Lorsque les voix des indivisaires divergent, ou lorsque l’incapacité, l’absence ou la défaillance d’un copartageant érigent des obstacles à la libre répartition de l’indivision, le recours à la justice s’impose. Le partage judiciaire, en sa solennité, se présente alors comme l’ultime remède destiné à restaurer l’équilibre des droits et à assurer la sortie de l’indivision.
Historiquement, le Code civil a consacré une réglementation rigoureuse du partage judiciaire, témoin de la volonté napoléonienne d’instaurer un cadre protecteur dans des situations souvent marquées par la discorde. Régi par les anciens articles 819 à 842, ce cadre, bien que parfois jugé complexe et formaliste, portait l’empreinte d’un souci d’équité manifeste, visant à protéger les droits de chacun tout en maintenant un équilibre entre les prétentions des copartageants.
Toutefois, le poids de la tradition n’a pas fait obstacle à l’œuvre réformatrice des siècles suivants. Le législateur, inspiré par un désir d’assouplissement et d’efficacité, a progressivement adapté ce régime aux exigences modernes. De la loi du 14 décembre 1964 à celle du 23 juin 2006, suivies des réformes de 2015 et 2019, le partage judiciaire a vu son domaine se restreindre, son fonctionnement se simplifier, et sa vocation devenir subsidiaire. Désormais, il n’intervient qu’en ultime recours, lorsque le partage amiable se révèle impossible, que ce soit en raison d’un désaccord entre les parties ou de l’absence d’autorisation ou d’approbation dans les cas prévus par la loi (art. 840 C. civ.).
Le tribunal, investi du rôle d’arbitre des différends, veille scrupuleusement au respect du principe cardinal d’égalité en valeur, énoncé à l’article 826 du Code civil. À cette exigence fondamentale s’ajoutent les dispositions du Code de procédure civile, qui précisent avec soin les modalités d’exécution de cette opération, assurant ainsi une cohérence et une sécurité juridique à chaque étape du processus.
Cependant, la modernité du droit du partage judiciaire réside dans sa souplesse retrouvée : à tout moment, les indivisaires peuvent abandonner les voies judiciaires pour revenir au partage amiable, si les conditions le permettent (art. 842 C. civ.). Ainsi, le partage judiciaire, bien que nécessaire dans certaines circonstances, n’est jamais irréversible, préservant toujours la primauté de la volonté commune sur l’autorité imposée.
Nous nous focaliserons ici sur l’action en partage.
I) Compétence
A) Principes généraux
1. Détermination de la juridiction compétente
==>Compétence exclusive du Tribunal judiciaire
Aux termes de l’article 841 du Code civil, il est expressément prévu que le Tribunal judiciaire est seul compétent pour connaître des actions en partage et des contestations qui s’élèvent dans le cadre des successions ou des communautés dissoutes. Cette compétence générale et exclusive découle de la volonté du législateur d’unifier le traitement des litiges se rapportant au partage d’indivisions au sein d’une juridiction unique, garantissant ainsi une cohérence dans l’application du droit.
La doctrine et la jurisprudence confirment que cette exclusivité s’applique à toutes les phases du partage, depuis la demande initiale jusqu’aux contestations relatives à la nullité d’un partage ou au complément de part. La nature civile des litiges écarte par ailleurs toute compétence du Tribunal de commerce. Ainsi, il a été jugé que les litiges concernant l’homologation d’un partage successoral ou communautaire échappent à la compétence du tribunal de commerce, même lorsqu’un indivisaire est en liquidation judiciaire (Cass. 1re civ., 28 févr. 2006, n°03-19.853).
Les juridictions spécialisées, comme la chambre des saisies immobilières, peuvent intervenir dans certains cas limités, notamment lorsqu’une licitation est liée à une procédure de saisie (Cass. 2e civ., 19 févr. 2009, n°08-11.869). Toutefois, cette compétence reste une extension de celle du tribunal judiciaire.
==>Compétence territoriale
En matière successorale, la compétence territoriale est fixée au tribunal du lieu d’ouverture de la succession, conformément à l’article 841 du Code civil et à l’article 45 du Code de procédure civile. Ce lieu correspond, selon l’article 720 du Code civil, au dernier domicile du défunt. Cette règle permet une gestion des litiges au plus près des éléments matériels, tels que les biens de la succession et les témoins éventuels.
En cas de dissolution d’une communauté conjugale, les principes applicables aux successions s’étendent également au partage des biens communs. L’article 1476 du Code civil assimile ainsi les règles de compétence territoriale des partages successoraux à celles des partages communautaires. Par exemple, la jurisprudence ancienne, mais toujours pertinente, a confirmé que le tribunal compétent est celui du lieu de dissolution de la communauté (Cass. civ. 31 juill. 1918).
Pour les sociétés, la jurisprudence reconnait la compétence du Tribunal judiciaire du lieu du siège social en cas de liquidation et de partage des biens entre associés (Cass. civ., 3 déc. 1980). En revanche, une procédure collective est sans incidence sur cette répartition de compétence si le litige porte exclusivement sur des aspects civils et non commerciaux.
==>Compétence matérielle
L’article 841 du Code civil confère au tribunal judiciaire une compétence matérielle exclusive pour traiter l’ensemble des litiges relatifs au partage, qu’il s’agisse de successions, de communautés dissoutes ou d’autres indivisions. Cette compétence s’étend non seulement aux actions principales — telles que la demande en partage, les actions en nullité ou en complément de part, et les garanties entre copartageants — mais également à des questions accessoires qui découlent du partage ou s’y intègrent directement.
- Les opérations principales de partage
- L’article 841 du Code civil confère au tribunal judiciaire une compétence matérielle exclusive pour toutes les questions relatives aux opérations principales de partage.
- Cette compétence embrasse tant la demande initiale de partage que les actions en nullité, en complément de part, ainsi que les litiges liés aux garanties des lots entre copartageants.
- Le partage, moment cardinal dans le processus de liquidation des indivisions successorales ou post-communautaires, a pour finalité d’assurer une répartition équitable des biens composant le patrimoine indivis, dans le respect des droits de chaque indivisaire.
- En conséquence, toute contestation portant sur la validité ou l’équité de cette répartition, qu’elle soit fondée sur un vice du consentement ou une disproportion manifeste, relève exclusivement de la compétence du tribunal judiciaire, seul à même d’en garantir les droits des copartageants.
- Cette compétence ne se limite pas aux opérations de partage proprement dites, mais s’étend également à leurs suites nécessaires, dès lors que ces dernières trouvent leur origine dans l’acte de partage initial.
- À ce titre, des contentieux tels que la remise de sommes ou de titres devant être rapportés à la masse successorale, ou encore la reddition de comptes par un indivisaire ayant exercé des fonctions d’administration, doivent être portés devant la juridiction ayant connu du partage.
- En outre, le Tribunal judiciaire dispose du pouvoir d’ordonner des licitations, lorsque la vente publique des biens indivis s’avère indispensable pour permettre une répartition équitable.
- Il lui incombe également de statuer sur les contestations relatives à une déclaration de surenchère formulée dans le cadre d’une adjudication sur licitation, veillant ainsi à garantir la cohérence et l’unité de la procédure, tant dans sa mise en œuvre que dans ses effets.
- Les opérations accessoires au partage
- Outre les opérations principales de partage, l’article 841 du Code civil investit le Tribunal judiciaire d’une compétence exclusive pour connaître des opérations accessoires au partage, lesquelles visent à régir les conditions particulières de l’indivision, tant avant qu’au cours de la liquidation.
- Le maintien dans l’indivision
- En vertu des articles 820 à 823 du Code civil, le Tribunal judiciaire peut, dans certaines circonstances, ordonner un sursis au partage afin de préserver l’intérêt commun des indivisaires.
- Ce sursis peut être motivé par la nécessité de prévenir une dépréciation des biens indivis ou de permettre à un indivisaire de reprendre une activité économique dépendant de la succession.
- Le conjoint survivant ou les héritiers mineurs peuvent également solliciter le maintien dans l’indivision pour conserver l’usage d’un bien à des fins d’habitation ou professionnelles.
- Ces mesures, dont la durée est strictement encadrée mais renouvelable, visent à concilier les exigences économiques et sociales des parties, tout en préservant les droits des indivisaires.
- L’attribution préférentielle
- L’attribution préférentielle, régie par les articles 831 à 834 du Code civil, permet à un indivisaire d’obtenir, en contrepartie d’une indemnisation, l’attribution exclusive d’un bien déterminé.
- Ce mécanisme, intrinsèquement lié au partage, favorise la préservation de certains biens dans le patrimoine familial, tels qu’une exploitation agricole, une entreprise ou une résidence principale.
- Le tribunal judiciaire, seul compétent pour statuer sur de telles demandes, évalue les prétentions des parties en tenant compte de leurs intérêts respectifs, ainsi que de l’aptitude du demandeur à gérer et à valoriser le bien concerné (art. 832-3 C. civ.).
- Lorsqu’un conflit surgit entre plusieurs prétendants, il revient au tribunal de désigner le candidat le plus à même de préserver la pérennité du bien.
- L’attribution éliminatoire
- Lorsque certains indivisaires souhaitent demeurer dans l’indivision tandis qu’un autre sollicite un partage global, le tribunal judiciaire peut, en application de l’article 824 du Code civil, ordonner une attribution éliminatoire.
- Ce mécanisme permet d’attribuer aux indivisaires restants la part de celui qui souhaite se retirer, moyennant une indemnisation équitable.
- La jurisprudence exige toutefois que cette attribution soit précédée d’une demande explicite de partage global formulée par l’indivisaire concerné (Cass. 1re civ., 15 mai 2008, n° 07-13.179).
- Le maintien dans l’indivision
- Outre les opérations principales de partage, l’article 841 du Code civil investit le Tribunal judiciaire d’une compétence exclusive pour connaître des opérations accessoires au partage, lesquelles visent à régir les conditions particulières de l’indivision, tant avant qu’au cours de la liquidation.
2. Caractère d’ordre public de la compétence
Il est admis que l’article 841 du Code civil, qui confère au tribunal judiciaire une compétence exclusive en matière de partage, présente un caractère d’ordre public. Ce caractère impératif interdit aux parties de déroger aux règles légales de compétence, notamment en désignant une juridiction autre que celle prévue par le texte, sous peine de nullité.
Historiquement, la reconnaissance de ce caractère d’ordre public à cette règle de compétence a été le fruit d’une lente maturation jurisprudentielle. Sous l’empire des anciennes dispositions des articles 822 du Code civil et 59 de l’ancien Code de procédure civile, la jurisprudence oscillait entre la reconnaissance d’une compétence impérative et une certaine souplesse dans son application.
Ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle que la Cour de cassation s’est fermement prononcée en faveur de l’attribution exclusive de compétence au tribunal du lieu d’ouverture de la succession, par des arrêts marquants tels que celui du 20 juin 1898, qui opéra une véritable consolidation de ce principe.
La loi du 15 mars 1928 a achevé de consacrer cette évolution en érigeant, à peine de nullité, le respect des règles de compétence territoriale en matière successorale en un principe impératif.
Dans sa rédaction actuelle, l’article 841 ne mentionne plus explicitement la nullité comme sanction de la violation des règles de compétence, mais il ne fait aucun doute que ce caractère impératif subsiste. Les travaux préparatoires de la réforme n’apportent aucun élément suggérant un abandon du caractère d’ordre public de la règle.
Quoi qu’il en soit, ce caractère d’ordre public impose une stricte application des règles de compétence, sous le contrôle exclusif du Tribunal judiciaire territorialement compétent. Même lorsque certaines opérations, comme la licitation d’immeubles, sont déléguées à une autre juridiction ou à un notaire, le Tribunal du lieu d’ouverture de la succession demeure seul compétent pour connaître, en dernier lieu, des opérations de partage.
Néanmoins, l’impérativité attachée à cette compétence n’exclut pas la possibilité d’aménagements procéduraux dictés par les exigences d’une bonne administration de la justice. Il est ainsi permis d’autoriser la jonction d’instances lorsque plusieurs successions ouvertes dans des ressorts différents révèlent une connexité manifeste, permettant de les regrouper devant une même juridiction pour en garantir une gestion cohérente et harmonieuse.
De surcroît, il peut être admis qu’une action relative à la liquidation d’une communauté dissoute et aux successions indivises des époux soit portée devant le tribunal compétent pour la première dissolution, dès lors que cette concentration des contentieux apparaît conforme à l’exigence d’efficacité procédurale, tout en assurant une unité dans le traitement des intérêts en cause.
B) Règles spécifiques en matière matrimoniale
Sous l’empire du droit antérieur, c’est le principe général de la compétence du Tribunal judiciaire pour le partage de la succession qui s’appliquait au partage judiciaire consécutif à la dissolution d’une communauté le juge du divorce n’étant pas investi d’une compétence spécifique pour en connaître. Ce dernier, limité à statuer sur la rupture du lien conjugal et ses conséquences immédiates, était dépourvu de toute compétence pour trancher les questions relatives à la liquidation et au partage des intérêts patrimoniaux des époux. Cette dichotomie procédurale marquait une stricte séparation entre le contentieux matrimonial et les aspects patrimoniaux, lesquels devaient être portés devant le tribunal compétent pour connaître du partage, souvent le tribunal du lieu de dissolution du régime matrimonial. Cette situation, source de complexité et de dédoublement des instances, imposait aux époux des démarches souvent longues et coûteuses, prolongeant inutilement les litiges liés à la désunion.
Cette stricte séparation entre le contentieux du divorce et celui du partage de l’indivision post-communautaire s’inscrivait dans une vision procédurale fragmentée, où chaque étape relevait de procédures distinctes. En pratique, cela signifiait que, même une fois le divorce prononcé, les époux devaient introduire une nouvelle instance, distincte et autonome, pour régler la liquidation et le partage de leur communauté. Cette démarche, non seulement chronophage, mais également économiquement contraignante, imposait souvent une double mobilisation des juridictions et des professionnels du droit, sans garantir pour autant une réelle coordination entre les décisions.
La situation évolua progressivement sous l’impulsion du législateur, qui prit conscience des écueils liés à une telle dispersion. La loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985 marqua un premier tournant en introduisant dans le Code civil un article 264-1, prévoyant que le juge statuant sur le divorce pouvait également ordonner la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux, ainsi que trancher sur des demandes telles que le maintien dans l’indivision ou l’attribution préférentielle. Cette disposition initia une certaine concentration des contentieux matrimoniaux dans une logique d’efficience procédurale.
Cependant, c’est la réforme opérée par la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 qui consacra véritablement une évolution majeure dans l’organisation procédurale du partage consécutif au divorce. En instaurant une architecture procédurale profondément renouvelée, cette réforme attribua au juge aux affaires familiales une compétence exclusive en matière de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux des époux. Désormais, conformément à l’article 267 du Code civil, le juge est chargé de statuer, à défaut d’un règlement amiable entre les époux, sur des demandes telles que le maintien dans l’indivision, l’attribution préférentielle ou encore l’avance sur part de communauté ou de biens indivis. Cette centralisation des contentieux sous l’autorité d’un magistrat unique répondait à une double exigence : simplifier les procédures et renforcer leur efficacité, tout en garantissant une cohérence décisionnelle accrue.
Dans le droit fil de cette réforme, l’ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 vint renforcer et préciser le cadre procédural, introduisant des exigences destinées à structurer et encadrer les litiges patrimoniaux. Les époux, lorsqu’ils ne parviennent pas à un règlement amiable, doivent désormais justifier de leurs désaccords par la production d’une déclaration commune d’acceptation d’un partage judiciaire ou d’un projet de liquidation établi par un notaire désigné sur le fondement de l’article 255, 10° du Code civil. Ce dispositif vise à faciliter le travail juridictionnel en circonscrivant précisément les points de contentieux. En l’absence de telles diligences, les parties doivent engager une nouvelle procédure devant le Tribunal judiciaire, compétent pour statuer sur les litiges relatifs à la liquidation et au partage des intérêts patrimoniaux.
Depuis ces réformes, le juge aux affaires familiales s’est affirmé comme un acteur central dans la résolution des différends patrimoniaux consécutifs au divorce. L’article 267 du Code civil, dans sa version issue de l’ordonnance de 2015, confère à ce magistrat une large latitude pour statuer sur des enjeux essentiels à la préservation des droits des parties. Parmi ces prérogatives figurent notamment la possibilité d’ordonner le maintien de certains biens en indivision, d’attribuer des biens à titre préférentiel, en particulier lorsqu’il s’agit du logement familial ou de biens à usage professionnel, ou encore d’accorder des avances sur les parts de communauté ou de biens indivis.
Le rôle du notaire dans ce dispositif a également été consolidé. Désigné par le juge, le notaire est chargé d’établir un inventaire détaillé des biens, de proposer un projet de partage et de clarifier les points de désaccord entre les époux. Ces missions, prévues à l’article 255, 10° du Code civil, constituent une étape préparatoire cruciale pour orienter les décisions judiciaires et, lorsque cela est possible, favoriser une résolution amiable des conflits. Toutefois, la suppression de l’ordonnance de non-conciliation par la réforme de 2019 a significativement réduit les délais de la procédure de divorce, soulevant des inquiétudes quant à la capacité des notaires à mener à bien ces expertises dans un temps désormais plus restreint.
Le partage consécutif à un divorce ne saurait être réduit à une simple opération comptable. En vertu de l’article 1476 du Code civil, le partage de la communauté est régi, mutatis mutandis, par les règles successorales, lesquelles encadrent les formes du partage, le maintien dans l’indivision, la licitation des biens, les garanties des lots et les soultes éventuelles. Cette assimilation témoigne de la volonté du législateur d’assurer une cohérence procédurale et substantielle entre ces deux régimes, tout en adaptant leurs mécanismes aux spécificités du contentieux matrimonial.
Cependant, lorsque le partage de la communauté s’entrelace avec une succession, notamment en cas de décès de l’un des époux, la compétence revient au Tribunal judiciaire du lieu d’ouverture de la succession. Cette articulation délicate entre compétences matrimoniales et successorales illustre la complexité des enjeux patrimoniaux, tout en visant à concilier les exigences d’équité et d’efficacité procédurale.
Enfin, conformément à l’article L. 213-3 du Code de l’organisation judiciaire, le juge aux affaires familiales conserve une compétence élargie pour statuer sur des demandes connexes, telles que celles relatives aux régimes matrimoniaux des concubins ou des partenaires liés par un pacte civil de solidarité. Toutefois, les règlements successoraux et les partages non matrimoniaux restent de la compétence exclusive du Tribunal judiciaire, garantissant ainsi une répartition claire des compétences juridictionnelles.
II) Conditions préliminaires de l’action en partage
A) L’intérêt pour agir
Conformément à l’article 31 du Code de procédure civile, l’introduction d’une action en partage suppose que le demandeur justifie d’un intérêt personnel, direct et actuel à agir. Cet intérêt découle naturellement de la qualité d’indivisaire, lui conférant le droit de solliciter la fin de l’indivision. Cette qualité trouve son fondement dans l’article 815 du Code civil, qui consacre le droit de chaque indivisaire à provoquer le partage de l’indivision, sauf s’il en a été convenu autrement.
Cependant, cet intérêt doit demeurer concret : l’action ne peut être exercée que si le demandeur justifie d’un droit dans l’indivision. Ainsi, un tiers étranger ou un héritier potentiel non encore reconnu ne saurait introduire une telle action, sauf à se heurter à une fin de non-recevoir.
B) Prescription de l’action
L’action en partage est imprescriptible. La raison en est que, conformément à l’article 815 du Code civil, nul ne peut être contraint de demeurer dans l’indivision. Cette disposition garantit ainsi à tout indivisaire le droit de solliciter à tout moment la dissolution de l’indivision. Le caractère imprescriptible de l’action en partage a été confirmé par la Cour de cassation dans un arrêt de la première chambre civile du 12 décembre 2007 (Cass. 1re civ., 12 déc. 2007, n° 06-20.830).
Dans cette affaire, un indivisaire avait sollicité en 2005 l’ouverture de la succession de son ascendant décédé en 1932, dans le cadre du partage de la succession de son autre ascendant, décédé en 1995. La cour d’appel avait rejeté cette demande, en estimant qu’elle était prescrite, au motif que le délai écoulé depuis le décès survenu en 1932 faisait obstacle à l’action. La Cour de cassation a cassé cette décision en rappelant qu’en vertu de l’article 815 du Code civil, le droit de demander le partage est imprescriptible. En l’espèce, elle a jugé que l’indivisaire pouvait légitimement provoquer le partage, nonobstant le délai écoulé.
Toutefois, si l’action principale en partage est imprescriptible, certaines prétentions accessoires, comme les demandes de rapport ou de réduction, peuvent être soumises à des délais de prescription spécifiques. Ces délais, qui relèvent des règles de droit commun, doivent être soigneusement distingués du droit principal de demander le partage. Par exemple, une demande tendant à contester une libéralité excessive ou à intégrer des biens dans la masse partageable pourrait être frappée par la prescription si elle n’est pas exercée dans les délais impartis.
Enfin, bien que l’action en partage ne soit pas affectée par la prescription extinctive, la prescription acquisitive peut venir limiter ses effets dans certaines hypothèses. Ainsi, si un indivisaire a exercé une possession exclusive sur un bien indivis pendant une durée suffisante pour en acquérir la propriété, ce bien pourrait être soustrait de la masse partageable. Cette exception, bien que marginale, illustre que l’imprescriptibilité de l’action ne confère pas un caractère absolu à tous les droits liés à l’indivision, mais s’inscrit dans un cadre cohérent avec les principes du droit civil.
C) Publicité foncière préalable
Contrairement à d’autres actions judiciaires impliquant des droits immobiliers, la demande en partage ne nécessite pas de publicité préalable au service de la publicité foncière, même lorsque le patrimoine indivis comprend des immeubles. Cette spécificité résulte de la nature même de l’action en partage, qui vise avant tout à organiser la répartition des biens entre les indivisaires sans produire immédiatement d’effets à l’égard des tiers.
L’article 28, 4, c) du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 impose une obligation de publicité pour les demandes en justice tendant à obtenir la résolution, la révocation, l’annulation ou la rescision d’un acte portant sur des droits immobiliers soumis à publicité foncière. Toutefois, cette obligation ne s’applique pas à l’action en partage, comme l’a précisé la Cour de cassation dans un arrêt du 15 février 2006 (Cass. 3e civ, 15 févr. 2006, n°04-20.521).
Dans cette affaire, un créancier, invoquant des titres exécutoires, avait assigné un indivisaire pour obtenir l’annulation de sa déclaration de renonciation à succession ainsi que l’ouverture des opérations de partage, incluant la licitation d’un bien immobilier indivis. La cour d’appel avait déclaré ces demandes irrecevables au motif que les actes d’assignation n’avaient pas été publiés au service de la publicité foncière.
La Cour de cassation a censuré cette décision en considérant que l’obligation de publicité foncière, prévue par l’article 28, 4, c) du décret précité, ne s’applique qu’aux demandes tendant à l’anéantissement rétroactif d’un droit antérieurement publié. Or, dans le cadre d’une action en partage, les biens indivis conservent leur nature collective jusqu’à l’homologation du partage, ce qui exclut toute modification opposable aux tiers tant que cette formalisation n’est pas intervenue. Ainsi, l’absence de publicité ne peut constituer une cause d’irrecevabilité de l’action en partage.
La décision illustre que l’action en partage échappe à l’exigence de publicité foncière lors de son introduction, contrairement aux actions visant à modifier ou supprimer un droit inscrit au fichier immobilier. Cela simplifie la procédure, en réduisant les formalités et les coûts pour les indivisaires ou les créanciers qui souhaitent engager une telle action.
Cependant, cette absence de publicité implique que les tiers, notamment les créanciers hypothécaires, ne soient pas informés des premières étapes de la procédure, ce qui peut engendrer des difficultés. Par exemple, une mutation de droits entre indivisaires pourrait se produire à l’insu des tiers avant l’homologation du partage.
Il convient de souligner que, si la publicité n’est pas requise au stade de l’introduction de l’action, elle devient obligatoire au moment de la formalisation du partage, lorsque les biens indivis sont attribués ou cédés à titre individuel. À ce stade, les mutations doivent être inscrites au fichier immobilier aux fins d’information des tiers, encore que le défaut de publicité ne soit sanctionné, ni par la nullité du partage, ni par l’inopposabilité. Tout au plus, les tiers pourraient solliciter l’octroi de dommages et intérêts s’ils justifient d’un préjudice.
III) Introduction de l’instance
Le partage judiciaire, visant à mettre fin à une indivision, peut être introduit par deux types d’actes : l’assignation, mode ordinaire de saisine du Juge, et la requête conjointe, solution privilégiée lorsque les indivisaires consentent à une demande commune.
A) Introduction de l’instance par voie d’assignation
1. Assignation unique
a. Conditions de recevabilité de l’assignation
L’article 1360 du Code de procédure civile prévoit que « à peine d’irrecevabilité, l’assignation en partage contient un descriptif sommaire du patrimoine à partager et précise les intentions du demandeur quant à la répartition des biens ainsi que les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable. »
Il s’infère de cette disposition que l’assignation en partage, pour être recevable, doit satisfaire à trois conditions spécifiques à peine d’irrecevabilité.
==>Le descriptif sommaire du patrimoine à partager
L’assignation en partage doit impérativement comporter une description précise de l’ensemble des éléments composant l’indivision. Cette exigence s’étend à tous les biens constitutifs de la masse partageable, qu’il s’agisse de biens immobiliers, de biens mobiliers, de créances, de passifs ou de tout autre actif indivis. Dans un arrêt du 28 janvier 2015, la Cour de cassation a précisé que l’état descriptif du patrimoine à partager pouvait n’être que sommaire. Plus précisément, elle a affirmé que, si l’absence d’un descriptif suffisant exposait l’assignation à une fin de non-recevoir, il n’était pas exigé que celui-ci fournisse la consistance et la valeur exacte du patrimoine (Cass. 1ère civ., 28 janv. 2015, n°13-50.049).
Cet état descriptif sommaire constitue un préalable indispensable à l’organisation des opérations liquidatives en permettant à la juridiction saisie d’appréhender avec précision l’étendue de l’indivision et les enjeux patrimoniaux qui en découlent. A cet égard, dans les situations complexes, telles que celles impliquant des successions comprenant de multiples biens ou des libéralités sujettes à rapport ou réduction, la description devra comprendre ces informations conformément aux exigences des articles 843 et suivants du Code civil. À titre d’illustration, l’indivisaire demandeur pourra mentionner une donation antérieure dont il entend obtenir le rapport à la masse partageable, ou encore les libéralités qui excéderaient la quotité disponible et nécessiteraient une réduction.
De surcroît, lorsque plusieurs indivisions coexistent entre les mêmes personnes, qu’elles portent sur des biens identiques ou différents, il appartient au demandeur de signaler leur regroupement éventuel dans le cadre d’une procédure unique, en application de l’article 840-1 du Code civil. Cette disposition vise à éviter une multiplication des contentieux et à privilégier une gestion cohérente et globale des opérations de partage.
En tout état de cause, un descriptif lacunaire ou imprécis pourrait entraîner de lourdes conséquences procédurales. Une telle omission exposerait l’assignation à une fin de non-recevoir, dès lors qu’elle empêcherait le tribunal de remplir pleinement sa mission juridictionnelle, comme l’a souligné la jurisprudence à plusieurs reprises.
==>Les intentions du demandeur quant à la répartition des biens
L’article 1360 du Code de procédure civile oblige le demandeur à indiquer avec précision dans l’assignation ses prétentions relatives à la répartition des biens. Cette obligation s’inscrit dans une démarche visant à baliser le champ des débats, à clarifier les enjeux et à garantir un traitement équitable des intérêts en présence.
Parmi les prétentions susceptibles d’être formulées, il peut s’agir d’exprimer une demande d’attribution préférentielle. Prévue par l’article 831-2 du Code civil, cette faculté permet à un indivisaire de requérir l’attribution prioritaire d’un bien, sous réserve de remplir certaines conditions légales. Il peut s’agir, par exemple, pour le demandeur d’établir que le bien est occupé à titre de résidence principale, qu’il est affecté à une exploitation agricole, ou encore qu’il répond à des besoins impérieux découlant d’une situation de dépendance économique.
Cette demande, qui doit être explicitement formulée dans l’assignation, permet au juge d’anticiper les modalités de répartition et d’organiser les opérations liquidatives en conséquence. À défaut d’une justification suffisante ou d’une formulation claire, la juridiction saisie pourrait être amenée à rejeter la prétention, ce qui ne serait pas sans créer des incertitudes dans la conduite des opérations de partage.
Outre l’attribution préférentielle, le demandeur peut également formuler des revendications relatives à des créances. C’est notamment le cas de la créance de salaire différé prévue par l’article L. 321-13 du Code rural. Cette disposition offre la possibilité à un descendant ayant participé sans rémunération à l’exploitation familiale de réclamer une créance au titre de sa contribution.
Une telle revendication doit être formulée dans l’assignation, en précisant les éléments factuels et juridiques justifiant son bien-fondé. La mention de cette revendication dans l’assignation est indispensable pour permettre au Tribunal de statuer sur la validité de la créance et d’intégrer celle-ci dans les opérations liquidatives. À défaut, la créance pourrait être écartée ou faire l’objet de contestations susceptibles d’allonger inutilement la procédure.
==>Les diligences entreprises pour parvenir à un partage amiable
L’article 1360 du Code de procédure civile renforce le caractère subsidiaire du partage judiciaire en imposant au demandeur de justifier des démarches entreprises pour tenter de parvenir à un partage amiable. Cette exigence, loin d’être purement formelle, s’inscrit dans une volonté de favoriser les solutions négociées et de préserver l’équilibre entre les droits des indivisaires.
Les démarches doivent refléter une tentative sérieuse et sincère de résolution amiable du différend. Parmi celles-ci figurent notamment :
- Les tentatives de médiation ou de conciliation : ces procédures, qu’elles soient judiciaires ou extrajudiciaires, permettent aux indivisaires de rechercher un accord sous l’égide d’un tiers impartial. La jurisprudence a souligné l’importance de telles démarches, qui témoignent de la bonne foi du demandeur.
- Les propositions concrètes de répartition ou de valorisation des biens : les échanges écrits ou les comptes rendus de négociations doivent traduire une véritable volonté de parvenir à un accord. Par exemple, la soumission de projets de partage détaillés ou l’évaluation commune des biens indivis peut constituer une preuve suffisante des efforts entrepris.
La jurisprudence a régulièrement souligné l’importance de cette obligation. Dans un arrêt du 4 janvier 2017, la Cour de cassation a, par exemple, jugé que les diligences attendues doivent être concrètes, étayées et documentées (Cass. 1ère civ., 4 janv. 2017, n°15-25.655). De simples velléités ou déclarations d’intention ne sauraient suffire : les démarches doivent refléter des actions tangibles, effectuées avant l’introduction de l’instance.
A cet égard, il importe de distinguer les diligences prescrites par l’article 1360 du Code de procédure civile des exigences plus strictes énoncées à l’article 54 du même code, lequel impose, dans d’autres matières, une tentative obligatoire préalable de conciliation ou de médiation. Ces deux dispositifs, bien que convergents dans leur finalité pacificatrice, répondent à des logiques distinctes.
L’article 1360, loin d’édicter une contrainte procédurale rigide, traduit avant tout le principe de subsidiarité du partage judiciaire. En exigeant que les parties démontrent avoir épuisé les voies amiables avant de solliciter l’intervention du juge, il cherche à favoriser la résolution consensuelle des différends, tout en préservant l’intervention judiciaire comme un ultime recours.
Cette approche trouve un écho particulier dans la possibilité, offerte aux indivisaires non contestataires mais demeurant silencieux, de faire désigner un représentant ad hoc. Cette faculté, qui s’inscrit dans une logique de pragmatisme procédural, vise à organiser les opérations de partage à l’amiable en contournant l’inertie des parties, tout en préservant les intérêts de l’indivision.
Enfin, l’irrecevabilité pour insuffisance de diligences est d’autant plus rigoureuse qu’elle ne peut être régularisée qu’en ce qui concerne les aspects formalistes de l’assignation. Les diligences, quant à elles, doivent précéder l’introduction de l’instance et ne sauraient être reconstituées a posteriori.
Enfin, l’irrecevabilité pour insuffisance de diligences est d’autant plus rigoureuse qu’elle ne peut être régularisée qu’en ce qui concerne les exigences de mention de l’état descriptif du patrimoine à partager et l’intention du demandeur. En effet, comme l’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 21 septembre 2016, les diligences entreprises pour parvenir à un partage amiable doivent précéder la délivrance de l’assignation et ne sauraient être couvertes a posteriori (Cass. 1ère civ., 21 sept. 2016, n°15-23.250). Cette exigence repose sur la finalité même de l’article 1360 du Code de procédure civile, qui impose au demandeur de démontrer, dès l’introduction de l’instance, que le recours au partage judiciaire résulte de l’échec avéré des voies amiables.
Dans cette affaire, la Première chambre civile a jugé que l’omission, dans l’assignation, de toute mention relative aux efforts entrepris pour parvenir à un accord amiable exposait irrémédiablement la demande à une fin de non-recevoir. Elle a également précisé que la production, postérieure à l’assignation, de documents attestant de démarches amiables, telles qu’une sommation interpellative, ne pouvait pallier l’insuffisance initiale. Ainsi, le juge n’est pas tenu de prendre en considération des initiatives entreprises après l’introduction de l’instance.
Cette décision met en exergue l’importance de l’anticipation et de la sincérité dans la mise en œuvre des diligences. Il ne suffit pas de formuler des protestations de bonne foi ou de s’appuyer sur des démarches superficielles. Il est exigé que les efforts déployés avant l’assignation soient concrets, documentés et reflètent une réelle volonté de parvenir à un accord amiable.
En adoptant cette position stricte, la jurisprudence inscrit la subsidiarité du partage judiciaire au cœur de la procédure. L’objectif est de limiter l’intervention judiciaire aux seuls cas où toutes les tentatives amiables ont échoué, protégeant ainsi les droits des indivisaires tout en garantissant une gestion cohérente et respectueuse des litiges survenant dans le cadre d’un partage
b. Sanctions des conditions de recevabilité de l’assignation
Le non-respect des exigences prescrites par l’article 1360 du Code de procédure civile est sanctionné par une fin de non-recevoir. L’irrecevabilité de la demande formulée par voie d’assignation peut être invoquée tant par les défendeurs que relevée d’office par le Juge, conformément à l’article 122 du Code de procédure civile.
A cet égard, l’appréciation de la recevabilité des assignations en partage relève désormais de la compétence du juge de la mise en état, en application de l’article 789 du Code de procédure civile, modifié par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019.
Aussi, ce juge, qui intervient dès les phases préparatoires du litige, dispose désormais de la compétence exclusive pour statuer sur les fins de non-recevoir tirées du non-respect des exigences de l’article 1360.
Ce recentrage procédural, motivé par un souci d’efficacité et de fluidité dans le traitement des affaires, confère au juge de la mise en état un rôle clé dans la régulation des litiges intéressant le partage. Il lui appartient d’apprécier la validité formelle et substantielle de l’assignation, en vérifiant notamment que les diligences amiables invoquées par le demandeur répondent aux exigences légales et jurisprudentielles.
2. Pluralité d’assignations
L’article 1359 du Code de procédure civile tranche les conflits procéduraux susceptibles de naître lorsqu’une pluralité d’indivisaires introduit des demandes en partage concurrentes. Ce texte dispose que « en cas de pluralité d’assignations, le demandeur au partage est celui qui a fait en premier enrôler son assignation au greffe du tribunal judiciaire ».
C’est donc la règle de priorité d’enrôlement qui a vocation à départager les demandes concurrentes. Cette règle repose sur un critère chronologique, visant à garantir l’ordre dans la gestion des instances de partage. Toutefois, cette règle de priorité n’est pas sans limites : elle est conditionnée à la validité de l’assignation initiale. Une assignation frappée de nullité ou irrégulière, notamment pour défaut de notification à tous les indivisaires ou vice de forme, ne saurait bénéficier de cette priorité.
La règle énoncée par l’article 1359 s’inscrit dans la continuité de l’ancien article 967 du Code de procédure civile, qui prévoyait que la priorité revenait à celui ayant fait viser en premier l’original de son exploit par le greffe, avec mention du jour et de l’heure. Désormais, c’est l’enrôlement de l’assignation qui constitue le critère déterminant. Toutefois, cette rédaction a été critiquée pour son imprécision : il aurait été préférable de se référer au placement de l’assignation, car l’enrôlement dépend en réalité de l’initiative du greffe.
Il peut être observé que lorsque deux ou plusieurs assignations sont enrôlées le même jour, le texte reste silencieux sur les modalités de départage. La jurisprudence a parfois privilégié le demandeur représentant les intérêts les plus significatifs dans l’instance ou, en cas d’égalité, l’ancienneté de l’avocat représentant les parties. Cependant, dans ces hypothèses, il appartient au tribunal d’exercer son pouvoir souverain pour trancher le conflit.
Dans le cas particulier où une première assignation n’a pas encore été notifiée à tous les indivisaires, certaines juridictions ont admis que cette omission pouvait être régularisée à condition qu’elle n’entrave pas le déroulement de l’instance. Toutefois, une telle régularisation reste délicate et peut être contestée sur le fondement du principe fraus omnia corrumpit, notamment si elle vise à priver un autre demandeur de la priorité.
B) Introduction de l’instance par voie de requête conjointe
Les dispositions du Code de procédure civile dédiées au partage judiciaire sont silencieuses sur la possibilité d’introduire l’instance par voie de requête conjointe. Est-ce à dire que cet acte introductif d’instance n’est pas admis pour engager une procédure de partage ? Une lecture attentive des textes applicables permet d’écarter cette hypothèse.
En effet, la requête conjointe trouve sa source dans les articles 54, 57 et 757 du Code de procédure civile, qui l’érigent en mode ordinaire de saisine du tribunal judiciaire. Si elle n’est pas expressément mentionnée dans la sous-section consacrée au partage judiciaire, rien dans la lettre ou l’esprit du texte n’interdit son application à ce type de procédure, dès lors que tous les indivisaires s’accordent pour solliciter l’intervention du juge.
Cette possibilité s’inscrit dans une tradition ancienne, héritée du mécanisme de la requête collective, qui permettait déjà aux indivisaires d’introduire une instance en partage en dehors des situations conflictuelles. Bien que la réforme de la protection juridique des majeurs opérée par la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 ait transformé ce cadre procédural, la requête conjointe demeure un outil juridique adapté pour saisir le juge dans un esprit de coopération.
La requête conjointe offre des avantages indéniables, à commencer par la simplicité de sa mise en œuvre. Elle permet d’éviter les formalités de notification inhérentes à l’assignation, tout en réduisant les délais et les coûts associés à l’introduction d’une procédure contentieuse. En outre, ce mode de saisine favorise une dynamique apaisée entre les indivisaires, en misant sur un minimum de consensus préalable.
Par ailleurs, ce mécanisme est particulièrement adapté dans des contextes où l’intervention judiciaire est requise pour surmonter des obstacles purement techniques ou administratifs, sans qu’un véritable différend n’oppose les parties. Il peut ainsi être utilisé pour solliciter un partage total ou partiel, qu’il prenne la forme d’une répartition en nature ou d’une licitation.
Néanmoins, la requête conjointe n’échappe pas aux règles générales de procédure civile. Les exigences des articles 54, 57 et 757 du Code de procédure civile doivent être respectées, notamment en ce qui concerne la précision des demandes et l’identification des parties. Toute irrégularité dans la rédaction de la requête pourrait entraîner son irrecevabilité.
Il convient également de noter que, contrairement à l’ancienne requête collective, la requête conjointe n’entraîne pas automatiquement un jugement rendu en chambre du conseil. Le traitement de l’affaire suit les règles ordinaires applicables devant le tribunal judiciaire, sauf disposition spécifique.
IV) Parties à l’instance
A) La nécessité d’assigner tous les indivisaires
L’action en partage ne saurait être valablement introduite sans que tous les coindivisaires soient appelés à y participer. Ce principe, qui confère à l’action en partage un caractère indivisible, vise à garantir que chaque indivisaire dispose de la faculté de faire valoir ses droits et de présenter ses observations. Il en résulte que les décisions rendues dans l’instance doivent être opposables à tous, y compris à ceux qui n’auraient pas activement participé ou qui seraient restés silencieux.
La jurisprudence a clairement établi que l’omission d’un indivisaire est de nature à entacher la procédure d’irrégularité. Toutefois, cette irrégularité peut être couverte par l’intervention volontaire de l’indivisaire omis ou par son appel en la cause au cours de l’instance (Cass. 1ère civ., 18 juill. 1963). Néanmoins, le coindivisaire omis conserve la faculté d’exiger que l’intégralité de la procédure soit reprise contradictoirement avec lui. À défaut, il est admis qu’il puisse former une tierce opposition contre le jugement ordonnant le partage ou la licitation. En revanche, lorsqu’un indivisaire s’abstient volontairement de participer, notamment dans des circonstances excluant toute justification valable, il ne sera pas admis à contester un partage homologué sous prétexte qu’il ne protégerait pas suffisamment ses intérêts (Cass. civ. 1re, 7 juin 1988).
A cet égard, en pratique, il est fréquent qu’un indivisaire, par inertie ou indifférence, s’abstienne de participer activement aux opérations de partage. Cette attitude, bien qu’entravant la bonne marche de la procédure, ne saurait toutefois bloquer indéfiniment les opérations. Aussi, l’article 841-1 du Code civil, prévoit des mécanismes pour pallier cette inertie.
Conformément à l’article 841-1 du Code civil « si le notaire commis pour établir l’état liquidatif se heurte à l’inertie d’un indivisaire, il peut le mettre en demeure, par acte extrajudiciaire, de se faire représenter ». L’article 1367 du Code civil précise que la mise en demeure signifiée à l’indivisaire défaillant « mentionne la date prévue pour réaliser les opérations de partage ». Elle doit, par ailleurs, informer l’indivisaire des conséquences de sa défaillance.
Faute pour l’indivisaire d’avoir constitué mandataire dans les trois mois de la mise en demeure, le notaire peut demander au juge de désigner toute personne qualifiée qui représentera le défaillant jusqu’à la réalisation complète des opérations. Pour ce faire, le notaire dresse un procès-verbal et le transmet au juge commis afin que soit désigné un représentant à l’héritier défaillant.
La désignation d’un tel mandataire a des conséquences importantes. En effet, si elle permet d’éviter les blocages procéduraux, elle prive l’indivisaire défaillant de toute possibilité d’intervention directe dans les décisions prises au cours des opérations. Toutefois, il conserve un droit à l’information, garantissant un équilibre minimal entre l’avancement de la procédure et le respect de ses droits (Cass. 1ère civ., 7 juin 1988).
Enfin, il peut être observé que le principe d’indivisibilité de l’action en partage ne se limite pas à la première instance, il joue également dans le cadre d’une procédure d’appel ou de cassation. En cas d’exercice d’une voie de recours, l’ensemble des indivisaires doit être mis en cause, sous peine de voir le recours formé frappé d’irrecevabilité. Par ailleurs, un appel interjeté par un seul indivisaire bénéficie à tous, confirmant une nouvelle fois le caractère indissociable de leurs intérêts.
B) La réciprocité des qualités de demandeur et défendeur
Une caractéristique essentielle du partage judiciaire réside dans la réciprocité des qualités de demandeur et de défendeur entre les indivisaires. Dès l’introduction de l’instance, chaque partie peut indifféremment formuler des demandes principales ou incidentes, qu’elles portent sur l’établissement de l’actif, du passif ou encore sur les modalités de répartition.
Ainsi, toute demande formulée, qu’elle soit principale ou incidente, est traitée comme une défense à une prétention adverse, offrant aux parties une grande souplesse procédurale (Cass. 1ère civ., 25 sept. 2013, n°12-21.280). Ce principe favorise une dynamique où les défendeurs peuvent développer leurs propres demandes reconventionnelles ou additionnelles, touchant aussi bien à l’établissement de l’actif qu’à la répartition des charges du passif.
La réciprocité des qualités joue également dans le cadre de l’exercice des voies de recours, consolidant le caractère collectif et indivisible de l’action en partage. Ainsi, l’appel interjeté par un seul indivisaire profite à tous les autres, leur permettant de bénéficier des effets de l’appel sans avoir à le former eux-mêmes.
Par ailleurs, le principe de réciprocité des qualités déroge à la règle générale de concentration des moyens, qui impose, sous peine d’irrecevabilité, que toutes les prétentions soient présentées dans le premier jeu de conclusions adressées à la Cour d’appel.
Cette règle est écartée dans le cadre du partage, où les parties, étant respectivement demanderesses et défenderesses, peuvent introduire des demandes nouvelles en cours d’instance ou même en appel. Par exemple, des prétentions relatives à l’ajout de biens omis, à la contestation d’un acte de recel ou à la reconnaissance d’un droit à attribution préférentielle restent recevables, même si elles ne figuraient pas dans les premières conclusions (Cass. 1ère civ. 9 juin 2022, n°19-24.368).