Les parties au contrat d’assurance porté par une mutuelle: le membre honoraire

L’adhésion constitue l’acte juridique créateur de la relation entre une personne et une mutuelle. Elle ne saurait être réduite à une simple formalité d’accès aux prestations : elle marque l’entrée dans une communauté organisée, fondée sur des valeurs spécifiques – solidarité, démocratie, non-lucrativité – et sur un projet collectif de protection sociale. En ce sens, l’adhésion emporte un double effet : elle confère à la fois un statut d’assuré et une qualité de membre, ancrée dans une logique institutionnelle propre au modèle mutualiste.

Conformément à l’article L. 114-1, alinéa 2, du Code de la mutualité, l’adhésion implique l’acceptation des statuts, du règlement intérieur et du règlement mutualiste, qui fixent les engagements contractuels réciproques. Ce triptyque normatif constitue le fondement des droits et obligations du membre, aussi bien sur le plan assurantiel (définition des garanties et cotisations) que statutaire (participation à la vie démocratique de la mutuelle).

Le Code de la mutualité distingue deux grandes catégories d’adhérents : les membres participants et les membres honoraires.

Nous nous focaliserons ici sur la seconde catégorie de membre.

Aux côtés des membres participants, le Code de la mutualité prévoit une catégorie distincte d’adhérents : les membres honoraires. Prévue à l’article L. 114-1, alinéa 4, cette qualité est ouverte aux personnes qui ne bénéficient d’aucune garantie assurantielle, mais qui souhaitent néanmoins contribuer à la vie de la mutuelle par leur engagement financier ou institutionnel.

1. Conditions d’admission

La qualité de membre honoraire peut être attribuée, selon les conditions fixées par les statuts de la mutuelle, aux catégories suivantes :

  • Les personnes physiques qui versent à la mutuelle des cotisations, contributions ou dons, ou qui lui ont rendu des services équivalents, sans bénéficier en retour de prestations. Cette situation vise notamment les anciens membres désireux de soutenir l’organisme, ou les personnalités impliquées dans son rayonnement social ou territorial.
  • Les personnes morales souscriptrices de contrats collectifs, en particulier les employeurs ayant conclu un contrat avec la mutuelle pour couvrir leurs salariés (art. L. 114-1, al. 5). Cette faculté est réservée aux mutuelles régies par le livre II du Code de la mutualité. Elle permet une implication institutionnelle des partenaires collectifs sans lien assurantiel propre.
  • Les représentants des salariés de ces personnes morales souscriptrices, lorsque les statuts de la mutuelle l’autorisent. Il s’agit ici d’une catégorie indirecte de membres honoraires, qui permet une représentation élargie des salariés dans la gouvernance mutualiste.

La qualité de membre honoraire ne s’acquiert pas de plein droit : elle est soumise à l’agrément du conseil d’administration de la mutuelle. L’article 11 des statuts-types de la Fédération Nationale de la Mutualité Française prévoit que cette admission peut résulter :

  • soit d’une demande expresse de la personne concernée ;
  • soit d’une proposition émanant du conseil d’administration lui-même.

Le conseil peut fixer des critères spécifiques, tenir compte de la contribution effective de la personne à la mutuelle, et, le cas échéant, déléguer cette prérogative à un comité ou à un dirigeant désigné. Cette procédure d’admission encadre rigoureusement l’accès à un statut qui, bien que sans contrepartie assurantielle, ouvre des droits politiques au sein de l’organisme.

En application de l’article L. 114-1, al. 6, les règlements mutualistes définissent les droits et obligations des membres honoraires, au même titre que ceux des membres participants, en ce qui concerne les cotisations (éventuelles) et la participation à la vie institutionnelle. Ces règlements, adoptés par l’assemblée générale sur proposition du conseil d’administration, constituent le cadre de référence pour apprécier l’implication attendue des membres honoraires et leur position dans l’organisation.

2. Statut et rôle au sein de la gouvernance mutualiste

Bien qu’ils ne soient ni bénéficiaires de garanties, ni liés par les règlements mutualistes définissant les engagements assurantiels, les membres honoraires peuvent exercer des droits politiques au sein de la mutuelle, dès lors que les statuts le prévoient.

À ce titre, ils peuvent :

  • participer à l’assemblée générale et y exercer un droit de vote, au même titre que les membres participants ;
  • être éligibles aux fonctions d’administrateur, s’ils sont des personnes physiques, ou s’ils représentent une personne morale elle-même membre honoraire.

Ce rôle institutionnel contribue à élargir la gouvernance mutualiste à des acteurs extérieurs au cercle des assurés, mais qui partagent les valeurs, les orientations ou les enjeux de la mutuelle. Il permet également d’impliquer durablement les partenaires collectifs — notamment les employeurs souscripteurs — dans la stratégie de l’organisme, sans leur reconnaître pour autant de droits à prestations.

Les parties au contrat d’assurance porté par une mutuelle: le membre participant

L’adhésion constitue l’acte juridique créateur de la relation entre une personne et une mutuelle. Elle ne saurait être réduite à une simple formalité d’accès aux prestations : elle marque l’entrée dans une communauté organisée, fondée sur des valeurs spécifiques – solidarité, démocratie, non-lucrativité – et sur un projet collectif de protection sociale. En ce sens, l’adhésion emporte un double effet : elle confère à la fois un statut d’assuré et une qualité de membre, ancrée dans une logique institutionnelle propre au modèle mutualiste.

Conformément à l’article L. 114-1, alinéa 2, du Code de la mutualité, l’adhésion implique l’acceptation des statuts, du règlement intérieur et du règlement mutualiste, qui fixent les engagements contractuels réciproques. Ce triptyque normatif constitue le fondement des droits et obligations du membre, aussi bien sur le plan assurantiel (définition des garanties et cotisations) que statutaire (participation à la vie démocratique de la mutuelle).

Le Code de la mutualité distingue deux grandes catégories d’adhérents : les membres participants et les membres honoraires.

Nous nous focaliserons ici sur la première catégorie de membre.

Le membre participant constitue l’adhérent-type du contrat d’assurance mutualiste. Il incarne la spécificité du modèle mutualiste, en ce qu’il est à la fois bénéficiaire de garanties et acteur engagé de la gouvernance démocratique de l’organisme. L’article L. 114-1, alinéa 2, du Code de la mutualité le définit comme «?la personne physique qui bénéficie des prestations de la mutuelle à laquelle elle a adhéré et en ouvre le droit à ses ayants droit?».

Sa qualité repose sur une logique de double appartenance : juridique, au titre de la couverture assurantielle qu’il acquiert en contrepartie de sa cotisation ; politique, au regard de sa participation à la vie statutaire et institutionnelle de la mutuelle.

a. Qui peut être membre participant?

La qualité de membre participant est réservée, en vertu de l’article L. 114-1, alinéa 2 du Code de la mutualité, aux personnes physiques qui remplissent les conditions d’adhésion définies par les statuts de la mutuelle. Il s’agit d’un statut personnel, qui ne peut être conféré qu’à des individus, et dont l’attribution repose à la fois sur des critères statutaires d’éligibilité et sur la souscription effective d’une garantie.

i. Les conditions statutaires d’accès

Chaque mutuelle détermine, dans ses statuts, les conditions d’accès à l’adhésion. Ces conditions doivent être conformes aux principes posés par le Code de la mutualité, notamment ceux d’égalité et de non-discrimination, mais peuvent intégrer des critères propres à l’objet social de l’organisme, tels que :

  • l’appartenance à une catégorie socio-professionnelle déterminée ;
  • la résidence dans une zone géographique spécifique ;
  • l’affiliation à un régime particulier de sécurité sociale ;
  • ou tout autre critère objectif et pertinent, dès lors qu’il est prévu par les statuts.

Ainsi, peut devenir membre participant toute personne physique remplissant les conditions statutaires et acceptée par la mutuelle, dès lors qu’elle adhère et s’acquitte de la cotisation correspondant aux garanties souscrites, que ce soit dans le cadre d’une opération individuelle ou collective.

ii. Le cas particulier des mineurs de plus de 16 ans

Le Code de la mutualité prévoit une disposition spécifique à l’article L. 114-2, selon laquelle les mineurs âgés de plus de seize ans peuvent adhérer seuls, sans autorisation parentale, sous réserve qu’ils expriment une volonté éclairée. Cette disposition illustre la vocation inclusive et éducative de la mutualité, en reconnaissant aux jeunes la capacité de s’engager dans un dispositif solidaire dès l’âge de 16 ans.

iii. L’affiliation sans consentement dans les opérations collectives obligatoires

Enfin, il convient de souligner que dans le cadre des opérations collectives à adhésion obligatoire (article L. 221-2, III, 2°), la qualité de membre participant peut être attribuée automatiquement, sans qu’il soit nécessaire que la personne accomplisse un acte d’adhésion individuel. Dans cette hypothèse, la simple affiliation, opérée par l’effet d’un acte collectif à portée normative (convention collective, accord d’entreprise, décision unilatérale de l’employeur), suffit à faire naître la qualité de membre participant, dès lors que la personne bénéficie effectivement des garanties.

b. La formalisation de l’adhésion

L’adhésion donnant accès à la qualité de membre participant peut intervenir dans deux cadres juridiques distincts : celui de l’opération individuelle, d’une part, et celui de l’opération collective, d’autre part. Ces deux régimes, bien que juridiquement distincts, partagent une finalité commune : l’intégration de l’adhérent dans la communauté mutualiste en tant qu’assuré et acteur.

i. L’adhésion dans le cadre d’une opération individuelle

==>Définition juridique de l’opération individuelle

L’opération individuelle se définit, au sens de l’article L. 221-2, II du Code de la mutualité, comme celle par laquelle une personne physique adhère directement à une mutuelle ou à une union, en signant un bulletin d’adhésion. Cette adhésion intervient dans le cadre des activités d’assurance de personnes mentionnées à l’article L. 111-1, I, 1° (maladie, accident, prévoyance, etc.).

Ce type d’opération repose sur une démarche entièrement personnelle et volontaire, traduisant une volonté propre d’adhérer à la mutuelle, sans l’intermédiaire d’un contrat collectif.

La qualification juridique de l’adhérent dépend de sa situation au regard des garanties :

  • Si la personne physique adhérente est bénéficiaire des garanties, elle acquiert, à la date de sa signature, la qualité de membre participant. Elle devient ainsi à la fois bénéficiaire des garanties et membre statutaire de la mutuelle.
  • En revanche, si elle n’est pas elle-même bénéficiaire (par exemple lorsqu’elle adhère pour le compte d’un tiers), elle n’obtient que la qualité de membre honoraire. Dans ce cas, la personne physique effectivement couverte doit elle-même signer le bulletin d’adhésion pour être reconnue comme membre participant.

Cette exigence illustre le principe selon lequel la qualité de membre participant ne peut être acquise que par une personne physique bénéficiaire des garanties, et uniquement par l’effet d’un acte d’adhésion personnellement accompli. En ce sens, l’opération individuelle constitue un modèle d’adhésion fondé sur l’engagement exprès du bénéficiaire, à l’opposé de la logique à laquelle répond une opération collective.

==>Effets de l’adhésion

L’adhésion à une mutuelle produit des effets juridiques immédiats. Dès la signature du bulletin d’adhésion, et à condition que la personne physique soit bénéficiaire des garanties, celle-ci acquiert de plein droit la qualité de membre participant.

Cette qualité ne se réduit pas à la simple situation d’« assuré » : elle confère à l’adhérent un statut unique, à la fois assuré au titre du contrat mutualiste et membre actif de la mutuelle, participant à sa gouvernance.

D’une part, l’adhérent devient titulaire de droits à prestations, dans le cadre d’un régime assurantiel défini par le règlement mutualiste. Ce règlement précise la nature, l’étendue, les modalités de mise en œuvre, ainsi que les éventuelles exclusions ou limitations de garanties. Il encadre également les obligations de l’adhérent, au premier rang desquelles figure le versement régulier de la cotisation.

D’autre part, l’adhésion ouvre l’accès au régime statutaire de la mutuelle : le membre participant dispose d’un droit de vote à l’assemblée générale, d’une éligibilité aux fonctions d’administrateur, ainsi que d’un droit d’information et de participation aux décisions collectives. Ces droits s’exercent selon le principe « un membre, une voix » (art. L. 110-1 du Code de la mutualité), indépendamment du niveau de cotisation ou des prestations reçues.

Ce statut unifié, qui confère à la fois une protection assurantielle et une capacité d’intervention dans la gouvernance de l’organisme, constitue l’une des marques les plus distinctives de la mutualité. Il reflète une vision du contrat d’adhésion comme instrument de solidarité, mais aussi d’implication démocratique, au service d’un projet collectif non lucratif.

ii. L’adhésion dans le cadre d’une opération collective

Lorsque les garanties sont proposées dans un cadre collectif, l’adhésion à la mutuelle n’est plus initiée directement par la personne physique, mais organisée par l’entremise d’une personne morale souscriptrice, telle qu’un employeur, une association ou un groupement professionnel. Dans ce cas, c’est cette entité qui contracte avec la mutuelle pour le compte d’un ensemble de personnes, généralement ses salariés ou ses membres.

L’article L. 221-2, III du Code de la mutualité distingue alors deux régimes, selon le caractère facultatif ou obligatoire de l’adhésion individuelle. Cette distinction conditionne la manière dont la qualité de membre participant est acquise par les personnes physiques couvertes.

==>L’opération collective à adhésion facultative

Une opération collective est dite facultative lorsque chaque personne concernée dispose de la liberté d’adhérer ou non aux garanties souscrites pour son groupe (salariés d’une entreprise, membres d’une association, etc.). Ce régime repose donc sur une décision individuelle.

Concrètement, l’adhésion se matérialise :

  • soit par la signature d’un bulletin d’adhésion individuel ;
  • soit par l’acceptation expresse du contrat collectif conclu entre la mutuelle et la personne morale souscriptrice (employeur ou autre).

L’adhérent accepte ainsi les statuts de la mutuelle, les règlements mutualistes, et la notice d’information, dans les mêmes conditions que dans une opération individuelle.

À compter de la date de son adhésion, la personne physique acquiert la qualité de membre participant. Elle bénéficie des garanties prévues et participe à la vie statutaire de la mutuelle (vote, éligibilité, etc.).

La seule différence avec l’adhésion individuelle réside dans le cadre contractuel initial : ici, le contrat collectif lie d’abord la mutuelle et une entité tierce (ex. : l’employeur), mais l’engagement final de l’adhérent reste personnel, volontaire et juridiquement autonome.

==>L’opération collective à adhésion obligatoire

L’opération devient obligatoire lorsque l’affiliation des personnes physiques résulte d’un acte collectif ayant force contraignante, sans qu’un consentement individuel ne soit requis. L’adhésion n’est plus volontaire : elle découle d’une décision imposée à l’ensemble d’un groupe ou d’une catégorie de personnes.

Ce caractère obligatoire peut avoir plusieurs fondements :

  • une disposition légale ou réglementaire ;
  • une convention collective ou un accord de branche ;
  • un accord ratifié par la majorité des personnes concernées ;
  • ou une décision unilatérale de l’employeur (DUE).

Dans ces hypothèses, la personne physique est automatiquement affiliée à la mutuelle. Cette simple affiliation suffit à lui conférer la qualité de membre participant, sans qu’il soit nécessaire de signer un bulletin d’adhésion.

Le droit de la mutualité admet ici une exception au principe de liberté contractuelle, en ce qu’il reconnaît à l’acte collectif une valeur équivalente à un consentement individuel, à condition que soient respectées les garanties fixées par les statuts et les règlements mutualistes.

L’affiliation produit alors les mêmes effets juridiques qu’une adhésion individuelle : le salarié ou le membre affilié devient membre participant à part entière, bénéficiant des prestations et participant à la gouvernance de l’organisme.

c. Les droits et obligations attachés à la qualité de membre participant

La qualité de membre participant emporte des droits juridiques mais aussi des droits politiques, fondant l’originalité de l’engagement mutualiste.

i. Les droits juridiques

Les règlements mutualistes, adoptés soit par l’assemblée générale, soit par le conseil d’administration selon les statuts (art. L. 114-1 et L. 114-17 C. mutualité), déterminent l’ensemble des engagements contractuels opposables à la mutuelle comme au membre. Ces règlements précisent notamment :

  • les prestations garanties,
  • les modalités de déclaration des sinistres,
  • les délais de prescription,
  • les causes d’exclusion ou de déchéance,
  • les conditions de résiliation ou de reconduction tacite.

Le contenu de ces règlements est encadré par l’article R. 114-0-1 du Code de la mutualité, qui impose des mentions obligatoires, et par l’article L. 110-2, qui prohibe toute discrimination injustifiée. Sauf exception pour les opérations collectives obligatoires, la modulation des cotisations et des prestations ne peut être fondée que sur des critères objectifs limitativement énumérés (revenu, âge, durée d’appartenance, régime de sécurité sociale, lieu de résidence, etc.), à l’exclusion de l’état de santé ou du sexe.

ii. Les droits politiques

La participation à la vie démocratique de la mutuelle est un corollaire essentiel de l’adhésion. Le membre participant dispose :

  • d’un droit de vote à l’assemblée générale,
  • d’un droit de candidature au conseil d’administration,
  • d’un droit d’information sur les décisions prises par les organes de gouvernance.

Ces droits s’exercent conformément au principe d’égalité entre les membres, exprimé par la règle « un membre, une voix », qui constitue l’un des fondements du modèle mutualiste.

En ce sens, le membre participant n’est pas un usager passif du service d’assurance, mais un acteur engagé, porteur d’un projet collectif de protection sociale. Il participe à la délibération, à la décision, et à la co-construction de l’action mutualiste.

Les tiers intéressés au contrat d’assurance porté par une mutuelle: les ayants droit et les bénéficiaires

Le cœur du modèle mutualiste réside dans le lien d’adhésion unissant chaque membre à la mutuelle. Cet engagement ne se réduit ni à une simple relation contractuelle, ni à une prestation de service : il scelle une appartenance à une organisation autonome, porteuse d’un projet de solidarité et fondée sur une gouvernance démocratique. La qualité de membre n’est donc pas le simple corollaire de la souscription à une garantie ; elle procède d’un rattachement statutaire, engageant à la fois juridiquement et institutionnellement.

Le Code de la mutualité reconnaît deux formes principales de participation à la vie mutualiste : celle des membres participants, bénéficiaires des garanties et pleinement intégrés à la gouvernance de l’organisme, et celle des membres honoraires, qui contribuent au fonctionnement de la mutuelle sans relever de sa logique assurantielle.

L’analyse des conditions d’accès à la qualité de membre, des modalités d’adhésion et des droits qui y sont attachés permet de mieux comprendre la spécificité de l’engagement mutualiste, à l’intersection du droit des assurances et du droit des organismes à but non lucratif.

Nous nous focaliserons ici sur le statut des tiers intéressés au contrat d’assurance porté par une mutuelle.

Le contrat d’assurance mutualiste produit des effets qui débordent la seule relation entre la mutuelle et ses membres. En effet, certaines personnes, bien que n’ayant pas la qualité de membre, peuvent bénéficier des prestations assurantielles mises en œuvre par l’organisme. Ces bénéficiaires extérieurs à la mutuelle ne sont ni parties à l’acte d’adhésion, ni ne forment le corps électoral, ni ne participent à la gouvernance mutualiste. Néanmoins, leur intérêt à l’opération d’assurance résulte :

  • soit d’un lien dérivé, par l’intermédiaire d’un membre participant ;
  • soit d’un engagement contractuel spécifique, fondé sur une stipulation pour autrui.

a. Les ayants droit des membres participants

Les ayants droit sont les personnes désignées par les statuts ou les règlements mutualistes comme pouvant bénéficier des garanties souscrites par un membre participant. Leur droit est donc accessoire et dépendant de celui du membre dont ils dépendent (C. mutualité, art. L. 114-1, al. 2).

i. Une qualité accessoire, sans statut de membre

Contrairement au membre participant, l’ayant droit n’est pas adhérent à la mutuelle :

  • il ne signe aucun bulletin d’adhésion,
  • ne participe pas à la gouvernance de l’organisme,
  • et ne peut ni voter ni être élu dans les instances statutaires.

Il tire l’intégralité de ses droits des dispositions statutaires ou règlementaires applicables au membre participant dont il dépend. Par conséquent, la cessation d’adhésion du membre principal (résiliation, radiation, décès non couvert) emporte disparition du droit à prestations de l’ayant droit, sauf stipulation contraire.

ii. Définition du statut

Depuis l’abrogation de l’ancien article L. 313-3 du Code de la sécurité sociale, le législateur n’offre plus de définition de la notion d’ayant droit dans le cadre des contrats mutualistes. En conséquence, il revient désormais à chaque mutuelle de définir, dans ses statuts ou ses règlements mutualistes, les personnes qui peuvent être reconnues comme ayants droit d’un membre participant.

Cette définition est laissée à l’appréciation des mutuelles, sous réserve du respect des principes généraux du droit de la mutualité, en particulier le principe de non-discrimination (C. mutualité, art. L. 110-1 et L. 110-2). Les statuts peuvent ainsi prévoir que sont considérés comme ayants droit :

  • le conjoint marié du membre ;
  • le partenaire lié par un pacte civil de solidarité (PACS) ;
  • le concubin notoire ;
  • les enfants mineurs ou à charge ;
  • voire, selon les cas, certains ascendants ou autres membres de la famille vivant au foyer.

Cette autonomie permet aux mutuelles d’adapter leur politique de couverture aux réalités sociales et familiales contemporaines, en intégrant, par exemple, les nouveaux modèles familiaux ou les situations de dépendance économique.

b. Les bénéficiaires désignés par une stipulation pour autrui

Outre les ayants droit, une autre catégorie de personnes peut bénéficier des effets du contrat d’assurance mutualiste sans pour autant être membre de la mutuelle : il s’agit des bénéficiaires désignés par une stipulation pour autrui, conformément au régime prévu aux articles 1205 et suivants du Code civil.

Ce mécanisme permet à l’adhérent — dit le stipulant — de prévoir, dans le contrat mutualiste, qu’un tiers bénéficiera d’une prestation déterminée, sans être lui-même partie à la convention. Ce schéma est courant dans les garanties de prévoyance, notamment pour les prestations en cas de décès, d’invalidité ou d’incapacité, où le capital ou la rente est directement versé à un tiers désigné.

i. Un droit propre, né de la volonté du stipulant

Contrairement à l’ayant droit, dont la qualité est statutairement défini et juridiquement dérivé de l’adhésion du membre participant, le bénéficiaire d’une stipulation pour autrui dispose d’un droit propre, né de l’acte du stipulant.

Ce droit :

  • n’est pas subordonné à la qualité de membre du bénéficiaire ;
  • devient directement opposable à la mutuelle dès lors qu’il a été accepté ;
  • et ouvre la voie à une action personnelle en exécution de la prestation, selon les modalités prévues dans le contrat.

La stipulation produit donc un effet direct et immédiat au profit du tiers, qui peut valablement réclamer le versement des sommes ou l’exécution de l’engagement prévu, indépendamment de tout lien juridique avec la mutuelle.

ii. L’absence de qualité de membre

Malgré l’existence d’un droit sur la prestation, le bénéficiaire d’une stipulation pour autrui ne devient pas pour autant membre de la mutuelle. Il reste extérieur à la structure mutualiste, et n’est investi d’aucune des prérogatives attachées à la qualité d’adhérent.

Concrètement :

  • il ne participe pas à l’assemblée générale et ne dispose d’aucun droit de vote ;
  • il ne peut être éligible à aucune fonction au sein des instances dirigeantes ;
  • il n’est tenu par aucune obligation de cotisation ou de contribution ;
  • et il n’est pas soumis aux statuts ou règlements mutualistes, sauf en cas d’adhésion dûment formalisée.

Ce n’est que s’il accomplit les formalités d’adhésion — notamment la signature du bulletin et l’acceptation des statuts et règlements mutualistes — qu’il pourra acquérir la qualité de membre participant.

Les parties au contrat d’assurance porté par une mutuelle

Le cœur du modèle mutualiste réside dans le lien d’adhésion unissant chaque membre à la mutuelle. Cet engagement ne se réduit ni à une simple relation contractuelle, ni à une prestation de service : il scelle une appartenance à une organisation autonome, porteuse d’un projet de solidarité et fondée sur une gouvernance démocratique. La qualité de membre n’est donc pas le simple corollaire de la souscription à une garantie ; elle procède d’un rattachement statutaire, engageant à la fois juridiquement et institutionnellement.

Le Code de la mutualité reconnaît deux formes principales de participation à la vie mutualiste : celle des membres participants, bénéficiaires des garanties et pleinement intégrés à la gouvernance de l’organisme, et celle des membres honoraires, qui contribuent au fonctionnement de la mutuelle sans relever de sa logique assurantielle.

L’analyse des conditions d’accès à la qualité de membre, des modalités d’adhésion et des droits qui y sont attachés permet de mieux comprendre la spécificité de l’engagement mutualiste, à l’intersection du droit des assurances et du droit des organismes à but non lucratif.

Nous nous focaliserons ici sur le statut des seules personnes adhérentes, membres de la mutuelle.

L’adhésion constitue l’acte juridique créateur de la relation entre une personne et une mutuelle. Elle ne saurait être réduite à une simple formalité d’accès aux prestations : elle marque l’entrée dans une communauté organisée, fondée sur des valeurs spécifiques – solidarité, démocratie, non-lucrativité – et sur un projet collectif de protection sociale. En ce sens, l’adhésion emporte un double effet : elle confère à la fois un statut d’assuré et une qualité de membre, ancrée dans une logique institutionnelle propre au modèle mutualiste.

Conformément à l’article L. 114-1, alinéa 2, du Code de la mutualité, l’adhésion implique l’acceptation des statuts, du règlement intérieur et du règlement mutualiste, qui fixent les engagements contractuels réciproques. Ce triptyque normatif constitue le fondement des droits et obligations du membre, aussi bien sur le plan assurantiel (définition des garanties et cotisations) que statutaire (participation à la vie démocratique de la mutuelle).

Le Code de la mutualité distingue deux grandes catégories d’adhérents : les membres participants et les membres honoraires.

1. Les membres participants

Le membre participant constitue l’adhérent-type du contrat d’assurance mutualiste. Il incarne la spécificité du modèle mutualiste, en ce qu’il est à la fois bénéficiaire de garanties et acteur engagé de la gouvernance démocratique de l’organisme. L’article L. 114-1, alinéa 2, du Code de la mutualité le définit comme «?la personne physique qui bénéficie des prestations de la mutuelle à laquelle elle a adhéré et en ouvre le droit à ses ayants droit?».

Sa qualité repose sur une logique de double appartenance : juridique, au titre de la couverture assurantielle qu’il acquiert en contrepartie de sa cotisation ; politique, au regard de sa participation à la vie statutaire et institutionnelle de la mutuelle.

a. Qui peut être membre participant?

La qualité de membre participant est réservée, en vertu de l’article L. 114-1, alinéa 2 du Code de la mutualité, aux personnes physiques qui remplissent les conditions d’adhésion définies par les statuts de la mutuelle. Il s’agit d’un statut personnel, qui ne peut être conféré qu’à des individus, et dont l’attribution repose à la fois sur des critères statutaires d’éligibilité et sur la souscription effective d’une garantie.

i. Les conditions statutaires d’accès

Chaque mutuelle détermine, dans ses statuts, les conditions d’accès à l’adhésion. Ces conditions doivent être conformes aux principes posés par le Code de la mutualité, notamment ceux d’égalité et de non-discrimination, mais peuvent intégrer des critères propres à l’objet social de l’organisme, tels que :

  • l’appartenance à une catégorie socio-professionnelle déterminée ;
  • la résidence dans une zone géographique spécifique ;
  • l’affiliation à un régime particulier de sécurité sociale ;
  • ou tout autre critère objectif et pertinent, dès lors qu’il est prévu par les statuts.

Ainsi, peut devenir membre participant toute personne physique remplissant les conditions statutaires et acceptée par la mutuelle, dès lors qu’elle adhère et s’acquitte de la cotisation correspondant aux garanties souscrites, que ce soit dans le cadre d’une opération individuelle ou collective.

ii. Le cas particulier des mineurs de plus de 16 ans

Le Code de la mutualité prévoit une disposition spécifique à l’article L. 114-2, selon laquelle les mineurs âgés de plus de seize ans peuvent adhérer seuls, sans autorisation parentale, sous réserve qu’ils expriment une volonté éclairée. Cette disposition illustre la vocation inclusive et éducative de la mutualité, en reconnaissant aux jeunes la capacité de s’engager dans un dispositif solidaire dès l’âge de 16 ans.

iii. L’affiliation sans consentement dans les opérations collectives obligatoires

Enfin, il convient de souligner que dans le cadre des opérations collectives à adhésion obligatoire (article L. 221-2, III, 2°), la qualité de membre participant peut être attribuée automatiquement, sans qu’il soit nécessaire que la personne accomplisse un acte d’adhésion individuel. Dans cette hypothèse, la simple affiliation, opérée par l’effet d’un acte collectif à portée normative (convention collective, accord d’entreprise, décision unilatérale de l’employeur), suffit à faire naître la qualité de membre participant, dès lors que la personne bénéficie effectivement des garanties.

b. La formalisation de l’adhésion

L’adhésion donnant accès à la qualité de membre participant peut intervenir dans deux cadres juridiques distincts : celui de l’opération individuelle, d’une part, et celui de l’opération collective, d’autre part. Ces deux régimes, bien que juridiquement distincts, partagent une finalité commune : l’intégration de l’adhérent dans la communauté mutualiste en tant qu’assuré et acteur.

i. L’adhésion dans le cadre d’une opération individuelle

==>Définition juridique de l’opération individuelle

L’opération individuelle se définit, au sens de l’article L. 221-2, II du Code de la mutualité, comme celle par laquelle une personne physique adhère directement à une mutuelle ou à une union, en signant un bulletin d’adhésion. Cette adhésion intervient dans le cadre des activités d’assurance de personnes mentionnées à l’article L. 111-1, I, 1° (maladie, accident, prévoyance, etc.).

Ce type d’opération repose sur une démarche entièrement personnelle et volontaire, traduisant une volonté propre d’adhérer à la mutuelle, sans l’intermédiaire d’un contrat collectif.

La qualification juridique de l’adhérent dépend de sa situation au regard des garanties :

  • Si la personne physique adhérente est bénéficiaire des garanties, elle acquiert, à la date de sa signature, la qualité de membre participant. Elle devient ainsi à la fois bénéficiaire des garanties et membre statutaire de la mutuelle.
  • En revanche, si elle n’est pas elle-même bénéficiaire (par exemple lorsqu’elle adhère pour le compte d’un tiers), elle n’obtient que la qualité de membre honoraire. Dans ce cas, la personne physique effectivement couverte doit elle-même signer le bulletin d’adhésion pour être reconnue comme membre participant.

Cette exigence illustre le principe selon lequel la qualité de membre participant ne peut être acquise que par une personne physique bénéficiaire des garanties, et uniquement par l’effet d’un acte d’adhésion personnellement accompli. En ce sens, l’opération individuelle constitue un modèle d’adhésion fondé sur l’engagement exprès du bénéficiaire, à l’opposé de la logique à laquelle répond une opération collective.

==>Effets de l’adhésion

L’adhésion à une mutuelle produit des effets juridiques immédiats. Dès la signature du bulletin d’adhésion, et à condition que la personne physique soit bénéficiaire des garanties, celle-ci acquiert de plein droit la qualité de membre participant.

Cette qualité ne se réduit pas à la simple situation d’« assuré » : elle confère à l’adhérent un statut unique, à la fois assuré au titre du contrat mutualiste et membre actif de la mutuelle, participant à sa gouvernance.

D’une part, l’adhérent devient titulaire de droits à prestations, dans le cadre d’un régime assurantiel défini par le règlement mutualiste. Ce règlement précise la nature, l’étendue, les modalités de mise en œuvre, ainsi que les éventuelles exclusions ou limitations de garanties. Il encadre également les obligations de l’adhérent, au premier rang desquelles figure le versement régulier de la cotisation.

D’autre part, l’adhésion ouvre l’accès au régime statutaire de la mutuelle : le membre participant dispose d’un droit de vote à l’assemblée générale, d’une éligibilité aux fonctions d’administrateur, ainsi que d’un droit d’information et de participation aux décisions collectives. Ces droits s’exercent selon le principe « un membre, une voix » (art. L. 110-1 du Code de la mutualité), indépendamment du niveau de cotisation ou des prestations reçues.

Ce statut unifié, qui confère à la fois une protection assurantielle et une capacité d’intervention dans la gouvernance de l’organisme, constitue l’une des marques les plus distinctives de la mutualité. Il reflète une vision du contrat d’adhésion comme instrument de solidarité, mais aussi d’implication démocratique, au service d’un projet collectif non lucratif.

ii. L’adhésion dans le cadre d’une opération collective

Lorsque les garanties sont proposées dans un cadre collectif, l’adhésion à la mutuelle n’est plus initiée directement par la personne physique, mais organisée par l’entremise d’une personne morale souscriptrice, telle qu’un employeur, une association ou un groupement professionnel. Dans ce cas, c’est cette entité qui contracte avec la mutuelle pour le compte d’un ensemble de personnes, généralement ses salariés ou ses membres.

L’article L. 221-2, III du Code de la mutualité distingue alors deux régimes, selon le caractère facultatif ou obligatoire de l’adhésion individuelle. Cette distinction conditionne la manière dont la qualité de membre participant est acquise par les personnes physiques couvertes.

==>L’opération collective à adhésion facultative

Une opération collective est dite facultative lorsque chaque personne concernée dispose de la liberté d’adhérer ou non aux garanties souscrites pour son groupe (salariés d’une entreprise, membres d’une association, etc.). Ce régime repose donc sur une décision individuelle.

Concrètement, l’adhésion se matérialise :

  • soit par la signature d’un bulletin d’adhésion individuel ;
  • soit par l’acceptation expresse du contrat collectif conclu entre la mutuelle et la personne morale souscriptrice (employeur ou autre).

L’adhérent accepte ainsi les statuts de la mutuelle, les règlements mutualistes, et la notice d’information, dans les mêmes conditions que dans une opération individuelle.

À compter de la date de son adhésion, la personne physique acquiert la qualité de membre participant. Elle bénéficie des garanties prévues et participe à la vie statutaire de la mutuelle (vote, éligibilité, etc.).

La seule différence avec l’adhésion individuelle réside dans le cadre contractuel initial : ici, le contrat collectif lie d’abord la mutuelle et une entité tierce (ex. : l’employeur), mais l’engagement final de l’adhérent reste personnel, volontaire et juridiquement autonome.

==>L’opération collective à adhésion obligatoire

L’opération devient obligatoire lorsque l’affiliation des personnes physiques résulte d’un acte collectif ayant force contraignante, sans qu’un consentement individuel ne soit requis. L’adhésion n’est plus volontaire : elle découle d’une décision imposée à l’ensemble d’un groupe ou d’une catégorie de personnes.

Ce caractère obligatoire peut avoir plusieurs fondements :

  • une disposition légale ou réglementaire ;
  • une convention collective ou un accord de branche ;
  • un accord ratifié par la majorité des personnes concernées ;
  • ou une décision unilatérale de l’employeur (DUE).

Dans ces hypothèses, la personne physique est automatiquement affiliée à la mutuelle. Cette simple affiliation suffit à lui conférer la qualité de membre participant, sans qu’il soit nécessaire de signer un bulletin d’adhésion.

Le droit de la mutualité admet ici une exception au principe de liberté contractuelle, en ce qu’il reconnaît à l’acte collectif une valeur équivalente à un consentement individuel, à condition que soient respectées les garanties fixées par les statuts et les règlements mutualistes.

L’affiliation produit alors les mêmes effets juridiques qu’une adhésion individuelle : le salarié ou le membre affilié devient membre participant à part entière, bénéficiant des prestations et participant à la gouvernance de l’organisme.

c. Les droits et obligations attachés à la qualité de membre participant

La qualité de membre participant emporte des droits juridiques mais aussi des droits politiques, fondant l’originalité de l’engagement mutualiste.

i. Les droits juridiques

Les règlements mutualistes, adoptés soit par l’assemblée générale, soit par le conseil d’administration selon les statuts (art. L. 114-1 et L. 114-17 C. mutualité), déterminent l’ensemble des engagements contractuels opposables à la mutuelle comme au membre. Ces règlements précisent notamment :

  • les prestations garanties,
  • les modalités de déclaration des sinistres,
  • les délais de prescription,
  • les causes d’exclusion ou de déchéance,
  • les conditions de résiliation ou de reconduction tacite.

Le contenu de ces règlements est encadré par l’article R. 114-0-1 du Code de la mutualité, qui impose des mentions obligatoires, et par l’article L. 110-2, qui prohibe toute discrimination injustifiée. Sauf exception pour les opérations collectives obligatoires, la modulation des cotisations et des prestations ne peut être fondée que sur des critères objectifs limitativement énumérés (revenu, âge, durée d’appartenance, régime de sécurité sociale, lieu de résidence, etc.), à l’exclusion de l’état de santé ou du sexe.

ii. Les droits politiques

La participation à la vie démocratique de la mutuelle est un corollaire essentiel de l’adhésion. Le membre participant dispose :

  • d’un droit de vote à l’assemblée générale,
  • d’un droit de candidature au conseil d’administration,
  • d’un droit d’information sur les décisions prises par les organes de gouvernance.

Ces droits s’exercent conformément au principe d’égalité entre les membres, exprimé par la règle « un membre, une voix », qui constitue l’un des fondements du modèle mutualiste.

En ce sens, le membre participant n’est pas un usager passif du service d’assurance, mais un acteur engagé, porteur d’un projet collectif de protection sociale. Il participe à la délibération, à la décision, et à la co-construction de l’action mutualiste.

2. Les membres honoraires

Aux côtés des membres participants, le Code de la mutualité prévoit une catégorie distincte d’adhérents : les membres honoraires. Prévue à l’article L. 114-1, alinéa 4, cette qualité est ouverte aux personnes qui ne bénéficient d’aucune garantie assurantielle, mais qui souhaitent néanmoins contribuer à la vie de la mutuelle par leur engagement financier ou institutionnel.

a. Conditions d’admission

La qualité de membre honoraire peut être attribuée, selon les conditions fixées par les statuts de la mutuelle, aux catégories suivantes :

  • Les personnes physiques qui versent à la mutuelle des cotisations, contributions ou dons, ou qui lui ont rendu des services équivalents, sans bénéficier en retour de prestations. Cette situation vise notamment les anciens membres désireux de soutenir l’organisme, ou les personnalités impliquées dans son rayonnement social ou territorial.
  • Les personnes morales souscriptrices de contrats collectifs, en particulier les employeurs ayant conclu un contrat avec la mutuelle pour couvrir leurs salariés (art. L. 114-1, al. 5). Cette faculté est réservée aux mutuelles régies par le livre II du Code de la mutualité. Elle permet une implication institutionnelle des partenaires collectifs sans lien assurantiel propre.
  • Les représentants des salariés de ces personnes morales souscriptrices, lorsque les statuts de la mutuelle l’autorisent. Il s’agit ici d’une catégorie indirecte de membres honoraires, qui permet une représentation élargie des salariés dans la gouvernance mutualiste.

La qualité de membre honoraire ne s’acquiert pas de plein droit : elle est soumise à l’agrément du conseil d’administration de la mutuelle. L’article 11 des statuts-types de la Fédération Nationale de la Mutualité Française prévoit que cette admission peut résulter :

  • soit d’une demande expresse de la personne concernée ;
  • soit d’une proposition émanant du conseil d’administration lui-même.

Le conseil peut fixer des critères spécifiques, tenir compte de la contribution effective de la personne à la mutuelle, et, le cas échéant, déléguer cette prérogative à un comité ou à un dirigeant désigné. Cette procédure d’admission encadre rigoureusement l’accès à un statut qui, bien que sans contrepartie assurantielle, ouvre des droits politiques au sein de l’organisme.

En application de l’article L. 114-1, al. 6, les règlements mutualistes définissent les droits et obligations des membres honoraires, au même titre que ceux des membres participants, en ce qui concerne les cotisations (éventuelles) et la participation à la vie institutionnelle. Ces règlements, adoptés par l’assemblée générale sur proposition du conseil d’administration, constituent le cadre de référence pour apprécier l’implication attendue des membres honoraires et leur position dans l’organisation.

b. Statut et rôle au sein de la gouvernance mutualiste

Bien qu’ils ne soient ni bénéficiaires de garanties, ni liés par les règlements mutualistes définissant les engagements assurantiels, les membres honoraires peuvent exercer des droits politiques au sein de la mutuelle, dès lors que les statuts le prévoient.

À ce titre, ils peuvent :

  • participer à l’assemblée générale et y exercer un droit de vote, au même titre que les membres participants ;
  • être éligibles aux fonctions d’administrateur, s’ils sont des personnes physiques, ou s’ils représentent une personne morale elle-même membre honoraire.

Ce rôle institutionnel contribue à élargir la gouvernance mutualiste à des acteurs extérieurs au cercle des assurés, mais qui partagent les valeurs, les orientations ou les enjeux de la mutuelle. Il permet également d’impliquer durablement les partenaires collectifs — notamment les employeurs souscripteurs — dans la stratégie de l’organisme, sans leur reconnaître pour autant de droits à prestations.

Le contrat d’assurance porté par une mutuelle: principes directeurs

Le contrat d’assurance porté par une mutuelle se distingue radicalement du contrat d’assurance de droit commun, tant par son architecture juridique que par sa finalité sociale. Loin d’un contrat bilatéral de nature commerciale conclu entre un assureur et un souscripteur, il s’agit d’un acte d’adhésion à une entité collective, structurée comme personne morale de droit privé à but non lucratif, régie par ses statuts et par le Code de la mutualité (art. L. 110-1).

Cet acte d’adhésion n’ouvre pas seulement droit à une prestation : il marque l’entrée dans un collectif de protection solidaire, où le membre participant n’est pas un client mais un assuré-citoyen, investi de droits, de devoirs et d’une vocation à la gouvernance démocratique de l’organisme. En cela, le contrat mutualiste dépasse la seule logique assurantielle pour inscrire la relation contractuelle dans un projet commun d’organisation sociale de la solidarité.

Cette nature duale du lien unissant la mutuelle à ses membres a été consacrée avec force par l’ordonnance n° 2017-734 du 4 mai 2017, qui a introduit dans le Code de la mutualité un chapitre préliminaire intitulé « Principes communs aux mutuelles, unions et fédérations ». Ce chapitre affirme explicitement les valeurs fondatrices de la mutualité : non-lucrativité, liberté, démocratie et solidarité. Ces principes ne sont pas de simples proclamations : ils structurent de manière contraignante l’action des mutuelles, en délimitant tant leur champ d’activité que les conditions d’exercice de leurs missions assurantielles.

Le contrat mutualiste s’inscrit ainsi dans une relation d’assurance impliquant des engagements réciproques en matière de prestations et de cotisations, mais également — et indissociablement — dans une relation d’appartenance institutionnelle à une entité poursuivant un objet social collectif. Cette appartenance se traduit notamment par la participation aux décisions collectives, l’exercice du droit de vote, la contribution aux excédents non distribuables, et l’ancrage dans un fonctionnement statutaire transparent, tel que requis à l’article L. 110-1.

En outre, cette spécificité est renforcée par le principe de spécialité, dont le Code de la mutualité tire les conséquences juridiques tant au plan interne (interdiction de pratiquer plusieurs branches d’assurance dans un même organisme) qu’externe (interdiction de cumuler activité assurantielle et gestion de services médico-sociaux, sauf accessoirement : art. L. 111-1, III). La finalité sociale et la cohérence structurelle des mutuelles sont donc juridiquement protégées, au prix d’une limitation volontaire de leur champ d’intervention.

Ainsi, l’identité mutualiste se forge dans l’articulation entre finalité non marchande, appartenance collective et solidarité active, dans un cadre où la technique assurantielle est au service d’une éthique sociale. C’est dans cette logique que s’inscrit le contrat mutualiste, dont les effets ne peuvent être pleinement compris qu’en les replaçant dans l’ordonnancement normatif qui structure les rapports entre la mutuelle et les personnes concernées par son action : membres participants, ayants droit, affiliés, bénéficiaires.

1. Les statuts : socle identitaire et organique de la mutuelle

Dans l’architecture juridique qui régit les relations entre la mutuelle et ses membres, les statuts occupent une place centrale sinon fondamentale. Ils ne sont pas de simples actes constitutifs ; ils constituent l’acte fondateur de la mutuelle, à la fois support de sa personnalité morale, réceptacle de ses finalités sociales, et instrument de régulation interne. Le Code de la mutualité consacre cette fonction structurante à l’article L. 114-4, qui énumère de manière détaillée les mentions devant obligatoirement y figurer.

Les statuts déterminent ainsi :

  • l’objet social de la mutuelle, sa dénomination, son siège, ainsi que, pour les organismes pratiquant des opérations d’assurance, les branches d’activité garanties, y compris en réassurance ou en substitution ;
  • les conditions et modalités d’adhésion, de radiation et d’exclusion des membres, ainsi que les critères d’identification des ayants droit des membres participants ;
  • la composition des organes dirigeants, le mode d’élection et la durée du mandat des administrateurs, la limite d’âge, les règles de représentation en assemblée générale, et les conditions de vacance des sièges en cas de démission ou de décès.

Par-delà ces éléments techniques, les statuts constituent le véritable socle identitaire de la mutuelle. En effet, ils traduisent dans leur contenu les valeurs constitutives du modèle mutualiste, telles qu’elles sont affirmées à l’article L. 110-1 du Code de la mutualité : but non lucratif, gouvernance démocratique, gestion désintéressée, principe de solidarité, participation des membres.

Ils ne se contentent donc pas de fixer les règles de fonctionnement ; ils incarnent un projet collectif, nourri d’un idéal d’entraide et de justice sociale. Le statut de membre ne se réduit pas à une situation contractuelle passive : il emporte participation active à la vie démocratique de l’organisme, dans le respect du principe fondamental « un membre, une voix ». Cette égalité de participation, quel que soit le montant des cotisations versées ou le niveau des prestations perçues, consacre l’adhésion à une logique d’égalité civique mutualiste, à rebours des logiques capitalistiques.

La portée normative des statuts est d’autant plus importante qu’ils sont opposables aux membres (art. L. 114-1, al. 1), sous réserve qu’ils leur aient été communiqués au moment de l’adhésion. Toute modification doit également leur être notifiée pour être applicable. Cette exigence participe de la transparence statutaire, garante d’une adhésion pleinement informée et librement consentie, fondement de la qualité de membre.

En définitive, les statuts forment le noyau normatif autour duquel s’articule toute la vie de la mutuelle. Ils garantissent la cohérence interne du groupement, tout en assurant le respect des principes d’organisation démocratique et de solidarité qui fondent la spécificité mutualiste. En cela, ils ne sont pas seulement un instrument de régulation institutionnelle: ils sont le réceptacle vivant de l’engagement collectif, porteur de l’identité, de la légitimité et de la pérennité de l’action mutualiste.

2. Les règlements mutualistes : fondement de la relation assurantielle

Si les statuts expriment le projet institutionnel et organique de la mutuelle, les règlements mutualistes en constituent le prolongement fonctionnel, en ce qu’ils organisent, de manière précise et normative, la relation d’assurance entre la mutuelle et ses membres. Codifiés à l’article L. 114-1, II du Code de la mutualité, ces règlements définissent « le contenu des engagements contractuels existant entre chaque membre participant ou honoraire et la mutuelle […] en ce qui concerne les prestations et les cotisations ».

Ils constituent ainsi, dans les opérations d’assurance individuelles ou collectives à adhésion facultative, le support juridique direct de la garantie assurantielle. L’adhésion du membre — constatée par la signature d’un bulletin — emporte acceptation expresse du règlement mutualiste applicable, lequel tient lieu de contrat au sens fonctionnel du terme. La force obligatoire de ce règlement repose sur son intégration dans un ensemble normatif cohérent, qui articule engagement personnel et appartenance collective.

L’importance de ce document tient également à la densité normative de son contenu, encadrée tant par le législateur que par le pouvoir réglementaire. Le décret n° 2022-388 du 17 mars 2022 est ainsi venu renforcer le formalisme de l’article R. 114-0-1, en imposant la présence de clauses précises, rédigées en caractères très apparents, notamment :

  • les conditions d’entrée en vigueur des garanties,
  • les exclusions, nullités et déchéances,
  • les délais de prescription,
  • les modalités de résiliation, de reconduction, ou de prorogation du contrat ou de l’adhésion,
  • les délai de versement des prestations et la nature de l’indemnisation.

Ces exigences visent à garantir un haut niveau de lisibilité juridique, en phase avec le double objectif de protection de l’adhérent et de transparence contractuelle, qui irrigue l’ensemble du régime mutualiste.

Le contenu des règlements mutualistes est, par ailleurs, subordonné aux principes généraux énoncés à l’article L. 110-2 du Code de la mutualité, en particulier ceux de non-discrimination, d’égalité de traitement, et de modulation équitable des cotisations et prestations. Conformément à ce texte, et sauf exception liée aux opérations collectives obligatoires, la modulation des droits et obligations des membres ne peut intervenir que sur la base de critères objectifs, strictement encadrés, tels que :

  • le revenu,
  • la durée d’appartenance à la mutuelle,
  • le régime de sécurité sociale d’affiliation,
  • le lieu de résidence,
  • le nombre d’ayants droit,
  • ou l’âge du membre participant.

Il est en revanche formellement interdit, dans le cadre des opérations individuelles ou collectives à adhésion facultative, de fonder une modulation sur l’état de santé ou sur le sexe du membre ou du bénéficiaire. Cette interdiction est renforcée par les dispositions de l’article L. 110-3, issues de la transposition de la directive 2004/113/CE relative à l’égalité d’accès aux biens et services.

La rédaction du règlement mutualiste devient ainsi le lieu de cristallisation d’une relation contractuelle encadrée par des impératifs éthiques : il ne saurait être l’instrument d’une sélection des risques, mais doit être au service d’une couverture solidaire et inclusive. Le contrat mutualiste, tel que formalisé par le règlement, se distingue ainsi d’un contrat d’assurance de marché, en ce qu’il incorpore une logique redistributive, dans laquelle les plus faibles ne sont pas exclus mais protégés par la force du collectif.

À ce titre, les règlements mutualistes incarnent la transposition technique des principes mutualistes dans l’univers des garanties assurantielles. Ils permettent d’opérationnaliser, au sein d’un dispositif normatif accessible et encadré, les engagements réciproques entre la mutuelle et ses membres, dans le respect de l’esprit de solidarité qui fonde l’institution.

3. Le contrat collectif : support spécifique des opérations assurantielles groupées

Lorsque la couverture assurantielle est organisée dans un cadre collectif, la relation juridique ne repose plus principalement sur l’acte d’adhésion individuel du membre, mais sur un contrat écrit conclu entre la mutuelle et une personne morale souscriptrice, telle qu’un employeur, une association, ou un groupement professionnel. Cette modalité particulière est expressément prévue à l’article L. 114-1, III du Code de la mutualité, selon lequel « les droits et obligations résultant d’opérations collectives font l’objet d’un contrat écrit entre la personne morale souscriptrice et la mutuelle ».

Ce contrat collectif constitue le cadre juridique commun aux personnes physiques affiliées dans le cadre de l’opération. Il précise notamment les garanties offertes, les modalités d’affiliation, la répartition des cotisations, les exclusions éventuelles, les règles de reconduction et de cessation, ainsi que les mécanismes de gestion. Il organise donc une relation triangulaire, dans laquelle la mutuelle s’engage envers un groupe déterminé de bénéficiaires par l’intermédiaire d’un tiers contractant, lui-même engagé pour le compte des membres affiliés.

Toutefois, ce modèle collectif ne supprime pas nécessairement la logique d’adhésion individuelle. En effet, l’article L. 221-2 du Code de la mutualité prévoit que, dans certaines hypothèses, notamment dans le cadre d’opérations collectives à adhésion facultative, la signature d’un bulletin d’adhésion individuel demeure exigée. Cette coexistence entre un contrat collectif conclu avec un souscripteur et un règlement mutualiste collectif accepté individuellement soulève des difficultés d’articulation juridique, particulièrement en matière de détermination du support contractuel applicable et du régime contentieux afférent.

L’ambiguïté réside notamment dans le fait que le dernier alinéa de l’article L. 114-1 impose le recours à un contrat collectif écrit pour toutes les opérations collectives, alors que l’article L. 221-2, qui n’a pas été abrogé, continue de reconnaître la validité d’une adhésion par bulletin dans certains cas. Cette dualité non résolue peut entraîner une insécurité juridique, tant pour les mutuelles que pour les adhérents, quant à la source exacte des engagements réciproques, à leur opposabilité, et aux modalités de preuve en cas de litige.

Au-delà de ces enjeux techniques, le recours au contrat collectif soulève également des questions de représentativité et de consentement. Dans les régimes collectifs obligatoires, l’affiliation résulte parfois d’une décision unilatérale de l’employeur ou d’un accord collectif, sans que le salarié ait exprimé un consentement formel. Le droit de la mutualité tente d’encadrer cette réalité en imposant, par exemple, la remise d’une notice d’information (art. L. 221-6 C. mutualité), ou encore en régissant strictement les clauses de résiliation et de reconduction.

Malgré ces contraintes, le contrat collectif joue un rôle structurant essentiel dans le déploiement de la protection mutualiste à l’échelle des collectifs de travail, des institutions et des groupements. Il permet de mutualiser les risques à grande échelle, d’étendre la couverture à des personnes qui n’auraient pas nécessairement adhéré à titre individuel, et de faire vivre concrètement le principe de solidarité dans une logique professionnelle ou territoriale.

Les tiers intéressés à la formation du contrat d’assurance: les intermédiaires

Bien que le contrat d’assurance se forme, en principe, entre deux parties — le souscripteur et l’assureur —, il est loin de se limiter à ce seul cercle contractuel. Le droit des assurances admet qu’il puisse impliquer des tiers, soit par leurs intérêts dans les effets du contrat, soit par leur intervention lors de sa formation.

Ainsi, certains tiers — tels que l’assuré pour compte ou le bénéficiaire — se voient reconnaître un véritable droit propre à la garantie, sans avoir pris part à la conclusion du contrat. Leur intégration dans la sphère contractuelle résulte d’une stipulation pour autrui ou, dans certains cas, d’une disposition légale.

D’autres tiers, en amont cette fois, interviennent dans le processus de formation du contrat. Il en va ainsi des intermédiaires d’assurance — agents généraux, courtiers, mandataires — dont le rôle, bien que distinct des parties, est juridiquement structurant : ces professionnels facilitent, encadrent ou engagent la relation contractuelle.

Le contrat d’assurance se révèle ainsi perméable : ouvert en aval à des bénéficiaires extérieurs, et en amont à des acteurs de sa genèse, il invite à repenser les frontières classiques de la relation contractuelle.

Nous nous focaliserons ici sur les tiers intéressés à la formation du contrat d’assurance, soit les intermédiaires.

Si le contrat d’assurance s’élabore en principe entre un souscripteur et un assureur, sa formation fait souvent intervenir des tiers qualifiés d’intermédiaires. Ces derniers, qu’ils agissent au nom ou pour le compte de l’assureur, du souscripteur ou même en leur nom propre, jouent un rôle essentiel dans la genèse du lien contractuel. Leur fonction dépasse la simple transmission d’informations : ils peuvent engager juridiquement l’une ou l’autre des parties et influencer la formation, la validité ou encore les effets du contrat. Une distinction s’impose alors entre les différentes catégories d’intermédiaires, chacune dotée d’un statut et d’un régime propres : agent général d’assurance, courtier, mandataire d’assurance, ou encore mandataire d’intermédiaire.

1. L’agent général d’assurance

L’agent général est le représentant permanent d’une entreprise d’assurance. Son statut, régi par le Code des assurances (notamment l’article R. 511-2) et encadré par la Convention collective nationale du 2 juin 2003, repose sur une relation de mandat de droit commun, à laquelle s’ajoutent des dispositions spécifiques issues du droit de l’assurance.

Mandataire de l’assureur, l’agent engage directement ce dernier vis-à-vis des souscripteurs. Il peut proposer, négocier et conclure des contrats d’assurance au nom de la compagnie qu’il représente. Il peut également percevoir les primes et, dans certaines limites, régler les sinistres. Cette capacité d’engagement fait de lui un relais contractuel de l’assureur, dont les actes – y compris fautifs – peuvent engager la responsabilité, selon les règles de la représentation.

Toutefois, s’il est lié par une relation de dépendance économique, l’agent général n’est pas un salarié : il conserve une autonomie dans la gestion de son portefeuille et dans l’exercice de son activité professionnelle. Cette dualité – autonomie de gestion et pouvoir de représentation – confère à l’agent général une place singulière parmi les professionnels de l’intermédiation.

2. Le courtier d’assurance

À la différence de l’agent général, le courtier n’est pas lié à une compagnie d’assurance déterminée. Il agit en principe pour le compte de l’assuré, auquel il doit loyauté et conseil. Il est tenu d’une obligation d’analyse des besoins du client et d’un devoir de conseil, sous peine d’engager sa responsabilité professionnelle en cas de défaillance.

Sur le plan juridique, le courtier est souvent considéré comme un mandataire du souscripteur. Il est chargé de rechercher, au nom et pour le compte de celui-ci, les garanties les plus adaptées auprès d’un ou plusieurs assureurs. Toutefois, dans certaines hypothèses, il peut également conclure le contrat au nom de l’assuré, lorsque ce dernier lui en donne mandat exprès.

Mais la position du courtier n’est pas univoque. Il peut également être tenu de transmettre certaines informations à l’assureur, et sa défaillance dans l’exécution de cette obligation peut produire des effets sur la validité ou l’opposabilité du contrat. En outre, si le courtier encaisse les primes, il le fait en vertu d’un mandat exprès, et sa responsabilité est engagée en cas de défaut de reversement.

3. Le mandataire d’assurance

Le mandataire d’assurance est défini à l’article L. 511-1 du Code des assurances comme toute personne autre qu’un salarié de l’entreprise d’assurance, habilitée à exercer, contre rémunération, des activités d’intermédiation. Cette notion vise un éventail d’acteurs plus large, qui peuvent agir pour le compte d’un assureur sans en avoir le statut d’agent général.

Le mandataire est donc un intermédiaire occasionnel ou spécialisé, lié par un mandat ponctuel ou limité. Il peut s’agir, par exemple, d’un professionnel distribuant des produits d’assurance en complément d’une autre activité commerciale (vendeur automobile, banquier, etc.). Dans ce cas, sa mission est circonscrite, et sa responsabilité dépendra de l’étendue du mandat reçu et de la nature des informations fournies au souscripteur.

La loi exige que le mandataire soit immatriculé à l’ORIAS, comme tout intermédiaire, et qu’il respecte les obligations d’information et de transparence prévues aux articles L. 521-1 et suivants du Code des assurances.

4. Le mandataire d’intermédiaire

Enfin, le mandataire d’intermédiaire – souvent qualifié de « sous-mandataire » – agit pour le compte d’un intermédiaire principal, qu’il s’agisse d’un agent, d’un courtier ou d’un mandataire d’assurance. Il intervient dans un cadre subordonné, n’ayant pas de relation directe avec l’assureur ou le souscripteur final.

Cette catégorie, introduite par la réforme du droit des assurances issue de la directive Solvabilité II, est soumise à des obligations similaires à celles des autres intermédiaires, notamment en matière de transparence, d’information précontractuelle et d’immatriculation à l’ORIAS. Sa responsabilité est susceptible d’être engagée à la fois à l’égard du mandant et du cocontractant, en cas de manquement dans la phase précontractuelle.

Les tiers intéressés aux effets du contrat d’assurance: les assurés et les bénéficiaires

Bien que le contrat d’assurance se forme, en principe, entre deux parties — le souscripteur et l’assureur —, il est loin de se limiter à ce seul cercle contractuel. Le droit des assurances admet qu’il puisse impliquer des tiers, soit par leurs intérêts dans les effets du contrat, soit par leur intervention lors de sa formation.

Ainsi, certains tiers — tels que l’assuré pour compte ou le bénéficiaire — se voient reconnaître un véritable droit propre à la garantie, sans avoir pris part à la conclusion du contrat. Leur intégration dans la sphère contractuelle résulte d’une stipulation pour autrui ou, dans certains cas, d’une disposition légale.

D’autres tiers, en amont cette fois, interviennent dans le processus de formation du contrat. Il en va ainsi des intermédiaires d’assurance — agents généraux, courtiers, mandataires — dont le rôle, bien que distinct des parties, est juridiquement structurant : ces professionnels facilitent, encadrent ou engagent la relation contractuelle.

Le contrat d’assurance se révèle ainsi perméable : ouvert en aval à des bénéficiaires extérieurs, et en amont à des acteurs de sa genèse, il invite à repenser les frontières classiques de la relation contractuelle.

Nous nous focaliserons ici sur les tiers intéressés aux effets du contrat d’assurance, soit les assurés et les bénéficiaires.

Certains tiers, bien qu’étrangers à la conclusion du contrat d’assurance, peuvent en tirer directement avantage. C’est le cas de l’assuré pour compte et du bénéficiaire, qui accèdent à la garantie par un mécanisme conventionnel ou légal. Leur intégration dans la relation contractuelle leur confère un droit propre, tout en les soumettant au régime du contrat.

a. Le tiers assuré : l’assurance pour compte

La structure classique du contrat d’assurance repose sur une relation intuitu personae entre le souscripteur et l’assureur. Pourtant, cette relation bilatérale peut être aménagée de manière à conférer la qualité d’assuré à un tiers, par le biais du mécanisme de l’assurance pour compte. Ce dernier, consacré à l’article L. 112-1, alinéa 2, du Code des assurances, permet de souscrire une assurance « pour le compte de qui il appartiendra », transformant alors un tiers en véritable assuré, sans qu’il ait participé à la formation du contrat.

i. Fondement

L’assurance pour compte repose sur le mécanisme juridique de la stipulation pour autrui, prévu à l’article 1205 du Code civil. Dans ce schéma, le souscripteur (qualifié de stipulant) conclut un contrat d’assurance avec un assureur (le promettant), en vue de faire bénéficier un tiers (le bénéficiaire de la stipulation) de la garantie d’assurance. Ce tiers acquiert ainsi, par l’effet du contrat, la qualité d’assuré, bien qu’il ne soit pas partie au contrat au moment de sa formation.

L’article L. 112-1, alinéa 2, du Code des assurances reconnaît expressément ce montage : « L’assurance peut […] être contractée pour le compte de qui il appartiendra. La clause vaut, tant comme assurance au profit du souscripteur du contrat que comme stipulation pour autrui au profit du bénéficiaire connu ou éventuel de ladite clause. »

Ce texte opère une double reconnaissance : il confirme d’une part que le souscripteur peut contracter pour son propre compte et, d’autre part, qu’il peut le faire au bénéfice d’un tiers, désigné ou non, lequel se voit conférer la qualité d’assuré.

Cependant, l’existence d’une assurance pour compte ne se présume pas. Conformément aux principes du droit des obligations (art. 1203 et 1205 du Code civil), la stipulation pour autrui suppose une volonté claire des parties de conférer des effets au contrat au profit d’un tiers. Cette volonté non équivoque peut toutefois résulter implicitement des termes du contrat et des circonstances de sa souscription. Elle ne doit donc pas nécessairement être exprimée de manière formelle dans la police, pourvu qu’elle puisse être déduite avec suffisamment de certitude (Cass. 2e civ., 5 mars 2020, n°19-10.201).

Pour établir cette volonté implicite, la jurisprudence procède souvent à une analyse des intérêts d’assurance en présence. Elle vérifie si le tiers, prétendument assuré pour compte, justifie d’un intérêt direct et légitime à la non-réalisation du risque (art. L. 121-6 du Code des assurances). Cette exigence d’intérêt d’assurance est centrale : elle permet de distinguer une véritable assurance pour compte d’un simple effet de couverture indirecte.

ii. Domaine

L’assurance pour compte est principalement mobilisée dans les assurances de dommages, qu’il s’agisse d’assurances de chose ou de responsabilité. Elle irrigue notamment les pratiques contractuelles en matière de transport, de location, de dépôt ou encore dans les assurances professionnelles et collectives. L’exemple du transporteur assurant les marchandises qui lui sont confiées par des tiers est éclairant : le contrat couvre à la fois sa responsabilité (assurance de responsabilité) et la valeur des biens transportés (Cass. 1re civ., 24 juin 2003, n°00-17.213).

L’assurance pour compte présente cette particularité que le tiers bénéficiaire n’a pas besoin d’être nommément désigné dans la police : sa déterminabilité suffit. Ainsi, un critère objectif, tel que la qualité de propriétaire des biens ou la participation à l’opération assurée, permet d’identifier l’assuré pour compte (Cass. 1re civ., 10 juill. 1995, n°92-13.534). Cette souplesse permet d’intégrer dans la couverture d’assurance des parties prenantes multiples, comme c’est le cas dans les assurances de chantier ou les contrats multirisques couvrant l’immeuble pour le compte de l’occupant et du propriétaire.

iii. Effets

Le tiers assuré pour compte, bénéficiaire de la stipulation prévue à l’article L. 112-1 du Code des assurances, dispose d’un droit propre contre l’assureur. En tant que titulaire d’un droit personnel direct, il peut exercer une action directe pour obtenir le bénéfice de la garantie d’assurance, sans avoir à passer par le souscripteur (Cass. civ., 17 oct. 1945). Il ne se trouve donc pas en concurrence avec les créanciers du souscripteur : son droit n’est ni dérivé, ni subrogatoire, mais autonome.

Toutefois, le tiers ainsi assuré n’est pas étranger au régime contractuel. En vertu de l’article L. 112-1, alinéa 3, l’assureur peut lui opposer toutes les exceptions nées du contrat, qu’elles soient liées au comportement du souscripteur ou à celui du tiers lui-même. Il en va ainsi, par exemple :

La jurisprudence admet toutefois un tempérament en ce qui concerne la prescription : son point de départ est repoussé au jour où l’assuré pour compte a eu la possibilité d’agir, c’est-à-dire lorsqu’il a eu connaissance du sinistre ou de la possibilité d’exercer ses droits (Cass. 2e civ., 15 mars 2007, n°05-20.856).

Par ailleurs, si le tiers assuré bénéficie de la garantie, il ne supporte pas pour autant les obligations principales du contrat. En particulier, il n’est pas tenu au paiement des primes, sauf s’il s’est expressément engagé à le faire (Cass. 2e civ., 25 juin 2020, n° 19-13.624). Cette obligation demeure à la charge exclusive du souscripteur.

Il reste que, dans son intérêt, l’assuré pour compte peut être amené à collaborer à l’exécution du contrat, notamment en déclarant le sinistre ou en participant aux opérations d’expertise, afin de ne pas compromettre sa faculté de recours contre l’assureur.

En somme, le tiers assuré occupe une position singulière : sans être partie au contrat lors de sa formation, il est néanmoins intégré dans son exécution, bénéficiant de la garantie tout en étant soumis à ses limites. Il s’agit ainsi d’un tiers bénéficiaire inclus dans le champ contractuel, qui échappe à l’effet relatif classique du contrat sans pour autant se voir reconnaître la plénitude des prérogatives d’un contractant.

b. Le tiers bénéficiaire : entre stipulation contractuelle et désignation légale

La notion de bénéficiaire dans le contrat d’assurance désigne la personne au profit de laquelle la prestation d’assurance est exécutée en cas de réalisation du risque, sans que cette personne ait nécessairement participé à la conclusion du contrat. À la différence de l’assuré pour compte, qui assume le risque, le bénéficiaire est le réceptacle de la garantie, ce qui fait de lui le titulaire d’un droit propre à l’indemnisation. Son intervention dans les effets du contrat peut résulter soit d’une stipulation contractuelle, soit d’une disposition légale.

i. La stipulation pour autrui

Dans les assurances de personnes, et plus particulièrement en matière d’assurance-vie, le bénéficiaire est généralement désigné par le souscripteur à travers une stipulation pour autrui (C. civ., art. 1205 ; C. assur., art. L. 132-8). Le souscripteur (le stipulant) demande à l’assureur (le promettant) de s’engager à verser la prestation au profit d’un tiers (le bénéficiaire), en cas de survenance de l’événement assuré (décès, survie, invalidité, etc.).

Cette stipulation peut bénéficier à un tiers nommément désigné, mais aussi à une personne déterminable au moment de la réalisation du risque (par ex., « à mes héritiers » ou « à mon conjoint »). En vertu de l’article L. 132-8 du Code des assurances, cette désignation peut être faite dans la police, par avenant, ou même par testament.

L’acceptation du bénéfice de la stipulation par le bénéficiaire confère à sa situation juridique une stabilité accrue : elle rend la stipulation irrévocable, sauf clause contraire (C. civ., art. 1206 ; C. assur., art. L. 132-9). Dès cette acceptation, le bénéficiaire dispose d’un droit propre, de nature contractuelle, qu’il peut exercer directement contre l’assureur.

Néanmoins, ce droit demeure soumis aux conditions du contrat, en vertu de l’article L. 112-6 du Code des assurances, qui prévoit que « l’assureur peut opposer au bénéficiaire toutes les exceptions opposables au souscripteur ». Ainsi, les nullités, les exclusions de garantie, ou encore la prescription, peuvent être invoquées par l’assureur contre le bénéficiaire, y compris lorsqu’elles sont fondées sur un comportement imputable au souscripteur.

Un tempérament important a cependant été admis par la jurisprudence : lorsque le sinistre est déjà réalisé, certaines déchéances ne peuvent plus priver le bénéficiaire de son droit, notamment lorsque le manquement contractuel relève du seul souscripteur (Cass. 1re civ., 2 avr. 1974, n°73-10.356).

ii. La désignation légale du bénéfice

Dans certaines hypothèses, la qualité de bénéficiaire ne résulte pas de la volonté des parties, mais de la loi. C’est notamment le cas en assurance de responsabilité, où la victime du dommage causé par l’assuré dispose d’un droit d’action directe contre l’assureur. Cette prérogative est consacrée à l’article L. 124-3 du Code des assurances, qui prévoit que « le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe contre l’assureur de la personne responsable ».

Ce mécanisme répond à une finalité de protection de la victime, en lui permettant de contourner les éventuelles défaillances du responsable (insolvabilité, absence d’initiative procédurale) et d’agir directement contre le garant du risque.

Là encore, ce droit est autonome et personnel : la victime n’agit ni en subrogation, ni en représentation du responsable, mais en vertu d’un droit propre, de source légale. Toutefois, la jurisprudence a maintenu l’applicabilité des exceptions issues du contrat d’assurance, notamment les exclusions de garantie, la nullité du contrat, ou encore la prescription (Cass. 1re civ., 4 juin 1996, n° 94-13.614). Ces exceptions sont opposables à la victime, même si elle n’en a pas eu connaissance, conformément à l’article L. 112-6 du Code des assurances.

Toutefois, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, les déchéances fondées sur un manquement personnel du souscripteur, telles que l’inexécution d’une obligation de déclaration, ne peuvent être opposées à la victime lorsque le sinistre est déjà survenu. La Haute juridiction rappelle à cet égard que l’intérêt de la victime, protégée par la loi, prime sur la sanction contractuelle du comportement du responsable (Cass. 1re civ., 6 mai 1997, n°95-15.319).

Les tiers intéressés au contrat d’assurance

Bien que le contrat d’assurance se forme, en principe, entre deux parties — le souscripteur et l’assureur —, il est loin de se limiter à ce seul cercle contractuel. Le droit des assurances admet qu’il puisse impliquer des tiers, soit par leurs intérêts dans les effets du contrat, soit par leur intervention lors de sa formation.

Ainsi, certains tiers — tels que l’assuré pour compte ou le bénéficiaire — se voient reconnaître un véritable droit propre à la garantie, sans avoir pris part à la conclusion du contrat. Leur intégration dans la sphère contractuelle résulte d’une stipulation pour autrui ou, dans certains cas, d’une disposition légale.

D’autres tiers, en amont cette fois, interviennent dans le processus de formation du contrat. Il en va ainsi des intermédiaires d’assurance — agents généraux, courtiers, mandataires — dont le rôle, bien que distinct des parties, est juridiquement structurant : ces professionnels facilitent, encadrent ou engagent la relation contractuelle.

Le contrat d’assurance se révèle ainsi perméable : ouvert en aval à des bénéficiaires extérieurs, et en amont à des acteurs de sa genèse, il invite à repenser les frontières classiques de la relation contractuelle.

1. Les tiers intéressés aux effets du contrat d’assurance: les assurés et les bénéficiaires

Certains tiers, bien qu’étrangers à la conclusion du contrat d’assurance, peuvent en tirer directement avantage. C’est le cas de l’assuré pour compte et du bénéficiaire, qui accèdent à la garantie par un mécanisme conventionnel ou légal. Leur intégration dans la relation contractuelle leur confère un droit propre, tout en les soumettant au régime du contrat.

a. Le tiers assuré : l’assurance pour compte

La structure classique du contrat d’assurance repose sur une relation intuitu personae entre le souscripteur et l’assureur. Pourtant, cette relation bilatérale peut être aménagée de manière à conférer la qualité d’assuré à un tiers, par le biais du mécanisme de l’assurance pour compte. Ce dernier, consacré à l’article L. 112-1, alinéa 2, du Code des assurances, permet de souscrire une assurance « pour le compte de qui il appartiendra », transformant alors un tiers en véritable assuré, sans qu’il ait participé à la formation du contrat.

i. Fondement

L’assurance pour compte repose sur le mécanisme juridique de la stipulation pour autrui, prévu à l’article 1205 du Code civil. Dans ce schéma, le souscripteur (qualifié de stipulant) conclut un contrat d’assurance avec un assureur (le promettant), en vue de faire bénéficier un tiers (le bénéficiaire de la stipulation) de la garantie d’assurance. Ce tiers acquiert ainsi, par l’effet du contrat, la qualité d’assuré, bien qu’il ne soit pas partie au contrat au moment de sa formation.

L’article L. 112-1, alinéa 2, du Code des assurances reconnaît expressément ce montage : « L’assurance peut […] être contractée pour le compte de qui il appartiendra. La clause vaut, tant comme assurance au profit du souscripteur du contrat que comme stipulation pour autrui au profit du bénéficiaire connu ou éventuel de ladite clause. »

Ce texte opère une double reconnaissance : il confirme d’une part que le souscripteur peut contracter pour son propre compte et, d’autre part, qu’il peut le faire au bénéfice d’un tiers, désigné ou non, lequel se voit conférer la qualité d’assuré.

Cependant, l’existence d’une assurance pour compte ne se présume pas. Conformément aux principes du droit des obligations (art. 1203 et 1205 du Code civil), la stipulation pour autrui suppose une volonté claire des parties de conférer des effets au contrat au profit d’un tiers. Cette volonté non équivoque peut toutefois résulter implicitement des termes du contrat et des circonstances de sa souscription. Elle ne doit donc pas nécessairement être exprimée de manière formelle dans la police, pourvu qu’elle puisse être déduite avec suffisamment de certitude (Cass. 2e civ., 5 mars 2020, n°19-10.201).

Pour établir cette volonté implicite, la jurisprudence procède souvent à une analyse des intérêts d’assurance en présence. Elle vérifie si le tiers, prétendument assuré pour compte, justifie d’un intérêt direct et légitime à la non-réalisation du risque (art. L. 121-6 du Code des assurances). Cette exigence d’intérêt d’assurance est centrale : elle permet de distinguer une véritable assurance pour compte d’un simple effet de couverture indirecte.

ii. Domaine

L’assurance pour compte est principalement mobilisée dans les assurances de dommages, qu’il s’agisse d’assurances de chose ou de responsabilité. Elle irrigue notamment les pratiques contractuelles en matière de transport, de location, de dépôt ou encore dans les assurances professionnelles et collectives. L’exemple du transporteur assurant les marchandises qui lui sont confiées par des tiers est éclairant : le contrat couvre à la fois sa responsabilité (assurance de responsabilité) et la valeur des biens transportés (Cass. 1re civ., 24 juin 2003, n°00-17.213).

L’assurance pour compte présente cette particularité que le tiers bénéficiaire n’a pas besoin d’être nommément désigné dans la police : sa déterminabilité suffit. Ainsi, un critère objectif, tel que la qualité de propriétaire des biens ou la participation à l’opération assurée, permet d’identifier l’assuré pour compte (Cass. 1re civ., 10 juill. 1995, n°92-13.534). Cette souplesse permet d’intégrer dans la couverture d’assurance des parties prenantes multiples, comme c’est le cas dans les assurances de chantier ou les contrats multirisques couvrant l’immeuble pour le compte de l’occupant et du propriétaire.

iii. Effets

Le tiers assuré pour compte, bénéficiaire de la stipulation prévue à l’article L. 112-1 du Code des assurances, dispose d’un droit propre contre l’assureur. En tant que titulaire d’un droit personnel direct, il peut exercer une action directe pour obtenir le bénéfice de la garantie d’assurance, sans avoir à passer par le souscripteur (Cass. civ., 17 oct. 1945). Il ne se trouve donc pas en concurrence avec les créanciers du souscripteur : son droit n’est ni dérivé, ni subrogatoire, mais autonome.

Toutefois, le tiers ainsi assuré n’est pas étranger au régime contractuel. En vertu de l’article L. 112-1, alinéa 3, l’assureur peut lui opposer toutes les exceptions nées du contrat, qu’elles soient liées au comportement du souscripteur ou à celui du tiers lui-même. Il en va ainsi, par exemple :

La jurisprudence admet toutefois un tempérament en ce qui concerne la prescription : son point de départ est repoussé au jour où l’assuré pour compte a eu la possibilité d’agir, c’est-à-dire lorsqu’il a eu connaissance du sinistre ou de la possibilité d’exercer ses droits (Cass. 2e civ., 15 mars 2007, n°05-20.856).

Par ailleurs, si le tiers assuré bénéficie de la garantie, il ne supporte pas pour autant les obligations principales du contrat. En particulier, il n’est pas tenu au paiement des primes, sauf s’il s’est expressément engagé à le faire (Cass. 2e civ., 25 juin 2020, n° 19-13.624). Cette obligation demeure à la charge exclusive du souscripteur.

Il reste que, dans son intérêt, l’assuré pour compte peut être amené à collaborer à l’exécution du contrat, notamment en déclarant le sinistre ou en participant aux opérations d’expertise, afin de ne pas compromettre sa faculté de recours contre l’assureur.

En somme, le tiers assuré occupe une position singulière : sans être partie au contrat lors de sa formation, il est néanmoins intégré dans son exécution, bénéficiant de la garantie tout en étant soumis à ses limites. Il s’agit ainsi d’un tiers bénéficiaire inclus dans le champ contractuel, qui échappe à l’effet relatif classique du contrat sans pour autant se voir reconnaître la plénitude des prérogatives d’un contractant.

b. Le tiers bénéficiaire : entre stipulation contractuelle et désignation légale

La notion de bénéficiaire dans le contrat d’assurance désigne la personne au profit de laquelle la prestation d’assurance est exécutée en cas de réalisation du risque, sans que cette personne ait nécessairement participé à la conclusion du contrat. À la différence de l’assuré pour compte, qui assume le risque, le bénéficiaire est le réceptacle de la garantie, ce qui fait de lui le titulaire d’un droit propre à l’indemnisation. Son intervention dans les effets du contrat peut résulter soit d’une stipulation contractuelle, soit d’une disposition légale.

i. La stipulation pour autrui

Dans les assurances de personnes, et plus particulièrement en matière d’assurance-vie, le bénéficiaire est généralement désigné par le souscripteur à travers une stipulation pour autrui (C. civ., art. 1205 ; C. assur., art. L. 132-8). Le souscripteur (le stipulant) demande à l’assureur (le promettant) de s’engager à verser la prestation au profit d’un tiers (le bénéficiaire), en cas de survenance de l’événement assuré (décès, survie, invalidité, etc.).

Cette stipulation peut bénéficier à un tiers nommément désigné, mais aussi à une personne déterminable au moment de la réalisation du risque (par ex., « à mes héritiers » ou « à mon conjoint »). En vertu de l’article L. 132-8 du Code des assurances, cette désignation peut être faite dans la police, par avenant, ou même par testament.

L’acceptation du bénéfice de la stipulation par le bénéficiaire confère à sa situation juridique une stabilité accrue : elle rend la stipulation irrévocable, sauf clause contraire (C. civ., art. 1206 ; C. assur., art. L. 132-9). Dès cette acceptation, le bénéficiaire dispose d’un droit propre, de nature contractuelle, qu’il peut exercer directement contre l’assureur.

Néanmoins, ce droit demeure soumis aux conditions du contrat, en vertu de l’article L. 112-6 du Code des assurances, qui prévoit que « l’assureur peut opposer au bénéficiaire toutes les exceptions opposables au souscripteur ». Ainsi, les nullités, les exclusions de garantie, ou encore la prescription, peuvent être invoquées par l’assureur contre le bénéficiaire, y compris lorsqu’elles sont fondées sur un comportement imputable au souscripteur.

Un tempérament important a cependant été admis par la jurisprudence : lorsque le sinistre est déjà réalisé, certaines déchéances ne peuvent plus priver le bénéficiaire de son droit, notamment lorsque le manquement contractuel relève du seul souscripteur (Cass. 1re civ., 2 avr. 1974, n°73-10.356).

ii. La désignation légale du bénéfice

Dans certaines hypothèses, la qualité de bénéficiaire ne résulte pas de la volonté des parties, mais de la loi. C’est notamment le cas en assurance de responsabilité, où la victime du dommage causé par l’assuré dispose d’un droit d’action directe contre l’assureur. Cette prérogative est consacrée à l’article L. 124-3 du Code des assurances, qui prévoit que « le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe contre l’assureur de la personne responsable ».

Ce mécanisme répond à une finalité de protection de la victime, en lui permettant de contourner les éventuelles défaillances du responsable (insolvabilité, absence d’initiative procédurale) et d’agir directement contre le garant du risque.

Là encore, ce droit est autonome et personnel : la victime n’agit ni en subrogation, ni en représentation du responsable, mais en vertu d’un droit propre, de source légale. Toutefois, la jurisprudence a maintenu l’applicabilité des exceptions issues du contrat d’assurance, notamment les exclusions de garantie, la nullité du contrat, ou encore la prescription (Cass. 1re civ., 4 juin 1996, n° 94-13.614). Ces exceptions sont opposables à la victime, même si elle n’en a pas eu connaissance, conformément à l’article L. 112-6 du Code des assurances.

Toutefois, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, les déchéances fondées sur un manquement personnel du souscripteur, telles que l’inexécution d’une obligation de déclaration, ne peuvent être opposées à la victime lorsque le sinistre est déjà survenu. La Haute juridiction rappelle à cet égard que l’intérêt de la victime, protégée par la loi, prime sur la sanction contractuelle du comportement du responsable (Cass. 1re civ., 6 mai 1997, n°95-15.319).

2. Les tiers intéressés à la formation du contrat d’assurance: les intermédiaires

Si le contrat d’assurance s’élabore en principe entre un souscripteur et un assureur, sa formation fait souvent intervenir des tiers qualifiés d’intermédiaires. Ces derniers, qu’ils agissent au nom ou pour le compte de l’assureur, du souscripteur ou même en leur nom propre, jouent un rôle essentiel dans la genèse du lien contractuel. Leur fonction dépasse la simple transmission d’informations : ils peuvent engager juridiquement l’une ou l’autre des parties et influencer la formation, la validité ou encore les effets du contrat. Une distinction s’impose alors entre les différentes catégories d’intermédiaires, chacune dotée d’un statut et d’un régime propres : agent général d’assurance, courtier, mandataire d’assurance, ou encore mandataire d’intermédiaire.

a. L’agent général d’assurance

L’agent général est le représentant permanent d’une entreprise d’assurance. Son statut, régi par le Code des assurances (notamment l’article R. 511-2) et encadré par la Convention collective nationale du 2 juin 2003, repose sur une relation de mandat de droit commun, à laquelle s’ajoutent des dispositions spécifiques issues du droit de l’assurance.

Mandataire de l’assureur, l’agent engage directement ce dernier vis-à-vis des souscripteurs. Il peut proposer, négocier et conclure des contrats d’assurance au nom de la compagnie qu’il représente. Il peut également percevoir les primes et, dans certaines limites, régler les sinistres. Cette capacité d’engagement fait de lui un relais contractuel de l’assureur, dont les actes – y compris fautifs – peuvent engager la responsabilité, selon les règles de la représentation.

Toutefois, s’il est lié par une relation de dépendance économique, l’agent général n’est pas un salarié : il conserve une autonomie dans la gestion de son portefeuille et dans l’exercice de son activité professionnelle. Cette dualité – autonomie de gestion et pouvoir de représentation – confère à l’agent général une place singulière parmi les professionnels de l’intermédiation.

b. Le courtier d’assurance

À la différence de l’agent général, le courtier n’est pas lié à une compagnie d’assurance déterminée. Il agit en principe pour le compte de l’assuré, auquel il doit loyauté et conseil. Il est tenu d’une obligation d’analyse des besoins du client et d’un devoir de conseil, sous peine d’engager sa responsabilité professionnelle en cas de défaillance.

Sur le plan juridique, le courtier est souvent considéré comme un mandataire du souscripteur. Il est chargé de rechercher, au nom et pour le compte de celui-ci, les garanties les plus adaptées auprès d’un ou plusieurs assureurs. Toutefois, dans certaines hypothèses, il peut également conclure le contrat au nom de l’assuré, lorsque ce dernier lui en donne mandat exprès.

Mais la position du courtier n’est pas univoque. Il peut également être tenu de transmettre certaines informations à l’assureur, et sa défaillance dans l’exécution de cette obligation peut produire des effets sur la validité ou l’opposabilité du contrat. En outre, si le courtier encaisse les primes, il le fait en vertu d’un mandat exprès, et sa responsabilité est engagée en cas de défaut de reversement.

c. Le mandataire d’assurance

Le mandataire d’assurance est défini à l’article L. 511-1 du Code des assurances comme toute personne autre qu’un salarié de l’entreprise d’assurance, habilitée à exercer, contre rémunération, des activités d’intermédiation. Cette notion vise un éventail d’acteurs plus large, qui peuvent agir pour le compte d’un assureur sans en avoir le statut d’agent général.

Le mandataire est donc un intermédiaire occasionnel ou spécialisé, lié par un mandat ponctuel ou limité. Il peut s’agir, par exemple, d’un professionnel distribuant des produits d’assurance en complément d’une autre activité commerciale (vendeur automobile, banquier, etc.). Dans ce cas, sa mission est circonscrite, et sa responsabilité dépendra de l’étendue du mandat reçu et de la nature des informations fournies au souscripteur.

La loi exige que le mandataire soit immatriculé à l’ORIAS, comme tout intermédiaire, et qu’il respecte les obligations d’information et de transparence prévues aux articles L. 521-1 et suivants du Code des assurances.

d. Le mandataire d’intermédiaire

Enfin, le mandataire d’intermédiaire – souvent qualifié de « sous-mandataire » – agit pour le compte d’un intermédiaire principal, qu’il s’agisse d’un agent, d’un courtier ou d’un mandataire d’assurance. Il intervient dans un cadre subordonné, n’ayant pas de relation directe avec l’assureur ou le souscripteur final.

Cette catégorie, introduite par la réforme du droit des assurances issue de la directive Solvabilité II, est soumise à des obligations similaires à celles des autres intermédiaires, notamment en matière de transparence, d’information précontractuelle et d’immatriculation à l’ORIAS. Sa responsabilité est susceptible d’être engagée à la fois à l’égard du mandant et du cocontractant, en cas de manquement dans la phase précontractuelle.

Les parties au contrat d’assurance: le souscripteur

Le contrat d’assurance repose d’abord sur l’intervention de deux parties essentielles: l’assureur, qui prend en charge un risque en contrepartie du paiement d’une prime, et le souscripteur, qui conclut le contrat et en supporte les principales obligations. L’un engage sa garantie, l’autre manifeste le consentement à l’acte assurantiel. Autour de ce duo s’organise la relation d’assurance, à laquelle peuvent s’ajouter d’autres figures (assuré, bénéficiaire, intermédiaire), mais dont la formation repose fondamentalement sur cet échange initial. Il convient ainsi d’examiner, en premier lieu, la qualité d’assureur, puis celle de souscripteur.

Nous nous focaliserons ici sur le souscripteur.

Le contrat d’assurance trouve sa source dans l’initiative du souscripteur, véritable pivot de l’engagement assurantiel. Partie originaire à l’accord, il en provoque la formation, en assume les obligations principales, et peut, selon les cas, agir pour son propre compte ou dans l’intérêt d’autrui. Sa qualité ne se confond ni avec celle de l’assuré, ni avec celle du bénéficiaire, même si ces fonctions peuvent coïncider. Comprendre son rôle implique donc d’en cerner les contours juridiques, tant en matière de souscription individuelle que dans le cadre plus complexe des assurances collectives.

a. La notion de souscripteur

Le souscripteur — parfois désigné par la terminologie européenne comme le preneur d’assurance — désigne  la personne physique ou morale qui conclut le contrat d’assurance avec l’assureur. Partie originaire à la convention, il est juridiquement celui qui manifeste le consentement nécessaire à la formation du contrat et sur lequel pèsent les obligations essentielles qui en découlent, au premier rang desquelles figurent le paiement de la prime et la déclaration exacte du risque, conformément aux prescriptions de l’article L. 113-2 du Code des assurances.

Cette qualité de souscripteur, centrale dans l’économie contractuelle, ne doit cependant pas être confondue avec celles — distinctes bien que fréquemment cumulées — d’assuré ou de bénéficiaire. Tandis que l’assuré est la personne sur la tête ou sur le patrimoine de laquelle repose le risque couvert, le bénéficiaire est, quant à lui, celui qui a vocation à percevoir la prestation de l’assureur en cas de réalisation du sinistre. Cette distinction, solidement ancrée dans la tradition doctrinale et régulièrement réaffirmée par la jurisprudence, permet d’appréhender avec rigueur la structure tripartite que peut revêtir la relation d’assurance, et d’éviter les amalgames sémantiques parfois induits par l’usage courant.

Dans les contrats d’assurance individuels, la figure du souscripteur est généralement celle de l’assuré lui-même : il agit pour son propre compte, supporte le risque et perçoit, le cas échéant, la prestation. Cette identité des qualités, fréquente, ne présente cependant aucun caractère nécessaire. Le souscripteur peut contracter dans l’intérêt d’un tiers — par exemple dans le cadre d’une assurance sur la tête d’autrui, ou d’une assurance pour compte. Dans cette dernière configuration, visée par l’article L. 112-1 du Code des assurances, le contrat est conclu par une personne qui, sans disposer d’un mandat exprès, agit pour le compte d’un individu déterminé. Ce tiers, selon les circonstances, sera lié au contrat en vertu des règles applicables au mandat apparent ou à la gestion d’affaires, à condition que la souscription lui soit utile ou qu’il en ait ratifié les effets. La jurisprudence a ainsi précisé que, dans ces hypothèses, le contractant apparent ne demeure qu’un intermédiaire, la personne véritablement engagée étant celle pour le compte de laquelle l’assurance a été souscrite, pourvu qu’elle ait été identifiée ou identifiable à la date de formation du contrat.

Dans les contrats d’assurance collectifs, le rôle du souscripteur prend une envergure plus institutionnelle. Il s’agit, le plus souvent, d’un employeur, d’une association ou d’un organisme professionnel, qui conclut une convention d’assurance de groupe auprès d’un assureur, en vue de la couverture d’un ensemble de personnes unies par un lien objectif, tel qu’un contrat de travail, l’adhésion à une structure associative, ou une relation contractuelle avec un établissement de crédit. Ce type d’opération, régi par les articles L. 141-1 et suivants du Code des assurances, donne naissance à une configuration tripartite, dans laquelle les adhérents — c’est-à-dire les membres du groupe éligibles à la garantie — accèdent à la qualité d’assuré (et parfois de bénéficiaire), selon des modalités d’adhésion variables.

La doctrine souligne que, dans cette configuration, le souscripteur exerce des fonctions multiples : il négocie la teneur du contrat avec l’assureur, fixe les conditions d’adhésion et assure un rôle de relais entre les adhérents et l’assureur. L’article L. 141-6 du Code des assurances instaure à cet égard une présomption de mandat au profit du souscripteur, lequel est réputé agir pour le compte de l’entreprise d’assurance à l’égard des adhérents. Cette présomption, instituée dans un souci de sécurité juridique, implique que les actes et documents émanant du souscripteur engagent l’assureur vis-à-vis des adhérents, sauf clause contraire expressément portée à la connaissance de ces derniers, conformément à l’article A. 141-6 du même Code.

L’adhésion au contrat collectif peut être soit obligatoire, soit facultative. Dans le premier cas — typiquement en matière de protection sociale complémentaire liée à l’emploi —, l’adhésion résulte automatiquement de l’appartenance au groupe, sans qu’un acte exprès ne soit requis. Elle peut alors s’analyser comme une stipulation pour autrui acceptée tacitement, conférant aux adhérents la qualité d’assurés sans intervention individuelle de leur part. Dans le second cas, l’adhésion repose sur une manifestation de volonté expresse de la personne concernée. Elle s’analyse alors comme une pollicitation, acceptée par l’assureur par l’émission d’un certificat d’adhésion. La relation ainsi formée entre l’adhérent et l’assureur constitue un véritable contrat individuel d’assurance, régi par les conditions générales et particulières négociées dans la convention-cadre. La doctrine hésite, dans cette configuration, entre une analyse en termes de promesse de contrat pour autrui — l’assureur s’engageant à proposer à chaque adhérent les garanties convenues — ou de stipulation classique, chaque adhésion valant contrat distinct une fois acceptée.

Ainsi, qu’il intervienne dans un cadre individuel ou collectif, le souscripteur est toujours celui qui, en sa qualité de cocontractant de l’assureur, déclenche la formation du lien contractuel et en supporte les principales charges. Mais il peut aussi, par un jeu de représentations ou de stipulations, s’effacer derrière d’autres figures — assuré ou bénéficiaire — dont les intérêts justifient la souscription de la garantie.

b. La capacité du souscripteur

La souscription d’un contrat d’assurance constitue, par essence, un acte juridique dont la validité suppose que son auteur soit doté de la capacité requise pour contracter. Cette exigence, d’apparence triviale, n’en recouvre pas moins une diversité de situations dont le traitement repose principalement sur les dispositions du droit commun, en particulier les articles 1145 et suivants du Code civil, mais se colore aussi des règles spécifiques tenant à la nature même du contrat d’assurance. En effet, selon qu’il s’agisse d’un contrat de dommages ou d’un contrat d’assurance-vie, la qualification juridique de l’acte – acte d’administration ou de disposition – influe directement sur le régime applicable.

i. Les mineurs non émancipés

Privé de la capacité d’exercice, le mineur non émancipé ne peut, en principe, souscrire lui-même un contrat d’assurance. La représentation par l’administrateur légal ou le tuteur s’impose. La distinction entre actes d’administration et actes de disposition, reprise par le décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 (annexe 1), joue ici un rôle déterminant?: la souscription d’un contrat d’assurance de dommages – telle qu’une assurance habitation ou de responsabilité civile – relève de la catégorie des actes d’administration et peut donc être accomplie par les représentants légaux agissant seuls, sauf disposition contraire.

En revanche, la conclusion d’un contrat d’assurance-vie est qualifiée d’acte de disposition. Dès lors, elle requiert l’autorisation préalable du conseil de famille ou du juge des tutelles, conformément à l’article 505 du Code civil. Le régime protecteur du mineur se double ainsi d’un contrôle juridictionnel lorsque la souscription emporte des conséquences patrimoniales substantielles.

Il n’en demeure pas moins que l’article 1148 du Code civil permet au mineur de conclure lui-même certains actes de la vie courante, à condition qu’ils soient conformes à l’usage et qu’ils interviennent à des conditions normales. Ce tempérament autorise, dans une certaine mesure, la souscription autonome d’assurances liées à des activités sportives ou scolaires. Toutefois, la validité d’un tel contrat demeure conditionnée à l’absence de lésion, laquelle, en matière d’assurance, est d’autant plus difficile à démontrer que le contrat repose sur un aléa (C. civ., art. 1305).

ii. Les majeurs protégés

La capacité du souscripteur fait également l’objet d’aménagements en présence d’une mesure de protection juridique. Le droit positif distingue selon le régime applicable – sauvegarde de justice, curatelle, tutelle ou habilitation familiale – chacun d’eux induisant des conséquences spécifiques.

  • Sous sauvegarde de justice, le majeur conserve la plénitude de sa capacité juridique. Toutefois, les actes accomplis peuvent être rescindés pour excès en vertu de l’article 435 du Code civil, si la souscription d’une assurance s’avérait manifestement inadaptée à sa situation patrimoniale. Ce risque est théoriquement limité par le caractère aléatoire du contrat d’assurance, qui rend la démonstration de la lésion complexe.
  • Sous curatelle, l’assistance du curateur est exigée pour les actes de disposition. Ainsi, la souscription d’une assurance-vie requiert son concours, conformément à l’article L. 132-4-1 du Code des assurances. En revanche, les contrats de dommages – qualifiés d’actes d’administration – peuvent être conclus par le majeur seul, sauf stipulation contraire ou circonstances particulières.
  • En tutelle, la logique de représentation s’impose de manière continue. Le tuteur est seul habilité à souscrire, y compris les contrats d’assurance de dommages. S’agissant de l’assurance-vie, l’article L. 132-4-1 du Code des assurances impose en outre l’autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille, tant pour la souscription que pour la désignation ou la modification du bénéficiaire.
  • Enfin, dans le cadre de l’habilitation familiale, instaurée par l’ordonnance n°2015-1288 du 15 octobre 2015, la capacité du majeur est maintenue, sous réserve des restrictions expressément prévues par la décision du juge. L’habilitation peut être générale ou limitée à certains actes, de sorte qu’une analyse casuistique s’impose au regard de la portée du mandat judiciaire (C. civ., art. 494-6 et s.).

iii. Les personnes mariées

Le droit des régimes matrimoniaux n’est pas sans incidence sur les règles de capacité. L’article 1421 du Code civil autorise chacun des époux à gérer seul les biens communs et, à ce titre, à souscrire un contrat d’assurance de dommages utile à la famille. Cette latitude n’est toutefois pas absolue?: dans l’hypothèse d’une assurance-vie souscrite au profit d’un tiers, le risque d’une requalification en donation de biens communs ne peut être écarté. Il convient alors d’apprécier si l’opération respecte les charges du mariage (C. civ., art. 223) ou si elle emporte une atteinte injustifiée au patrimoine commun, auquel cas l’article 1422 pourrait justifier l’exigence du consentement du conjoint.

En tout état de cause, la jurisprudence veille à ne pas restreindre indûment la liberté de chacun des époux de souscrire un contrat d’assurance-vie à titre personnel. L’attribution du capital à un tiers bénéficiaire est en principe considérée comme un droit propre, susceptible néanmoins d’être tempéré par le droit à récompense de la communauté si les primes ont été acquittées avec des deniers communs (Cass. 1re civ. , 31 mars 1992, n° 90-16.343).

iv. Les personnes morales

Enfin, les personnes morales ne jouissent que d’une capacité spéciale, limitée aux actes entrant dans leur objet statutaire ou y étant accessoires (C. civ., art. 1145, al. 2). La souscription d’un contrat d’assurance ne pose généralement pas difficulté, dès lors qu’elle vise à garantir des risques inhérents à l’activité de la structure – qu’il s’agisse de protéger ses biens, sa responsabilité ou ses ressources humaines.

L’acte est valablement accompli par le représentant légal, dont les pouvoirs sont présumés étendus vis-à-vis des tiers. Même lorsque les statuts comportent des limitations internes, celles-ci demeurent inopposables aux cocontractants de bonne foi, conformément au principe d’apparence et à la jurisprudence constante en matière de représentation des personnes morales.

c. La représentation du souscripteur

Le contrat d’assurance peut être valablement conclu par une personne agissant non pour son propre compte, mais au nom ou dans l’intérêt d’autrui. Deux mécanismes juridiques distincts permettent cette représentation du souscripteur : le mandat, d’une part, et la gestion d’affaires, d’autre part. Tous deux sont expressément visés à l’article L. 112-1, alinéa 1er, du Code des assurances, qui dispose que « l’assurance peut être contractée en vertu d’un mandat général ou spécial, ou sans mandat, pour le compte d’une personne déterminée ». Ce texte prévoit ainsi la possibilité d’une souscription indirecte.

Dans le cadre du mandat, la souscription est effectuée par un représentant dûment habilité. Le mandant, c’est-à-dire la personne pour le compte de laquelle l’assurance est contractée, est seul engagé dans les liens du contrat. Il en résulte qu’il est l’unique débiteur des primes (Cass. 1re civ., 18 juill. 1962) et qu’il bénéficie seul des prérogatives afférentes à la qualité de souscripteur (Cass. 1re civ., 27 déc. 1962). Le mandataire, en tant qu’intermédiaire, n’est pas partie au contrat — sauf à ce qu’il ait excédé les limites de son mandat ou qu’il ait omis de révéler sa qualité de représentant. En pareille hypothèse, sa responsabilité personnelle pourrait être engagée, notamment à l’égard de l’assureur.

Le gérant d’affaires, quant à lui, intervient sans mandat préalable, mais agit dans l’intérêt d’une personne déterminée. Ce mode de représentation spontanée, également reconnu par l’article L. 112-1 du Code des assurances et fondé sur les articles 1372 et suivants du Code civil, emporte des effets analogues au mandat, sous réserve de certaines spécificités. Le contrat d’assurance profite ici à celui que la jurisprudence qualifie de maître de l’affaire, dès lors que la gestion s’est avérée utile ou qu’elle a été ratifiée, fût-ce postérieurement à la survenance d’un sinistre (Cass. 1re civ., 13 juill. 1960). Le gérant d’affaires, tout comme le mandataire, n’est pas tenu personnellement des obligations issues du contrat, sauf s’il a manqué à ses devoirs ou s’il est lui-même à l’origine du sinistre.

Il convient de souligner que, dans ces hypothèses de représentation indirecte, la personne qui agit pour autrui doit clairement révéler sa qualité à l’assureur. À défaut, elle sera présumée avoir contracté en son nom propre, conformément aux règles de droit commun. La distinction entre représentation et souscription personnelle est, à cet égard, décisive, tant pour déterminer le débiteur des primes que pour identifier l’éventuel créancier de la prestation assurantielle.

Ces modes de représentation trouvent un écho particulier dans les assurances pour compte, lesquelles consistent à souscrire un contrat au profit d’un tiers, que ce tiers soit ou non déterminé au jour de la conclusion du contrat. La jurisprudence, tout comme la doctrine la plus autorisée, insiste sur la distinction à opérer entre la représentation, qui repose sur une délégation de volonté, et la stipulation pour autrui, qui ne crée pas un lien contractuel direct entre l’assureur et le bénéficiaire.

Les parties au contrat d’assurance: l’assureur

Le contrat d’assurance repose d’abord sur l’intervention de deux parties essentielles: l’assureur, qui prend en charge un risque en contrepartie du paiement d’une prime, et le souscripteur, qui conclut le contrat et en supporte les principales obligations. L’un engage sa garantie, l’autre manifeste le consentement à l’acte assurantiel. Autour de ce duo s’organise la relation d’assurance, à laquelle peuvent s’ajouter d’autres figures (assuré, bénéficiaire, intermédiaire), mais dont la formation repose fondamentalement sur cet échange initial. Il convient ainsi d’examiner, en premier lieu, la qualité d’assureur, puis celle de souscripteur.

Nous nous focaliserons ici sur le statut de l’assureur.

Le contrat d’assurance ne saurait valablement exister sans la présence d’un assureur, entendu comme la personne morale qui assume, en vertu d’un engagement contractuel, le risque garanti. Par cette obligation, l’assureur s’engage, en contrepartie d’une prime ou cotisation, à fournir une prestation déterminée lors de la survenance d’un événement aléatoire spécifié au contrat. Il est ainsi le débiteur originaire et principal de l’obligation d’assurance.

L’article L. 310-1 du Code des assurances réserve la qualité d’assureur à ceux qui, à titre habituel et professionnel, effectuent des opérations d’assurance ou de réassurance, sous réserve d’un agrément administratif préalable. Cette définition restrictive exclut expressément les simples intermédiaires, qui ne sont pas parties au contrat mais seulement intéressés à son exécution. L’usage commun, souvent imprécis, conduit à confondre ces opérateurs avec l’assureur véritable, alors même que seule l’entité investie du pouvoir de porter le risque — c’est-à-dire de garantir l’aléa — peut revendiquer cette qualité.

1. La diversité des porteurs de risques

Le contrat d’assurance implique, par essence, l’existence d’un assureur, entendu comme le porteur du risque. Celui-ci est tenu, en contrepartie d’une prime ou cotisation, d’exécuter la prestation convenue en cas de survenance du sinistre garanti. La figure de l’assureur ne se limite cependant pas à une seule catégorie d’entité : elle recouvre, en droit français, une pluralité d’organismes, régis par des régimes distincts, eux-mêmes déterminés par le code sectoriel auquel ils se rattachent. Trois grandes catégories peuvent ainsi être distinguées : les sociétés d’assurance régies par le Code des assurances, les mutuelles relevant du Code de la mutualité, et les institutions de prévoyance, soumises au Code de la sécurité sociale.

a. Les sociétés d’assurance (Code des assurances)

Les sociétés d’assurance constituent historiquement le cœur du secteur assurantiel. Leur activité est encadrée par les dispositions du Livre III du Code des assurances, qui établit une typologie reposant à la fois sur leur forme juridique et sur leur mode de fonctionnement.

i. Les sociétés anonymes d’assurance

Ces entités à but lucratif, soumises au droit commun des sociétés commerciales (C. com., art. L. 225-1 et s.), sont les plus répandues sur le marché français. Elles opèrent toutes branches d’assurance (sous réserve de compatibilité entre elles) et doivent satisfaire aux exigences prudentielles définies par la réglementation Solvabilité II. Leur gouvernance est souvent duale (directoire et conseil de surveillance), bien que le modèle moniste subsiste. Leur agrément est délivré par l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution), au vu de critères relatifs à leur solvabilité, à leur gouvernance et à leur spécialisation technique.

ii. Les sociétés d’assurance mutuelle (SAM)

Les SAM relèvent également du Code des assurances (art. L. 322-26-1 et s.), mais se distinguent par leur but non lucratif et par leur mode de fonctionnement mutualiste. Dépourvues de capital social, elles reposent sur une logique de solidarité entre sociétaires, lesquels sont à la fois assurés et membres de la structure. Les excédents réalisés ne sont pas distribués mais réaffectés au bénéfice des sociétaires, par exemple sous la forme de réduction des cotisations. Ces sociétés ne sont pas commerciales au sens du droit commun et échappent à ce titre à la compétence des tribunaux de commerce.

iii. Les sociétés européennes d’assurance

Introduites par le règlement (CE) n° 2157/2001 et transposées en droit français par la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 (art. L. 322-5-1 C. assur.), ces sociétés permettent une harmonisation des activités d’assurance au sein du marché intérieur européen. Elles peuvent librement transférer leur siège social d’un État membre à un autre, sans dissolution, et constituent un levier d’intégration pour les grands groupes opérant à l’échelle de l’Union.

iv. Les formes groupées : SGAM et GAM

Le Code des assurances reconnaît également des formes plurales, telles que les sociétés de groupe d’assurance mutuelle (SGAM) (art. L. 322-1-2 C. assur.) et les groupements d’assurance mutuelle (GAM) (art. L. 322-1-5). Tandis que la SGAM, en tant que société faîtière, peut regrouper plusieurs entités mutualistes autour d’un pilotage stratégique sans exercer elle-même d’activité d’assurance, le GAM a un rôle plus modeste et non contraignant, consistant à coordonner les actions des membres tout en laissant à chacun la responsabilité de ses engagements.

b. Les mutuelles (Code de la mutualité)

Les mutuelles sont régies, quant à elles, par le Livre II du Code de la mutualité. À l’instar des SAM, elles sont à but non lucratif, mais s’en distinguent par un cadre juridique propre et une vocation plus exclusivement orientée vers la santé, la prévoyance ou la solidarité sociale.

Les mutuelles fonctionnent selon un modèle démocratique, où chaque membre dispose d’une voix à l’assemblée générale (C. mut., art. L. 114-1). Elles ne disposent pas de capital social, mais doivent constituer un fonds d’établissement pour couvrir les engagements initiaux (C. mut., art. L. 114-4). Leur gouvernance est organisée autour d’un conseil d’administration et d’un dirigeant opérationnel, ce dernier n’étant pas administrateur (art. L. 211-14 C. mut.).

Les mutuelles du Livre II peuvent exercer des opérations d’assurance, à l’exclusion de certaines branches techniques (v. art. L. 111-1 C. mut.). En revanche, celles relevant du Livre III (mutuelles de prévention ou à vocation médico-sociale) n’ont pas vocation à pratiquer des opérations d’assurance, leur objet étant centré sur la gestion de prestations sociales ou sanitaires.

Comme les sociétés d’assurance, les mutuelles peuvent se regrouper sous forme d’union mutualiste de groupe (UMG) ou d’union de groupe mutualiste (UGM), structures analogues à la SGAM et au GAM, respectivement. Ces entités assurent une coordination stratégique sans mise en commun de la mutualisation du risque (C. mut., art. L. 111-4-1 et L. 111-4-2).

c. Les institutions de prévoyance (Code de la sécurité sociale)

Les institutions de prévoyance constituent la troisième catégorie d’assureurs à part entière, bien qu’elles soient souvent perçues comme des opérateurs spécifiques. Leur régime est défini par le Livre IX du Code de la sécurité sociale, plus précisément par les articles L. 931-1 et suivants.

Les institutions de prévoyance sont des personnes morales de droit privé à but non lucratif, créées pour couvrir les risques sociaux dans un cadre collectif. Elles sont administrées selon un modèle paritaire, associant des représentants des employeurs (membres adhérents) et des salariés (membres participants) (C. séc. soc., art. L. 931-1).

Leur activité est plus restreinte que celle des assureurs classiques. Elles ne peuvent intervenir que dans les branches suivantes : vie-décès, mariage-naissance, capitalisation, accidents, maladie, et perte d’emploi (art. L. 932-1 C. séc. soc.). Elles exercent leurs activités soit dans un cadre individuel, par adhésion directe d’un salarié, soit dans un cadre collectif, à adhésion facultative ou obligatoire.

Elles peuvent également se structurer en groupes prudentiels, autour d’une société de groupe assurantiel de protection sociale (SGAPS) (C. séc. soc., art. L. 931-2-2), ou en groupes non prudentiels, dénommés groupes assurantiels de protection sociale (GAPS) (art. L. 931-2-1). Des unions peuvent également être constituées pour mutualiser les engagements ou réassurer les opérations collectives.

2. Conditions d’intervention en France

L’accès au marché français de l’assurance est régi par un encadrement juridique exigeant. Il repose sur l’obtention préalable d’un agrément délivré par l’ACPR, auquel s’ajoutent des obligations étendues en matière de gouvernance, de comptabilité et de solvabilité. Ce régime combine les règles issues du droit national avec les prescriptions du droit européen, notamment celles de la directive 2009/138/CE du 25 novembre 2009, dite « Solvabilité II », qui structure l’ensemble des exigences prudentielles applicables aux entreprises d’assurance.

a. Délivrance d’un agrément

En vertu de l’article L. 310-10 du Code des assurances, aucun organisme ne peut pratiquer des opérations d’assurance en France sans avoir obtenu un agrément délivré par l’ACPR. Cette mesure d’autorisation préalable vise à contrôler la capacité de l’entreprise à tenir ses engagements et à protéger les intérêts des assurés. L’agrément, individuel, porte sur une ou plusieurs branches d’assurance déterminées, dont certaines sont incompatibles entre elles. Il est interdit à un même organisme d’exercer à la fois dans les branches d’assurance de personnes et dans celles des assurances de dommages, sauf exceptions strictement encadrées (C. assur., art. L. 322-2-2).

La délivrance de l’agrément suppose l’examen de critères relatifs à la solidité financière, à la gouvernance et à la nature des opérations envisagées. Le non-respect de l’objet social ainsi agréé est susceptible d’entraîner tant des sanctions disciplinaires que des sanctions civiles, voire pénales, en cas d’exercice illicite de l’activité assurantielle.

Les assureurs établis dans un autre État membre de l’Espace économique européen bénéficient d’un passeport européen, leur permettant, sous réserve de notification préalable par l’autorité de leur État d’origine, d’exercer en France en libre prestation de services ou par le biais d’un établissement secondaire (succursale ou agence). Ce régime repose sur le principe de contrôle unique, la surveillance de l’activité demeurant en principe du ressort de l’État d’origine, sauf en cas d’urgence ou de manquement manifeste à la législation de l’État d’accueil.

b. Exigences de gouvernance

L’agrément n’est que le préalable à l’exercice effectif. L’entreprise agréée doit en outre satisfaire aux exigences d’organisation interne imposées par le pilier II de la directive Solvabilité II, transposée en droit français notamment aux articles L. 354-1 et suivants du Code des assurances. Elle doit ainsi mettre en place un système de gouvernance structuré autour de deux dispositifs principaux : un système de contrôle interne et un système de gestion des risques.

Ces dispositifs sont servis par des fonctions clés, soumises à des conditions d’honorabilité et de compétence contrôlées par l’ACPR : la gestion des risques, la vérification de la conformité, l’audit interne et l’actuariat. L’ensemble repose sur des politiques écrites et sur une séparation claire des responsabilités. En outre, le recours à des prestataires extérieurs dans le cadre de l’externalisation de certaines fonctions ou services fait l’objet d’un encadrement particulier lorsqu’il concerne des fonctions critiques ou importantes, notamment en matière de continuité d’activité ou de maîtrise des risques.

c. Exigences financières

Le cœur du dispositif prudentiel est constitué par l’exigence de disposer de fonds propres suffisants pour faire face aux risques. Le capital de solvabilité requis (CSR), calculé selon une formule standard ou un modèle interne validé par l’ACPR, vise à garantir la continuité d’exploitation à un an avec un niveau de confiance de 99,5 %. Il correspond donc à une valeur en risque de l’entreprise, tenant compte de l’ensemble de ses engagements futurs. Le minimum de capital requis (MCR), plus bas, marque quant à lui le seuil en deçà duquel l’activité de l’assureur devient intolérable, signalant un niveau de fonds propres équivalant à une probabilité de ruine de 15 % à un an.

Ces exigences doivent être couvrables par des fonds propres éligibles, classés en trois niveaux selon leur qualité et leur capacité d’absorption des pertes. Les fonds de base (tier 1) doivent représenter plus de la moitié du total des fonds admissibles.

S’agissant du régime comptable applicable aux assureurs en France, il s’articule autour de deux exigences : la tenue de comptes sociaux établis selon les normes comptables nationales, et, pour les entités concernées, la publication de comptes consolidés conformes aux normes IFRS (International Financial Reporting Standards), conformément au règlement CE n° 1606/2002.

Le bilan social doit notamment refléter les provisions techniques, c’est-à-dire les montants destinés à faire face aux engagements de l’assureur envers les assurés, qu’il s’agisse de provisions mathématiques en assurance-vie ou de provisions pour sinistres et pour primes en assurance non-vie. L’actif de l’entreprise doit représenter ces engagements à travers un actif dit représentatif ou excédentaire, dont la valorisation varie selon qu’il est amortissable ou non.