
    • Les articles 109 et 110 du CPC prévoient, en ce sens, que le juge peut suspendre l’instance :
      • Soit pour accorder un délai au défendeur pour appeler un garant
      • Soit lorsque l’une des parties invoque une décision, frappée de tierce opposition, de recours en révision ou de pourvoi en cassation
    • D’autres cas de sursis à statuer facultatif que ceux prévus par la loi ont été découverts par la jurisprudence tels que la formulation d’une question préjudicielle ou l’existence d’un litige pendant devant le Juge pénal

🡺Nature du sursis à statuer

En dépit de l’apparente clarté de cette dichotomie, la doctrine s’est rapidement interrogée sur la nature du sursis à statuer.

En effet, le Code de procédure civile aborde le sursis à statuer à deux endroits différents :

  • Tantôt, le sursis à statuer est envisagé aux articles 108 et suivants du CPC comme une exception dilatoire, laquelle n’est autre qu’une variété d’exception de procédure dont le régime est fixé par le chapitre II relevant d’un Titre V consacré aux moyens de défense des parties
  • Tantôt, le sursis à statuer est envisagé aux articles 378 et suivants du CPC comme une variété d’incident d’instance, incident dont la particularité est d’avoir pour effet de suspendre le cours de l’instance

La question qui alors se pose est de savoir à quelle catégorie le sursis à statuer appartient-il ? De la réponse à cette question dépend le régime applicable. Or selon que le sursis à statuer est qualifié d’exception de procédure ou d’incident d’instance le régime applicable n’est pas le même.

  • Si l’on retient la qualification d’exception de procédure, il en résultera une conséquence majeure :
    • En application de l’article 789 du CPC le Juge de la mise en état est seul compétent pour connaître du sursis à statuer
    • L’exception doit donc être soulevée devant lui avant toute défense au fond et fin de non-recevoir (Art. 74 CPC).
    • La demande de sursis à statuer est alors irrecevable devant la formation de jugement, lors de l’ouverture des débats (art. 799 in fine CPC).
    • Reste que si le sursis à statuer est sollicité dans le cadre d’une demande incidente, il pourra être soulevé en tout état de cause, les demandes incidences échappant au régime des exceptions de procédure.
    • Autre conséquence de la qualification d’exception de procédure : les voies de recours.
    • L’article 794 du CPC prévoit que « les ordonnances du juge de la mise en état n’ont pas, au principal, l’autorité de la chose jugée à l’exception de celles statuant sur les exceptions de procédure, sur les fins de non-recevoir, sur les incidents mettant fin à l’instance et sur la question de fond tranchée en application des dispositions du 6° de l’article 789. »
    • Aussi, des voies de recours différentes sont prévues par les articles 795 et 914 du CPC selon que la décision du juge a ou non autorité de chose jugée.
  • Si l’on retient la qualification d’incident d’instance ne mettant pas fin à l’instance, la conséquence sera radicalement différente
    • La demande de sursis à statuer pourra être présentée pour la première fois devant la juridiction de jugement
    • S’agissant de la voie de recours, en application de l’article 380 du CPC la décision statuant sur l’incident ne peut être frappée d’appel que sur autorisation du premier président de la cour d’appel s’il est justifié d’un motif grave et légitime.

Quelle est la qualification retenue par la jurisprudence ?

Selon le service de documentation et d’études de la Cour de cassation « si les demandes de sursis à statuer font partie d’un titre du code consacré aux incidents d’instance, la jurisprudence les soumet néanmoins au régime des exceptions de procédure, de sorte que (…) ces demandes paraissent relever de la compétence du juge de la mise en état ».

À l’examen, la grande majorité des décisions émanant des cours d’appel qualifient le sursis à statuer d’exception de procédure, en se fondant notamment sur la définition large de l’article 73 du CPC. En revanche, certains arrêts réfutent cette qualification, mettant notamment en avant le plan du code, en ce que le sursis à statuer se situe sous le Titre XI relatif aux incidents d’instance.

Certains arrêts de cours d’appel (CA Toulouse, 15 juin 2007, RG 03/02229 ; CA Douai, 14 juin 2007, RG 07/00197 ; CA Versailles, 5 avril 2007, RG 06/01963 ; CA Versailles, 5 janvier 2006, RG 04/08622), rejoignant ainsi certaines études doctrinales, distinguent selon que le sursis est obligatoire ou facultatif.

La distinction est notamment fondée sur l’article 108 du CPC (« délai d’attente en vertu de la loi ») et sur le rôle du juge.

  • Lorsque le sursis est impératif, ne laissant au juge aucun pouvoir d’appréciation, il s’agirait d’une exception de procédure relevant du magistrat chargé de la mise en état.
  • Lorsque le sursis est facultatif, le juge a un rôle plus actif en ce qu’il doit rechercher si l’événement invoqué a une incidence sur l’affaire qui lui est soumise. Ce faisant, le magistrat est amené à examiner le fond de l’affaire qui relèverait de la seule formation de jugement.

Certains auteurs se sont penchés sur cette dichotomie estimant qu’une distinction pourrait être utilement faite entre :

  • Le sursis impératif prévu par la loi, qu’il est logique d’assimiler à une exception dilatoire au sens de l’article 108 du CPC in fine qui dispose : « le juge doit suspendre l’instance lorsque la partie qui le demande jouit (…) d’un délai d’attente en vertu de la loi » et qui relèverait de la compétence exclusive du magistrat de la mise en état, comme exception de procédure,
  • Et le sursis facultatif qui conduit le juge à analyser les incidences de l’événement sur le jugement de l’affaire au fond avant de se prononcer, cas où le sursis pourrait conserver sa nature d’incident ne mettant pas fin à l’instance et échapperait à la compétence exclusive du magistrat de la mise en état.

L’exemple utilisé à cette fin est le sursis sollicité au titre de l’article 4 du code de procédure pénale, lequel offre, depuis la réforme du 5 mars 2007, deux possibilités :

  • L’alinéa 2 : la suspension de l’instance civile s’impose dès lors que l’action civile a pour objet de demander réparation du dommage causé par l’infraction dont est saisi le juge répressif ; il s’agit ici d’un cas de sursis imposé au juge ;
  • L’alinéa 3 : la suspension soumise à l’appréciation du juge civil au regard de l’influence que pourra exercer la décision pénale sur l’infraction, mais alors que l’action civile a un autre objet que la réparation de l’infraction ; il s’agit ici d’un cas de sursis facultatif.

Dans le premier cas, le sursis relèverait de la compétence du magistrat de la mise en état, dans le second, il ressortirait à la compétence de la seule formation de jugement, même avant dessaisissement du magistrat de la mise en état (CA Paris, 13 juin 2006, JurisData n° 2006-311819).

Mais cette dualité de juge pose bien des difficultés, notamment celle soulevée par Mme Fricero : n’est-il pas paradoxal que pour un sursis imposé par la loi, il ne soit plus possible de le soulever devant le juge du fond en raison de l’irrecevabilité prévue par l’article 789 du code de procédure civile, alors que l’empêchement disparaîtrait pour un sursis facultatif ?

Ne serait-il pas plus cohérent de le soumettre au même juge, le magistrat de la mise en état, qui serait compétent pour statuer, quelle que soit la cause de la demande de sursis, et purger la procédure de tous ses aléas ?

Il sera observé que l’article 789, 1° du CPC, ne fait aucune distinction entre des exceptions de procédure qui seraient impératives et d’autres qui seraient facultatives pour le juge.

Bien avant la réforme de décembre 2005, certains praticiens exprimaient déjà leur souhait qu’une révision du code de procédure civile soumette à un même régime tout moyen de procédure ayant pour objet d’entraîner un sursis à statuer.

La distinction entre sursis obligatoire et sursis facultatif ne paraît pas adaptée aux exigences de la pratique.

Quoi qu’il en soit, sollicitée sur la question de la nature du sursis à statuer, dans un avis n°0080007P du 29 septembre 2008 la Cour de cassation a considéré « la demande de sursis à statuer constitue une exception de procédure ». Il y a donc lieu de lui appliquer le régime juridique attaché aux exceptions de procédure, en particulier la règle exigeant qu’elles soient soulevées in limine litis, soit avant toute demande au fond.

1. Les causes du sursis à statuer

Il convient de distinguer les cas de suspension de l’instance expressément visés par la loi, de ceux qui ne sont le sont pas.

🡺Les cas de suspension visés par la loi

Il ressort de la combinaison des articles 108, 109 et 110 que plusieurs cas de suspension de l’instance sont prévus par la loi.

  • Le délai d’option successorale
    • L’article 108 du CPC prévoit que « le juge doit suspendre l’instance lorsque la partie qui le demande jouit soit d’un délai pour faire inventaire et délibérer ».
    • Manifestement, c’est le délai d’option successorale qui est envisagé par ce texte.
    • L’article 771 du Code civil prévoit que l’héritier ne peut être contraint à opter avant l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de l’ouverture de la succession.
    • Ainsi, le bénéficiaire de ce délai peut solliciter du juge un sursis à statuer pendant afin de prendre le temps d’opter.
    • À l’expiration du délai de 4 mois, l’héritier pourra être sommé d’exercer son option successorale, ce qui ouvrira un nouveau délai de deux mois.
  • Le bénéfice de discussion ou de division
    • L’article 108 prévoit encore que « le juge doit suspendre l’instance lorsque la partie qui le demande jouit […] d’un bénéfice de discussion ou de division », étant précisé que ces mécanismes se rencontrent dans le cadre d’un engagement de caution.
      • Le bénéfice de la discussion prévu à l’article 2298 du Code civil permet à la caution d’exiger du créancier qu’il saisisse et fasse vendre les biens du débiteur avant de l’actionner en paiement.
      • Le bénéfice de division quant à lui, prévu à l’article 2303 du Code civil autorise la caution à exiger du créancier qu’il divise préalablement son action, et la réduise à la part et portion de chaque caution.
    • Tant le bénéfice de discussion que le bénéfice de division sont envisagés par le Code de procédure civile comme des exceptions dilatoires.
    • La caution est donc fondée à s’en prévaloir afin de solliciter un sursis à statuer.
    • Tel sera le cas lorsqu’elle sera poursuivie par le créancier, sans que celui-ci n’ait préalablement actionné en paiement le débiteur principal ou divisé ses poursuites en autant d’actions qu’il y a de cautions.
  • Le délai d’appel à un garant
    • L’article 109 du CPC prévoit que « le juge peut accorder un délai au défendeur pour appeler un garant. »
    • Le texte fait ici référence à la faculté pour l’une des parties de solliciter la mise en œuvre d’une garantie simple ou formelle.
    • À cet égard, l’article 334 du CPC prévoit que la garantie est simple ou formelle selon que le demandeur en garantie est lui-même poursuivi comme personnellement obligé ou seulement comme détenteur d’un bien.
    • Dans les deux cas, le demandeur peut avoir besoin de temps pour appeler à la cause le garant.
    • C’est précisément là la fonction de l’article 109 du CPC que d’autoriser le juge à octroyer au demandeur ce temps nécessaire à l’organisation de sa défense.
  • Délai nécessaire à l’exercice d’une voie de recours extraordinaire
    • L’article 110 du CPC prévoit que « le juge peut également suspendre l’instance lorsque l’une des parties invoque une décision, frappée de tierce opposition, de recours en révision ou de pourvoi en cassation. »
    • Ainsi, lorsque l’une des parties entend se prévaloir d’une décision frappée par l’une de ces voies de recours, elle peut solliciter du juge un sursis à statuer.
    • Celui-ci accédera à la demande qui lui est présentée lorsque la décision dont se prévaut le demandeur est susceptible d’avoir une incidence sur la solution du litige qui lui est soumis.
    • L’objectif visé par cette règle est d’éviter que des décisions contradictoires puissent être rendues, raison pour laquelle il convient que la décision frappée d’une voie de recours extraordinaire soit définitive.

🡺Les cas de suspension non visés par la loi

L’article 108 du CPC prévoit outre les exceptions dilatoires tenant au délai d’option successorale ou aux bénéfices de discussion et de division, « le juge doit suspendre l’instance lorsque la partie qui le demande jouit […]de quelque autre délai d’attente en vertu de la loi. »

Il ressort de cette disposition que la liste des exceptions dilatoires énoncée aux articles 108, 109 et 110 du CPC n’est pas exhaustive. Elle demeure ouverte.

Reste à déterminer quels sont les autres cas de suspension de l’instance en dehors de ceux expressément par la loi.

L’examen de la jurisprudence révèle que les principaux cas admis au rang des exceptions dilatoires sont :

  • La formulation d’une question préjudicielle adressée au Juge administratif
    • Dans cette hypothèse, l’article 49, al. 2 du CPC prévoit que « lorsque la solution d’un litige dépend d’une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente en application du titre Ier du livre III du code de justice administrative. Elle sursoit à statuer jusqu’à la décision sur la question préjudicielle. »
  • La formulation d’une question prioritaire de constitutionnalité
    • La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a introduit dans la Constitution du 4 octobre 1958 un article 61-1 disposant que « lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. »
    • Pour permettre le contrôle par le Conseil constitutionnel, par voie d’exception, des dispositions législatives promulguées, la réforme instaure un dispositif qui comprend une suspension d’instance.
    • En effet, à l’occasion d’une instance en cours, une partie peut désormais soulever un moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.
    • Ce moyen est qualifié par la loi organique de question prioritaire de constitutionnalité.
    • Lorsqu’une telle question est posée devant une juridiction judiciaire, il incombe à celle-ci de statuer sans délai sur sa transmission à la Cour de cassation.
    • Cette transmission doit être ordonnée dès lors que la disposition législative contestée est applicable au litige ou à la procédure ou constitue le fondement des poursuites, qu’elle n’a pas déjà, sauf changement des circonstances, été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel et que la question n’est pas dépourvue de caractère sérieux.
    • Cette transmission impose, en principe, à la juridiction initialement saisie de surseoir à statuer sur le fond de l’affaire dans l’attente de la décision sur la question prioritaire de constitutionnalité.
  • Le criminel tient le civil en l’état
    • L’ancien article 4 du CPC prévoyait un sursis obligatoire à statuer de l’action civile « tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement sur l’action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement ».
    • Ce sursis au jugement de l’action civile reposait sur le principe prétorien selon lequel « le criminel tient le civil en l’état ».
    • La primauté de la décision pénale s’expliquait notamment en raison des moyens d’investigation plus efficaces dont dispose le juge répressif, ainsi que par le nécessaire respect de la présomption d’innocence.
    • Ce principe ne valait toutefois que pour les actions civiles engagées pendant ou après la mise en mouvement de l’action publique, et en aucun cas pour celles ayant déjà été tranchées lorsque celle-ci est mise en mouvement.
    • En outre, l’action publique et l’action civile devaient être relatives aux mêmes faits.
    • Ainsi en était-il par exemple d’une action civile exercée en réparation du dommage causé par l’infraction pour laquelle est engagée une procédure pénale.
    • La Cour de cassation avait interprété assez largement ce principe et considéré que le sursis à statuer devait être prononcé dès lors que le même fait avait servi de fondement à l’action publique et à l’action civile, sans pour autant que cette dernière corresponde à la réparation du préjudice subi du fait de l’infraction (V. en ce sens Cass., civ., 11 juin 1918).
    • La Cour de cassation considérait donc que le sursis à statuer devait être prononcé lorsque la décision prise sur l’action publique était « susceptible d’influer sur celle de la juridiction civile ».
    • Cette règle visait principalement à assurer une primauté de la chose jugée par le pénal sur le civil et à éviter ainsi une divergence de jurisprudence.
    • Au fil du temps, une pratique s’est toutefois installée, laquelle consistait à mettre en mouvement une action publique devant le juge pénal dans le seul objectif de suspendre un procès civil.
    • Afin de mettre un terme aux abus, la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale a considérablement limité la portée de la règle selon laquelle « le criminel tient le civil en l’état » en cantonnant son application aux seules actions civiles exercées en réparation du dommage causé par l’infraction.
    • Ainsi, désormais, le sursis à statuer ne peut être sollicité que dans l’hypothèse où l’action civile est exercée en réparation d’un dommage causé par une infraction pour laquelle une action publique aurait été mise en mouvement devant le juge pénal.

2. Les effets du sursis à statuer

L’article 378 du CPC prévoit que « la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine »

Il ressort de cette disposition que le sursis à statuer a pour effet de suspendre l’instance :

  • Soit pendant un temps fixé par le Juge
  • Soit jusqu’à la survenance d’un événement déterminé

En tout état de cause, il appartient au Juge de prévoir le fait générateur de la reprise de l’instance.

Le sursis à statuer ne dessaisit pas le Juge, de sorte qu’il dispose de la faculté de revenir sur sa décision, à tout le moins d’abréger ou de proroger le délai fixé.

À l’expiration du sursis, l’instance est poursuivie à l’initiative des parties ou à la diligence du juge, sauf la faculté d’ordonner, s’il y a lieu, un nouveau sursis.

Ainsi, tant les parties que le Juge peuvent provoquer la reprise de l’instance, à l’instar de l’interruption d’instance. Aucun acte formel n’est exigé par l’article 379 du CPC pour que la reprise de l’instance soit opérante.

Suivant les circonstances, le Juge peut encore révoquer le sursis ou en abréger le délai initialement fixé, en particulier s’il considère que ce délai n’est plus justifié.

3. Les recours contre la décision de sursis à statuer

L’article 380 du CPC prévoit en ce sens que la décision de sursis peut être frappée d’appel sur autorisation du premier président de la cour d’appel s’il est justifié d’un motif grave et légitime.

Pratiquement, la partie qui veut faire appel saisit le premier président, qui statue selon la procédure accélérée au fond. L’assignation doit être délivrée dans le mois de la décision.

S’il accueille la demande, le premier président fixe, par une décision insusceptible de pourvoi, le jour où l’affaire sera examinée par la cour, laquelle est saisie et statue comme en matière de procédure à jour fixe ou comme il est dit à l’article 948, selon le cas.

Lorsque la décision de sursis à statuer est rendue en dernier ressort, elle peut être attaquée par la voie du pourvoi en cassation, mais seulement pour violation de la règle de droit.

B) La radiation de l’affaire

🡺Les causes de radiation du rôle

L’article 381 du CPC prévoit que « la radiation sanctionne dans les conditions de la loi le défaut de diligence des parties ».

À l’examen, les causes de radiation du rôle sont nombreuses :

  • Si les avocats s’abstiennent d’accomplir les actes de la procédure dans les délais impartis, le juge de la mise en état peut, d’office, après avis donné aux avocats, prendre une ordonnance de radiation motivée non susceptible de recours (art. 801 CPC).
  • Lorsque devant la juridiction désignée les parties sont tenues de se faire représenter, l’affaire est d’office radiée si aucune d’elles n’a constitué avocat, selon le cas, dans le mois de l’avis qui leur a été donné (art. 97 CPC)
  • Lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu’il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider, à la demande de l’intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l’article 521, à moins qu’il lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision (art. 524 CPC).
  • En cas d’interruption de l’instance, celui-ci peut inviter les parties à lui faire part de leurs initiatives en vue de reprendre l’instance et radier l’affaire à défaut de diligences dans le délai par lui imparti (art. 376 CPC)

🡺Notification de la décision de radiation

La décision de radiation du rôle doit être notifiée par lettre simple aux parties ainsi qu’à leurs représentants. La notification précise le défaut de diligence sanctionné.

Cette notification vise à :

  • D’une part, informer les parties de la suspension de l’instance
  • D’autre part, leur indiquer la cause de suspension de l’instance afin qu’elles en tirent toutes les conséquences pour engager sa reprise

🡺Les effets de la radiation du rôle

L’article 381 du CPC prévoit que la radiation emporte, non pas le retrait de l’affaire du rôle, mais seulement sa suppression « du rang des affaires en cours ».

Cette sanction n’a donc pas pour effet d’éteindre l’instance : elle la suspend

L’article 383 autorise toutefois le juge de la mise en état à revenir sur cette radiation.

En effet, sauf à ce que la péremption de l’instance ne soit acquise, cette disposition prévoit que « l’affaire est rétablie, en cas de radiation, sur justification de l’accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné celle-ci ou, en cas de retrait du rôle, à la demande de l’une des parties. »

En ce que la radiation est une mesure d’administration judiciaire (art. 383 CPC), elle est insusceptible de voie de recours.

C) Le retrait du rôle

L’article 382 du CPC prévoit que « le retrait du rôle est ordonné lorsque toutes les parties en font la demande écrite et motivée. »

Cette demande de retrait du rôle doit être formulée au moyen de conclusions prises respectivement par chacune des parties.

Pour être acceptée, la radiation est subordonnée à l’existence d’un accord entre les parties. Elle sera rejetée si la demande émane d’une seule partie.

En application de l’article 383 du CPC et à l’instar de la radiation, le retrait du rôle est une mesure d’administration judiciaire. Elle ne peut donc pas faire l’objet de voies de recours.

L’alinéa 2 de cette disposition précise néanmoins que l’une des parties peut solliciter la reprise de l’instance, sauf à ce que celle-ci soit périmée. Il n’est pas nécessaire que cette demande soit formulée par les deux parties. Aucun formalisme n’est, par ailleurs, exigé.

La reprise de l’instance pourra donc être provoquée par la seule déclaration au greffe formulée par l’une des parties.

IV) L’extinction de l’instance

Le jugement est l’issue normale de tous les procès. Cependant une instance peut s’éteindre d’autres manières. Il est des cas où l’instance s’éteint accessoirement à l’action.

Ce sont : la transaction, l’acquiescement, le désistement d’action, ou, dans les actions non transmissibles, le décès d’une partie (art. 384 CPC).

Mais il est également des cas où l’instance s’éteint à titre principal par l’effet de la péremption, du désistement d’instance ou de la caducité de la citation.

L’action proprement dite n’en est pas affectée de sorte qu’une nouvelle instance pourrait être introduite s’il n’y a pas prescription (art. 385 CPC).

A) Péremption d’instance

🡺Définition

L’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans (art. 386 CPC).

En d’autres termes, la péremption d’instance est l’anéantissement de l’instance par suite de l’inaction des plaideurs.

Son double fondement s’est manifestement inversé avec la réforme de la procédure civile de 1975. Initialement conçue comme un mécanisme présumant surtout l’intention des parties d’abandonner l’instance, dans le strict respect du principe dispositif, la péremption est clairement devenue à titre principal, avec le nouveau code de procédure civile, une sanction de la carence des plaideurs de plus de deux ans dans la conduite de l’instance qui leur incombe, justifiée par une bonne administration de la justice.

La péremption d’instance vise à « sanctionner le défaut de diligence des parties » (Cass. com., 9 nov. 2004, n°01-16.726).

La péremption d’instance est régie aux articles 386 à 393 du Code de procédure civile.

🡺Domaine de la péremption

La péremption d’instance concerne toutes les juridictions (première instance, cour d’appel, Cour de cassation), sauf les juridictions pénales lorsqu’elles statuent sur intérêts civils (Cass. 2e civ., 20 mai 1992, n° 90-15.496).

Elle concerne, en principe, toutes les instances.

🡺Conditions de la péremption

  • Le délai
    • La péremption d’instance peut être sollicitée à l’expiration d’un délai de deux ans, dans l’hypothèse où, durant ce délai, aucun acte de procédure n’a été accompli par les parties.
    • Le délai court à compter de la dernière diligence procédurale des parties ou à compter du dernier acte de procédure suivant les cas (Cass. 1ère civ., 7 avr. 1999, n° 97-13.647).
    • Au cours de l’instance, il appartient donc aux parties d’effectuer toutes les diligences utiles à l’avancement de l’affaire, sous peine de péremption laquelle s’apparente à une sanction.
  • L’interruption du délai
    • Pour que le délai de péremption de l’instance commence à courir encore faut-il que pèse sur les parties l’obligation d’accomplir des diligences.
    • Lorsque, en effet, au cours d’une instance, un temps de procédure échappe aux diligences des parties (Cass. 3e civ., 26 janv. 2011, n°09-71.734), et tant qu’aucun événement leur redonnant prise sur l’instance n’intervient le délai de péremption est interrompu.
    • Tel est le cas, par exemple, pendant le délibéré.
    • Le délai de péremption est également interrompu dès que le juge de la mise en état a fixé l’affaire en état à une audience des plaidoiries (Cass. 2e civ., 12 février 2004, n°01-17.565).
    • De même, le délai est interrompu dès que le juge de la mise en état, sans surseoir à statuer, a radié l’affaire du rôle dans l’attente d’une décision pénale (Cass. 2e civ., 6 avr. 2006, n° 04-14.298).
    • Enfin, il cesse également de courir durant la période de transmission d’un dossier d’une juridiction à une autre après décision d’incompétence, jusqu’à la réception de la lettre du greffe prévue à l’article 97 du code de procédure civile (Cass. 2e civ., 15 janv. 2009, n° 07-22.074).
    • Conséquence de la qualification d’« interruption » de la péremption, c’est un nouveau délai de deux ans qui recommence à courir lorsque, intervient un événement, qui redonne aux parties une possibilité d’agir sur la procédure, tel que la révocation de l’ordonnance de clôture (Cass. 2e civ., 28 juin 2006, n°04-17.992), ou la décision du juge ordonnant le retrait du rôle à la demande des parties (Cass. 2e civ., 15 mai 2014, pourvoi n°13-17.294).
  • Les incidents affectant le délai de péremption
    • Il ressort des textes que certains événements ont pour effet d’affecter le délai de la péremption d’instance
    • Il en va ainsi des événements suivants :
      • L’interruption de l’instance
        • L’article 392, al. 1er du CPC prévoit que l’interruption de l’instance emporte celle du délai de péremption.
        • Ainsi, pour tous les cas d’interruption de l’instance prévus par la loi, le délai de péremption est interrompu.
        • Dès lors que le délai de péremption de l’instance est interrompu, un nouveau délai ne commence pas à courir immédiatement.
        • Un effet, l’interruption du délai de péremption dure aussi longtemps que l’interruption de l’instance.
        • Comme indiqué par la Cour de cassation dans un arrêt du 5 avril 1993, l’interruption du délai de péremption « ne prend fin que par la reprise de l’instance » (Cass. 2e civ. 5 avr. 1993, n°91-18.734).
        • Autrement dit, le délai de péremption ne recommence à courir qu’à compter de la reprise de l’instance.
        • Il peut être observé que lorsque l’instance a été interrompue par la conclusion d’une convention de procédure participative aux fins de mise en état, l’alinéa 3e de l’article 392 du CPC précise que le nouveau délai de péremption court à compter de l’extinction de cette convention.
        • Lorsque, par ailleurs, l’instance a été interrompue par la décision de convocation des parties à une audience de règlement amiable, l’alinéa 4e de l’article 392 du CPC, prévoit que le nouveau délai de péremption de l’instant court, quant à lui, « à compter de la première audience fixée postérieurement devant le juge saisi de l’affaire. »
      • La suspension de l’instance
        • En cas de suspension de l’instance, l’article 392, al. 2e du CPC prévoit que le délai de péremption continue à courir.
        • La radiation ou le retrait de l’affaire du rôle sont, dès lors, sans incidence sur le délai de péremption de l’instance dans la mesure où l’efficacité de ces événements n’est assortie d’aucun terme, ni d’aucune condition.
        • Par exception, la suspension de l’instance affecte le délai de péremption lorsqu’elle intervient pour un temps ou jusqu’à la survenance d’un événement déterminé.
        • Pour ces derniers cas, un nouveau délai court à compter de l’expiration de ce temps ou de la survenance de cet événement.

🡺Procédure

  • Une instance en cours
    • Pour que la question de la péremption puisse être posée, il faut que l’instance soit en cours, ce qui a conduit la jurisprudence des années 1980 à préciser que le point de départ de l’instance est fixé à la date de la saisine de la juridiction (puisqu’il est nécessaire que le juge soit saisi de l’instance en cause), date qui peut donc varier
    • Classiquement, on considère que c’est l’enrôlement de l’assignation qui opère la saisine de la juridiction et non sa signification (V. en ce sens Cass. 2e civ., 29 février 1984, n° 82-12.259).
    • Dans l’hypothèse spécifique d’une cassation avec renvoi, le délai court à compter du prononcé de l’arrêt de la Cour de cassation lorsque celui-ci est contradictoire (Cass. 2e civ., 27 juin 1990, n° 89-14.276), et à compter de la saisine de la cour d’appel de renvoi lorsqu’il a été rendu par défaut.
    • Le point d’arrivée est le prononcé du jugement, dès lors qu’il dessaisit le juge de la contestation qu’il tranche, ce qui donne lieu à un contentieux chaque fois qu’une voie de recours est exercée plus de deux ans après le prononcé d’une décision non signifiée.
    • Si l’irrecevabilité d’un appel ne résulte pas de l’expiration du délai pour l’interjeter, elle ne peut résulter de la péremption de l’instance de première instance, ni de celle de l’instance d’appel (Cass. 2e civ., 12 mars 1986, n° 84-16.642).
    • De même, l’instance au fond n’étant pas la suite de l’instance en référé-expertise, l’instance au fond intentée plus de deux ans après le dépôt du rapport d’expertise n’est pas périmée puisque l’ordonnance de référé a dessaisi le juge (Cass. 3e civ., 8 octobre 1997, n° 92-21.483).
    • Il s’ensuit également que le juge n’étant pas dessaisi par un jugement avant dire droit ou partiellement avant dire droit, le délai de péremption continue à courir, notamment durant les opérations d’expertise (Cass. 2e civ., 18 octobre 2001, n°99-21.883), sauf en cas d’indivisibilité des chefs de dispositif définitif et avant dire droit du jugement mixte (par exemple, la péremption de l’instance en indemnisation après expertise rend sans objet l’autorité de la chose jugée sur la responsabilité).
  • Les parties
    • L’article 387 du CPC prévoit que « la péremption peut être demandée par l’une quelconque des parties. »
    • Tant le demandeur que le défendeur peuvent ainsi faire constater par le Juge la péremption de l’instance.
  • Forme de la demande
    • La péremption d’instance peut être demandée à titre principal soit au moyen d’une assignation, soit par voie de conclusions selon les situations
    • L’article 387, al. 2e du CPC précise que la péremption de l’instance peut être opposée par voie d’exception à la partie qui accomplit un acte après l’expiration du délai de péremption.
  • Moment de la demande
    • L’article 388 du CPC prévoit que « la péremption doit, à peine d’irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen ; elle est de droit »
    • Cela signifie qu’à l’expiration du délai de deux ans, la partie qui entend se prévaloir de la péremption de l’instance a l’obligation de soulever cette cause d’extinction de l’instance avant
      • Les exceptions de procédure
      • Les fins de non-recevoir
      • Les défenses au fond
    • La sanction de la règle est l’irrecevabilité de la demande de péremption de l’instance.
  • Rôle du Juge
    • Depuis l’entrée en vigueur du décret n°2017-892 du 6 mai 2017 la péremption d’instance peut être soulevée d’office par le juge ce qui n’était pas le cas sous l’empire du droit antérieur.
    • Reste que la péremption d’instance étant de droit lorsqu’elle est demandée, le juge n’est investi d’aucun pouvoir d’appréciation s’il constate que la péremption est acquise (Cass. 2e civ., 13 janv. 2000, n° 98-10.709).

🡺Effets de la péremption

  • Extinction de l’instance
    • L’article 389 du CPC prévoit que « la péremption n’éteint pas l’action ; elle emporte seulement extinction de l’instance sans qu’on puisse jamais opposer aucun des actes de la procédure périmée ou s’en prévaloir. »
    • Cela signifie que pour poursuivre l’action engagée, il conviendra d’introduire une nouvelle instance, soit de faire délivrer une nouvelle assignation, à supposer que l’action ne soit pas prescrite.
  • Survie de l’action
    • Il ressort de l’article 389 du CPC que lorsque l’instance est éteinte par la péremption, le droit d’agir subsiste néanmoins, ce qui autorise le demandeur à renouveler le procès par une nouvelle assignation (Cass. 2e civ., 11 février 2010, n° 08-20.154).
    • Devant la Cour de cassation, lorsque le pourvoi est radié du rôle en application des articles 1009-1 et suivants du code de procédure civile, un nouveau délai de péremption recommence à courir.
  • Acquisition de la force jugée du jugement
    • L’article 390 du CPC prévoit que la péremption en cause d’appel ou d’opposition confère au jugement la force de la chose jugée, même s’il n’a pas été notifié.
    • Lorsque, de la sorte, la péremption intervient au stade de l’appel, elle a pour effet de conférer au jugement rendu en première instance la force de chose jugée.
    • Cette décision ne pourra donc plus être remise en cause.
  • Opposabilité de la péremption d’instance
    • L’article 391 du CPC prévoit que le délai de péremption court contre toutes personnes physiques ou morales, même mineures ou majeures protégées, sauf leur recours contre leur représentant légal ou la personne chargée de la mesure de protection juridique.
  • Les frais d’instance
    • L’article 393 du CPC prévoit que les frais de l’instance périmée sont supportés par celui qui a introduit cette instance
    • Le demandeur aura, dans ces conditions, tout intérêt à éviter la péremption d’instance, sous peine de supporter les dépens et les frais irrépétibles.

B) Désistement d’instance

🡺Définition

Le désistement d’instance est l’offre faite par le demandeur au défendeur, qui l’accepte, d’arrêter le procès sans attendre le jugement.

Le désistement d’instance ne doit pas être confondu avec le désistement d’action

  • Le désistement d’instance
    • Ce désistement consiste seulement à renoncer à une demande en justice afin de mettre fin à l’instance.
    • La conséquence en est qu’une nouvelle demande pourra être introduite en justice, ce qui supposera d’engager une nouvelle instance
    • Ainsi, la partie qui se désiste à une instance ne renonce pas à l’action en justice dont elle demeure titulaire.
  • Le désistement d’action
    • Ce désistement consiste à renoncer, non pas à une demande en justice, mais à l’exercice du droit substantiel objet de la demande
    • Il en résulte que le titulaire de ce droit se prive, pour la suite, de la possibilité d’exercer une action en justice
    • En pareil cas, il y a donc renonciation définitive à agir en justice sur le fondement du droit auquel il a été renoncé

S’agissant du désistement d’instance, le Code de procédure civile distingue selon que le désistement d’instance intervient au stade de la première instance ou en appel et/ou opposition.

1. Le désistement en première instance

🡺Domaine

L’article 394 du CPC prévoit que le demandeur peut, en toute matière, se désister de sa demande en vue de mettre fin à l’instance.

Il n’y a donc a priori aucune restriction pour faire jouer un désistement d’instance. Il est donc indifférent que les règles mobilisées dans le cadre de l’instance relèvent de l’ordre public.

🡺Conditions

  • Un acte de volonté
    • Principe
      • L’article 395 du CPC dispose que le désistement n’est parfait que par l’acceptation du défendeur.
      • Deux enseignements peuvent être retirés de cette disposition
        • Premier enseignement, le désistement est un acte de volonté, de sorte que le demandeur doit justifier de sa pleine capacité
        • Second enseignent, le désistement ne peut être que le produit d’une rencontre des volontés, de sorte que défendeur doit consentir au désistement du demandeur.
      • S’agissant de l’expression du désistement, il peut être exprès ou tacite
    • Exceptions
      • Le principe posé à l’article 395 du CPC est assorti de deux exceptions.
      • En effet, l’acceptation n’est pas nécessaire si, au moment où le demandeur se désiste, le défendeur n’a présenté
        • Soit aucune défense au fond
        • Soit aucune fin de non-recevoir
  • Une décision
    • L’article 396 du CPC prévoit que le juge déclare le désistement parfait si la non-acceptation du défendeur ne se fonde sur aucun motif légitime.
    • Ainsi, appartient-il au juge de s’assurer
      • D’une part, l’existence d’un accord entre les parties
      • D’autre part, en cas de désaccord, l’existence d’un motif légitime du défendeur, telle qu’une demande reconventionnelle
    • L’instance prendra fin, non pas sous l’effet du jugement, mais par l’accord des parties.
    • Le jugement constatant l’accord (de donner acte) est une mesure d’administration judiciaire dépourvue de l’autorité de la chose jugée et insusceptible de faire l’objet d’une voie de recours.

🡺Effets

  • Exception de l’instance
    • L’article 398 du CPC prévoit que le désistement d’instance n’emporte pas renonciation à l’action, mais seulement extinction de l’instance.
    • La conséquence est alors double :
      • Tous les actes de procédure accomplis depuis la demande sont rétroactivement anéantis
      • Les parties conservent la possibilité d’introduire une nouvelle instance, tant que l’action n’est pas prescrite.
  • Les frais d’instance
    • L’article 399 du CPC dispose que le désistement emporte, sauf convention contraire, soumission de payer les frais de l’instance éteinte.
    • Ces frais devront, en principe, être supportés par l’auteur du désistement
    • Les parties demeurent libres de prévoir une répartition des frais différente, la règle n’étant pas d’ordre public.

2. Le désistement de l’appel ou de l’opposition

🡺Domaine

À l’instar du désistement en première instance, l’article 400 du CPC prévoit que « le désistement de l’appel ou de l’opposition est admis en toutes matières, sauf dispositions contraires. »

Il n’y a donc, s’agissant de la matière dont relève le litige, aucune restriction s’agissant du désistement dans le cadre d’un appel ou d’une opposition, sauf à ce qu’un texte en dispose autrement.

A l’examen, le cas de désistement se singularise, s’agissant de ces conditions de mise en œuvre diffèrent de celles applicables au désistement en première instance.

🡺Conditions

  • Les conditions de fond
    • Il convient de distinguer selon que le désistement porte sur un appel ou sur une opposition
      • S’agissant du désistement de l’appel
        • L’article 401 du CPC prévoit qu’il n’a besoin d’être accepté qu’à la condition :
          • Soit qu’il comporte des réserves, c’est-à-dire qu’il soit subordonné à la satisfaction par l’autre partie de conditions
          • Soit si la partie à l’égard de laquelle il est fait a préalablement formé un appel incident ou une demande incidente.
        • En dehors de ces deux cas, l’acceptation du désistement par le défendeur n’est pas requise.
      • S’agissant du désistement de l’opposition
        • L’article 402 du CPC prévoit qu’il n’a besoin d’être accepté que si le demandeur initial a préalablement formé une demande additionnelle.
        • À défaut, il ne sera nullement besoin de solliciter l’acceptation de la partie adverse
    • À l’examen, il apparaît que, contrairement au désistement en première instance, l’acceptation du défendeur n’est, par principe pas requise.
    • Ce n’est que par exception que les textes exigent que le défendeur accepte le désistement de la partie adverse.
  • Les conditions de forme
    • Comme le désistement en première instance, le désistement de l’appel ou de l’opposition peut être exprès ou tacite
    • De la même manière, il doit être constaté par un juge qui doit déclarer le désistement parfait, dès lors que les conditions requises par les articles 401 et 402 du CPC sont réunies.

🡺Effets

Le désistement de l’appel ou de l’opposition produit plusieurs effets :

  • Premier effet
    • Le désistement dessaisi le juge qui ne pourra dès lors plus statuer au fond, ni confirmer le jugement rendu en première instance.
    • L’instance est alors définitivement éteinte, sauf à ce que, consécutivement au désistement, un appel soit interjeté par la partie adverse
  • Deuxième effet
    • Le désistement, a encore pour effet d’emporter acquiescement au jugement.
    • Lorsque, toutefois, le désistement porte sur un appel, l’article 403 du CPC précise qu’« il est non avenu si, postérieurement, une autre partie interjette elle-même régulièrement appel. »
    • Autrement dit, en cas d’appel incident interjeté par la partie adverse, l’auteur du désistement est autorisé à revenir sur son désistement.
    • Cette faculté qui lui est offerte se justifie par la nécessité de lui permettre de se défendre et de faire échec à la voie de recours exercée contre lui.
  • Troisième effet
    • Comme pour le désistement en première instance, le désistement de l’appel ou de l’opposition emporte pour son auteur et sauf convention contraire, soumission de payer les frais de l’instance éteinte.

C) L’acquiescement

🡺Notion

Il ressort des articles 408 et 409 du CPC qu’il y a lieu de distinguer l’acquiescement à la demande de l’acquiescement au jugement

  • S’agissant de l’acquiescement à la demande
    • C’est le fait, de la part d’une partie, ordinairement le défendeur, de reconnaître le bien-fondé des prétentions de l’adversaire (art. 408 CPC).
    • À la différence de la péremption d’instance ou du désistement, l’acquiescement à la demande emporte non seulement annulation de la procédure mais également renonciation à l’action.
  • S’agissant de l’acquiescement au jugement
    • Il se distingue de l’acquiescement à la demande en ce qu’il emporte soumission aux chefs de celui-ci et renonciation aux voies de recours.
    • L’acquiescement au jugement se rapproche, en quelque sorte, du désistement de l’appel.

🡺Conditions

  • Conditions communes
    • Principe : un acte de volonté
      • Tant l’acquiescement à la demande que l’acquiescement au jugement supposent l’accomplissement d’un acte de volonté de son auteur qui donc doit disposer de sa pleine capacité à consentir.
      • L’article 410, al. 1er du CPC prévoit que l’acquiescement peut être exprès ou implicite
    • Exception : l’effet de la loi
      • L’alinéa 2 de l’article 410 du CPC prévoit, s’agissant de l’acquiescement au jugement que l’exécution sans réserve d’un jugement non exécutoire vaut acquiescement, hors les cas où celui-ci n’est pas permis.
      • Il ressort de cette disposition que pour valoir acquiescement :
        • D’une part, l’exécution doit porter sur un jugement non exécutoire, soit non passé en force de chose jugée ou non assortie de l’exécution provisoire
        • D’autre part, elle ne doit pas être équivoque, en ce sens qu’elle ne doit laisser aucun doute quant à l’intention de la partie qui exécute la décision.
  • Conditions spécifiques
    • S’agissant de l’acquiescement à la demande
      • L’article 408 dispose qu’« il n’est admis que pour les droits dont la partie a la libre disposition. »
      • Ainsi, par exemple, en matière de filiation, l’article 323 du Code civil prévoit expressément que les actions, en ce domaine, ne peuvent faire l’objet de renonciation. Le caractère d’ordre public de la matière rend donc les droits indisponibles.
    • S’agissant de l’acquiescement au jugement
      • L’article 409 du CPC prévoit qu’« il est toujours admis sauf disposition contraire » en premier et dernier ressort
      • S’il ne connaît, par principe, aucune limite, des dispositions légales peuvent malgré tout prohiber l’acquiescement au jugement.
      • Tel est le cas de l’article 1122 du CPC qui dispose que « un majeur protégé ne peut acquiescer au jugement de divorce, ou se désister de l’appel, qu’avec l’autorisation du juge des tutelles. »

🡺Effets

  • L’acquiescement à la demande
    • Il produit deux effets majeurs
      • D’une part, il emporte reconnaissance par le plaideur, du bien-fondé des prétentions de son adversaire
      • D’autre part, il vaut renonciation à contester et entraîne extinction de l’instance
  • L’acquiescement au jugement
    • Il emporte
      • D’une part, soumission aux chefs de la décision
        • L’effet de l’acquiescement demeure néanmoins relatif en ce qu’il n’est pas opposable aux autres parties contre lesquelles le jugement a été rendu
      • D’autre part, renonciation aux voies de recours
        • Dans l’hypothèse, toutefois où postérieurement à l’acquiescement, une autre partie forme régulièrement un recours, son auteur dispose de la faculté de revenir sur son acquiescement.
        • En dehors de cette hypothèse, l’acquiescement est définitif, de sorte qu’il rend toute voie de recours irrecevable, exception faite de l’action en rectification d’erreur matérielle (Cass. 2e civ., 7 juill. 2011, n° 10-21.061)

D) Caducité de la citation

🡺Généralités

La caducité fait partie de ces notions juridiques auxquelles le législateur et le juge font régulièrement référence sans qu’il existe pour autant de définition arrêtée. Si, quelques études lui ont bien été consacrées[1], elles sont si peu nombreuses que le sujet est encore loin d’être épuisé.

En dépit du faible intérêt qu’elle suscite, les auteurs ne manquent pas de qualificatifs pour décrire ce que la caducité est supposée être. Ainsi, pour certains l’acte caduc s’apparenterait à « un fruit parfaitement mûr […] tombé faute d’avoir été cueilli en son temps »[2]. Pour d’autres, la caducité évoquerait « l’automne d’un acte juridique, une mort lente et sans douleur »[3].

D’autres encore voient dans cette dernière un acte juridique frappé accidentellement de « stérilité »[4]. L’idée générale qui ressort de ces descriptions, est que l’action du temps aurait eu raison de l’acte caduc de sorte qu’il s’en trouverait privé d’effet. De ce point de vue, la caducité se rapproche de la nullité, laquelle a également pour conséquence l’anéantissement de l’acte qu’elle affecte. Est-ce à dire que les deux notions se confondent ? Assurément non.

🡺Caducité et nullité

C’est précisément en s’appuyant sur la différence qui existe entre les deux que les auteurs définissent la caducité. Tandis que la nullité sanctionnerait l’absence d’une condition de validité d’un acte juridique lors de sa formation, la caducité s’identifierait, quant à elle, à l’état d’un acte régulièrement formé initialement, mais qui, en raison de la survenance d’une circonstance postérieure, perdrait un élément essentiel à son existence.

La caducité et la nullité ne viseraient donc pas à sanctionner les mêmes défaillances. Cette différence d’objet ne saurait toutefois occulter les rapports étroits qu’entretiennent les deux notions, ne serait-ce parce que le vice qui affecte l’acte caduc aurait tout aussi bien pu être source de nullité s’il était apparu lors de la formation dudit acte. Sans doute est-ce d’ailleurs là l’une des raisons du regain d’intérêt pour la caducité ces dernières années.

🡺La caducité en matière civile

Lorsqu’elle a été introduite dans le Code civil, l’usage de cette notion est limité au domaine des libéralités. Plus précisément il est recouru à la caducité pour sanctionner la défaillance de l’une des conditions exigées pour que le legs, la donation ou le testament puisse prospérer utilement telles la survie[5] ou la capacité [6] du bénéficiaire ou bien encore la non-disparition du bien légué[7].

Ce cantonnement de la caducité au domaine des actes à titre gratuit va s’estomper peu à peu avec les métamorphoses que connaît le droit des contrats. Comme le souligne Véronique Wester-Ouisse « alors que la formation du contrat était le seul souci réel des rédacteurs du Code civil, le contrat, aujourd’hui, est davantage examiné au stade de son exécution »[8] si bien que l’appropriation de la notion de caducité par les spécialistes du droit des contrats prend alors tout son sens[9]. Là ne s’arrête pas son expansion. La caducité fait également son apparition en droit judiciaire privé.

🡺La caducité en matière procédurale

Bien que les auteurs soient partagés sur la question de savoir s’il s’agit de la même caducité que celle rencontrée en droit civil[10], tous s’accordent à dire qu’elle intervient comme une véritable sanction.

En droit judiciaire privé la caducité aurait, en effet, pour fonction de sanctionner l’inaction des parties qui n’auraient pas effectué les diligences requises dans le délai prescrit par la loi[11].

À l’examen, c’est à cette caducité-là que fait référence l’article 406 du CPC, lequel envisage la caducité de la citation comme une cause d’extinction de l’instance.

Plus précisément, ce type de caducité intervient pour sanctionner le non-accomplissement d’un acte subséquent à l’acte introductif d’instance et qui lui est essentiel dans un certain délai.

1. Les causes de caducité

Classiquement, on recense trois causes de caducité de la citation en justice

  • La caducité pour défaut de saisine du Juge
    • Cette cause de caducité concerne toutes les procédures contentieuses
      • En première instance
        • L’article 754 du CPC prévoit que l’assignation est caduque si une copie n’en a pas été remise au greffe dans les délais énoncés par le texte (2 mois ou 15 jours).
        • Il s’agit d’une sanction radicale puisque, comme le prévoit l’article 385 du CPC, elle entraîne l’extinction de l’instance, et fait donc encourir à la partie négligente le risque de perdre son action, sauf le droit d’introduire une nouvelle instance si l’action n’est pas éteinte par ailleurs (Cass. 2e civ., 12 juin 2008, n° 07-14.443).
        • Cette règle se retrouve pour la procédure à jour fixe (art. 843 CPC).
      • En appel
        • La récente réforme de la procédure civile d’appel a donné un regain d’actualité à la notion de caducité, mise en exergue par les décrets n° 2009-1524 du 9 décembre 2009 relatif à la procédure d’appel avec représentation obligatoire en matière civile et n° 2010-1647 du 28 décembre 2010 modifiant la procédure d’appel avec représentation obligatoire en matière civile, ayant pour objet d’en améliorer la célérité et l’efficacité.
        • En application de l’article 902 du code de procédure civile, la déclaration d’appel est caduque si elle n’est pas signifiée à l’intimé n’ayant pas constitué avocat dans le mois de l’avis donné par le greffe à l’appelant d’avoir à effectuer cette formalité.
        • Et l’article 908 du code de procédure civile prévoit la caducité de la déclaration d’appel si l’appelant n’a pas conclu dans les trois mois de celle-ci.
  • La caducité pour défaut de comparution
    • La non-comparution à l’audience du demandeur est sanctionnée par la caducité de la citation.
    • Cette sanction est encourue devant toutes les juridictions, quelle que soit la procédure engagée.
    • L’article 468 du CPC prévoit en ce sens que si, sans motif légitime, le demandeur ne comparaît pas deux alternatives sont envisageables :
      • Première alternative
        • Le défendeur peut requérir un jugement sur le fond qui sera contradictoire, sauf la faculté du juge de renvoyer l’affaire à une audience ultérieure.
      • Seconde alternative
        • Le juge peut, même d’office, déclarer la citation caduque.
        • La déclaration de caducité peut être rapportée si le demandeur fait connaître au greffe dans un délai de quinze jours le motif légitime qu’il n’aurait pas été en mesure d’invoquer en temps utile.
        • Dans ce cas, les parties sont convoquées à une audience ultérieure.
  • La caducité pour défaut d’accomplissement d’une formalité
    • L’article 469 du CPC, applicables devant toutes les juridictions de l’ordre judiciaire, dispose que si, après avoir comparu, l’une des parties s’abstient d’accomplir les actes de la procédure dans les délais requis deux alternatives sont là encore envisageables :
      • Première Alternative
        • Le juge statue par jugement contradictoire au vu des éléments dont il dispose.
      • Seconde alternative
        • Le défendeur peut cependant demander au juge de déclarer la citation caduque
    • Ici, le choix est laissé au défendeur qui peut soit laisser le juger rendre sa décision, soit se prévaloir de la caducité de la citation du demandeur.

2. Le prononcé de la caducité

🡺Décision

  • Le pouvoir du juge
    • Il convient de distinguer ici selon les causes de la caducité
      • La caducité de la citation résulte du défaut de saisine du Juge
        • Dans cette hypothèse, tant en première instance qu’en appel, le Juge est investi du pouvoir de se saisir d’office
          • En première instance
            • L’article 754 du CPC prévoit que dans l’hypothèse où l’assignation n’est pas placée dans le délai de 2 mois ou 15 jours, selon le cas, à compter de sa signification, la caducité de l’assignation est constatée d’office par ordonnance du juge, ou, à défaut, à la requête d’une partie.
            • Il en va de même pour la procédure à jour fixe (art. 843 CPC).
          • En appel
            • Le juge peut la prononcer d’office, même si le texte ne le prévoit pas explicitement.
            • La Cour de cassation en a récemment jugé ainsi dans le cas de la caducité de la déclaration d’appel, faute de notification par l’appelant de la déclaration d’appel dans le mois suivant l’avis du greffe l’invitant à cette diligence, alors même que l’article 902 du code de procédure civile prescrivant cette diligence ne prévoyait pas, à la différence des autres diligences prescrites par la réforme de la procédure d’appel, le pouvoir pour le juge de la relever d’office (Cass. 2e Civ., 26 juin 2014, n°13-20.868).
            • Comme la caducité de l’assignation, celle de la déclaration d’appel doit être prononcée sur le seul constat de l’absence de la formalité requise dans le délai fixé, sans que le juge dispose à cet égard d’un pouvoir de modération lui permettant de tenir compte de circonstances particulières, et même en l’absence de grief.
      • La caducité résulte du défaut de comparution du demandeur
        • L’article 468 du CPC prévoit que, dans cette hypothèse, le juge peut déclarer d’office la citation.
        • Il s’agit néanmoins d’une simple faculté
        • Aucune obligation ne pèse donc sur le Juge qui peut décider de ne pas prononcer la caducité de la citation, sauf à ce que la demande soit formulée par le défendeur
      • La caducité résulte du défaut d’accomplissement d’une formalité
        • Ici, le juge ne dispose pas de relever d’office la caducité de la citation.
        • L’article 469 dispose en ce sens que « le défendeur peut cependant demander au juge de déclarer la citation caduque. »
        • Si donc le défendeur décide de ne pas se prévaloir de la caducité de la citation, le juge sera contraint de rendre une décision.
  •  

🡺Voies de recours

L’article 407 du CPC prévoit que « la décision qui constate la caducité de la citation peut être rapportée, en cas d’erreur, par le juge qui l’a rendue. »

Autrement dit, les parties disposent de la faculté de solliciter la rétractation de la décision prise par le juge qui constate la caducité de la citation.

S’agissant du délai pour exercer la voie de recours, les textes sont silencieux sur ce point, de sorte que les parties ne sont pas menacées par la forclusion en cas de recours tardif. Pour que celui-ci prospère, il leur appartiendra, néanmoins, de saisir le Juge dans un délai raisonnable.

3. Les effets de la caducité

Lorsqu’elle est prononcée ou constatée, la caducité produit des effets :

  • Pour l’avenir
  • Pour le passé

🡺Pour l’avenir : extinction de l’instance

Lorsque la caducité frappe la citation en justice, elle a pour effet de mettre fin à l’instance engagée par le demandeur. Le juge est alors immédiatement dessaisi de l’affaire.

Cet effet de la caducité est énoncé à l’article 385 du CPC qui dispose que « l’instance s’éteint à titre principal par l’effet de la péremption, du désistement d’instance ou de la caducité de la citation. »

Reste que si l’instance est éteinte par l’effet de la caducité, l’action subsiste, de sorte qu’une nouvelle procédure pourra toujours être engagée sur le même fondement.

L’alinéa 2 de l’article 385 du CPC prévoit en ce sens que « la constatation de l’extinction de l’instance et du dessaisissement de la juridiction ne met pas obstacle à l’introduction d’une nouvelle instance, si l’action n’est pas éteinte par ailleurs. »

🡺Pour le passé : anéantissement rétroactif des actes de procédure

Traditionnellement, la caducité est perçue comme étant dépourvue d’effet rétroactif ; elle éteint seulement l’acte qu’elle affecte pour l’avenir. Rana Chaaban analyse cette perception – encore majoritaire aujourd’hui – en relevant que, « dans la conception originelle, le domaine de la caducité était limité aux actes juridiques qui n’ont reçu aucune exécution »[12].

C’est la raison pour laquelle, pendant longtemps, la rétroactivité de la caducité n’a pas été envisagée[13]. Il eût, en effet, été absurde de faire rétroagir la caducité en vue d’anéantir un acte qui n’a encore produit aucun effet.

Bien que la non-rétroactivité soit toujours considérée comme une caractéristique indissociable de la caducité, les données du problème ont pourtant changé. La caducité n’est plus cantonnée au domaine des legs : elle a été importée en droit des contrats et en droit judiciaire privé[14]. Il en résulte qu’elle est, désormais, susceptible de frapper des actes qui ont reçu une exécution partielle voire totale[15].

Partant, la question de sa rétroactivité s’est inévitablement posée. Plus précisément, on s’est interrogé sur la question de savoir s’il est des situations engendrées par la caducité qui justifieraient que l’on recourt à la fiction juridique qu’est la rétroactivité laquelle, on le rappelle, consiste à substituer « une situation nouvelle à une situation antérieure de telle sorte que tout se passe comme si celle-ci n’avait jamais existé »[16].

Comme le souligne Jean Deprez autant il est normal « qu’une situation juridique soit détruite pour l’avenir par l’intervention d’un acte ou d’un événement qui en opère l’extinction, autant il est anormal de détruire les effets qu’elle a produits dans le passé »[17].

Aussi, la rétroactivité, poursuit-il, n’est « justifiable que dans la mesure où cette protection en nécessite le mécanisme »[18]. En l’absence de textes régissant les effets de la caducité, c’est tout naturellement au juge qu’il est revenu le soin de déterminer si l’on pouvait attacher à la caducité un effet rétroactif.

Si, manifestement, les juridictions sont régulièrement amenées à statuer sur cette question, il ressort de la jurisprudence qu’il n’existe, pour l’heure, aucun principe général applicable à tous les cas de caducité. Comme elle le fait souvent pour les notions dont elle peine à se saisir, la jurisprudence agit de façon désordonnée, par touches successives.

À défaut d’unité du régime juridique de la caducité, une partie de la doctrine voit néanmoins, dans les dernières décisions rendues en matière de caducité d’actes de procédure, l’ébauche d’une règle qui gouvernerait ses effets. Les contours de cette règle demeurent toutefois encore mal définis.

Remontons, pour avoir une vue d’ensemble du tableau, à l’époque où l’idée selon laquelle la caducité serait nécessairement dépourvue de rétroactivité a évolué. La question de la rétroactivité de la caducité affectant un acte de procédure s’est tout d’abord posée lorsque l’on s’est demandé si l’on pouvait confondre l’assignation caduque avec l’assignation frappée de nullité. En les assimilant, cela permettait d’attraire l’assignation caduque dans le giron de l’ancien article 2247 du Code civil qui énonçait les cas dans lesquels l’interruption de prescription était non avenue.

Pendant longtemps, la jurisprudence s’est refusée à procéder à pareille assimilation[19]. En un sens, cela pouvait se comprendre dans la mesure où, techniquement, la caducité se distingue nettement de la nullité. Or la liste des cas prévus à l’ancien article 2247 du Code civil était exhaustive.

Cet obstacle textuel n’a cependant pas empêché la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, de revenir sur sa position dans un arrêt du 3 avril 1987[20]. Dans cette décision, les juges du Quai de l’Horloge ont estimé que, quand bien même la caducité de l’assignation ne figurait pas parmi les circonstances visées par la loi, elle était, comme la nullité, insusceptible d’« interrompre le cours de la prescription ». De cette décision, les auteurs en ont alors déduit que la caducité pouvait avoir un effet rétroactif.

Si, ce revirement de jurisprudence a été confirmé par la suite[21] ; on est légitimement en droit de se demander si elle est toujours valable. Le nouvel article 2243 du Code civil, introduit par la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, ne fait plus référence à la nullité de l’assignation.

Est-ce à dire que l’assignation nulle conserverait son effet interruptif de prescription et que, par voie de conséquence, il en irait de même pour l’assignation caduque ? Un auteur prédit que la solution adoptée par l’assemblée plénière sera maintenue[22]. S’il se trompe, cela ne remettra toutefois pas en cause le mouvement tendant à reconnaître à la caducité un effet rétroactif.

  1. V. en ce sens Y. Buffelan-Lanore, Essai sur la notion de caducité des actes juridiques en droit civil, LGDJ, 1963; N. Fricero-Goujon, La caducité en droit judiciaire privé : thèse Nice, 1979 ; C. Pelletier, La caducité des actes juridiques en droit privé, L’Harmattan, coll. « logiques juridiques », 2004 ; R. Chaaban, La caducité des actes juridiques, LGDJ, 2006.
  2. R. Perrot, « Titre exécutoire : caducité d’une ordonnance d’homologation sur la pension alimentaire », RTD Civ., 2004, p. 559.
  3. M.-C. Aubry, « Retour sur la caducité en matière contractuelle », RTD Civ., 2012, p. 625.
  4. H. roland et L. Boyer, Introduction au droit, Litec, coll. « Traités », 2002, n°102, p. 38.
  5. Article 1089 du Code civil.
  6. Article 1043 du Code civil.
  7. Article 1042, alinéa 1er du Code civil.
  8. V. Wester-Ouisse, « La caducité en matière contractuelle : une notion à réinventer », JCP G, n°4, Janv. 2001, I 290.
  9. V. en ce sens F. Garron, La caducité du contrat : étude de droit privé, PU Aix-Marseille, 2000.
  10. Pour Caroline Pelletier la caducité envisagée par les civilistes et la caducité que l’on rencontre en droit judiciaire privé forment une seule et même notion (C. Pelletier, op. cit., n°402, p.494-495). À l’inverse, Rana Chaaban estime qu’il s’agit là de caducités différentes (R. Chaaban, op. cit., n°29, p. 20). Elle estime en ce sens que, « contrairement à la caducité judiciaire, la caducité de droit civil éteint un droit substantiel, et non un élément processuel ».
  11. V. en ce sens S. Guinchard, «Le temps dans la procédure civile », in XVe Colloque des instituts d’études judiciaires, Clermont-Ferrand, 13-14-15 octobre 1983, Annales de la faculté de droit et de science politique de Clermont-Ferrand, 1983, p. 65-76.
  12. R. Chaaban, op. cit., n°371, p. 333.
  13. Pierre Hébraud affirme en ce sens que les effets de l’acte caduc « se concentrent dans cette chute, sans rayonner au-delà, sans s’accompagner, notamment de rétroactivité » (P. Hébraud, Préface de la thèse de Y. Buffelan-Lanore, Essai sur la notion de caducité des actes juridiques en droit civil, LGDJ, 1963, p. VI).
  14. Dès 1971 la notion de caducité fait son apparition en droit des contrats. Dans trois arrêts remarqués, la Cour de cassation juge, par exemple, caduque une stipulation contractuelle qui ne satisfaisait plus, en cours d’exécution d’un contrat, à l’exigence de déterminabilité du prix (Cass. com., 27 avr. 1971, n° 69-10.843, n° 70-10.752 et n° 69-12.329 : Gaz. Pal. 1971, 2, p. 706, [3 arrêts] ; JCP G 1972, II, 16975 note J. Boré ; D. 1972, p. 353, note J. Ghestin, W. Rabinovitch).
  15. Caroline Pelletier note que le cantonnement de la caducité aux actes juridiques non entrés en vigueur « ne reflète plus l’état du droit positif et [qu’elle] peut, aussi, sans inconvénient, résulter d’un fait générateur intervenant après le début de l’exécution de l’acte juridique » (C. Pelletier, op. cit., n°3, p. 17).
  16. R. Houin, « Le problème des fictions en droit civil », Travaux de l’association H. Capitant, 1947, p. 247.
  17. J. Deprez, La rétroactivité dans les actes juridiques : Thèse, Rennes, 1953, n°1.
  18. Ibid., n°61.
  19. Cass. 2e civ., 2 déc. 1982 : Bull. civ. 1982, II, n° 158 ; RTD civ. 1983, p. 593, obs. R. Perrot; Cass. 2e civ., 13 févr. 1985 : JCP G 1985, IV, 15.
  20. Cass. ass. plén., 3 avr. 1987 : JCP G 1987, II, 20792, concl. M. Cabannes ; Gaz. Pal. 1987, 2, somm. p. 173, note H. Croze et Ch. Morel ; RTD civ. 1987, p. 401, obs. R. Perrot ; D. 1988, Somm. p. 122, obs. P. Julien.
  21. Cass. soc., 21 mai 1996 : D. 1996, inf. rap. p. 154 ; Civ. 2e, 3 mai 2001, n° 99-13.592, D. 2001. 1671; RTD civ. 2001. 667, obs. R. Perrot, Bull. civ. II, n° 89 ; Cass. 2e civ., 11 oct. 2001, n° 99-16.269: Bull. civ. 2001, II, n° 153; Com. 14 mars 2006, n° 03-10.945.
  22. V. en ce sens L. Miniato, « La loi du 17 juin 2008 rend-elle caduque la jurisprudence de l’assemblée plénière de la Cour de cassation ? », Dalloz, 2008, p. 2592.

La procédure à jour fixe

En certaines circonstances, il y a urgence pour les parties d’obtenir une décision au fond afin de faire trancher un litige qui relève de la compétence du Tribunal judiciaire.

Si la procédure de référé permet à répondre au besoin d’urgence, elle ne permet pas d’obtenir une décision assortie de l’autorité de la chose jugée au principal.

C’est la raison pour laquelle une procédure – jour fixe – a été envisagée par le législateur afin de pallier cette carence.

La justice civile doit, en effet, démontrer son aptitude à trancher dans les délais les plus brefs des litiges dont le traitement relève à la fois du juge des référés et du juge du fond.

À titre d’exemple, la contrefaçon de modèles alléguée avant l’ouverture d’un salon professionnel nécessite à la fois des mesures d’investigation ou conservatoires (référé) et une décision sur le fond du litige (interprétation de contrats, appréciation des droits des parties).

S’il paraît excessif de marier systématiquement justice provisoire et justice définitive, il semble judicieux de permettre, de manière souple, au magistrat, une fois les mesures de référé prises, de « prendre la toque » du juge du fond pour trancher le litige par une décision ayant

autorité de la chose jugée.

C’est précisément ce qu’autorise la procédure à jour fixe régie aux articles 840 à 844 du Code de procédure civile.

Reste que l’urgence ne doit pas se faire au préjudice des principes directeurs du procès, dont le principe du contradictoire.

Aussi, est-elle rigoureusement encadrée et circonscrite afin d’éviter les abus et détournements de procédure.

Le demandeur ne doit pas se voir imposer une orientation vers le jour fixe, procédure orale suivie à ses risques et périls.

Réciproquement le justiciable ne doit pas être en mesure de porter à la connaissance du juge saisi dans un premier temps en référé, des chefs de demande qui n’auraient aucun lien avec les mesures provisoires sollicitées.

À cet égard, la procédure à jour fixe est soumise à la représentation obligatoire, ce qui a pour objectif de dissuader de tout détournement de procédure.

Par ailleurs, le juge doit veiller au respect du principe du contradictoire à l’audience, et si nécessaire renvoyer la cause à la procédure de la mise en état (art. 844 CPC), conformément à la philosophie générale du jour fixe.

La procédure à jour fixe comporte plusieurs étapes :

  • L’autorisation d’assigner à jour fixe
  • La saisine du Tribunal
  • L’instance

I) L’autorisation d’assigner à jour fixe

L’article 840 du CPC dispose que « dans les litiges relevant de la procédure écrite ordinaire, le président du tribunal peut, en cas d’urgence, autoriser le demandeur, sur sa requête, à assigner le défendeur à jour fixe. Il désigne, s’il y a lieu, la chambre à laquelle l’affaire est distribuée. »

Tout d’abord, il convient d’observer que le domaine d’application de la procédure à jour fixe est cantonné à la procédure écrite ordinaire.

Ensuite, il ressort du texte que la mise en œuvre de la procédure à jour fixe est subordonnée à la réunion de conditions de fond et de forme.

Lorsque ces deux conditions sont réunies, le Président du Tribunal rend une ordonnance qui autorise le demandeur à assigner la partie adverse sous le régime de la procédure à jour fixe.

A) Les conditions d’obtention de l’autorisation

1. Les conditions de fond

==>L’urgence

Il ressort de l’article 840 du CPC qu’il ne peut être recouru à la procédure à jour fixe qu’« en cas d’urgence ».

En l’absence de précisions supplémentaires sur la notion d’urgence, elle doit être entendue de la même manière qu’en matière de référé.

Classiquement, on dit qu’il y a urgence lorsque « qu’un retard dans la prescription de la mesure sollicitée serait préjudiciable aux intérêts du demandeur » (R. Perrot, Cours de droit judiciaire privé, 1976-1977, p. 432).

Il appartient de la sorte au juge de mettre en balance les intérêts du requérant qui, en cas de retard, sont susceptibles d’être mis en péril et les intérêts du défendeur qui pourraient être négligés en cas de décision trop hâtive à tout le moins mal-fondée.

En toute hypothèse, l’urgence est appréciée in concreto, soit en considération des circonstances de la cause.

Son appréciation relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond. L’urgence de l’article 834 du code de procédure civile ne fait, en effet, pas l’objet d’un contrôle de la part de la Cour de cassation, en raison de son caractère factuel, ce qui donne aux arrêts rendus sur cette question la valeur de simples exemples, qui se bornent à constater que les juges l’ont caractérisée (V. en ce sens Cass. 2e civ., 3 mai 2006, pourvoi n° 04-11.121).

==>Une affaire en état d’être jugée

Bien que non prévue par l’article 840 du CPC, il est une condition de fond qui doit être remplie pour que le Président du Tribunal autorise le demandeur à assigner à jour fixe : l’affaire qui lui est soumise doit être en état d’être jugée.

Cela signifie qu’il est absolument nécessaire que la requête soit particulièrement motivée en droit et en fait et qu’elles soient assorties de suffisamment de pièces pour que l’affaire puisse être débattue dans le cadre d’une audience.

Autrement dit, il est nécessaire que les circonstances n’appellent pas d’instruction complémentaire, à défaut de quoi le Président du Tribunal sera contrat de renvoyer l’affaire pour une mise en état.

2. Les conditions de forme

Les conditions de forme auxquelles la requête aux fins d’obtention d’une autorisation à assigner à jour fixe sont énoncées aux alinéas 2 et 3 de l’article 840 du CPC.

a. Sur le contenu de la requête

==>Sur les mentions de droit commun

En application des articles 54, 57, 494 et 757 du CPC, la requête doit comporter les mentions obligatoires suivantes :

Mentions de droit commun
Art. 54• A peine de nullité, la demande initiale mentionne :

1° L’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;

2° L’objet de la demande ;

3° a) Pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs ;

b) Pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l’organe qui les représente légalement ;

4° Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier ;

5° Lorsqu’elle doit être précédée d’une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les diligences entreprises en vue d’une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d’une telle tentative.
Art. 57• Elle contient, outre les mentions énoncées à l’article 54, également à peine de nullité :

-lorsqu’elle est formée par une seule partie, l’indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée ou s’il s’agit d’une personne morale, de sa dénomination et de son siège social

-dans tous les cas, l’indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée.

•Elle est datée et signée.
Art. 757• Outre les mentions prescrites par les articles 54 et 57, la requête doit contenir, à peine de nullité, un exposé sommaire des motifs de la demande.

• Les pièces que le requérant souhaite invoquer à l’appui de ses prétentions sont jointes à sa requête en autant de copies que de personnes dont la convocation est demandée.

• Le cas échéant, la requête mentionne l’accord du requérant pour que la procédure se déroule sans audience en application de l’article L. 212-5-1 du code de l’organisation judiciaire.

• Lorsque la requête est formée par voie électronique, les pièces sont jointes en un seul exemplaire.

• Lorsque chaque partie est représentée par un avocat, la requête contient, à peine de nullité, la constitution de l’avocat ou des avocats des parties.

• Elle est signée par les avocats constitués.
Mentions spécifiques
Ordonnance sur
requête

(Art. 494)
• La requête est présentée en double exemplaire.

• Elle doit être motivée.

• Elle doit comporter l’indication précise des pièces invoquées.

• Si elle est présentée à l’occasion d’une instance, elle doit indiquer la juridiction saisie.

• En cas d’urgence, la requête peut être présentée au domicile du juge.
Requête en
injonction
de payer

(Art. 1407)
• Outre les mentions prescrites par l’article 57, la requête contient l’indication précise du montant de la somme réclamée avec le décompte des différents éléments de la créance ainsi que le fondement de celle-ci.

• Elle est accompagnée des documents justificatifs.
Requête en
injonction
de faire

(Art. 1425-2)
• Outre les mentions prescrites par l’article 57, la requête contient :

1° L’indication précise de la nature de l’obligation dont l’exécution est poursuivie ainsi que le fondement de celle-ci ;

2° Eventuellement, les dommages et intérêts qui seront réclamés en cas d’inexécution de l’injonction de faire.

• Elle est accompagnée des documents justificatifs.

==>Sur les mentions propres à la procédure à jour fixe

La requête doit :

  • D’une part, exposer les motifs de l’urgence
  • D’autre part, contenir les conclusions du demandeur
  • Enfin, viser les pièces justificatives

==>Sur la présentation de la requête

L’alinéa 3 de l’article 840 dispose que « copie de la requête et des pièces doit être remise au président pour être versée au dossier du tribunal. »

B) La décision du Président du Tribunal

S’il estime la requête fondée, le Président du Tribunal autorise le demandeur à assigner à jour fixe. Il s’ensuit la désignation de « la chambre à laquelle l’affaire est distribuée » (art. 840 CPC).

En cas de rejet de la requête, la Cour de cassation considère que l’ordonnance prise par le Président est insusceptible d’une voie de recours, considérant qu’il s’agit d’une mesure d’administration judiciaire.

Dans un arrêt du 24 juin 2004, la deuxième chambre civile a jugé en ce sens que « l’ordonnance sur requête rendue en application de l’article 788 du nouveau Code de procédure civile constitue une mesure d’administration judiciaire qui, comme telle, est insusceptible de tout recours et ne peut donner lieu à référé à fin de rétractation » (Cass. 2e civ. 24 juin 2004, n°02-14.886).

En cas d’autorisation d’assigner à jour fixe, l’ordonnance doit indiquer le jour et l’heure de l’audience à laquelle l’affaire sera appelée et, s’il y a lieu, la chambre à laquelle elle a été distribuée.

À réception de l’ordonnance, le demandeur va pouvoir assigner à jour fixe son contradicteur et saisir, consécutivement, le Tribunal judiciaire.

II) La saisine du Tribunal

==>Mode de saisine : l’assignation

Lorsqu’une procédure à jour fixe est engagée, l’article 843, al. 1er du CPC prévoit que la saisine du Tribunal s’opère par voie d’assignation.

Cette disposition prévoit en ce sens que « le tribunal est saisi par la remise d’une copie de l’assignation au greffe. »

L’alinéa 2 de l’article 843 précise que « cette remise doit être faite avant la date fixée pour l’audience faute de quoi l’assignation sera caduque. »

==>Mentions obligatoires de l’assignation

L’article 841 du CPC prévoit que, outre les mentions communes à toutes les assignations et spécifiquement à celles relatives à la saisine du Tribunal judiciaire, dans le cadre de la procédure à jour fixe :

  • D’une part, l’assignation indique à peine de nullité les jour et heure fixés par le président auxquels l’affaire sera appelée ainsi que la chambre à laquelle elle est distribuée.
  • D’autre part, l’assignation informe le défendeur qu’il peut prendre connaissance au greffe de la copie des pièces visées dans la requête et lui fait sommation de communiquer avant la date de l’audience celles dont il entend faire état.

Dans un arrêt du 10 novembre 2016, la Cour de cassation a affirmé que « le non-respect du délai fixé par le premier président dans l’ordonnance autorisant l’assignation à jour fixe pour la délivrance des assignations ne peut être sanctionné par la caducité de l’ordonnance et partant de l’assignation à jour fixe qu’elle autorise et est sans incidence sur la recevabilité de l’appel » (Cass. 2e civ. 10 nov. 2016, n°15-11.407).

De manière générale, la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 9 décembre 1980 que les irrégularités dont est affectée l’assignation n’encourent la nullité qu’à la condition que soit établi l’existence d’un grief (Cass. com. 9 déc. 1980, n°79-10.877).

==>Notification de l’assignation

La notification de l’assignation à la partie adverse doit intervenir dans un délai raisonnable avant la tenue de l’audience, soit le plus rapidement possible compte tenu des délais rapprochés inhérents à la procédure à jour fixe.

En outre, l’article 841, al. 1er in fine exige qu’une copie de la requête soit jointe à l’assignation, laquelle requête doit être assortie de l’ordonnance rendue par le Président aux termes de laquelle il a autorisé le demandeur à assigner à jour fixe.

Quant au placement de l’assignation, en application de l’article 843 du CPC, il doit intervenir « avant la date fixée pour l’audience faute de quoi l’assignation sera caduque. »

La caducité est constatée d’office par ordonnance du président de la chambre à laquelle l’affaire est distribuée.

==>Constitution d’avocat

L’article 842 précise que « le défendeur est tenu de constituer avocat avant la date de l’audience » et non dans les quinze jours à compter de la délivrance l’assignation comme ce qui est prévu pour la procédure ordinaire.

III) L’instance

La procédure à jour fixe ne comporte aucune phase d’instruction. Et pour cause, elle a été créée afin de permettre qu’il soit statué sur un litige sans mise en état préalable.

La conséquence en est que le renvoi à l’audience n’est nullement subordonné au prononcé d’une ordonnance de clôture qui, par hypothèse, ne relève pas de la procédure à jour fixe.

Afin de préserver les droits de la défense qui sont susceptibles d’être affectés par l’absence de mise en état de l’affaire, le législateur a posé plusieurs garde-fous.

  • L’observation du principe du contradictoire
    • L’article 844 du CPC dispose que, avant toute chose, le jour de l’audience, le président doit s’assurer qu’il s’est écoulé un temps suffisant depuis l’assignation pour que la partie assignée ait pu préparer sa défense.
    • Cette vérification répond à l’exigence d’observation du principe du contradictoire.
    • Il ne serait pas acceptable que la partie attrait à une procédure à jour fixe ne soit pas en mesure de répondre à son contradicteur.
    • Aussi, le Président du Tribunal a-t-il l’obligation de vérifier que le principe du contradictoire a bien été respecté.
    • Dans le cas contraire, il dispose de la faculté de renvoyer l’affaire à une audience ultérieure à l’instar de la procédure de référé.
  • La constitution d’avocat par le défendeur
    • L’article 844 envisage les deux situations :
      • Le défendeur a constitué avocat
        • Dans cette hypothèse, l’affaire est plaidée sur-le-champ en l’état où elle se trouve, même en l’absence de conclusions du défendeur ou sur simples conclusions verbales.
        • Ainsi, dès lors qu’un avocat est constitué, le Président peut considérer que les droits de la défense sont préservés de sorte que l’affaire peut, dans ces conditions, être jugée
        • Le Tribunal pourra se déterminer, tant au vu des conclusions écrites, qu’au vu des conclusions orales.
      • Le défendeur n’a pas constitué avocat
        • Dans cette hypothèse, l’article 844, al. 4 du CPC prévoit qu’il est procédé selon les règles prévues à l’article 778.
        • Cette disposition autorise le Président à renvoyer à l’audience les affaires dans lesquelles le défendeur ne comparaît pas si elles sont en état d’être jugées sur le fond, à moins qu’il n’ordonne la réassignation du défendeur.
        • Si, en revanche, l’affaire n’est pas en état d’être jugée, il la renvoie devant le Juge de la mise en état.
  • L’affaire n’est pas en état d’être jugée
    • L’article 844, al. 3 du CPC dispose que « en cas de nécessité, le président de la chambre peut user des pouvoirs prévus à l’article 779 ou renvoyer l’affaire devant le juge de la mise en état. »
    • Ainsi, en cas de nécessité, soit au regard des circonstances de la cause, le Président dispose de deux options :
      • Soit renvoyer l’affaire à une audience ultérieure
        • Cette option vise à conférer une dernière fois de l’affaire, s’il estime qu’un ultime échange de conclusions ou une ultime communication de pièces suffit à la mettre en état ou que les conclusions des parties doivent être mises en conformité avec les dispositions de l’article 768, soit celles qui régissent leur rédaction
        • Le président impartit alors à chacun des avocats le délai nécessaire à la signification des conclusions et, s’il y a lieu, à la communication des pièces.
      • Soit renvoyer l’affaire devant le juge de la mise en état
        • Le Président du Tribunal optera pour cette solution lorsqu’il constatera que l’affaire n’est pas en état d’être jugée et qu’un renvoi à une audience ultérieure ne sera pas suffisant pour qu’elle le soit.
        • Cette situation s’appréciera au cas par cas, l’article 844 du CPC se limitant à conditionner cette option à l’existence d’une « nécessité ».
  • La procédure sans audience
    • L’article 843 al. 2 prévoit que, à tout moment de la procédure, les parties peuvent donner expressément leur accord pour que la procédure se déroule sans audience conformément aux dispositions de l’article L. 212-5-1 du code de l’organisation judiciaire.
    • Dans ce cas, le président de la chambre organise les échanges entre les parties.
    • Celles-ci formulent leurs prétentions et leurs moyens par écrit.
    • La communication entre elles est faite par notification entre avocats et il en est justifié auprès du président de la chambre dans les délais qu’il impartit.
    • Il peut faire application des dispositions prévues au cinquième alinéa de l’article 446-2

Extinction de l’instance: l’acquiescement

Le jugement est l’issue normale de tous les procès. Cependant une instance peut s’éteindre d’autres manières. Il est des cas où l’instance s’éteint accessoirement à l’action.

Ce sont : la transaction, l’acquiescement, le désistement d’action, ou, dans les actions non transmissibles, le décès d’une partie (art. 384 CPC).

Mais il est également des cas où l’instance s’éteint à titre principal par l’effet de la péremption, du désistement d’instance ou de la caducité de la citation.

L’action proprement dite n’en est pas affectée de sorte qu’une nouvelle instance pourrait être introduite s’il n’y a pas prescription (art. 385 CPC).

Nous nous focaliserons ici sur l’acquiescement.

==>Notion

Il ressort des articles 408 et 409 du CPC qu’il y a lieu de distinguer l’acquiescement à la demande de l’acquiescement au jugement

  • S’agissant de l’acquiescement à la demande
    • C’est le fait, de la part d’une partie, ordinairement le défendeur, de reconnaître le bien-fondé des prétentions de l’adversaire (art. 408 CPC).
    • À la différence de la péremption d’instance ou du désistement, l’acquiescement à la demande emporte non seulement annulation de la procédure mais également renonciation à l’action.
  • S’agissant de l’acquiescement au jugement
    • Il se distingue de l’acquiescement à la demande en ce qu’il emporte soumission aux chefs de celui-ci et renonciation aux voies de recours.
    • L’acquiescement au jugement se rapproche, en quelque sorte, du désistement de l’appel.

==>Conditions

  • Conditions communes
    • Principe : un acte de volonté
      • Tant l’acquiescement à la demande que l’acquiescement au jugement supposent l’accomplissement d’un acte de volonté de son auteur qui donc doit disposer de sa pleine capacité à consentir.
      • L’article 410, al. 1er du CPC prévoit que l’acquiescement peut être exprès ou implicite
    • Exception : l’effet de la loi
      • L’alinéa 2 de l’article 410 du CPC prévoit, s’agissant de l’acquiescement au jugement que l’exécution sans réserve d’un jugement non exécutoire vaut acquiescement, hors les cas où celui-ci n’est pas permis.
      • Il ressort de cette disposition que pour valoir acquiescement :
        • D’une part, l’exécution doit porter sur un jugement non exécutoire, soit non passé en force de chose jugée ou non assortie de l’exécution provisoire
        • D’autre part, elle ne doit pas être équivoque, en ce sens qu’elle ne doit laisser aucun doute quant à l’intention de la partie qui exécute la décision.
  • Conditions spécifiques
    • S’agissant de l’acquiescement à la demande
      • L’article 408 dispose qu’« il n’est admis que pour les droits dont la partie a la libre disposition. »
      • Ainsi, par exemple, en matière de filiation, l’article 323 du Code civil prévoit expressément que les actions, en ce domaine, ne peuvent faire l’objet de renonciation. Le caractère d’ordre public de la matière rend donc les droits indisponibles.
    • S’agissant de l’acquiescement au jugement
      • L’article 409 du CPC prévoit qu’« il est toujours admis sauf disposition contraire » en premier et dernier ressort
      • S’il ne connaît, par principe, aucune limite, des dispositions légales peuvent malgré tout prohiber l’acquiescement au jugement.
      • Tel est le cas de l’article 1122 du CPC qui dispose que « un majeur protégé ne peut acquiescer au jugement de divorce, ou se désister de l’appel, qu’avec l’autorisation du juge des tutelles. »

==>Effets

  • L’acquiescement à la demande
    • Il produit deux effets majeurs
      • D’une part, il emporte reconnaissance par le plaideur, du bien-fondé des prétentions de son adversaire
      • D’autre part, il vaut renonciation à contester et entraîne extinction de l’instance
  • L’acquiescement au jugement
    • Il emporte
      • D’une part, soumission aux chefs de la décision
        • L’effet de l’acquiescement demeure néanmoins relatif en ce qu’il n’est pas opposable aux autres parties contre lesquelles le jugement a été rendu
      • D’autre part, renonciation aux voies de recours
        • Dans l’hypothèse, toutefois où postérieurement à l’acquiescement, une autre partie forme régulièrement un recours, son auteur dispose de la faculté de revenir sur son acquiescement.
        • En dehors de cette hypothèse, l’acquiescement est définitif, de sorte qu’il rend toute voie de recours irrecevable, exception faite de l’action en rectification d’erreur matérielle (Cass. 2e civ., 7 juill. 2011, n° 10-21.061)

Les pouvoirs du Juge de la mise en état

==>La désignation du Juge de la mise en état

En application de l’article 779 du CPC, la désignation du Juge de la mise en état peut intervenir dans deux cas :

  • Dans le cadre de la procédure de mise en état conventionnelle
    • Cette situation correspond à l’hypothèse où les parties ont opté pour la conclusion d’une convention de procédure participative.
    • Plus précisément, un juge de la mise en état sera désigné si les parties ont formulé une demande de date de fixation de l’audience de clôture de l’instruction et une date d’audience de plaidoiries.
    • Bien que, par hypothèse, la mise en état soit ici conventionnelle, le juge désigné est chargé de trancher toutes les difficultés susceptibles de naître dans le cadre de la procédure participative.
    • Cette faculté de saisir le juge est une nouveauté introduite par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile qui a modifié les termes de l’article 1555, 5 du CPC.
    • En effet, cette disposition prévoit désormais que si l’ensemble des parties en sont d’accord, il est désormais possible de saisir le juge d’une difficulté en cours de procédure participative sans que cela ne mette fin à la convention (art. 1555, 5° CPC).
  • Dans le cadre de la procédure de mise en état judiciaire
    • En application de l’article 779 du CPC, lorsque, à l’issue de la procédure d’orientation, le Président du Tribunal ou le Président de chambre à laquelle l’affaire a été distribuée, décide de ne pas renvoyer l’affaire à l’audience aux fins de jugement, il procède à la désignation d’un juge de la mise en état aux fins d’instruction de l’affaire.
    • Cette désignation peut être décidée, tant au moment de la première audience d’orientation, qu’au moment de la seconde audience qui est susceptible de se tenir lorsque le Président considérera qu’il convient de consentir un délai aux parties avant de décider de l’orientation de l’affaire.
    • En tout état de cause, la désignation du juge de la mise en état, amorce la voie de ce que l’on appelle le circuit long.
    • Elle se produira toutes les fois que l’affaire n’est pas en état d’être jugée, à moins que l’une des parties ait été négligente dans l’observation des délais impartis pour conclure ou produire des pièces auquel cas le Président disposera toujours de la faculté de renvoyer directement l’affaire à l’audience de plaidoiries en guise de sanction, à la condition, toutefois, que la demande ait été formellement exprimée par un avocat.
    • Lorsque le Précisent décide de désigner le juge de la mise en état aux fins d’instruction de l’affaire qui, par hypothèse, n’est pas en état d’être jugée, le greffe est tenu d’en aviser les avocats, conformément au dernier alinéa de l’article 779 du CPC.

==>Les missions du Juge de la mise en état

La mission du Juge de la mise en état est d’assurer l’instruction de l’affaire. L’article 780 prévoit en ce sens que « l’affaire est instruite sous le contrôle d’un magistrat de la chambre à laquelle elle a été distribuée. »

Afin de mener à bien cette mission, le juge de la mise en état doit être guidé par deux objectifs dont l’atteinte conditionne le renvoi de l’affaire à l’audience de jugement :

  • Premier objectif
    • Il appartient au Juge de la mise en état de veiller au déroulement loyal de la procédure, spécialement à la ponctualité de l’échange des conclusions et de la communication des pièces.
    • Autrement dit, le Juge de la mise en état doit être le garant de la bonne tenue du débat judiciaire et, en particulier, du respect du principe du contradictoire.
    • L’observation de ce principe est une condition absolument nécessaire pour qu’il puisse être statué sur l’affaire.
    • L’article 16 du CPC dispose que « le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. »
    • Le principe de la contradiction est l’un des fondements du procès équitable.
    • Il participe du principe plus général du respect des droits de la défense et du principe de loyauté des débats.
    • À cet égard, pour la Cour européenne, le principe de la contradiction implique notamment le droit pour une partie de prendre connaissance des observations ou des pièces produites par l’autre, ainsi que de les discuter (CEDH, 20 février 1996, Lobo Machado c. Portugal, requête n° 15764/89).
  • Second objectif
    • L’article 799 du CPC prévoit que le juge de la mise en état déclare l’instruction close dès que l’état de celle-ci le permet et renvoie l’affaire devant le tribunal pour être plaidée
    • Ainsi, le second objectif qui doit être atteint par le Juge de la mise en état est d’impulser, en adoptant au besoin toutes les mesures utiles, les échanges de conclusions et les communications de pièces jusqu’à ce que le débat soit épuisé.
    • Autrement dit, il a pour tâche de faire en sorte que l’affaire soit en état d’être jugée.
    • Cette mission implique qu’il rythme la procédure en fixant un calendrier procédural, qu’il sollicite des auditions, qu’il entende les avocats, qu’il leur adresse des injonctions ou bien encore qu’il ordonne toute mesure d’instruction légalement admissible.

Au bilan, l’objectif d’efficacité et de célérité des procédures impose d’accorder une attention particulière à la mise en état.

Déjà plusieurs fois améliorée, elle est une phase essentielle et dynamique du procès civil dont l’objectif est de permettre d’audiencer des affaires véritablement en état d’être jugées.

Elle ne doit pas se limiter à de simples échanges de conclusions entre parties. Il s’agit en effet de permettre une mise en état non pas purement formelle mais une mise en état dite « intellectuelle » ce qui implique, de la part du juge notamment, une pleine connaissance de l’état du dossier.

Pour parvenir à cet objectif qui lui est assigné, le Juge de la mise en état dispose de nombreuses prérogatives dont certaines relèvent de sa compétence exclusive, soit de pouvoirs qui lui sont propres.

À cet égard, le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a étendu les pouvoirs du Juge de la mise en état.

Il a désormais compétence pour statuer sur les fins de non-recevoir, y compris lorsqu’il est nécessaire de trancher préalablement une question de fond.

Cette innovation est présentée par le rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile comme visant à désencombrer le rôle des affaires dont les conditions d’introduction compromettent leur examen au fond ou qui apparaissent manifestement irrecevables.

À l’examen, les pouvoirs – nombreux et étendus – dont est investi le Juge de la mise en état peuvent être classés en deux catégories :

  • Première catégorie : les pouvoirs d’administration judiciaire
    • Ces pouvoirs sont conférés aux juges de la mise en état afin qu’il exerce sa mission de contrôle et d’impulsion de l’instruction.
    • L’adoption de mesures d’administration judiciaire va, en effet, lui permettre d’impulser le débat et de discipliner les parties dans l’échange des conclusions et la production des pièces
    • La particularité des décisions instaurant des mesures d’administration judiciaire est qu’elles sont dépourvues de l’autorité de la chose jugée et qu’elles sont insusceptibles de voies de recours.
  • Seconde catégorie : les pouvoirs juridictionnels
    • Les pouvoirs juridictionnels dont est investi le juge de la mise en état visent à lui permettre de trancher les contestations et incidents susceptibles d’intervenir au cours de l’instruction de l’affaire
    • À la différence des mesures judiciaires, les actes juridictionnels sont assortis de l’autorité de la chose jugée, tantôt au principal, tantôt au provisoire.
    • Ils sont également susceptibles de voies de recours, ce qui dès lors tempère le caractère discrétionnaire et irrévocable des décisions prises par le Juge de la mise en état
    • Enfin, les actes juridictionnels doivent répondre au formalisme qui s’impose au juge lorsqu’il rend un jugement, en particulier à l’exigence de motivation de tout jugement

I) Les pouvoirs d’administration judiciaire

A) Fixation du calendrier procédural

Il ressort de l’article 781 du CPC que le calendrier procédural peut être fixé selon deux modalités différentes.

Il peut être le produit :

  • Soit d’une décision unilatérale du Juge de la mise en état qui imposera aux avocats des délais sans qu’ils aient pu les discuter
  • Soit d’une concertation entre avocats auxquels le Juge de la mise en état aura octroyé la possibilité d’en négocier les termes

1. La fixation unilatérale du calendrier procédural

==>La fixation de délais

L’article 781, al. 1er du CPC dispose que « le juge de la mise en état fixe, au fur et à mesure, les délais nécessaires à l’instruction de l’affaire, eu égard à la nature, à l’urgence et à la complexité de celle-ci, et après avoir provoqué l’avis des avocats. »

Il ressort de cette disposition que si lorsque le juge de la mise en état fixe des délais il doit :

  • D’une part, tenir compte d’un certain nombre de critères (urgence, complexité et nature de l’affaire) lesquels doivent lui permettre d’apprécier la durée du délai accordé
  • D’autre part, solliciter l’avis des avocats, ce qui signifie qu’ils doivent être convoqués à l’audience et invité à présenter leurs observations, bien qu’il ne soit pas lié par leurs demandes.

Les délais fixés par le Juge de la mise en état visent à permettre aux parties d’échanger des conclusions et de communiquer des pièces.

Ainsi, le débat contradictoire est-il rythmé par des dates butoirs qui s’imposent tantôt au demandeur, tantôt au défendeur.

Les parties se voient de la sorte invitée tour à tour à conclure dans un délai fixé par le Juge de la mise en état.

En application de l’article 792 du CPC la décision du juge fait l’objet d’une simple mention au dossier.

Parce qu’il s’agit d’une mesure judiciaire, elle est insusceptible de voies de recours.

==>L’octroi de prorogations

Lorsque les délais fixés n’ont pas été respectés, soit parce que trop courts, soit parce que les parties ont été négligentes, le juge de la mise en état peut accorder des prorogations (art. 781, al. 2 CPC).

Cette faculté reste à la discrétion du juge qui devra apprécier l’opportunité d’octroyer une telle prorogation.

Autre alternative susceptible d’être retenue par le juge, l’article 764, al. 6 prévoit qu’il peut également renvoyer l’affaire à une conférence ultérieure en vue de faciliter le règlement du litige.

==>Les injonctions

Lorsqu’une partie ne respecte pas le délai qui lui était imparti pour conclure, l’article 780 du CPC confère au Juge de la mise en état le pouvoir de prononcer des injonctions de conclure ou de communiquer les pièces attendues.

L’article 774 prévoit, à cet égard, que les injonctions doivent toujours donner lieu à la délivrance d’un bulletin.

Ce bulletin doit être daté et signé par le greffier, et remis ou déposé par celui-ci au lieu où sont effectuées, au siège du tribunal, les notifications entre avocats.

==>Les sanctions

En cas de non-respect des délais fixés par le juge de la mise en état, deux sanctions sont encourues par les parties, selon que la négligence est imputable à une seule d’entre elles ou aux deux :

  • La clôture partielle en cas de défaut d’une seule partie
    • L’article 800 du CPC prévoit que « si l’un des avocats n’a pas accompli les actes de la procédure dans le délai imparti, le juge peut ordonner la clôture à son égard, d’office ou à la demande d’une autre partie, sauf, en ce dernier cas, la possibilité pour le juge de refuser par ordonnance motivée non susceptible de recours ».
    • On parlera alors de clôture partielle, car prononcée à l’encontre de la partie qui aura été négligente.
    • Cette clôture partielle est seulement subordonnée au non-respect d’un délai fixé par le juge.
    • Le juge n’est pas contraint, pour prononcer cette sanction, de constater l’inobservation d’une injonction, ni de provoquer l’avis des avocats : une simple défaillance suffit à fonder la clôture
    • La copie de l’ordonnance de clôture partielle est adressée à la partie défaillante, à son domicile réel ou à sa résidence.
    • La partie sanctionnée sera dès lors privée du droit de communiquer de nouvelles pièces et de produire de nouvelles conclusions.
    • Reste que lorsque des demandes ou des moyens nouveaux sont présentés au Juge de la mise ou en cas de cause grave et dûment justifié, ce dernier peut toujours, d’office ou lorsqu’il est saisi de conclusions à cette fin, rétracter l’ordonnance de clôture partielle afin de permettre à la partie contre laquelle la clôture partielle a été prononcée de répliquer.
  • La radiation de l’affaire en cas de négligence des deux parties
    • Principe
      • L’article 801, al. 1er du CPC dispose que « si les avocats s’abstiennent d’accomplir les actes de la procédure dans les délais impartis, le juge de la mise en état peut, d’office, après avis donné aux avocats, prendre une ordonnance de radiation motivée non susceptible de recours. »
      • L’alinéa 2 précise que « copie de cette ordonnance est adressée à chacune des parties par lettre simple adressée à leur domicile réel ou à leur résidence. »
      • Le Juge de la mise en état dispose ainsi de la faculté, en cas de négligence des deux parties, de prononcer la radiation de l’affaire.
      • Cette faculté est un rappel de la règle plus générale énoncée à l’article 381 du CPC qui prévoit que « la radiation sanctionne dans les conditions de la loi le défaut de diligence des parties ».
    • Effets
      • La radiation emporte, non pas le retrait de l’affaire du rôle, mais seulement sa suppression « du rang des affaires en cours ».
      • Cette sanction n’a donc pas pour effet d’éteindre l’instance : elle la suspend
      • L’article 383 autorise toutefois le juge de la mise en état à revenir sur cette radiation.
      • En effet, sauf à ce que la péremption de l’instance ne soit acquise, cette disposition prévoit que « l’affaire est rétablie, en cas de radiation, sur justification de l’accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné celle-ci ou, en cas de retrait du rôle, à la demande de l’une des parties. »
    • Régime
      • En ce que la radiation est une mesure d’administration judiciaire (art. 383 CPC), elle est insusceptible de voie de recours.
      • Reste que l’article 801 du CPC impose au juge
        • D’une part, de provoquer l’avis des avocats
        • D’autre part, de rendre ordonnance de radiation qui doit être motivée.

2. La fixation concertée du calendrier procédural

L’article 781, al. 3 du CPC prévoit que le juge de la mise en état « peut, après avoir recueilli l’avis des avocats, fixer un calendrier de la mise en état. »

L’alinéa 4 de cette disposition précise que le calendrier comporte alors « le nombre prévisible et la date des échanges de conclusions, la date de la clôture, celle des débats et, par dérogation aux premier et deuxième alinéas de l’article 450, celle du prononcé de la décision. »

S’inspirant des pratiques de juridictions ayant mis en place des « contrats de procédure », l’article 781 introduit par le décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005 a consacré ce dispositif.

L’ancienne rédaction prévoyait seulement que le juge fixe les délais nécessaires à l’instruction de l’affaire, « au fur et à mesure ».

Prise à la lettre, cette disposition interdisait donc les calendriers de procédure. À tout le moins, elle n’incitait pas les juges de la mise en état à s’orienter dans cette voie.

Désormais, le juge, après avoir recueilli l’accord des conseils des parties, peut donc fixer le calendrier de la mise en état qui comportera la date de toutes les étapes de la procédure, y compris celle du jugement.

Ce calendrier ne doit pas se limiter à un simple énoncé de dates. Il doit procéder, pour être efficace, d’une collaboration volontaire et étroite entre les avocats et le juge et résulter d’une action concertée au sein des juridictions.

Sans bouleverser les règles du procès civil, il conduit à un travail en commun qui impose que chacun connaisse tous les éléments du dossier à chaque étape de son traitement et puisse, en quelque sorte, anticiper l’évolution de la mise en état.

En impliquant davantage les auxiliaires de justice, ce dispositif innovant permet indubitablement de raccourcir les délais de procédure en supprimant les audiences formelles de mise en état et en éliminant les temps morts.

L’article 781 prévoit d’ailleurs, spécifiquement les conditions dans lesquelles ce calendrier peut être modifié, afin qu’il ne reste pas seulement indicatif.

Les délais fixés dans le calendrier peuvent, en effet, être prorogés qu’en cas de cause grave et dûment justifiée. À défaut, il conviendra de prononcer la radiation de l’affaire.

B) L’orientation du procès

Le juge de la mise en état a pour mission principale d’adopter toutes les mesures utiles pour que l’affaire soit en état d’être jugée.

À cette fin, il est investi du pouvoir de développer l’instance, soit d’orienter le procès dans son organisation, mais également dans son contenu.

==>Sur l’orientation du procès quant à son organisation

  • La jonction et la disjonction d’instance
    • L’article 783 du CPC autorise le Juge de la mise en état à procéder aux jonctions et disjonctions d’instance.
    • La jonction d’instance se justifie lorsque deux affaires sont connexes, soit, selon l’article 367 du CPC, « s’il existe entre les litiges un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble. »
    • L’examen de la jurisprudence révèle que ce lien sera caractérisé dès lors qu’il est un risque que des décisions contradictoires, à tout le moins difficilement conciliables soient rendues.
    • Le lien de connexité peut donc tenir, par exemple, à l’identité des parties ou encore à l’objet de leurs prétentions.
    • Réciproquement, il conviendra de disjoindre une affaire en plusieurs lorsqu’il est dans l’intérêt d’une bonne justice que certains points soient jugés séparément.
    • Ainsi, le Juge de la mise en état dispose-t-il du pouvoir d’élargir ou de réduire le périmètre du litige pendant devant lui.
  • L’invitation des parties à mettre en cause tous les intéressés
    • L’article 786 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état peut inviter les parties à mettre en cause tous les intéressés dont la présence lui paraît nécessaire à la solution du litige. »
    • Cette disposition n’est qu’un rappel de l’article 332 du CPC qui relève d’une section consacrée à l’intervention forcée.
    • Le code de procédure civile distingue trois sortes d’intervention forcée :
      • La mise en cause d’un tiers aux fins de condamnation (Art. 331 CPC) ;
      • La mise en cause pour jugement commun (Art. 331 CPC) :
      • L’appel en garantie, qui constitue le cas le plus fréquent d’intervention forcée (Art. 334 et s.).
    • L’article 333 du CPC prévoit que le tiers mis en cause est tenu de procéder devant la juridiction saisie de la demande originaire, sans qu’il puisse décliner la compétence territoriale de cette juridiction, même en invoquant une clause attributive de compétence.
    • Lorsque le Juge de la mise en état invite les parties à mettre en cause un tiers, il ne peut pas les y contraindre : il ne peut qu’émettre une suggestion.
  • Constater la conciliation des parties et homologuer des accords
    • L’article 785 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état peut constater la conciliation, même partielle, des parties. »
    • En pareil cas, il homologue, à la demande des parties, l’accord qu’elles lui soumettent.
    • La teneur de l’accord, même partiel, est alors consignée, selon le cas, dans un procès-verbal signé par les parties et le juge ou dans un constat signé par les parties et le conciliateur de justice.
    • Les extraits du procès-verbal dressé par le juge qui sont délivrés aux parties valent titre exécutoire.
  • Désigner un médiateur
    • Innovation du décret du 11 décembre 2019, l’article 785, al. 2 du CPC autorise le Juge de la mise en état à désigner un médiateur.
    • Cette désignation s’opérera dans les conditions de l’article 131-1 du CPC qui prévoit que « le juge saisi d’un litige peut, après avoir recueilli l’accord des parties, désigner une tierce personne afin d’entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose. »
    • Cette désignation ne pourra donc intervenir qu’à la condition d’avoir recueilli le consentement des parties.
    • La mission du médiateur consistera alors à assister les parties dans une recherche mutuelle de résolution du litige.

==>Sur l’orientation du procès quant à son contenu

  • L’invitation des parties à préciser leurs positions
    • L’article 782 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état peut inviter les avocats à répondre aux moyens sur lesquels ils n’auraient pas conclu, à fournir les explications de fait et de droit nécessaires à la solution du litige et, le cas échéant, à mettre leurs écritures en conformité avec les dispositions de l’article 768. »
    • Cette prérogative dont est investi le juge de la mise en état a vocation à lui permettre de faire avancer le débat
    • Il pourra, en effet, attirer l’attention d’une partie sur la nécessité de répondre à un moyen de droit qui n’a pas été débattue, alors même qu’il pourrait avoir une incidence sur la solution du litige.
    • De la même manière, il peut suggérer à une partie d’apporter des précisions sur des éléments de fait qui sont demeurés sans réponse.
  • L’invitation des parties à communiquer des pièces
    • Dans le droit fil de son pouvoir d’inviter les parties à préciser leurs positions respectives, le juge de la mise en état peut exiger que l’original ou une des pièces visées dans leurs écritures lui soient communiqués (art. 782 CPC)
    • Ce pouvoir dont il est investi lui permet de s’assurer que la preuve des allégations des parties est rapportée
    • À défaut, il pourra en tirer toutes les conséquences qui s’imposent.
  • L’audition des parties
    • Autre prérogative conférée au juge de la mise en état, l’article 784 prévoit qu’il « peut, même d’office, entendre les parties. »
    • En toute hypothèse, cette audition des parties a lieu contradictoirement à moins que l’une d’elles, dûment convoquée, ne se présente pas.
    • Le juge de la mise en état pourra être tenté d’auditionner les parties, soit pour obtenir des précisions orales sur un moyen de fait ou de droit qui a retenu son attention, soit lorsqu’il considérera qu’une conciliation est possible

II) Les pouvoirs juridictionnels

Le juge de la mise en état n’est pas seulement investi du pouvoir de contrôler et d’organiser l’instance, il lui incombe également de régler toutes les difficultés qui surviennent en son cours.

Il ne s’agira pas ici pour le juge de la mise en état d’adopter des mesures d’administration judiciaires dont la finalité est d’assurer le bon déroulement de l’instance, mais de rendre des décisions à caractère juridictionnel, lesquels vise à trancher une contestation ou un incident.

Le juge de la mise en état est investi du pouvoir de rendre des décisions à caractère juridictionnelles que l’on peut classer en deux catégories

  • Les décisions à caractère juridictionnel assorties de l’autorité de la chose jugée au provisoire
  • Les décisions à caractère juridictionnel assorties de l’autorité de la chose jugée au principal

Tandis que les premières s’imposent aux parties dans l’attente que le litige soit tranché au fond, les secondes sont définitives, en ce sens que le juge ne peut pas être saisi ultérieurement pour les mêmes fins.

A) Les décisions à caractère juridictionnel assorties de l’autorité de la chose jugée au provisoire

Ces décisions sont donc celles qui ne lient pas le juge du fond saisi ultérieurement ou concomitamment pour les mêmes fins.

Les parties disposent donc de la faculté de saisir la juridiction au fond pour trancher un litige dont l’objet est identique à celui sur lequel le juge de la mise en état s’est prononcé.

Quant au juge statuant au fond, il n’est nullement tenu de statuer dans le même sens que la décision rendue par le Juge de la mise en état, ni même de tenir compte de la solution adoptée qui, par nature, est provisoire.

En résumé, lorsqu’il est statué au provisoire, les juges du fond ne sont tenus, ni par les constatations de fait ou de droit du juge de la mise en état, ni par les déductions qu’il a pu en faire, ni par sa décision.

Au nombre des pouvoirs juridictionnels du Juge de la mise en état qui l’autorisent à statuer au provisoire on peut distinguer ceux qu’il détient en propre, de ceux qu’il emprunte au Juge des référés

1. Les pouvoirs propres du Juge de la mise en état

On recense plusieurs pouvoirs autorisant le Juge de la mise à statuer au provisoire que l’article 789 du CPC lui confère en propre :

==>Les pouvoirs relatifs à la production de pièces

L’article 788 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état exerce tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l’obtention et à la production des pièces. »

Cette disposition lui confère donc le pouvoir de statuer selon les règles communes à toutes les procédures énoncées aux articles 132 du CPC.

Ainsi, en application de ces règles, le juge peut, par exemple enjoindre à une partie, sous astreinte, de communiquer une pièce (art. 133 CPC).

Il peut encore, toujours sous astreinte, fixer le délai, et, s’il y a lieu, les modalités de la communication (art. 134 CPC).

Enfin, il peut également écarter du débat les pièces qui n’ont pas été communiquées en temps utile (art. 135 CPC).

==>Les pouvoirs relatifs à l’adoption de mesures d’instruction

L’article 789, 5° du CPC dispose que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour […] ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction. »

De toute évidence, cette disposition fait directement écho aux articles 143 et suivants du CPC qui régissent les mesures d’instruction susceptible d’être prises dans le cadre du procès civil.

En particulier, l’article 143 du CPC dispose que « les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d’office, être l’objet de toute mesure d’instruction légalement admissible. »

L’article 144 précise que les mesures d’instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d’éléments suffisants pour statuer.

En application de ces textes, le juge de la mise en état dispose de toute liberté pour prescrire une mesure d’instruction.

Dans la mesure où la loi ne pose aucune limite, les mesures prononcées peuvent être extrêmement variées pourvu qu’elles soient légalement admissibles.

Ces mesures peuvent consister en :

  • La désignation d’un expert
  • La désignation d’un huissier de justice
  • La production forcée de pièces par une autre partie ou par un tiers

L’article 147 du CPC l’autorise à conjuguer plusieurs mesures d’instruction.

Il peut ainsi, à tout moment et même en cours d’exécution, décider de joindre toute autre mesure nécessaire à celles qui ont déjà été ordonnées.

Le juge peut encore accroître ou restreindre l’étendue des mesures prescrites.

Bien qu’il dispose de toute latitude pour prescrire des mesures d’instruction, l’article 147 du CPC intime au Juge de limiter le choix de la mesure à ce qui est suffisant pour la solution du litige, en s’attachant à retenir ce qui est le plus simple et le moins onéreux.

==>Les pouvoirs relatifs à l’allocation de provisions ad litem

L’article 789, 2° autorise le juge de la mise en état à allouer une provision pour le procès.

L’octroi de cette provision ad litem (en vue du procès) vise à permettre à une partie, en situation de difficultés financières, de faire face à certains coûts de l’instance, tels que, par exemple, les frais d’expertise

==>Les pouvoirs relatifs aux dépens et aux frais irrépétibles

L’article 790 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état peut statuer sur les dépens et les demandes formées en application de l’article 700. »

Cette prérogative lui a été conférée par le décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005

  • S’agissant des dépens ce sont les frais nécessaires à la conduite du procès dont le montant est fixé, soit par voie réglementaire, soit par décision judiciaire
  • S’agissant des frais irrépétibles, ils se définissent négativement comme ceux, non tarifés, engagés par une partie à l’occasion d’une instance non compris dans les dépens prévus par l’article 695 du nouveau Code de procédure civile.

Le pouvoir dont est investi le juge de la mise en état, l’autorise à statuer sur les frais de l’instance dont il a pu constater l’extinction mais également sur les frais exposés par les parties aux fins de mettre en œuvre les mesures conservatoires, provisoires ou d’instruction prononcées.

Si, par principe, lorsque le Juge de la mise en état statue sur les dépens et les frais irrépétibles sa décision est seulement assortie de l’autorité de la chose jugée au provisoire, il en va autrement lorsqu’il statue sur des exceptions de procédure ou des incidents d’instance.

2. Les pouvoirs empruntés au Juge des référés

À l’examen, plusieurs pouvoirs conférés par l’article 789 du CPC au juge de la mise en état sont semblables à ceux dont est investi le juge des référés.

Cette disposition précise néanmoins que, dès lors que le juge de la mise en état est saisi, il dispose d’une compétence exclusive de toute intervention du Juge des référés.

Autrement dit, la désignation d’un Juge de la mise en état fait obstacle à la saisie du Juge des référés.

L’article 789, al.1er précise expressément que lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour exercer un certain nombre de pouvoirs, dont ceux qu’il emprunte au Juge des référés.

Dans un arrêt du 10 novembre 2010, la Cour de cassation a toutefois nuancé la règle en affirmant que son monopole est circonscrit à l’objet du litige dont le Tribunal est saisi au fond (Cass. 2e civ. 10 nov. 2010, n°09-17.147).

Par ailleurs, si le juge des référés a été saisi avant la nomination du juge de la mise en état il demeure compétent.

Sous l’empire du droit antérieur, l’article 789 du CPC précisait que le juge de la mise en état ne pouvait emprunter au juge des référés ses pouvoirs que « postérieurement » à sa désignation.

Le décret n°2024-673 du 3 juillet 2024 a substitué cet adverbe par la locution « à compter de ». Il s’agissait là, selon le législateur, de clarifier la règle qui reste inchangée.

Ce qu’il faut, en effet, retenir c’est que dès lors que le juge de la mise en état  est saisi en premier, les parties n’ont d’autre choix que de s’en remettre au Juge de la mise en état, quand bien même leur demande serait susceptible de relever de la compétence du Juge des référés.

En tout état de cause, le Juge de la mise en état emprunte au Juge des référés un certain nombre de pouvoirs énoncés à l’article 789 du CPC :

==>Allouer une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable

Ce pouvoir du Juge de la mise en état rejoint la prérogative conférée par l’article 835, al. 2 du CPC au juge des référées.

Pour mémoire, cette disposition prévoit que « dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, [le juge des référés] peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ».

Pareillement à l’article 835, al. 2e du CPC l’article 789, 3° du CPC subordonne la demande d’une provision à l’absence d’obligation sérieusement contestable.

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « obligation sérieusement contestable ».

L’existence d’une obligation une obligation sérieusement contestable doit se comprendre comme l’interdiction pour le juge de prononcer une mesure qui supposerait qu’il tranche une question au fond.

En d’autres termes le prononcé de la mesure sollicité ne doit, en aucun cas, préjudicier au principal.

La contestation sérieuse s’oppose ainsi à ce qui est manifeste et qui relève de l’évidence.

À cet égard, la contestation sera qualifiée de sérieuse toutes les fois qu’il s’agira :

  • Soit de trancher une question relative au statut des personnes
  • Soit de se prononcer sur le bien-fondé d’une action en responsabilité
  • Soit d’interpréter ou d’apprécier la validité un acte juridique

Lorsque l’absence d’obligation sérieusement contestable est établie, le juge intervient dans sa fonction d’anticipation, en ce sens qu’il va faire produire à la règle de droit substantiel objet du litige des effets de droit.

D’où la faculté dont il dispose d’allouer une provision, en prévision du jugement à intervenir.

Aussi lorsque l’obligation invoquée sera sérieusement contestable, le pouvoir du Juge de la mise en état sera cantonné à l’adoption de mesures conservatoires.

Autre élément qui rapproche le Juge de la mise en état du Juge des référés, l’article 789 du CPC prévoit, dans les mêmes termes que l’article 489 relatif à l’ordonnance de référé, qu’il peut « subordonner l’exécution de sa décision à la constitution d’une garantie dans les conditions prévues aux articles 517 à 522 ».

À cet égard, l’article 517 du Code de procédure civile précise que « l’exécution provisoire peut être subordonnée à la constitution d’une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations. »

La nature, l’étendue et les modalités de la garantie sont précisées par la décision qui en prescrit la constitution.

Par ailleurs, lorsque la garantie consiste en une somme d’argent, celle-ci est déposée à la Caisse des dépôts et consignations ; elle peut aussi l’être, à la demande de l’une des parties, entre les mains d’un tiers commis à cet effet.

En outre, le juge peut, à tout moment, autoriser la substitution à la garantie primitive d’une garantie équivalente.

==>Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires

L’article 789, 4° du CPC prévoit que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour […] ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l’exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d’un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées »

Ce pouvoir du Juge de la mise en état se rapproche très étroitement de l’office du Juge des référés lorsqu’il est saisi sur le fondement des articles 834 ou 835, al. 1er du CPC.

Tous les deux sont investis du pouvoir d’adopter des mesures conservatoires.

La mesure conservatoire est à l’opposé de la mesure d’anticipation, en ce qu’elle ne doit pas consister à anticiper la décision au fond.

Plus précisément, il s’agit de mesures qui, en raison de l’existence d’un différend, doivent permettre d’attendre la décision au principal

La mesure prononcée sera donc nécessairement éloignée des effets de la règle de droit substantielle dont l’application est débattue par les parties.

Elle peut consister en la suspension de travaux, en la désignation d’un administrateur judiciaire pour une personne morale, en la désignation d’un séquestre etc.

Ainsi, la mesure prise ne consistera pas à anticiper la décision rendue au fond, mais seulement à geler une situation conflictuelle dans l’attente qu’il soit statué au principal sur le litige.

La ressemblance entre les prérogatives du Juge de la mise en état et du juge des référés en matière de mesures provisoires se renforce à la lecture des articles 789, 4° in fine et 488 du CPC qui les autorisent respectivement à « modifier ou compléter » des mesures qui auraient déjà été ordonnées soit par eux-mêmes, soit par un autre juge statuant au provisoire « en cas de survenance d’un fait nouveau ».

B) Les décisions à caractère juridictionnel assorties de l’autorité de la chose jugée au principal

Le pouvoir que le Code de procédure civile confère au Juge de la mise en état ne se limite pas à statuer au provisoire. Il est également investi du pouvoir de rendre des décisions assorties de l’autorité de la chose jugée au principal.

Ainsi, certaines décisions prises par le Juge de la mise en état, sont rendues par lui à titre définitif. Pour ces décisions, le Code de procédure civile lui confère un pouvoir exclusif.

Il ressort de l’article 789, 1° du CPC que tel est le cas lorsqu’il statue sur les exceptions de procédures et les incidents d’instance.

Quant aux fins de non-recevoir, si depuis la réforme de la procédure civile, le juge de la mise en état est compétent pour statuer sur elles, elles restent soumises à un régime spécifique.

1. Les décisions du Juge de la mise en état relatives aux exceptions de procédure et aux incidents d’instance

a. Principe

L’article 789, 1° du CPC dispose, en effet, que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour […] statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et sur les incidents mettant fin à l’instance ; les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu’ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge »

Il ressort de cette disposition que le Juge de la mise en état est donc investi du pouvoir de connaître des exceptions de procédure et des incidents d’instance.

i. Les exceptions de procédure relevant du pouvoir du Juge de la mise en état

L’article 73 du CPC définit l’exception de procédure comme « tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours. »

Il ressort de cette définition que l’exception de procédure se distingue très nettement de la défense au fond et des fins de non-recevoir.

L’exception de procédure s’oppose à la défense au fond car elle ne repose pas sur une contestation du bien-fondé de la prétention du demandeur, mais porte uniquement sur la procédure dont elle a pour objet de paralyser le cours.

L’exception de procédure se distingue également de la fin de non-recevoir, en ce qu’elle est constitutive d’une irrégularité qui concerne le fond ou la forme des actes de procédure ; elle affecte la validité de la procédure, alors que la fin de non-recevoir est une irrégularité qui touche au droit d’agir et atteint l’action elle-même : « est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir » (articles 32 et 122 du CPC).

Au nombre des exceptions de procédure figurent :

  • Les exceptions d’incompétence
  • Les exceptions de litispendance et de connexité
  • Les exceptions dilatoires
  • Les exceptions de nullité

Cette liste est-elle limitative ? Selon certains auteurs, comme Serge Guinchard ou Isabelle Pétel-Teyssié, la définition de l’article 73 du CPC permet de concevoir d’autres exceptions, dès lors qu’elles tendent à la finalité énoncée par cet article.

Cette opinion a été illustrée par la jurisprudence qui a qualifié d’exception de procédure la règle « le criminel tient le civil en l’état » (Cass. 1ère civ., 28 avril 1982) en précisant que l’exception était de la nature de celle visée à l’article 108 du CPC, c’est-à-dire une exception dilatoire ou encore l’incident tendant à faire constater la caducité du jugement par application de l’article 478 du CPC procédure civile (Cass. 2e civ., 22 novembre 2001) ou l’incident de péremption (Cass. 2e civ., 31 janvier 1996).

S’agissant des exceptions de procédure relevant du pouvoir du Juge de la mise en état, l’article 789, 1° du CPC n’opère aucune distinction, de sorte que, en application de l’adage ubi lex non distinguit nec nos distinguere debemus, il n’y a pas lieu de distinguer : toutes sont concernées y compris celles qui seraient découvertes par la jurisprudence.

ii. Les incidents d’instance relevant du pouvoir du Juge de la mise en état

Les incidents d’instance sont envisagés par le Titre XI du livre 1er du Code de procédure civile consacré aux dispositions communes à toutes les juridictions.

Si le Code de procédure ne définit pas ce qu’est un incident d’instance, il les énumère.

Ainsi, au nombre des incidents d’instance figurent :

==>La jonction et la disjonction d’instances

Lorsque des affaires pendantes devant lui présentent un lien de connexité, le juge peut, à la demande des parties ou d’office, ordonner la jonction de plusieurs instances.

Inversement, il peut prononcer la disjonction d’une instance en plusieurs (art. 367 CPC).

Tandis que la jonction ne peut être prononcée qu’à l’égard des instances qui doivent être suivies selon la même procédure, la disjonction doit être prononcée si deux demandes introduites par un acte commun doivent être suivies selon des procédures différentes.

==>L’interruption de l’instance

Le code de procédure civile opère une distinction entre les événements qui emportent de plein droit interruption de l’instance et ceux qui l’interrompent seulement à compter d’une notification de ces événements faite à l’autre partie.

  • Événements emportant de plein droit interruption de l’instance (art.369 CPC)
    • La majorité d’une partie
    • La cessation de fonctions de l’avocat lorsque la représentation est obligatoire
    • L’effet du jugement qui prononce le règlement judiciaire ou la liquidation des biens (redressement ou liquidation judiciaires) dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur
    • La conclusion d’une convention de procédure participative aux fins de mise en état y compris en cas de retrait du rôle.
  • Événements interrompant l’instance à compter d’une notification de ces événements à la partie adverse (art. 370 CPC)
    • Le décès d’une partie dans les cas où l’action est transmissible (art. 370 CPC), étant précisé que la jurisprudence décide que la dissolution d’une société en cours d’instance n’interrompt pas celle-ci, la société étant réputée se survivre pour les besoins de la liquidation.
    • la cessation de fonctions du représentant légal d’un mineur et de la personne chargée de la protection juridique d’un majeur (art. 370 CPC)
    • Le recouvrement ou la perte par une partie de la capacité d’ester en justice (art. 370 CPC).

==>La suspension de l’instance

L’instance se trouve suspendue lorsque certains événements étrangers à la situation personnelle des parties ou à celle de leur représentant, viennent arrêter son cours.

Tel est le cas pour :

  • Le sursis à statuer
  • La radiation de l’affaire
  • Le retrait du rôle

==>L’extinction de l’instance

Le jugement est l’issue normale de tous les procès ; cependant une instance peut s’éteindre d’autres manières.

Il est des cas où l’instance s’éteint accessoirement à l’action.

Ce sont : la transaction, l’acquiescement, le désistement d’action, ou, dans les actions non transmissibles, le décès d’une partie (art. 384 CPC).

Mais il est également des cas où l’instance s’éteint à titre principal par l’effet de la péremption, du désistement d’instance ou de la caducité de la citation.

L’action proprement dite n’en est pas affectée de sorte qu’une nouvelle instance pourrait être introduite s’il n’y a pas prescription (art. 385 CPC).

  • Péremption d’instance
    • L’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans (art. 386 CPC).
    • En d’autres termes, la péremption d’instance est l’anéantissement de l’instance par suite de l’inaction des plaideurs.
  • Désistement d’instance
    • Le désistement d’instance est l’offre faite par le demandeur au défendeur, qui l’accepte, d’arrêter le procès sans attendre le jugement.
  • Acquiescement à la demande
    • L’acquiescement est le fait, de la part d’une partie, ordinairement le défendeur, de reconnaître le bien-fondé des prétentions de l’adversaire (art. 408 CPC).
    • À la différence de la péremption d’instance ou du désistement, l’acquiescement à la demande emporte non seulement annulation de la procédure mais également renonciation à l’action.
    • L’acquiescement à la demande doit être distingué de l’acquiescement au jugement qui emporte soumission aux chefs de celui-ci et renonciation aux voies de recours.
  • Caducité de la citation
    • Par application de l’article 468 du code de procédure civile, le juge peut aussi, même d’office, déclarer la citation caduque. Cependant, la déclaration de caducité peut être rapportée si le demandeur fait connaître au greffe dans un délai de quinze jours, le motif légitime qu’il n’aurait pas été en mesure d’invoquer en temps utile.
    • Dans ce cas les parties sont convoquées à une audience ultérieure.

S’agissant de l’article 789, 1° qui confère au Juge de la mise en état le pouvoir de connaître des incidents d’instance, comme pour les exceptions de procédure, il n’opère aucune distinction, de sorte que tous relèvent de sa compétence.

Ainsi, peut-il être amené à statuer, tant sur les incidents qui affectent la poursuite de l’instance, que ceux qui conduisent à son extinction.

b. Régime

i. Le monopole du Juge de la mise en état

En application du 1er alinéa de l’article 789 du CPC, le juge de la mise en état est, en principe, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir.

Cela signifie donc que dès lors qu’il est désigné, le Juge de la mise en état est investi d’un monopole : tant qu’il est saisi les exceptions de procédure et les incidents d’instance ne peuvent être tranchés que par lui « à l’exception de toute autre juridiction».

Reste que si le juge de la mise en état a compétence exclusive pour statuer sur les fins de non-recevoir tant qu’il est saisi, encore faut-il que les parties décident de lui faire trancher cette catégorie d’incidents sans attendre que l’incident soit jugé avec le fond de l’affaire, par le tribunal.

Pour pallier cette difficulté, il a donc été décidé que les fins de non-recevoir devaient être tranchés immédiatement.

Aussi, afin que la clôture de la mise en état produise un effet de purge des fins de non-recevoir à l’instar des exceptions de procédure et des incidents mettant fin à l’instance, l’article 789, al. 3e du CPC oblige les parties, à peine d’irrecevabilité, à soulever les fins de non-recevoir devant le juge de la mise en état, qui les tranchera.

Cette obligation ne vise évidemment pas les fins de non-recevoir qui surviendraient postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.

Reste que, comme relevé par Mehdi Kebir, « les parties sont désormais textuellement soumises à un principe de concentration des fins de non-recevoir devant le magistrat instructeur. Le changement est notable et s’inscrit dans la continuité d’une solution dont les jalons ont déjà été posés en jurisprudence en ce qui concerne le conseiller de la mise en état»[1].

ii. Les limites du monopole du Juge de la mise en état

L’article 789, 2e du CPC envisage l’hypothèse où l’examen de la fin de non-recevoir par le Juge de la mise en état nécessite qu’il tranche au préalable une question de fond.

Doit-il se désister à la faveur de la juridiction de jugement ou peut-il se prononcer sur la question de fond qui, en principe, ne relève pas de sa compétence ?

Une première réponse à cette question a été apportée par le décret du 11 décembre 2019.

Considérant toutefois que le dispositif mis en place par ce texte n’était pas satisfaisant, un nouveau décret a été adopté le 3 juillet 2024 afin de remédier aux difficultés dénoncées par les avocats et magistrat.

  • Le dispositif (abrogé) mis en place par le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019
    • Ce dispositif reposait sur un principe assorti d’exceptions :
      • Principe
        • L’ancien article 789, al. 2 du CPC disposait que « lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. »
        • Ainsi, le juge de la mise en état se voyait-il conférer le pouvoir de trancher une question de fond, lorsque de son examen dépendait l’appréhension de la fin de non-recevoir.
      • Exceptions
        • Par exception, la question de fond et la fin de non-recevoir pouvait être tranchées par la formation de jugement :
          • Soit à la demande des parties
            • L’article 789 al. 2 disposait que dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s’y opposer.
            • Ainsi lorsque dans la phase du jugement c’est une formation collégiale de la juridiction qui avait vocation à connaître de l’affaire, les parties peuvent contraindre le Juge de la mise en état à renvoyer l’affaire devant une formation de jugement.
            • Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa de l’article 789, le texte précisait que le juge de la mise en état renvoie l’affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l’instruction, pour qu’elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir.
            • Le texte invitait alors la formation de jugement à statuer sur la fin de non-recevoir même si elle n’estimait pas nécessaire de statuer au préalable sur la question de fond.
            • Le cas échéant, elle pouvait renvoyer l’affaire devant le juge de la mise en état.
          • Soit à l’initiative du Juge de la mise en état
            • Le renvoi devant la formation de jugement pouvait également être provoqué par le Juge de la mise en état lui-même, s’il l’estimait nécessaire.
            • Dans la mesure où il s’agit d’une mesure d’administration judiciaire, comme précisé par l’article 789, cette décision de renvoi était insusceptible d’une voie de recours.
            • Si la formation de jugement estimait qu’il n’était pas nécessaire de trancher au préalable la question de fond pour statuer sur la fin de non-recevoir elle pouvait renvoyer l’affaire devant le Juge de la mise en état.
  • Le dispositif (en vigueur) mis en place par le décret n°2024-673 du 3 juillet 2024
    • Si la réforme opérée par le décret du 11 décembre 2019 avait pour objectif – affiché – d’éviter de prolonger inutilement une instance longue et coûteuse dans le cas où une cause d’irrecevabilité conduisait à l’extinction de l’instance, l’application du texte s’est révélée créatrice d’un certain nombre de difficultés dénoncées par magistrats et avocats.
    • Alors que le dispositif mis en place cherchait, dans l’intérêt des justiciables, à rationaliser le temps de l’instance, il conduisait, au contraire, dans certaines affaires, à un rallongement du temps de la procédure, notamment en raison de fins de non-recevoir soulevées tardivement et d’appels immédiats d’ordonnances statuant sur ces fins de non-recevoir.
    • Le décret n°2024-673 du 3 juillet 2024 dit « Magicobus » (en référence au bus magique qui sillonne les rues de Londres dans le film Harry Potter) a été adopté aux fins de remédier à ces difficultés tout en conservant l’objectif de rationalisation du traitement des fins de non-recevoir. Dans cette perspective, il ne revient pas au droit antérieur à la réforme du 11 décembre 2019, mais opère un certain nombre de changements.
    • Désormais l’article 789, al. 2e du CPC prévoit que « par dérogation au premier alinéa, s’il estime que la complexité du moyen soulevé ou l’état d’avancement de l’instruction le justifie, le juge de la mise en état peut décider que la fin de non-recevoir sera examinée à l’issue de l’instruction par la formation de jugement appelée à statuer sur le fond. »
    • Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette nouvelle disposition :
      • Premier enseignement
        • Sous l’empire du décret du 11 décembre 2019, le juge de la mise en état ne pouvait prononcer un renvoi devant la formation de jugement que lorsque l’examen de la fin de non-recevoir nécessitait que soit tranchée au préalable une question de fond.
        • Désormais, ce renvoi peut être réalisé par le Juge de la mise en état de façon plus large.
        • Il peut, en effet, renvoyer l’affaire « s’il estime que la complexité du moyen soulevé ou l’état d’avancement de l’instruction le justifie».
        • Il y a là manifestement une extension du pouvoir du juge de la mise en état.
      • Deuxième enseignement
        • Le système de la navette en cours de mise en état entre le juge de la mise en état et la formation de jugement statuant de manière collégiale est supprimé.
        • Il est en effet apparu que l’article L. 212-1 du code de l’organisation judiciaire était à lui seul suffisant pour soustraire au juge de la mise en état, en cas d’opposition d’une des parties, la connaissance des questions de fond, qui relève normalement de la formation collégiale du tribunal judiciaire.
        • En outre, indépendamment des hypothèses visées à l’article L. 212-1 précité, le juge de la mise en état pourra décider que la question de fond dont dépend l’examen de la fin de non-recevoir sera tranchée par la formation de jugement à l’issue de l’instruction dans le cas où il estime que cette question de fond préalable est complexe.
      • Troisième enseignement
        • Le renvoi de l’examen de la fin de non-recevoir devant la formation de jugement est laissé à la seule appréciation du juge de la mise en l’état, étant précisé qu’il s’agit là d’une simple faculté.
        • A cet égard, il pourra décider que l’examen de la fin de non-recevoir n’interviendra qu’à l’issue de la phase d’instruction de l’affaire.
        • Cette marge d’appréciation donnée au juge de la mise en état tend à resserrer le temps de traitement des affaires et introduit une souplesse permettant d’apporter une réponse adaptée et proportionnée à la particularité de chaque dossier.
        • L’article 789, al. 3 du CPC précise que « la décision du juge de la mise en état, qui constitue une mesure d’administration judiciaire, est prise par mention au dossier. Avis en est donné aux avocats».
        • Ce renvoi devant la formation de jugement suppose dès lors que les parties développent le moyen tiré de la fin de non-recevoir dans leurs conclusions au fond.
        • Les conclusions qui lui seront adressées devront donc contenir à la fois les développements sur la fin de non-recevoir renvoyée et les moyens de défense au fond.
    • Il peut être observé que le régime des fins de non-recevoir est dorénavant aligné sur celui des exceptions d’incompétence nécessitant de trancher au préalable une question de fond, prévu par l’article 79.
    • Le décret du 3 juillet 2024 a, en effet, enrichi l’article 125 d’un troisième alinéa qui prévoit que « lorsqu’une fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir dans le même jugement, mais par des dispositions distinctes. Sa décision a l’autorité de la chose jugée relativement à la question de fond et à la fin de non-recevoir».
    • Il ressort de cette nouvelle disposition, qui s’applique devant toutes les juridictions, que la possibilité de trancher au préalable une question de fond dont dépend l’examen d’une fin de non-recevoir devient une règle générale ; il ne s’agit plus d’un pouvoir que détiendrait seul le juge de la mise en état.
    • Enfin, il y a lieu de noter que, afin d’éviter les appels dilatoires concernant des ordonnances du juge de la mise en état rejetant une fin de non-recevoir, l’appel-immédiat est dans cette hypothèse supprimé.
    • Seules les ordonnances qui, en statuant sur une fin de non-recevoir, auront mis fin à l’instance pourront faire l’objet d’un appel immédiat (art. 795, 2° CPC).

2. Les décisions du Juge de la mise en état relatives aux fins de non-recevoir

L’article 122 du Code de procédure civile définit la fin de non-recevoir comme « tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. ».

La liste de l’article 122 du code de procédure civile n’est pas limitative : des fins de non-recevoir nombreuses existent en droit de la famille (procédure de réconciliation des époux dans la procédure de divorce, filiation…), en matière de publicité foncière (fin de non-recevoir pour non-publication de la demande au bureau des hypothèques, dans les actions en nullité ou en résolution affectant des droits immobiliers – décret 4 janvier 1955, art 28), en matière de surendettement des particuliers (absence de bonne foi du demandeur).

Tandis que l’exception de procédure est une irrégularité qui concerne le fond ou la forme des actes de procédure qui affecte la validité de la procédure, la fin de non-recevoir est une irrégularité qui touche au droit d’agir : elle affecte l’action elle-même, la justification même de l’acte.

Au nombre des fins de non-recevoir figurent, celles énoncées par l’article 122 du CPC que sont :

  • Le défaut de qualité
  • Le défaut d’intérêt
  • La prescription
  • Délai préfix
  • Chose jugée

Les fins de non-recevoir relèvent-elles du pouvoir du Juge de la mise en état ? Tandis que la jurisprudence répondait négativement à cette question jusqu’à la réforme de la procédure civile, le législateur est venu modifier la règle par l’adoption du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

a. Droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur, les fins de non-recevoir n’étaient pas visées par l’ancien l’article 771, 1° du Code de procédure civile, devenu l’article 789, 1°.

On en déduisait, par voie de conséquence, qu’elles échappaient purement et simplement à l’office du Juge de la mise en état.

Dans un avis du 13 novembre 2006, la Cour de cassation a considéré en ce sens que « les incidents mettant fin à l’instance visés par le deuxième alinéa de l’article 771 du nouveau code de procédure civile sont ceux mentionnés par les articles 384 et 385 du même code et n’incluent pas les fins de non-recevoir ».

Manifestement, cet avis a été diversement accueilli par la doctrine.

Un auteur a, par exemple, estimé que la mise en état rénovée par le décret du 28 décembre 2005 « doit permettre de traiter les exceptions et fins de non-recevoir afin que seul le fond de l’affaire soit évoqué lors d’une audience de plaidoiries » (E. Bonnet,Gaz. Pal. du 1er au 5 janvier 2006, p. 9 et 10)

Par ailleurs, pour M. Beauchard, le Juge de la mise en état « est dorénavant compétent pour statuer non seulement sur les exceptions de procédure, mais également sur les fins de non-recevoir qui ont pour effet, lorsqu’elles sont admises, de mettre fin à l’instance (défaut d’intérêt ou de qualité pour agir, autorité de la chose jugée, prescription) ».

Biens que certains auteurs se soient ainsi élevés contre cette exclusion des fins de non-recevoir de la sphère de compétence du Juge de la mise en état, la Cour de cassation n’est jamais revenue sur sa position, ce dont se félicitait la doctrine majoritaire.

En effet, les fins de non-recevoir constituent des moyens de défense définis au titre V du livre premier du CPC. Elles sont donc différentes des incidents d’instance définis au titre XI.

Permettre au juge de la mise en état de statuer sur ces moyens de défense reviendrait donc, selon les auteurs, à les assimiler aux incidents d’instance alors qu’ils n’ont pas le même statut juridique, ce qui est contraire à la logique intellectuelle et juridique du CPC.

L’article 123 du CPC permet de proposer une fin de non-recevoir en tout état de cause. Or admettre que le Juge de la mise en état puisse statuer sur celle-ci, conduirait à neutraliser cette règle, la fin de non-recevoir ne pouvant plus, une fois tranchée, être invoquée devant la formation de jugement.

Aussi, comment concilier l’article 123 du CPC avec le pouvoir exclusif du juge de la mise en état de statuer sur les fins de non-recevoir ?

Dire que les fins de non-recevoir constituent des incidents mettant fin à l’instance au sens de l’article 789,1° du CPC aurait pour conséquence d’introduire une disparité de traitement entre les procédures avec mise en état et les procédures sans mise en état où les fins de non-recevoir pourraient continuer à être proposées en tout état de cause. Il paraît difficile de faire de l’article 123 un article à géométrie variable.

À cet égard, on peut noter que dans la circulaire du 8 février 2006, la chancellerie avait repris les termes du décret pour dire que le juge de la mise en état est désormais seul compétent pour statuer sur les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l’instance.

La question de la compétence du juge de la mise en état pour statuer sur les fins de non-recevoir lui avait été précisément posée.

Elle avait alors répondu dans les termes suivants dans un document du 14 avril 2006 intitulé « Réflexions sur le décret du 28 décembre 2005 ».

« Non, les compétences dévolues au juge de la mise en état par le premier alinéa de l’article 771 du nouveau code de procédure civile portent exclusivement sur les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l’instance. Les fins de non-recevoir sont distinctes des incidents mettant fin à l’instance. Elles tendent à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond. Elles recouvrent notamment le défaut de qualité, d’intérêt, la prescription et la chose jugée et peuvent être soulevées en tout état de cause. Elles sont susceptibles de régularisation. Une nouvelle instance pourra toujours être réintroduite suite à un jugement ayant admis une fin de non-recevoir.

Les incidents mettant fin à l’instance sont énumérés aux articles 384 et 385 du nouveau code de procédure civile. Il s’agit de la transaction, de l’acquiescement, de la péremption, de la caducité, du désistement et du décès d’une partie. Ils ne sont pas sanctionnés par l’irrecevabilité de l’action mais par l’extinction de l’instance en raison d’un événement de la volonté ou de la négligence des parties. Ils ne sont pas susceptibles de régularisation. L’autorité de la chose jugée pourra être opposée à une action introduite après une décision déclarant l’instance éteinte.

Le juge de la mise en état n’est donc pas compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir. »

Les premières décisions rendues sur la question par les juges du fond se sont prononcés majoritairement pour une impossibilité du juge de la mise en état de statuer sur les fins de non- recevoir (TGI Toulouse, ord. JME, 1er ch., 12 avril 2006, RG 03/01865).

Par exemple, un conseiller de la mise en état ne s’est pas reconnu le pouvoir de statuer sur l’irrecevabilité d’un appel-nullité en matière de procédures collectives car « les notions d’exceptions de procédure et d’incidents mettant fin à l’instance doivent être appréciées au regard des définitions données par le nouveau code de procédure civile et ne sauraient englober les défenses au fond et les fins de non-recevoir, et ne sauraient s’entendre au sens large d’incidents de mise en état » (CA Toulouse, ord. CME, 2ème ch., 15 mars 2006, RG 05/04909).

Plusieurs autres décisions ont statué dans le même sens (V. en ce sens CA Rouen, ord. CME, 3avril 2006, RG 05/02395 ; CA Montpellier, ord. CME, 29 mars 2006, RG 05/02183).

Reste que le législateur a entendu revenir sur cette position de la jurisprudence en conférant au Juge de la mise en état le pouvoir de statuer sur les fins de non-recevoir

b. Réforme de la procédure civile

b.1 L’extension des pouvoirs du Juge de la mise en état

L’article 789, 6° du CPC dispose que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir. »

Le décret du 11 décembre 2019 a ainsi opéré une extension des pouvoirs du Juge de la mise en état qui peut désormais connaître des fins de non-recevoir.

Cette innovation est présentée par le rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile comme visant à désencombrer le rôle des affaires dont les conditions d’introduction compromettent leur examen au fond ou qui apparaissent manifestement irrecevables.

Pour que la faculté de statuer sur les fins de non-recevoir reconnue au Juge de la mise en état soit cohérente avec les termes de l’article 123 du CPC qui détermine le régime des fins de non-recevoir, il est désormais précisé que « les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu’il en soit disposé autrement »

Tel est donc le cas, lorsque l’affaire fait l’objet d’une mise en état dans le cadre de la procédure écrite pendante devant le Tribunal judiciaire.

b.2 Régime

i. Le monopole du Juge de la mise en état

En application du 1er alinéa de l’article 789 du CPC, le juge de la mise en état est, en principe, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir.

Cela signifie donc que dès lors qu’il est désigné, le Juge de la mise en état est investi d’un monopole : tant qu’il est saisi les exceptions de procédure et les incidents d’instance ne peuvent être tranchés que par lui « à l’exception de toute autre juridiction ».

Reste que si le juge de la mise en état a compétence exclusive pour statuer sur les fins de non-recevoir tant qu’il est saisi, encore faut-il que les parties décident de lui faire trancher cette catégorie d’incidents sans attendre que l’incident soit jugé avec le fond de l’affaire, par le tribunal.

Pour pallier cette difficulté, il a donc été décidé que les fins de non-recevoir devaient être tranchés immédiatement.

Aussi, afin que la clôture de la mise en état produise un effet de purge des fins de non-recevoir à l’instar des exceptions de procédure et des incidents mettant fin à l’instance, l’article 789, al. 3e du CPC oblige les parties, à peine d’irrecevabilité, à soulever les fins de non-recevoir devant le juge de la mise en état, qui les tranchera.

Cette obligation ne vise évidemment pas les fins de non-recevoir qui surviendraient postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.

Reste que, comme relevé par Mehdi Kebir, « les parties sont désormais textuellement soumises à un principe de concentration des fins de non-recevoir devant le magistrat instructeur. Le changement est notable et s’inscrit dans la continuité d’une solution dont les jalons ont déjà été posés en jurisprudence en ce qui concerne le conseiller de la mise en état »[1].

ii. Les limites du monopole du Juge de la mise en état

L’article 789, 2e du CPC envisage l’hypothèse où l’examen de la fin de non-recevoir par le Juge de la mise en état nécessite qu’il tranche au préalable une question de fond.

Doit-il se désister à la faveur de la juridiction de jugement ou peut-il se prononcer sur la question de fond qui, en principe, ne relève pas de sa compétence ?

Une première réponse à cette question a été apportée par le décret du 11 décembre 2019.

Considérant toutefois que le dispositif mis en place par ce texte n’était pas satisfaisant, un nouveau décret a été adopté le 3 juillet 2024 afin de remédier aux difficultés dénoncées par les avocats et magistrat.

  • Le dispositif (abrogé) mis en place par le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019
    • Ce dispositif reposait sur un principe assorti d’exceptions :
      • Principe
        • L’ancien article 789, al. 2 du CPC disposait que « lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. »
        • Ainsi, le juge de la mise en état se voyait-il conférer le pouvoir de trancher une question de fond, lorsque de son examen dépendait l’appréhension de la fin de non-recevoir.
      • Exceptions
        • Par exception, la question de fond et la fin de non-recevoir pouvait être tranchées par la formation de jugement :
          • Soit à la demande des parties
            • L’article 789 al. 2 disposait que dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s’y opposer.
            • Ainsi lorsque dans la phase du jugement c’est une formation collégiale de la juridiction qui avait vocation à connaître de l’affaire, les parties peuvent contraindre le Juge de la mise en état à renvoyer l’affaire devant une formation de jugement.
            • Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa de l’article 789, le texte précisait que le juge de la mise en état renvoie l’affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l’instruction, pour qu’elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir.
            • Le texte invitait alors la formation de jugement à statuer sur la fin de non-recevoir même si elle n’estimait pas nécessaire de statuer au préalable sur la question de fond.
            • Le cas échéant, elle pouvait renvoyer l’affaire devant le juge de la mise en état.
          • Soit à l’initiative du Juge de la mise en état
            • Le renvoi devant la formation de jugement pouvait également être provoqué par le Juge de la mise en état lui-même, s’il l’estimait nécessaire.
            • Dans la mesure où il s’agit d’une mesure d’administration judiciaire, comme précisé par l’article 789, cette décision de renvoi était insusceptible d’une voie de recours.
            • Si la formation de jugement estimait qu’il n’était pas nécessaire de trancher au préalable la question de fond pour statuer sur la fin de non-recevoir elle pouvait renvoyer l’affaire devant le Juge de la mise en état.
  • Le dispositif (en vigueur) mis en place par le décret n°2024-673 du 3 juillet 2024
    • Si la réforme opérée par le décret du 11 décembre 2019 avait pour objectif – affiché – d’éviter de prolonger inutilement une instance longue et coûteuse dans le cas où une cause d’irrecevabilité conduisait à l’extinction de l’instance, l’application du texte s’est révélée créatrice d’un certain nombre de difficultés dénoncées par magistrats et avocats.
    • Alors que le dispositif mis en place cherchait, dans l’intérêt des justiciables, à rationaliser le temps de l’instance, il conduisait, au contraire, dans certaines affaires, à un rallongement du temps de la procédure, notamment en raison de fins de non-recevoir soulevées tardivement et d’appels immédiats d’ordonnances statuant sur ces fins de non-recevoir.
    • Le décret n°2024-673 du 3 juillet 2024 dit « Magicobus » (en référence au bus magique qui sillonne les rues de Londres dans le film Harry Potter) a été adopté aux fins de remédier à ces difficultés tout en conservant l’objectif de rationalisation du traitement des fins de non-recevoir. Dans cette perspective, il ne revient pas au droit antérieur à la réforme du 11 décembre 2019, mais opère un certain nombre de changements.
    • Désormais l’article 789, al. 2e du CPC prévoit que « par dérogation au premier alinéa, s’il estime que la complexité du moyen soulevé ou l’état d’avancement de l’instruction le justifie, le juge de la mise en état peut décider que la fin de non-recevoir sera examinée à l’issue de l’instruction par la formation de jugement appelée à statuer sur le fond. »
    • Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette nouvelle disposition :
      • Premier enseignement
        • Sous l’empire du décret du 11 décembre 2019, le juge de la mise en état ne pouvait prononcer un renvoi devant la formation de jugement que lorsque l’examen de la fin de non-recevoir nécessitait que soit tranchée au préalable une question de fond.
        • Désormais, ce renvoi peut être réalisé par le Juge de la mise en état de façon plus large.
        • Il peut, en effet, renvoyer l’affaire « s’il estime que la complexité du moyen soulevé ou l’état d’avancement de l’instruction le justifie».
        • Il y a là manifestement une extension du pouvoir du juge de la mise en état.
      • Deuxième enseignement
        • Le système de la navette en cours de mise en état entre le juge de la mise en état et la formation de jugement statuant de manière collégiale est supprimé.
        • Il est en effet apparu que l’article L. 212-1 du code de l’organisation judiciaire était à lui seul suffisant pour soustraire au juge de la mise en état, en cas d’opposition d’une des parties, la connaissance des questions de fond, qui relève normalement de la formation collégiale du tribunal judiciaire.
        • En outre, indépendamment des hypothèses visées à l’article L. 212-1 précité, le juge de la mise en état pourra décider que la question de fond dont dépend l’examen de la fin de non-recevoir sera tranchée par la formation de jugement à l’issue de l’instruction dans le cas où il estime que cette question de fond préalable est complexe.
      • Troisième enseignement
        • Le renvoi de l’examen de la fin de non-recevoir devant la formation de jugement est laissé à la seule appréciation du juge de la mise en l’état, étant précisé qu’il s’agit là d’une simple faculté.
        • A cet égard, il pourra décider que l’examen de la fin de non-recevoir n’interviendra qu’à l’issue de la phase d’instruction de l’affaire.
        • Cette marge d’appréciation donnée au juge de la mise en état tend à resserrer le temps de traitement des affaires et introduit une souplesse permettant d’apporter une réponse adaptée et proportionnée à la particularité de chaque dossier.
        • L’article 789, al. 3 du CPC précise que « la décision du juge de la mise en état, qui constitue une mesure d’administration judiciaire, est prise par mention au dossier. Avis en est donné aux avocats».
        • Ce renvoi devant la formation de jugement suppose dès lors que les parties développent le moyen tiré de la fin de non-recevoir dans leurs conclusions au fond.
        • Les conclusions qui lui seront adressées devront donc contenir à la fois les développements sur la fin de non-recevoir renvoyée et les moyens de défense au fond.
    • Il peut être observé que le régime des fins de non-recevoir est dorénavant aligné sur celui des exceptions d’incompétence nécessitant de trancher au préalable une question de fond, prévu par l’article 79.
    • Le décret du 3 juillet 2024 a, en effet, enrichi l’article 125 d’un troisième alinéa qui prévoit que « lorsqu’une fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir dans le même jugement, mais par des dispositions distinctes. Sa décision a l’autorité de la chose jugée relativement à la question de fond et à la fin de non-recevoir».
    • Il ressort de cette nouvelle disposition, qui s’applique devant toutes les juridictions, que la possibilité de trancher au préalable une question de fond dont dépend l’examen d’une fin de non-recevoir devient une règle générale ; il ne s’agit plus d’un pouvoir que détiendrait seul le juge de la mise en état.
    • Enfin, il y a lieu de noter que, afin d’éviter les appels dilatoires concernant des ordonnances du juge de la mise en état rejetant une fin de non-recevoir, l’appel-immédiat est dans cette hypothèse supprimé.
    • Seules les ordonnances qui, en statuant sur une fin de non-recevoir, auront mis fin à l’instance pourront faire l’objet d’un appel immédiat (art. 795, 2° CPC).
  1. M. Kebir, « Réforme de la procédure civile : promotion de la mise en état conventionnelle et extension des pouvoirs du JME », Dalloz actualité, 23 déc. 2019 ?

Les missions de l’avocat: assistance et représentation

==> Aux origines

Le titre d’avocat, venant du latin « advocatus » (celui qui est appelé) n’apparaît en France qu’au XIIe siècle.

Les capitulaires de Charlemagne mentionnent fréquemment les « advocati », mais il n’en est guère de trace ensuite avant les Etablissements de Saint Louis relevant et organisant les institutions judiciaires, qui prescrivent à l’avocat d’être « sans vilenie dans sa bouche ni en fait ni en droit », et lui interdisent de faire avec son client un marché quelconque pendant le procès.

Le premier ordre apparaît en 1302 lorsque le Parlement devient sédentaire à Paris. Le chef de l’ordre, dit d’abord le doyen, devient le bâtonnier au début du XVIe siècle.

Au seuil de la Révolution, un décret rend obligatoire l’assistance par un avocat de l’accusé, avant que la loi du 2 septembre 1790 n’abolisse l’ordre des avocats.

La loi du 22 ventôse an XII (13 mars 1804) institue un tableau des avocats et les soumet à nouveau au serment, et le décret du 14 décembre 1810 organise un ordre très soumis au pouvoir.

La suppression des colonnes en 1830, et l’élection du bâtonnier par un scrutin majoritaire conforme à la tradition de l’ordre en 1870, rendent à cette profession son indépendance.

La profession d’avocat est aujourd’hui régie par la loi du 31 décembre 1971, profondément remaniée par la loi du 31 décembre 1990, plusieurs fois modifiée depuis, et par trois décrets des 27 novembre 1991, 20 juillet 1992 et 25 mars 1993, ainsi que par une décision du Conseil national des barreaux à caractère normatif n° 2005/003 portant adoption du Règlement Intérieur National de la Profession d’Avocat.

Les lois de 1971 et 1990 ont créé une nouvelle profession, dont les membres portent le titre d’avocat, qui regroupe les anciens agréés, les anciens avocats, les anciens avoués de grande instance et, depuis le 1er janvier 1992, les anciens conseils juridiques.

==> Mission générale

Le cœur de la profession d’avocat, à son origine et depuis, est la défense en justice. Il s’agit d’une mission essentielle au fonctionnement de la société, si bien que l’on peut affirmer que sans avocat il n’y a pas de démocratie.

L’inexistence, l’assujettissement ou même le simple affaiblissement des avocats et de leurs ordres accompagnent souvent le développement du totalitarisme.

En France tout particulièrement, les avocats, se sont longtemps consacrés à titre exclusif à la défense. Leur déontologie s’est élaborée en fonction de cette mission pour assurer leur indépendance et leur intégrité, toutes deux indispensables à l’œuvre de justice.

Alors que dès la deuxième moitié du XIXe siècle leurs confrères étrangers, notamment anglosaxons, développaient en droit des affaires leurs activités de conseil et de consultation, les avocats français conservaient des règles leur interdisant de se déplacer chez leurs clients, de solliciter des honoraires censés représenter comme au temps de Cicéron « le témoignage de la reconnaissance spontanée du client » et ceux, peu nombreux, qui consacraient une partie de leur temps au droit des affaires étaient considérés avec suspicion par leurs confrères.

Ces traditions et ces habitudes imprègnent encore fortement les esprits et expliquent que l’évolution de la profession, marquée par les lois des 31 décembre 1971 et 31 décembre 1991, ait été tardive et reste inachevée.

Ces textes ont sans doute ouvert de nouvelles possibilités aux avocats, mais elles les ont divisés en même temps qu’elles les ont renforcés.

Aujourd’hui l’article 6.1 du RIN présente l’avocat comme un partenaire de justice et un acteur essentiel de la pratique universelle du droit.

Selon cette même disposition, l’avocat a vocation à intervenir dans tous les domaines de la vie civile, économique et sociale.

À cet égard, il est le défenseur des droits et des libertés des personnes physiques et morales qu’il assiste ou représente en justice, et à l’égard de toute administration ou personne chargée d’une délégation de service public comme à l’occasion de la réunion d’une assemblée délibérative ou d’un organe collégial.

Pour ce faire, l’avocat fournit à ses clients toute prestation de conseil et d’assistance ayant pour objet, à titre principal ou accessoire, la mise en œuvre des règles ou principes juridiques, la rédaction d’actes, la négociation et le suivi des relations contractuelles.

A l’examen, il s’évince de la fonction générale dont est investie l’avocat que celui-ci a vocation à exercer deux missions bien distinctes que sont :

  • D’une part, la mission d’assistance
  • D’autre part, la mission de représentation

I) La mission d’assistance

A) Contenu de la mission

Selon l’article 412 du Code de procédure civile, « la mission d’assistance en justice emporte pouvoir et devoir de conseiller la partie et de présenter sa défense sans l’obliger. »

Il ressort de cette disposition que la mission d’assistance exercée par l’avocat consiste :

  • En premier lieu, à conseiller son client
  • En second lieu, à assurer la défense de ses intérêts

Autrement dit, il appartient à l’avocat d’aider le justiciable à construire son argumentation, à élaborer une stratégie judiciaire et à présenter des explications orales ou écrites.

L’exercice de la mission d’assistance dévolue à l’avocat peut prendre deux formes :

  • Soit, elle peut consister en la fourniture d’une consultation au justiciable
  • Soit, elle peut consister en l’accomplissement d’une plaidoirie devant un organe juridictionnel ou disciplinaire

Tandis que l’avocat exerce la première forme d’assistance en concurrence avec d’autres professionnels du droit (notaires, huissiers, commissaires-priseurs etc.), tel n’est pas le cas de la plaidoirie qui, en certaines circonstances, relève du monopole de l’Avocat. À ce titre, il doit être porté à cette forme d’assistance une attention somme toute particulière.

B) La plaidoirie

Par plaidoirie, il faut entendre l’exposé oral des moyens de droit et de fait du justiciable, la discussion de la thèse adverse et des objections légales.

Si, dans l’imaginaire collectif, l’Avocat est encore très souvent réduit à sa fonction de plaideur, la réalité est toute autre, l’acte de plaider n’étant qu’un aspect de sa mission d’assistance.

Cette perception de la profession d’Avocat tient au monopole absolu dont il était investi jusqu’à l’adoption de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

Bien que, aujourd’hui ce monopole persiste encore devant certaines juridictions, les réformes successives ont considérablement réduit son périmètre de sorte que l’on est légitimement en droit de s’interroger sur les intentions du législateur quant au devenir de ce périmètre.

  1. La consistance du monopole de plaidoirie des avocats

==> L’étendue du monopole

L’article 4, al.1er de la loi du 31 décembre 1971 pose que « nul ne peut, s’il n’est avocat, assister ou représenter les parties, postuler et plaider devant les juridictions et les organismes juridictionnels ou disciplinaires de quelque nature que ce soit ».

Prenant racine dans l’essence même de la profession d’avocat, cette disposition leur confère un monopole de plaidoirie qui, par principe, s’étend aux juridictions et organismes juridictionnels ou disciplinaires.

En pratique néanmoins, l’avocat ne pourra se prévaloir de ce monopole que devant :

  • Le Tribunal judiciaire
  • Le Tribunal correctionnel
  • La Cour d’assise
  • La Cour d’appel
  • La Cour de cassation et le Conseil d’État

En dehors de ces situations, l’avocat est susceptible d’être concurrencé par d’autres personnes autorisées, tout comme lui, à plaider pour assurer la défense du justiciable.

Au vrai, la règle instaurée à l’article 4 de la loi du 31 décembre 1971 est assortie de nombreuses exceptions, à tel point que l’on est légitimement en droit de se demander si la règle ne serait dorénavant pas inversée.

==> Les limites du monopole

Le monopole de plaidoirie dont sont titulaires les avocats est limité par l’alinéa 2 de l’article 4 de la loi du 31 décembre 1971 qui prévoit que « les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à l’application des dispositions législatives ou réglementaires spéciales en vigueur à la date de publication de la présente loi et, notamment, au libre exercice des activités des organisations syndicales régies par le code du travail ou de leurs représentants, en matière de représentation et d’assistance devant les juridictions sociales et paritaires et les organismes juridictionnels ou disciplinaires auxquels ils ont accès. »

À l’examen, il est plusieurs situations où la loi admet que l’avocat puisse être concurrencé dans son rôle de plaideur par d’autres personnes, le justiciable compris, pour exposer une argumentation juridique et débattre de la thèse adverse à l’oral devant un organe juridictionnel ou disciplinaire.

  • Devant le Tribunal judiciaire lorsque la représentation n’est pas obligatoire
    • En application de l’article 762 du CPC les parties ont la faculté :
      • Soit de se défendre elles-mêmes
      • Soit de se faire assister ou représenter par
        • Un avocat ;
        • Leur conjoint ;
        • Leur concubin ou la personne avec laquelle elles ont conclu un pacte civil de solidarité ;
        • Leurs parents ou alliés en ligne directe ;
        • Leurs parents ou alliés en ligne collatérale jusqu’au troisième degré inclus ;
        • Les personnes exclusivement attachées à leur service personnel ou à leur entreprise.
  • Devant le Tribunal de commerce lorsque la représentation n’est pas obligatoire
    • En application de l’article 853 du CPC les parties ont la faculté :
      • Soit de se défendre elles-mêmes
      • Soit de se faire assister ou représenter par toute personne de leur choix
  • Devant le Conseil de prud’hommes
    • En application des articles R. 1453-1 et 1453-2 du Code du travail, les parties ont la faculté
      • Soit de se défendre elles-mêmes
      • Soit de se faire assister ou représenter par
        • Les salariés ou les employeurs appartenant à la même branche d’activité ;
        • Les défenseurs syndicaux ;
        • Le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin ;
        • Les avocats.
        • Par un membre de l’entreprise ou de l’établissement fondé de pouvoir ou habilité à cet effet (seulement pour les employeurs)
  • Devant le Tribunal paritaire des baux ruraux
    • En application de l’article 884 du Code de procédure civile, les parties ont la faculté
      • Soit de se défendre elles-mêmes
      • Soit de se faire assister ou représenter par :
        • Un avocat ;
        • Un huissier de justice ;
        • Un membre de leur famille ;
        • Leur concubin ou la personne avec laquelle elles ont conclu un pacte civil de solidarité ;
        • Un membre ou un salarié d’une organisation professionnelle agricole.
  • Devant les juridictions arbitrales
    • Principe
      • Les parties ont la faculté de se défendre elles-mêmes ou de se faire assister ou représenter par le mandataire de leur choix
    • Exception
      • Lorsqu’il s’agit de présenter une requête en exequatur, cette procédure relève du monopole de l’avocat

2. L’exercice du monopole de plaidoirie des avocats

L’article 5 de la loi du 31 décembre 1971 prévoit que « les avocats exercent leur ministère et peuvent plaider sans limitation territoriale devant toutes les juridictions et organismes juridictionnels ou disciplinaires ».

Il ressort de cette disposition que les avocats sont autorisés à plaider devant n’importe quel organe juridictionnel ou disciplinaire et sans limitation territoriale.

  • S’agissant de l’absence de limitation organique
    • Cela signifie que les avocats peuvent plaider
      • Devant toutes les juridictions des ordres administratifs et judiciaires
        • Tribunal judiciaire
        • Tribunal de commerce
        • Tribunal Administrative
        • Cour d’appel
        • Cour d’administrative d’appel
        • Cour de cassation et Conseil d’État
      • Devant tous les organes disciplinaires
        • Conseil de discipline des avocats
        • Chambre disciplinaire de l’ordre des médecins
        • Chambre disciplinaire de l’ordre des notaires
      • Devant tous les organes juridictionnels
        • Cour nationale du droit d’asile
        • Commission parlementaire
        • Commission de surendettement
  • S’agissant de l’absence de limitation territoriale
    • Les avocats sont autorisés à plaider devant toutes les juridictions indépendamment du ressort du Tribunal judiciaire dans lequel sa résidence professionnelle est établie
    • Cela signifie que les avocats peuvent plaider sans que l’on puisse leur opposer une quelconque restriction, en particulier un monopole de postulation
    • Autrement dit, un avocat inscrit au Barreau de Tours pourra plaider dans toutes la France
    • Ce que, en revanche, il lui sera interdit lorsqu’il exercera son ministère en dehors du ressort dans lequel il est établi, c’est accomplir des actes de procédure pour les cas où est institué un monopole de postulation (notamment pour le Tribunal judiciaire et la Cour d’appel).

II) La mission de représentation

A) Contenu de la mission de représentation

==> Notion

L’article 411 du CPC prévoit que « le mandat de représentation en justice emporte pouvoir et devoir d’accomplir au nom du mandant les actes de la procédure. »

Il ressort de cette disposition que la mission de représentation dont est investi l’avocat consiste à endosser la qualité de mandataire.

Lorsque l’avocat intervient en tant que représentant de son client, il est mandaté par lui, en ce sens qu’il est investi du pouvoir d’accomplir au nom et pour son compte des actes de procédure.

Aussi, dans cette configuration, les actes régularisés par l’avocat engagent son client comme si celui-ci les avait accomplis personnellement.

À cet égard, la mission de représentation de l’avocat ne se confond pas avec sa mission d’assistance.

==> Représentation et assistance

La différence entre la représentation et l’assistance tient à l’étendue des pouvoirs dont est investi l’avocat dans l’une et l’autre mission.

  • Lorsque l’avocat assiste son client, il peut :
    • Lui fournir des conseils
    • Plaider sa cause
  • Lorsque l’avocat représente son client, il peut
    • Lui fournir des conseils
    • Plaider sa cause
    • Agir en son nom et pour son compte

Lorsque dès lors l’avocat plaide la cause de son client dans le cadre de sa mission d’assistance, il ne le représente pas : il ne se fait que son porte-voix.

Lorsque, en revanche, l’avocat se livre à la joute oratoire dans le cadre d’un mandat de représentation, ses paroles engagent son client comme s’il s’exprimait à titre personnel.

Ainsi, la mission de représentation est bien plus large que la mission d’assistance. C’est la raison pour laquelle l’article 413 du CPC prévoit que « le mandat de représentation emporte mission d’assistance, sauf disposition ou convention contraire ».

Tandis que l’avocat investi d’un mandat de représentation est réputé à l’égard du juge et de la partie adverse avoir reçu pouvoir spécial de faire ou accepter un désistement, d’acquiescer, de faire, accepter ou donner des offres, un aveu ou un consentement, tel n’est pas le cas de l’avocat seulement titulaire d’un mandat d’assistance.

La raison en est que dans cette dernière hypothèse, l’avocat n’agit pas au nom et pour le compte de son client. Il ne peut donc accomplir aucun acte qui l’engagent personnellement.

B) Les conditions de la représentation

À la différence de la mission d’assistance qui peut être exercée par l’avocat devant n’importe quelle juridiction ou organe disciplinaire, sans qu’aucune restriction territoriale ne puisse lui être opposée, la mission de représentation est encadrée par des règles qui, tout en conférant un monopole à l’avocat devant certaines juridictions, limitent sa compétence territoriale devant ces mêmes juridictions.

  1. Le monopole de la postulation

a) Principe

==> Notion

La postulation est, selon le dictionnaire du vocabulaire juridique du doyen Cornu, « la mission consistant à accomplir au nom d’un plaideur les actes de la procédure qui incombent, du seul fait qu’elle est constituée, à la personne investie d’un mandat de représentation en justice ».

En d’autres termes, la postulation pour autrui est la représentation appliquée à des hypothèses limitées où la partie ne peut être admise elle-même à faire valoir ses droits et où la loi prévoit que cette représentation obligatoire sera confiée à une personne qualifiée.

Parfois qualifié de mandat ad litem, le mandat de représentation confère à l’avocat la mission de conduire le procès.

Lorsque la représentation est obligatoire, cette situation correspond à l’activité de postulation de l’avocat, laquelle se distingue de sa mission d’assistance qui comprend, notamment, la mission de plaidoirie.

Les avocats sont investis d’un monopole de postulation à quatre niveaux :

  • Au niveau du Tribunal judiciaire
  • Au niveau de la Cour d’appel
  • Au niveau de la Cour de cassation, le Conseil d’État et le Tribunal des conflits

Ce monopole dont jouit l’avocat se traduit par l’obligation posée par les textes de « constituer » avocat lorsque le litige est porté devant l’une des juridictions ci-dessus énoncées.

==> Postulation et plaidoirie

L’activité de postulation de l’avocat ne doit pas être confondue avec l’activité de plaidoirie à plusieurs titres :

  • Tout d’abord
    • Tandis que la plaidoirie relève de la mission d’assistance de l’avocat, la postulation relève de sa mission de représentation.
      • Lorsque, en effet, l’avocat plaide la cause de son client, il n’est que son porte-voix, en ce sens que son intervention se limite à une simple assistance.
      • Lorsque, en revanche, l’avocat postule devant une juridiction, soit accomplit les actes de procédure que requiert la conduite du procès, il représente son client, car agit en son nom et pour son compte.
  • Ensuite
    • L’avocat « postulant » est seul investi du pouvoir d’accomplir les actes de procédure auprès de la juridiction devant laquelle la représentation est obligatoire.
    • L’avocat « plaidant », ne peut, quant à lui, que présenter oralement devant la juridiction saisie la défense de son client.
  • Enfin
    • Les avocats sont autorisés à plaider devant toutes les juridictions et organes disciplinaires sans limitation territoriale
    • Les avocats ne sont, en revanche, autorisés à postuler que devant les Tribunaux judiciaires dépendant de la Cour d’appel dans le ressort de laquelle est établie leur résidence professionnelle

==> Fondement

Le monopole de postulation de l’avocat s’évince de l’article 5 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 et de certaines dispositions du Code de procédure civile.

L’article 18 de ce Code prévoit, à cet égard, que les parties peuvent se défendre elles-mêmes, sous réserve des cas dans lesquels la représentation est obligatoire.

L’article 751 dispose encore que « les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat devant le Tribunal judiciaire ».

De telles dispositions contraires sont prévues, par exemple, en matière de contentieux électoral, de bail d’habitation, d’exercice de l’autorité parentale ou encore de crédit à la consommation.

Le recours imposé à un avocat est principalement justifié par la complexité de la procédure suivie devant certaines juridictions au nombre desquelles figure le Tribunal judiciaire.

Alors que les parties sont tenues d’accomplir les actes de la procédure dans les formes et délais requis, il est dans leur intérêt d’être représentées par un avocat.

Réservée jadis aux seuls avoués près les tribunaux civils, la postulation en matière civile relève, depuis la fusion des professions judiciaires, du monopole des avocats notamment devant le Tribunal judiciaire en matière civile.

==> Conformité à la constitution

Dans sa décision n°2015-715 DC du 5 août 2015 le Conseil constitutionnel a jugé conformes à la Constitution celles des dispositions de l’article 51 qui sont relatives aux règles de postulation des avocats.

Selon les juges de la Rue de Montpensier, ces règles n’affectent, en aucune manière, les conditions d’accès au service public de la justice et ne méconnaissent, ni le principe d’égalité devant la justice, ni l’objectif de bonne administration de la justice.

==> Conformité au droit européen

Au demeurant, une telle exigence est parfaitement conforme au droit européen et international. Si les normes européennes ou internationales visent à garantir les droits procéduraux fondamentaux de « toute personne », celles-ci ne font pas obstacle à ce que soient prévus, dans les législations internes, des cas de représentation obligatoire.

Ainsi, par une décision du 11 janvier 1995 (H. G. c/France, n° 24013/94), la Cour européenne des droits de l’Homme, après avoir rappelé sa jurisprudence constante aux termes de laquelle l’article 6-1 de la convention européenne des droits de l’Homme ne s’oppose pas à ce que les Parties Contractantes réglementent l’accès des justiciables aux tribunaux, pourvu que cette réglementation ait pour but d’assurer une bonne administration de la justice, a retenu que « l’obligation imposée aux justiciables qui se présentent devant certaines juridictions de se faire représenter par un professionnel du droit vise de toute évidence à assurer une bonne administration de la justice », pour déclarer irrecevable la requête d’un justiciable arguant de ce qu’il avait été contraint de constituer avocat en application notamment de l’article 751 du code de procédure civile.

B) Exceptions

En premier lieu, les avocats ne disposent d’aucun monopole de postulation devant le Tribunal de commerce, le Conseil de prud’hommes ou encore le Tribunal paritaire des baux ruraux.

En second lieu, lorsque le litige est pendant devant le Tribunal judiciaire ou devant la Cour d’appel, il est un certain nombre de cas où l’avocat est susceptible d’être concurrencé par d’autres personnes autorisées par la loi à représenter le justiciable en justice :

  • S’agissant du Tribunal judiciaire, il en va ainsi en matière commerciale, familiale ou encore publique.
  • S’agissant de la Cour d’appel, la représentation n’est pas obligatoire en matière familiale et administrative

II) La territorialité de la postulation

==> Principe

Selon l’article 5, al. 2, de la loi du 31 décembre 1971, les avocats « peuvent postuler devant l’ensemble des tribunaux judiciaires du ressort de cour d’appel dans lequel ils ont établi leur résidence professionnelle et devant ladite cour d’appel ».

La règle ainsi énoncée pose le principe de la territorialité de la postulation. Celle-ci est réservée aux avocats du barreau établi près la Cour d’appel où le procès se déroule.

Ainsi, les avocats sont autorisés à postuler devant plusieurs Tribunaux judiciaires, dès lors qu’ils dépendent de la Cour d’appel dans le ressort de laquelle est établie leur résidence professionnelle.

Dans le cas contraire, l’avocat ne peut pas postuler : il ne pourra que plaider, l’activité de plaidoirie ne faisant l’objet d’aucune restriction territoriale.

La conséquence en est pour le justiciable, qu’il devra s’attacher les services de deux avocats :

  • Un avocat plaidant pour défendre sa cause à l’oral devant la juridiction saisie
  • Un avocat postulant pour accomplir les actes de procédure

Il peut être observé que l’avocat exerçant en bureau secondaire ne peut postuler que dans le ressort de la juridiction auprès de laquelle est implantée sa résidence professionnelle. Et, même sous le couvert d’un bureau secondaire, un avocat salarié ne peut postuler pour le compte de son employeur que dans le barreau de ce dernier.

==> Tempérament

L’article 5, al. 3 de la loi du 31 décembre 1971 pose une limite au monopole de la postulation de l’avocat dans le ressort de la Cour d’appel dans lequel sa résidence professionnelle est établie.

Ce texte dispose, en effet, que les avocats ne peuvent postuler devant un autre tribunal que celui auprès duquel est établie leur résidence professionnelle

  • En matière de procédures de saisie immobilière
  • En matière de procédures de partage et de licitation
  • Lorsqu’ils interviennent au titre de l’aide juridictionnelle
  • Dans les affaires où ils ne sont pas avocats plaidants

Ainsi, dans ces quatre hypothèses, le monopole de postulation de l’avocat est limité au ressort du Tribunal judiciaire dans lequel il est établi et non plus au ressort de la Cour d’appel dont il dépend.

==> Exceptions

  • La multipostulation
    • L’exception à la règle posant une limitation territoriale au monopole de postulation de l’avocat procède du découpage du département de la Seine par la loi du 10 juillet 1964 et du morcellement qui s’en est suivi par décret du 16 octobre 1967 du tribunal de Paris entre les tribunaux judiciaire de Paris, Nanterre, Bobigny et Créteil.
    • Il en est résulté à l’article 5-1 de la loi du 31 décembre 1971 l’institution d’un système dit de « multipostulation » permettant aux avocats inscrits à l’un de ces barreaux de postuler devant chacune de ces juridictions.
    • Le texte précise que les avocats peuvent postuler
      • Auprès de la cour d’appel de Paris quand ils ont postulé devant l’un des tribunaux judiciaire de Paris, Bobigny et Créteil
      • Auprès de la cour d’appel de Versailles quand ils ont postulé devant le tribunal de judiciaire de Nanterre.
  • Les sociétés d’exercice professionnel inter-barreaux
    • L’article 8 de la loi du 31 décembre 1971 prévoit que l’association ou la société peut postuler auprès de l’ensemble des tribunaux judiciaires du ressort de cour d’appel dans lequel un de ses membres est établi et devant ladite cour d’appel par le ministère d’un avocat inscrit au barreau établi près l’un de ces tribunaux.
    • Cette disposition précise que l’association ou la société ne peut postuler devant un autre tribunal que celui auprès duquel est établi un de ses membres ni dans le cadre des procédures de saisie immobilière, de partage et de licitation, ni au titre de l’aide juridictionnelle, ni dans des instances dans lesquelles ce dernier ne serait pas maître de l’affaire chargé également d’assurer la plaidoirie.

3. La sanction de la méconnaissance des règles de postulation

L’irrégularité tenant à la méconnaissance des règles relatives à la postulation s’analyse en un défaut de capacité d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice.

Comme telle, elle constitue une irrégularité de fond affectant l’acte au sens de l’article 117 du code de procédure civile, de sorte que la nullité qui est encourue ne nécessite pas la preuve d’un grief.

L’absence de signature de l’avocat postulant au pied de la requête affecte celle-ci d’une nullité de fond, la réalité de la postulation ne pouvant résulter des seules mentions figurant en tête de l’acte (Cass. 2e civ., 24 février 2005).

Il a également été jugé que lorsqu’un avocat a été constitué en première instance par une partie qu’il n’avait pas la capacité de représenter, la constitution d’un avoué en appel par cette même partie n’a pas pu avoir pour effet de régulariser la procédure de première instance (Cass. 2e civ., 23 octobre 2003 ; Cass. com., 19 juin 2007).

Enfin, si la deuxième chambre civile a jugé, en matière de saisie immobilière, que les enchères étant portées par ministère d’avocat, la méconnaissance de cette règle n’était sanctionnée par la nullité que si l’irrégularité avait eu pour effet de causer un préjudice aux intérêts des parties, c’est en faisant application de l’article 715 de l’ancien code de procédure civile qui prévoyait expressément que la formalité prévue par l’article 704 du même code n’était prescrite à peine de nullité que si l’irrégularité avait eu pour effet de causer un préjudice aux intérêts des parties en cause (Cass. 2e civ., 16 décembre 2004).

C) Le mandat de représentation

==> Le principe du mandat ad litem

Aux termes de l’article 411 du CPC, la constitution d’avocat emporte mandat de représentation en justice : l’avocat reçoit ainsi pouvoir et devoir d’accomplir pour son mandant et en son nom, les actes de la procédure. On parle alors traditionnellement de mandat « ad litem », en vue du procès.

Comme démontré précédemment, ce mandat ad litem est obligatoire devant certaines juridictions (Tribunal judiciaire, Cour d’appel, Cour de cassation etc.).

L’article 413 du CPC précise que le mandat de représentation emporte mission d’assistance (présenter une argumentation orale ou écrite et plaider).

Par dérogation à l’exigence qui pèse sur le représentant d’une partie de justifier d’un mandat ad litem, l’avocat est dispensé de justifier du mandat qu’il a reçu de son mandant (art. 416 CPC).

L’article 416 du CPC prévoit en ce sens que « quiconque entend représenter ou assister une partie doit justifier qu’il en a reçu le mandat ou la mission. L’avocat est toutefois dispensé d’en justifier ».

L’article 6.2 du Règlement Intérieur National de la Profession d’Avocat dispose encore que « lorsqu’il assiste ou représente ses clients en justice, devant un arbitre, un médiateur, une administration ou un délégataire du service public, l’avocat n’a pas à justifier d’un mandat écrit, sous réserve des exceptions prévues par la loi ou le règlement ».

La présomption ainsi établie de l’existence même du mandat de représentation peut néanmoins être combattue par la preuve contraire (Cass. com., 19 octobre 1993 n°91-15795).

Le mandat de représentation emporte, à l’égard du juge et de la partie adverse, pouvoir spécial de faire ou accepter un désistement, d’acquiescer, de faire accepter ou donner des offres, un aveu ou un consentement (art. 417 CPC).

La Cour de Cassation juge qu’il s’agit là d’une règle de fond, non susceptible de preuve contraire, dont il découle qu’un acquiescement donné par le représentant ad litem engage irrévocablement le mandant (Cass. 2e civ, 27 février 1980 n°78-14761).

Par ailleurs, si une partie peut révoquer son avocat, c’est à la condition de pourvoir immédiatement à son remplacement, faute de quoi son adversaire serait fondé à poursuivre la procédure jusqu’à la décision de la cour en continuant à ne connaître que l’avocat révoqué (art. 418 CPC).

Inversement, un avocat ayant décidé de se démettre de son mandat n’en est effectivement déchargé, d’une part, qu’après avoir informé son mandant, le juge et la partie adverse de son intention, et, d’autre part, seulement à compter du jour où il est remplacé par un nouvel avocat (art. 419 CPC).

Enfin, l’avocat est tenu de porter à la connaissance du juge son nom et sa qualité dans une déclaration au secrétariat-greffe.

==> L’étendue du mandat ad litem

L’avocat qui a reçu mandat par son client de le représenter en justice peut accomplir tous les actes de procédures utiles à la conduite du procès.

A cet égard, lorsque la représentation est obligatoire, c’est « l’avocat postulant » qui exercera cette mission, tandis que « l’avocat plaidant » ne pourra qu’assurer, à l’oral, la défense du justiciable devant la juridiction saisie.

En tout état de cause, le mandat ad litem confère à l’avocat lui confère les pouvoirs les plus étendus pour accomplir les actes de procédure, tant au stade de l’instance, qu’au stade de l’exécution de la décision.

L’article 420 du CPC dispose en ce sens que « l’avocat remplit les obligations de son mandat sans nouveau pouvoir jusqu’à l’exécution du jugement pourvu que celle-ci soit entreprise moins d’un an après que ce jugement soit passé en force de chose jugée »

  • Au stade de l’instance l’avocat investi d’un mandat ad litem peut :
    • Placer l’acte introductif d’instance
    • Prendre des conclusions et mémoires
    • Provoquer des incidents de procédure
  • Au stade de l’exécution de la décision, l’avocat peut :
    • Faire notifier la décision
    • Mandater un huissier aux fins d’exécution de la décision rendue

Bien que le périmètre des pouvoirs de l’avocat postulant soit relativement large, le mandat ad litem dont est investi l’avocat ne lui confère pas des pouvoirs illimités.

Pour l’accomplissement de certains actes, les plus graves, l’avocat devra obtenir un pouvoir spécial afin qu’il soit habilité à agir au nom et pour le compte de son client.

Tel n’est notamment le cas s’agissant de l’exercice d’une voie de recours (appel et pourvoi en cassation), en conséquence de quoi l’avocat devra justifier d’un pouvoir spécial (V. en ce sens Cass. soc. 2 avr. 1992, n° 87-44229 et Cass. 2e civ., 10 févr. 1993, n° 92-50008)

Il en va également ainsi en matière d’inscription en faux, de déféré de serment décisoire, de demande de récusation ou de renvoi pour cause de suspicion légitime ou encore de la transaction.

Plus généralement, il ressort de la jurisprudence constante que l’avocat ne peut accomplir aucun acte qui serait étranger à l’instance.

S’agissant des actes énoncés à l’article 417 du Code de procédure civile, (faire ou accepter un désistement, d’acquiescer, de faire, accepter ou donner des offres, un aveu ou un consentement) si l’avocat est réputé être investi d’un pouvoir spécial à l’égard du juge et de la partie adverse, il engage sa responsabilité à l’égard de son mandant en cas de défaut de pouvoir.