De la distinction entre l’obligation de contribution aux charges du mariage et le principe de solidarité des dettes ménagères

Dans son discours préliminaire du Code civil, Portalis définissait le mariage comme « la société de l’homme et de la femme qui s’unissent pour perpétuer leur espèce, pour s’aider par des secours mutuels à porter le poids de la vie et pour partager leur commune destinée. »

Il ressort de cette définition que le mariage n’est pas seulement une union des personnes, il s’agit également d’une union des biens.

Cette union des personnes et des biens implique que les époux collaborent entre eux faute de quoi leur engagement formulé lors de la célébration du mariage de faire vie commune ne demeurerait qu’un vœu pieux.

La communauté de vie, telle qu’envisagée par le Code civil requiert un minimum d’association entre les époux qui, quel que soit le régime matrimonial auquel ils sont soumis, se sont obligés à mettre un commun des ressources matérielles aux fins de subvenir aux besoins du ménage.

Aussi, dès 1804, cette volonté du législateur de faire du mariage une sorte de société de moyens s’est traduite par l’instauration d’une obligation pour les époux de contribuer aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives.

Tels sont les termes de l’article 214 du Code civil qui constitue le socle du régime primaire impératif. Et pour cause, le statut matrimonial de base des époux se résumait à cette disposition.

Il faut attendre la reconnaissance progressive, au cours du XXe siècle, de l’égalité entre la femme mariée et son époux pour voir un régime primaire impératif, qui régi les conséquences pécuniaires de l’union matrimoniale, émerger.

Désormais, la contribution aux charges du mariage, qui à l’origine ne pesait que sur le seul mari, appartient à un corpus normatif composé d’une dizaine de dispositions.

Cette obligation opère notamment aux côtés du principe institué à l’article 220 du Code civil qui prévoit une solidarité des époux s’agissant du règlement des dettes ménagères.

Les deux dispositifs ne doivent toutefois pas être confondus. Il s’agit là de deux mécanismes bien distincts et complémentaires.

Tandis que l’obligation de contribution aux charges du mariage se rapporte à ce que l’on appelle la contribution à la dette, le principe de solidarité des dettes ménagère intéresse l’obligation à la dette.

==> L’obligation à la dette

L’obligation à la dette détermine l’étendue du droit de poursuite des tiers, au cours de la vie commune, s’agissant des créances qu’ils détiennent à l’encontre des époux.

Autrement dit, elle répond à la question de savoir si un tiers peut actionner en paiement le conjoint de l’époux avec lequel il a contracté et, si oui, dans quelle mesure.

Exemple:

  • Un époux se porte acquéreur d’un véhicule sans avoir obtenu, au préalable, le consentement de son conjoint.
  • La question qui immédiatement se pose est de savoir si, en cas de défaut de paiement de l’époux contractant, le vendeur pourra se retourner contre son conjoint, alors même que celui-ci n’a pas donné son consentement à l’opération et qu’il n’est donc pas partie au contrat.
  • Les règles qui régissent l’obligation à la dette répondent à cette question.

Aussi, l’obligation à la dette intéresse les rapports entre les tiers et les époux.

Elle est notamment traitée à l’article 220 du Code civil qui institue un principe de solidarité pour le règlement des dettes ménagères.

==> La contribution à la dette

La contribution à la dette se distingue de l’obligation à la dette en ce qu’elle détermine la part contributive de chaque époux dans les charges du mariage.

Autrement dit, elle répond à la question de savoir dans quelles proportions les époux doivent-ils réciproquement supporter les dépenses exposées dans le cadre du fonctionnement du ménage.

L’article 214 du Code civil prévoit, à cet égard, que la part contributive de chaque époux est proportionnelle à leurs facultés respectives.

Exemple :

  • Les dépenses de fonctionnement d’un couple marié s’élèvent à 1.000 euros
  • L’un des époux perçoit un salaire de 3.000 euros, tandis que le salaire de l’autre est de 1.500 euros
  • Celui qui gagne 3.000 euros devra donc contribuer deux fois plus que son conjoint aux charges du mariage.

La contribution à la dette intéresse ainsi les rapports que les époux entretiennent entre eux et non les relations qu’ils nouent avec les tiers.

Cette contribution est réglée par l’article 214 du Code civil qui règle la contribution aux charges du mariage.

En résumé, lorsqu’un époux est actionné en paiement par un tiers pour le règlement d’une dette contractée par son conjoint, il pourra toujours se retourner contre ce dernier, après avoir désintéressé le créancier, au titre de l’obligation de contribution aux charges du mariage.

Aussi, le traitement d’une difficulté relative au règlement d’une dette contractée par un époux sans le consentement de son conjoint, supposera de toujours raisonner en deux temps :

  • Premier temps : l’obligation à la dette
    • Le tiers peut-il agir contre le conjoint de l’époux qui a contracté la dette ?
    • S’il s’agit d’une dette ménagère au sens de l’article 220 du Code civil, il pourra actionner indifféremment l’un des deux époux pour le tout.
    • Une fois le règlement de la dette effectué, la détermination de sa répartition entre les époux relève de la question de la contribution aux charges du mariage
  • Second temps : la contribution à la dette
    • L’époux qui a désintéressé le tiers, alors même qu’il n’avait pas contracté la dette, peut-il se retourner contre son conjoint et, si oui, dans quelle proportion ?
    • Pour le déterminer, il convient de se reporter à l’article 214 du Code civil qui prévoit qu’une telle action n’est recevable qu’à la condition que la dette qui a été réglée endosse la qualification de charge du mariage.
    • Il faut encore que soit démontré que l’époux contre lequel l’action est dirigée n’a pas contribué aux charges du mariage à proportion de ses facultés.
    • Si tel est le cas, ce dernier devra supporter à titre définitif, une partie, voire la totalité, du poids de la dette

Les différentes variétés de régimes matrimoniaux (régime légal et régimes conventionnels)

Au cours de leur mariage les époux sont donc soumis au droit des régimes matrimoniaux s’agissant des rapports pécuniaires qu’ils entretiennent entre eux.

Ce droit des régimes matrimoniaux fait l’objet d’un traitement dans deux parties bien distinctes du Code civil, puisque envisagé, d’abord dans un chapitre consacré aux devoirs et aux droits respectifs des époux (art. 212 à 226 C. civ.), puis dans un titre dédié spécifiquement au contrat de mariage et aux régimes matrimoniaux (art. 1384 à 1581 C. civ.).

Cet éclatement du droit des régimes matrimoniaux à deux endroits du Code civil, révèle que les époux sont soumis à deux corps de règles bien distinctes :

  • Premier corps de règles : le régime primaire impératif
    • Les époux sont d’abord soumis à ce que l’on appelle un régime primaire impératif, également qualifié de statut matrimonial de base ou statut fondamental, qui se compose de règles d’ordre public applicables à tous les couples mariés.
    • Il s’agit, en quelque sorte, d’un socle normatif de base qui réunit les principes fondamentaux régissant la situation patrimoniale du couple marié.
    • À l’examen, ce sont, pour l’essentiel, des règles qui constituent l’essence même du mariage et qui intéressent le fonctionnement du ménage dans son quotidien : contributions aux charges du mariage, dettes ménagères, logement familial, présomptions de pouvoirs etc.
    • Le régime primaire impératif est envisagé aux articles 212 à 226 du Code civil.
  • Second corps de règles : le régime matrimonial
    • Au régime primaire impératif qui constitue « le statut fondamental des gens mariés»[1], se superpose un régime matrimonial dont la fonction est :
      • D’une part, de déterminer la composition des patrimoines des époux
      • D’autre part, de préciser les pouvoirs dont les époux sont titulaires sur chaque masse de biens
    • Nous nous focaliserons ici sur ce second corps de règles qui gouverne les différents régimes matrimoniaux.

Au régime primaire impératif se superpose donc un régime matrimonial dont le choix est laissé à la discrétion des époux en application du principe de liberté des conventions matrimoniales.

L’article 1387 du Code civil dispose en ce sens que « la loi ne régit l’association conjugale, quant aux biens, qu’à défaut de conventions spéciales que les époux peuvent faire comme ils le jugent à propos, pourvu qu’elles ne soient pas contraires aux bonnes mœurs ni aux dispositions qui suivent. »

Il ressort de cette disposition que, non seulement les époux sont libres de choisir le régime matrimonial qui leur convient parmi ceux proposés par la loi, mais encore ils disposent de la faculté d’aménager le régime pour lequel ils ont opté en y stipulant des clauses particulières sous réserve de ne pas contrevenir aux bonnes mœurs et de ne pas déroger aux règles impératives instituées par le régime primaire.

Faute de choix par les époux d’un régime matrimonial, c’est le régime légal qui leur sera appliqué, étant précisé que le couple marié peut toujours, au cours du mariage, revenir sur sa décision en sollicitant un changement de régime matrimonial.

Classiquement, il est d’usage de présenter les différents régimes matrimoniaux susceptibles d’être appliqués aux époux en distinguant :

  • D’une part, le régime légal qui a vocation à s’appliquer en l’absence de contrat de mariage
  • D’autre part, les régimes dits conventionnels dont l’application suppose que les époux aient opté pour un dispositif spécifique.

I) Le régime légal

Le régime légal, qui s’applique aux couples mariés faute d’établissement d’un contrat de mariage, est le régime de la communauté réduite aux acquêts.

Ce régime a été institué par la loi du 13 juillet 1965 qui l’a substitué à l’ancien régime légal de communauté de meubles et d’acquêts, lequel est désormais relégué au rang de régime conventionnel.

Dans les grandes lignes, la spécificité du régime légal tient à trois éléments qui diffèrent d’un régime matrimonial à l’autre :

==> La répartition des biens

Principale caractéristique du régime légal, il s’agit d’un régime communautaire. Cette spécificité implique la création d’une masse commune de biens aux côtés des biens propres dont les époux demeurent seuls propriétaires.

La réparation des biens entre la masse commune et la masse de chaque époux s’opère comme suit :

  • Les biens communs
    • La masse commune est alimentée par les tous les biens acquis à titre onéreux par les époux au cours du mariage.
    • C’est ce que l’on appelle des acquêts ; d’où le qualificatif attribué au régime légal de « communauté réduite aux acquêts».
    • Pour être précis les acquêts qui composent la masse commune comprennent deux catégories de biens :
      • Tout d’abord, il y a les biens faits par les époux ensemble ou séparément pendant le mariage et provenant de leur industrie personnelle ou des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres ( 1401 C. civ.)
      • Ensuite, il y a tous les biens meubles, ou immeubles dont on ne peut prouver qu’ils sont propres à l’un des époux ( 1402 C. civ.).
    • Ainsi la masse commune est-elle alimentée de deux manières : soit par le jeu d’une règle de fond, soit par le jeu d’une règle de preuve.
  • Les biens propres
    • Les biens propres sont, par hypothèse, tous ceux qui n’endossent pas la qualification d’acquêts.
    • Plus précisément, cette catégorie de biens comporte notamment :
      • Les biens acquis par les époux avant la conclusion du mariage
      • Les biens acquis par les époux à titre gratuit
      • Les biens dont la propriété est étroitement attachée à la personne d’un époux (vêtements et linges à usage personnel, actions en réparation d’un dommage corporel, créances et pensions incessibles etc.)
      • Les biens de nature professionnelle
      • Tous les biens acquis à titre accessoire d’un bien propre

==> La gestion des biens

Les époux sont investis de pouvoirs de gestion de leurs biens propres et des biens qui relèvent de la masse commune.

  • S’agissant de la gestion des biens propres des époux
    • Le principe posé par l’article 1428 du Code civil est celui de la gestion exclusive des biens propres.
    • Ce principe est renforcé par l’article 225 du Code civil qui dispose que « chacun des époux administre, oblige et aliène seul ses biens personnels».
    • Ainsi chaque époux dispose de pouvoirs d’administration, de disposition et de jouissance exclusifs sur ses propres.
    • Ce pouvoir n’est contrarié que lorsque le logement familial est un bien propre.
    • Dans cette hypothèse, conformément à l’article 215, al. 3e du Code civil l’époux auquel il appartient en propre devra obtenir le consentement de son conjoint pour en disposer.
  • S’agissant de la gestion des biens communs
    • L’article 1421 du Code civil pose un principe de gestion concurrence.
    • Cela signifie que chacun des époux a le pouvoir d’administrer seul les biens communs et d’en disposer sans avoir à obtenir le consentement de l’autre.
    • Par exception, certains biens communs font l’objet d’une gestion exclusive, tels que les revenus des biens propres, les gains et salaires ou encore les biens nécessaires à l’exercice d’une activité professionnelle séparée, tandis que d’autres sont soumis à une cogestion, soit dont la disposition exige le commun accord des époux.

==> La répartition du passif

Les règles de répartition du passif permettent de déterminer l’étendue du gage des créanciers et plus précisément les masses de biens qui devront supporter les dettes contractées par les époux.

À cet égard, il y a lieu de distinguer, l’obligation à la dette qui intéresse les rapports des époux avec les tiers, de la contribution à la dette qui intéresse les rapports des époux entre eux.

Autrement dit, l’obligation à la dette permet de déterminer sur quelle masse de biens (commune ou propre) la dette contractée auprès des créanciers est exécutoire.

Quant à la contribution à la dette, elle permet de déterminer laquelle de ces masses de biens va, à titre définitif, supporter le poids de la dette.

Cette dichotomie entre obligation à la dette et contribution à la dette doit être envisagée, tant pour les dettes personnelles des époux, que pour les dettes communes.

  • S’agissant des dettes personnelles d’un époux
    • Au stade de l’obligation à la dette
      • La règle posée par l’article 1411, al. 1er du Code civil est que la dette contractée à titre personnelle par un époux est exécutoire sur ses biens propres, mais encore sur ses gains et salaires qui sont des biens communs
      • Il en résulte, a contrario, qu’une dette personnelle n’est pas exécutoire sur la masse commune et les biens propres de l’autre époux
    • Au stade de la contribution à la dette
      • La règle est ici que les dettes contractées à titre personnel par un époux doivent demeurer personnelles.
      • Dès lors, en cas de règlement d’une dette personnelle par un époux avec ses gains et salaires, il devra récompense à la communauté, celle-ci n’ayant pas vocation à supporter le poids définitif d’une dette propre.
  • S’agissant des dettes communes
    • Au stade de l’obligation à la dette
      • Le principe posé par l’article 1413 du Code civil est que le paiement des dettes dont chaque époux est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs.
      • Autrement dit, les dettes contractées par chaque époux sont exécutoires sur les biens communs.
      • À cet égard, lorsqu’une dette est entrée en communauté du chef d’un seul des époux, elle ne peut être poursuivie sur les biens propres de l’autre.
    • Au stade de la contribution à la dette
      • La communauté n’a vocation à supporter, à titre définitif, que les dettes contractées dans son intérêt.
      • Lorsque tel n’est pas le cas, elle aura droit à récompense, ce qui sera notamment le cas lorsque la dette réglée avec des biens communs aura été souscrite en vue d’acquérir, de conserver ou d’améliorer un bien propre.

II) Les régimes conventionnels

Pour être soumis à un régime conventionnel les époux doivent avoir effectué un choix qui se traduira par l’établissement d’un contrat de mariage.

À cet égard, les régimes conventionnels se divisent en deux catégories : les régimes communautaires et les régimes séparatistes.

==> S’agissant des régimes communautaires

Leur spécificité est, comme leur énoncé l’indique, de reposer sur la création d’une masse commune de biens qui s’interpose entre les masses de chaque époux composées de biens propres appartenant à chacun d’eux.

Parmi les différents régimes conventionnels proposés par la loi, deux endossent la qualification de communautaire

  • Le régime de la communauté de meubles et d’acquêts
    • Sous l’empire du droit antérieur à l’entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 1965, le régime de la communauté de meubles et d’acquêts n’était autre que le régime légal.
    • Depuis lors, il a néanmoins été remplacé par le régime de la communauté réduite aux acquêts, à tout le moins il a été rétrogradé au rang de simple régime conventionnel.
    • La spécificité de ce régime matrimonial tient aux règles qui gouvernent l’actif et le passif de la communauté
      • S’agissant de l’actif
        • Lorsque les époux optent pour la communauté de meubles et d’acquêts, l’actif de la communauté est augmenté par rapport au régime légal.
        • En effet, il comprend, outre les biens qui relèvent de la masse commune sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, les bens meubles qui seraient qualifiés de propres sous ce régime.
        • Sont donc inclus dans la masse commune, lorsque les époux sont soumis au régime de communauté de meubles et d’acquêts, tous les biens meubles dont les époux avaient la propriété ou la possession au jour du mariage ou qui leur sont échus depuis par succession ou libéralité, à moins que le donateur ou testateur n’ait stipulé le contraire.
      • S’agissant du passif
        • Par symétrie avec la composition de l’actif, lorsque les époux ont opté pour le régime de la communauté de meubles et d’acquêts, le passif de la communauté est plus étendu que sous le régime légal.
        • En effet, entrent dans le passif commun, outre les dettes qui en feraient partie sous le régime légal, une fraction de celles dont les époux étaient déjà grevés quand ils se sont mariés, ou dont se trouvent chargées des successions et libéralités qui leur échoient durant le mariage.
        • À cet égard, la fraction de passif que doit supporter la communauté est proportionnelle à la fraction d’actif qu’elle recueille, soit dans le patrimoine de l’époux au jour du mariage, soit dans l’ensemble des biens qui font l’objet de la succession ou libéralité.
        • Il s’agit ici d’instaurer une corrélation entre l’actif et le passif : dès lors que l’actif augmenté, le passif doit s’en trouver élargi dans les mêmes proportions.
  • Le régime de la communauté universelle
    • Le régime de la communauté universelle, qualifié de « régime de l’amour» par le doyen Cornu présente cette particularité de réaliser une fusion entre les patrimoines des époux pour ne former qu’une seule masse de biens.
    • Cette fusion des patrimoines se traduit, tant sur le plan de l’actif, que sur le plan du passif.
      • Sur le plan de l’actif
        • La communauté comprend les biens tant meubles qu’immeubles, présents et à venir des époux.
        • Par exception et sauf stipulation contraire, les biens que l’article 1404 déclare propres par leur nature ne tombent point dans cette communauté.
        • Sont donc exclus de la masse commune
          • D’une part, les vêtements et linges à l’usage personnel de l’un des époux, les actions en réparation d’un dommage corporel ou moral, les créances et pensions incessibles, et, plus généralement, tous les biens qui ont un caractère personnel et tous les droits exclusivement attachés à la personne.
          • D’autre part, les instruments de travail nécessaires à la profession de l’un des époux, à moins qu’ils ne soient l’accessoire d’un fonds de commerce ou d’une exploitation faisant partie de la communauté.
        • En dehors de ces biens visés par l’article 1404 du Code civil, tous les biens acquis par les époux avant et pendant le mariage ont vocation à alimenter la masse commune
      • Sur le plan de l’actif
        • L’article 1526 du Code civil prévoit que la communauté universelle supporte définitivement toutes les dettes des époux, présentes et futures.
        • L’universalité de la communauté ne touche ainsi pas seulement son acte, elle intéresse également son passif.

==> S’agissant des régimes séparatistes

Les régimes séparatistes se caractérisent par l’absence de création d’une masse commune de biens qui serait alimentée par les biens présents et futurs acquis par les époux.

Cette séparation des patrimoines demeure néanmoins plus ou moins prononcée, selon que les époux ont opté pour le régime de la séparation de biens pure et simple ou selon qu’ils ont opté pour le régime de la participation aux acquêts.

  • Le régime de la séparation de biens
    • Sur le plan de l’actif
      • Tous les biens acquis par les époux au cours du mariage leur appartiennent en propre.
      • Aucune masse commune de biens n’est créée, de sorte qu’est instaurée une séparation stricte des patrimoines.
      • À cet égard, l’article 1536 du Code civil prévoit que lorsque les époux ont stipulé dans leur contrat de mariage qu’ils seraient séparés de biens, chacun d’eux conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels.
      • Il est donc indifférent que le bien ait acquis avant ou pendant le mariage ou encore qu’il ait été acquis à titre onéreux ou à titre gratuit.
      • Seules exceptions au principe de séparations :
        • Les biens acquis en indivision
        • L’affectation de certains biens à une société d’acquêts
    • Sur le plan du passif
      • L’article 1536 du Code civil dispose que chaque époux reste seul tenu des dettes nées en sa personne avant ou pendant le mariage, hors le cas de l’article 220.
      • La séparation des patrimoines opère ainsi, tant pour l’actif, que pour le passif qui demeure propre à l’époux qui a contracté la dette.
      • Le gage des créanciers se limite ainsi aux seuls biens propres de l’époux qui s’est engagé, sauf à ce que la dette relève de la catégorie des dépenses ménagères.
  • Le régime de la participation aux acquêts
    • Le régime de la participation aux acquêts a été institué par la loi du 13 juillet 1965, le législateur s’étant inspiré de ce qui était pratiqué en Allemagne.
    • La particularité de ce régime est qu’il présente une nature hybride, en ce sens qu’il présente une nature séparatiste ou communautaire selon que l’on se place pendant la durée du mariage ou au jour de sa dissolution.
      • Pendant la durée du mariage
        • En application de l’article 1569 du Code civil, quand les époux ont déclaré se marier sous le régime de la participation aux acquêts, chacun d’eux conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels, sans distinguer entre ceux qui lui appartenaient au jour du mariage ou lui sont advenus depuis par succession ou libéralité et ceux qu’il a acquis pendant le mariage à titre onéreux.
        • Aussi, pendant la durée du mariage, ce régime fonctionne comme si les époux étaient mariés sous le régime de la séparation de biens.
        • Aucune masse commune de biens n’est donc créée : tous les biens acquis par les époux avant ou pendant le mariage, à titre gratuit ou onéreux, leur appartiennent en propre, soit à titre exclusif.
        • Réciproquement, toutes les dettes qu’ils contractent leur demeurent également personnelles.
      • Au jour de la dissolution du mariage
        • L’article 1569 du Code civil prévoit que, à la dissolution du régime, chacun des époux a le droit de participer pour moitié en valeur aux acquêts nets constatés dans le patrimoine de l’autre, et mesurés par la double estimation du patrimoine originaire et du patrimoine final.
        • Autrement dit, au jour de la liquidation du régime de participation aux acquêts, l’époux dont le patrimoine s’est enrichi pendant le mariage doit en valeur à l’autre une créance de participation.
        • Cette créance est déterminée en comparant le patrimoine originaire et le patrimoine final.
        • L’article 1575 du Code civil dispose en ce sens que si le patrimoine final d’un époux est inférieur à son patrimoine originaire, le déficit est supporté entièrement par cet époux.
        • Si, en revanche, il lui est supérieur, l’accroissement représente les acquêts nets et donne lieu à participation.
        • S’il y a des acquêts nets de part et d’autre, ils doivent d’abord être compensés.
        • Seul l’excédent se partage : l’époux dont le gain a été le moindre est créancier de son conjoint pour la moitié de cet excédent.
        • Au moment de la dissolution le régime de la participation aux acquêts est ainsi parcouru par un esprit communautaire.
        • Chacun des époux a le droit de participer pour moitié en valeur aux acquêts nets constatés dans le patrimoine de l’autre.

Le régime primaire impératif ou statut matrimonial de base: vue générale

==> Généralités

Le régime primaire impératif se compose de l’ensemble des règles formant le statut patrimonial de base irréductible du couple marié.

Par irréductible, il faut comprendre qu’il s’agit d’une base normative commune qui constitue le minimum d’association que doit faire naître l’union matrimoniale.

Ainsi que le relèvent des auteurs « on peut estimer qu’au même titre que les dispositions relatives aux effets personnels du mariage, les dispositions du régime primaire impératif constituent l’essence du mariage tant d’un point de vue symbolique et théorique (c’est le plus petit dénominateur commun de tous les mariages), que d’un point de vue pratique – dès lors que, le plus souvent, les effets patrimoniaux du mariage se résumeront à l’application des règles du régime primaire au quotidien bien d’avantage que celles des régimes matrimoniaux »[2].

Ce régime primaire impératif est donc envisagé aux articles 212 à 226 du Code civil dans un Chapitre VI consacré aux devoirs et aux droits respectifs des époux. Ce chapitre relève d’un Titre V, intitulé « Du mariage » qui appartient au Livre 1er du Code civil dont l’objet est l’appréhension « Des personnes ».

==> Notion

La terminologie « régime primaire » est empruntée aux motifs de la loi n°65-570 du 13 juillet 1965 portant réforme des régimes matrimoniaux.

Certains auteurs dénoncent cette terminologie, car empreinte d’ambiguïté en ce sens qu’elle suggérerait que le « régime primaire » serait autonome et donc appliqué uniquement à certains ménages, tandis que les autres seraient soumis à des régimes « secondaires »[3].

Tel n’est pourtant pas la réalité. Le régime primaire s’applique à tous les couples mariés, sans exceptions, les époux devant opter, pour compléter le statut patrimonial qui leur applicable, pour l’un des régimes matrimoniaux prévus par la loi.

Aussi, d’aucuns préfèrent à la terminologie régime primaire, la qualification de « statut patrimonial de base » ou encore plus sobrement de « statut fondamental ».

Ces formules sont, en tout état de cause, équivalentes et désignent le même corpus normatif, soit celui qui comprend l’« ensemble des règles primordiales à incidence pécuniaire, en principe impératives, applicables à tous les époux quel que soit leur régime matrimonial proprement dit (lequel, qu’il soit légal ou conventionnel, vient nécessairement se superposer à ce régime de base) et destinées à sauvegarder les fins du mariage, tout en assurant un pouvoir d’action autonome à chacun des époux, soit que ces règles puissent jouer d’elles-mêmes, soit qu’elles permettent l’intervention du juge »[4].

Pour les développements qui suivent, nous nous en tiendrons à la formule régime primaire, celle-ci demeurant, nonobstant les critiques dont elle fait l’objet, la plus communément employée.

==> Champ d’application

Par hypothèse, l’application du régime primaire est subordonnée à la satisfaction d’une condition : le mariage.

Bien que l’on puisse relever quelques décisions audacieuses, dans lesquelles les juges ont cherché à faire application, dans le cadre d’une relation de concubinage qu’ils avaient à connaître, de certaines dispositions du régime matrimonial primaire, la jurisprudence de la Cour de cassation a toujours été constante sur ce point : les concubins ne sauraient bénéficier des effets du mariage et plus particulièrement de l’application du régime primaire.

Régulièrement, la Cour de cassation refuse de faire application de l’article 214 du Code civil qui régit la contribution aux charges du mariage pour régler la répartition des frais de fonctionnement de couples de concubins.

Dans un arrêt du 19 mars 1991, elle a, par exemple, jugé « qu’aucune disposition légale ne réglant la contribution des concubins aux charges de la vie commune, chacun d’eux doit, en l’absence de volonté expresse à cet égard, supporter les dépenses de la vie courante qu’il a exposées » (Cass. 1ère civ. 19 mars 1991, n°88-19400).

Dans le droit fil de cette jurisprudence, la Cour de cassation a encore estimé que l’article 220 du Code civil « qui institue une solidarité de plein droit des époux en matière de dettes contractées pour l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants, n’est pas applicable en matière de concubinage » (Cass. 1ère civ. 2 mai 2001, n°98-22836).

Le refus de faire bénéficier les concubins du régime primaire vient de ce que la famille a toujours été appréhendée par le législateur comme ne pouvant se réaliser que dans un seul cadre : le mariage.

Celui-ci est envisagé par le droit comme ce qui « confère à la famille sa légitimité »[5] et plus encore, comme son « acte fondateur »[6].

Aussi, en se détournant du mariage, les concubins sont-ils traités par le droit comme formant un couple ne remplissant pas les conditions lui permettant de quitter la situation de fait dans laquelle il se trouve pour s’élever au rang de situation juridique. D’où la célèbre formule prêtée à Napoléon qui aurait dit que « puisque les concubins se désintéressent du droit, le droit se désintéressera d’eux ».

Il y a bien un texte les concernant s’ils viennent à rompre ; mais, celui-ci est tourné vers le mariage, puisque réglant la question de la restitution de la bague de fiançailles[7].

En outre, la loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civile de solidarité (pacs) a, certes, inséré à l’article 515-8 du Code civil une définition du concubinage[8]. Toutefois, cette définition n’est que symbolique : elle n’est assortie d’aucun droit, ni d’aucune obligation qui échoirait aux concubins[9].

Manifestement, où que l’on tourne son regard, il apparaît qu’aucun texte ne règle les rapports patrimoniaux entre concubins. Quant à la jurisprudence elle s’est toujours refusé à transposer au concubinage le régime primaire impératif qui demeure l’apanage des couples mariés.

Tout au plus, certaines règles de ce régime primaire s’appliquent aux partenaires, non pas par le jeu d’une transposition jurisprudentielle, mais par le biais d’une déclinaison à laquelle s’est livré le législateur lors de l’adoption des lois sur le Pacte civil de solidarité (pacs).

En effet, la rédaction d’un certain nombre de dispositions légales spécifiques au pacs est directement inspirée du régime primaire impératif à telle enseigne que d’aucuns parlent d’un « quasi-mariage »[10].

Tel est le cas notamment de l’article 515-4 du Code civil qui transpose, sensiblement dans les mêmes termes, les articles 214 et 220 qui relèvent du régime primaire, au pacs.

==> Caractères

La singularité du régime primaire tient à ses caractères qui font donc de lui le « statut fondamental des gens mariés »[11], soit un statut qui non seulement s’applique à tous les couples mariés, mais encore qui ne profite qu’à eux seuls, à l’exclusion donc des concubins et des partenaires.

Traditionnellement le régime primaire est présenté comme revêtant trois caractères qui le distinguent des régimes matrimoniaux qui se superposent à lui :

  • Des règles d’origine légale
    • Les règles qui composent le régime primaire sont toutes d’origine légale
    • Parce qu’il s’agit d’un régime qui s’applique à tous les couples mariés, les époux ne disposent pas de la faculté de l’aménager conventionnellement, tel qu’ils peuvent le faire s’agissant du régime matrimonial pour lequel ils ont opté.
  • Des règles d’ordre public
    • Le régime primaire présente cette particularité d’être exclusivement composé de règles d’ordre public, soit de dispositions auxquelles les époux ne peuvent pas déroger.
    • L’article 226 du Code civil prévoit en ce sens que « les dispositions du présent chapitre, en tous les points où elles ne réservent pas l’application des conventions matrimoniales, sont applicables, par le seul effet du mariage, quel que soit le régime matrimonial des époux. »
    • Ainsi, le régime primaire impératif prime sur les règles du régime matrimonial choisi par les époux.
    • Il s’agit là, en quelque sorte, d’un renversement du principe aux termes duquel les lois spéciales sont censées déroger aux lois générales (specialia generalibus derogant).
    • Cette inversion du principe se justifie par la nature même du mariage qui implique « un minimum d’association et d’interdépendance entre les époux»[12].
    • Autre conséquence de la primauté du régime primaire sur les régimes matrimoniaux, le principe de liberté des conventions matrimoniales est, par hypothèse, relatif.
    • Cette relativité du principe tient à l’impossibilité pour les époux d’aménager conventionnellement le régime matrimonial pour lequel ils ont opté en stipulant des clauses qui seraient contraires aux règles impératives du régime primaire.
    • Toute stipulation qui, par exemple, prévoirait que l’accomplissement d’un acte de disposition portant sur le logement de famille ne serait pas subordonné à l’accord des deux époux, serait réputée non écrite.
  • Des règles générales
    • Les règles qui composent le régime primaire présentent un caractère général, en ce qu’elles ont vocation à s’appliquer à tous les couples mariés, quel que soit le régime matrimonial auquel ils sont soumis.
    • Il est indifférent que les époux aient opté pour le régime de la séparation de biens, de la communauté légale ou encore de la communauté réduite aux acquêts : dans tous les cas ils sont soumis aux règles du régime primaire.
    • Bien que générale, la portée du régime primaire ne doit toutefois pas être surestimée, celui-ci ne posant que les principes élémentaires du fonctionnement du ménage.
    • Dans son quotidien, le fonctionnement du couple marié engendre, en effet, la création d’obligations entre les époux mais également envers les tiers.
    • C’est essentiellement sur l’appréhension de ces obligations que se focalise le régime primaire impératif.

==> Genèse

L’étude des différentes réformes qui ont façonné le droit des régimes matrimoniaux tel qu’il est devenu aujourd’hui révèle que, lors de l’adoption du Code civil, ses rédacteurs n’avaient pas véritablement instauré de régime primaire.

Tout au plus, avait été instituée l’obligation de contribution aux charges du mariage. En dehors de cette obligation, le statut de base qui s’appliquait à l’ensemble des couples mariés se focalisait surtout sur les effets personnels du mariage.

À l’examen, c’est avec la reconnaissance progressive de l’égalité entre la femme mariée et son époux que le régime primaire impératif qui régi les conséquences pécuniaires de l’union matrimoniale a émergé.

À cet égard, plusieurs lois ont participé à cette émergence d’un statut patrimonial de base commun à tous les couples mariés :

  • La loi du 13 juillet 1907 a reconnu à la femme mariée le droit de percevoir ses salaires et ses gains professionnels et de les administrer avec cette possibilité de les affecter à l’acquisition de biens dits réservés.
  • La loi du 18 février 1938 a aboli l’incapacité civile de la femme mariée, celle-ci étant dorénavant investie de la capacité d’exercer tous les pouvoirs que lui conférerait le régime matrimonial auquel elle était assujettie
  • La loi du 22 septembre 1942 a notamment institué le mécanisme de la représentation conjugale, permettant ainsi à la femme mariée d’engager les biens du ménage auprès des tiers, ce qui revenait donc à reconnaître le mandat entre époux
  • La loi du 13 juillet 1965 est, de toute évidence, celle qui a engagé de façon significative la recherche d’une véritable égalité entre la femme mariée et son époux, ce en instaurant un régime primaire égalitaire applicable à l’ensemble des couples mariés.
  • La loi du 23 décembre 1985 est venue parachever la réforme engagée par le législateur en 1965 qui avait cherché à instaurer une égalité dans les rapports conjugaux. Plusieurs corrections ont notamment été apportées au régime primaire aux fins de gommer les dernières marques d’inégalité qui existaient encore entre la femme mariée et son époux

==> Principes directeurs

Les principes directeurs qui gouvernent le régime primaire impératif s’articulent autour de deux axes constitués de règles qui visent, d’une part, à assurer une interdépendance entre les époux tout en leur octroyant une certaine autonomie et, d’autre part, à traiter les situations de crise que le couple marié est susceptible de traverser.

  • L’interdépendance et l’autonomie des époux
    • L’élaboration du régime primaire impératif a donc été guidée par la volonté du législateur d’instituer une véritable égalité entre la femme mariée et son mari.
    • Cette recherche d’égalité conjugale s’est traduite par l’instauration d’un savant équilibre entre, d’un côté l’édiction de règles visant à assurer une interdépendance entre les époux et, d’un autre côté, la reconnaissance de droits leur conférant une certaine autonomie.
      • S’agissant des règles qui assurent l’interdépendance des époux
        • L’édiction de règles qui visent à assurer une certaine interdépendance entre les époux procède de la finalité du mariage qui opère, outre l’union des personnes, une union des biens.
        • Cette union des personnes et des biens implique que les époux collaborent entre eux faute de quoi leur engagement formulé lors de la célébration du mariage de faire vie commune ne demeurerait qu’un vœu pieux.
        • La communauté de vie, telle qu’envisagée par le Code civil requiert un minimum d’association entre les époux qui, quel que soit le régime matrimonial auquel ils sont soumis, se sont obligés à mettre un commun des ressources matérielles aux fins de subvenir aux besoins du ménage.
        • Aussi, a-t-il été décidé par le législateur que ce minimum d’association patrimoniale devait reposer sur deux piliers que sont :
          • D’une part, la contribution des époux aux charges du mariage, l’objectif recherché étant d’assurer le fonctionnement du ménage en créant une communauté patrimoniale irréductible
          • D’autre part, la protection du logement familial qui, parce qu’il est envisagé comme le sanctuaire de la famille, ne peut être aliéné, ni donné en garantie sans l’accord des deux époux.
      • S’agissant des règles qui assurent l’autonomie des époux
        • L’adoption de règles visant à conférer aux époux une certaine autonomie procède essentiellement de la volonté du législateur d’instaurer une véritable égalité entre la femme mariée et son époux.
        • Pour atteindre cet objectif d’égalité dans les rapports conjugaux, il était, en effet, nécessaire que la femme puisse s’émanciper de la tutelle de son mari, ce qui donc impliquait qu’elle dispose d’une sphère de liberté lui permettant d’agir seule.
        • La reconnaissance de l’autonomie des époux a été engagée par la loi du 13 juillet 1907, puis s’est poursuivie, par strates législatives successives, tout au long du XXe siècle, avec en point d’orgue les lois des 13 juillet 1965 et 23 décembre 1985 lesquelles ont définitivement aboli l’inégalité qui perdurait entre la femme et son mari.
        • Désormais, l’autonomie dont jouissent les époux se retrouve à tous les niveaux de la vie quotidienne du ménage.
        • Cette autonomie est professionnelle, bancaire, ménagère et, pour certains actes, mobilière et patrimoniale.
        • Outre l’abolition de l’asservissement de la femme mariée à son mari, l’instauration d’une indépendance des époux pour l’accomplissement d’un certain nombre d’actes a permis de faciliter le fonctionnement du ménage.
        • Il est, en effet, bien plus commode pour les époux de pouvoir agir seuls pour l’accomplissement des actes du quotidien, que de devoir systématiquement recueillir le consentement de l’autre.
  • Les situations de crise
    • Au-delà de la recherche d’un équilibre entre l’instauration d’une interdépendance entre les époux et la reconnaissance de droits leur conférant une certaine autonomie, le législateur a souhaité compléter le régime primaire par l’édiction de règles visant à appréhender les situations de crise auxquelles est susceptible d’être confronté le couple marié.
    • Il est, en effet, des situations où, soit parce qu’un époux se trouve dans l’incapacité de manifester sa volonté, soit parce qu’il est susceptible d’accomplir un acte mettant en péril l’intérêt de la famille, il est nécessaire que des mesures – judiciaires – soient prises.
    • Pratiquement, ces mesures peuvent consister à accroître ou restreindre les pouvoirs des époux.
    • Cet aménagement des pouvoirs dont sont investis les époux est susceptible d’intervenir dans trois cadres bien distincts que sont :
      • L’autorisation judiciaire
      • La représentation judiciaire
      • La sauvegarde judiciaire
    • Dans les trois cas, les mesures qui devront être adoptées pour régler la situation de crise traversée par le couple marié supposeront l’intervention du juge.

[1] F. Terré et Ph. Simler, Droit civil – Les régimes matrimoniaux, éd. Dalloz, 2011, coll. « précis », n°46, p.41.

[2] M. Lamarche et J.-J. Lemouland, Mariages : effets, Rép. Dalloz, n°101 et s.

[3] V. en ce sens J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, éd. Armand colin, 2001, n°53, p. 44.

[4] Association H. Capitant, Vocabulaire juridique, ss dir. G. Cornu : PUF, 8e éd. 2000, V° Primaire [régime ou régime matrimonial primaire], p. 670

[5] F. Terré, op. préc., n°325, p. 299.

[6] Ph. Malaurie et H. Fulchiron, op. préc., n°106, p. 53.

[7] En vertu de l’article 1088 du Code civil « toute donation faite en faveur du mariage sera caduque si le mariage ne s’ensuit pas ».

[8] L’article 515-8 du Code civil dispose que « le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ».

[9] Si, le législateur a inséré une définition du concubinage dans le Code civil c’est surtout pour mettre fin à la position de la Cour de cassation qui, de façon constante, refusait de qualifier l’union de deux personnes de même sexe de concubinage (Cass. soc., 11 juill. 1989, deux arrêts : Gaz. Pal. 1990, 1, p. 217, concl. Dorwling-Carter ; JCP G 1990, II, 21553, note Meunier ; Cass. Civ. 3e, 17 décembre 1997 : D. 1998, jurispr. p. 111, concl. J.-F. Weber et note J.-L. Aubert ; JCP G 1998, II, 10093, note A. Djigo).

[10] P. Simler et P. Hilt, « Le nouveau visage du Pacs : un quasi -mariage », JCP G, 2006, 1, p. 161.

[11] F. Terré et Ph. Simler, Droit civil – Les régimes matrimoniaux, éd. Dalloz, 2011, coll. « précis », n°46, p.41.

[12] J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, éd. Armand colin, 2001, n°58, p. 48.

Régime primaire impératif et régimes matrimoniaux: économie générale

Bien que le mariage ne soit plus le seul système d’organisation de la vie conjugale, il demeure le modèle prépondérant à travers lequel le droit appréhende la famille.

Cette place centrale que le mariage occupe, encore aujourd’hui, dans l’ordonnancement juridique s’exprime par les effets qu’il emporte et qui confèrent au couple marié un statut privilégié.

À cet égard, il convient d’avoir toujours à l’esprit que le mariage ne consiste pas seulement en une union des personnes. Il consiste également en une union des biens.

==> Union des personnes et union des biens

Les effets du mariage sont de deux ordres. Ils intéressent les rapports personnels entre les époux (l’union des personnes) ainsi que les rapports pécuniaires qu’ils entretiennent entre eux (l’union des biens)

  • S’agissant de rapports personnels entre les époux (union des personnes)
    • L’acte juridique que constitue le mariage produit deux effets principaux à l’égard des époux :
      • Premier effet : la création de devoirs mutuels
        • Le mariage fait naître des devoirs mutuels qui pèsent sur les époux. Ces devoirs sont énoncés aux articles 212, 213 et 215 du Code civil.
        • Au nombre de ces devoirs figurent :
          • Le devoir de respect ( 212 C. civ.)
          • Le devoir de fidélité ( 212 C. civ.)
          • Le devoir d’assistance ( 212 C. civ.)
          • Le devoir de communauté de vie ( 215 C. civ.)
      • Second effet : la création de fonctions conjointes
        • Le mariage ne crée pas seulement des devoirs à l’égard des époux, il leur confère également des fonctions qu’ils exercent conjointement.
        • Ces fonctions conjointes sont énoncées aux articles 213 et 215 du Code civil :
          • La direction de la famille ( 213 C. civ.)
          • Le choix du logement familial ( 215, al. 2e C. civ.)
  • S’agissant des rapports pécuniaires entre les époux
    • Le mariage produit des effets qui tiennent, d’une part, à l’interdépendance des époux, d’autre part, à leur indépendance et enfin, aux situations de crise qu’ils sont susceptibles de traverser.
      • Les effets relatifs à l’interdépendance des époux
        • Parce que les époux sont assujettis à une communauté de vie, cette obligation implique qu’ils coopèrent pour l’accomplissement d’un certain nombre d’actes qui intéressent le fonctionnement matériel du ménage.
          • La contribution aux charges du mariage ( 214 C. civ.)
          • La protection du logement familial ( 215, al. 3e C. civ.)
          • Le devoir de secours ( 212 C. civ.)
      • Les effets relatifs à l’indépendance des époux
        • Afin de mettre un terme à l’assujettissement de la femme mariée à son mari, le législateur a conféré aux époux un certain nombre de pouvoirs qu’ils peuvent exercer en toute autonomie.
        • Au-delà de l’égalité recherchée par le législateur entre l’homme et la femme, ces sphères d’autonomie dont jouissent les époux permet au ménage de fonctionner plus efficacement, car offrant la possibilité à un époux d’agir seul, sans qu’il lui soit besoin de recueillir le consentement de son conjoint.
        • Cette indépendance des époux dans le fonctionnement du couple marié s’est traduite par l’instauration de :
          • L’autonomie ménagère ( 220 C. civ.)
          • L’autonomie mobilière ( 222 C. civ.)
          • L’autonomie professionnelle ( 223 C. civ.)
          • L’autonomie bancaire ( 221 C. civ.)
          • L’autonomie patrimoniale ( 225 C. civ.)
      • Les effets relatifs aux situations de crise
        • Le couple est susceptible de rencontrer des difficultés qui peuvent aller du simple désaccord à l’impossibilité pour un époux d’exprimer sa volonté.
        • Afin de permettre au couple de surmonter ces difficultés, le législateur a mis en place plusieurs dispositifs de règles énoncés aux articles 217, 219 et 220-1 du Code civil.
        • Parmi ces dispositifs qui visent à régler les situations de crise traversées par le couple on compte :
          • L’autorisation judiciaire ( 217 C. civ.)
          • La représentation judiciaire ( 219 C. civ.)
          • La sauvegarde judiciaire ( 220-1 C. civ.)

Toutes ces règles qui régissent les effets du mariage forment ce que l’on appelle le statut légal des époux.

==> Droit de la famille et droit des régimes matrimoniaux

Le statut légal auquel le couple marié est soumis se divise en deux branches qui font l’objet d’études séparées :

  • Première branche : le droit de la famille
    • Les règles du statut légal des époux qui intéressent leurs rapports personnels sont comprises dans l’étude du droit de la famille
    • Aussi, les effets personnels du mariage que sont notamment l’obligation de communauté de vie, le devoir de fidélité, le devoir d’assistance ou encore le devoir de respect sont appréhendés avec les conditions de formation du mariage, le divorce, la filiation ou encore le pacs.
  • Seconde branche : le droit des régimes matrimoniaux
    • Les règles qui intéressent les rapports pécuniaires entre époux relèvent de l’étude du droit des régimes matrimoniaux.
    • Cette branche du droit, qualifiée également de droit patrimonial de la famille, traite spécifiquement des effets sur le patrimoine de chacun d’eux qui résultent du mariage, non seulement dans leurs rapports réciproques, mais aussi dans leurs rapports avec les tiers et plus particulièrement avec leurs créanciers.

Nous ne nous focaliserons ici que sur le droit des régimes matrimoniaux et plus précisément sur l’articulation entre le régime primaire impératif qui s’applique à tous les couples mariés et les régimes matrimoniaux qui diffèrent d’un couple à l’autre.

I) Régime primaire impératif et régimes matrimoniaux

Au cours de leur mariage les époux sont donc soumis au droit des régimes matrimoniaux s’agissant des rapports pécuniaires qu’ils entretiennent entre eux.

Ce droit des régimes matrimoniaux fait l’objet d’un traitement dans deux parties bien distinctes du Code civil, puisque envisagé, d’abord dans un chapitre consacré aux devoirs et aux droits respectifs des époux (art. 212 à 226 C. civ.), puis dans un titre dédié spécifiquement au contrat de mariage et aux régimes matrimoniaux (art. 1384 à 1581 C. civ.).

Cet éclatement du droit des régimes matrimoniaux à deux endroits du Code civil, révèle que les époux sont soumis à deux corps de règles bien distinctes :

  • Premier corps de règles : le régime primaire impératif
    • Les époux sont d’abord soumis à ce que l’on appelle un régime primaire impératif, également qualifié de statut matrimonial de base ou statut fondamental, qui se compose de règles d’ordre public applicables à tous les couples mariés.
    • Il s’agit, en quelque sorte, d’un socle normatif de base qui réunit les principes fondamentaux régissant la situation patrimoniale du couple marié.
    • À l’examen, ce sont, pour l’essentiel, des règles qui constituent l’essence même du mariage et qui intéressent le fonctionnement du ménage dans son quotidien : contributions aux charges du mariage, dettes ménagères, logement familial, présomptions de pouvoirs etc.
    • Le régime primaire impératif est envisagé aux articles 212 à 226 du Code civil.
  • Second corps de règles : le régime matrimonial
    • Au régime primaire impératif qui constitue « le statut fondamental des gens mariés»[1], se superpose un régime matrimonial dont la fonction est :
      • D’une part, de déterminer la composition des patrimoines des époux
      • D’autre part, de préciser les pouvoirs dont les époux sont titulaires sur chaque masse de biens
    • Le régime matrimonial se distingue du régime primaire impératif en ce que son contenu est susceptible de différer d’un couple à l’autre.
    • En effet, le régime matrimonial applicable au couple marié dépend du choix qu’ils auront fait, tantôt au moment de la conclusion du mariage, tantôt au cours de leur union.
    • Pratiquement, le choix qui s’offre aux époux consiste à opter soit pour le régime légal, soit pour un régime conventionnel
      • Le choix du régime légal
        • L’application du régime légal, qualifié de communauté réduite aux acquêts, procède, à la vérité, moins d’un choix que d’une absence de choix.
        • En effet, il s’agit d’un régime supplétif qui a vocation à s’appliquer au couple marié lorsqu’il n’a pas opté pour un régime conventionnel.
        • À cet égard, ce régime se classe parmi les régimes communautaires dans la mesure où il crée une masse commune de biens, lesquels ont vocation à être partagés au jour de la dissolution du mariage.
      • Le choix d’un régime conventionnel
        • Les époux peuvent décider d’opter pour un régime matrimonial relevant de la catégorie des régimes conventionnels au nombre desquels figurent :
          • Le régime de la communauté de meubles et d’acquêts ( 1498 à 1501 C. civ.)
          • Le régime de la communauté universelle ( 1526 C. civ.)
          • Le régime de la séparation de biens ( 1536 à 1543 C. civ.)
          • Le régime de la participation aux acquêts ( 1569 à 1581 C. civ.)
        • À l’examen, la « conventionnalité » de ces régimes demeure somme toute relative dans la mesure où ils sont proposés par le législateur.
        • Les époux peuvent néanmoins, en application du principe de « liberté des conventions matrimoniales», les aménager à leur guise afin d’établir un contrat de mariage « sur-mesure ».
        • La liberté dont les époux jouissent n’est toutefois pas sans limite, l’article 1387 du Code civil prescrivant l’exigence de ne pas contrevenir aux bonnes mœurs et à certaines dispositions d’ordre public propres à chaque régime conventionnel.

II) Régime primaire impératif ou le statut matrimonial de base

==> Généralités

Le régime primaire impératif se compose de l’ensemble des règles formant le statut patrimonial de base irréductible du couple marié.

Par irréductible, il faut comprendre qu’il s’agit d’une base normative commune qui constitue le minimum d’association que doit faire naître l’union matrimoniale.

Ainsi que le relèvent des auteurs « on peut estimer qu’au même titre que les dispositions relatives aux effets personnels du mariage, les dispositions du régime primaire impératif constituent l’essence du mariage tant d’un point de vue symbolique et théorique (c’est le plus petit dénominateur commun de tous les mariages), que d’un point de vue pratique – dès lors que, le plus souvent, les effets patrimoniaux du mariage se résumeront à l’application des règles du régime primaire au quotidien bien d’avantage que celles des régimes matrimoniaux »[2].

Ce régime primaire impératif est donc envisagé aux articles 212 à 226 du Code civil dans un Chapitre VI consacré aux devoirs et aux droits respectifs des époux. Ce chapitre relève d’un Titre V, intitulé « Du mariage » qui appartient au Livre 1er du Code civil dont l’objet est l’appréhension « Des personnes ».

==> Notion

La terminologie « régime primaire » est empruntée aux motifs de la loi n°65-570 du 13 juillet 1965 portant réforme des régimes matrimoniaux.

Certains auteurs dénoncent cette terminologie, car empreinte d’ambiguïté en ce sens qu’elle suggérerait que le « régime primaire » serait autonome et donc appliqué uniquement à certains ménages, tandis que les autres seraient soumis à des régimes « secondaires »[3].

Tel n’est pourtant pas la réalité. Le régime primaire s’applique à tous les couples mariés, sans exceptions, les époux devant opter, pour compléter le statut patrimonial qui leur applicable, pour l’un des régimes matrimoniaux prévus par la loi.

Aussi, d’aucuns préfèrent à la terminologie régime primaire, la qualification de « statut patrimonial de base » ou encore plus sobrement de « statut fondamental ».

Ces formules sont, en tout état de cause, équivalentes et désignent le même corpus normatif, soit celui qui comprend l’« ensemble des règles primordiales à incidence pécuniaire, en principe impératives, applicables à tous les époux quel que soit leur régime matrimonial proprement dit (lequel, qu’il soit légal ou conventionnel, vient nécessairement se superposer à ce régime de base) et destinées à sauvegarder les fins du mariage, tout en assurant un pouvoir d’action autonome à chacun des époux, soit que ces règles puissent jouer d’elles-mêmes, soit qu’elles permettent l’intervention du juge »[4].

Pour les développements qui suivent, nous nous en tiendrons à la formule régime primaire, celle-ci demeurant, nonobstant les critiques dont elle fait l’objet, la plus communément employée.

==> Champ d’application

Par hypothèse, l’application du régime primaire est subordonnée à la satisfaction d’une condition : le mariage.

Bien que l’on puisse relever quelques décisions audacieuses, dans lesquelles les juges ont cherché à faire application, dans le cadre d’une relation de concubinage qu’ils avaient à connaître, de certaines dispositions du régime matrimonial primaire, la jurisprudence de la Cour de cassation a toujours été constante sur ce point : les concubins ne sauraient bénéficier des effets du mariage et plus particulièrement de l’application du régime primaire.

Régulièrement, la Cour de cassation refuse de faire application de l’article 214 du Code civil qui régit la contribution aux charges du mariage pour régler la répartition des frais de fonctionnement de couples de concubins.

Dans un arrêt du 19 mars 1991, elle a, par exemple, jugé « qu’aucune disposition légale ne réglant la contribution des concubins aux charges de la vie commune, chacun d’eux doit, en l’absence de volonté expresse à cet égard, supporter les dépenses de la vie courante qu’il a exposées » (Cass. 1ère civ. 19 mars 1991, n°88-19400).

Dans le droit fil de cette jurisprudence, la Cour de cassation a encore estimé que l’article 220 du Code civil « qui institue une solidarité de plein droit des époux en matière de dettes contractées pour l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants, n’est pas applicable en matière de concubinage » (Cass. 1ère civ. 2 mai 2001, n°98-22836).

Le refus de faire bénéficier les concubins du régime primaire vient de ce que la famille a toujours été appréhendée par le législateur comme ne pouvant se réaliser que dans un seul cadre : le mariage.

Celui-ci est envisagé par le droit comme ce qui « confère à la famille sa légitimité »[5] et plus encore, comme son « acte fondateur »[6].

Aussi, en se détournant du mariage, les concubins sont-ils traités par le droit comme formant un couple ne remplissant pas les conditions lui permettant de quitter la situation de fait dans laquelle il se trouve pour s’élever au rang de situation juridique. D’où la célèbre formule prêtée à Napoléon qui aurait dit que « puisque les concubins se désintéressent du droit, le droit se désintéressera d’eux ».

Il y a bien un texte les concernant s’ils viennent à rompre ; mais, celui-ci est tourné vers le mariage, puisque réglant la question de la restitution de la bague de fiançailles[7].

En outre, la loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civile de solidarité (pacs) a, certes, inséré à l’article 515-8 du Code civil une définition du concubinage[8]. Toutefois, cette définition n’est que symbolique : elle n’est assortie d’aucun droit, ni d’aucune obligation qui échoirait aux concubins[9].

Manifestement, où que l’on tourne son regard, il apparaît qu’aucun texte ne règle les rapports patrimoniaux entre concubins. Quant à la jurisprudence elle s’est toujours refusé à transposer au concubinage le régime primaire impératif qui demeure l’apanage des couples mariés.

Tout au plus, certaines règles de ce régime primaire s’appliquent aux partenaires, non pas par le jeu d’une transposition jurisprudentielle, mais par le biais d’une déclinaison à laquelle s’est livré le législateur lors de l’adoption des lois sur le Pacte civil de solidarité (pacs).

En effet, la rédaction d’un certain nombre de dispositions légales spécifiques au pacs est directement inspirée du régime primaire impératif à telle enseigne que d’aucuns parlent d’un « quasi-mariage »[10].

Tel est le cas notamment de l’article 515-4 du Code civil qui transpose, sensiblement dans les mêmes termes, les articles 214 et 220 qui relèvent du régime primaire, au pacs.

==> Caractères

La singularité du régime primaire tient à ses caractères qui font donc de lui le « statut fondamental des gens mariés »[11], soit un statut qui non seulement s’applique à tous les couples mariés, mais encore qui ne profite qu’à eux seuls, à l’exclusion donc des concubins et des partenaires.

Traditionnellement le régime primaire est présenté comme revêtant trois caractères qui le distinguent des régimes matrimoniaux qui se superposent à lui :

  • Des règles d’origine légale
    • Les règles qui composent le régime primaire sont toutes d’origine légale
    • Parce qu’il s’agit d’un régime qui s’applique à tous les couples mariés, les époux ne disposent pas de la faculté de l’aménager conventionnellement, tel qu’ils peuvent le faire s’agissant du régime matrimonial pour lequel ils ont opté.
  • Des règles d’ordre public
    • Le régime primaire présente cette particularité d’être exclusivement composé de règles d’ordre public, soit de dispositions auxquelles les époux ne peuvent pas déroger.
    • L’article 226 du Code civil prévoit en ce sens que « les dispositions du présent chapitre, en tous les points où elles ne réservent pas l’application des conventions matrimoniales, sont applicables, par le seul effet du mariage, quel que soit le régime matrimonial des époux. »
    • Ainsi, le régime primaire impératif prime sur les règles du régime matrimonial choisi par les époux.
    • Il s’agit là, en quelque sorte, d’un renversement du principe aux termes duquel les lois spéciales sont censées déroger aux lois générales (specialia generalibus derogant).
    • Cette inversion du principe se justifie par la nature même du mariage qui implique « un minimum d’association et d’interdépendance entre les époux»[12].
    • Autre conséquence de la primauté du régime primaire sur les régimes matrimoniaux, le principe de liberté des conventions matrimoniales est, par hypothèse, relatif.
    • Cette relativité du principe tient à l’impossibilité pour les époux d’aménager conventionnellement le régime matrimonial pour lequel ils ont opté en stipulant des clauses qui seraient contraires aux règles impératives du régime primaire.
    • Toute stipulation qui, par exemple, prévoirait que l’accomplissement d’un acte de disposition portant sur le logement de famille ne serait pas subordonné à l’accord des deux époux, serait réputée non écrite.
  • Des règles générales
    • Les règles qui composent le régime primaire présentent un caractère général, en ce qu’elles ont vocation à s’appliquer à tous les couples mariés, quel que soit le régime matrimonial auquel ils sont soumis.
    • Il est indifférent que les époux aient opté pour le régime de la séparation de biens, de la communauté légale ou encore de la communauté réduite aux acquêts : dans tous les cas ils sont soumis aux règles du régime primaire.
    • Bien que générale, la portée du régime primaire ne doit toutefois pas être surestimée, celui-ci ne posant que les principes élémentaires du fonctionnement du ménage.
    • Dans son quotidien, le fonctionnement du couple marié engendre, en effet, la création d’obligations entre les époux mais également envers les tiers.
    • C’est essentiellement sur l’appréhension de ces obligations que se focalise le régime primaire impératif.

==> Genèse

L’étude des différentes réformes qui ont façonné le droit des régimes matrimoniaux tel qu’il est devenu aujourd’hui révèle que, lors de l’adoption du Code civil, ses rédacteurs n’avaient pas véritablement instauré de régime primaire.

Tout au plus, avait été instituée l’obligation de contribution aux charges du mariage. En dehors de cette obligation, le statut de base qui s’appliquait à l’ensemble des couples mariés se focalisait surtout sur les effets personnels du mariage.

À l’examen, c’est avec la reconnaissance progressive de l’égalité entre la femme mariée et son époux que le régime primaire impératif qui régi les conséquences pécuniaires de l’union matrimoniale a émergé.

À cet égard, plusieurs lois ont participé à cette émergence d’un statut patrimonial de base commun à tous les couples mariés :

  • La loi du 13 juillet 1907 a reconnu à la femme mariée le droit de percevoir ses salaires et ses gains professionnels et de les administrer avec cette possibilité de les affecter à l’acquisition de biens dits réservés.
  • La loi du 18 février 1938 a aboli l’incapacité civile de la femme mariée, celle-ci étant dorénavant investie de la capacité d’exercer tous les pouvoirs que lui conférerait le régime matrimonial auquel elle était assujettie
  • La loi du 22 septembre 1942 a notamment institué le mécanisme de la représentation conjugale, permettant ainsi à la femme mariée d’engager les biens du ménage auprès des tiers, ce qui revenait donc à reconnaître le mandat entre époux
  • La loi du 13 juillet 1965 est, de toute évidence, celle qui a engagé de façon significative la recherche d’une véritable égalité entre la femme mariée et son époux, ce en instaurant un régime primaire égalitaire applicable à l’ensemble des couples mariés.
  • La loi du 23 décembre 1985 est venue parachever la réforme engagée par le législateur en 1965 qui avait cherché à instaurer une égalité dans les rapports conjugaux. Plusieurs corrections ont notamment été apportées au régime primaire aux fins de gommer les dernières marques d’inégalité qui existaient encore entre la femme mariée et son époux

==> Principes directeurs

Les principes directeurs qui gouvernent le régime primaire impératif s’articulent autour de deux axes constitués de règles qui visent, d’une part, à assurer une interdépendance entre les époux tout en leur octroyant une certaine autonomie et, d’autre part, à traiter les situations de crise que le couple marié est susceptible de traverser.

  • L’interdépendance et l’autonomie des époux
    • L’élaboration du régime primaire impératif a donc été guidée par la volonté du législateur d’instituer une véritable égalité entre la femme mariée et son mari.
    • Cette recherche d’égalité conjugale s’est traduite par l’instauration d’un savant équilibre entre, d’un côté l’édiction de règles visant à assurer une interdépendance entre les époux et, d’un autre côté, la reconnaissance de droits leur conférant une certaine autonomie.
      • S’agissant des règles qui assurent l’interdépendance des époux
        • L’édiction de règles qui visent à assurer une certaine interdépendance entre les époux procède de la finalité du mariage qui opère, outre l’union des personnes, une union des biens.
        • Cette union des personnes et des biens implique que les époux collaborent entre eux faute de quoi leur engagement formulé lors de la célébration du mariage de faire vie commune ne demeurerait qu’un vœu pieux.
        • La communauté de vie, telle qu’envisagée par le Code civil requiert un minimum d’association entre les époux qui, quel que soit le régime matrimonial auquel ils sont soumis, se sont obligés à mettre un commun des ressources matérielles aux fins de subvenir aux besoins du ménage.
        • Aussi, a-t-il été décidé par le législateur que ce minimum d’association patrimoniale devait reposer sur deux piliers que sont :
          • D’une part, la contribution des époux aux charges du mariage, l’objectif recherché étant d’assurer le fonctionnement du ménage en créant une communauté patrimoniale irréductible
          • D’autre part, la protection du logement familial qui, parce qu’il est envisagé comme le sanctuaire de la famille, ne peut être aliéné, ni donné en garantie sans l’accord des deux époux.
      • S’agissant des règles qui assurent l’autonomie des époux
        • L’adoption de règles visant à conférer aux époux une certaine autonomie procède essentiellement de la volonté du législateur d’instaurer une véritable égalité entre la femme mariée et son époux.
        • Pour atteindre cet objectif d’égalité dans les rapports conjugaux, il était, en effet, nécessaire que la femme puisse s’émanciper de la tutelle de son mari, ce qui donc impliquait qu’elle dispose d’une sphère de liberté lui permettant d’agir seule.
        • La reconnaissance de l’autonomie des époux a été engagée par la loi du 13 juillet 1907, puis s’est poursuivie, par strates législatives successives, tout au long du XXe siècle, avec en point d’orgue les lois des 13 juillet 1965 et 23 décembre 1985 lesquelles ont définitivement aboli l’inégalité qui perdurait entre la femme et son mari.
        • Désormais, l’autonomie dont jouissent les époux se retrouve à tous les niveaux de la vie quotidienne du ménage.
        • Cette autonomie est professionnelle, bancaire, ménagère et, pour certains actes, mobilière et patrimoniale.
        • Outre l’abolition de l’asservissement de la femme mariée à son mari, l’instauration d’une indépendance des époux pour l’accomplissement d’un certain nombre d’actes a permis de faciliter le fonctionnement du ménage.
        • Il est, en effet, bien plus commode pour les époux de pouvoir agir seuls pour l’accomplissement des actes du quotidien, que de devoir systématiquement recueillir le consentement de l’autre.
  • Les situations de crise
    • Au-delà de la recherche d’un équilibre entre l’instauration d’une interdépendance entre les époux et la reconnaissance de droits leur conférant une certaine autonomie, le législateur a souhaité compléter le régime primaire par l’édiction de règles visant à appréhender les situations de crise auxquelles est susceptible d’être confronté le couple marié.
    • Il est, en effet, des situations où, soit parce qu’un époux se trouve dans l’incapacité de manifester sa volonté, soit parce qu’il est susceptible d’accomplir un acte mettant en péril l’intérêt de la famille, il est nécessaire que des mesures – judiciaires – soient prises.
    • Pratiquement, ces mesures peuvent consister à accroître ou restreindre les pouvoirs des époux.
    • Cet aménagement des pouvoirs dont sont investis les époux est susceptible d’intervenir dans trois cadres bien distincts que sont :
      • L’autorisation judiciaire
      • La représentation judiciaire
      • La sauvegarde judiciaire
    • Dans les trois cas, les mesures qui devront être adoptées pour régler la situation de crise traversée par le couple marié supposeront l’intervention du juge.

III) Variétés de régimes matrimoniaux

Au régime primaire impératif qui constitue le statut patrimonial de base commun à tous les couples mariés se superpose un régime matrimonial dont le choix est laissé à la discrétion des époux en application du principe de liberté des conventions matrimoniales.

L’article 1387 du Code civil dispose en ce sens que « la loi ne régit l’association conjugale, quant aux biens, qu’à défaut de conventions spéciales que les époux peuvent faire comme ils le jugent à propos, pourvu qu’elles ne soient pas contraires aux bonnes mœurs ni aux dispositions qui suivent. »

Il ressort de cette disposition que, non seulement les époux sont libres de choisir le régime matrimonial qui leur convient parmi ceux proposés par la loi, mais encore ils disposent de la faculté d’aménager le régime pour lequel ils ont opté en y stipulant des clauses particulières sous réserve de ne pas contrevenir aux bonnes mœurs et de ne pas déroger aux règles impératives instituées par le régime primaire.

Faute de choix par les époux d’un régime matrimonial, c’est le régime légal qui leur sera appliqué, étant précisé que le couple marié peut toujours, au cours du mariage, revenir sur sa décision en sollicitant un changement de régime matrimonial.

Classiquement, il est d’usage de présenter les différents régimes matrimoniaux susceptibles d’être appliqués aux époux en distinguant :

  • D’une part, le régime légal qui a vocation à s’appliquer en l’absence de contrat de mariage
  • D’autre part, les régimes dits conventionnels dont l’application suppose que les époux aient opté pour un dispositif spécifique.

A) Le régime légal

Le régime légal, qui s’applique aux couples mariés faute d’établissement d’un contrat de mariage, est le régime de la communauté réduite aux acquêts.

Ce régime a été institué par la loi du 13 juillet 1965 qui l’a substitué à l’ancien régime légal de communauté de meubles et d’acquêts, lequel est désormais relégué au rang de régime conventionnel.

Dans les grandes lignes, la spécificité du régime légal tient à trois éléments qui diffèrent d’un régime matrimonial à l’autre :

==> La répartition des biens

Principale caractéristique du régime légal, il s’agit d’un régime communautaire. Cette spécificité implique la création d’une masse commune de biens aux côtés des biens propres dont les époux demeurent seuls propriétaires.

La réparation des biens entre la masse commune et la masse de chaque époux s’opère comme suit :

  • Les biens communs
    • La masse commune est alimentée par les tous les biens acquis à titre onéreux par les époux au cours du mariage.
    • C’est ce que l’on appelle des acquêts ; d’où le qualificatif attribué au régime légal de « communauté réduite aux acquêts».
    • Pour être précis les acquêts qui composent la masse commune comprennent deux catégories de biens :
      • Tout d’abord, il y a les biens faits par les époux ensemble ou séparément pendant le mariage et provenant de leur industrie personnelle ou des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres ( 1401 C. civ.)
      • Ensuite, il y a tous les biens meubles, ou immeubles dont on ne peut prouver qu’ils sont propres à l’un des époux ( 1402 C. civ.).
    • Ainsi la masse commune est-elle alimentée de deux manières : soit par le jeu d’une règle de fond, soit par le jeu d’une règle de preuve.
  • Les biens propres
    • Les biens propres sont, par hypothèse, tous ceux qui n’endossent pas la qualification d’acquêts.
    • Plus précisément, cette catégorie de biens comporte notamment :
      • Les biens acquis par les époux avant la conclusion du mariage
      • Les biens acquis par les époux à titre gratuit
      • Les biens dont la propriété est étroitement attachée à la personne d’un époux (vêtements et linges à usage personnel, actions en réparation d’un dommage corporel, créances et pensions incessibles etc.)
      • Les biens de nature professionnelle
      • Tous les biens acquis à titre accessoire d’un bien propre

==> La gestion des biens

Les époux sont investis de pouvoirs de gestion de leurs biens propres et des biens qui relèvent de la masse commune.

  • S’agissant de la gestion des biens propres des époux
    • Le principe posé par l’article 1428 du Code civil est celui de la gestion exclusive des biens propres.
    • Ce principe est renforcé par l’article 225 du Code civil qui dispose que « chacun des époux administre, oblige et aliène seul ses biens personnels».
    • Ainsi chaque époux dispose de pouvoirs d’administration, de disposition et de jouissance exclusifs sur ses propres.
    • Ce pouvoir n’est contrarié que lorsque le logement familial est un bien propre.
    • Dans cette hypothèse, conformément à l’article 215, al. 3e du Code civil l’époux auquel il appartient en propre devra obtenir le consentement de son conjoint pour en disposer.
  • S’agissant de la gestion des biens communs
    • L’article 1421 du Code civil pose un principe de gestion concurrence.
    • Cela signifie que chacun des époux a le pouvoir d’administrer seul les biens communs et d’en disposer sans avoir à obtenir le consentement de l’autre.
    • Par exception, certains biens communs font l’objet d’une gestion exclusive, tels que les revenus des biens propres, les gains et salaires ou encore les biens nécessaires à l’exercice d’une activité professionnelle séparée, tandis que d’autres sont soumis à une cogestion, soit dont la disposition exige le commun accord des époux.

==> La répartition du passif

Les règles de répartition du passif permettent de déterminer l’étendue du gage des créanciers et plus précisément les masses de biens qui devront supporter les dettes contractées par les époux.

À cet égard, il y a lieu de distinguer, l’obligation à la dette qui intéresse les rapports des époux avec les tiers, de la contribution à la dette qui intéresse les rapports des époux entre eux.

Autrement dit, l’obligation à la dette permet de déterminer sur quelle masse de biens (commune ou propre) la dette contractée auprès des créanciers est exécutoire.

Quant à la contribution à la dette, elle permet de déterminer laquelle de ces masses de biens va, à titre définitif, supporter le poids de la dette.

Cette dichotomie entre obligation à la dette et contribution à la dette doit être envisagée, tant pour les dettes personnelles des époux, que pour les dettes communes.

  • S’agissant des dettes personnelles d’un époux
    • Au stade de l’obligation à la dette
      • La règle posée par l’article 1411, al. 1er du Code civil est que la dette contractée à titre personnelle par un époux est exécutoire sur ses biens propres, mais encore sur ses gains et salaires qui sont des biens communs
      • Il en résulte, a contrario, qu’une dette personnelle n’est pas exécutoire sur la masse commune et les biens propres de l’autre époux
    • Au stade de la contribution à la dette
      • La règle est ici que les dettes contractées à titre personnel par un époux doivent demeurer personnelles.
      • Dès lors, en cas de règlement d’une dette personnelle par un époux avec ses gains et salaires, il devra récompense à la communauté, celle-ci n’ayant pas vocation à supporter le poids définitif d’une dette propre.
  • S’agissant des dettes communes
    • Au stade de l’obligation à la dette
      • Le principe posé par l’article 1413 du Code civil est que le paiement des dettes dont chaque époux est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs.
      • Autrement dit, les dettes contractées par chaque époux sont exécutoires sur les biens communs.
      • À cet égard, lorsqu’une dette est entrée en communauté du chef d’un seul des époux, elle ne peut être poursuivie sur les biens propres de l’autre.
    • Au stade de la contribution à la dette
      • La communauté n’a vocation à supporter, à titre définitif, que les dettes contractées dans son intérêt.
      • Lorsque tel n’est pas le cas, elle aura droit à récompense, ce qui sera notamment le cas lorsque la dette réglée avec des biens communs aura été souscrite en vue d’acquérir, de conserver ou d’améliorer un bien propre.

B) Les régimes conventionnels

Pour être soumis à un régime conventionnel les époux doivent avoir effectué un choix qui se traduira par l’établissement d’un contrat de mariage.

À cet égard, les régimes conventionnels se divisent en deux catégories : les régimes communautaires et les régimes séparatistes.

==> S’agissant des régimes communautaires

Leur spécificité est, comme leur énoncé l’indique, de reposer sur la création d’une masse commune de biens qui s’interpose entre les masses de chaque époux composées de biens propres appartenant à chacun d’eux.

Parmi les différents régimes conventionnels proposés par la loi, deux endossent la qualification de communautaire

  • Le régime de la communauté de meubles et d’acquêts
    • Sous l’empire du droit antérieur à l’entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 1965, le régime de la communauté de meubles et d’acquêts n’était autre que le régime légal.
    • Depuis lors, il a néanmoins été remplacé par le régime de la communauté réduite aux acquêts, à tout le moins il a été rétrogradé au rang de simple régime conventionnel.
    • La spécificité de ce régime matrimonial tient aux règles qui gouvernent l’actif et le passif de la communauté
      • S’agissant de l’actif
        • Lorsque les époux optent pour la communauté de meubles et d’acquêts, l’actif de la communauté est augmenté par rapport au régime légal.
        • En effet, il comprend, outre les biens qui relèvent de la masse commune sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, les bens meubles qui seraient qualifiés de propres sous ce régime.
        • Sont donc inclus dans la masse commune, lorsque les époux sont soumis au régime de communauté de meubles et d’acquêts, tous les biens meubles dont les époux avaient la propriété ou la possession au jour du mariage ou qui leur sont échus depuis par succession ou libéralité, à moins que le donateur ou testateur n’ait stipulé le contraire.
      • S’agissant du passif
        • Par symétrie avec la composition de l’actif, lorsque les époux ont opté pour le régime de la communauté de meubles et d’acquêts, le passif de la communauté est plus étendu que sous le régime légal.
        • En effet, entrent dans le passif commun, outre les dettes qui en feraient partie sous le régime légal, une fraction de celles dont les époux étaient déjà grevés quand ils se sont mariés, ou dont se trouvent chargées des successions et libéralités qui leur échoient durant le mariage.
        • À cet égard, la fraction de passif que doit supporter la communauté est proportionnelle à la fraction d’actif qu’elle recueille, soit dans le patrimoine de l’époux au jour du mariage, soit dans l’ensemble des biens qui font l’objet de la succession ou libéralité.
        • Il s’agit ici d’instaurer une corrélation entre l’actif et le passif : dès lors que l’actif augmenté, le passif doit s’en trouver élargi dans les mêmes proportions.
  • Le régime de la communauté universelle
    • Le régime de la communauté universelle, qualifié de « régime de l’amour» par le doyen Cornu présente cette particularité de réaliser une fusion entre les patrimoines des époux pour ne former qu’une seule masse de biens.
    • Cette fusion des patrimoines se traduit, tant sur le plan de l’actif, que sur le plan du passif.
      • Sur le plan de l’actif
        • La communauté comprend les biens tant meubles qu’immeubles, présents et à venir des époux.
        • Par exception et sauf stipulation contraire, les biens que l’article 1404 déclare propres par leur nature ne tombent point dans cette communauté.
        • Sont donc exclus de la masse commune
          • D’une part, les vêtements et linges à l’usage personnel de l’un des époux, les actions en réparation d’un dommage corporel ou moral, les créances et pensions incessibles, et, plus généralement, tous les biens qui ont un caractère personnel et tous les droits exclusivement attachés à la personne.
          • D’autre part, les instruments de travail nécessaires à la profession de l’un des époux, à moins qu’ils ne soient l’accessoire d’un fonds de commerce ou d’une exploitation faisant partie de la communauté.
        • En dehors de ces biens visés par l’article 1404 du Code civil, tous les biens acquis par les époux avant et pendant le mariage ont vocation à alimenter la masse commune
      • Sur le plan du passif
        • L’article 1526 du Code civil prévoit que la communauté universelle supporte définitivement toutes les dettes des époux, présentes et futures.
        • L’universalité de la communauté ne touche ainsi pas seulement son acte, elle intéresse également son passif.

==> S’agissant des régimes séparatistes

Les régimes séparatistes se caractérisent par l’absence de création d’une masse commune de biens qui serait alimentée par les biens présents et futurs acquis par les époux.

Cette séparation des patrimoines demeure néanmoins plus ou moins prononcée, selon que les époux ont opté pour le régime de la séparation de biens pure et simple ou selon qu’ils ont opté pour le régime de la participation aux acquêts.

  • Le régime de la séparation de biens
    • Sur le plan de l’actif
      • Tous les biens acquis par les époux au cours du mariage leur appartiennent en propre.
      • Aucune masse commune de biens n’est créée, de sorte qu’est instaurée une séparation stricte des patrimoines.
      • À cet égard, l’article 1536 du Code civil prévoit que lorsque les époux ont stipulé dans leur contrat de mariage qu’ils seraient séparés de biens, chacun d’eux conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels.
      • Il est donc indifférent que le bien ait acquis avant ou pendant le mariage ou encore qu’il ait été acquis à titre onéreux ou à titre gratuit.
      • Seules exceptions au principe de séparations :
        • Les biens acquis en indivision
        • L’affectation de certains biens à une société d’acquêts
    • Sur le plan du passif
      • L’article 1536 du Code civil dispose que chaque époux reste seul tenu des dettes nées en sa personne avant ou pendant le mariage, hors le cas de l’article 220.
      • La séparation des patrimoines opère ainsi, tant pour l’actif, que pour le passif qui demeure propre à l’époux qui a contracté la dette.
      • Le gage des créanciers se limite ainsi aux seuls biens propres de l’époux qui s’est engagé, sauf à ce que la dette relève de la catégorie des dépenses ménagères.
  • Le régime de la participation aux acquêts
    • Le régime de la participation aux acquêts a été institué par la loi du 13 juillet 1965, le législateur s’étant inspiré de ce qui était pratiqué en Allemagne.
    • La particularité de ce régime est qu’il présente une nature hybride, en ce sens qu’il présente une nature séparatiste ou communautaire selon que l’on se place pendant la durée du mariage ou au jour de sa dissolution.
      • Pendant la durée du mariage
        • En application de l’article 1569 du Code civil, quand les époux ont déclaré se marier sous le régime de la participation aux acquêts, chacun d’eux conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels, sans distinguer entre ceux qui lui appartenaient au jour du mariage ou lui sont advenus depuis par succession ou libéralité et ceux qu’il a acquis pendant le mariage à titre onéreux.
        • Aussi, pendant la durée du mariage, ce régime fonctionne comme si les époux étaient mariés sous le régime de la séparation de biens.
        • Aucune masse commune de biens n’est donc créée : tous les biens acquis par les époux avant ou pendant le mariage, à titre gratuit ou onéreux, leur appartiennent en propre, soit à titre exclusif.
        • Réciproquement, toutes les dettes qu’ils contractent leur demeurent également personnelles.
      • Au jour de la dissolution du mariage
        • L’article 1569 du Code civil prévoit que, à la dissolution du régime, chacun des époux a le droit de participer pour moitié en valeur aux acquêts nets constatés dans le patrimoine de l’autre, et mesurés par la double estimation du patrimoine originaire et du patrimoine final.
        • Autrement dit, au jour de la liquidation du régime de participation aux acquêts, l’époux dont le patrimoine s’est enrichi pendant le mariage doit en valeur à l’autre une créance de participation.
        • Cette créance est déterminée en comparant le patrimoine originaire et le patrimoine final.
        • L’article 1575 du Code civil dispose en ce sens que si le patrimoine final d’un époux est inférieur à son patrimoine originaire, le déficit est supporté entièrement par cet époux.
        • Si, en revanche, il lui est supérieur, l’accroissement représente les acquêts nets et donne lieu à participation.
        • S’il y a des acquêts nets de part et d’autre, ils doivent d’abord être compensés.
        • Seul l’excédent se partage : l’époux dont le gain a été le moindre est créancier de son conjoint pour la moitié de cet excédent.
        • Au moment de la dissolution le régime de la participation aux acquêts est ainsi parcouru par un esprit communautaire.
        • Chacun des époux a le droit de participer pour moitié en valeur aux acquêts nets constatés dans le patrimoine de l’autre.

[1] F. Terré et Ph. Simler, Droit civil – Les régimes matrimoniaux, éd. Dalloz, 2011, coll. « précis », n°46, p.41.

[2] M. Lamarche et J.-J. Lemouland, Mariages : effets, Rép. Dalloz, n°101 et s.

[3] V. en ce sens J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, éd. Armand colin, 2001, n°53, p. 44.

[4] Association H. Capitant, Vocabulaire juridique, ss dir. G. Cornu : PUF, 8e éd. 2000, V° Primaire [régime ou régime matrimonial primaire], p. 670

[5] F. Terré, op. préc., n°325, p. 299.

[6] Ph. Malaurie et H. Fulchiron, op. préc., n°106, p. 53.

[7] En vertu de l’article 1088 du Code civil « toute donation faite en faveur du mariage sera caduque si le mariage ne s’ensuit pas ».

[8] L’article 515-8 du Code civil dispose que « le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ».

[9] Si, le législateur a inséré une définition du concubinage dans le Code civil c’est surtout pour mettre fin à la position de la Cour de cassation qui, de façon constante, refusait de qualifier l’union de deux personnes de même sexe de concubinage (Cass. soc., 11 juill. 1989, deux arrêts : Gaz. Pal. 1990, 1, p. 217, concl. Dorwling-Carter ; JCP G 1990, II, 21553, note Meunier ; Cass. Civ. 3e, 17 décembre 1997 : D. 1998, jurispr. p. 111, concl. J.-F. Weber et note J.-L. Aubert ; JCP G 1998, II, 10093, note A. Djigo).

[10] P. Simler et P. Hilt, « Le nouveau visage du Pacs : un quasi -mariage », JCP G, 2006, 1, p. 161.

[11] F. Terré et Ph. Simler, Droit civil – Les régimes matrimoniaux, éd. Dalloz, 2011, coll. « précis », n°46, p.41.

[12] J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, éd. Armand colin, 2001, n°58, p. 48.

Les effets (personnels et patrimoniaux) du mariage: vue générale

La famille a toujours été appréhendée par le législateur comme ne pouvant se réaliser que dans un seul cadre : le mariage.

Celui-ci est envisagé par le droit comme ce qui « confère à la famille sa légitimité »[1] et plus encore, comme son « acte fondateur »[2].

Aussi, en se détournant du mariage, les concubins sont-ils traités par le droit comme formant un couple ne remplissant pas les conditions lui permettant de quitter la situation de fait dans laquelle il se trouve pour s’élever au rang de situation juridique. D’où le silence de la loi sur le statut des concubins.

Il y a bien un texte les concernant s’ils viennent à rompre ; mais, celui-ci est tourné vers le mariage, puisque réglant la question de la restitution de la bague de fiançailles[3]. En outre, la loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civile de solidarité (pacs) a, certes, inséré à l’article 515-8 du Code civil une définition du concubinage[4].

Toutefois, cette définition n’est que symbolique : elle n’est assortie d’aucun droit, ni d’aucune obligation qui échoirait aux concubins[5].

Bien que l’on puisse relever quelques décisions audacieuses, dans lesquelles les juges ont cherché à faire application, dans le cadre d’une relation de concubinage qu’ils avaient à connaître, de certaines dispositions du régime matrimonial primaire, la jurisprudence de la Cour de cassation a toujours été constante sur ce point : les concubins ne sauraient bénéficier des effets du mariage[6].

Excepté quelques cas marginaux[7], leur situation n’est réglée que par le seul droit commun. Pour les couples qui choisissent de se tenir à l’écart de l’union conjugale, c’est donc un silence juridique qui les attend.

Depuis l’adoption de la loi sur le pacs, ce silence n’est, cependant, plus aussi assourdissant qu’il a pu l’être. En proposant aux concubins un statut légal, un « quasi-mariage » diront certains[8], qui règle les rapports tant personnels, que patrimoniaux entre les partenaires, la démarche du législateur témoigne de sa volonté de ne plus faire fi d’une situation de fait qui, au fil des années, s’est imposée comme un modèle à partir duquel se sont construites de nombreuses familles.

En contrepartie d’en engagement contractuel[9] qu’ils doivent prendre devant un officier d’état civil ou devant notaire, les concubins, quelle que soit leur orientation sexuelle, peuvent, de la sorte, voir leur union hors mariage, se transformer en une situation juridique.

S’il s’agit là d’une profonde mutation que connaît le droit de la famille, elle doit néanmoins être relativisée. Le mariage demeure le modèle prépondérant à travers lequel le droit appréhende la famille.

Cette place centrale que le mariage occupe, encore aujourd’hui, dans l’ordonnancement juridique s’exprime par les effets qu’il emporte et qui confèrent au couple marié un statut privilégié.

À cet égard, il convient d’avoir toujours à l’esprit que le mariage ne consiste pas seulement en une union des personnes. Il consiste également en une union des biens.

Aussi, les effets du mariage sont de deux ordres. Ils intéressent :

  • D’une part, les rapports personnels entre les époux
  • D’autre part, les rapports pécuniaires entre les époux

I) Les rapports personnels entre les époux

S’agissant des rapports personnels entre les époux, l’acte juridique que constitue le mariage produit deux effets principaux à l’égard des époux :

==> Premier effet : la création de devoirs mutuels

Le mariage fait naître des devoirs mutuels qui pèsent sur les époux. Ces devoirs sont énoncés aux articles 212, 213 et 215 du Code civil.

Au nombre de ces devoirs figurent :

  • Le devoir de respect ( 212 C. civ.)
    • Issu de la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, le devoir de respect vise à exprimer l’idée que le respect est la base d’une vie de couple harmonieuse.
    • Aussi, s’agit-il de prévenir toute forme de violences qui pourraient intervenir au sein du couple.
    • Si, de longue date, la jurisprudence avait implicitement consacré ce devoir de respect en sanctionnant avec fermeté le comportement violent d’un époux envers l’autre, le législateur a souhaité le graver dans le marbre de la loi aux fins d’appréhender au-delà des violences physiques, d’autres comportements déviants incompatibles avec la vie de couple que sont, par exemple, le harcèlement moral, les injures, le mépris, les atteintes à l’honneur et à la dignité ou encore le délaissement de l’autre conjoint.
  • Le devoir de fidélité ( 212 C. civ.)
    • Ce devoir consiste à interdire aux époux d’entretenir des relations sexuelles avec des tiers.
    • Si, depuis l’adoption de la loi du 11 juillet 1975, l’adultère n’est plus pénalement sanctionné, il demeure constitutif d’une faute civile susceptible de fonder, s’il est renouvelé et atteint un certain degré de gravité, une demande en divorce.
  • Le devoir d’assistance ( 212 C. civ.)
    • Le devoir d’assistance implique pour chaque époux de veiller l’un sur l’autre.
    • Autrement dit, il leur appartient de se soutenir et de se prodiguer mutuellement tous les soins utiles que les circonstances exigent, telles que notamment la maladie ou un état de fragilité
    • Le devoir d’assistance se distingue du devoir de secours en ce qu’il présente un caractère personnel, contrairement au devoir de secours qui est de nature purement pécuniaire.
  • Le devoir de communauté de vie ( 215 C. civ.)
    • L’article 215, al. 1er du Code civil prévoit que « les époux s’obligent mutuellement à une communauté de vie. »
    • Si, sous l’empire du droit antérieur, ce devoir supposait que les époux partagent, a minima, une même résidence, cette exigence a été abandonnée par la loi du 11 juillet 1975.
    • L’article 108 du Code civil dispose désormais que « le mari et la femme peuvent avoir un domicile distinct sans qu’il soit pour autant porté atteinte aux règles relatives à la communauté de la vie. »
    • L’existence d’une communauté de vie entre époux demeure, néanmoins, toujours exigée.
    • Concrètement, elle suppose la mise en commun de moyens matériels et l’entretien, entre eux, de relations affectives.
    • Plus que des relations affectives, la communauté de vie implique une communauté de lit, soit l’obligation pour chaque époux de se prêter à des relations sexuelles.
    • Ce devoir conjugal qui échoit à chaque époux demeure somme toute relatif, dans la mesure où il ne saurait, en aucune manière, justifier qu’un époux contraigne son conjoint à avoir des relations sexuelles.
    • Un tel agissement serait constitutif d’un viol, crime puni d’une peine de quinze ans de réclusion criminelle.

==> Second effet : la création de fonctions conjointes

Le mariage ne crée pas seulement des devoirs à l’égard des époux, il leur confère également des fonctions qu’ils exercent conjointement.

Ces fonctions conjointes sont énoncées aux articles 213 et 215 du Code civil :

  • La direction de la famille ( 213 C. civ.)
    • L’article 213 du Code civil prévoit que « Les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille. Ils pourvoient à l’éducation des enfants et préparent leur avenir. »
    • Issue de la loi du 4 juin 1970, cette disposition traduit la volonté du législateur d’instituer une égalité entre le mari et la femme, quant à la conduite de la famille.
    • Lors de l’adoption du Code civil, la femme mariée avait été placée sous l’autorité de son mari auquel elle devait obéissance.
    • La loi du 18 février 1938 a déchu le mari de cette prérogative. Celui-ci a néanmoins sa qualité de chef de famille, de sorte que la direction du ménage était assurée par lui seul.
    • Il faut attendre les lois du 4 juin 1970 et du 11 juillet 1975 pour que le mari et la femme soient placés sur un même pied d’égalité.
    • Désormais, tous deux disposent des mêmes prérogatives qu’ils exercent conjointement.
    • À cet égard, tandis que pour certains actes, leur accomplissement est subordonné à l’accord des deux époux (codécision) ou à autorisation (cogestion), d’autres pourront être régularisés séparément par chacun d’eux (gestion concurrente), un certain nombre de présomptions ayant été instituées par le législateur afin de faciliter le fonctionnement du ménage.
  • Le choix du logement familial ( 215, al. 2e C. civ.)
    • L’article 215, al. 2e du Code civil prévoit que « la résidence de la famille est au lieu qu’ils choisissent d’un commun accord. »
    • Le choix du logement familial ne peut ainsi procéder que d’une décision conjointe des époux.
    • Le mari ne dispose plus du pouvoir d’imposer unilatéralement à sa conjointe le lieu de résidence de la famille, comme tel était le cas sous l’empire du droit antérieur.
    • C’est la loi du 11 juillet 1975 qui a institué une égalité absolue entre le mari et la femme pour l’accomplissement de cet acte fondateur, sinon symbolique.
    • Le logement familial ne peut désormais plus qu’être choisi d’un commun accord entre les époux.
    • Faute d’accord, l’article 215, al. 2e du Code civil le confère plus au mari une voix qui primerait sur celle de son épouse, c’est au juge qu’il reviendra de trancher le différend, encore qu’il ne s’agisse là que d’un cas d’école.
    • Lorsque les époux ne s’entendent pas sur leur lieu de résidence, il est fort probable qu’ils en tirent toutes les conséquences en mettant un terme à leur engagement matrimonial.

II) Les rapports pécuniaires entre les époux

S’agissant des rapports pécuniaires entre les époux, le mariage produit des effets qui tiennent, d’une part, à l’interdépendance des époux, d’autre part, à leur indépendance et enfin, aux situations de crise qu’ils sont susceptibles de traverser.

==> Les effets relatifs à l’interdépendance des époux

Parce que les époux sont assujettis à une communauté de vie, cette obligation implique qu’ils coopèrent pour l’accomplissement d’un certain nombre d’actes qui intéressent le fonctionnement matériel du ménage.

  • La contribution aux charges du mariage ( 214 C. civ.)
    • L’article 214 du Code civil prévoit que « si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives.
    • Deux enseignements peuvent être retirés de cette disposition
      • Premier enseignement : les époux doivent contribuer aux charges du mariage
        • Il s’agit de toutes les dépenses qui assurent le fonctionnement du ménage (contrairement aux dépenses d’investissement).
        • Ce sont donc toutes les dépenses d’intérêt commun que fait naître la vie du ménage
        • La JP tend également à reconnaître certaines dépenses d’agrément comme des charges du mariage
        • Exemples : nourriture, vêtements, loyer, gaz, eau, électricité, internet etc…
        • Les charges du mariage sont toutes celles relatives au train de vie du ménage.
        • Elles ne doivent pas être confondues avec les dépenses ménagères qui se limitent aux frais strictement nécessaires au fonctionnement du ménage.
      • Second enseignement : les époux doivent contribuer à aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives.
        • Il y a donc un principe de proportionnalité qui a été institué par le législateur quant à la répartition des charges
        • Le poids de cette obligation qui pèse sur les époux est, en effet, fonction de leurs revenus respectifs.
        • Si l’un des époux perçoit un revenu de 1000 euros et que l’autre perçoit un revenu de 2000 alors le second devra contribuer deux fois plus que le premier aux charges du mariage.
  • La protection du logement familial ( 215, al. 3e C. civ.)
    • Parce que le logement familial est l’endroit où est censée vivre et évoluer la cellule familiale, il bénéficie d’une protection spécifique, protection visant à lui octroyer un statut qui fait obstacle aux atteintes dont il pourrait faire l’objet.
    • Cette protection est instituée à l’article 215, al. 3e du Code civil.
    • Cette disposition prévoit que « les époux ne peuvent l’un sans l’autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni. Celui des deux qui n’a pas donné son consentement à l’acte peut en demander l’annulation : l’action en nullité lui est ouverte dans l’année à partir du jour où il a eu connaissance de l’acte, sans pouvoir jamais être intentée plus d’un an après que le régime matrimonial s’est dissous. »
    • Il ressort de cette disposition que tout acte de disposition portant sur le logement familial ou les biens mobiliers le garnissant est subordonné à l’accord des deux époux.
    • Autrement dit, les deux époux doivent consentir à l’accomplissement de l’acte de disposition qui peut consister, tout autant en l’aliénation du bien, qu’en la constitution d’une sûreté réelle.
    • En cas de dépassement de pouvoir par l’un des deux époux, la sanction encourue est la nullité de l’acte accompli sans le consentement de l’autre.

==> Les effets relatifs à l’indépendance des époux

  • L’autonomie ménagère
    • L’article 220 du Code civil prévoit que « chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l’un oblige l’autre solidairement.
    • Il ressort de cette disposition que chaque époux est investi du pouvoir d’accomplir seul les actes qui visent effectuer des dépenses pour le fonctionnement du ménage.
    • Ce pouvoir le confère, autrement dit, s’agissant des dépenses ménagères, du pouvoir de contracter seul avec les tiers.
    • À cet égard, le texte précise que la dette contractée par l’un des époux engage l’autre solidairement.
    • Cela signifie que le tiers contractant peut demander à n’importe quel époux de régler la totalité de la dette contractée seul par l’autre conjoint.
    • Le principe de solidarité des dettes ménagères n’est toutefois pas absolu : le législateur l’a assorti de plusieurs exceptions.
    • Tout d’abord, la solidarité n’a pas vocation à jouer pour les dépenses manifestement excessives, soit celles qui sont déraisonnables eu égard le train de vie du ménage ou l’utilité ou l’inutilité de l’opération.
    • Ensuite, la solidarité est écartée pour les achats à tempérament ainsi que pour les emprunts, à moins précise l’alinéa 3 de l’article 220 du Code civil qu’ils ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage.
  • L’autonomie mobilière
    • L’article 222 du Code civil prévoit que « si l’un des époux se présente seul pour faire un acte d’administration, de jouissance ou de disposition sur un bien meuble qu’il détient individuellement, il est réputé, à l’égard des tiers de bonne foi, avoir le pouvoir de faire seul cet acte.»
    • Cette disposition institue ainsi une présomption irréfragable de pouvoir au bénéfice de chaque époux s’agissant des actes (administration, disposition et jouissance) portant sur un bien meuble, à l’exception de ceux garnissant le logement familial et ceux strictement attachés à la personne de son détenteur, tels que les outils de travail ou encore le linge à usage personnel.
    • Il s’agit ici de protéger les tiers de bonne foi, en ce sens qu’ils sont dispensés de vérifier les pouvoirs de l’époux avec lequel ils contractent.
    • Si, autrement dit, un époux accomplit un acte en dépassement de son pouvoir, cet acte demeurera valable et ne pourra donc pas être remis en cause par le conjoint lésé.
    • Ce dernier pourra, tout au plus, engager la responsabilité de son conjoint qui a agi au préjudice de ses droits
  • L’autonomie professionnelle
    • L’article 223 du Code civil prévoit que « chaque époux peut librement exercer une profession, percevoir ses gains et salaires et en disposer après s’être acquitté des charges du mariage. »
    • En application de cette disposition les époux jouissent ainsi d’une autonomie professionnelle.
    • Cette autonomie implique pour eux le droit :
      • D’une part, d’exercer la profession de leur choix
      • D’autre part, de percevoir leurs gains et salaires, soit l’ensemble des revenus issus de leur activité professionnelle
      • Enfin, de disposer librement de leurs gains et salaires
    • La liberté professionnelle dont jouit chaque époux est limitée par la seule obligation de contribution aux charges du mariage.
    • En dehors de cette obligation, l’autonomie que leur confère la loi vise à faire obstacle à toute immixtion du conjoint dans l’exercice et la gestion de l’activité professionnelle de l’autre.
  • L’autonomie bancaire
    • L’article 221 du Code civil prévoit que « chacun des époux peut se faire ouvrir, sans le consentement de l’autre, tout compte de dépôt et tout compte de titres en son nom personnel. »
    • Ainsi, les époux sont-ils libres d’ouvrir, à titre individuel, un compte bancaire, sans que le consentement de l’autre ne soit requis.
    • Afin de renforcer ce droit à l’ouverture d’un compte bancaire, l’alinéa 2 du texte précise que « à l’égard du dépositaire, le déposant est toujours réputé, même après la dissolution du mariage, avoir la libre disposition des fonds et des titres en dépôt. »
    • Cela signifie que, non seulement, les époux sont autorisés à se faire ouvrir, en toute autonomie, un compte bancaire, mais encore qu’ils jouissent de la faculté de leur faire fonctionner.
    • Il est ainsi fait interdiction au banquier d’exiger le consentement du conjoint pour exécuter l’ordre qui lui a été adressé par le titulaire du compte.
    • Ce dernier est réputé être investi du pouvoir d’accomplir toute opération sur son compte personnel
    • La présomption de pouvoir posée par le texte est ici irréfragable, de sorte que, en cas de dépassement de pouvoir par le titulaire du compte tel que l’encaissement de fonds qui ne lui appartiennent pas, le banquier n’engage pas sa responsabilité.
  • L’autonomie patrimoniale
    • L’article 225 du Code civil prévoit que « chacun des époux administre, oblige et aliène seul ses biens personnels. »
    • Cette disposition confère ainsi à chaque époux, non seulement la gestion exclusive de ses biens propres, mais encore le pouvoir de les engager
    • Il en résulte que la clause dite « d’unité d’administration » par laquelle un époux se verrait investi du pouvoir de gérer les biens de son conjoint est prohibée.
    • Tout au plus, en application de l’article 218 du Code civil « un époux peut donner mandat à l’autre de le représenter dans l’exercice des pouvoirs que le régime matrimonial lui attribue. »
    • Seule exception à la règle posée à l’article 225 du Code civil, lorsque le logement familial appartient en propre à un époux, c’est le principe de la cogestion qui s’applique, soit l’exigence pour le propriétaire du bien affecté à l’usage de la famille de recueillir le consentement de son conjoint pour accomplir un acte de disposition.

==> Les effets relatifs aux situations de crise

Le couple est susceptible de rencontrer des difficultés qui peuvent aller du simple désaccord à l’impossibilité pour un époux d’exprimer sa volonté.

Afin de permettre au couple de surmonter ces difficultés, le législateur a mis en place plusieurs dispositifs de règles énoncés aux articles 217, 219 et 220-1 du Code civil.

Parmi ces dispositifs qui visent à régler les situations de crise traversées par le couple on compte, l’autorisation judiciaire, la représentation judiciaire et la sauvegarde judiciaire.

  • L’autorisation judiciaire ( 217 C. civ.)
    • L’article 217, al. 1er du Code civil prévoit que « un époux peut être autorisé par justice à passer seul un acte pour lequel le concours ou le consentement de son conjoint serait nécessaire, si celui-ci est hors d’état de manifester sa volonté ou si son refus n’est pas justifié par l’intérêt de la famille. »
    • La règle ainsi posée vise à permettre à un époux d’accomplir seul un acte qui, en situation normale, relève de la cogestion, soit dont l’accomplissement est subordonné à l’accord des deux époux.
    • Afin de surmonter la crise traversée par le couple, le juge peut autoriser l’accomplissement de cet acte par un seul époux.
    • Une autorisation peut, nous dit le texte, être sollicitée dans deux situations bien distinctes :
      • Soit l’un des époux est dans l’impossibilité d’exprimer sa volonté
      • Soit l’un des époux refuser d’accomplir l’acte, alors même que ce refus n’est pas justifié par l’intérêt de la famille
    • L’alinéa 2 de l’article 217 du Code civil précise que « l’acte passé dans les conditions fixées par l’autorisation de justice est opposable à l’époux dont le concours ou le consentement a fait défaut, sans qu’il en résulte à sa charge aucune obligation personnelle. »
    • Autrement dit, si l’autorisation du juge rend valable l’acte accompli par un seul époux alors que relevant de la cogestion, le conjoint qui n’a pas donné son consentement n’est pas engagé par cet acte.
    • L’acte lui demeure toutefois opposable, ce qui signifie qu’il ne pourra pas le remettre en cause.
  • La représentation judiciaire ( 219 C. civ.)
    • L’article 219 du Code civil prévoit que « si l’un des époux se trouve hors d’état de manifester sa volonté, l’autre peut se faire habiliter par justice à le représenter, d’une manière générale, ou pour certains actes particuliers, dans l’exercice des pouvoirs résultant du régime matrimonial, les conditions et l’étendue de cette représentation étant fixées par le juge. »
    • Il s’agit ici de permettre à un époux de représenter son conjoint qui se retrouve dans l’incapacité d’exprimer sa volonté.
    • À la différence de l’autorisation judiciaire qui n’engage pas l’époux qui n’a pas consenti à l’acte, la représentation judiciaire autorise un époux à agir au nom et pour le compte de son conjoint.
    • L’acte accomplit engage donc personnellement ce denier qui est réputé avoir accompli l’acte.
    • Ce mécanisme n’est autre qu’une application des règles mandat, à la différence que sa mise en place procède, non pas d’un échange des consentements entre le mandant et le mandataire, mais d’une décision du juge.
    • À cet égard, la représentation judiciaire est subordonnée à l’établissement de l’empêchement du conjoint représenté.
    • Cet empêchement peut résulter, tout aussi bien, d’un état de santé qui affecte l’expression de la volonté du conjoint représenté que de son éloignement géographique.
    • Quant à l’étendue du pouvoir de l’époux qui est investi du pouvoir de représentation, il dépend du régime matrimonial applicable.
    • Cela signifie que pourront être accomplis tout autant des actes qui relèvent de la cogestion que ceux qui relèvent de la gestion exclusive.
    • Par ailleurs, il est indifférent que l’acte accompli soit un acte d’administration ou de disposition. Le texte vise les actes de toute nature.
  • La sauvegarde judiciaire ( 220-1 C. civ.)
    • L’article 220-1 du Code civil prévoit que « si l’un des époux manque gravement à ses devoirs et met ainsi en péril les intérêts de la famille, le juge aux affaires familiales peut prescrire toutes les mesures urgentes que requièrent ces intérêts. »
    • Il ressort de cette disposition que, en cas de manquement grave d’un époux à ses obligations et devoirs son conjoint peut saisir le juge aux fins de restreindre ses pouvoirs.
    • Par grave, il faut entendre un manquement qui met en péril les intérêts de la famille.
    • Lorsque cette condition est remplie, le juge pourra prononcer toute mesure urgente visant à empêcher à ce qu’il soit porté atteinte à l’intérêt de la famille.
    • L’alinéa 2 du texte précise qu’il peut s’agir d’interdire à un époux de faire, sans le consentement de l’autre, des actes de disposition sur ses propres biens ou sur ceux de la communauté, meubles ou immeubles.
    • Il peut aussi interdire le déplacement des meubles et plus généralement de tout acte d’administration et de disposition.
    • La liste n’étant pas exhaustive, il peut encore être demandé par un époux la nomination d’un administrateur qui aura pour mission de régler la situation de crise, à tout le moins d’accomplir tous les actes utiles visant à permettre le fonctionnement du ménage.
    • En tout état de cause, les mesures de sauvegarde prononcées par le juge ont nécessairement un caractère temporaire puisqu’elles sont limitées à trois.
    • Si la difficulté persiste au-delà de ce délai, il appartiendra au couple d’en tirer toutes les conséquences en engageant, par exemple, une procédure de divorce ou de séparation de corps.

[1] F. Terré, op. préc., n°325, p. 299.

[2] Ph. Malaurie et H. Fulchiron, op. préc., n°106, p. 53.

[3] En vertu de l’article 1088 du Code civil « toute donation faite en faveur du mariage sera caduque si le mariage ne s’ensuit pas ».

[4] L’article 515-8 du Code civil dispose que « le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ».

[5] Si, le législateur a inséré une définition du concubinage dans le Code civil c’est surtout pour mettre fin à la position de la Cour de cassation qui, de façon constante, refusait de qualifier l’union de deux personnes de même sexe de concubinage (Cass. soc., 11 juill. 1989, deux arrêts : Gaz. Pal. 1990, 1, p. 217, concl. Dorwling-Carter ; JCP G 1990, II, 21553, note Meunier ; Cass. Civ. 3e, 17 décembre 1997 : D. 1998, jurispr. p. 111, concl. J.-F. Weber et note J.-L. Aubert ; JCP G 1998, II, 10093, note A. Djigo).

[6] Cass. 1re civ., 19 mars 1991 : Defrénois 1991, p. 942, obs. J. Massip ; Cass. 1re civ., 17 oct. 2000 : Dr. famille 2000, comm. 139, note B. Beignier.

[7] En matière fiscale, pour ce qui concerne l’assiette de l’ISF, les concubins sont assimilés à des époux. Il en va de même en matière de protection sociale où le concubin est considéré comme un ayant du droit de celui qui bénéficie de l’affiliation à la sécurité sociale.

[8] P. Simler et P. Hilt, « Le nouveau visage du Pacs : un quasi -mariage », JCP G, 2006, 1, p. 161.

[9] Article 515-1.

La gestion d’affaires: vue générale

Sauf à être frappée d’une incapacité d’exercice (minorité, tutelle, curatelle, sauvegarde de justice etc.), il est de principe que toute personne qui jouit de la pleine capacité juridique est souveraine quant à assurer la gestion de ses intérêts.

Aussi est-il fait interdiction aux tiers de s’immiscer dans les affaires d’autrui, une intervention intempestive étant susceptible d’engager la responsabilité civile, voire pénale de son auteur.

Il est des cas néanmoins où une personne peut être empêchée d’agir, alors même que la gestion de ses affaires requerrait une intervention immédiate, intervention sans laquelle la préservation de ses intérêts s’en trouverait menacée.

L’exemple retenu classiquement pour illustrer la situation est celui d’une personne témoin d’un danger (incendie, fuite de gaz, affaissement etc) qui menace la maison de son voisin absent.

S’il n’intervient pas en urgence, il est un risque, sinon une certitude que le sinistre qui est sur le point de se produire n’endommage irrémédiablement l’immeuble.

Deux approches de la situation peuvent alors être envisagées :

  • L’approche individualiste
    • Si l’on retient une approche purement individualiste de la situation, il y a lieu de considérer que, en application du principe d’indépendance juridique des individus, il est fait interdiction à quiconque d’intervenir.
    • Une intrusion délibérée dans les lieux s’apparenterait, au mieux à une immixtion fautive dans les affaires du propriétaire, au pire à une violation de domicile.
  • L’approche sociale
    • Si l’on adopte une approche sociale, l’initiative de la personne qui intervient spontanément doit être approuvée car visant à prévenir un dommage imminent.
    • Son intervention doit ainsi être regardée comme un acte de bienveillance puisque procédant d’une volonté désintéressée de rendre service à son voisin dans la gestion de ses affaires.

À l’examen, le législateur a opté pour une approche intermédiaire en instituant le mécanisme de la gestion d’affaires.

Ainsi que le relève un Philippe le Tourneau « le droit positif n’a omis aucun de ces deux visages de la gestion d’affaires, en adoptant via media, c’est-à-dire un régime en demi-teinte, pour ne pas encourager les interventions intempestives, sans pour autant décourager les interventions utiles ».

Tout est affaire d’équilibre, celui-ci étant assuré, d’un côté, par l’instauration de conditions restrictives de mise en œuvre de la gestion d’affaires et, d’un autre côté, par la création d’obligations qui pèsent sur la tête de celui qui profite de l’intervention utile d’autrui.

Ceci étant posé, il convient d’aborder désormais la notion de gestion d’affaires, telle qu’envisagée par les textes.

?Notion

La gestion d’affaires est définie à l’article 1301 du Code civil comme le fait de « celui qui, sans y être tenu, gère sciemment et utilement l’affaire d’autrui, à l’insu ou sans opposition du maître de cette affaire ».

Il s’agit autrement dit pour une personne, que l’on appelle le gérant d’affaires, d’intervenir spontanément dans les affaires d’autrui, le maître de l’affaire ou le géré, aux fins de lui rendre un service.

La particularité de la gestion d’affaires est qu’elle suppose qu’une personne ait agi pour le compte d’un tiers et dans son intérêt, ce, sans avoir été mandaté par celui-ci, ni qu’il en ait été tenu informé.

Ainsi qu’il l’a été dit, cette situation se rencontre, par exemple, lorsqu’une personne, souhaitant rendre un service à ami ou à un voisin absent, entreprend d’effectuer une réparation urgente sur ses biens.

Il peut encore s’agir d’organiser les obsèques d’une personne décédée sans héritier connu, de porter secours à la victime d’un accident prisonnier d’un véhicule en flamme ou encore de recueillir et de soigner un animal domestique égaré.

Schématiquement, la gestion d’affaires se décompose en deux temps :

  • Premier temps
    • Immixtion du gérant dans les affaires d’autrui, charge à lui d’accomplir, en bon père de famille, tous les actes utiles jusqu’à ce que le maître de l’affaire ou ses ayants droits soit en capacité d’y pourvoir lui-même.
  • Second temps
    • Indemnisation du gérant par le maître des dépenses exposées pour la gestion, pourvu que l’affaire ait été utile et bien gérée

Cette configuration n’est pas sans rapprocher la gestion d’affaires d’autres figures juridiques.

?Distinctions

La gestion d’affaires doit être distinguée du mandat, de la stipulation pour autrui et de l’enrichissement injustifié.

  • Gestion d’affaires et mandat
    • Si la gestion d’affaires consiste, comme le mandat, à réaliser une action pour autrui, elle s’en distingue sur deux points.
      • Première différence
        • Tandis que le mandat est le produit d’un accord de volontés, la gestion d’affaires procède d’une initiative spontanée du gérant d’affaire qui va intervenir sans en avoir reçu l’ordre du maître de l’affaire.
        • Aussi, tandis que les obligations qui échoient au mandataire naissent de l’accomplissement d’un acte juridique, celles qui pèsent sur le gérant de l’affaire prennent leur source dans un fait purement volontaire.
      • Seconde différence
        • Tandis que le mandat ne peut avoir pour objet que des actes juridiques (conservatoires, d’administration et de disposition), la gestion d’affaires peut donner lieu à l’accomplissement d’actes matériels.
        • Ces actes matériels peuvent consister à surveiller une compétition sportive, conserver une chose égarée ou encore porter secours à une personne.
  • Gestion d’affaires et stipulation pour autrui
    • À l’instar de la stipulation pour autrui, la gestion d’affaires a pour effet de conférer des droits à autrui.
    • Pour mémoire, la stipulation pour autrui est un contrat par lequel une partie appelée le stipulant, obtient d’une autre, appelée le promettant, l’engagement qu’elle donnera ou fera, ou ne fera pas quelque chose au profit d’un tiers appelé le bénéficiaire.
    • Bien que, assez proche, la gestion d’affaires se différencie de la stipulation pour autrui sur deux points :
      • Première différence
        • La stipulation pour autrui procède de la conclusion d’un contrat entre le stipulant et le promettant alors que la gestion d’affaires est une source autonome d’obligation.
        • En effet, les droits conférés au maître de l’affaire procèdent, non pas d’un contrat, mais d’un fait volontaire consistant en l’intervention spontanée du gérant de l’affaire
      • Seconde différence
        • Tandis que la stipulation pour autrui ne peut conférer que des droits au bénéficiaire, la gestion d’affaire peut être source d’obligations pour le maître de l’affaire.
        • Ce dernier devra notamment indemniser le gérant de l’affaire pour les frais exposés dans son intérêt.
  • Gestion d’affaires et enrichissement injustifié
    • Tant la gestion d’affaires que l’enrichissement injustifié (ou sans cause) visent à rétablir un équilibre injustement rompu entre deux patrimoines.
    • Ces deux figurent juridiques reposent, au fond, sur l’idée que l’équité commande que la personne qui est intervenu spontanément dans l’intérêt d’autrui, puisse être indemnisé par ce dernier des dépenses qu’il a été amené à effectuer.
    • Là encore la gestion d’affaires et l’enrichissement injustifiés, bien que poursuivant un objectif commun, se distinguent sur deux points :
      • Première différence
        • Le rétablissement de l’équilibre patrimonial injustement rompu n’a pas la même cause selon qu’il s’agit de la gestion d’affaire ou de l’enrichissement injustifié.
          • La gestion d’affaires repose sur la caractérisation d’un élément subjectif, en ce sens qu’il s’agira d’établir la volonté du gérant d’intervenir dans les affaires d’autrui
          • L’enrichissement injustifié repose, au contraire, sur la caractérisation d’un élément objectif, soit sur la démonstration d’une corrélation entre l’enrichissement d’un patrimoine au détriment d’un autre.
        • En matière d’enrichissement injustifié, il est donc indifférent que l’enrichissement ait ou non pour origine une volonté d’agir, ce qui n’est pas le cas de la gestion d’affaires dont l’élément central est la volonté du maître d’intervenir sciemment dans les affaires d’autrui.
      • Seconde différence
        • En matière d’enrichissement injustifié, non seulement, l’indemnisation de la personne qui s’est appauvri est plafonnée par un double montant (plus forte des deux sommes entre l’enrichissement et l’appauvrissement), mais encore l’enrichissement doit avoir subsisté au moment où l’action de in rem verso est introduite.
        • En matière de gestion d’affaires il échoit au maître de l’affaire de rembourser le gérant à hauteur de toutes les sommes utilement exposées, ce quand bien même il n’en aurait retiré aucun profit.

?Origine

La gestion d’affaire est loin d’être une création des rédacteurs du Code civil. Il s’agit là d’une figure juridique, comme beaucoup d’autres, héritée du droit romain.

Celui-ci était riche de deux actions susceptibles d’être exercées, soit par le gérant, soit par le maître de l’affaire. L’action negotiorum gestorum contrario était conférée au gérant, tandis que l’action negotiorum gestorum directa pouvait être exercée par le maître de l’affaire.

Ces deux actions étaient calquées sur les règles du mandat, raison pour laquelle la gestion d’affaires est parfois qualifiée de quasi-mandat.

L’analogie entre les deux dispositifs obligationnels explique le régime actuel de la gestion d’affaires. Elle se distingue néanmoins du mandat sur un point essentiel : elle procède, non pas d’un accord de volontés, mais d’un fait juridique purement volontaire, ce qui fait d’elle un quasi-contrat.

?Nature

La gestion d’affaires est envisagée dans une partie du Code civil consacrée « aux autres sources d’obligations ».

Ainsi que le précise le Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, cette partie du Code napoléonien qui suit, un sous-titre Ier consacré au contrat et un sous-titre II qui traite de la responsabilité extracontractuelle ne porte pas, à proprement parler sur toutes les autres sources d’obligations (telles que la loi ou l’engagement unilatéral de volonté), mais seulement sur les quasi-contrats connus en droit positif.

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par quasi-contrat, la gestion d’affaires relevant manifestement de cette catégorie d’obligations.

  • Définition
    • Les quasi-contrats sont définis à l’article 1300 C. civ (ancien art 1371 C. civ.) comme « des faits purement volontaires dont il résulte un engagement de celui qui en profite sans y avoir droit, et parfois un engagement de leur auteur envers autrui ».
    • Il s’agit autrement dit, du fait spontané d’une personne, d’où il résulte un avantage pour un tiers et un appauvrissement de celui qui agit.
    • Au nom de l’équité, la loi rétablit l’équilibre injustement rompu en obligeant le tiers à indemniser celui qui, par son intervention, s’est appauvri.
  • Différence avec le contrat
    • Tandis que le contrat est le produit d’un accord de volontés, le quasi-contrat naît d’un fait volontaire licite
      • Ainsi la formation d’un quasi-contrat, ne suppose pas la rencontre des volontés entre les deux « parties », comme tel est le cas en matière de contrat.
    • Les obligations qui naissent d’un quasi-contrat sont un effet de la loi et non un produit de la volonté.
  • Différence avec le délit et le quasi-délit
    • Contrairement au délit ou au quasi-délit, le quasi-contrat est un fait volontaire non pas illicite mais licite, en ce sens qu’il ne constitue pas une faute civile.
    • Le fait générateur d’un quasi-contrat ne permet donc pas d’engager la responsabilité de son auteur.
    • Leur point commun est que les effets de droits attachés au quasi-contrat et au délit/quasi-délit procèdent de la loi et non d’un accord entre les personnes intéressées qui, par hypothèse, fait défaut.

La gestion d’affaires relève donc de la catégorie des quasi-contrats. Il en résulte deux conséquences immédiates :

  • Tout d’abord, il ne peut être recouru à la figure juridique de la gestion d’affaires qu’à titre subsidiaire, soit dans l’hypothèse où aucun contrat n’a été conclu entre le maître de l’affaire et le gérant.
  • Ensuite, parce que les obligations attachées à la gestion d’affaires ne procèdent pas de l’accomplissement d’un acte juridique, mais d’un fait, la preuve est libre et se rapporte donc par tous moyens, nonobstant l’accomplissement d’actes juridiques par le gérant dans le cadre de son intervention (V. en ce sens Cass. civ. 19 mars 1845).

?Réforme des obligations

Sous l’empire du droit antérieur, la gestion d’affaires était régie avec le paiement de l’indu, autre forme de quasi-contrat, par les articles 1371 à 1381 du code civil.

L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 a transféré la gestion d’affaires aux articles 1301 à 1301-5.

À l’analyse, l’intervention du législateur s’est limitée à un toilettage des textes, la principale innovation consistant à étendre les obligations du gérant qui doit désormais « remplir les engagements contractés dans son intérêt par le gérant », alors que, auparavant, il ne devait reprendre que les engagements « contractés en son nom ».

En tout état de cause, la gestion d’affaires ne peut être invoquée qu’à la condition de satisfaire à plusieurs conditions cumulatives. Une fois ces conditions remplies, elle produit un certain nombre d’effets spécifiques, tant à l’égard à l’égard du gérant et du maître, qu’à l’égard des tiers.

Les effets attachés à l’extinction de l’usufruit: la restitution de la chose et le règlement des comptes

L’extinction de l’usufruit emporte deux conséquences :

  • La restitution de la chose
  • Le règlement des comptes

A) La restitution de la chose

  1. Principe

==> Droit commun

La première obligation qui échoit à l’usufruitier à l’expiration de son droit consiste à restituer la chose soumise à l’usufruit au nu-propriétaire

Cette restitution doit, en principe, intervenir en nature. Elle doit alors être restituée dans l’état où elle se trouvait au moment de la délivrance, et plus précisément tel que décrit dans l’inventaire qui a été dressé en application de l’article 600 du Code civil.

À défaut d’inventaire, notamment dans le cas d’une dispense, il appartiendra au nu-propriétaire de prouver que l’état dans lequel le bien lui est restitué ne correspond pas à celui dans lequel il se trouvait au jour de sa délivrance.

==> Cas particulier de l’universalité de biens

Lorsque l’usufruit porte sur une universalité de biens, il convient de distinguer selon que cette universalité est de droit ou de fait

  • L’usufruit d’une universalité de fait
    • Dans cette hypothèse, l’usufruit porte sur un ensemble de biens unis par une même finalité économique.
    • Tel est le cas notamment du fonds de commerce qui regroupe l’ensemble des biens nécessaires à l’exploitation d’une activité commerciale déterminée.
    • Lorsque l’usufruit porte sur une universalité de fait, le droit dont est investi l’usufruitier a pour assiette, non pas les biens qui la composent, mais l’ensemble constitué par ces biens, soit le tout.
    • Il en résulte que l’usufruitier est seulement tenu de conserver l’universalité, prise dans sa globalité : il ne peut pas en disposer, ni la détruire.
    • Il ne s’agit donc pas d’un quasi-usufruit, mais bien d’un usufruit ordinaire.
    • Appliqué au fonds de commerce, cela signifie que, à l’expiration de l’usufruit, l’usufruitier devra restituer un fonds de commerce de valeur équivalente.
    • Pendant toute la durée de l’usufruit, il est, en revanche, libre de disposer de chacun des éléments qui composent le fonds de commerce (machines, outils, marchandises, matières premières etc.)
    • L’usufruitier est ainsi autorisé à accomplir tous les actes de nécessaires à l’exploitation de l’activité commerciale (achat et vente de marchandises etc.)
    • À cet égard, c’est lui qui percevra les bénéfices tirés de l’exploitation du fonds, tout autant que c’est lui qui endossera la qualité de commerçant et qui, à ce titre, sera soumis à l’obligation d’immatriculation.
  • L’usufruit d’une universalité de droit
    • Dans cette hypothèse, l’usufruit porte sur une masse de biens qui, de nature et d’origine diverses, et matériellement séparés, ne sont réunis par la pensée qu’en considération du fait qu’ils appartiennent à une même personne
    • Autrement dit, l’usufruit a ici pour objet un patrimoine ou une fraction de patrimoine.
    • Selon le cas, il sera qualifié d’usufruit à titre universel ou d’usufruit à titre particulier.
    • Cette forme d’usufruit se rencontre le plus souvent consécutivement à une dévolution successorale ou testamentaire.
    • Lorsqu’il porte sur un patrimoine, la portée de l’usufruit est radicalement différente de la situation où il a pour objet une universalité de fait.
    • En effet, l’assiette du droit de l’usufruitier est constituée par l’ensemble des biens qui composent le patrimoine et non par le patrimoine pris dans sa globalité.
    • La conséquence en est que, si l’usufruitier peut jouir des biens qui relèvent de l’assiette de son droit, il lui est fait interdiction d’en disposer, sauf à ce que, au nombre de ces biens, figurent des choses consomptibles auquel cas il sera autorisé à les restituer en valeur.
    • Pour les autres biens, non-consomptibles, il devra les restituer au nu-propriétaire dans le même état que celui dans lequel ils se trouvaient au jour de la délivrance

2. Exceptions

==> La restitution de la chose par équivalent

Il est des cas où la restitution de la chose ne pourra pas intervenir en nature. Il en va ainsi lorsque soit la chose est consomptible, soit elle a été perdue.

  • La chose est consomptible
    • Les choses consomptibles sont celles qui se consomment par le premier usage, en ce sens qu’elles disparaissent à mesure de l’utilisation que l’on en fait.
      • Exemple: l’argent, des aliments, une cartouche d’encre etc.
    • À l’évidence, lorsque l’usufruit porte sur une chose consomptible, cette situation soulève une difficulté qui tient à la fonction même de l’usufruit.
    • Il est, en effet, de principe que l’usufruit ne confère à l’usufruitier qu’un droit d’usage sur la chose, de sorte qu’il ne peut pas en disposer.
    • Si l’in appliquait cette règle strictement aux choses consomptibles, cela reviendrait à priver l’usufruitier d’en jouir et donc de vider le droit réel dont il est titulaire de sa substance.
    • C’est la raison pour laquelle, par exception, l’usufruitier est autorisé à disposer de la chose, telle le véritable propriétaire (on parle alors de quasi-usufruit).
    • L’article 587 du Code civil prévoit en ce sens que « si l’usufruit comprend des choses dont on ne peut faire usage sans les consommer, comme l’argent, les grains, les liqueurs, l’usufruitier a le droit de s’en servir, mais à la charge de rendre, à la fin de l’usufruit, soit des choses de même quantité et qualité soit leur valeur estimée à la date de la restitution».
    • En contrepartie du droit de jouir d’une chose consomptible, l’usufruitier a donc l’obligation de restituer, à l’expiration de l’usufruit, soit une chose de même qualité et de même quotité, soit son équivalent en argent.
  • La chose a été perdue
    • Lorsque cette situation se présente, par hypothèse, la chose ne peut pas être restituée au nu-propriétaire.
    • Il est donc fondé à réclamer une restitution par équivalent, laquelle prendra la forme de dommages et intérêts
    • Une indemnisation sera également due en cas de détérioration de la chose imputable à l’usufruitier ou à la personne dont il répond
    • Afin d’évaluer la valeur de la chose, il conviendra de se reporter à l’inventaire qui devrait comporter une estimation de sa valeur

==> La restitution de la chose en l’état

L’article 589 du Code civil dispose que « si l’usufruit comprend des choses qui, sans se consommer de suite, se détériorent peu à peu par l’usage, comme du linge, des meubles meublants, l’usufruitier a le droit de s’en servir pour l’usage auquel elles sont destinées, et n’est obligé de les rendre à la fin de l’usufruit que dans l’état où elles se trouvent, non détériorées par son dol ou par sa faute. »

Ainsi, lorsque la détérioration procède d’un usage normal de la chose, il n’y a pas lieu pour l’usufruitier à indemniser le nu-propriétaire.

On considère ici qu’elle se serait autant détériorée si elle avait été entre ses mains. Si toutefois cette détérioration résulte d’un manquement imputable à l’usufruitier qui n’aurait pas joui de la chose comme un bon père de famille, il sera redevable de dommages et intérêts à l’égard du nu-propriétaire.

==> L’absence de restitution de la chose

L’article 607 du Code civil prévoit que « ni le propriétaire, ni l’usufruitier, ne sont tenus de rebâtir ce qui est tombé de vétusté, ou ce qui a été détruit par cas fortuit. »

Lorsqu’ainsi la détérioration de la chose est due à un événement indépendant de la volonté de l’usufruitier (phénomène naturel, guerre, grève etc.) il ne doit aucune indemnité au nu-propriétaire et inversement.

B) Le règlement des comptes

À l’expiration de l’usufruit, il conviendra de procéder à un règlement des comptes afin de déterminer ce que doit l’usufruitier au nu-propriétaire et ce qui lui est dû

1. S’agissant des dettes de l’usufruitier

À l’expiration de l’usufruit, le nu-propriétaire est en droit de réclamer à l’usufruitier :

  • Les indemnités dues en réparation de la détérioration fautive de la chose ( 618 C. civ.)
  • Les intérêts charges extraordinaires au nombre desquelles figurent les frais de bornage, de clôture ( 609 C. civ.)
  • Restitution des fruits civils perçus postérieurement à l’expiration de l’usufruit ( 586 C. civ.)

2. S’agissant des créances de l’usufruitier

==> Principe général

À l’expiration de son droit, l’usufruitier est susceptible de solliciter auprès du nu-propriétaire le remboursement :

  • Du montant réglé au titre des grosses réparations, dans la limite de la plus-value apportée à l’immeuble
  • Des avances effectuées au titre des charges extraordinaires

==> Sort des dépenses d’amélioration

Il peut être précisé que lorsque l’usufruitier a entrepris des travaux d’amélioration, les dépenses engagées demeurent à la charge de l’usufruitier.

Par amélioration, il faut entendre tous les travaux qui ne se justifient pas par la conservation du bien et qui visent, au contraire, à lui apporter une plus-value.

L’article 599, al. 2e du Code civil prévoit en ce sens que « l’usufruitier ne peut, à la cessation de l’usufruit, réclamer aucune indemnité pour les améliorations qu’il prétendrait avoir faites, encore que la valeur de la chose en fût augmentée. »

Dans un arrêt du 12 juin 2012 la Cour de cassation elle a fait une application de la règle ainsi énoncée en jugeant que « l’usufruitier n’est tenu qu’aux réparations d’entretien et que les grosses réparations demeurent à la charge du propriétaire, à moins qu’elles n’aient été occasionnées par le défaut de réparations d’entretien, depuis l’ouverture de l’usufruit, auquel cas l’usufruitier en est aussi tenu ; que ce dernier ne peut, à la cessation de l’usufruit, réclamer aucune indemnité pour les améliorations qu’il prétendrait avoir faites, encore que la valeur de la chose en fût augmentée » (Cass. com. 12 juin 2012, n°n° 11-11424).

L’objectif recherché ici est d’éviter tout contentieux sur l’estimation de la plus-value réalisée et de protéger le nu-propriétaire de dépenses dispendieuses qui pourraient être engagées par l’usufruitier, celui-ci pouvant être encouragé par la perspective d’être intégralement indemnisé à l’expiration de son droit. Ce sera là une charge très lourde qui pourrait être imposée au nu-propriétaire, alors même qu’il n’a rien demandé, ni n’a été en mesure d’y consentir.

Pour c’est raison, il est constant en jurisprudence que les dépenses d’amélioration demeurent à la charge du seul usufruitier.

Cette position n’est pas sans faire l’objet de critiques dans la mesure où cela revient :

  • D’une part, à admettre un cas d’enrichissement sans cause, ce en contravention avec l’article 1303 du Code civil
  • D’autre part, à placer l’usufruitier dans une situation bien moins avantageuse que le possesseur de mauvaise foi qui, en application de l’article 555, al. 3 du Code civil, est fondé à obtenir une indemnité lorsqu’il a édifié une construction sur le fonds qu’il occupe et que le propriétaire décide d’exercer son droit à la conserver

Malgré ces critiques, la jurisprudence est demeurée intransigeante. Elle a notamment refusé de distinguer, ainsi que cela avait été suggéré, de distinguer selon que la défense engagée vise à améliorer le bien soumis à usufruit ou à en acquérir un nouveau.

La Cour de cassation considère que cette règle s’applique en tout état de cause, y compris lorsque l’amélioration du bien consiste en l’édification d’une construction/

Dans un arrêt du 4 novembre 1885, elle a par exemple jugé que « suivant l’esprit de [l’article 599], on ne doit considérer comme améliorations soit les constructions ayant pour effet d’achever un bâtiment commencé, ou bien d’agrandir un édifice préexistant » (Cass. req. 4 nov. 1885).

Dans un arrêt du 19 septembre 2012 la troisième chambre civile a précisé « qu’il n’existait aucun enrichissement pour la nue-propriétaire qui n’entrera en possession des constructions qu’à l’extinction de l’usufruit, l’accession n’a pas opéré immédiatement au profit du nu-propriétaire du sol » (Cass. 3e civ. 19 sept. 2012, n°11-15460).

Seule limite à la règle ainsi posée : l’alinéa 3 de l’article 599 du Code civil autorise l’usufruitier à « enlever les glaces, tableaux et autres ornements qu’il aurait fait placer, mais à la charge de rétablir les lieux dans leur premier état. »

Usufruit: le droit de percevoir les fruits

L’usufruit ne confère pas seulement à l’usufruitier le droit de faire usage de la chose, il lui confère également le droit d’en jouir.

Par jouissance de la chose, il faut entendre le pouvoir de percevoir les revenus que le bien lui procure.

Pour l’usufruitier d’un immeuble, il s’agira de percevoir les loyers réglés par son locataire. Pour l’épargnant, il s’agira de percevoir les intérêts produits par les fonds placés sur un livret. Pour l’exploitant agricole, il s’agira de récolter le blé, le maïs ou encore le sésame qu’il a cultivé.

L’article 582 du Code civil prévoit en ce sens que « l’usufruitier a le droit de jouir de toute espèce de fruits, soit naturels, soit industriels, soit civils, que peut produire l’objet dont il a l’usufruit. »

Immédiatement, il convient alors de préciser ce que l’on doit entendre par « fruits », lesquels doivent être distingués des « produits. »

I) Distinction en les fruits et les produits

L’une des exploitations d’un bien peut consister à tirer profit de la création, à partir de celui-ci, d’un nouveau bien. Ainsi, un arbre procure-t-il des fruits, un immeuble donné à bail des loyers et une carrière des pierres.

La question qui a lors se pose est de savoir si tous ces nouveaux biens créés dont tire profit le propriétaire sont appréhendés par le droit de la même manière.

La réponse est non, en raison d’une différence physique qu’il y a lieu de relever entre les différents revenus qu’un bien est susceptible de procurer à son propriétaire.

En effet, il est des cas où la création de biens dérivés supposera de porter atteinte à la substance du bien originaire (extraction de pierre d’une carrière), tandis que dans d’autres cas la substance de ce bien ne sera nullement altérée par la production d’un nouveau bien.

Ce constat a conduit à distinguer les fruits que procure la chose au propriétaire des produits, l’intérêt de la distinction étant réel, notamment en cas de démembrement du droit de propriété.

  • Exposé de la distinction
    • Les fruits
      • Les fruits correspondent à tout ce que la chose produit périodiquement sans altération de sa substance.
      • Tel est le cas des loyers produits par un immeuble loué, des fruits d’un arbre ou encore des bénéfices commerciaux tirés de l’exploitation d’une usine.
      • Classiquement, on distingue trois catégories de fruits :
        • Les fruits naturels
          • L’article 583, al. 1er du Code civil prévoit que « les fruits naturels sont ceux qui sont le produit spontané de la terre. Le produit et le croît des animaux sont aussi des fruits naturels. »
          • Il s’agit autrement dit des fruits produits par la chose spontanément sans le travail de l’homme
          • Exemple : les champignons des prés, les fruits des arbres sauvages
        • Les fruits industriels
          • L’article 583, al. 2e prévoit que « les fruits industriels d’un fonds sont ceux qu’on obtient par la culture. »
          • Il s’agit donc des fruits dont la production procède directement du travail de l’homme.
          • Exemple: les récoltes sur champs, les coupes de bois taillis, bénéfices réalisés par une entreprise
        • Les fruits civils
          • L’article 584 al. 1er prévoit que « les fruits civils sont les loyers des maisons, les intérêts des sommes exigibles, les arrérages des rentes. »
          • L’alinéa 2 précise que « les prix des baux à ferme sont aussi rangés dans la classe des fruits civils. »
          • Il s’agit donc des revenus périodiques en argent dus par les tiers auxquels la jouissance de la chose a été concédée
          • Exemple: les loyers d’un immeuble donné à bail ou encore les intérêts d’une somme argent prêtée
        • Pour être un fruit, le bien créé à partir d’un bien originaire, il doit donc remplir deux critères :
          • La périodicité (plus ou moins régulière)
          • La conservation de la substance de la chose dont ils dérivent.
        • Ainsi que l’exprimait le Doyen Carbonnier, « c’est parce qu’il [le fruit] revient périodiquement et qu’il ne diminue pas la substance du capital que le fruit se distingue du produit».
    • Les produits
      • Les produits correspondent à tout ce qui provient de la chose sans périodicité, mais dont la création en altère la substance
      • Tel est le cas des pierres et du minerai que l’on extrait d’une carrière ou d’une mine
      • Ainsi que l’ont fait remarquer des auteurs « quand on perçoit des fruits, on perçoit seulement des revenus, tandis que quand on perçoit les produits d’une chose, on perçoit une fraction du capital, qui se trouve ainsi entamé»[2].
      • Lorsque la perception des revenus tirés de la chose ne procédera pas d’une altération de sa substance, il conviendra de déterminer si cette perception est périodique ou isolée.
      • Tandis que dans le premier, il s’agira de fruits, dans le second, on sera en présence de produits.
      • Ainsi, s’agissant d’une carrière exploitée sans discontinuité, les pierres extraites seront regardées comme des fruits et non comme des produits, la périodicité de la production couvrant l’altération de la substance.
      • Il en va de même pour une forêt qui aurait été aménagée en couples réglées : les arbres abattus quittent leur état de produits pour devenir des fruits.
  • Intérêt de la distinction
    • La distinction entre les fruits et les produits n’est pas sans intérêt sur le plan juridique.
    • En effet, alors que les fruits reviennent à celui qui a la jouissance de la chose, soit l’usufruitier, les produits, en ce qu’ils sont une composante du capital, appartiennent au nu-propriétaire.

Manifestement, la qualification de fruit ou de produit du revenu généré par la chose est d’importance, car elle détermine qui du nu-propriétaire ou de l’usufruitier en bénéficiera.

Si, en principe, cette qualification est prédéterminée par la nature de la chose, il est des cas où elle dépend de la volonté du propriétaire qui selon l’exploitation qu’il en fait pourra en retirer, tantôt des fruits, tantôt des produits.

Illustration est faite de cette possibilité dans le code civil qui distingue selon que sont présents sur un fonds soumis à usufruit des arbres de haute futaie des forêts ou des bois taillis.

  • S’agissant des bois taillis
    • Il s’agit des arbres qui ont vocation à être coupés à échéance périodique avant qu’ils n’atteignent leur pleine maturité pour qu’ils se développent à nouveau à partir de leur souche
    • Cette périodicité de la coupe des bois taillis leur confère la qualité de fruit : ils reviennent donc au seul usufruitier
    • À cet égard, l’article 590, al.1er du Code civil précise « si l’usufruit comprend des bois taillis, l’usufruitier est tenu d’observer l’ordre et la quotité des coupes, conformément à l’aménagement ou à l’usage constant des propriétaires ; sans indemnité toutefois en faveur de l’usufruitier ou de ses héritiers, pour les coupes ordinaires, soit de taillis, soit de baliveaux, soit de futaie, qu’il n’aurait pas faites pendant sa jouissance»
    • L’alinéa 2 ajoute que l’usufruitier doit se conformer aux usages des lieux pour le remplacement
  • S’agissant des arbres de haute futaie des forêts
    • Principe
      • Contrairement aux bois taillis, les arbres de haute futaie des forêts sont ceux qui sont laissés en place pour qu’ils atteignent leur pleine maturité
      • Ils n’ont donc pas vocation à être coupés à échéance périodique ce qui fait d’eux des produits
      • Aussi reviennent-ils au nu-propriétaire et non à l’usufruitier qui ne peut y toucher.
      • Tout au plus l’article 592 du Code civil autorise l’usufruitier à « employer, pour faire les réparations dont il est tenu, les arbres arrachés ou brisés par accident ; il peut même, pour cet objet, en faire abattre s’il est nécessaire, mais à la charge d’en faire constater la nécessité avec le propriétaire. »
    • Exception
      • L’article 591 du Code civil envisage un cas où les arbres de haute futaie peuvent être qualifiés de fruits : lorsqu’ils sont aménagés et plus précisément lorsqu’ils sont soumis à une coupe réglée.
      • Dans cette hypothèse, ils reviennent à l’usufruitier et non au nu-propriétaire
      • Le texte prévoit en ce sens que « l’usufruitier profite encore […] des parties de bois de haute futaie qui ont été mises en coupes réglées, soit que ces coupes se fassent périodiquement sur une certaine étendue de terrain, soit qu’elles se fassent d’une certaine quantité d’arbres pris indistinctement sur toute la surface du domaine. »
      • Cette prérogative conférée à l’usufruitier est toutefois subordonnée au respect par lui de l’exigence de se conformer « aux époques et à l’usage des anciens propriétaires».
      • Dans le prolongement de cette faculté consenti à titre dérogatoire à l’usufruitier sur les arbres de haute futaie, l’article 593 du Code civil prévoit que « il peut prendre, dans les bois, des échalas pour les vignes ; il peut aussi prendre, sur les arbres, des produits annuels ou périodiques ; le tout suivant l’usage du pays ou la coutume des propriétaires».

Enfin, l’article 594 du Code civil envisage le sort des arbres fruitiers présents sur le fonds soumis à l’usufruit.

Le texte prévoit que « les arbres fruitiers qui meurent, ceux mêmes qui sont arrachés ou brisés par accident, appartiennent à l’usufruitier, à la charge de les remplacer par d’autres. »

II) L’acquisition des fruits

==> Le moment d’acquisition des fruits

L’article 604 du Code civil dispose que « le retard de donner caution ne prive pas l’usufruitier des fruits auxquels il peut avoir droit ; ils lui sont dus du moment où l’usufruit a été ouvert. »

Il ressort de cette disposition que l’usufruitier peut percevoir les fruits produits par la chose à compter du moment où son droit est ouvert.

La question qui alors se pose est de savoir à quel moment s’opère cette ouverture du droit de l’usufruitier ?

À l’examen, il convient de distinguer selon que l’usufruit est d’origine légale, conventionnelle, testamentaire ou judiciaire.

  • L’usufruit d’origine légale
    • Dans cette hypothèse, pour déterminer la date d’ouverture du droit de l’usufruitier de percevoir les fruits, il convient de se reporter au point de départ fixé par la loi.
    • Ainsi, le droit du conjoint survivant qui est susceptible d’opter en présence d’enfants communs pour l’usufruit de la totalité des biens du de cujus s’ouvre à compter du décès de ce dernier
    • S’agissant du droit de jouissance légal des parents sur les biens de leur enfant il naît à compter du jour de l’acquisition du bien
  • L’usufruit conventionnel
    • Dans cette hypothèse, c’est la volonté des parties qui détermine le point de départ de l’usufruit.
    • À défaut, le droit de l’usufruitier est réputé être ouvert à compter du jour de la conclusion du contrat, soit de la régularisation de l’acte.
  • L’usufruit judiciaire
    • Dans cette hypothèse, c’est le juge qui, en octroyant à une partie, un droit d’usufruit, fixera son point de départ.
    • Lorsque, par exemple, l’usufruit sera constitué dans le cadre de l’octroi d’une prestation compensatoire, le droit du bénéficiaire prendra le plus souvent effet au jour de prononcé du jugement
  • L’usufruit testamentaire
    • Dans cette hypothèse, il convient de distinguer selon que l’usufruit est consenti à un légataire universel ou à un légataire à titre particulier.
      • L’usufruit consenti à un légataire universel ou à titre universel
        • Pour rappel, le légataire universel est celui qui se voit léguer l’universalité des biens du testateur, soit l’ensemble de son patrimoine ( 1003 C. civ.)
        • Quant au légataire à titre universel il s’agit de la personne qui recueille une quote-part des biens dont la loi permet au testateur de disposer, telle qu’une moitié, un tiers, ou tous ses immeubles, ou tout son mobilier, ou une quotité fixe de tous ses immeubles ou de tout son mobilier ( 1010 C. civ.).
        • À l’examen, la jurisprudence ne distingue pas selon que l’usufruitier est légataire universel ou légataire à titre universel
        • Dans les deux cas, les juridictions font application de l’article 1005 du Code civil.
        • En application de cette disposition le légataire universel aura la jouissance des biens compris dans le testament, à compter du jour du décès, si la demande en délivrance a été faite dans l’année, depuis cette époque
        • À défaut, précise le texte, cette jouissance ne commencera que du jour de la demande formée en justice, ou du jour que la délivrance aurait été volontairement consentie.
        • Dans un arrêt du 6 décembre 2005 la cour de cassation est venue préciser que « le conjoint survivant, investi de la saisine sur l’universalité de l’hérédité, a, dès le jour du décès et quelle que soit l’étendue de la vocation conférée par le legs qui lui a été consenti, la jouissance de tous les biens composant la succession, laquelle est exclusive de toute indemnité d’occupation» ( 6 déc. 2005, n°03-10211).
        • Il ressort de cette disposition que lorsque l’usufruitier cumule les qualités de légataire universel ou à titre universel et d’héritier son droit s’ouvre, en tout état de cause, au jour du décès du de cujus.
      • L’usufruit consenti à un légataire à titre particulier
        • Tout d’abord, le légataire à titre particulier est celui qui se voit léguer par le testateur un ou plusieurs biens individualisés
        • Dans cette hypothèse pour déterminer la date d’ouverture du droit de l’usufruitier à percevoir les fruits, il convient de se reporter à l’article 1014, al. 2e du Code civil.
        • Cette disposition prévoit que « le légataire particulier ne pourra se mettre en possession de la chose léguée, ni en prétendre les fruits ou intérêts, qu’à compter du jour de sa demande en délivrance, formée suivant l’ordre établi par l’article 1011, ou du jour auquel cette délivrance lui aurait été volontairement consentie. »
        • Il en résulte que le légataire à titre universel devra attendre la délivrance de la chose par les héritiers saisis pour percevoir les fruits.

==> Les modes d’acquisition des fruits

Les règles qui régissent l’acquisition des fruits diffèrent selon qu’il s’agit de fruits naturels, de fruits industriels ou encore de fruits civils.

  • Les fruits naturels
    • L’article 583, al. 1er du Code civil prévoit que « les fruits naturels sont ceux qui sont le produit spontané de la terre. Le produit et le croît des animaux sont aussi des fruits naturels. »
    • Il s’agit autrement dit des fruits produits par la chose spontanément sans le travail de l’homme
    • Exemple : les champignons des prés, les fruits des arbres sauvages
    • S’agissant de leur perception, elle procède de leur séparation du sol.
    • Ainsi, l’article 585, al. 1er du Code civil prévoit que les fruits naturels pendants par branches ou par racines au moment où l’usufruit est ouvert, appartiennent à l’usufruitier.
    • Encore faut-il néanmoins que l’usufruitier se donne la peine de les récolter.
    • L’alinéa 2e de l’article 585 précise, en effet, que les fruits « qui sont dans le même état au moment où finit l’usufruit appartiennent au propriétaire, sans récompense de part ni d’autre des labours et des semences, mais aussi sans préjudice de la portion des fruits qui pourrait être acquise au métayer, s’il en existait un au commencement ou à la cessation de l’usufruit. »
    • Ainsi les fruits qui n’auraient pas été perçus par l’usufruitier lorsque l’usufruit vient à expirer deviennent la propriété du propriétaire, ce, quand bien même le coût de la cultivation a été entièrement supporté par l’usufruitier.
    • Ce dernier ne peut réclamer ni la restitution du produit de la vente, ni indemnisation
  • Les fruits industriels
    • L’article 583, al. 2e prévoit que « les fruits industriels d’un fonds sont ceux qu’on obtient par la culture. »
    • Il s’agit donc des fruits dont la production procède directement du travail de l’homme.
    • Exemple: les récoltes sur champs, les coupes de bois taillis, bénéfices réalisés par une entreprise
    • À l’instar des fruits naturels, les fruits industriels s’acquièrent par la perception, soit par leur séparation de la chose productrice ( 585 C. civ.)
  • Les fruits civils
    • L’article 584 al. 1er prévoit que « les fruits civils sont les loyers des maisons, les intérêts des sommes exigibles, les arrérages des rentes. »
    • L’alinéa 2 précise que « les prix des baux à ferme sont aussi rangés dans la classe des fruits civils. »
    • Il s’agit donc des revenus périodiques en argent dus par les tiers auxquels la jouissance de la chose a été concédée
    • Exemple: les loyers d’un immeuble donné à bail ou encore les intérêts d’une somme argent prêtée
    • S’agissant de leur perception, l’article 586 du Code civil prévoit que « les fruits civils sont réputés s’acquérir jour par jour et appartiennent à l’usufruitier à proportion de la durée de son usufruit. Cette règle s’applique aux prix des baux à ferme comme aux loyers des maisons et autres fruits civils. »
    • Il ressort de cette disposition que les fruits civils sont répartis, pour les années d’ouverture et d’expiration du droit d’usufruit entre l’usufruitier et le nu-propriétaire au prorata temporis.
    • Peu importe donc la date de la perception ; ce qui importe c’est la prise d’effet et d’extinction du droit.
    • Le calcul s’opérera sur la base d’une année de 365 jours, étant précisé que, l’usufruitier a droit aux fruits civils proportionnellement à la durée réelle de sa jouissance.
    • Pour exemple, si l’usufruit expire au 1er juillet, l’usufruitier percevra la moitié des loyers annuels et le nu-propriétaire l’autre moitié.
    • Si, en revanche, l’usufruit expire au 4 mars, l’usufruitier percevra les loyers dus pour les mois de janvier et février auxquels s’ajoutera le montant du loyer correspondant à 4 jours de jouissance.

La clause d’inaliénabilité d’un bien: régime juridique

Le droit de disposer d’un bien l’autorise-t-il le propriétaire à insérer dans un acte translatif de propriété une clause interdisant à l’acquéreur d’aliéner le bien ?

Si une telle clause se justifie difficilement en cas d’acte à titre onéreux, quid lorsque le propriétaire accomplit un acte à titre gratuit, tel un testament ou une donation ?

Pendant longtemps, le Code civil  est resté silencieux sur cette question, ce type de clause n’ayant pas été envisagée par ses rédacteurs.

Aussi, est-ce à la jurisprudence qu’est revenue la tâche de se positionner sur la validité des clauses d’inaliénabilité stipulées dans un testament ou une donation.

==> Évolution jurisprudentielle

Dans un premier temps, la jurisprudence a prohibé les clauses d’inaliénabilité perpétuelle, qu’elle considérait comme contraires à l’ordre public, car portant entrave à la circulation des biens et à leur libre disposition par le propriétaire (V. en ce sens Cass. 6 juin 1853 — D. 1853).

Les auteurs justifiaient cette position en interprétant les articles 537, 544 et 1598 du Code civil comme admettant les clauses d’inaliénabilité que dans les cas expressément prévus par la loi.

Dans un second temps, la Cour de cassation a considérablement assoupli sa position. Dans un arrêt du 20 avril 1858, elle a ainsi jugé que « cette interdiction temporaire, imposée dans l’intérêt du père donateur, ne peut être assimilée à une interdiction d’aliéner absolue et indéfinie qui aurait pour résultat de mettre les biens hors de circulation » (Cass. civ., 20 avr. 1858).

Cass. civ., 20 avr. 1858
LA COUR,

Ouï M. le conseiller Laborie, en son rapport; Maître Petit, avocat du demandeur, en ses observations, et M. l'avocat général Sévin, en ses conclusions ; le tout à l'audience publique, après en avoir immédiatement délibéré ;

Vu l'article 900 du X... Napoléon ;

Attendu que la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ; qu'aucune loi ne défend au père de famille, qui fait donation de ses biens à ses enfants, de s'en réserver l'usufruit, et, soit dans l'intérêt de son droit comme usufruitier, soit pour assurer l'exercice du droit de retour qui peut un jour lui appartenir, d'imposer à ses enfants la condition de ne pas aliéner ou hypothéquer de son vivant les biens donnés ; que cette interdiction temporaire, imposée dans l'intérêt du père donateur, ne peut être assimilée à une interdiction d'aliéner, absolue et indéfinie, qui aurait pour résultat de mettre pendant un long temps les biens hors de la circulation ; qu'en déclarant valable l'hypothèque consentie par la femme de Pons à Z..., par le motif unique que la condition imposée par le père donateur à ladite femme de Pons était nulle comme contraire aux lois, l'arrêt dénoncé a faussement appliqué et, par suite, formellement violé la disposition ci-dessus visée :

Par ces motifs, donnant défaut contre les défendeurs, CASSE, Ainsi jugé et prononcé, Chambre civile.

Il ressort de cet arrêt que les clauses d’inaliénabilité sont admises dès lorsque deux critères sont remplis : la limitation dans le temps de l’inaliénabilité du bien et la justification d’un intérêt sérieux et légitime.

==> Consécration légale

Alors même que la jurisprudence était constante s’agissant des critères de validité des clauses d’inaliénabilité, il est apparu nécessaire au législateur d’intervenir aux fins de les graver dans le marbre de la loi.

Ainsi, à partir des deux critères posés par la jurisprudence le législateur est-il venu entériner, par la loi du 3 juillet 1971, les solutions adoptées en insérant dans le Code civil un article 900-1.

Cette disposition prévoit que « les clauses d’inaliénabilité affectant un bien donné ou légué ne sont valables que si elles sont temporaires et justifiées par un intérêt sérieux et légitime.

La validité des clauses d’inaliénabilité est donc soumise à deux conditions :

  • S’agissant de la limitation dans le temps de l’inaliénabilité
    • Lorsqu’une clause d’inaliénabilité est stipulée dans un testament ou une donation, elle ne peut donc produire que des effets temporaires.
    • La perpétuité d’une telle clause serait, en effet, de nature à entraver la libre circulation des biens.
    • Aussi, l’interdiction d’aliéner doit être limitée dans le temps.
    • La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par temporaire
    • Il a été jugé que la clause rendant inaliénable un bien durant toute la vie du donateur était temporaire.
    • À l’inverse, une clause stipulant une inaliénabilité du bien pour toute la vie du donataire n’est pas temporaire (V. en ce sens 1ère civ. 8 janv. 2002)
  • S’agissant de la justification d’un intérêt sérieux et légitime
    • L’article 900-1 du Code civil admet la validité des clauses d’inaliénabilité à la condition qu’elles soient justifiées par un intérêt sérieux et légitime.
    • Selon l’expression du Doyen Carbonnier, la jurisprudence a parfois admis la prise en considération de ce que l’on peut qualifier d’intérêt de confort.
    • Pour exemple, l’intérêt pour un usufruitier ou le titulaire d’un droit d’usage ou d’habitation de conserver comme nu-propriétaire son fils plutôt qu’un étranger.
    • À l’examen, cet intérêt exigé par l’article 900-1 du Code civil peut être soit celui du disposant, soit celui du bénéficiaire, soit celui d’un tiers.
      • Dans le cas du disposant, on conçoit aisément qu’il ait intérêt à stipuler une clause d’inaliénabilité lui permettant, en cas de prédécès du donataire, d’exercer son droit de retour légal, ce droit ne pouvant être exercé que si les biens se retrouvent en nature dans la succession ( civ. 22 juillet 1896).
      • Dans le cas du bénéficiaire, la clause d’inaliénabilité aura pour objet de le protéger contre son inexpérience ou sa prodigalité ( civ. 16 janvier 1923) .
      • Dans le cas du tiers, il peut avoir un intérêt à ce qu’un bien demeure dans le patrimoine du bénéficiaire : c’est le cas, par exemple, lorsque ce dernier est tenu à verser à une tierce personne une rente prélevée sur les revenus dudit bien ( civ. 16 mars 1903)
    • Il peut être observé que, dans l’hypothèse où l’intérêt disparaît, l’article 900-1 du Code civil prévoit que « le donataire ou le légataire peut être judiciairement autorisé à disposer du bien si l’intérêt qui avait justifié la clause a disparu ou s’il advient qu’un intérêt plus important l’exige. »

==> L’exception des personnes morales

L’alinéa 2 de l’article 900-1 dispose que « les dispositions du présent article ne préjudicient pas aux libéralités consenties à des personnes morales ou mêmes à des personnes physiques à charge de constituer des personnes morales. »

Ainsi si les conditions restrictives de stipulation d’une clause d’inaliénabilité ne sont pas applicables aux personnes morales où aux personnes physiques qui supportent l’obligation de constituer une personne morale.

Cela signifie donc qu’une clause d’inaliénabilité qui présenterait un caractère perpétuel est pleinement valide.

Cette exception au principe posé à l’article 900-1, al. 1er du Code civil était déjà admise par la jurisprudence antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 3 juillet 1971.

La Chambre civile de la Cour de cassation avait de la sorte admis la validité d’une clause par laquelle le disposant affectait tout ou partie de ses biens à l’établissement d’une fondation présentant un caractère d’utilité générale, en l’occurrence un hôpital communal dont les frais d’entretien seraient assurés par le revenu de fermes déclarées inaliénables (Cass. civ. 1 . 19 oct. 1965).

Aussi, conformément aux termes de l’article 900-1 du Code civil seules les clauses d’inaliénabilité affectant des biens donnés ou légués à der personnes physiques sont assujetties à l’existence de limitation dans le temps.

==> Extension aux contrats à titre onéreux

Alors que l’article 900-1 du Code civil envisage les clauses d’inaliénabilité pour les seules libéralités, la jurisprudence a admis qu’elles puissent être stipulées dans un contrat à titre onéreux.

Dans un arrêt du 31 octobre 2007, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « dès lors qu’elle est limitée dans le temps et qu’elle est justifiée par un intérêt sérieux et légitime, une clause d’inaliénabilité peut être stipulée dans un acte à titre onéreux » (Cass. 1ère civ. 31 oct. 2007, n°05-14238).

==> Effets de la clause d’inaliénabilité

La stipulation d’une clause d’inaliénabilité produit plusieurs effets. En effet, elle fait obstacle :

  • D’une part, à l’aliénation du bien
  • D’autre part, à la constitution de sûretés réelles sur le bien, telles qu’une hypothèque, un gage ou encore un nantissement
  • Enfin, à la saisie du bien qui est alors isolé du patrimoine du gratifié (V. en ce sens req., 27 juill. 1863).

==> Sanction de la violation de la clause d’inaliénabilité

En cas de violation de la clause d’inaliénabilité, deux sanctions sont encourues par le gratifié :

  • La révocation de la libéralité pour ingratitude
    • En matière de donation entre vifs, l’article 953 du Code civil prévoit que la donation peut être révoquée « pour cause d’inexécution des conditions sous lesquelles elle aura été faite.»
    • La stipulation d’une clause d’inaliénabilité s’analysant sans aucun doute en une condition d’exécution de la libéralité, la violation de la clause tombe sous le coup de la sanction énoncée par le texte : la révocation
    • La jurisprudence exige néanmoins que l’inexécution reprochée au donataire présente une particulière gravité.
    • Il est encore exigé que la stipulation de la clause ait été la cause impulsive et déterminante de la libéralité.
  • La nullité de la clause d’inaliénabilité
    • Très tôt la jurisprudence a amis que la violation de la clause d’inaliénabilité puisse être sanctionnée par la nullité, ce qui emporte réintégration du bien dans le patrimoine de l’auteur de la libéralité (V. en ce sens req., 9 mars 1868)
    • La nullité est ici relative, de sorte qu’elle ne peut être invoquée que par la personne dans l’intérêt de laquelle la clause a été stipulée, ce qui pourra varier selon les circonstances.

==> La mainlevée de la clause d’inaliénabilité

L’article 900-1 « le donataire ou le légataire peut être judiciairement autorisé à disposer du bien si l’intérêt qui avait justifié la clause a disparu ou s’il advient qu’un intérêt plus important l’exige. »

Il ressort de cette disposition que le bénéficiaire peut être autorisé à solliciter en justice la mainlevée de la clause d’inaliénabilité.

Pour ce faire, il lui faudra remplir deux conditions :

  • Première condition : obtention de l’autorisation du juge
    • Ainsi que le prévoit l’article 900-1 du Code civil, la mainlevée de la clause d’inaliénabilité ne peut être prononcée que par un juge
    • La juridiction compétence sera toujours le juge judiciaire, y compris dans les cas où le bénéficiaire de la libéralité est une personne de droit public (
  • Seconde condition : disparition de l’intérêt qui avait justifié la cause ou survenance d’un intérêt plus important
    • L’article 900-1 du Code civil conditionne la possibilité de solliciter la mainlevée de la clause d’inaliénabilité :
      • Soit à la disparition de l’intérêt qui avait justifié la clause
        • Dans cette hypothèse, la cause qui avait justifié la stipulation de la clause d’inaliénabilité a disparu, de sorte qu’elle est devenue sans objet ou n’est plus actuel
        • Tel est le cas par exemple, lorsque le bien a été donné à une personne aux fins qu’elle réalise un projet particulier et que sa réalisation devient impossible
      • Soit à la survenance d’un intérêt plus important
        • Dans cette hypothèse, l’objectif recherché est d’éviter que la clause d’inaliénabilité puisse avoir des conséquences particulièrement préjudiciables pour le bénéficiaire de la libéralité
        • Aussi, est-il permis au donataire ou légataire, personne physique, de se faire autoriser par le tribunal à disposer du bien s’il advient qu’un intérêt supérieur l’exige : notamment si le propriétaire ne peut plus entretenir le bien, ou s’il a impérieusement besoin de l’aliéner ou de l’hypothéquer, par exemple pour assurer le logement de sa famille et l’éducation de ses enfants, ou encore pour payer des droits de succession.
    • Il peut être observé que dans un arrêt du 23 janvier 2008, la Cour de cassation a exclu la possibilité pour les personnes morales bénéficiaires d’une libéralité de solliciter auprès du juge la mainlevée de clause d’inaliénabilité (V. en ce sens 1ère civ. 23 janv. 2008, n° 16-16120).
    • L’alinéa 1er in fine de l’article 900-1 du Code civil ne peut ainsi être invoqué que par les personnes physiques bénéficiaires d’une libéralité

Cass. 1ère civ. 23 janv. 2008
Attendu qu'aux termes de ce texte les dispositions du présent article ne préjudicient pas aux libéralités consenties à des personnes morales ou même à des personnes physiques à charge de constituer des personnes morales ;

Attendu que pour débouter M. X... de sa demande tendant à l'annulation des constitutions d'hypothèques et des quatre ventes immobilières intervenues du chef de l'association entre 1995 et 1999, le premier arrêt retient que celles-ci avaient permis à l'association de continuer à fonctionner et qu'elles correspondaient à un intérêt plus important que celui pour lequel la clause d'inaliénabilité avait été prévue ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par refus d'application, le texte susvisé ;

==> La prohibition des clauses pénales

Lors de l’adoption de la loi du 3 juillet 1971, s’est posée la question de la validité des clauses pénales  par lesquelles un disposant priverait d’une libéralité celui qui attaquerait la validité de tout ou partie de celle-ci.

Manifestement la stipulation d’une telle clause serait de nature à dissuader le bénéficiaire de la libéralité de contester sa validité devant le juge car, s’il triomphe en faisant reconnaître par le juge l’illicéité de la clause d’inaliénabilité, il risque de perdre le bien ayant fait l’objet de la stipulation.

C’est la raison pour laquelle, afin de neutraliser toute velléité de contournement de la loi, a été inséré dans le Code civil un article 900-8 qui prévoit que « est réputée non écrite toute clause par laquelle le disposant prive de la libéralité celui qui mettrait en cause la validité d’une clause d’inaliénabilité ou demanderait l’autorisation d’aliéner ».

Détention précaire et acte de pure faculté ou de simple tolérance

Lorsque le pouvoir de fait exercé sur la chose ne correspond ni à une situation de possession, ni à une situation de détention précaire, on dit de l’agent qu’il est « occupant sans droit, ni titre ».

Tout au plus, lorsque l’emprise matérielle que l’occupant exerce sur le bien est consentie par le propriétaire, elle correspond à ce que l’on appelle un acte de pure faculté ou de simple tolérance.

L’acte de pure faculté ou de simple tolérance peut se définir comme la détention d’un bien  avec la permission tacite ou expresse du propriétaire.

À la différence de la détention précaire qui repose sur un titre, la détention résulte ici de la seule volonté du propriétaire de la chose.

Cette situation se rencontre notamment en matière de servitude qui est une charge établie sur un immeuble pour l’usage et l’utilité d’un fonds voisin appartenant à un autre propriétaire.

Il s’agit d’un démembrement de la propriété de l’immeuble que la servitude grève et d’un droit accessoire de la propriété du fonds auquel elle bénéficie. Comme un droit réel, la servitude peut parfois être acquise par prescription. Pour ce faire, elle doit faire l’objet d’une possession pendant une certaine durée.

Toutefois, ainsi que le prévoit l’article 2262 du Code civil « les actes de pure faculté et ceux de simple tolérance ne peuvent fonder ni possession ni prescription. »

Ainsi, lorsque la détention ne résulte pas d’un titre et que le détenteur n’a pas la volonté de se comporter comme le véritable propriétaire de la chose, elle ne produit aucun effet.

Cette règle a, par exemple, trouvé à s’appliquer dans un arrêt rendu par la Cour de cassation en date du 6 mai 2014. La troisième chambre civile a, en effet, validé la décision d’une Cour d’appel qui avait retenu « qu’un acte de pure faculté de simple tolérance ne pouvait fonder ni possession ni prescription » (Cass. 3e civ. 6 mai 2014, n°13-16790).

Dès lors, le fait pour le propriétaire d’un champ d’autoriser un voisin à faire paître son troupeau d’animaux sur ce champ ne fait pas du voisin le possesseur d’une servitude de passage et de pâturage.

Pareillement, le simple passage à pied sur le terrain d’autrui, toléré par le propriétaire, ne suffit pas à constituer possession, faute d’élément intentionnel.

Au fond, l’acte de pure faculté ou de simple tolérance consiste en l’exercice normal du droit de propriété qui, n’empiétant pas sur le fonds d’autrui, ne constitue pas un acte de possession capable de faire acquérir, par usucapion, un droit sur ce fonds.

Cet acte de pure faculté ou de simple tolérance est admis, soit parce que le propriétaire du fonds l’a expressément autorisé, soit parce qu’il y consent tacitement par souci d’amitié, de bon voisinage, d’obligeance ou encore altruisme.

==> Au bilan, les différents cas dans lesquels est susceptible de se trouver celui qui exerce un pouvoir de fait ou de droit sur la chose correspondent à quatre situations :

 

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